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Le film de propagande LGBT « PRIDE » de Matthew Warchus arrive dans des lycées français : bonne ou mauvaise nouvelle ?


 
 

a) Réagir sans sur-réagir :

Je viens d’apprendre à l’instant par une mère de famille que le lycée privé (…de foi) de son fils va rendre obligatoire en classe le visionnage du film « Pride » (2014) de Matthew Warchus (qui vient de sortir au cinéma en France depuis le 17 septembre 2014). Je l’ai vu en avant-première il y a deux semaines. À la base, je ne comptais pas en faire une critique (j’ai juste fait le relevé des codes de mon Dico que j’y identifiais). Mais là, le contexte m’y oblige. On ne peut pas laisser faire ça.

 

(Vous comprenez maintenant à quoi ça sert que j’aille voir mes films de merde ? ;-))

 
pride affiche
 

Alors bien sûr, je vais éviter de faire un article trop long (parce que déjà, je n’ai pas trop le temps ; et puis parce que l’idée, c’est de ne pas vous embrouiller avec trop d’infos). Je vais aussi éviter de la jouer dans l’alarmisme disproportionné à la Civitas quand le film « Tomboy » s’était aussi retrouvé au programme de certaines sorties scolaires (une de mes nièces, en Touraine, avait eu droit à voir « Tomboy » au cinéma : ma sœur et mon beau-frère s’étaient faits, comme tous les autres parents, prendre en otage). Ma mise en garde sera donc concise, pas alarmiste, mais va quand même essayer d’aller droit au but.

 

Tout d’abord, je commencerai par dire que si ces films de propagande LGBT (car c’est vraiment le mot : ce sont des films de propagande, avec une idéologie bien précise qui est diffusée, à savoir « l’ouverture à toutes les différences sauf à la différence des sexes et à la différence Créateur/créatures ») parviennent à franchir le comité de censure d’établissements scolaires même catholiques, c’est – ça tombe sous le sens – que déjà, ils ne sont ni horribles, ni traumatisants, ni choquants à première vue (ce ne sont pas tous des « Vie d’Adèle », avec 4-5 scènes de « pur » sexe dedans…). Pas besoin, par conséquent, de perdre son calme et de se gendarmer outre mesure. L’opposition ferme et argumentée, l’humour et le dialogue, devraient largement suffire à éteindre ces petits incendies que sont ces intrusions cinématographiques dans le milieu scolaire et qui n’en sont pas moins anodines. Si ces films plaisent à une équipe pédagogique ou à un proviseur, c’est évidemment que leurs messages sont pleins de bons sentiments, que les images, la musique et les histoires d’amitié qu’ils racontent sont un minimum belles et travaillées. Même si je ne les conseille absolument pas à un public jeune (sauf s’ils sont accompagnés de la légende qui va avec, ou de l’étiquette « films de propagande LGBT » qu’ils méritent), même si j’en décèle les nombreuses impostures, ça ne m’empêche pas de continuer à les trouver touchants, parfois captivants, et en général très bien faits (il ne faut pas non plus diaboliser les choses, ni prendre les profs pour des cons ou des gens inconséquents : certains, en proposant ces films, veulent bien faire). Un film de propagande ne peut pas être totalement de mauvaise qualité, car il doit au moins user de formes et de bonnes intentions qui font oublier aux spectateurs qu’il est un film de propagande. Ce que je veux dire par là, c’est que même si la démarche pédagogique ne se justifie pas, elle s’explique parfois très bien et a des sincérités que le film LGBT actuel, autrement plus vraisemblable et sensible que « La Cage aux folles », aide objectivement à porter. On ne peut pas le nier.

 

Alors si on cherche bien, qu’est-ce qui peut bien motiver une équipe de profs à amener des élèves voir un film comme « Pride » ? Je doute que ce soit pour en faire une étude critique avec mon Dictionnaire en main, auquel cas la démarche pourrait à la rigueur être géniale ^^ (… car un film pareil, s’il est décrypté correctement, aide au développement du sens critique des élèves et à l’identification des techniques de lavage de cerveaux et de propagande développées par de nombreux systèmes totalitaires d’hier et d’aujourd’hui). Mais à moins d’un miracle ou d’interroger l’initiateur du projet, je ne me fais pas trop d’illusions. Je pense que l’objectif d’un prof qui a trouvé ce film beau et touchant, et qui veut le faire voir à ses élèves de lycée, c’est tout simplement : le souci de faire connaître une page de l’histoire de l’Angleterre des années 1980 sous Margaret Thatcher (« objectif culturel » : gros LOL), le souci de donner aux élèves le goût de l’engagement politique et des actions de solidarité, le souci de proposer un film drôle, bon enfant, original, convivial, un poil « subversif » dans sa thématique, le souci de la transmission de « valeurs » telles que le respect, l’ouverture, la tolérance, l’égalité, la solidarité, l’accueil des différences, la diversité… tous ces concepts humanistes qui sont merveilleux s’ils sont connectés au Réel (c’est-à-dire à la différence des sexes et la différence Créateur/créatures) et qui deviennent de la grosse merde idéologique et même tyrannique de la pensée unique libérale libertaire dès que la différence des sexes et Dieu sont virés des messages… ce qui est exactement le cas du film « Pride » !
 
 

b) Message de fond du film : « La différence des sexes peut être expulsée en identité et en Amour : c’est pas grave »

Voyons voir d’un peu plus près pourquoi « Pride » rentre tout-à-fait dans la catégorie des « œuvres culturelles de propagande ».
 
 

En gros, le message de ce film,
 

1 – c’est de montrer que l’éjection de la différence des sexes (la différence qui nous a fait naître, celle qui nous aide à nous aimer nous-mêmes tels que nous sommes et à aimer vraiment les autres, à nous donner pleinement à eux) est banale et merveilleuse à la fois (ce qui est faux et violent : sans la différence des sexes, nous ne sommes plus humains, nous n’existons pas, et nous aimons moins)
 

2 – c’est de montrer que l’homosexualité et l’hétérosexualité sont de vraies identités (ce qui est également faux et anti-Droits de l’Homme : nous sommes homme ou femme, et Enfants de Dieu, point barre ; nous ne sommes pas que des animaux et nous ne pouvons pas être définis uniquement par notre orientation sexuelle du moment – aussi durable et fixée soit-elle parfois -, par nos pulsions ou nos fantasmes sexuels ou nos sentiments ou les personnes qui nous attirent sexuellement ou notre pratique génitale ; en clair, nous ne sommes pas des bites ni des vagins sur pattes ! Les personnes homosexuelles existent, parfois de manière transitoire, et « les » homos ainsi que « les » hétéros, ça n’existe pas !)
 

3 – c’est de montrer que l’« amour » homosexuel est possible, extraordinaire et équivalent à l’amour entre l’homme et la femme (ce qui est également faux : l’amour vrai, c’est l’accueil de la différence des sexes, qu’on soit marié ou célibataire consacré). Dans le film « Pride », d’ailleurs, quasiment tous les personnages présentés comme « hétéros » finissent par faire leur coming out homo ! Même parmi les papys et les mamies ! C’est vraiment un film pro-homosexualité et pro-hétérosexualité… mais qui en revanche laisse de côté l’amour entre l’homme et la femme… d’où sa gravité).

 
 

Ce message filmique global reposant sur la discrimination de la différence des sexes est objectivement violent. Mais cette violence, diffuse à plein d’endroits dans le film (j’y reviendrai plus en détail tout de suite après), n’est pas flagrante car d’autres différences moins fondatrices que la différence des sexes sont chantées et sont censées la faire oublier : je pense d’une part à la différence des espaces (illustrée dans le film par la rencontre émouvante et exotique du milieu ouvrier et du milieu homo que tout semble opposer, illustrée par le mélange improbable entre le monde citadin londonien et le monde provincial gallois, illustrée par la description de l’engagement politique et associatif des personnages, illustrée par de nombreux actes de solidarité concrets, illustrée par le rappel d’événements dramatiques comme l’arrivée du Sida ou le rejet homophobe des parents, qui forcément touchent notre corde sensible, etc.) ; je pense également à la différence des générations (illustrée dans le film par la vie des familles et les réconciliations/conflits qui s’y vivent, par le melting pot amusant entre les jeunes et les vieux retraités, etc.) ; je pense enfin un peu à la différence des sexes (car même si elle n’est pas célébrée dans la conjugalité femme-homme ni dans le célibat consacré – voire elle est carrément rejetée dans l’homosexualité et partiellement rejetée dans la bisexualité hétérosexuelle -, elle reste quand même un peu défendue par la célébration d’amitiés touchantes tout au long du film). Ceci étant dit, qui s’attaque à la différence des sexes finit aussi par s’attaquer à la différence des espaces et à la différence des générations à un moment ou un autre, vu que les 3 composent le même Réel. Donc nous allons voir maintenant comme ces exclusions des différences fondatrices de l’humain, faites paradoxalement au nom de l’accueil des différences, se traduisent concrètement dans le film « Pride ».
 
 

c) Comment se traduit concrètement l’expulsion de la différence des sexes dans ce film ?

Je souligne pour commencer un détail très important : qu’en dépit des apparences et de ses intentions, « Pride » n’est pas un film sur l’homosexualité, et encore moins sur la vie de couple homo (qu’on ne voit jamais, d’ailleurs). Il est tout au plus un film sur le coming out, c’est-à-dire l’annonce et les débuts de la visibilité sociale de l’étiquette identitaire et amoureuse « l’homosexuel »… et a fortiori ce coming out est à peine filmé, ou alors il est filmé de manière très manichéenne et victimisante. « Pride » n’affronte jamais la problématique de l’homosexualité concrètement, sur la durée et en termes de pratique amoureuse. Il est juste un portrait des soubresauts de l’attrait homo-érotique qui peut exister à l’adolescence, de l’excitation des débuts du militantisme LGBT et de la découverte de l’engagement politique pour une cause qui commence à faire la Une des médias parce qu’elle bénéficie de la compassion mondiale pour le dommageable Sida. C’est important de le garder en tête : « Pride » a totalement aplati, déproblématisé l’homosexualité. Par exemple, les histoires d’« amour » homo dans le film sont zappées (on comprend que Joe, le jeune « Rastignac » de l’histoire, a été dépucelé par un mec le soir du bal, mais on n’en saura pas plus ; on comprend que Mark, le leader de l’asso LGBT, est un coureur de pantalons qui n’arrive pas à construire une relation et qui enchaîne les mecs au point d’attraper le Sida ; on voit que la vie et l’entente de l’unique « couple » homo du film, formé par Geth le libraire et par Jonathan, ne sont pas du tout filmées ; dans ce film, l’amour homo est réduit à une expérience ponctuelle en état d’ébriété, comme on en a l’illustration avec la femme d’Alan qui vire sa cuti avec Stephany, un soir d’ivresse, juste pour « vivre cette expérience sensuelle inédite »). Donc les profs qui voudraient, par le biais du visionnage de ce film, encourager leurs élèves à connaître l’homosexualité, déculpabiliser des jeunes qui se cherchent sexuellement, favoriser des « coming out », une meilleure acceptation des personnes homosexuelles, et permettre une plus grande ouverture d’esprit à leur classe, se fouteraient le doigt dans l’œil bien profond : ce film ne parle absolument pas d’homosexualité. Il extériorise le thème d’une part sur le contexte géopolitique dramatisé de grèves ouvrières des années 1980 (= la fermeture d’une mine de charbon au Pays de Galles), sur fond de lutte des classes et de lutte contre la pauvreté (en filigrane est dénoncée la soi-disant « dictature » anti-pauvres et « homophobe » de Margaret Thatcher, femme politique qui est textuellement traitée de « salope » dans le film) ; d’autre part, il extériorise et travestit le problème de l’homosexualité sur l’amitié (comme si amour et amitié pouvaient être mises exactement sur le même plan…) ou sur la famille (comme si la famille et l’« amour » homo étaient la même chose : il y a énormément d’incestuel dans ce film, même si le réalisateur Matthew Warshus serait estomaqué de l’apprendre).

 

Cette tentative de mélange des genres de relations humaines (amour-amitié, amour-famille, amour-solidarité) n’a pour but que de nous embrouiller l’esprit par un chantage aux sentiments. Ni plus ni moins. Dans la tête du spectateur, il se voit mal dénoncer les incohérences du scénario, ou la violence de l’homosexualité, puisque celle-ci est enrobée de camaraderie, de multiculturalité, de solidarité, de combat contre le « fascisme » thatchérien, de violons, de trompettes, de fous rires, de larmes (face à ce qui nous est présenté comme de « terribles injustices »), de couleurs arc-en-ciel, de rebondissements supposément spectaculaires (les prises de parole des héros homos ou hétéros sont soit totalement catastrophiques, soit d’immenses succès nourris d’applaudissements dithyrambiques : super réaliste, on y croit…),.
 

 

Mais réveillons-nous. « Pride » fait passer les militants homosexuels pour des héros super courageux… alors que concrètement, le milieu homosexuel de cette époque était déjà un baisodrome, et que ces militants ont instrumentalisé la misère des mineurs gallois pour se victimiser eux-mêmes et pour donner à la lutte pour les droits LGBT une teinte révolutionnaire, solidaire, universelle, qui aurait occulté les conséquences de leur propre pratique amoureuse. Tout le film « Pride » repose sur une falsification historique. Je n’ai jamais vu un tel succès et une telle euphorie pour le discours homosexuel dans le monde ouvrier réel, et encore moins dans le monde homosexuel réel. Je n’ai jamais vu une telle camaraderie dans le milieu associatif LGBT (l’amitié a très peu de place dans les cercles relationnels homos puisqu’elle est très vite sclérosée par la drague). Je n’ai jamais vu d’amours solides et joyeuses dans l’homosexualité. Je n’ai jamais vu le milieu ouvrier célébrer l’homosexualité comme dans « Pride » (plutôt le contraire !). Je n’ai jamais vu de bals hétéros-homos ni de Gay Pride finir en triomphe et grandes pompes comme c’est montré dans le film. Et pourtant, croyez-moi, ce n’est pas faute d’avoir assisté à bon nombre de Gay Pride, de m’être engagé dans bon nombre d’associations LGBT. Ce film est un tissu de mensonges, de fantasmes concrétisés uniquement sur pellicule, et de falsifications historiques. La réalité du monde homosexuel, ce n’est pas ça, et c’est même beaucoup moins rose. Il y a, je trouve, une violence, dans ce genre de films, à traiter sur le mode de la légèreté humoristique et de l’esthétisme émotionnel euphorique, des réalités qui non seulement ne sont pas poétiques, mais qui en plus sont révoltantes et violentes (la violence des relations homosexuelles, la souffrance et l’insatisfaction qu’elles font vivre, les vols et les viols et les nombreuses atteintes à l’amitié dans le « milieu homo », la brutalité de la drague, les infidélités très nombreuses entre personnes homos, les actes d’homophobie perpétrés exclusivement entre personnes homosexuelles, la perte de joie dans le mode de vie homosexuel, etc. etc.). L’enfer est pavé de bonnes intentions : on le sait déjà, mais je préfère le répéter plus que jamais pour le film « Pride », au cas où certains oublieraient ce que vivent vraiment les personnes homosexuelles, y compris celles qu’on croit heureuses, stables, en couple et « hors milieu ».

 

Derrière la guimauve dégoulinante et imparable que nous sert « Pride » se trouve en réalité l’idéologie sentimentaliste et anti-naturaliste LGBT qui stipule que le corps sexué n’a que peu d’importance, que tous les hommes-pères sont au pire des cons et des bébés lâches au mieux des homos refoulés, que nous serions tous des anges asexués libres d’aimer qui nous voulons à partir du moment où nous obéirions à nos sentiments et à notre ressenti individuel. À travers ce type de films, on nous laisse croire (à tort) que la débauche de sensations – et de leurs mises en scène – va pallier à l’éjection de la différence des sexes, éjection qui reste pourtant objectivement violente puisque la différence des sexes est le socle de notre existence à tous et, si elle est librement accueillie, le roc qui nous permet d’aimer au mieux, pleinement et durablement, et de respecter les amitiés même entre personnes de même sexe.

 

Comme je l’avais déjà expliqué l’été dernier à propos d’un autre film, « Au premier regard » de Daniel Ribeiro (un film similaire à « Pride » quant à sa force de frappe : très mignon, très bien fait, vraisemblable, traitant du lien entre handicap et homosexualité, un petit bijou de propagande qui pourrait d’ailleurs tout à fait faire l’objet idéal d’une sortie scolaire aux yeux d’une équipe pédagogique un peu « gay friendly »), il y a une forme de malhonnêteté intellectuelle à mêler à l’homosexualité des sujets graves comme la pauvreté. Car même si je suis le premier à dire qu’il y a un lien entre ces thématiques, je me bats pour que ce lien-là ne soit ni causalisé, ni défendu, ni idéalisé, ni utilisé pour justifier l’homosexualité sous forme d’identité ou d’amour, car cela reviendrait à justifier la souffrance et le mal. Et ça, éthiquement, ce n’est pas humain ! Y compris si, par cette tentative de victimisation-essentialisation de l’homosexualité, on prétend vouloir le bien des personnes qu’on victimise/transforme en espèce (« les » homos ; « les » hétéros ; « les » mineurs ; « les » victimes ; etc.).

 

Ce qui est très gênant dans « Pride », parce que l’analogie entre les deux me parait totalement abusive, c’est que l’homosexualité est mise sur le même plan que la pauvreté matérielle et sociale des mineurs. Implicitement, Matthew Warchus laisse entendre que l’amour homosexuel serait aussi fort et légitime que la pauvreté (et les tentatives solidaires pour soi-disant l’éradiquer). C’est totalement méconnaître le point de vue des pauvres réels sur l’homosexualité. C’est totalement méconnaître la misère sexuelle qui sévit au sein du « milieu homo », et qui est le reflet de la misère sexuelle vécue en milieu ouvrier ou pauvre.

 

Projeter sur les personnes prolétaires des fantasmes d’hommes homosexuels petits-bourgeois (et qui plus est, des fantasmes inhumains, car rejeter la différence des sexes qui nous a fait tous naître, relève de l’inhumanité angéliste), c’est malhonnête, c’est mal les connaître ELLES, c’est utiliser leur pauvreté à des fins romantico-individualistes, c’est exploiter la fragilité des plus faibles. Cette jalousie maquillée en « solidarité universelle » est très bien illustrée par les propos de Mark, le jeune chef de l’association LGBT du film « Pride » voyant dans un article de journal relatant les répressions policières que subissent les mineurs gallois du pain béni pour redorer le blason de la cause homosexuelle : « Ils s’en prennent à ces pauv’ gars plutôt qu’à nous ! » ; « On a subi les mêmes épreuves que vous. » ; « Je ne sais pas à quoi ça rime de défendre les droits gays, mais je le fais pour les autres. » ; « On écrit l’Histoire. Gays et hétéros ensemble ! » ; « Solidarité pour toujours ! Solidarité pour toujours ! » (sur l’air de « God Saves The Queen »). Sérieusement : ce « Touche pas à mon ouvrier ! » LGBT, on dirait l’agressif et sincère « Touche pas à mon pote ! » de S.O.S. RACISME, le « Touche pas à mon Sidéen ou à mon Homo ! » de S.O.S. Homophobie et du Refuge, le « Touche pas à mon Pape, touche pas à MON homo, touche pas à mon Chrétien d’Irak ! » de Frigide Barjot, le « Touche pas à mon enfant ! » de la Manif Pour Tous. Personnellement, je trouve cela choquant et honteux. Il n’y a qu’un seul personnage dans le film qui se rend compte de cette instrumentalisation, de ce violent « mélange des genres » et de l’arrivisme de ce groupe de 10 militants LGBT venu du jour au lendemain annexer son village gallois à des fins purement idéologiques : c’est Maureen. Et comme par hasard, ce témoin gênant est filmé comme « LA Méchante hétérosexuelle » de l’histoire, la femme frustrée et rigide, mal mariée. Elle est décrédibilisée et homophobisée puisque sa dénonciation est montrée comme un phénomène totalement isolé, minoritaire et arbitraire (or, je doute que, hors des salles de cinéma, ce soit le cas dans le vrai monde réel des travailleurs ; et je peux vous assurer que non seulement cette gêne n’est pas homophobe mais que de surcroît elle est humaine !).

 

Je comprends bien que l’innocence, la simplicité et la fragilité des mineurs (une réalité apparemment subie : d’ailleurs, dans le film, on nous montre que beaucoup de ces travailleurs n’ont pas eu la chance de faire des études… ni des thèses gays friendly féministes LOL… à l’exception de Sian, la « mère-courage » hétéro-gay-friendly qui intègrera une université à la toute fin de l’intrigue) confère du naturel, de l’empathie, de l’émotion, de la tendresse et du courage à l’homosexualité. Or l’homosexualité, on ne sait pas si elle est subie ou non. On ne sait pas si c’est un fait de nature ou de culture. Comme la pauvreté matérielle et culturelle, elle est bien le signe d’une anomalie (une personne ne fuit pas la différence des sexes sans raisons ; et une personne ne devient pas pauvre s’il n’y a pas eu à l’origine une erreur dans la répartition des richesses au sein de l’Humanité). Mais l’homosexualité touche à l’identité sexuée, à la génitalité et à la sexualité bien plus profondément que la précarité des travailleurs, qui eux ne remettent pas en cause la différence des sexes ni la sexualité. Donc moralement et concrètement, c’est difficile de mettre sur le même plan le monde ouvrier et l’homosexualité. La pauvreté possède une innocence (parce que la plupart du temps elle s’impose à la personne qui le porte) que l’homosexualité n’a pas (certaines homosexualités sont des choix, voire des mauvaises actions). L’homosexualité est tout sauf innocente : le rejet de la différence des sexes qu’elle illustre est signe de souffrances et, si celles-ci ne sont pas identifiées, moteur de violences.
 
PRIDE Victimisation
 

Il y a derrière cette analogie compassionnelle entre homosexualité et lutte des classes une volonté de mettre la pratique homosexuelle à l’abri de la responsabilité, de l’analyse, de la liberté, du jugement, et d’entourer l’homosexualité du doux manteau de la solidarité. Car qui, humainement, peut être contre l’existence des pauvres ou en faveur d’un système politique qui les broie ? À travers cette réalité de la misère matérielle et de la relation d’amitié avec la personne pauvre, Matthew Warchus a la malhonnêteté de nourrir deux amalgames fâcheux : d’une part l’amalgame entre l’amitié et l’amour (qui sont pourtant des réalités relationnelles bien distinctes) ou entre la sexualité et la politique, et d’autre part l’amalgame entre la personne et le désir/l’amour/la pratique homosexuels qu’elle peut vivre (or une personne humaine ne se définit par le désir sexuel qu’elle ressent, ni par l’acte sexuel qu’elle pose, ni par le « couple » homosexuel qu’elle composerait).

 

Il n’est pas juste qu’un film comme « Pride » instrumentalise la pureté des nécessiteux ou des vieux syndicalistes, l’empathie face à la fragilité qu’est la précarité matérielle et intellectuelle, pour justifier d’un amour ambigu (= le « couple » homo) qui, contrairement à la pauvreté, n’est pas un fait physique : il n’existe pas de corps homosexuel (alors qu’il existe un misère concrète). L’homosexualité est prioritairement un fait désirant, bien avant de se manifester par une réalité corporelle.

 

Comme les films de blacksplotation (qui n’hésitent pas à marier le Gay Power au Black Power, l’anti-homophobie à l’anti-racisme, pour servir leurs propres intérêts), on peut constater actuellement que certains réalisateurs pro-gays surfent sur la vague victimiaire de la crise économique actuelle pour donner corps à leurs propres fantasmes amoureux.

 

La juxtaposition cinématographique d’un mal et de l’homosexualité est une recette qui marche de plus en plus car elle repose sur un chantage aux sentiments et des réalités humaines douloureuses qu’il est extrêmement difficile de cautionner. Tout comme le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure exploitait la difficulté du coming out pour justifier le « couple » homo, tout comme le film « Les Joies de la famille » (2008) d’Ella Lemhagen exploitait le malheur de l’orphelin pour justifier la « beauté » de l’adoption « homoparentale », tout comme le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald exploitait le malheur de la précarité et du chômage pour dépeindre une idylle amoureuse homosexuelle, tout comme le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears exploitait le malheur de la xénophobie pour justifier la force de l’« amour » homo, tout comme le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes exploitait le malheur du racisme pour justifier la « véracité » de l’« identité homosexuelle », tout comme le films « Love ! Valour ! Compassion ! » (1997) de Joe Mantello exploitait sincèrement le malheur du Sida pour justifier les « couples » homos, tout comme le film « Tom Boy » (2011) de Céline Sciamma exploitait le « malheur » de l’adolescence et de sa soi-disant « cruauté » pour justifier la schizophrénie transidentitaire d’une adolescente, tout comme le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq exploitait le malheur de la stérilité pour justifier la Gestation Pour Autrui (= les mères porteuses), tout comme le téléfilm « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure exploitait le malheur de la guerre pour justifier la force de l’histoire d’« amour » homo, tout comme le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald exploitait le malheur de la vieillesse et de la mort pour prouver la beauté du « couple » homo, tout comme le film « Harvey Milk » (2008) de Gus Van Sant exploitait le malheur de l’homicide et de la folie meurtrière pour justifier le courage du militantisme LGBT, tout comme le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenn Ficarra exploitait le malheur de la prison pour démontrer la puissance de l’amour entre deux hommes, tout comme le film « Week-end » (2011) d’Andrew Haigh exploitait le désespoir amoureux pour justifier la « beauté » des « plans cul », tout comme le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2005) d’Ang Lee exploitait le malheur de l’homophobie intériorisée pour rappeler l’urgence du coming out, le film « Pride » utilise également la misère du monde ouvrier et les maladresses parfois violentes d’un monde hétéro découvrant l’existence des personnes homosexuelles, pour nous faire signer aveuglément le certificat d’« amour » décerné à la relation entre deux personnes de même sexe. Désolé, mais chez moi, ça ne prend pas.

 

La Méchante Maureen Barry

La Méchante Maureen Barry


 

Clou du spectacle et du chantage aux sentiments : Matthew Warchus a mis en place dans son film une méthode très classique pour redorer le blason de l’homosexualité à peu de frais : la composition de la caricature des « hétéros ». C’est une astuce très répandue actuellement : pour neutraliser les critiques sur l’« amour » homosexuel, beaucoup de réalisateurs homosexuels ou gays friendly extériorisent systématiquement les problèmes des « couples » homos sur cette espèce cinématographique odieuse que composent « les hétérosexuels »… Et nous avons de sacrés spécimens de « beaufs hétéros » dans « Pride ». Deux catégories manichéennes, pourrait-on dire : d’un côté les « hétéros qui resteront homophobes à jamais » (genre Maureen, genre les parents de Joe, genre Jason – le frère de Joe -, genre les bourgeois qui tiennent des pancartes « Brûlez en enfers » à la première Gay Pride du début du film, genre Margaret Thatcher, cette « salope », genre les pavés anonymes et insultants brisant la vitrine du local-librairie LGBT, etc.) ; et puis de l’autre côté les « hétéros homophobes repentis… et ‘ouverts’ (puisqu’ils sont en réalité homosexuels ou au moins convertis à la gay friendly attitude) » : je pense par exemple à Carl (le jeune qui roule les mécaniques et qui finira par tendre la main à ses frères étrangers homosexuels), à Sian (la fille à pédés énergique et boulote, qui défendra bec et ongles la cause homo quand elle intègrera l’Université), à Martin (le syndicaliste brutalement gay friendly), à Dai (le père de famille un peu lettré, grand orateur… de cabaret), à Cliff (le vieil hétéro qui finira par révéler son homosexualité après tant d’années de secret et de refoulement), à Hefina (l’hétérote agressivement gay friendly et qui se révèlera lesbienne à la toute fin du film : elle et Cliff sont d’ailleurs mis en avant sur l’affiche de « Pride », alors que, comme par hasard, ce faux couple hétéro – pléonasme – est en réalité composé d’un gay et d’une lesbienne déguisés en hétéros), la mère de Geth (catholique, « homophobe », et qui « s’ouvrira » in extremis à la fin), la vieille mamie Gwen (qui fait sa crise d’ado et son bain de jouvence à 80 balais, et qui joue la miraculée de Lourdes au contact de ses nouvelles amies lesbiennes : « Vous m’avez ouvert les yeux, les filles. » conclura-t-elle, les yeux pleins de larmes, à la fin de l’histoire), l’un des fils homophobes de Maureen-la-Méchante (qui assistera à la Gay Pride londonienne finale). Grâce à ces monstrueux « hétéros homophobes » (mais « vieux cons » si mignons et si touchants quand ils se convertissent à LEURS idées LGBT…), les cinéastes pro-gays font passer les limites et les fragilités des « couples » homos réels pour un processus purement circonstanciel et extérieur : si les unions homosexuelles n’arrivent pas à perdurer et à satisfaire, ce serait uniquement parce que la société ne les encouragerait pas, et qu’elles seraient empêchées par la cruauté gratuite des Hommes (… et surtout des hommes : les mâââles).

 

Quand nous voyons des films traitant de l’homosexualité et choisissant pour toile de fond des événements terribles venant détruire une romance ou une identité homosexuelle présentée comme idyllique, nous avons tous envie de dire à la fin de la projection que la spectaculaire catastrophe ou l’agression extérieure rendent les unions homosexuelles, sinon idéales, du moins justifiables, même si dans les faits, ces films sont bien éloignés de la réalité quotidienne des « couples » homosexuels de chair et d’os. Qui peut essayer de comprendre avec un certain détachement les mécanismes de l’homophobie, après avoir vu un tel carnage d’« amour » construit sur pellicule ? Qui peut paraître humain de remettre en cause une image d’Épinal de l’« amour » homosexuel contrebalancée par une violence visuelle assurément percutante, mais ô combien exagérée ? Difficile, par exemple, de ne pas avoir le cœur brisé en voyant sur les écrans le désarroi du mari de Cathy Whitaker dans le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes, homme qui n’arrive résolument pas à réprimer ses penchants homosexuels malgré toute la bonne volonté du monde, ou de ressortir du visionnage du « Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee en affirmant la bouche en cœur que l’« amour » homosexuel n’est pas réel et merveilleux, même si nous l’avons vu entravé. Qui peut humainement se réjouir de voir dans le film « Pride » de Matthew Warchus la spoliation (pour reprendre les termes de cette chère Arlette Laguillier) des droits des mineurs, la répression policière, la maltraitance des villageois au chômage et crevant de froid en hiver sans chauffage, le rejet d’un adolescent homo par sa famille bourgeoise hétérosexiste ? Personne ! Vraiment personne !

 

Mais, je vous le demande, est-ce que l’Amour ne se manifeste que dans les cas extrêmes où la liberté humaine se rapproche de la nullité ? À travers de tels films, les réalisateurs homosexuels sont plutôt en train d’enfermer l’Amour et l’identité humaine dans un cadre déterministe et fataliste. Ils valident par un regard orienté vers des situations particulièrement dramatiques une vision de l’existence humaine et de l’Amour très négative. Ils énoncent que l’Homme n’est que rarement libre et heureux, et que c’est cela sa vérité d’amour et d’identité. Comment peuvent-ils espérer ensuite que leur défense du désir homosexuel apparaisse aux yeux de la société comme aimante ?

 

Dernière image du film : le délire, les lendemains qui chantent...

Dernière image du film : le délire, les lendemains qui chantent…


 

Il semble paradoxal de prouver l’Amour par son contraire. Face à ce nouveau type de « films choc » (qui, soit dit en passant, dans leur formule, ne s’opposent pas aux comédies sentimentales et enjouées de l’homosexualité), nous sommes pris entre l’extrême compassion et la méfiance de l’émotionnel, si bien travaillé par le cinéma. Au fond, la révolte et l’empathie ne sont que des effets recherchés par ceux qui créent le mythe du couple télégénique homosexuel heureux, ou de l’homosexuel assumé et émancipé post-coming out, pour masquer la réalité d’une union beaucoup moins rose dans les faits. Ils universalisent, en quelque sorte, un méfait opéré sur un personnage télévisuel homosexuel vivant un scénario-catastrophe, pour ensuite justifier leurs utopies personnelles et des revendications concernant la communauté gay très discutables dans la réalité concrète. L’injustice filmée ne laisse pas de marbre, c’est sûr. Mais il y a une sorte de malhonnêteté intellectuelle à traiter de l’homosexualité avec d’autres thèmes qui lui sont liés mais non de manière causale (par exemple la folie meurtrière des camps de concentration, le déferlement incontrôlé de l’homophobie dans certains milieux sociaux culturellement pauvres, une agressivité familiale exacerbée, l’émergence inopinée du Sida, le handicap, etc.). Malhonnêteté rehaussée par sa prétention (hypocrite) au réalisme et à la biographie. C’est particulièrement visible dans le film « Pride » puisque celui-ci se veut « historique », basé sur des événements réels et des personnes ayant réellement existé. En réalité, comme je le disais un peu plus haut, ce film n’est absolument pas réaliste. Il est tellement noyé de poncifs manichéens et d’intentions militantes et sentimentalistes pro-LGBT qu’il régurgite l’hypocrisie de ses nombreux et inconscients anachronismes. La sincérité n’est pas la Vérité. Et ce n’est pas en reconstituant un passé avec des références télévisuelles, des reportages-télé, des coupures de journaux ou des bribes de clins d’œil musicaux « d’époque » (les chanteurs « New Wave » et punk de la légendaire Great Britain Eighties : Sylvester, Bronski Beat, Bananarama, Franckie Goes To Hollywood, etc.) que Matthew Warchus est parvenu à masquer qu’il a projeté sur le passé et aussi sur le présent ses propres fantasmes amoureux et militants, fantasmes pour le coup mégalomaniaques et finalement dépressifs (car OUI, finir son film par des images d’une Marche des Fiertés 1985 triomphante et ensoleillée avec Big Ben en décor, c’est du pur folklore et du pur mensonge ; OUI, finir son film en tressant une couronne de lauriers à Mark Ashton, le jeune et beau leader LGBT mort du Sida à l’âge de 26 ans – comme si l’héroïsme pouvait se résumer à mourir jeune du Sida et pour n’importe quelle cause politique minoritaire -, c’est de la pure dépression). Le pire, c’est que je crois que cette volonté naturaliste du réalisateur est sincère et qu’il ne s’est même pas rendu compte qu’il manipule le Réel et le public par l’émotionnel.
 

Mark se jetant sur les "bads news"

Mark se jetant sur les « bads news »

 

Ne nous laissons donc pas déborder par nos émotions : écoutons la Réalité, qui est bien meilleure conseillère. En effet, comme humainement et éthiquement nous ne pouvons pas cautionner la haine et le mépris, nous sommes encouragés à signer sans réfléchir à des versions idylliques et victimisantes de l’« amour » homosexuel. On se réveille. Le couple homosexuel n’est pas le couple homosexuel cinématographique. La communion fraternelle vécue entre personnes homos (parfois concrète et porteuse d’une chaleur amicale réelle, d’un vrai pouvoir d’actions associatives de solidarité) n’est pas le couple homo. C’est con de le dire mais c’est vrai. Ne confondons pas l’amitié avec l’amour, la solidarité avec l’amour conjugal, la sincérité de nos bonnes intentions avec la Vérité (on peut vouloir le bien sans le faire), les films avec la Réalité, l’euphorie (adulescente) avec la vraie joie.
 

L'homosexualité, c'est "génial". Pourquoi? Parce que ça DOIT être génial.

L’homosexualité, c’est « génial »

 

Pour conclure, je finirai cet article en vous mettant en garde sur la signifiance du titre du film « Pride ». Contrairement au mot « fierté » en français, il recouvre en anglais, exactement comme en espagnol, le double sens de « fierté » et d’« orgueil », double sens qu’on perd en français. Nous pouvons nous appuyer sur cette polysémie anglo-saxonne et hispano pour comprendre que malgré les bonnes intentions, la Fierté homosexuelle est un orgueil déguisé. Et le film « Pride » pue l’orgueil qui nous regarde avec des étoiles et des cœurs rainbow dans les yeux. Un vrai lavage de cerveaux sincère. Alors au nom de nos enfants, au nom du respect que vous nous devez à nous les personnes homosexuelles, s’il vous plaît, n’y succombez pas (même si nous ne savons pas vous le demander).
 
pride
 
brain
 
 

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Pourquoi ne pouvons-nous pas nous contenter de la demande d’abrogation du « mariage pour tous » (pour les rares qui commencent à comprendre qu’il faut la demander !) mais qu’il est surtout indispensable d’exiger l’abrogation du PaCS ?

just-do-it

 

Abrogation du PaCS. Sinon, rien.

 

D’un point de vue stratégique, il est totalement illogique, irréaliste et inopérant, dans notre opposition au Gender, à la GPA, à la Circulaire Taubira, et même au « mariage pour tous » (pour les rares qui s’aventurent encore à parler de cette loi dans les rangs de LMPT et qui commencent à se dire que, quand même, pour la Manif du 5 octobre, ils devraient peut-être, éventuellement, demander son abrogation…) de faire l’économie de la demande d’abrogation du PaCS.

 

J’entends déjà les militants LMPT qui n’osent même pas demander l’abrogation du « mariage pour tous » (et qui osent encore moins la mettre en priorité par rapport à la lutte contre la GPA et contre le Gender, ce qui est une erreur) pousser des hauts cris, trouver que j’exagère, me soutenir qu’à trop demander on n’obtient plus rien du tout.

 

Moi je leur dis que c’est au contraire parce que nous n’avons pas demandé ce minimum que nous nous retrouverons à, petit à petit, voir tout nous être imposé au compte-goutte ! Je leur réponds aussi que ce sont eux qui exagèrent et qui n’ont pas pris la mesure de la gravité du PaCS, du virage à 180° qu’il fait prendre à la Terre entière. Ils se targuent de déjà s’y opposer mentalement, « dans l’idée », en intentions, dans le privé, et pensent ainsi se démarquer de Frigide Barjot. Mais ils pratiquent eux aussi la langue de bois, tout simplement parce qu’ils n’ont pas compris le PaCS, sa portée symbolique, et qu’au fond ils l’ont justifié en trouvant son excroissance ( = le « mariage pour tous ») « bien pire ». Le « mariage pour tous » et le PaCS forment un tout, et la colle qui les fait fusionner, c’est la croyance et la justification de l’identité et de l’amour homosexuels.

 

L’Union civile est la première loi mondiale qui s’est basée sur l’orientation sexuelle des personnes, la première loi homophobe qui a réduit les hommes et les femmes à leur soi-disant identité ou pratique homos, la première loi qui a instauré socialement l’homosexualité comme modèle de fondement d’une société. Elle est donc hyper grave, voire plus grave que le « mariage pour tous », malgré les apparences et l’invisibilité de ses tentacules (sur la filiation et le mariage). Elle ne fait pas moins de dégât que le « mariage pour tous », car symboliquement, elle vise le même but : la reconnaissance/justification sociale de l’homosexualité en tant que modèle d’amour universel comme un autre.

 

Notre mouvement de lutte contre la loi Taubira souffre en réalité de résistances et de tiédeurs internes, à cause de gens qui en demandent trop peu, de militants qui s’attachent à défendre la « Droite » en soi plutôt que d’assumer pleinement leur opposition au « mariage pour tous » de manière non-partisane et non-politicienne, qui n’ont pas compris la gravité du PaCS ni la corrélation symbolique et idéologique entre le PaCS et le « mariage pour tous », ou pire, entre le « mariage pour tous » et la GPA (dans le cas de ceux qui ne veulent même pas demander franchement l’abrogation du « mariage pour tous »). Ces militants anti-mariage-pour-tous, crispés sur leur droite chérie, par hantise de passer pour des collabos du FN ou pour « des homophobes », n’assumant pas la visibilité de leur catholicité, se défendent de leur lâcheté ou de leur méconnaissance des lois contre lesquelles ils prétendent lutter, en se trouvant des boucs émissaires : Civitas, le FN, Frigide Barjot par exemple… alors qu’ils tiennent à leur insu exactement le discours que cette dernière en n’osant pas revenir sur l’Union Civile. Ils se mettent à prêter à Nicolas Sarkozy des propos qu’il n’a jamais eus, ou des volontés qu’il n’a pas encore : selon eux, il aurait l’intention de revenir sur le « mariage pour tous » du fait qu’effectivement il leur a soutenu récemment qu’il s’opposait aux conséquences du « mariage pour tous » et à la GPA. Mais quelle naïveté de leur part ! Peut-on être logiquement pour une loi (= « le mariage pour tous ») et contre ses conséquences concrètes? Peut-on logiquement être pro-Union civile et anti-mariage-pour-tous (alors que ces deux lois sont concomitantes et prônent la même chose : la justification sociale de l’homosexualité en tant qu’identité et en tant qu’« amour universel »)? NON. C’est de l’hypocrisie et du non-sens. Et pour revenir une dernière fois sur la « fausse bonne idée » du soutien à Sarkozy, celui-ci a toujours été pro-Union civile et serait venu tôt ou tard au « mariage pour tous » (et il y est venu par personne interposée : Hollande). Même Carla Bruni a soutenu ouvertement le PaCS.

 

Beaucoup des têtes pensantes de LMPT (dont certains se sont engagés politiquement dans Sens Commun), dont je ne doute pas du courage, de la volonté de « bien faire » et de « changer doucement les choses de l’intérieur » (par « intérieur », comprendre « la (bonne) Droite »), sont complètement à la ramasse à propos du PaCS et de la prise de conscience de sa gravité. Ils se justifient de ne pas demander l’abrogation du PaCS ni même l’abrogation du « mariage pour tous » en se valant de leur soi-disant « réalisme », « patience », « diplomatie », « stratégie politique », « Espérance », « humilité ». Ils disent qu’il vaut mieux avancer « par petits pas » qu’en demandant l’impossible (mais qui décrète – à part eux, et leurs opposants gay friendly – que ce serait « impossible » ?).

 

Leur méthode des « petits pas » n’est pas bonne en soi, et en plus, c’est exactement la technique de nos adversaires qui prouve que nous les imitons et que nous nous éloignons de la réalité du PaCS, du « mariage pour tous » et de l’homosexualité. Ça ne sert à rien de parler de « prise de conscience » ou d’« unité » comme un slogan publicitaire, surtout quand il y a aussi peu de courage et de conscience de notre côté ! Quand il y a si peu d’unité dans notre esprit !

 

À force de dissocier-amalgamer et de saucissonner les choses (PaCS/«Mariage pour tous» ; ou bien «Mariage pour tous»/GPA), nous manquons de courage, nous nous coupons de la réalité des lois, et nous jouons exactement le jeu de nos adversaires (qui séparent mariage/fécondité ; lois/intentions de ses lois ; lois/leurs conséquences). À mon avis, nous ne devrions pas voir les choses à si courte (ou à si éloignée) distance spacio-temporelle. Le PaCS n’est qu’un bout de papier, un chèque en bois qui date de moins de 15 ans. Et la majorité des opposants au « mariage pour tous » tremblent comme des bleus, jugent qu’ils sont trop radicaux et que ça ne paye pas (c’est précisément leur manque de radicalité qui ne paye pas : il faudrait peut-être prendre les choses à l’endroit), que « politiquement » ça ne passera pas. Mais leur combat saucissonné passe encore moins. Et qu’ils ne viennent pas agiter leur épouvantail à moineaux « C’est Frigide derrière!! », car ils tiennent en réalité le même discours qu’elle, sauf que elle, au moins, elle assume son mensonge et ne prétend pas lutter contre quelque chose qu’en réalité elle ne combat pas.

 
 

N.B. : Deux articles annexes : « Parce que c’est une Manif homophobe » et « S’armer de courage et arrêter d’avoir peur de la demande d’abrogation du PaCS ».

 

Pièce « Sugar » de Joëlle Fossier : Le Dressage idéologique LGBT (jamais sans un susucre…)

Un sucre et tais-toi !

 

Synopsis de la pièce : Un jeune homme homosexuel, William, déprime dans la garçonnière de son amant Georges, un homme marié bisexuel et père de famille, avec qui il vit une liaison secrète et en pointillé, et dont il ne supporte plus les nombreuses absences. Il lui fait un chantage au suicide et menace de déménager définitivement de leur luxueux appartement commun (un ouvrier hétérosexuel, Pierre, s’occupe d’ailleurs de ce déménagement) si jamais il ne décide pas de stopper sa double vie et qu’il ne choisit pas de se consacrer entièrement à leur « couple ». Adèle, la sœur de William, sert d’intermédiaire et de médiatrice pour gérer la crise. Pierre a un coup de cœur pour elle… mais il ne sera pas réciproque. Le couple William/Georges va se réunir et décider d’être plus complet dans son engagement.

 
 

SUGAR affiche

 

Une pièce nulle ou bête ne suffit pas, en général, à me faire écrire un article. Je n’ai pas trop de temps à perdre (si je commence à écrire sur toutes les pièces nulles que je vois, je n’ai pas fini). Et puis il est difficile d’en vouloir à l’ignorant et à ses productions pleines de bons sentiments gays friendly. La plupart du temps, je passe mon chemin.

 

SUGAR caricature

 

En revanche – et ce fut le cas pour la pièce des Virilius d’Alessandro Avellis, ou bien encore pour la pièce Sugar de Joëlle Fossier que j’ai vue hier soir –, quand l’ignorant en question se la joue père-la-morale sur scène, donneur de leçons, agresseur menaçant, et que, en plus de nous prendre pour des cons, il devient violent et essaie de nous faire passer pour plus cons que lui, le tout en se victimisant, là, c’est autre chose. Là, on a le devoir de s’énerver, et pas qu’un peu. Personnellement, dans ces cas-là, j’ai comme une grosse envie de régler son compte à l’attitude de petit merdeux (en l’occurrence ici, de petite merdeuse) de l’auteur de la « comédie » dramatique.

 

Car il s’agit bien d’un dressage dont j’ai été témoin hier. Un dressage sur ce qu’il convient de penser ou de ne pas penser. Un dressage s’adressant aux récalcitrants qui n’auraient toujours pas collaboré au domptage du « mariage pour tous » et à ses conséquences sociales (pour le moins ambiguës et graves), aux « réacs » homophobes qui rechigneraient à avaler le morceau de sucre de Maman Taubira (ou ici, de Maman Fossier).

 

Le mot « dressage » n’est pas excessif et me semble particulièrement bien adapté à la pièce Sugar puisque les sanctions dont Joëlle Fossier menace tacitement le public sont annoncées et illustrées sur scène par le procès en « homophobie » que les personnages homosexuels ou gays friendly de la pièce (le beau William et sa sœur fusionnelle Adèle) font encourir aux personnages hétéros comme bisexuels (Georges, l’homme marié et amant secret du jeune William ; puis Pierre, l’ouvrier hétéro), personnages caricaturaux au possible (je dis « caricaturaux » car par exemple, je n’ai jamais vu, dans la réalité, un individu comme le personnage de Pierre passer aussi rapidement d’un discours gay friendly à un discours clairement homophobe ; je n’ai jamais vu non plus un homme marié bisexuel comme le personnage de Georges retourner aussi rapidement sa veste à l’homosexualité en jetant par-dessus bord femme et enfants de sa précédente vie hétérosexuelle).

 

L’ensemble de la pièce de Joëlle Fossier nous susurre à l’oreille : Voilà ce qui va vous arriver si vous ne dites pas que le couple homo est (je cite) « un amour extraordinaire », si vous n’êtes pas d’accord avec le « mariage pour tous », si vous n’applaudissez pas à l’adoption et à la PMA/GPA pour les couples de même sexe et que vous esquisseriez, comme le personnage de Pierre (l’hétéro), l’ombre d’un doute sur la justesse de ces lois/pratiques.

 

T'as un problème ?

T’as un problème ? (Le piège antihomophobie se referme sur Pierre, l’abruti d’hétéro)


 

En gros, la condamnation publique que subit d’abord William, puis finalement Pierre, est la mise en scène de la victoire de l’inceste (féministe, bisexuelle, homosexuelle et matriarcale) sur la paternité et les hommes-mâles en général (cf. je vous renvoie ci-dessous en fin d’article  au décryptage de la pièce à travers le tamis de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Sugar est un parricide symbolique, officiellement par la promotion d’un amour asexué universel (et donc possiblement homosexuel), concrètement par la pratique de l’inceste, du libertinage et du divorce homme-femme.

 

Les deux amants William et Georges

Les deux amants William et Georges (l’« Amour fou »)


 

En voyant hier cette pièce qui, au départ, démarrait bien (les dialogues sont bien écrits, et les comédiens jouent plutôt bien, voire même très bien pour Stéphane Douret) devenir un jugement de personnes et une soupe idéologique à la pensée unique désincarnée et misandre, j’ai peu à peu déchanté.

 

Comment des personnages aussi peu aimants à l’image (le couple William/Georges passe son temps à se déchirer), aussi vulgaire (Adèle ou encore Pierre ne brillent pas par leur classe), aussi intolérants (le personnage d’Adèle défend comme une lionne son frère William en insultant et humiliant Georges), aussi peu innocents (William trompe Georges ; Georges abandonne sa femme et ses enfants ; William et Georges sont prêts à se marier et à obtenir des enfants à n’importe quel prix), aussi brutaux (William et son amant Georges en viennent aux mains ; Pierre, l’hétéro, se fait provoquer, draguer puis gifler par le couple homo William/Georges), aussi incestueux (Adèle est totalement fusionnelle avec son frère homo William et se fait passer pour sa petite copine), aussi déséquilibrés (William fait une grave dépression, est suicidaire et sombre souvent dans l’hystérie), peuvent avoir le culot et la prétention ensuite de jouer les victimes et de se présenter comme les chantres de l’amour, de la fidélité, de l’ouverture d’esprit, de la justice, de l’équilibre, de la famille ? Mais pour qui se prennent ces acteurs et ces metteurs en scène ?? Il faudrait qu’on gobe cette couleuvre en applaudissant des deux mains leur hypocrisie puante ??

 

Le Tribunal des sourcilleux antihomophobie are watching you !

Les antihomophobie are watching you ! (William, Adèle et Georges guettent le dérapage « homophobe » de Pierre l’hétéro)


 

Et encore. S’ils étaient un petit peu humbles, on leur pardonnerait presque leur aveuglement et leurs bonnes intentions gays friendly. Mais avec Sugar, la bêtise se pare de prétention, de manichéisme, de moralisme, joue le grand Seigneur qui rend les copies et va distribuer les bons et les mauvais points (les morceaux de sucre, quoi) à tout le monde : ça finit avec la conversion téléphonée (et improbable) de Georges, l’homophobe recalé et repêché in extremis par « l’amour » et par l’argumentaire-massue homo-identitaire-amoureux ; avec la fessée déculottée de Pierre l’éternel homophobe qui, en plus d’avoir perdu l’amour de sa vie (Adèle), n’a plus qu’à s’en aller en portant le bonnet d’âne honteux de l’hétérosexualité homophobe ; et avec la happy end parachutée, volontairement kitsch, et carrément cynique, du « bonheur retrouvé » entre William et Georges. Rideau sur ce piteux scénario manichéen.

 

Depuis l’approbation de la Loi Taubira, les personnes homosexuelles et leurs suiveurs gays friendly, les socialos déçus qui ont à présent de plus en plus de mal à faire perdurer autour d’eux la présomption d’innocence et d’amour, se donnent parfois le luxe, à travers des pièces moralistes comme Sugar, d’être artistiquement agressifs, râleurs, cyniques, de se venger d’eux-mêmes, de leur propre naïveté et de leur mauvaise gestion de l’amour, sur leurs personnages et sur leur public. Attitude détestable de petits cons donneurs de leçons s’il en est.

 

SUGAR Femme fellinienne

Les Femmes fortes gays friendlys vont parler : Attention ! La Messe !


 

Et le plus triste, c’est que le public du Vingtième Théâtre, censé avoir un peu plus de culture et de jugeote que les Français qui n’ont pas les moyens ni l’initiative de sortir au théâtre, semble gober massivement le morceau de sucre en hurlant « bravo ! encore ! un autre ! » à la fin du spectacle, et en ovationnant massivement ces œuvres de propagande idéologique à deux balles. En France, nos « élites » artistiques et intellectuelles, qui devraient avoir un minimum de sens critique pour comprendre les contradictions de pièces comme Sugar, et ne pas les cautionner, deviennent peu à peu des moutons. À mon insu, j’observe, impuissant, la dégringolade : force est de constater que beaucoup de nos artistes et intellectuels influents sont véritablement en train de démissionner.

 

SUGAR Romero

 

Ça m’a paru flagrant hier. Je suis ressorti de la salle en me disant que nous étions actuellement replongés au « bon vieux temps » du communisme, où la pensée unique règne en maître, et où les intellectuels sont isolés, pointés de « fachos », envoyés parfois dans des goulags encore inconnus, dans l’indifférence gauche-caviar quasi générale. Nos ancêtres avaient pourtant juré, après 1945, qu’on ne les y reprendrait plus. Tu parles. Nous sommes rentrés concrètement dans un pré-contexte national de dictature, construit de toutes pièces par les anti-fascistes d’aujourd’hui. Oui. Sans alarmisme je le dis. La situation de la France est inquiétante. Et la pièce de Joëlle Fossier n’est qu’un morceau de sucre de plus de l’effet-dominos de la chute que nous vivons actuellement. Ni plus, ni moins.

 

 

SUGAR Billet Réduc

 
 
 

Décryptage de la pièce à travers le Dictionnaire des Codes homosexuels :

 

Code « Amant triste » : « Je suis pas triste. Je suis désespéré. » (William, le héros homosexuel vivant une dépression à cause des absences de son amant Georges)

 

Codes « Milieu psychiatrique » + « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ » + « Mort (suicide) » : William, le héros homosexuel, est dépressif, fait des crises de tétanie et d’angoisse depuis qu’il est petit (ça ressemble à des crises d’épilepsie), est fragile psychologiquement et a des tendances suicidaires (parce qu’il ne supporte pas les absences de Georges, son amant négligent) : d’ailleurs, ses chantages amoureux prennent des allures de tragédie grecque.

 

Code « Obèses anorexiques (Poison) » : William, le héros homosexuel, par dépit amoureux, arrête de manger pendant des semaines… et il est pourtant surnommé « Sugar » (« sucre » en anglais) par son amant Georges. Ce dernier est comparé à un poison : « Tu m’empoisonnes. » (William)

 

Codes « Pygmalion (Statues) » + « Peinture » + « Collectionneur (Matérialiste) » : Georges, le héros homo, possède dans son appartement des statuettes, des tableaux de maîtres.

 

Code « Eau » : « Mon poisson rouge, je le garde. » (William, le héros homosexuel)

 

Code « Chat » : William, le héros homo, se fait surnommer « mon p’tit chat » par sa sœur Adèle.

 

Code « Infirmière » : William, le héros homo, surnomme sa sœur Adèle « Blouse blanche ». Et pour cause : cette féministe invétérée exerce le métier d’« infirmière-urgentiste » Bizarrement, elle effraie un peu son frère, qui ne veut pas trop être réifié ni étudié par elle : « Enlève ta blouse. Elle m’intimide. » Et on comprend pourquoi : Adèle n’exerce pas que la médecine. Elle est un peu sorcière et prédit l’avenir dans le tarot. Sa dualité peu scientifique finit même par exciter la colère de l’amant de William, Georges, qui insulte l’infirmière de « baiseuse de mes deux ».

 

Code « Médecines parallèles » : Adèle, la sœur du héros homosexuel, est une « infirmière-urgentiste » dont les méthodes sont quand même bizarres car elle lit dans les tarots et fait appel à la voyance. Son frère s’en étonne : « Comment une personne telle que toi peut croire ce que disent les cartes ? »

 

Code « Voyante extra-lucide » : Adèle, la sœur de William (le héros homosexuel), lit dans les tarots et fait appel à la voyance. « On va voir ce que disent les cartes… […] La nuit entre deux rondes, j’interroge les arcades du futur. » Voyant que ses prédictions se révèlent justes, Georges, l’amant de William, lui propose de se professionnaliser : « Vous n’en ferez jamais un métier, de la voyance ? »

 

Code « Inversion (Carte) » : Adèle, la sœur du héros homosexuel, lit dans les tarots et fait appel à la voyance. « On va voir ce que disent les cartes… » Quand elle tire les cartes à Georges, l’amant de William, elle lui révèle la violence de sa personnalité et de leur amour à lui et William : « C’est drôle… Je ne tombe avec vous que sur du pique et du carreau. »

 

Code « Fleurs » : Adèle offre un bouquet de fleurs à son frère gay William.

 

Code « Sommeil » : « Tout ce que je veux c’est dormir. » (William, le héros homo dépressif)

 

Code « Trio » : Le trio gay friendly William/Georges/Adèle forme une coalition pour mater « l’hétéro » homophobe Pierre qui a eu la cuistrerie de draguer franchement Adèle (Non mais dis donc !).

 

Code « Carmen » : Adèle est la femme en rouge.

 

Code « Moitié » : L’amant homosexuel, Georges, est à la fois invisible (il est toujours absent) et bipartite : « Finalement, elle a trois jambes, cette fiancée ? » (Adèle s’adressant à son frère homo William en feignant d’ignorer le sexe de son amant Georges) William finit par le confondre avec un pyjama à « deux pattes et deux manches en chiffon ».

 

Code « Manège » : La relation entre William et Georges, pourtant présentée comme formidable et authentique, bat de l’aile : « Elle n’était pas vouée à l’échec. » (William) ; « Nous devenons deux êtres médiocres vivant une relation médiocre. Trop forte pour que tu t’en prives. Pas assez forte pour que tu te battes pour elle. » (William s’adressant à Georges) ; « C’est terrible de s’apercevoir qu’on aime si mal la personne qu’on aime. » (Georges)

 

Code « Pygmalion » : « C’est mon monument à moi. » (William parlant de son amant Georges)

 

Code « Drogues » : « Je suis addict. C’est pire qu’une drogue. » (William parlant de son amant Georges)

 

Code « Éternelle jeunesse (Refus de grandir) » : William, le héros homosexuel (le plus jeune du couple homo formé avec Georges), veut rester en enfance : « Pourquoi faut-il grandir, Adèle ? c’est si bon, l’enfance. »

 

Code « Amoureux » : « Tomber amoureux, c’est l’Âge d’Or ! » (Pierre l’hétéro) ; « Chacun fait c’qu’il veut. » (Pierre n’osant pas se positionner sur l’homosexualité, idem). La partie « Tu ne sais pas aimer » : « C’est terrible de s’apercevoir qu’on aime si mal la personne qu’on aime. » (Georges, le héros homosexuel faisant son autocritique, dans sa relation coûteuse avec William)

 

Code « Inceste entre frères » : William, le héros homo, et Adèle sa sœur, ont une relation particulièrement fusionnelle et incestuelle : elle l’appelle « mon p’tit chat », est particulièrement collante. Et William lui a décerné un statut exceptionnel : « C’est la sentinelle de ma vie, ma sœur. Mon pilier. » Georges, l’amant de William, ignore d’abord qu’elle est la sœur de son compagnon. « Vous êtes sa mère, sa nounou, sa petite amie ? » Et Adèle accepte d’être un peu tout, joue à être l’« ex » de son frère. Quand Georges découvre qu’Adèle a pris sa place dans le cœur de William, il s’insurge contre cette « copine » envahissante : « Qu’est-ce que c’est que cette sangsue ? »

 

Code « Doubles schizophréniques » : William, le héros homo, et Adèle sa sœur, ont une relation particulièrement fusionnelle et incestuelle. Ils semblent inséparables et sont même une menace pour l’amant de William, Georges : « Qu’est-ce que c’est que cette sangsue ?? » demande ce dernier pour les déscotcher.

 

Code « Inceste » : William sort avec un homme marié, Georges, qui a le double de son âge.

 

Code « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu » : William sort avec un homme marié, Georges, qui a le double de son âge, et qui l’infantilise en l’appelant « Sugar ».

 

Code « Homme invisible » : « Je ne vous imaginais pas. » (Adèle s’adressant à Georges, le compagnon jusque-là inconnu de son frère) ; « On s’est quittés aux aurores sans avoir échangé un mot. Je ne me rappelle plus de sa tête. » (William après son aventure avec un inconnu)

 

Code « Femme fellinienne géante et pantin » : avec Adèle, la femme féministe en rouge, à la poitrine imposante, et défendant la « montée » du pouvoir des femmes.

 

Code « Mère gay friendly (Intuition féminine) » : Adèle, la sœur du héros homosexuel William, est celle qui devine tout (elle est voyante, d’ailleurs) et qui a compris l’homosexualité de son frère avant tout le monde : « Je savais même que tu savais que je savais. » (William) Adèle fait des leçons à Georges, le copain de William, sur le fait qu’il n’assumerait pas totalement son couple avec William. C’est elle à qui revient la tache de débusquer et de mater l’homophobie intériorisée qui traîne chez l’homme marié bisexuel. Et cette inquisitrice gay friendly fait la leçon aux hétéros qui ne la suivraient pas immédiatement dans son grand élan de solidarité pro-gays et qui esquisseraient l’ombre d’un doute sur la véracité de l’amour homosexuel : « Deux hommes ensemble, ça vous dérange ? » menace-t-elle Pierre, l’hétéro pas très assuré ni très expert sur l’homosexualité. La gentillesse écrasante de la Miss France autoritaire, un chouïa gestapo arc-en-ciel.

 

Code « Homosexuel homophobe » : Adèle, la sœur du héros homosexuel William, fait des leçons à Georges, le copain de William sur le fait qu’il n’assumerait pas son couple avec William parce qu’il ne délaisse pas son statut bancal d’homme marié bisexuel. Elle et son frère le maltraitent verbalement et physiquement : « Tu te fous de moi ! Ça fait cinq ans que tu m’abreuves de mensonges ! Marre ! Marre ! Marre ! Marre d’être englouti dans ta double vie ! » (William) Les homosexuels assumés (ou leurs défenseurs gays friendly) font le procès des hommes bourgeois bisexuels, donc de leurs amants secrets.

 

Code « Promotion ‘canapédé’ » : avec Georges, le notaire, marié… et homosexuel planqué.

 

Code « Symboles phalliques » : Adèle soupçonne Georges, le copain de son frère William, d’être impuissant parce qu’il n’assume pas de quitter sa femme pour vivre avec William : « Il est mal loti, mon William, avec un impuissant… »

 

Code « Faux révolutionnaires » : Adèle reproche à Georges, le copain de son frère William, de ne pas vivre pleinement son homosexualité au grand jour avec William. William est l’homosexuel courageux et malheureux à cause de la lâcheté de Georges « l’homme qui n’assume pas l’amour qu’il lui porte ». C’est une pièce où on nous fait la morale, pour nous faire comprendre que la culpabilité de l’homme marié bisexuel qui ne s’assume pas pleinement homo et qui ne reconnaît pas « l’amour véritable » est criminelle. À la fin de l’histoire, Georges, face aux résistances de Pierre l’hétérosexuel (qui s’obstine à être gêné par le « mariage pour tous »), se montre inquiet concernant la montée de « l’homophobie » en France : « Comme quoi, 3 ou 4 décrets, c’est pas suffisant pour assurer notre liberté du jour au lendemain. »

 

Code « Destruction des femmes » : La misogynie de Georges, l’homme marié bisexuel, va s’accroître à mesure qu’il choisit de devenir un homosexuel exclusif : « Les femmes sont de plus en plus insupportables. » Il se met à rêver d’un monde sans femmes, puis s’en excuse à peine : « On ne peut pas s’empêcher d’espérer l’impossible. C’est humain. »

 

Code « Voyage » : Georges est un notaire qui est sans cesse en voyage : William, son copain, ne supporte plus ses absences.

 

Code « Liaisons dangereuses » : William engueule son amant Georges à cause de ses absences : il lui dit qu’il est fou d’amour pour lui, mais avec une agressivité qui laisse entendre le contraire : « Tu te fous de moi ! Ça fait cinq ans que tu m’abreuves de mensonges ! Marre ! Marre ! Marre ! Marre d’être englouti dans ta double vie ! » Il le maltraite verbalement et physiquement.

 

Code « Bonbons » : « Tu ne me confonds pas avec ton dessert préféré ! » (William s’insurgeant contre son amant Georges qui l’affuble du doux nom infantilisant de « Sugar »)

 

Code « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois (Été) » : Chaque été, c’est le temps du voyage de Georges, de l’absence et de la mort du couple Georges/William.

 

Code « Douceur-poignard » : « C’est drôle… Je ne tombe avec vous que sur du pique et du carreau. » (Adèle, la cartomancienne de bazar, s’adressant de manière piquante à Georges, l’amant de son jeune frère William)

 

Code « Parricide la bonne soupe » : Toute la pièce Sugar est orientée vers le parricide : c’est le père de famille bisexuel (Georges), ou encore le bon « hétéro » pas du tout concerné par l’homosexualité (Pierre) et qui devient comme par « magie » homophobe, qui sont placés sur la sellette. On assiste au procès des pères de famille et des mâles en général. Ils s’en prennent plein la figure et sont sommés de faire leur coming out, leur mea culpa gay friendly, ou alors ils méritent les insultes et les coups. C’est le mariage traditionnel, la paternité et la masculinité passant au crible de la coalition fraternelle (et incestuelle) d’une part (celle de William et sa sœur Adèle), et la coalition homosexuelle (celle des deux amants réconciliés William/Georges, liaison clairement incestuelle aussi) d’autre part. Hallucinant. Les incestueux qui font la morale à la paternité et à la conjugalité. On aura tout vu !

 

Code « Amant diabolique (Anonymat) » : « J’ai l’impression que tu t’es infiltré dans mon esprit. Je suis habité, envahi, possédé, obsédé par toi. » (William s’adressant à son amant Georges) ; « On s’est quittés aux aurores sans avoir échangé un mot. Je ne me rappelle plus de sa tête. » (William après son aventure avec un inconnu, idem)

 

Code « Petits Morveux » : Les enfants sont à la fois méprisés et demandés comme des dus. Par exemple, William menace Pierre « l’hétéro » de parvenir à avoir des enfants avec son copain Georges quand ils le désireront (après leur « mariage »). Et pourtant, il oblige Georges à renoncer à son passé d’homme marié et de père avec enfants, et à abandonner ses enfants pour le garder pour lui tout seul : « Tes enfants ! Ton alibi suprême ! »

 

Code « Haine de la famille » : Le mariage femme-homme est dévalorisé (le couple Georges/Christelle ne tient pas), la paternité et les enfants aussi. William, l’amoureux capricieux, demande à son amant Georges qu’il renonce totalement à son ancienne vie d’homme marié et de père : « Tes enfants ! Ton alibi suprême ! » Il lui fait même du chantage au divorce : « Tant que tu ne seras pas divorcé, notre situation restera bancale. Attention, Maître Blanchet, vous êtes sous serment. » Pierre, l’hétérosexuel qui se rend compte de la destruction de la famille que les deux tourtereaux homosexuels ont planifiée à plus ou moins long terme (en effet, Georges se met à négliger les liens du sang au profit des liens sentimentaux : « Les liens de l’esprit ont parfois plus de valeur que les liens du sang. »), tente de s’insurger – pas très finement – contre leur projet de mariage et d’enfants : « Vous la faites partir en couilles, la famille, avec vos histoires ! »

 

Code « Icare (Chute) » : « Je suis tombé avec toi dans un puits sans fond. » (William s’adressant à son amant Georges)

 

Code « Aube » : « On s’est quittés aux aurores sans avoir échangé un mot. Je ne me rappelle plus de sa tête. » (William après son aventure avec un inconnu)

 

Code « Fusion » : « Moi qui nous croyais soudés… » (Georges s’adressant à son amant William) ; « Je brûle pour toi jusqu’à l’asphyxie. » (William s’adressant à Georges, idem)

 

Code « Homosexuels psychorigides » : Georges est officier ministériel, notaire, obéissant aux règles et aux protocoles.

 

Code « Pédophilie » : Georges, le père de famille homosexuel, est suspecté officieusement par sa femme Christelle de pédophilie : elle l’empêche d’approcher leurs propres enfants.

 

Code « Femme et homme en statue de cire » : Le couple marié formé de l’homosexuel refoulé Georges et de sa femme Christelle est typiquement hétérosexuel. Il se caractérise par deux poupées très bisexuelles et séparées par un mur : « Nous sommes murés tous les deux dans l’incapacité de communiquer. » Par ailleurs, le couple homo William/Georges et le couple hétéro impossible Adèle/Pierre sont à l’image l’un l’autre.

 

Code « Désir désordonné (Désir-roi) » : « Ne jamais rien sacrifier à sa propre cohérence. » (Adèle, la « fille à pédé »)

 

Code « Quatuor » : Le quatuor Adèle/William/Gabriel/Pierre est réuni pour le procès de la bisexualité (autrement dit de l’hétérosexualité).

 

Code « Île » : « Faudrait voir à ne pas vivre dans sa planète à part. » (Pierre, l’hétéro mettant en garde contre la tendance autarcique des couples homos)

 

Code « Méchant pauvre » : « Être homo dans le milieu ouvrier, c’est du rail. » (Pierre, l’ouvrier hétéro, très vite jugé « gaffeur homophobe » par la doxa Adèle/William/Georges)

 

Code « Violeur homosexuel » : Les amants Georges et William tapent sur Pierre l’hétérosexuel, et essaient de l’approcher, de le provoquer physiquement (par rapport à une homosexualité supposée latente chez lui). Georges lui fout une baffe, et ça finit en bagarre que les lamentations théâtrales d’Adèle, la « fille à pédé » pleureuse internationale, viennent miraculeusement éteindre en jetant tout de même toute la faute sur la soi-disant « homophobie » de Pierre.

 

Code « Poids des mots et des regards » : « Et voilà… le regard des autres… » (William, le héros homo, blasé par la soi-disant « homophobie » dont il ferait l’objet)

 

Code « Ennemi de la Nature » : « Les liens de l’esprit ont parfois plus de valeur que les liens du sang. » (Georges, un des héros homosexuels)

 

Code « Milieu homosexuel paradisiaque (Cuculand) » : Georges, après avoir été pourtant absent de son couple avec William, assure vivre « l’amour véritable ». La fin de cette œuvre théâtrale qui restera dans les annales (ou pas) continue de cultiver le mythe : la happy end kistch (avec boule à facettes) et l’annonce de la reformation du couple William/Georges sont totalement forcées dans le cynisme auto-parodique.

 

Article « ‘Le Mariage’ de Jean-Luc Jeener » (publié dans la revue « France catholique » du 20 juin 2014)

PDF Jeener

 

Et le critique initiale en intégralité :

 

La pièce Le Mariage de Jean-Luc Jeener au Théâtre du Nord-Ouest
 

LE RÉALISME INGÉNIEUX… ET POURTANT SUSPECT !

 
 
I – UN RÉALISME AUDACIEUX

 

« Si tu veux qu’on se parle, il va falloir que tu apprennes à ne pas avoir peur des mots ! » (le père à sa fille Claire)

 

Vous vous sentez facilement submergé par les débats d’idées trop animés et trop poussés entre amis ? N’allez pas voir cette pièce. Vous sortiriez la tête pleine comme une pastèque ! En revanche, si vous aimez la haute voltige intellectuelle, les dialogues bien écrits, les pièces-miroir-social contemporaines, vous vous délecterez en assistant au Mariage de Jean-Luc Jeener.

 

L’intrigue est simple : il s’agit d’un huis clos dans lequel, pendant un apéro, un père (interprété par l’auteur lui-même) reçoit sa fille Claire et la compagne de celle-ci, Suzanne, qui lui annoncent leur intention de se marier et d’avoir des enfants… ce qui ne ravit absolument pas le père !

 

Quand Jean-Luc Jeener cherche à baptiser ses pièces, il ne se foule pas. Le thème est dans le titre. Éponymie directe ! Il veut parler de l’homosexualité ? : il intitulera sa pièce Homosexualité (j’étais allé la voir en 2008). Il veut traiter du « mariage pour tous » ? Sa nouvelle pièce s’appelle Le Mariage ! La prétention naturaliste est affichée d’emblée !

 

Le parti pris de Jeener est réaliste : pas de poésie. Le Mariage est une pièce quasi photographique. Même si le ton du débat est encore trop soft par rapport au réel, c’est quand même la première pièce sur le « mariage pour tous » et ses enjeux, que je vois de mes propres yeux en France. Le Mariage a le mérite de poser les bases de l’échange intellectuel de haute tenue, d’étaler toutes les cartes de l’argumentaire des deux parties d’un débat français qui n’a pas eu lieu. En cela, je la trouve visionnaire et courageuse. C’est une pièce didactique, pédagogique, où il y a du contenu et de l’écoute. Et ça fait du bien ! On en a tellement manqué !

 

En plus, Jeener a la finesse de ne pas orchestrer le combat rebattu entre essentialistes (ou naturalistes) et constructionnistes (ou culturalistes Gender & Queer) puisque le discours de son héros (le père) n’est pas uniquement spiritualo-biologiste : ce dernier parle bien de l’articulation Nature/Culture : il défend « l’intelligence de la culture » (« Nous nous complétons. Et ça, c’est magnifique culturellement. ») Le dramaturge a tellement bien compris le sujet de l’homosexualité qu’il est l’un des seuls artistes français que j’aie entendus à ce jour remettre en cause l’hétérosexualité ! « Homosexuel donne hétérosexuel. Hétérosexuel, c’est le ‘contraire pratique’ d’homosexualité. L’hétérosexualité qui montre bien la folie de ce monde ! » (le père) C’est du très grand ! et du très précoce !

 

En outre, sur scène, le héros paternel balance vertement des constats sur l’acte homosexuel qui sont politiquement incorrects, souvent vrais, et qui ne sont pas homophobes (ils ne le deviennent que parce qu’ils ne distinguent pas l’acte homosexuel de la personne homosexuelle) : « On ne légifère pas sur une infime minorité. » ; « Ce type d’amours ne dure pas. Tu peux fuir la réalité. Elle te rattrapera. » ; « Il est tiède… comme le sera votre mariage. » ; « L’homosexualité est une infantilisation. » ; « La mort est en marche. » ; etc. Le père associe la pratique homosexuelle à la peur, à la paresse, à l’infantilisation d’une société qui veut tuer son Peuple à petit feu et à coup de slogans amoureux. Il a raison. Jeener dénonce les hypocrisies des nouveaux riches adulescents bobos qui, à travers la promotion de l’homosexualité, cherchent à justifier leurs peurs et leurs privilèges (« Vous êtes une petite bourgeoise. » dira le père à Suzanne) quitte à se contredire eux-mêmes dans des fausses nuances (« Je suis pour le mariage mais pas pour les mères porteuses. » affirme Suzanne) et dans leur caprice (« Je veux un enfant et je l’aurai ! » gémit Claire).

 

Cette pièce est tellement réaliste que le spectateur en oublierait presque qu’il est au théâtre ! Pendant la représentation à laquelle j’ai assistée (le 5 juin 2014 dernier), des gens dans le public parlaient même tout haut et prenaient spontanément part à la discussion. C’est à la fois bon et mauvais signe. Bon signe pour le réalisme et l’interactivité que suscite une telle intrigue. Mauvais signe parce que le spectateur n’a plus tellement conscience de participer à une œuvre artistique qui l’évade du Réel, qui marque la belle frontière entre fiction et réalité, et qui mérite sa retenue d’auditeur.

 

Petit bémol, donc. Le Mariage est tellement en avance sur son temps qu’elle perd les trois-quarts de ses spectateurs. Même le public du Théâtre du Nord-Ouest (pas le plus ignare de Paris !) semble avoir trouvé la pièce un peu compliquée et trop « psychologique ». Jeener est un petit génie, en avance sur son époque. Il doit en porter l’isolement. Et je crois qu’il le fait très bien, d’ailleurs. Mais il en paie forcément les conséquences quand même.

 
 

II – D’ÉTONNANTES INCOHÉRENCES ET IMPROBABILITÉS

 

Toute la partition du père a l’air bonne. Et pourtant… quand on se place trop prêt du tableau qu’on portraiture avec minutie, on finit par ne plus le voir bien. Trop de réalisme nuit au réalisme. Car tout d’un coup, c’est l’intention qui finit par se supplanter au Réel.

 

En regardant l’ensemble de la pièce Le Mariage, le spectateur se rend assez vite compte des petites incohérences qu’elle contient. Par exemple, au début, le père dit de manière coquine et entendue à sa fille Claire qu’il devine aisément qu’elle aide sa copine Suzanne à la rédaction de sa thèse : « J’imagine que tu lui donnes un coup de main !… » Et juste après, il feint de tomber des nues quand elle lui annonce qu’elles sont en couple, et rentre dans une colère homérique pas très naturelle.

 

Autre exemple de légères improbabilités : le personnage de Suzanne n’arrête pas de se plaindre d’être « interrompue ». Alors que dans les faits, elle a nettement moins d’arguments que le père et écoute plus qu’elle n’a d’idées à défendre. Également sur la tonalité qu’elle choisit, on se met à douter : elle répond très vite de manière insolente à son futur « beau-père », et face à sa copine qui ne s’en offusque même pas… alors que pour une première réunion « familiale », on attend quand même un peu plus de timidité et de politesse. Mais non. Son insolence devrait passer comme une lettre à la Poste ! Par ailleurs, l’étudiante en psycho effrontée utilise d’elle-même un jargon (par exemple le mot « altérité ») que je n’ai jamais entendu de la bouche des vrais théoriciens du queer. C’est peu probable.

 

Ensuite, même si ça se donne l’air de clasher sur scène entre comédiens, ça ne pètera jamais comme ça dans la réalité, je peux vous l’assurer ! Une sentence paternelle telle que « L’homosexualité est une mort » par exemple, elle n’aurait même pas eu la chance et l’espace temporel d’être prononcée dans un contexte réel. Concrètement, ça claque la porte pour moins que ça ! La situation narrative du débat et sa durée théâtrale sont déjà totalement improbables à cause de la nature-même des discussions sur l’homosexualité, une nature explosive, et que je n’ai jamais vue dépassionnée, dialogale, sur le terrain. Encore une incohérence, donc…

 

Pareil, dans Le Mariage, la colère du père arrive souvent comme des éclairs dans un beau ciel bleu dégagé. Ses coups d’éclat sont très téléphonés. Personnellement, je n’y crois pas. Jeener se force à rentrer dans la peau de l’irascible et orageux papy Mougeot, se met à insulter et à invectiver les deux femmes quand on s’y attend le moins, et sans réel motif situationnel. Par exemple, quand Suzanne console chastement Claire qui s’effondre en larmes, il leur saute dessus en leur demandant d’« aller faire leurs cochonneries ailleurs ! ». En bonne caricature du patriarche XVIIIe siècle, il les menace de « leur ficher la torgnole qu’elles méritent » ! Il se laisse aller à la violence… alors que son discours serait suffisamment solide pour ne pas avoir à se saborder lui-même par ce genre de facilités. Ce n’est pas crédible. À un moment, de « rage », papa balance ses livres par terre. Je vais vous dire quelque chose qui va peut-être étonner les spectateurs qui trouvent déjà Jeener habituellement trop « sanguin » sur scène : pour moi, il ne sait pas s’énerver (même si, pour d’autres émotions, il joue à la perfection).

 

Nouvel autre détail qui décrédibilise un peu le tout : Jeener a conçu sa pièce comme une dissertation (structure pas très heureuse pour une œuvre dramaturgique, mais bon…) et au beau milieu de la narration, voyant que l’action s’essoufle, le personnage du père nous présente scolairement son plan en trois parties (a – l’homosexualité, b – le mariage, c – la filiation) : « On a parlé de l’homosexualité. Mais on n’a pas parlé du mariage. » Cette conduite interventionniste du metteur en scène par l’intermédiaire de son héros frise l’amateurisme et trahit finalement quelques longueurs. Avec Le Mariage, le public a droit aux clichés pathos sincères, aux ressorts dramaturgiques faciles de la tragédie : le couple amoureux, le père qui se fâche, la nana en pleurs, le pater qui fait souffrir, le pardon final. C’est ce qui fait que la pièce paraît un peu longuette, et que Jeener est obligé de rallonger la sauce par une deuxième partie sur le « mariage ». La dramaturgie du Mariage tourne en rond, devient malgré elle un peu bavarde.

 
 

III – L’INCOHÉRENCE PERMISE et CALCULÉE : UNE JUSTIFICATION VOILÉE DE L’HOMOSEXUALITÉ

 

J’ai du mal à croire que Jean-Luc Jeener n’ait pas calculé ces réalismes forcés, ces incohérences. Ou plutôt je crois qu’il s’est coulé lui-même en le faisant exprès, qu’il a coulé « un peu » sa pièce, et qu’il a coulé exprès son héros et son argumentaire pour mieux justifier inconsciemment son propre sentimentalisme bisexuel inavoué/inavouable !

 

Car en effet, tout pousse dramaturgiquement le spectateur à ne pas prendre le parti de l’opposition au « mariage homo ». L’agressivité est du côté du pater familias esseulé. Le « privilège » de la consternation est réservé aux filles, et donc confié au public. Claire fusille son père du regard tout le long de la pièce, joue l’indignation abasourdie « qui se passe de commentaires ». Sous nos yeux, le père se fait lapider verbalement par les deux amantes, littéralement cracher dessus : « Vous êtes un vrai salaud… » (Suzanne) ; « Vieux schnock ! » (idem) ; etc. Dans les répliques, le mépris est toujours imputé au père, soi-disant « prisonnier de ses préjugés judéo-chrétiens » ; jamais aux deux femmes (alors qu’il y aurait largement plus de quoi le leur attribuer !).

 

Et le père arrive malgré ça à flatter la partie adverse, à se faire passer pour le fautif de l’histoire qui doit demander pardon. Il prête à celles qu’il contredit toutes les qualités (ce qui n’est pas le cas dans l’autre sens). Le personnage de Suzanne est auréolé de gloire, d’intelligence, de génie, par exemple : « Elle est malicieuse, ta petite amie. » ; « Vous êtes très observatrice. » ; « Elle a du caractère ! » Jeener place la jeune universitaire comme la « Voix de la Conscience » du Mariage, celle qui se défend bien, qui a du répondant, qui parle cash, qui donne une leçon d’humanité et de sensibilité au « vieil ours mal léché ». Elle est à peine caricaturée comme une jargonneuse Gender ou comme une pauvre thésarde en psycho qui ferait finalement des analyses de comptoir pour justifier ses propres fantasmes identitaires/amoureux.

 

Le père est un personnage d’autant plus agaçant aux yeux du public qu’il a en apparence raison argumentativement, mais qu’il pèche régulièrement par impatience et manque d’écoute (Suzanne n’arrête pas de lui demander de cesser de l’interrompre : pauvre petite chatte…).

 

Jeener donne l’illusion que c’est un débat équilibré puisque le fait que le père soit seul contre deux serait compensé par le double temps de parole qui lui est accordé ainsi que par sa profusion d’arguments plus solides que ceux des deux femmes réunies. Mais en réalité, il fait tenir au père des thèses non pas simplistes, mais inappropriées : c’est-à-dire fondées sur la « Nature culturelle » des choses ou bien sur la « Foi », deux domaines bien subjectifs ou au contraire bien froids, finalement (« Cette rupture sexuelle a été voulue par Dieu. C’est une constante de la Nature. » ; « Le seul intérêt de l’homosexualité, c’est le péché. » ; il cite Sodome et Gomorrhe)… alors qu’en face, du côté du « couple » lesbien, on entend des arguments affectifs et sentimentaux beaucoup plus passe-partout et convaincants pour nos contemporains (= être soi, être libre, s’accepter soi-même, aimer, ne pas se mettre à la place de l’autre, être sympa, etc.). L’argumentaire du père est plus paradoxal et inextricable que celui de la partie adverse. Se mêlent à ses arguments de poids, un aphorisme de bas étage qui les plombe. Son discours repose souvent sur l’anathème insultant et clairement homophobe (« Tous les pédés de la Terre » ; « les pédés et les gouines » ; etc.), sur la présomption de folie (« La folie de cette société » ; « À cause de la folie de ce gouvernement de merde ! » ; « Je ne suis pas totalement stupide. Je me doutais bien d’une folie de ce genre ! » ; il traite régulièrement sa fille et sa compagne de « folles »), sur le refus arbitraire du « progrès » (« Cette société du futur, je n’en veux pas ! » ), sur l’orgueil vidé d’empathie (« Je ne dis pas d’horreurs. Je dis la Vérité. »), sur un déni apparent de réalité (il refuse d’accréditer l’homosexualité de sa fille : pour lui, l’homosexualité n’existe pas en tant qu’identité ni en tant que désir : c’est juste un acte, et donc une pratique ponctuelle et passagère qui doit être banalisée : « Ma fille couche avec des femmes. Ça ne me dérange pas. »), sur une rébellion antigouvernementale qui semble gratuite (« Notre président de la République sape les fondements de notre société. »), sur la promotion d’un amour désincarné entre l’homme et la femme.

 

En effet, le père défend la différence des sexes comme quelque chose de « formidable », qui a reçu la « Grâce de Dieu » (« De toutes les altérités, c’est la plus importante. »). Mais il ne dit pas en quoi elle serait formidable ou importante. Il la fige en principe moral, culturel ou religieux : « C’est la grande loi de Dieu : une femme est une femme, un homme est un homme. » assène-t-il militairement, en citant la Genèse. Il s’exprime comme un vieux gars célibataire et cérébral, qui écrit et intellectualise plus qu’il ne pense à aimer. Il ne parle pas véritablement d’Amour. Et la seule fois où il évoque la différence des sexes couronnée par l’Amour, c’est sur le ton agressif de la révolte (« Un enfant, c’est le résultat d’une nuit où un homme et une femme se sont aimés ! ») ou sur le registre du regret et de l’amour impossible (il a été quitté par sa femme, même s’il prétend toujours l’aimer : « On ne s’entend plus. »). Le père est donc « un peu » mal placé pour convaincre sur la beauté de la différence des sexes aimante… En plus, il aggrave son cas en tenant à divers moments un discours à la Zemmour, pas assez argumenté pour paraître « non misogyne » et non-sexiste aux oreilles d’un public non averti : « Les hommes sont des primaires. Les femmes des secondaires. » ; « Si une société se féminise trop, elle devient dangereuse. »

 

J’avais déjà remarqué dans les pièces de Jeener sur l’homosexualité, que les arguments employés ne sont certes pas les plus attendus ni les plus communs, mais pour autant, ce ne sont pas non plus les plus réalistes ni les meilleurs. Par exemple, dans la pièce Homosexualité (2008), malgré les discours bien montés du supérieur de séminaire, je m’étais fait la réflexion que jamais un vrai prêtre catholique ne parlerait comme ça, ne se comporterait comme ça et n’utiliserait ce genre de démonstrations pour se justifier de ne pas cautionner l’homosexualité.

 

De même avec Le Mariage, le discours paternaliste sur l’homosexualité, tout élaboré et novateur qu’il soit, ne donne pas le meilleur de l’argumentaire d’opposition à la pratique homo ni au « mariage pour tous ». Le père s’excite trop pour que ce soit une saine colère convaincante. On n’a pas affaire à de la vraie haine productive. Pourtant, on aurait été censés avoir toutes les preuves en mains, au niveau de ses mots, de ses arguments et de ses attitudes, pour le penser haineux-à-raison ou souffrant et pour le traîner en procès d’homophobie. « Vous pouvez entendre que tout ça est douloureux pour moi ! » (le père) Mais on n’y croit pas. Parce que Jeener ne suit pas avec son cœur ce qu’il énonce en tant que personnage. Il s’excuse d’être dur tout en ne l’étant pas vraiment puisqu’il valide et décrit explicitement sa dureté (démarche qu’un vrai dur n’aurait jamais) : « Je suis insupportable. Mais j’ai des convictions. » ; « J’exagère un petit peu la forme. Mais pas le fond. » ; « Je suis insupportable. » ; etc. Finalement, il a tout fait pour perdre la joute oratoire, ou la faire perdre au personnage qu’il joue. Il n’a pas orchestré un vrai débat équilibré (c’est une habitude chez Jeener, visiblement, dès qu’il traite de l’homosexualité au théâtre : déjà dans sa pièce Homosexualité, on retrouvait le même schéma « 2 pro-gays contre 1 anti »). Il déblatère des arguments qui semblent n’aller que dans le sens de l’antithèse. Mais de cœur, il semble partisan de la thèse des deux muettes. C’est la raison pour laquelle le personnage de Suzanne répète à maintes reprises au père : « Vous parlez sans sentir. Vous parlez sans sentir. »

 

Le Mariage est une pièce qui laisse la part belle aux arguments du père. Il déblatère ses constructions mentales, et plus à propos que les filles. Mais c’est une illusion d’optique. Car Jeener sait que le blabla est moins vendeur pour un public avide de silence et de discours affectifs simplifiés, qu’une tirade riche et inaccessible. Le dramaturge pèche par bavardage (sa pièce ne serait d’ailleurs pas si bavarde si elle était totalement vraie au niveau du discours). Il a beau avoir raison, il se grille en interprétant l’excès de justification, l’excès de réalisme. Comme un homme qui veut absolument prouver qu’il a raison… parce qu’il n’en est pas si sûr lui-même, et parce qu’il s’attache davantage à « avoir raison » qu’à aimer. En donnant les mauvais arguments (ou pas les meilleurs) à son opposition, même s’il (se) donne l’illusion qu’ils sont bons par leur quantité, il finit par ne pas être crédible, par se faire seppuku en direct, et par justifier la partie adverse. Ce ne sont pas les arguments habituels du débat du « mariage pour tous », certes, mais ce n’est pas les bons non plus.

 

Jeener défend mal son personnage principal et son bout de gras. On dirait qu’il le fait exprès. Comme le « vieux con » désabusé, qui sait qu’il offre des perles aux cochons, qui s’en rend compte et qui lâche cyniquement/tendrement l’affaire. J’ai raison… mais au diable la raison « rationnaliste » ! Ne soyons pas plus royaliste que le roi… Je m’abandonne (à regret ?) à l’« amour » et à la compassion contrariée ! Je m’adapte bon gré mal gré au rythme de mon époque et de mes contemporains qui me font de la peine à s’aimer mal, mais qui me touchent malgré tout dans leur sincérité. Et « c’est mieux ainsi »…  « J’en veux juste à ce siècle, à cette société qui banalise tout. » (cf. phrase finale) Et nous, spectateurs, assistons, médusés, à l’abandon laconique du « vieux réac », du faux guerrier. Nous avons même droit à son mea culpa final : « À vous aussi je demande pardon. » Il dira à sa fille qui veut se faire inséminer qu’il considèrera son enfant comme son propre fils ! C’est « bôôô »… Comme par hasard, le pardon final ne va que dans un sens : du père vers les filles, et non l’inverse. C’est mine de rien une pièce de la contemplation de la repentance de celui qui a raison et qui aurait dû l’assumer.

 

Moi, je trouve ça fascinant et étrange, ce militantisme faussement jusque-boutiste, ce parcours oratoire qui s’arrête avant sa victoire, ou qui retourne miraculeusement sa veste in extremis. À l’image du père et/ou de l’artiste qui n’est pas allé manifester au « Manif Pour Tous » parce que soi-disant « il y a d’autres formes pour défendre ses idées »… mais finalement, ces formes-là, même sur une scène de théâtre, elles ne sont pas davantage assumées et défendues que sur le pavé…

 

À la surprise générale, on lit en filigrane dans Le Mariage une justification par défaut de l’homosexualité, un soutien en demi-teinte. Une des toutes dernières tirades de la pièce est explicite et va dans ce sens : « L’homosexualité est une mort. La mort est belle… sauf qu’elle est moins belle que la vie. » D’ailleurs, le père finit par souhaiter au couple de tourterelles sur le chemin du départ précipité un « bon mariage ! »

 

Déjà, dans sa pièce Homosexualité, le parti pris de Jeener en faveur de la justification de l’amour homosexuel m’avait surpris par son ambiguïté. Même si le prêtre accompagnateur (Paul) du héros (Pierre) s’était bien débrouillé pour démonter la solidité de l’amour entre les deux partenaires homos (Pierre et Julien), je m’étais fait la réflexion qu’il le cautionnait malgré tout parce que jamais un prêtre catholique n’aurait tenu un discours aussi caricatural, et parce que la citadelle argumentative qu’il avait bâtie pour récuser l’homosexualité résonnait elle aussi comme un aveu de faiblesse, un manquement d’amour.

 

Ça m’amuse, avec cette nouvelle pièce jeenerienne Le Mariage, de débusquer également la part de lâcheté et d’incohérence de la démarche artistique de son auteur. Car, comme je l’ai déjà largement expliqué dans mes livres, je lis dans tout relent homophobe une auto-pénitence et une auto-autorisation personnelle de quand même croire « exceptionnellement » à l’homosexualité pour soi parce qu’on n’y croit pas généralement pour les autres. Une part – la plus lucide – de Jeener détruit l’homosexualité, l’autre part – celle qui, dans ses pièces, finit par vaincre même si elle perd toujours la bataille argumentative – la défend. Un aveu voilé d’homosexualité (… ou pas) : « Vous n’avez jamais rencontré de vrais homosexuels. Ce sont des bossus qui riraient de votre propre mariage ! » déclare cyniquement le père – voûté, fatigué et rieur comme un vieux bossu, comme par hasard… – à Claire et Suzanne.

 

Il y a du paradoxe dans les pièces de Jean-Luc Jeener, donc finalement beaucoup de contenu. Ça en agacera peut-être certains, qui y verront une prise de tête inutile, une « masturbation intellectuelle » qui n’attirera pas les foules, un étalage de « clichés » (c’est ce qui est ressorti des commentaires post-pièce que j’ai écoutés discrètement à la sortie du théâtre). Mais d’un autre côté, ça passionnera ceux qui n’essaient pas d’arracher à l’auteur ses intentions partisanes et son didactisme, ceux qui ne cherchent pas à tout prix à répondre à la question « Mais dans quel camp se place-t-il ? Qu’a-t-il cherché à défendre, au juste ? ». Et ça passionnera surtout ceux qui, comme moi, s’affairent à mener le plus loin possible l’enquête de son positionnement moral.

 

Et c’est vrai que même à l’issue de la pièce, on a encore du mal à savoir où Jeener veut en venir. Comme le grand sculpteur de génie qui réalise devant nous une œuvre technique prodigieuse, complexe, fouillée argumentativement, … et puis qui, à peine après l’avoir esquissée, la remet en doute et l’efface. Pour la beauté du geste ! pour la fugacité de l’événement ! pour le caractère éphémère de l’exercice rhétorique ! bref, pour le théâtre ! Et à l’inverse, Jeener sauve par la passion et l’empathie ce qu’il avait pourtant disséqué/détruit méthodiquement pendant une heure et quart avec une honnêteté intellectuelle saisissante, glaçante. Démarche masochiste ? Torturée, tout du moins ! L’artiste expose, concernant l’homosexualité (un sujet qui le travaille !), son propre conflit entre raison et sentiment, entre homosexualité latente et description clinique et désabusée de l’homosexualité pratiquée/identitarisée. Conflit qu’il exhibe tel quel, comme un gosse qui ne prétend pas le résoudre parce qu’il prétend trop le résoudre.

 

La pièce Le Mariage repose donc sur le faux réalisme. Trompe l’œil qui sied parfaitement au théâtre, me direz-vous ! Et je trouve l’exhibition de ce déchirement moral intérieur, de ce combat spirituel et identitaire, tout à fait réussie et riche. Cela mérite vraiment un traitement dramaturgique. Merci Monsieur Jeener. J’aime décidément beaucoup ce que vous faites. Et je ne veux pas que vous mouriez !

Gérer une grosse peine de cœur ou une envie de suicide liées à l’homosexualité

La seule vraie douleur causée par l’homosexualité ne consiste pas, contrairement à ce qu’on nous dit souvent, dans la pression (sociale, individuelle, appelée « homophobie » ou « homophobie intériorisée ») qu’on se donne pour ne pas croire en l’identité homo et en nos sentiments homos (= pour « ne pas s’assumer »), mais justement dans le fait qu’on s’impose ces derniers à soi-même, qu’on cherche à tout prix à y croire, et qu’on les intègre comme un fait ou une personne indiscutables… ce qu’ils ne sont pas ! C’est cette obstination qui nous rend malade. Tout s’éclaire et se pacifie dans notre vie, se remplit d’humour et d’air, quand on cesse de croire qu’on peut vraiment aimer d’amour un ami de même sexe. C’est l’imposition de cette fichue croyance que l’amitié entre deux individus de même sexe peut être exceptionnellement/platoniquement dépassée par l’amour charnel qui, au fond, nous mine, nous bouffe, nous déprime, nous rend si malheureux. Et c’est à partir du moment où on délaisse le rêve illusoire de transformation de l’amitié homophile en amour, c’est à partir du moment où on n’habille plus la pulsion de sentiments (à nous entendre, des sentiments « très asexués et à peine tactiles », « à peine charnels », « à peine sexuels », spiritualisés au maximum, esthétisés, rendus « désintéressés », « gratuits », « exceptionnels », « irrationnels » : ah ça… notre sincérité sait bien nous faire jouer l’hypocrisie, la fausse surprise et l’innocence !), c’est à partir du moment où on cesse de se persuader qu’« on est vraiment (homosexuellement) amoureux », que notre calvaire lié à l’homosexualité s’achève, que nous devenons tout léger, que notre théâtralité de drama queen homosexuelle – qui souffre vraiment même quand elle joue le désespoir, parce qu’elle a mordu à l’hameçon de sa propre sincérité – s’arrête net. Et là, ça fait du bien, on est libre, on se marre et on tourne durablement la page de notre caprice/chagrin/mirage sentimental !

 

Décryptage symbolique du film « La Vie (narcissique) d’Adèle »

Décryptage symbolique du film « La Vie (narcissique) d’Adèle »

 

LE FILM « LA VIE D’ADÈLE », PASSÉ AU CRIBLE DU « DICTIONNAIRE DES CODES HOMOS »

 

La vie d'Adèle eau

 

Plutôt que de blablater sans fin sur la valeur de « La Vie d’Adèle », le 5ème film d’Abdelatif Kechiche qui a reçu en mai dernier la Palme d’or au Festival de Cannes et qui est sorti hier au cinéma en France, plutôt que de jouer les offusqués d’un tel scandale (car OUI c’est une honte qu’une « palmette » bobo d’aussi mauvaise qualité et avec un message aussi pauvre soit applaudie, OUI c’est très inquiétant qu’une « œuvre de crise » comme celle-là, où le viol et la maltraitance sont à tous les étages – y compris lors du tournage et pour les actrices qui avouent « s’être senties filmées comme des prostituées » – soit encouragée), plutôt que de rentrer dans le concert stérile des opinions de goûts « Méritée/Pas méritée/J’ai aimé/J’ai pas aimé/Ça m’a choqué/Ça ne m’a pas choqué » qui fait écran à l’analyse et qui finalement donne raison à la démarche narcissique et puérile de beaucoup de nos cinéastes pseudo « sulfureux et avant-gardistes » actuels (pour eux, en effet, ce qui compte n’est pas la qualité d’un film mais juste qu’on « en parle » ; ce n’est pas l’œuvre en elle-même mais ce qu’elle symbolise et comment elle est reçue ; ce n’est pas l’action mais ses « bonnes » et ses « mauvaises » intentions), je me suis dit qu’il serait plus constructif de passer directement à la phase de la description. Ben voui. Avant de dire « J’ai détesté » ou « J’ai adoré » ou « J’ai ressenti », c’est vraiment tellement plus intéressant de se demander « Qu’est-ce que j’ai vu et qu’est-ce que ça signifie ? ». Et même avec une daube comme « La Vie d’Adèle », il y a énormément de choses à voir, à analyser, au-delà de la qualité et des intentions de l’auteur et des comédiens (il suffit de les écouter pour comprendre qu’ils n’ont rien à dire et qu’ils n’ont pas compris ce qu’ils ont fait). On va maintenant les aider, non pas à dire que leur création est géniale parce qu’elle est truffée de symboles, mais juste qu’elle est signifiante et non-libre/non-libérante de regorger précisément d’autant d’inconscient !

 

La vie d'Adèle affiche bleue

 
 

Je vais dresser froidement la liste de ce que j’ai vu hier lors de la projection de « La Vie (narcissique) d’Adèle » (comme je l’appelle ironiquement), en passant le film au tamis de mon Dictionnaire des Codes homosexuels, pour vous montrer combien même la merde a sa logique, combien le retour du refoulé humain a sa lisibilité et sa part de génie, combien ma grille d’analyse est géniale (car je doute que l’égocentrique et imbuvable Abdelatif Kechiche ait pris connaissance de mes écrits et ait décidé de plein gré de coller aussi précisément aux codes symboliques de mon Dictionnaire).

 

Code « Eau » ou « Amant narcissique » ou « Miroir » ou « Fusion » :

– Tout le film est mis sous le signe de la couleur bleue et de l’eau (Adèle à la mer et qui fait la planche, Adèle sous la douche, les cheveux bleus d’Emma, les vêtements bleus, etc.).

– Pendant 3 heures de film, on n’a quasiment que des gros plans très resserrés sur les visages… quand ce ne sont pas des plans carrément flous d’être trop proches, ni des scènes filmées en caméra subjective (avec les tremblements qui vont avec, et qui font « trop naturalistes »). Il n’y a pas d’espace : ni entre les personnages (qui passent leur temps à s’embrasser), ni entre le réalisateur et ce/ceux qu’il filme. Cela montre bien que « La Vie d’Adèle », même dans sa forme, est un film égocentrique, narcissique, fusionnel et oppressant.

– Adèle se masturbe.

– L’importance des miroirs dans le film.

– « J’adore la couleur bleue ! » (une amie bobo beaux-ardeuse d’Emma)

– Lors d’un cours de français sur la pesanteur, il est question d’« un vice intrinsèque à l’eau ».

– Dans un musée, Emma et Adèle s’extasient devant des toiles représentant des baigneuses nues dans des bains, ou bien sur des Ophélie aquatiques et inanimées dans l’eau.

– « Tout ce qui vient de la mer, c’est vrai que j’ai un peu de mal. » (Adèle)

– À la fin du film, Adèle est le Narcisse qui s’est noyé : elle pleure dans le resto au décor bleu.

 

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la vie d'adèle double miroir

la vie d'adèle fusion

La vie d'adèle herbes

Blue Is the Warmest Colour (La Vie d'Adele) film still

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Code « Éternelle jeunesse » :

– Les deux amantes vivent une idylle d’adolescence. L’une d’elle, Adèle, est en classe de première au lycée.

 

Code « Liaisons dangereuses » ou « Violeur homosexuel » ou le sous-code « Mélodrame » du code « Emma Bovary « J’ai un amant ! » » :

– Dans le discours des personnages, il est très souvent question de la défense de la « prédestination » dans les rencontres amoureuses. Celles-ci seraient déjà écrites d’avance, ne se choisiraient pas, et devraient obligatoirement se vivre. Ce film offre une vision de l’amour comme un destin tragique.

– Le premier regard lesbien que Adèle porte à Emma (quand elle se croise dans la rue) est teinté de peur, pire encore, de terreur.

– Thomas, le copain furtif de Adèle, dit que le seul roman qu’il a lu et aimé de sa vie, ce sont Les Liaisons dangereuses de Laclos.

– « La tragédie, ça touche à l’essence même de l’être humain. On ne peut y échapper. » (un des profs de littérature d’Adèle)

– « Il n’y a pas de hasards. » (Emma à Adèle)

 

Sous-code « Regards » dans le code « Amant diabolique » :

– Le regard désirant est désigné comme déterminant et est impérieux.

 

Code « Viol » ou « Poids des mots et des regards » :

– Le lesbianisme d’Adèle naît de la pression sociale à « niquer », à « faire couple » obligatoirement (les amies d’Adèle la poussent dans les bras de Thomas).

 

Sous-code « Descentes aux enfers » du code « Milieu homosexuel infernal » :

– Pendant le jeu télévisé Questions pour un champion, Julien Lepers pose la question suivante : « Quel est le nom de la femme d’Orphée qui descend aux enfers ? » (réponse : Eurydice)

 

Code « Milieu homosexuel infernal » :

– Le milieu lesbien est montré comme un milieu hostile, moqueur, narquois, grippe-fesses, puéril.

 

Code « Déni » :

– Pendant le jeu télévisé Questions pour un champion, Julien Lepers pose la question de la définition de l’« omerta », la fameuse « Loi du silence ».

– « De toutes façons, tu le sais. » (une amie lycéenne, parlant à Adèle de l’amour alors que cette dernière croit qu’il s’agit de son homosexualité : vieux quiproquo)

 

Code « Sommeil » ou « Femme allongée » :

– Les personnages du film sont souvent filmés endormis ou ensommeillés.

– L’un des tableaux que fait Emma de son amante Adèle est justement une femme allongée.

 

Code « Voyage » :

– On voit tout le temps Adèle dans les transports en commun, pile au moment où elle « se lesbianise ».

– « C’est bien de voyager : ça ouvre l’esprit. » (la phrase « profonde » de Samir)

 

Code « Amant triste » :

– Adèle et Emma sourient très rarement, et pendant tout le film, ce sont des pleureuses qui sont montrées, parce qu’elles se font énormément souffrir ensemble (après s’être bien consommées et après avoir esthétisée leur « idylle »).

 

Code « Bovarysme » ou « Poids des mots et des regards » ou « Élève/Prof » :

– Adèle est en classe de 1ère L (Littéraire) et vit à travers les livres. Elle dira elle-même qu’elle « les adore ». Elle croit quasiment tout ce que ses profs de lettres lui disent, et essaie de transposer ce qu’elle entend ou lit sur sa vie réelle et sentimentale.

– Adèle lit La Vie de Marianne, le roman à l’eau de rose de Marivaux.

– Depuis qu’Adèle sort avec Emma, elle aurait fait des progrès spectaculaires en classe.

– Ce n’est pas un hasard qu’Emma s’appelle Emma (comme Bovary).

 

Code « Faux révolutionnaires » :

– Adèle défile avec la CGT contre la privatisation de l’enseignement public, et chante « On lâche rien ». Puis, une fois en couple, elle s’excite à la Gay Pride parisienne.

– Dans l’histoire, Emma incarne la lesbienne assumée et qui a assurée alors qu’Adèle est celle qui a trahi par sa bisexualité (cf. le sous-code « L’homo combatif face à l’homo lâche »).

 

Code « Faux intellectuels » :

– Adèle, qui est en filière littéraire (waou !), qui écrit un peu et qui prétend adorer les grands chefs-d’œuvre de la littérature, se révèle être pourtant une lycéenne très passive et nonchalante en cours, une fille visiblement sans conversation (l’actrice Adèle Exarchopoulos ne semble pas faire mieux que son personnage…), une piètre institutrice.

– Adèle à la fenêtre, en train d’écrire (cf. le code « Femme au balcon »).

– Dialogues du film absolument nuls, uniquement centrés sur les goûts et sur le ressenti des héros. Aucune poésie ou philosophie là-dedans.

– Mention à l’existentialisme de Jean-Paul Sartre, montré comme le fin du fin de la pensée contemporaine… alors qu’il est juste instrumentalisé pour justifier un discours ET relativiste ET volontariste sur l’amour (le « pro-choix » déterministe et individualiste d’une Caroline Fourest, par exemple) : « On peut décider soi-même de sa vie. » dit Emma la « peintre-philosophe ».

– Adèle considère Bob Marley et Sartre comme le summum de l’engagement existentiel, comme des « prophètes » (au moins ça, oui…).

– Soi-disant Adèle aurait fait des progrès pharamineux en cours de philo grâce à ses discussions amoureuses avec Emma : en réalité, on voit que la philo dont parlent les deux filles suit l’arithmétique du plaisir sexuel (elles se moquent d’ailleurs d’elles-mêmes, en se donnant des « notes de philo » au lit et en enchaînant les métaphores filées : « Je jouis du savoir ! » s’esclaffent-elles à poil).

– Vincent (le beau-père d’Emma) confond la culture avec le simple hédonisme épicurien, puisqu’il se définit comme un « amateur de bonne chair, de bons vins… et de culture ! ».

 

Sous-code « Amant miniature » du code « Amant comme modèle photographique » :

– L’insistance sur la place de l’adjectif « petit » dans la pièce classique Antigone.

 

Code « Fan de feuilletons » ou « Jeu » :

– Les parents d’Adèle passent leur temps devant la télé à comater devant des jeux.

 

Code « Parricide la bonne soupe » :

– L’image des hommes dans ce film est pathétique : ils sont montrés comme des bourrus qui n’ont que la réussite financière en tête (exemple avec le père d’Adèle), de gentils beaufs ignorants et incultes (Thomas), des ennuyeux ou des terre à terre, des profiteurs et des tentateurs (le collègue instit). Les seuls qui trouvent grâce aux yeux du réalisateurs sont soit homos (Valentin), soit « artistes » bisexuels (Joachim), soit rebeux et volontairement instables (Samir).

 

Code « Lune » :

– Lorsque Adèle s’homosexualise, elle perd tellement pied avec le réel que sa mère, à table, lui fait gentiment remarquer qu’elle est dans la lune : « Dans la lune, Adèle… »

 

Code « Amant narcissique » ou « Bobo » ou « Plus que naturel » :

– Tous les bruitages (l’eau des canalisations dans les toilettes, le chant des oiseaux, les effleurements de peau, la salive des baisers échangés) sont décuplés… pour emprisonner le spectateur dans la sensation ou l’émotion, et donc finalement pour prouver de manière naturaliste et « sobre » à la fois, que l’amour homo est « naturel ». Il n’y a d’ailleurs pas de musique de fond dans le film (sauf pour les moments officiels de chansons, où là le réalisateur se fait plaisir en transformant son film en grand vidéo-clip).

– On joue sur le quotidien, le côté « ressenti », « tranche de vie » prise sur le vif.

– Le couple lesbien est toujours filmé dans des cadres bucoliques (parcs, jardins, mer, etc.).

– « C’est ce qu’il y a de meilleur, la texture. » (Emma la « peintre-philosophe »)

– Ce film se veut un bal de sensations « Nature et Découverte » : Je me ressens fumer. Je me masturbe verbalement, sensiblement. Je touche les peaux. J’écoute la Nature, le vent dans les arbres. Je raconte mon bien-être, carpe diem et hédonisme de bas étage : « On est bien, là, hein ? » dit Emma étendu dans l’herbe. « Un peu trop, même… » lui répond Adèle.

– Confusion (typiquement bobo) entre les goûts et l’amour, entre la simplicité et l’amour : « Elles sont délicieuses, vos pâtes, en tous cas. C’est simple mais c’est très bon. » (Emma au père d’Adèle) (Pour moi, la plus belle réplique du film. LOL)

– « Tu veux toucher ? » (Liz, la femme lesbienne enceinte avec son ventre rond, et présentant la maternité comme une sensation)

 

Code « Bobo » :

– Adèle et son bonnet péruvien (premières images du film) ou ses cours de professeur des écoles « cools Africa » (elle fait danser ses petits de maternelle sur une chorégraphie de danse africaine pour la kermesse de l’école).

– Les effets de caméra vacillante.

– Adèle est filmée en train de cuisiner.

 

Code « Duo totalitaire lesbienne/gay » :

– Valentin, le meilleur ami d’Adèle, est homo lui aussi. Ils vont dans les bars gays ensemble, mais finissent par draguer chacun de leur côté.

– Quand, au lycée, la relation amoureuse entre Adèle et Emma est devinée, Adèle engueule Valentin d’avoir cafté qu’ils étaient allés dans des établissements LGBT, le traite de traître.

 

Sous-code « Cousin » du code « Inceste entre frères » :

– Lors de leur première rencontre, dans le bar lesbien, Emma fait passer Adèle pour sa « cousine » auprès de ses camarades lesbiennes, pour mieux lui mettre le grappin dessus et se la réserver.

 

Sous-code « Lesbienne alcoolique » du code « Drogues » :

– Emma boit beaucoup de bières, et elle dit qu’elle les « adore ».

– En boutade, Emma rebaptise la bière Gulden : « Gulden : la Bière des goudous ! »

 

Code « L’homosexuel = L’hétérosexuel » :

– Emma qualifie Adèle comme l’archétype de « l’hétéro qui serait plutôt curieuse [de l’homosexualité] », de l’extérieur.

 

Code « Icare » :

– Pour draguer poétiquement et faire semblant de « se la péter » humoristiquement, Emma veut traduire le prénom « Adèle », et le premier mot qui lui sort, c’est « Soleil ».

– L’un des baisers lesbiens entre Emma et Adèle se fait sur fond solaire.

 

Code « Peinture » :

– Emma est en 4e année de Beaux-Arts, et exerce le métier de peintre (…révoltée par le « système » capitaliste qui transforme l’art en business).

– Joachim (bisexuel) est galleriste.

– On a droit, pour la fin du film, au vernissage de l’expo d’Emma avec son cercle d’artistes bobos.

 

Sous-code « Coiffeur homo » du code « Pygmalion », ou bien le code « Maquillage » :

– Adèle, pour déconner, soupçonne Emma d’être « coiffeuse » à cause de sa teinture de cheveux de celle-ci, qui est bleue.

 

Code « Pédophilie » :

– Emma sort avec Adèle, qui est mineure (au fur et à mesure de l’intrigue, cette dernière passera le cap des 18 ans : ‘ttention, c’est une film vachement moral…).

 

Code « Tout » :

– « Avec toi, c’est tout ou rien. » (Emma parlant à Adèle)

 

Code « Cannibalisme » ou « Vampirisme » :

– Dans ce film, la conception de l’amour repose uniquement sur les goûts. Elle est gustative et sensitive.

– « Je mange toutes les peaux. » (Adèle à Emma)

– « À quel âge t’as goûté une fille ? » demande Adèle à Emma. Cette dernière la corrige pour atténuer le lapsus consumériste : « Goûter une fille’ ou ‘embrasser’ ? »)

– Au lit, Emma mord vraiment Adèle, et celle-ci se laisse faire… ce qui étonne Emma : « Tu m’as fait peur. J’ai cru que tu allais crier. » Adèle lui répond avec malice : « Heureusement que tu t’es arrêtée. »

 

Sous-code « Caméléon » du code « Homme invisible » :

– « La peau du caméléon, c’est pour se cacher des autres animaux. » (Prune, en lecture de classe à l’école primaire)

 

Code « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu » :

– « J’ai une infinie tendresse pour toi. Qui durera toute la vie. » (Emma à Adèle) La relation amoureuse sans forme…

 

Sous-code « Amant-objet » du code « Pygmalion » ou code « Amant comme modèle photographique » :

– Emma tire le portrait d’Adèle dès leur deuxième rencontre.

– « Je touche du bois ! » dit, en boutade, Emma, en claquant les fesses d’Adèle au lit.

 

Sous-code « Paradoxes du libertin » du code « Liaisons dangereuses », ou bien code « Bobo » :

– Le réalisateur du film nous fait croire qu’Emma et Adèle sont patientes, ont la sagesse de ne pas s’embrasser sur la bouche dès la deuxième rencontre, et que cette mesure prouverait la force de leur « amour ».

 

Sous-codes « Fatigue d’aimer », « Ennui » et « Infidélité » du code « Manège » :

– Tout le message du film consiste à laisser croire que « l’amour vrai ne dure pas » et que ça ce serait magnifique.

– Emma est déçue que Adèle soit une amante sans ambition, sans créativité. On voit très vite le manque de communication dans leur « couple ». D’ailleurs, elles finissent chacune par aller voir ailleurs.

 

Code « Désir désordonné » :

– Emma se qualifie « d’un peu bizarre » comme fille.

 

Code « Homosexuel homophobe » :

– La lycéenne et « pote » d’Adèle, pro-gay et indifférente à la pratique homosexuelle, insulte Adèle de « sale goudou » et l’imagine en train de se faire mater/tripoter salement par elle.

– Adèle dément qu’elle est lesbienne : « Puisque je vous dis que je ne suis pas lesbienne ! » (cf. le code « Déni »)

 

Code « Milieu homosexuel paradisiaque » ou « Mère gay friendly » ou « FAP la « fille à pédé(s) » » :

– Les amies d’Adèle la harcèlent pour qu’elle fasse son « coming out » (« Juste assume ! »), pour ensuite lui reprocher qu’elle n’obtempère pas et se retourner contre elle.

 

Code « Blasphème » :

– Pendant le cours de français, les catholiques sont associés à la bien-pensance et à une censure de la pensée. (gros LOL)

 

Code « Obèses anorexiques » ou « Drogues » :

– Tous les personnages du film sont filmés en train de manger.

– « Je mange de tout. Je pourrais manger en continu toute la journée. » (Adèle)

– Tout le monde est filmé en train de manger, en train de consommer (des pâtes et des spaghettis plusieurs fois, de la boisson alcoolisée, du tabac, du sexe, de la sensation naturelle, etc.). C’est un film sur la consommation et destiné à des consommateurs bobos.

 

Code « Humour-poignard » :

– La blague (la seule du film) potache sur les huîtres (symboles saphiques cousus de fil blanc et graveleux. Adèle, qui n’aimait pas les huîtres, finit par les aimer : ha ha ha, qu’est-ce qu’on rigole… Les bobos se payent le luxe d’être triviaux, et ça ne fait rire qu’eux.)

 

Code « Putain béatifiée » ou « Coït homo = viol » :

– Le réalisateur veut, au final, prouver l’Orgasme entre femmes, l’Orgasme sans l’homme, l’Orgasme au féminin exclusif. Il filme la jouissance, avec la crudité du porno mais sans les techniques et les cadrages caméras propres au porno (belle hypocrisie, là encore…). On voit tout. Quelle humiliation pour les actrices, qui sont à la fois obligées (et libres, pourtant) de dévoiler leur intimité profonde, sommées de jouer les putes en orgasme ou se masturbant pendant tout le film (il y a au moins 4 scènes de « pur » cul… sans compter la scène de masturbation du début, et le commencement de la scène de cul dans le restaurant). Les deux actrices soi-disant « consentantes » sont instrumentalisées comme des preuves vivantes et vibrantes que « l’orgasme est possible entre deux femmes » (au cas où le spectateur l’ignorerait ou n’aurait pas compris… C’est sûr, nous sommes d’éternels « gros prudes » judéo-chrétiens qui nous offusquons d’un rien). On a droit à assister au coït pendant près de 10 longues minutes, et malheur à celui qui trouverait ça insoutenable et avilissant. C’est de la provocation et de l’esthétisme à deux balles, d’accord, mais n’oublions pas que c’est surtout une violence faite à tout le monde.

– Emma et Adèle, pendant l’« amour », se donnent des fessées. Le spectateur a honte pour elle (ou bien rit pour masquer sa honte).

– Emma insulte Adèle de « sale pute », de « traînée », de « prostituée ».

– On voit s’instaurer entre les deux protagonistes une relation de prostitution (même si la monnaie d’échange est le sexe et les sentiments) : quand Adèle dit qu’elle veut acheter une toile à Emma, elle lui propose sérieusement de « la payer en nature ».

 

Sous-code « Princesse orientale » du code « Femme étrangère » :

– Sur un char de Gay Pride, un homme homosexuel est filmé déguisée en danseuse orientale voilée.

 

Sous-code « Parents divorcés » du code « Orphelins », ou bien code « Mère gay friendly » :

– Emma, dont les parents sont divorcés, a une mère très « open ».

 

Code « Appel déguisé » ou « Manège » :

– Lorsque Emma trinque avec sa mère, son beau-père et Adèle, « à l’Amour ! », Vincent (le beau-père) rajoute spontanément « Tout de suite les grands mots… », réaction spontanée qui fait rire jaune tout le monde.

 

Code « Haine de la famille » ou « Parodies de mômes » :

– Adèle fuit ses collègues de travail et prétexte qu’elle a des « dîners de famille » pour cacher qu’elle passe toutes ses soirées avec sa compagne.

– « Ça fait deux enfants à la maison. Ça fait beaucoup. C’est la famille. » (Emma disant qu’elle s’entend très bien avec la gamine de sa compagne Liz, et qu’elles font des conneries ensemble).

 

Code « Petits Morveux » :

– L’enfant est considéré comme un objet. « Vous jouez avec le bébé ? » (Joachim s’approchant du couple Emma/Adèle qui touche le ventre arrondi de Liz)

 

Code « Artiste raté » ou « Bobo » ou « Faux intellectuels » :

– Guirlande d’ampoules dans le jardin, et projection d’un film des années 1920 en noir et blanc (avec Louise Brooks et sa coupe au carré) en pleine nature, avec le cercle de bobos « artistes » amis d’Emma, qui s’écoutent parler de ce qu’ils ressentent et de ce qu’ils aiment esthétiquement. Une amie beaux-ardeuse d’Emma fait une thèse sur « la morbidité chez le peintre Egon Schiele ». Joachim, le galeriste bisexuel, tient un discours soi-disant érudit (il fait référence à la bisexualité « artistique » de Tirésias, le personnage mythologique grec) et prône « l’orgasme au féminin » (qui n’aurait rrrrien à voir avec la présence des mâles : « Je suis persuadé que l’orgasme féminin est mystique » ; selon lui et les autres invités bobos-bis-féministes, l’extase sexuelle serait réservé aux femmes). Emma dit qu’elle aime chez Egon Schiele la « noirceur », le côté « artiste écorché ». Discussions pseudo « intellectuelles » et pseudo « expertes » sur la différence entre Schiele et Klimt (quel haut niveau !), qui reposent sur un échange de goûts et de sensations, et qui finissent par une conclusion complètement plate et relativiste : « Des goûts et des couleurs, ça ne se discute pas : tout est une affaire de points de vue ! ». Merci. C’est hyper profond. Adèle se sent inculte devant tant d’esbroufe. Ça veut dire que même le réalisateur du film pense nous proposer de la culture de haute volée. Nan mais allô quoi ! 😉

– La scène finale : le vernissage de l’expo d’Emma (avec les interprétations psychologisantes nullissimes des Beaux-ardeux).

 

Code « Emma Bovary « Oh mon Dieu ! » » :

– L’arrêt sur image du visage expressionniste et inquiet de Louise Brooks dans le film des années 1920.

 

Sous-code « Solitude à deux » du code « Île » :

– « J’me sentais toute seule [‘avec toi’, ou ‘dans notre couple’]. » Phrase que répète plusieurs fois, éplorée, Adèle à Emma, pour se justifier de lui avoir été infidèle.

 

Pour que vous arrêtiez de dire cette connerie

Pour que vous arrêtiez de dire cette connerie : « L’homosexualité, ça ne me dérange pas tant que ça reste privé. Le seul problème, c’est le LOBBY. »

 

Tout comme le problème du « mariage pour tous » n’était pas les enfants ou la famille mais le mariage et le couple dans la différence des sexes, le problème de l’homosexualité n’est pas le « lobby » mais bien l’acte homo. Même l’acte homo privé et discret. Je me permets d’insister car beaucoup ont la vue courte, apparemment. Ils préfèrent réinterpréter les propos du Pape dans l’avion des JMJ du Brésil comme une invitation à penser que l’homosexualité ne devrait être condamnée que dans sa visibilité, dans ses images médiatiques, dans ses conséquences sociales : pas en tant que telle, pas en tant que pratique reposant sur la discrimination de la différence des sexes et dont l’union homo pâtit.

Notamment certains mouvements anti-mariage-pour-tous et pro-mariage-pour-tous, soucieux de redorer leur blason gay friendly, se plaisent à couper caricaturalement la communauté homosexuelle en deux parties légendaires : la supposée communauté médiatique dépravée et despotique d’un côté et la communauté homo privée et éparse de l’autre, qui ne mériterait même plus le nom de « communauté » d’ailleurs tant elle serait formée de gens parfaitement intégrés dans la société et pacifiques, « qui ne feraient de mal à personne et qui ne revendiquent rien », qui ne se définissent même pas comme « homos » (et encore moins comme « gays »).

La visibilité, la médiatisation/politisation ne sont que des loupes du phénomène « homosexualité », des épiphénomènes, si vous préférez : pas le nœud en question. Ce qui pose véritablement problème (et ça, personne ne le dit), c’est l’acte homo. Même isolé. Même privé. Même l’invisible, en apparence inoffensif, vécu sur une île déserte, en toute discrétion. Il n’y a pas d’acte isolé, de toutes façons. Et cet acte homosexuel, qui tire sa violence de l’éjection de la différence des sexes, concerne déjà les deux personnes qui le posent. Et a fortiori, ces mêmes personnes sont, quoi qu’il en soit, des êtres de relations, auxquels on n’est pas indifférent, et dont les actes privés ont une portée sur le monde.

Petits conseils pour écrire en vérité à une personne homo de votre entourage

Marguerite Delm

 

– Écrire un mail court (très peu d’argumentation ou de développement d’explications pour se justifier d’opinions) : un vrai mail d’amour. Net et précis. Pas un mail pénible et trop théorique, ni un débat d’idées.

 

– Ne quasiment pas employer de « tu » pour que la personne ne se sente pas jugée.

 

– Ne jamais renoncer à dire le fond de votre pensée (sinon, vous ne serez pas libre ; et vous ne libérerez pas). Le vrai accueil, c’est bien l’alliance de la Charité et de la recherche de Vérité. Et c’est mieux de mettre la Charité avant la Vérité (autrement dit, de rassurer la personne sur l’amour que vous lui portez et sur l’importance de votre relation) pour ensuite lui dire ce que vous pensez de certains de ses actes. Mieux vaut d’ailleurs ne pas parler de ces actes dans un registre manichéen « bien/mal », mais plutôt privilégier le registre « bien/meilleur », avec des formules du style « Je ne suis pas convaincu que ton chemin d’amour soit le meilleur, car il est privé de la différence des sexes – différence qui, quand elle est vraiment accueillie, est la seule qui permette de vivre vraiment l’Amour dans la complémentarité, la simplicité et l’ouverture à la vie », ou bien « Je ne doute absolument pas des bienfaits de votre relation, mais je crois qu’ils seraient tout aussi attribuables à une forte amitié », ou bien « Je ne veux pas te mentir : Je crois que tu as mieux et plus grand à vivre que le couple homo, et que le chemin que tu suis te ‘satisfait’, te ‘convient’, sans te combler pleinement, malgré la sincérité de votre démarche. »

 

– Encadrer votre mail (ou votre lettre) d’humour d’auto-dérision (l’humour le plus puissant et le plus décomplexant, car le plus humble).

 

– Éviter de citer la Bible ou des arguments cathos par rapport à l’homosexualité.

 

– Confier votre lettre et sa réception à saint Joseph (ou à saint Antoine de Padoue !). Il est très bon.