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Code n°30 – Chiens

chiens

Chiens

 

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

Les homophobes qui nous comparent à des chiens, c’est les autres ! C’est pas nous !

 
 

Il est monnaie courante de voir dans les fictions traitant d’homosexualité les personnages homos se comparer à des chiens, s’aboyer dessus au moment du coït quand ils sont en couple, pratiquer le « dogtraining » ou le « pet sex »… alors que pourtant l’association entre homosexualité et zoophilie fera hurler ces mêmes créateurs de leurs propres clichés, et que les membres de la communauté LGBT s’offusqueraient bien que la comparaison canine puisse être révélatrice d’une quelconque vérité violente de leur désir homo prétendument « normal ». C’est tellement plus facile d’inculper les « méchants non-homosexuels homophobes » dans toute cette histoire plutôt que de se regarder soi-même ! Le code des « chiens », omniprésent dans la fantasmagorie homosexuelle, prouve à lui seul que l’homophobie n’est pas, comme on se plaît à nous le faire croire, « non-homosexuelle », mais qu’elle est homosexuelle.

 

CHIENS 1 Pet Shop Boys

Pet Shop Boys


 

N.B.1 : Exceptionnellement, ce code sera illustré à la fin par des extraits vidéo. Je me suis dit que je devais le faire, sinon, on ne me croirait jamais ! Et encore… j’ai dû faire une sélection car j’aurais eu une dizaine de films à vous montrer!

 

N.B.2 : Je vous renvoie également aux codes « Cannibalisme », « Animaux empaillés », « Scatologie », « Homosexualité noire et glorieuse », « Adeptes des pratiques SM », et « Coït homosexuel = viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 
 

1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

L’association de l’homosexualité à la zoo-sexualité révolte un grand nombre de personnes homosexuelles. Pourtant, certaines la font, soit « scientifiquement » pour justifier que l’homosexualité est naturelle, soit artistiquement et par « jeu » : les personnages homos à quatre pattes, tenus en laisse, se définissant comme des chiens, ou bien aboyant sur nos écrans, ne manquent pas dans les œuvres homo-érotiques. Passant maîtres dans l’art des bestiaires et la description d’aventures zoophiles, il semble que beaucoup d’individus homosexuels donnent des bâtons pour se faire battre. Le motif du chien, revenant fréquemment dans la fantasmagorie homo-érotique, n’est malheureusement pas toujours qu’une image. Par exemple, dans la pratique sexuelle de la sodomie et dans le discours, certains baptisent eux-mêmes la posture du sexe anal la plus communément employée lors du coït gay de « position du chien » (Terry Sanderson, Gay Kâma Sûtra (2003), p. 92). Et dans la vie, les personnes homosexuelles se comportent parfois comme des bêtes, même si elles trouvent l’analogie homosexualité-bestialité peu avouable ou scandaleuse. « J’ai rayé tout le passage sur la ressemblance de T. avec un chien, car il me semblait trop grossier, et pourtant : j’évoquais sa bisexualité, qui est un fait presque animal ; le fait que dans la baise la bestialité est un des fantasmes qu’il imprime (le fantasme de la rapidité du plaisir) ; son attachement sentimental, mais son infidélité constante (se retourner sur le dernier corps passé) ; tout son tempérament enfin : son goût de la promenade, du furetage, de la drague ; sa bonne humeur – il remuerait presque la queue – alternée avec des mouvements de mélancolie boudeuse ; son grand amour des chiens, qu’il aborde presque comme des frères, partout, dans la rue ; sa satisfaction à retourner les poubelles. Il aura fallu mettre beaucoup de ‘presque’ dans ce passage pour atténuer la grossièreté de la comparaison, mais elle n’est pas si fausse. » (Hervé Guibert, Le Mausolée des amants (1976-1991), p. 41)

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

Le personnage homosexuel croise un chien ou s’y identifie :

 

CHIENS 0 gay

 

On retrouve le chien dans énormément de productions traitant d’homosexualité: cf. le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, le film « Monster In The Closet » (1986) de Bob Dahlin, la chanson « Josy » de Nicolas Bacchus, le film « Oh My Dog ! » (2007) de Lydie Jean-Dit-Panel, la pièce Eva Perón (1969) de Copi, la chanson « Ouvre le chien » David Bowie, le film « Hush ! » (2001) de Ryosuke Hashiguchi (avec la boutique de toilettage pour chiens), le film « Lie Down With Dogs » (1995) de Wally White, la pièce Grand peur et misère du IIIe Reich (2008) de Bertold Brecht (avec les comédiens qui aboient sur scène), la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau (avec « Sacha », le basset), le film « Bêtes de scène » (2000) de Christopher Guest, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le film « Hayseed » (1997) d’Andrew Hayes et Josh Levy, le chien homosexuel du roman Mon chien stupide (2002) de John Fante (avec l’histoire d’un chien homo), le film « El Cumpleaños Del Perro » (1974) de Jaime Humberto Hermosillo, le film « Un après-midi de chien » (1975) de Sidney Lumet, le tableau Goliath (2005) de Thierry Brunello, la pièce Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphan Druet (avec Roberto, le trans M to F, comparé à un chien), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, la pièce Combat de nègre et de chiens (1979) de Bernard-Marie Koltès (avec Cal et Toubab), le film « Colloque de chiens » (1977) de Raoul Ruiz, le tableau Qui du maître ou du chien… ? (2003) de Xavier Gicquel, le roman Les chiens (1982) d’Hervé Guibert, la chanson « Mélancolie toujours » de Jann Halexander, la pièce Le Frigo (1983) de Copi (avec Médora, la chienne), le film « Mon Führer : La vraie histoire d’Adolf Hitler » (2007) de Dani Levy, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, la nouvelle « La Baraka » (1983) de Copi (Puce, le tenancier du bar homo, avec son faux doberman), le film « Émilienne » (1975) de Guy Casaril, le film « Biloxi Blues » (1987) de Mike Nichols, le film « Curse Of The Queerwolf » (1988) de Mark Pirro, le film « Didier » (1996) d’Alain Chabat, le film « Temps de chien » (1995) de Jean Marboeuf, la B.D. de Logan dans Triangul’Ère 2 (2000) de Christophe Gendron (pp. 310-315), la pièce Les Précieux ridicules (2008) de Damien Poinsard et Guido Reyna (avec la scène de dogtraining), la B.D. Frances (2008) de Joanna Hellgren, le roman Dix petits phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, le roman Qui va promener le chien ? (1999) de Stephen McCauley, le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami (l’histoire d’amour homo commence d’ailleurs avec un accident de voiture impliquant le chien d’un des deux amants : « Ce qui arrivait était bien de la faute de la chienne… », p. 51), le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall (c’est un chien qui permet la rencontre amoureuse lesbienne entre Angela Crossby et Stephen Gordon), la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (dans laquelle l’amant est comparé à un labrador), le one-man-show Comment j’ai mangé du chien (2012) d’Evgueni Grichkovets, le film « Les Chiennes savantes » (1996) de Virginie Despentes, le film « Diese Nacht » (« Nuit de chien », 2008) d’Elfi Mikesch, le film « Perro Amarillo » (2005) de Javier Van de Couter, le film « The Wild Dogs » (2002) de Thom Fitzgerald, la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer, le roman La Cité des rats (1979) de Copi (avec les ébats « homosexuels » du caniche et du fox-terrier), la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel (avec les chiennes), la chanson « Les Chiens perdus » du Beau Claude, le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec les combats illégaux de chiens), la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust (avec le chien géant ou encore le chien en bois à roulettes), le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder (où Joe parie sur des chiens), la chanson « Garçon facile » de Bijou, etc.

 

CHIENS 2 Salo

Film « Salò ou les 120 journées de Sodome » de Pasolini


 

Certains personnages se retrouvent à quatre pattes, sont tenus en laisse, et imitent des chiens : cf. le film « Le Rôti de satan » (1976) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (ces personnes animalisées doivent même manger leurs excréments), le film « O Fantasma » (2000) de João Pedro Rodrigues, la comédie musicale La Périchole : la chanteuse et le dictateur (2007) de Jérôme Savary (avec la meute SM tenue en laisse et qui rapplique sur la scène de l’Opéra Comique de Paris), la pièce Les Quatre jumelles (1973) de Copi, etc.

 

Par exemple, dans le film « Consentement » (2012) de Cyril Legann, Mr Chateigner, un client d’un hôtel luxueux, fait ramasser à son jeune garçon d’hôtel des billets de banque jetés à terre avec la bouche, comme pour un chien. Dans le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville, Sarah la lesbienne confectionne un cocktail nommé la « Chienne rouge ». Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Lucien, le nouvel amant de Bertrand, adore les chiens. Dans la pièce Des Lear (2009) de Vincent Nadal, le comédien sur scène ouvre une boîte de conserve de Pedigree Pal pour son dîner. Dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, le Maître de Cérémonie homosexuel, Aldebert, aboie sur son compagnon : « Wouf ! wouf ! le chien de garde ! » Et plus tard, c’est un autre des personnages, Burger, qui se mettra à aboyer sur scène. Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Esti, l’héroïne lesbienne, tombe sous le charme d’une jeune prof d’histoire, mademoiselle Schnitzler, qui lui montre sur une carte du ciel Sirius « le Grand Chien » (p. 82). Dans le spectacle musical Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, Jenny, le transsexuel, se met à aboyer en émettant un grand « wouaf ! ». Dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, Benjamin fait « wouaf » pour obéir ironiquement à son amant Pierre. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Lukacz joue à cache-cache avec Adam pour le draguer : ils imitent des cris de chiens et de singes pour se retrouver au beau milieu d’un champ de maïs, et instaurent ainsi leur premier véritable dialogue « amoureux ». Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Catherine, l’héroïne lesbienne, veut être adoptée par le couple Fanny/Jean-Pierre comme un chien ; elle hurle à la mort ; Jean-Pierre lui répond : « On n’est pas à la SPA ici. » Dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn, James Dean compare son compagne-photographe Dennis Stock à un chien : « Il me suivait comme un chien perdu. » Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Nina, l’héroïne lesbienne, est dévalorisée autant par ses parents que par sa maîtresse Lola qui conforme un couple régulier et machiavélique avec Vera. Par exemple, elle raconte que sa mère a donné le prénom « Nina » à sa nouvelle chienne : « Une mère qui donne le prénom de sa fille à sa chienne ! » Et plus tard, face à sa plainte de femme malaimée, Vera compare Nina à un toutou : « C’est vrai, tu as un côté chien battu qui est agaçant. » Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Ziki et Kena, les deux héroïnes lesbiennes et amantes (dont les pères respectifs font campagne en politique), sont surprises en flagrant délit de bisou dans leur camionnette par Mama Atim, la commère de leur lotissement kényan, qui lance l’alerte d’une drôle de manière : « Les filles des politiciens, collées comme des chiens !! » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf écrit en 1929 une autobiographie, Orlando, où elle dit que les deux choses essentielles bien supérieures à l’Amour sont « les chiens et la Nature ». Dans le one-man-show Thomas joue ses perruques (2023) de Thomas Poitevin, le frère beauf friendly (donc finalement homophobe) fait un discours en l’honneur du « mariage » de son frère gay Valentin qui officialise son union avec Nicolas. Il file la métaphore canine les concernant.

 

Il arrive que les homosexuels eux-mêmes se définissent comme des chiens ou des passionnés de ceux-ci : « Je t’ai aimé comme une chienne en chaleur. » (Mémé Huguette dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Allez, à poil ! ou j’encule le chien. » (le narrateur homosexuel lors d’une soirée déguisée gay très arrosée, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Moi, grosse chienne passive, t’attends à quatre pattes derrière la porte. » (le narrateur imitant une petite annonce qu’il aurait lue en vrai, idem) ; « Je suis un chien abandonné, un bâtard. » (Anne Cadilhac dans son concert Tirez sur la pianiste (2011), aux Feux de la Rampe à Paris) ; « Quand les chiens se dévorent entre eux, vérifie toujours que la pire chienne assise à la table, c’est toi. » (Doris, l’héroïne lesbienne de la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « Dominique aimait bien imiter le chien. » (Tristan Garcia, La Meilleure part des hommes (2008), p. 162) ; « Rien qu’une vie de chien dans les caves et les souterrains, glory hole, glory hole. » (cf. la chanson « Glory Hole » de Benjamin Biolay) ; « Et si nous étions des chiens, une famille de chiens. […] Non, nous ne sommes même pas des chiens. » (Paul, le héros homo du film « Grande école » (2003) de Robert Salis) ; « Me voilà plus sale qu’un chien de malheur ! » (Yanowski pendant son concert Le Cirque des mirages, 2009) ; « Chien jaune’ : Quel joli terme ! » (une réplique du film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye) ; « J’en ai la gueule de chien. » (cf. la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « J’ai appris le caniveau. N’y ai jamais vu que des chiens en laisse. Peut-être bien que moi aussi je suis en laisse, tenu serré au cou par une invisible corde. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 94) ; « Je dis que les chiens se marient avec qui leur ressemblent. Que j’aimerais être un chien. » (Doña Rosita dans la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1935) de Federico García Lorca) ; « Nous autres, les coiffeurs, avons plus de flair que les chiens de chasse. » (un coiffeur de la même pièce de Lorca) ; « Deux ans chez les pédés, c’est comme les vies chez les chiens. Faut multiplier par 7. » (Jonathan, le héros homosexuel parlant de l’infidélité conjugale, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Ensuite il est entré une petite fille de six ans environ avec mon chien empaillé dans les bras et elle me l’a donné. » (le narrateur homosexuel dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, pp. 31-32) ; « Je me souviens de t’avoir regardé avec des yeux de labrador. » (Denis s’adressant à son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Tu pourrais arrêter de me suivre comme un toutou ? » (Mark, le chef de l’association LGBT londonienne, s’adressant à Mike, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Je suis comme une chienne avec lui. » (Fabien à propos de son attitude avec son amant Herbert, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « Tu aimes les p’tits chiens ? Moi aussi, j’les adore. » (Fabien s’adressant à Michel, idem) ; « J’aime bien les coups de langue et les caresses. » (Michel, idem) ; « On peut fonder une famille. Avec les enfants. Le petit chien. La belle-mère. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Son pouète pouète. Parfois je le lance, et je vais le chercher moi-même. » (Isabelle, l’héroïne lesbienne en parlant du chien, dans la pièce Elles s’aiment depuis 20 ans de Pierre Palmade et Michèle Laroque) ; « À l’époque, je pensais que j’étais horrible. Ils me traitaient comme un chien galeux. » (Jean-Marie, homosexuel parlant de ses camarades scolaires, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; « Caresses de chien donnent des puces. » (Mathieu s’adressant à son ex, Jacques, idem) ; « Je ne suis pas un chien de talus non plus. » (Arthur, homosexuel, s’adressant à Nadine, idem) ; « Je ne suis pas une chienne en chaleur, moi. » (Inès, la lesbienne, dans la pièce Huis-clos (1944) de Jean-Paul Sartre) ; etc.

 

CHIENS 3 We demand

 

Par exemple, dans le film « Bêtes de scène » (2000) de Christopher Guest, le magazine American Bitch adopte comme slogan d’accroche : « Pour les lesbiennes et leurs chiennes ! ». Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, porte un collier clouté de chien. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., le bulldog est d’ailleurs défini par Jonathan comme le « chien de gouine » par excellence. Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, Léonore, l’héroïne lesbienne, doit réciter un rôle pour un casting, avec une réplique particulièrement difficile à prononcer :  « Sachez chasser le chien que je suis. » Dans le film « El Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, la figure du chien occupe tout le tableau : dès le début, les deux héroïnes lesbiennes sont associées aux chiens ; ensuite, Lala est opérée à l’hôpital exactement en même temps que son chien Seraphín ; enfin, à un autre moment du film, le personnage de la bisexuelle, Ailín, est clairement comparé à un chien. Dans la pièce Les z’héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys, Bertrand de la Morne est associé à une chienne nommée Falbala ; et quand le Colonel Crevard change de sexe et devient une femme, il se met soudainement à quatre pattes sur scène. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Santiago est comparé à un chien par Sidney. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael décrit Tex qu’il a surpris au sauna comme un « chien empoisonné » (ils finissent par coucher ensemble). Dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan entraîne sa maman dans le milieu homo : « Ma mère a voulu que je l’emmène en boîte gay. Elle voulait découvrir mon univers. Elle n’a pas été déçue du voyage. » C’est visiblement scabreux : « Comme les chiens à l’entrée, on s’démerde ! » Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, Sieger et son amant Marc jouent à aboyer comme des chiens pour effrayer les vaches. Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), l’héroïne lesbienne, Yorkie, dit qu’elle porte le nom d’une race de chien.

 

Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, le chien prend une place considérable : dès le début, Yoann, le héros homosexuel, pleure la « mort » de son aspirateur Tornado » qu’il traite comme son « petit bébé » et son toutou. Ensuite, il dit à différentes reprises qu’il « renifle » son amant Julien. Enfin, Julien, l’amant de Yoann, lui ordonne, comme à un chien « Assis ! ». Solange, le belle-mère de Julien, finit par ironiser sur le compte de Yoann : « Tu te retrouves tout seul, Julien. Même ton caniche t’abandonnes. »
 

Le chien est l’animal par excellence de la bourgeoise, personnage très important dans la cristallisation identitaire homosexuelle (cf. je vous renvoie au code « Bourgeoise » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. la chanson « Le Chien dans la vitrine » de Line Renaud, la chanson « Frozen » de Madonna, la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy (avec Line la bourgeoise-travesti M to F qui se définit elle-même comme « un vrai toutou »), le film « La Blonde contre-attaque » (2003) de Charles Herman-Wurmsfeld, le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard (avec le coiffeur homosexuel et son Yorkshire « Joséphine »), le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier (avec Jean-Paul, le pédé bourgeois avec son petit chien baptisé « Cocteau »), etc. « Pour le chien, j’ai revendu ses vêtements et fait un cerf-volant avec sa peau. » (la mamie de Tom, le héros homosexuel, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) Il peut également symboliser l’animal de l’Homme sans désir, qui vit seul, en vieux garçon. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, par exemple, Hugo, le héros homosexuel, possède un énorme chien en peluche dans sa chambre. Et la toute dernière réplique de ce spectacle mythique, c’est lui qui la donne, pour décrire sa solitude abyssale : « Je vais me retrouver bien seul maintenant. J’vais peut-être me prendre un chien… »

 

CHIENS 4 manger

Film « F. est un salaud » de Marcel Gisler


 

À plusieurs reprises dans les films représentant l’amour homo, les couples homos se baladent avec deux toutous qu’ils tiennent en laisse comme une symbole métonymique spéculaire d’eux-mêmes : on le voit par exemple dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, ou bien quand le couple homo Jim/George promènent leurs deux chiens identiques dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford. Ils copient exactement la vie qu’ils associent pourtant à un couple « plan-plan » : cf. le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre, la chanson « Vie de couple avec un chien » de Jann Halexander », etc. « Je veux un mari, 2 enfants, une maison et un chien. Pas être une salope comme les autres. » (Paul, le héros homo parlant de ses amis homos en couple, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « On devrait prendre un chien. Tu aimes les chiens. » (Sven à son copain Göran dans le film « Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen) ; « Leur effectif se montait maintenant à trois. Il y avait Stephen et Mary… il y avait aussi David [c’est le nom du chien]. » (le couple lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 435) ; « Tu sais quoi ? Je vais t’acheter un chien. » (Frédérique face à son amante Heïdi qui voudrait un enfant, dans le one-woman-show Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges) ; « Ils aiment beaucoup aussi un jeu très singulier qui consiste à courir à toute allure dans la ligne de démarcation entre la mer et le sable. […] parfois deux ensemble (les chiens), parfois seuls. […] C’est là où vous me direz : laisser tomber les chiens, asseyez-vous sur une dune, allumez une cigarette en faisant paravent contre le vent avec vos mains en cornet et pensez à quelque chose d’autre. Je vous soupçonne d’avoir eu un chien dans votre jeunesse, ça c’est une idée typique d’un maître de chien, Maître. Conard. » (la voix narrative du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 13, où les chiens occupent une place prédominante) Comme autre exemple de couples gay « installés », nous trouvons Bob et Lee, le couple homo qui arrive dans le quartier pavillonnaire de Wysteria Lane dans la série Desperate Housewives (saison 4), a un chien qui s’appelle Raphaël (encore un nom de chien humain…). Et leur maladroite voisine, Mrs Delfino, kidnappe l’animal qui s’est sauvé pour essayer de gagner la sympathie de leurs nouveaux voisins si elle le leur retrouve… elle le met dans son garage à elle, fait semblant de le chercher partout, mais son mari rentre du travail, ouvre le portail du garage, d’où le toutou sort tout englué de peinture jaune pour avoir pataugé dans les pots achetés en avance pour peindre la chambre du futur bébé des Delfino. Et le chien se précipite vers ses deux maîtres, en mettant ses papattes sur le costume ultra cher de Bob (le plus masculin des deux), que les voisins devront rembourser… Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., pour tuer l’ennui, Jonathan et Matthieu veulent avoir un chien. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas et François envisagent toujours la filiation sous l’angle canin : « On aura p’têt notre petit chien… Et p’têt, qui sait, notre fils. » (Thomas) Ils se lancent dans un voyage en pleine forêt tropicale thaïlandaise pour aller chercher Tchang, un bébé de trois ans qu’ils veulent adopter. Voyant qu’il y a eu quiproquo à propos de l’adoption, ils rebroussent chemin : « C’est pas grave. On adoptera un chien. » (Thomas). Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, les personnages homosexuels sont très proches de leur chien. Adam appelle sa chienne « Madame » (c.f. épisode 8, saison 1). Et Éric, son futur amant, est entouré de ses six chiens et exerce le boulot de « promeneur de chiens »… ce qui fait ironiser Adam qui le rencontre au moment de la promenade canine : « Trop gay. » (c.f. épisode 4, saison 1). Et plus tard, Adam se moque d’Éric en l’associant avec mépris à un chien : « Tu sens pas comme une odeur de merde de chien ? »
 

CHIENS 5 Je t'aime toi

Film « Je t’aime toi » d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky


 

Il est assez fréquent que les couples homosexuels cinématographiques, au moment de « faire l’amour », s’approchent animalement, se mettent à aboyer, à grogner comme des chiens, à se mordre : cf. le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine (d’ailleurs, au début du film, Fabrice reproche à Bruno de le « suivre comme un chien »…), le film « Happy Together » (1997) de Wong Kar-Wai, le film « Freude » (2001) de Jan Krüger, le film « Jeffrey »(1993) de Paul Rudnick, le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler, etc. « À ses façons, je compris que c’était mon derrière qui l’intéressait le plus. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 64) ; « Non c’est vrai, les chiens se reniflent le cul avant de baiser entre eux. Nous, les pédés, on ne se renifle pas forcément le cul avant. » (Simon, un des héros homosexuels du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 7) ; « Putain mais tu crois pas qu’on vaut mieux que ça, franchement, se renifler le cul et baiser comme des chiens dans la rue et se barrer comme si on ne s’était jamais connu, avec l’odeur de l’autre sur la queue, sur le cul, sur la gueule, sur les mains. » (Mike à « H. », op. cit., p. 60) ; « Je la trouve minable à la fin avec cette façon perpétuelle d’accommoder les humeurs de sa meuf avec ses propres désirs, comme si elle était sa chienne. » (Mike, le narrateur homosexuel par rapport à sa meilleure amie lesbienne Polly, soumise à sa copine Claude, op. cit., p. 107) ; « T. fait une aquarelle grandeur nature où il me dessine en position de chien, nu, un air soumis, et se dessine debout devant moi, me tenant par une laisse, un pied posé sur mon dos. Il écrit dessus en caractère gras DES-AMOUR(S) CHIENNE(S). » (Mike, op. cit., p. 126) ; « Comment on fait pour se reconnaître entre homos ? On fait comme les chiens : on se renifle le cul. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Prenez votre temps. Reniflez-vous. Faites connaissance. » (le Père 2 s’adressant à son fils Gatal et à l’homme avec qui il veut l’accoupler, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; « Renifle-moi l’aisselle encore une fois. » (Richard s’adressant à son amant Kai, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; etc.

 

Certains rapports sensuels ou génitaux homosexuels sont dignes d’un documentaire animalier : « Je la renifle en animal. » (la voix narrative à propos de son amante lesbienne, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 97) ; « Du bout de ta langue, nettoie-moi de partout. » (Ismaël à Erwann dans le film « Les Chansons d’amour » (2007) de Christophe Honoré) ; « T’aimerais ça, hein, que je te baise comme un chien ?… » (Dick, l’homo violé, à Allan, dans la pièce, Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « Qu’est-ce qu’on trouve comme clientèle ? J’ai plus rien dans ma gamelle ! » (Mimi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Il faut voir les jolis garçons timides qui se reniflent comme des chiens. » (cf. la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 93) Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius se retrouve parfois devant des amants bien complaisants dans la soumission : « Il se déshabille et se met à quatre pattes. » Dans sa nouvelle « Les Garçons Danaïdes » (2010), Essobal Lenoir décrit des bacchanales homosexuelles improvisées dans une forêt : « Nous progressions au pas dans une forêt sauvage, silencieuse, menaçante, d’obscurs voyous dont nous ne voyions luire au feu des phares et des rares réverbères que les étranges diadèmes de rangées de dents d’ivoire et d’or en couronnes. » (p. 101) Et quand il y a de la sauvagerie porno pour se rincer l’œil, les chiens ne sont en général pas loin : « Succédant à la troupe humaine, une meute de chiens galopait à notre rencontre. Il était trop tard pour arrêter. » (idem) Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Jean-Luc saute sur Romuald comme un fauve. Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine et Carole, nues dans leur lit d’« amour », grognent comme des chiennes en chaleur : Carole surjoue la chienne folle, et Delphine la tempère, en riant : « Tout doux… tout doux… vilaine bête. » Dans le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, les deux jumeaux se tiennent en laisse. Dans la pièce Des Bobards à maman(2011) de Rémi Deval, Fred croit que sa mère est homophobe parce que, quand il était petit, il l’a vue séparer deux chiens, Titus et Tintin, qui se sodomisaient ; Max, l’amant de Fred conclut : « Ça existe, les chiens gays. Oui, mais c’est tabou… » Tu l’as dit, Bouffi… Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Bryan dresse des chiens pour aveugles, et son amant Tom est vétérinaire. D’ailleurs, quand ils racontent leur première rencontre, au cabinet, Bryan laisse entendre que c’est en voyant Tom s’occuper de sa chienne qu’il s’est identifié à l’animal et qu’il est tombé amoureux de Tom : « La manière dont Tom s’est occupé de ma chienne… et de moi… ça m’a touché. » Le soir, Bryan, pour faire comprendre à Tom qu’il a envie de faire l’amour, se met à aboyer : « Ça fait plus d’une semaine. » Puis il feint de hurler à la mort , comme un loup. Tom le compare à un « labrador chocolat » qu’il aime bien.

 

CHIENS 6 rocco

« Si tu l’abandonnes, je t’encule » (Rocco Siffredi)


 

Mais la métaphore filée canine ne s’arrête pas là. Le chien est parfois employé comme symbole phallique : c’est le cas dans le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Nana, ou lors du concert Live In London (2009) du chanteur George Michael (avec le chien gonflable qui sort de la braguette géante), etc. Le chien, dans la fantasmagorie homosexuelle, représente habituellement le machisme et le violeur homo « actif ». Je pense par exemple au dessin de Copi dans le journal Libération du 5-6 juillet 1979, représentant un chien sodomisant un chat et s’écriant : « J’aime les races inférieures ! » L’homosexualité canine est génératrice de violence. Dans le one-woman-show Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges, c’est au moment où la protagoniste se fait coller et mordiller la jambe par un chien surnommé Yahoo qu’elle dit : « Ça, c’est depuis que je mets du Jean-Paul Gaultier. »

 

Jonas et son chien Frigou, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier


 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel de 15 ans, possède un caniche, Frigou, qu’il aime comme un amant : « Allez, viens, mon Frigou. Je t’aime. T’es tout beau. ». Il ne supporte pas que son père le traite mal (« Papa, ne lui parle pas comme ça ! »), mais ce dernier n’est pas de son avis (« Jonas, c’est juste un chien. »). Plus tard, Nathan fait croire à son futur amant Jonas qu’il a été abusé dès la classe de CM1 dans son école catholique de Saint Cyprien par un prêtre, qui l’aurait forcé à lui faire une fellation et qu’il aurait mordu au sexe : « Tu veux la suite ? Eh bien je l’ai mordu. J’étais comme un chien avec son os, tu vois ce que je veux dire ? » Dix-huit ans après, Jonas ne lâche pas ses folies canines, puisqu’il est arrêté par la police pour avoir provoqué une baston dans un club gay The Boys qu’il fréquente habituellement, et surtout « pour avoir mordu le bras » de l’homme éméché qu’il avait dragué sur la piste de danse…
 

L’amant homosexuel est carrément comparé à un chien de compagnie ! « Si on entendait mes pensées, on pourrait croire que je parle d’un chien de luxe toiletté. » (Cécile à propos de son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, pp. 52-53) ; « Chaque fois que Fédora venait, Héloïse se transformerait en femme fatale. […] Avant-hier, Héloïse avait enfilé un chemisier transparent d’une totale indécence, et mis à son cou un authentique collier de chien acheté chez Manufrance. » (Hélène de Monferrand, Journal de Suzanne (1991), p. 334) ; « T’appelles ça une amie ? J’appelle ça un chien. » (un personnage à propos de l’héroïne lesbienne de la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell) ; « Tu prends ton air de chien battu. » (Sarah s’adressant à son amante Charlène, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; « Stephen commençait à s’abandonner à des rêveries kaléidoscopiques. […] Des chiens de porcelaine… Il y a, chez Langley, de jolis chiens de porcelaine… Cela fait penser à quelqu’un… oh, oui, à Collins, naturellement. » (l’héroïne lesbienne parlant de sa nourrice tant aimée Collins, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 47) ; « Stephen devait s’abandonner à Mrs. Bingham, s’ébrouant sous les doigts rudes de la nurse comme un chien entre les mains d’un tondeur. » (idem, p. 50) ; « ‘En ce moment, je n’ai que mon chien sur qui me rejeter… c’est chose mélancolique que se promener seule, et j’ai toujours aimé la marche.’ Stephen aurait voulu dire : ‘Mais j’aime aussi marcher, permettez-moi de venir quelquefois avec vous et Tony. » (Angela Crossby et Stephen Gordon, Idem, p. 174) Dans le film « Avant la nuit » (2000) de Julián Schnabel, devant son amant du moment, l’écrivain cubain Reinaldo Arenas imite le chien faisant le beau avec la clé de l’appartement dans la bouche. Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Lili est l’amante lesbienne « qui bave comme une chienne ». Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, le jeune Mathan, homosexuel, dit qu’il est intéressé par « les garçons, pas les chiens… quoique… ». Dans la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1, Hugo et Bart commencent à se tourner autour et vont finir par sortir ensemble… ce qui n’est pas du goût de Sara, la copine de Bart : « Il se comporte comme son petit toutou. » (c.f. l’épisode 262, diffusé le 9 août 2018).

 

CHIENS 7 loups

Film « Les Loups de Kromer » de Will Gould


 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan confond son chien (Nicky) avec l’amant homosexuel (Kévin) : « Deux choses me tenaient à cœur : avoir un chien et un ordinateur. Aucun rapport entre ces deux souhaits, si ce n’est que les deux allaient occuper une place importante dans ma vie. » (p. 21) D’ailleurs, il fait une crise de jalousie à son chien qui a un peu trop vite adopté Kévin à son goût : « Hé oh ! C’est bon ! Je t’ai demandé d’être gentil avec lui, pas de l’aimer plus que moi ! » (idem, p. 68) ; « Un après-midi, dans ma chambre, j’étais assis sur la moquette et je caressais Nicky. Kévin vint s’asseoir en face de moi et le caressa aussi. Inévitablement, nos mains se rencontrèrent sur le pelage de mon chien. Kévin me caressa la main en s’excusant. » (idem, p. 94) Bientôt, la jalousie s’étend à sa mère, puisque Bryan réprimande violemment son amant à propos d’elle aussi : « Si ça continue, ma mère va finir par t’aimer plus que moi ! T’as vu comme elle prend ta défense ! Comment tu fais pour séduire tout le monde ? […] Oui, t’as commencé par moi, puis mon chien et maintenant c’est ma mère ! » (idem, p. 158) Et quand on entend Bryan décrit son copain Kévin qu’il « aime tant » juste devant lui, on se demande s’il n’est pas en train de parler à son chien ! Le doute est permis… : « Il est d’une gentillesse ! Il comprend tout, tout de suite. Nous parlons la même langue. Je veux dire que nous nous comprenons toujours ! Souvent, je commence une phrase, il la termine, ou le contraire. » (Idem, pp. 361-362) Les crises de paranoïa de Bryan au sujet du pauvre chien Nicky qui n’aurait pas le droit de préférer Kévin à son maître (franchement, c’est dégueulasse de refuser ce DROIT à un animal, quand même…) reviennent : « Laisse-le tranquille ! […] Moi, ça me gêne. Il va finir par t’aimer plus que moi ! Quel traître ! Aucune reconnaissance ! Quand tu es là, je n’existe plus. C’est moi qui t’ai sorti de ta cage, t’as oublié ? » (idem, p. 392) Bryan croit à ce point que Kévin peut le « tromper avec un animal » que c’est bien lui qui instaure le lien de causalité homophobe entre chien et homosexualité, et qui prend son copain pour un gentil animal de compagnie.

 

Ce qui se produit également très fréquemment, c’est que le protagoniste homosexuel se sent traité comme un chien par son compagnon, et défend parfois son « titre » : « J’suis pas ton chien ! » (Philibert à David, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher) ; « Tu ne me vois pas autrement que comme un chien fou. » (Vincent s’adressant à son vieil ex-amant Stéphane, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Pas plus que tout à l’heure je ne voyais clairement ce que je voulais, sinon continuer de marcher à côté d’elle comme un chien à côté de son maître. » (Laura en parlant de son amante Sylvia, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 32) ; « J’ignore comment vous considérez ces sortes de choses, bien des gens les trouvent répugnantes et contre nature. Mais la nature elle-même est contre nature, comme l’observation des animaux vous l’aura prouvé, surtout si vous avez un chien là-bas à Petten. » (Laura s’adressant mentalement à la mère de son amante Sylvia, idem, p. 53) ; « Allo, moi, c’est Jean. J’adore me faire enfiler. Fais de moi ta chienne. » (cf. l’annonce d’un internaute faite à Bertrand, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 37) Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Stan se transforme mystérieusement en chien après un accident, et dès qu’il commence à « s’homosexualiser », Francis, l’homosexuel confirmé de la bande, rapplique précipitamment vers lui et tente une approche car il est intéressé par la métamorphose câline/canine de son ami : « Si si, je suis un chien ! J’suis un vrai cabot ! »

 

Tout comme la communauté homosexuelle fictionnelle, l’homophobie des personnages soi-disant « hétérosexuels » cultivent le lien entre chien et homosexualité. Par exemple, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, quand Mrs Shah déclare que « l’homosexualité et l’inceste sont des perversions » et qu’un étudiant lui demande le sens du mot « perversion », cette dernière répond : « Avoir des rapports sexuels avec un chien serait un exemple de perversion. » (p. 127) Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, lors du cruel « Jeu de la bouteille » organisé par Fábio, Léo, le héros homosexuel aveugle, croit donner son premier baiser à une fille… quand en réalité il est sur le point d’embrasser un chien (Pudding) sans le savoir. Un peu plus tard, Fábio, le méchant homophobe, aboie sur Léo dès qu’il passe à côté de lui, pour se foutre de sa gueule, et pour le soupçonner d’homosexualité.

 

CHIENS 8 Planeur

Film « Le Planeur » d’Yves Cantraine


 

Le personnage homophobe bisexuel/homosexuel aime comparer le protagoniste homo à un chien pour le soumettre : « Vous dégoûtez même les chiens ! » (des propos dits aux invertis dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto) ; « Tu traites mieux ta conne de chienne que moi. » (Rosário à son amant trans Tonia, dans le film « Morrer Como Um Hommen », « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues) Par exemple, dans le film d’animation « Piano Forest » (2009) de Masayuki Kojima, l’ambigu personnage de Kai insulte Takako de « chien ! ». Dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès, l’association entre drague homosexuelle et zoophilie canine est claire. Étant donné que le comportement animal du chien allie promiscuité, errance, infidélité, et bisexualité, les personnages de cette pièce, qui se déroule sur un lieu de drague homo, passent leur temps à se renifler et à se définir comme des chiens : « J’évite les ascenseurs comme les chiens évitent l’eau. » ; « Je suis chien et vous humain » ; « Plutôt ferions-nous mieux de nous chercher les poux plutôt que de nous mordre. » ; etc. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Omar renifle le cul de son amant Emmanuel endormi ; et l’étudiant en histoire (qui se fera violer) porte sur son tee-shirt un dessin imprimé de chien. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le héros homosexuel, se décrit comme un « chien en laisse » quand il était en couple avec Stéphane.

 

À maintes reprises, le chien est le symbole du viol. Par exemple, au tout début du film « L’Arbre et la forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Frédérick, le héros homo, est terrifié de se retrouver nez à nez pendant sa ballade en forêt avec un chien d’un promeneur. L’animal lui rappelle les terribles chiens des camps de concentration qu’il a connus. Le chien est aussi le signe d’un fantasme de viol agressif, un langage métaphorique de la schizophrénie du personnage homosexuel : « Où suis-je ? Où ? C’est chez moi ici ? C’est bien chez moi, voici mon corps à côté de celui de mon chien. » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Oh merde, ils m’ont déchiré le bras. » (Maria en parlant des chiens, dans la pièce Les Quatre jumelles (1973) de Copi) ; « Arrêtez ! Ma bonne m’assassine à coups de massue et mon chien afghan me mord les chevilles ! » (« L. » en parlant de Goliatha dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Arrêtez d’aboyer, saloperie de chiens ! » (la toute première phrase de la pièce Les Quatre jumelles (1973) de Copi). On retrouve cette agression symbolique par les chiens de garde invisibles dans la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter. Dans son one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011), Karine Dubernet dit qu’elle n’est pas facile à vivre : « Je sais, caractère de chien. Oh le caractère de chien… » Mais elle va plus loin puisqu’à un moment de son spectacle, elle réalise avec son chien imaginaire des « acrobaties canines ». Elle avoue aussi qu’elle imite très bien les chiens : « Ne rigolez pas. Je fais très très bien le chien. Je fais que ça ! » Le chien serait une « seconde nature » chez elle…

 

Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Benjamin se plaint auprès de son amant Arnaud de ne pas avoir de chien. Celui-ci lui répond : « Si. J’en ai téléchargé un ce matin. » Plus tard, concernant l’échelle de Kinsey (barème d’homosexualité), Arnaud s’exclame : « C’est pas un truc inventé par les Nazis pour attraper les chiens errants ! » Plus tard, lorsque le psychothérapeute que Arnaud et Benjamin leur présente l’échelle de Kinsey, avec l’étape « Prédominance hétérosexuelle, occasionnellement homosexuelle », Benjamin fait une analogie avec l’animal domestique de sa voisine : « Ah ?! Comme le chien de la voisine ! »
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Je vous renvoie par exemple à l’essai Le Pouvoir des chiens (1967) de Thomas Savage.
 

L’homophobie sociale la plus hétérosexuelle (donc la plus inconsciemment bisexuelle et ignorante) qui soit, aime à justifier le lien homophobe de causalité entre désir homosexuel (chose que personnellement je ne fais pas, d’ailleurs : je me contente de parler du lien de coïncidence) : j’ai en tête les lettres d’injures – non signées, ou dont la plume sent l’homosexualité refoulée des extrémistes à plein nez – reçues par Noël Mamère après le mariage de Bègles de 2004 (dont certaines sont publiées sur l’article « Homophobes en toutes lettres » de Blandine Grosjean, dans le journal Libération du 22 juin 2004) ; ou bien encore la bêtise confondante de la députée UMP Brigitte Barèges qui, à propos d’un texte PS visant à autoriser le mariage homo en France, n’a rien trouvé de mieux à dire que l’amour homosexuel était équivalent à la zoophilie (« Et pourquoi pas des unions avec des animaux ? »). Ça s’est passé le 26 mai 2011.

 

Mais loin de s’opposer à la connerie homophobe populaire, la communauté homosexuelle et gay friendly va complètement dans son sens, et va même jusqu’à la créer, c’est cela qui est paradoxal et fou ! Pensons aux tout récents clichés de la Top Model nord-américaine Janice Dickinson qui se promène le 3 juin 2010 dans les rues de Beverly Hills (États-Unis) avec ses deux chiens, un bouledogue anglais et un labrador chocolat, pour défendre le vote du mariage gay (cette campagne, à l’initiative du photographe Adam Bouska et de son partenaire Jeff Parshley, a pour but de sensibiliser les gens à la Proposition 8, un amendement à la constitution de l’État de Californie).

 

Il est assez fréquent, même si c’est étonnant, d’entendre les personnes homosexuelles se comparer à des chiens : « Nous sommes tous des petits chiens. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 376) ; « L’homosexuel demeure un loup, libre et fier, farouchement indépendant et sans doute encore sauvage, et rien ne l’oblige à se faire chien, animal domestique, embourgeoisé et de bonne compagnie. » (Dominique Fernandez, Le Loup et le chien (1999), cité dans l’essai L’Infidélité : la relation homosexuelle en question (2009) de Christophe Aveline, p. 30) ; « Une jeune jardinière des espaces verts de la ville trouve un chien abandonné dans la forêt où elle travaille, […] le chien auquel elle réserve un destin surprenant, qui va révéler une face (très) cachée de sa personnalité. » (cf. le résumé du film « Temps de chien » (2011) de Viva Delorme, sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris ayant eu lieu le 7-16 octobre 2011 au Forum des Images de Paris) ; « Je me butais à dire que j’étais rejeté par ce même milieu, tout en le fréquentant assidument. Je savais que je me contredisais. Pire, j’avais tendance à me positionner en victime vis-à-vis à d’eux. […] On se haïssait. On se scrutait en chiens de faïence. Ainsi allaient nos humeurs. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du « milieu homosexuel », dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 141) ; « Dans le couloir, je les entendais s’approcher, comme les chiens qui peuvent reconnaître les pas de leur maître parmi mille autres, à des distances à peine imaginables pour un être humain. » (Eddy Bellegueule parlant de ses deux agresseurs au collège, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 38) ; « Si le couple est réduit à la fidélité, je pense qu’il ne doit pas y avoir beaucoup de couples. Ça ne me pose pas de problème que Bertrand aille voir ailleurs. Un chien est fidèle. Maintenant, il va aller tirer un coup. Et ça ne me fait ni chaud ni froid. Je ne crois pas à la fidélité physique, du premier jour de la rencontre jusqu’à la fin. » (Pierre parlant de son « couple » avec Bertrand, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; etc. Dans l’autobiographie fictionnelle Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, le chien est même présenté comme un dieu : « J’ai marché dans la merde, expliqua Luisito. Avec ces nouvelles nourritures en conserve, les clebs chient des étrons en forme de santons. » (p. 272) Dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, Harvey Milk participe à une publicité sur les crottes de chien : c’est un fait réel. Il est question des chiens dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles. En novembre 2015, lors de son interview à Télé Loisirs, Christophe Beaugrand fait un splendide lapsus : au moment où Malika Ménard lui demande les raisons pour lesquelles, alors qu’il s’assume homosexuel médiatiquement, il ne s’affiche pas avec son partenaire Ghislain, Christophe répond : « J’ai déjà présenté mon chien à la presse. Je n’ai pas encore envie de présenter Ghislain. » Je vous renvoie également à l’album de photographies de Christian Girard (avec une photo « Attention chien méchant »), au documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre, etc.

 

Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent donne des noms de chiens à ses modèles et se justifie d’une telle vulgarité : « J’ai grandi entouré de chiens. Je les adore. Ils font partie de moi maintenant. » Dans son vidéo-clip « Sentimentale », la chanteuse Mylène Farmer nous présente ses chiens comme une relation amoureuse.

 

Le chien est un animal qui a une place presque surhumaine et amoureuse dans la vie de certaines personnes homosexuelles (pourtant pas du tout zoophiles !) : « Comment continuer l’un sans l’autre ? Il y a des moments comme ça où nous avons tous les deux l’impression d’être seuls au monde. » (Frédéric Mitterrand parlant de son chien, dans La Mauvaise vie (2005), p. 293) ; « J’ai toujours grandi au milieu des chiens, mais bien sûr, je ne leur ai jamais trouvé aucun attrait érotique. Je ne suis pas zoophile ! J’ai juste découvert que les garçons soumis qui jouent au chien, c’est excitant. » (Sir Michael Daniels, adepte du pet play et du dogtraining, cité dans le livre Le Sexe bizarre (2004) d’Agnès Giard, p. 149) ; « J’ai eu un chien qui, en cachette, me fumait tous mes cigares. » (Érik Satie cité dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Loin de moi vous oublier, chiens chaleureux, meurtris de peu, pansés de rien. Comment me passerais-je de vous ? Je vous suis si nécessaire… Vous me faites sentir le prix que je vaux. Un être existe donc encore, pour qui je remplace tout ? Cela est prodigieux, réconfortant, un peu trop facile. » (l’écrivaine lesbienne Colette) ; « Je suis […] une femme qui a survécu en remplaçant les enfants par les diplômes, les bibliothèques dévorées, les livres avalés et pondus, sans oublier les petites chiennes… […] Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours été fascinée par les chiens. […] » (Paula Dumont, Mauvais genre (2009), p. 56-57) ; « Je me suis rappelé de mon premier amour canin. » (idem, p. 60) ; « Quiconque n’a pas été aimé d’un cocker ne sait rien de l’amour. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 115). « Je suis allée brosser la chienne qui en avait grand besoin et qui m’aimait, elle, d’un amour exclusif. » (idem, p. 127) ; « ‘Oui, je suis une encyclopédie canine ambulante !’ J’ai reconnu qu’elle [Solange, autre femme lesbienne] en savait beaucoup plus que moi sur un sujet où j’avais pourtant conscience d’être très au-dessus de la plupart des gens. » (idem, p. 245) ; « Je sais, dit Corydon, que, la plupart du temps, les gens qui passent et qui voient de loin deux chiens se chevaucher, concluent du sexe de chacun d’eux d’après la position qu’il occupe. Oserai-je vous raconter ceci ? C’était sur un des boulevards de Paris ; deux chiens étaient accouplés de la piteuse façon que vous savez causaient grand scandale auprès de certains, divertissaient grandement quelques autres. Je m’approchai. Trois chiens mâles rôdaient autour du groupe, attirés sans doute par l’odeur. L’un d’eux, plus hardi ou plus excité, n’y tenant plus, tenta l’assaut du couple. Je le vis se livrer pendant quelques temps à d’incommodes acrobaties pour chevaucher l’un des captifs… Nous étions là plusieurs, vous dis-je, à contempler cette scène pour de plus ou moins bons motifs ; mais je gage que je fus seul à remarquer ceci : c’est le mâle, et le mâle seul, que le chien voulait chevaucher ; il laissait délibérément de côté la femelle. Il s’évertuait encore et, comme l’autre était attaché et pouvait mal résister, peu s’en fallut qu’il ne parvînt à ses fins… quand survint un agent qui dispersa d’un coup les acteurs et les spectateurs. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), pp. 191-192) ; « Mes premiers souvenirs d’excitation sexuelle remontent à ma cinquième année, bien que je n’en aie eu conscience qu’au cours des dix dernières : je vis un jour des garçons jouer avec les organes génitaux d’un chien et, une autre fois, ces mêmes garçons s’amuser avec leurs propres sexes. Lorsque mon tour arriva, j’éprouvai un vif sentiment de culpabilité à l’égard de ma mère qui arriva bientôt, sans, d’ailleurs, avoir eu connaissance de ce qui venait de se passer. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, op. cit., p. 76) ; etc.

 

CHIENS 12 Gertrud Stein

Gertrude Stein (à gauche)


 

Dans la biopic « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le pianiste virtuose Liberace possède plusieurs chiens qu’il traite même mieux que ses amants ! Et l’un d’eux porte le nom très amoureux de « Baby Boy »

. J. R. Ackerley a écrit carrément une biographie volumineuse sur son chien Queenie. Gertrude Stein, la photographe lesbienne, se prenait fréquemment en photo avec ses chiens (cf. l’autoportrait Tal Coat, 1934-1935). Marguerite Yourcenar, fille unique et orpheline de mère, a beaucoup pleuré la mort de son chien Trier quand elle était enfant (cf. la photographie où elle tient un cocker sur ses genoux) ; quand il est mort accidentellement, elle écrira : « Personne ne me comprendra si je me dis que je ne m’en consolerai jamais, pas plus que d’une mort humaine. » Pour ma part, j’avoue, pendant mon enfance et mon adolescence, avoir eu un rapport fusionnel et incestuel avec les chiens de mon entourage : il me faisait craquer (surtout les bassets et les labradors). J’en étais fou… même si depuis, je me suis calmé ;-).

 

Il arrive qu’entre partenaires homosexuels, les étreintes soient des pâles imitations des coïts canins, même inconscientes. « Tandis qu’il haletait comme un chien et que des mots s’échappaient en mince buée de ses lèvres, murmurant d’une voix rauque que c’était bon, unique et bon à la fois… » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 68-69) ; « La position du chien (celui qui est pénétré se place à quatre pattes et son partenaire l’approche par derrière, à quatre pattes aussi) est certainement la plus communément employée par le sexe anal entre les gays. » (Terry Sanderson, Gay Kâma Sûtra (2003), p. 92) ; « Elle [Catherine] m’a embrassée, respirée, flairée. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 37) ; « Nous [Paula et Catherine] nous sommes embrassées longuement dans l’entrée, sous le regard curieux et désapprobateur de la chienne qui voyait le déroulement de sa journée perturbé et qui, comme ses congénères, était jalouse des manifestations de tendresse qui ne lui étaient pas destinées. » (idem, p. 46) ; « Indépendamment des plaisirs amoureux, auxquels je ne connaissais pas grand-chose avant Martine, il y avait le fait de se réchauffer à une présence. On prend bien un chien, pour ne pas être seul ! » (idem, p. 78) ; etc. Cette simulation de passion animale incontrôlable est assez flagrant en boîte gay, quand certains couples se dévorent littéralement et avec impudence sur la piste de danse, sous les yeux de tous. Certains couples homosexuels (plus rares) pratiquent entre eux le « dogtraining » : l’un des deux amants est tenu en laisse par l’autre et devient le chien de son « maître ». Ils justifient généralement cet avilissement par le jeu ou le plaisir de la mise en scène, même s’ils pratiquent avec sérieux ces actes qui s’orientent vers le SM (cf. je renvoie au documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat, avec des statues de chiens dans la propriété des libertins). Par exemple, dans le docu-fiction érotique « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, le dogtraining est filmé, et des vrais chiens assistent aux coïts humains homosexuels.

 

Ne croyez pas que cette pratique soit un pur mythe ! Moi, par exemple, j’ai un ami homo de mon âge, par ailleurs homme de lettres très raffiné et propret sur lui, qui m’a montré tout récemment le collier piquant que lui avait offert en cadeau d’anniversaire son copain, avec qui il pratique (deux fois par semaine, en complément de coïts « classiques » !) le dogtraining, parce qu’il trouve cela vraiment « excitant et mignon ». J’étais mort de rire tellement je n’y croyais pas !

 

CHIENS 11 SM

Dogtraining


 

L’imitation humaine du chien par certaines personnes homosexuelles (plus nombreuses qu’on ne croit) renvoie bien souvent au fantasme de viol, et parfois au viol réel malheureusement. Déjà, la blague qui circule beaucoup entre bandes d’amis gay aux soirées, c’est celle qui demande à l’un de ses membres « d’arrêter de faire sa chiennasse ». Cela dit, quand on voit dans certains sites de rencontres Internet les poses suggestives (et sérieuses !) de pas mal d’internautes qui « font l’amour à la caméra » et qui, par leur posture de chien, appellent clairement au viol, on comprend que la boutade n’est pas qu’un pur fantasme. Et quand on lit les pages de certaines autobiographies, telles que Une Mélancolie arabe (2008) d’Abdellah Taïa, on n’hésite plus à reconnaître que ce lien de coïncidence entre les chiens et le viol homosexuel peut exister : « Chouaïb était maintenant nu, entièrement nu. […] C’est à ce moment-là que j’ai réalisé ce qui allait physiquement m’arriver, se produire en moi. Exploser en moi. Pour la première fois. J’ai fermé mes fesses. J’ai fermé mes yeux. Avec force. […] Il a alors attrapé ma tête, m’a tiré les cheveux et a dit, autoritaire, vulgaire : ‘ouvre tes fesses, j’ai dit… Ouvre-les ou bien je te viole… Je le jure que je vais te violer, petite Leïla…[…] Je m’étais transformé en petit tigre enragé. Il aimait ça. La bagarre. Les défis. Les offensives. Il était de plus en plus excité. Moi aussi. En colère et excité. On se donnait des coups, pour de vrai, pour de faux. Il m’insultait. ‘Zamel’. Salope. Petite Leïla. Je le mordais, au bras, aux cuisses. On se poussait. » (pp. 22-23) Oui : quand on est inhumain, on peut se conduire comme un chien… même si cela paraît très « naturel ».

 

Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, se fait tenir en laisse pendant ses concerts, et se décrit comme une « chienne de la nuit » : « Les chiens et les autres animaux sont très malins. »
 

Pour terminer, je vous suggère de regarder quelques vidéos très courtes de films à thématique homosexuelle (Attention, le contenu de ces extraits est réservé à un public exclusivement adulte.) Elle vous montre que je n’ai pas rêvé et que les personnes homosexuelles pratiquantes s’insultent elles-mêmes :

 

 

« Le Planeur » (1) d’Yves Cantraine

« Je t’aime toi » d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky

« Jeffrey » de Paul Rudnick

« Les Yeux fermés » d’Olivier Py

« Le Planeur » (2) d’Yves Cantraine

 
 

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Code n°31 – Cirque (sous-code : Fêtes foraines)

cirque

Cirque

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Qu’est-ce que c’est que ce cirque ???

 

Pièce La Vraie Fiancée d'Olivier Py

Pièce La Vraie Fiancée d’Olivier Py


 

Tandis qu’elles s’évertuent à croire que l’onirique est le Réel et que « tout est beau » (Andy Warhol cité sur ce site, consulté en juin 2005) avec des cœurs dans les yeux, beaucoup de personnes homosexuelles établissent une frontière étanche entre beauté et bonté, réalité et Vérité, et se servent de l’excuse de l’art ou de la performance scénique pour instaurer un lien destructeur entre beauté, amour et mort. Elles vont ainsi trouver particulièrement belle non pas la mort en elle-même mais la représentation de la mort, la mise en scène du risque (notamment à travers la corrida, la boxe, le cirque, l’art gothique). Elles partent du principe que la beauté est quelque chose qui ne durera jamais, que c’est la mort qu’elles admirent en elle.

 

Avec le cirque, le tragique et le comique se confondent ; le risque mortel louvoie avec la magie esthétique et grotesque ; la transgression des frontières est à son apogée. Il était donc logique que les personnes homosexuelles, qui flirtent et expulsent la limite de vie qu’est la différence des sexes à travers la pratique homosexuelle, se retrouvent émotionnellement dans le monde adulescent des jeux du cirque et des fêtes foraines.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Manège », « Magicien », « Aube », « Amour ambigu de l’étranger », « Folie », « Poupées », « Boxe », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Corrida amoureuse », « Humour-poignard », « Jeu », « Cour des miracles homosexuelle », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et Masques », et à la partie « Trapéziste homo » du code « Funambulisme et Somnambulisme », dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La passion homosexuelle du cirque :


 

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel aime l’univers du cirque ou bien travaille dans un cirque : cf. la chanson « La Foire d’Empoigne » d’Arnold Turboust, le roman El Circo (1957) de Juan Goytisolo, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le vidéo-clip de la chanson « Le Premier Jour » d’Étienne Daho, le film « Un Cirque à New York » (2002) de Frédérique Pressmann, la chanson « Viendras-tu avec moi ? » de Nilda Fernandez, le roman Le Cirque (1948) de Yukio Mishima, les vidéo-clips des chansons « Sans Contrefaçon » et « Optimistique-moi » de Mylène Farmer, le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, l’album « Bijoux et Babioles » de la chanteuse Juliette, le roman El Ángel De Sodoma (1928) d’Hernández Catá, la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H. (où le couple Jonathan/Matthieu se repasse en boucle le film « Moulin rouge »), le roman El Misántropo (1972) de Llorenç Villalonga, le film « Vices privés, vertus publiques » (1976) de Miklos Jancso, le film « The Gymnast » (2005) de Ned Farr, le film « Siegfried » (1986) d’Andrzej Domalik, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay ct Dmitry Troitsky, le roman La Vie comme une Fête (1977) de Marcel Jouhandeau, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « A Lira do Delirio » (1978) de Walter Lima Jr, le vidéo-clip de la chanson « No Big Deal » de Lara Fabian (avec la chanteuse enfermé dans une cage de fauve de cirque), le film « Mann Mit Bart » (« Bearded Man », 2010) de Maria Pavlidou, la chanson « Je suis moi » de Shy’m (avec la femme-à-barbe), le film « Thread » (2009) de Lilium Leonard (avec le cirque indien), le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker, la chanson « The Forgotten Circus » du groupe Coop, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation » (2004) de Pedro Almodóvar, l’album Circus de Britney Spears, la chanson « La Femme à barbe » d’Émily Loiseau, etc.

 

Film "When Night Is Falling" de Patricia Rozema

Film « When Night Is Falling » de Patricia Rozema


 

Parfois, le héros homosexuel a l’impression que son amant est un figurant de cirque et que l’histoire sentimentale qu’ils vivent est aussi enchanteresse/dangereuse/irréelle qu’un cirque : « Stella s’occupe de moi tout le temps. On dirait une dame de cirque. » (Dotty parlant de sa compagne Stella avec qui elle vit depuis 30 ans, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « Si on fondait un cirque ambulant avec un bon bandonéon ? » (Raulito s’adressant à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Le samedi 7 février 1920, nos deux amis (Paul Robin et François de Séryeuse) étaient au cirque Médrano. » (Raymond Radiguet, Le Bal du Comte d’Orgel (1924), p. 23) ; « Brandt a encore fait tout un cirque. Je crois que je lui ai manqué. » (Engel s’adressant à son amant Marc Brandt, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant) ; etc. Par exemple, dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau voit « deux SDF avec un nez rouge ». Dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, Dzav et Bonnard montent le « Cirque Gay 2020 ». Dans le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1943) de Luchino Visconti, Gino est tenté de faire sa vie avec Giuseppe, un saltimbanque forain qu’il rencontre dans un train et qui lui propose de le suivre dans sa vie d’homme du cirque sur les marchés. Dans le film « When Night Is Falling » (1995) de Patricia Rozema, Camille tombe amoureuse de Petra, une artiste de cirque. Dans le film « Itinéraire d’un enfant gâté » (1988) de Claude Lelouch, Jean-Philippe tombe amoureux de Sam, l’homme de cirque.

 

Film "Les Amants diaboliques" de Luchino Visconti (avec Gino et Giuseppe)

Film « Les Amants diaboliques » de Luchino Visconti (avec Gino et Giuseppe)


 

Les héros homosexuels aiment dans le cirque cette alliance entre beauté, amour et mort : « J’étais friand de ce genre de choses où le piment du danger relève le goût de la beauté physique. » (Roger à propos d’un spectacle acrobatique, dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 18) ; « Tu aimes le cirque. Que penses-tu de mon final ? » (Jack s’adressant à Harvey, dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant) ; « La vie est une fanfare. » (cf. la chanson « Fanfare de nos vies » de Jann Halexander) ; etc.

 

Film « Das Flüstern Des Mondes » (« Whispering Moon », 2006) de Michael Satzinger

Film « Das Flüstern Des Mondes » (« Whispering Moon », 2006) de Michael Satzinger


 

Le cirque est présenté comme l’univers bisexuel par excellence, où les acrobates sont androgynes, hyper maquillés, portent des collants et des « moule-bite », sont à voile et à vapeur : « Le théâtre ça s’apprend dans les cirques. Mais j’ai appris aussi beaucoup dans la marine. Les voiles d’un bateau ou les rideaux d’un théâtre, pour moi, c’est pareil. » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’avais fait une soirée ‘Circus’. » (le narrateur homosexuel racontant qu’il a organisé une soirée déguisée à thème, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; etc. Par exemple, dans le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder, les Piccolos se trouvent être des nains d’un cirque déguisés en fillettes. Dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, le professeur Foufoune, avant de finir médecin, dit qu’il a toujours rêvé de faire du cirque.

 

 
 

b) La fête foraine et les parcs d’attraction :

Vidéo-clip de la chanson "Boy & Girls" de Charlie Makes The Cook

Vidéo-clip de la chanson « Boy & Girls » de Charlie Makes The Cook


 

Souvent, les personnages homosexuels se retrouvent dans une fête foraine ou vont dans un parc d’attraction pour célébrer/concrétiser leur relation amoureuse : cf. le roman Les Forains (1945) d’Henri Sauguet, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Edge Of Seventeen » (1998) de David Moreton, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Loopplanes » (2010) de Robin Wilby, le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, le roman La Foire aux garçons (1934) de Philippe Hériat, le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé (avec la référence aux forains), le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec le parc d’attraction), le vidéo-clip de la chanson « Boys and Girls » du groupe Charlie Makes The Cook, le film « Happy, Texas » (1999) de Mark Ilsey (avec les forains homosexuels), le film « Adieu Forain » (1998) de Daoud Aoulad-Syad, le film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py, le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, le ballet Les Forains (1945) d’Henri Sauguet, la chanson « L’Attraction » d’Emmanuel Moire, le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec le chapitre « Disneyland »), la bande dessinée La Foire aux Immortels (1992) d’Enki Bilal, le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, le film « Friendly Persuasion » (« La Loi du Seigneur », 1956) de William Wyler, etc.

 

Film "Garçon stupide" de Lionel Baier

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

« Un petit pédé s’assied à côté de moi, tend sa main avec féminité et dit ‘Je suis Camillia. Enfin, là je suis en Rodriguo, mais ici on me connaît en Camillia. Je bosse dans un parc d’attraction et j’ai pas eu le temps de me changer. » (Mike, le narrateur homosexuel dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 103) ; « On nous appelle les forains. La route est notre domicile. » (le duo Bill/Étienne dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy) ; « Vous n’avez pas eu de peine à trouver un foyer d’artistes pour vous adopter alors que moi je suis restée à l’orphelinat jusqu’à l’âge de quinze ans, où je me suis enfuie pour faire la strip-teaseuse dans les fêtes foraines. » (Vicky s’adressant à la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « On est au Parc d’attractions et je suis Madame Godzilla. » (l’infirmière d’hôpital s’adressant à Rana, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; « Tu veux venir à la fête foraine avec nous ce soir ? » (les amis de Simon, le héros homo qui va rencontrer pour la première fois en vrai son amant, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

 

Par exemple, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Jean et Henri se rendent dans une fête foraine : Jean tente de tester la virilité peu affirmée d’Henri en le soumettant à un jeu de punching-ball (ce dernier, pour le séduire, se coupera le front en tapant sa tête trop fort contre l’appareil)… et Jean se volatilisera avant de voir la victoire inespérée de son jeune amant. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glen et Russell vont dans un parc d’attraction de Londres, aux autos taponneuses. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Jean et Juan, le couple homo, vont à Eurodisney ensemble. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux amantes Kena et Ziki commencent leur idylle dans les manèges tournants d’une fête foraine de Nairobi (Kenya).

 
 

c) Le Cirque du (fantasme de) viol :

Série Drôles de Dames

Série Drôles de Dames


 

Le cirque (ou le parc d’attraction) n’est pas, chez le héros homosexuel, qu’une simple passion anodine pour les sensations fortes et divertissantes. Car nul ne cherche à se distraire et à se faire peur s’il n’a pas peur lui-même à la base et s’il ne veut pas échapper à quelque chose. Le cirque, je crois, est le symbole d’une fuite du Réel et d’une misanthropie : « Il faut aimer le cirque et mépriser le monde. » (la voix narrative de la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet)

 

Film "La Loi du Désir" de Pedro Almodovar

Film « La Loi du Désir » de Pedro Almodovar


 

Le revers du cirque, c’est qu’il transforme souvent le personnage homosexuel, sous prétexte d’humour, de recherche de l’originalité et de défi des limites, en objet ( = un Pinocchio), en bête de foires et de laboratoire, en victime (morte ou blessée si son numéro ne marche pas comme prévu) offerte à la curiosité malsaine et au transfert des pulsions morbides du public, comme les rituels de la cruauté des jeux du cirque sous la Rome Antique, les sports de combat, la tauromachie, la boxe. « Tu distingues vite les curieux des bouleversés. Les premiers ont des étincelles dans les yeux, t’examinent comme une femme à barbe dans un cirque ambulant. Les seconds affichent des visages pantelants, tragiques, et pleins de larmes. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 160) Par exemple, dans le film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de  Pedro Almodóvar, Rebeca (Victoria Abril) est mise à prix, en boutade, par son beau-père dans un marché. Dans le film « Babysitting » (2014) de Philippe Lacheau, Sam et Franck s’embrassent à leur insu dans le noir (une Dark Room d’un parc d’attractions), mauvaise blague orchestrée par Sonia que les deux hommes se disputent : en découvrant les images, ça ne les fait pas rire du tout.

 

Le cirque peut être également le signe de l’inceste, du viol (cf. je vous renvoie aux codes « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois » et « Jeu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) et de la mort : « Maman m’a mené au cirque. » (George, 6 ans, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 157) ; « N’oublie jamais que le clown se lave toujours les dents au cirque. » (la grand-mère Babou – très possessive – parlant à son petit-fils bisexuel Guillaume, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; « La fête et le drame, c’est la même chose. » (Julien Brévaille, le héros homosexuel du roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 54) ; « Oui, c’est la fête, enfin, la fin de la fête. » (Luc, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; etc. C’est très net dans les films de Pier Paolo Pasolini, les vidéo-clips de Mylène Farmer et dans les pièces de Copi.

 
 

Machiniste – « Mon grand-père le clown s’est suicidé en cours de spectacle. Il s’est pendu au trapèze, tout le monde croyait à un numéro comique ! Il a eu quinze minutes d’applaudissements avant qu’on s’aperçoive qu’il était mort !

Auteur – C’est ça l’art ! »

(cf. un dialogue entre le Machiniste et l’Auteur, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 
 

Le cirque est symboliquement le cadre dans lequel se rejoue le drame du viol/de l’inceste, ou bien ce que le héros homosexuel vit comme un drame et qui n’est que la réalité de la sexualité, la réalité de sa conception : « Je refais le rêve du cirque. Si… tu sais bien… le numéro de trapèze. Mon père, ma mère et moi… » (la psy rêvant qu’elle chute en trapèze, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson)

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, le parc d’attractions Magic World est présenté comme l’antre des enfers, malgré son nom lumineux. S’y rendre, c’est comme s’homosexualiser : « Les lumières là-bas, c’est Magic World, c’est ça ? Mes parents ne m’y ont jamais amené. Ils aiment pas trop les attractions. » dit Jonas, le héros homosexuel. Nathan, son amant homo, réplique : « Mais c’est trop bien, Magic World ! Ils sont cons, tes parents. Je t’y emmènerai, moi, à Magic World. Promis. » On découvre tout de suite après, grâce à la maman de Nathan, qu’en réalité, ce parc d’attractions représente un souvenir douloureux de viol pour lui. En effet, à l’âge de 9 ans, il s’est fait lyncher par une meute de voitures autos tamponneuses qui l’a chargé, au point que Nathan a été éjecté de sa voiture et s’est fait défigurer : « Et schlaaack ! La joue coupée en deux, sur la barrière de protection. » Le film s’achève sur la scène où Jonas amène Léonard, le jeune frère de Nathan, devenu adulte, au Magic World, et on devine qu’ils vont être amants, alors qu’ils ont 18 ans d’écart d’âges…
 

Pourtant, le cirque est un monde où la souffrance et la mort semblent ne pas exister car soit elles y sont scénarisées (le danger est décuplée avec la musique et les roulements de tambour), soit elles y sont niées (normalement, les artistes ne sont pas censés mourir en cours de spectacle… sinon, ils feront fuir tout leur public ; au contraire, ils n’attirent que parce qu’ils ont été capables de défier victorieusement la mort). « C’est vrai qu’elle n’a rien, Fougère. C’est une petite blessure qu’elle a. C’est du cirque. » (Joséphine dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « C’est pas le Cirque du Soleil en ce moment à la maison… » (Jérémie racontant qu’il y a de l’eau dans le gaz dans sa relation avec son futur « mari » Antoine, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare) ; « J’ai pas le temps pour ce cirque ! » (Mathias Le Goff refusant d’entraîner l’association sportive gay des Crevettes pailletées, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc. C’est pourquoi le cirque homosexuel est souvent décrit comme le monde du viol teinté d’amnésie, du rêve éveillé.

 

Vidéo-clip de la chanson "Optimistique-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La passion homosexuelle pour le cirque :


 

Souvent, les personnes homosexuelles aiment l’univers du cirque ou bien travaillent dans un cirque. Par exemple, Pierre Loti s’est produit dans des cirques. Enfant, Francis Carco voulait travailler dans un cirque. À l’Université de Cambridge, Graham Chapman faisait partie d’une troupe étudiante, le Cambridge Circus. C’est une manière de camoufler leur mal-être par la dérision : Cirque : « Je ne suis pas maudit dans la mesure où je peux faire mon p’tit cirque et qu’aucun flic ne va m’attendre à la sortie. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976)

 

 

On peut penser également à la Queer Week de Sciences Po Paris, qui a lieu tous les ans sur le campus. Pour ma part, j’ai déjà vu débarquer des troupes de clowns lors des JAR (Journées Annuelles de Rencontres) de l’Association David et Jonathan. Et les Gay Pride, sous certains aspects, est à mi-chemin entre le carnaval et le cirque.

 

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Beaucoup d’artistes homosexuels ont exercer les arts du cirque ou se sont passionnés pour le cirque : Cary Grant, Jérôme Savary, Jorge Donn, Nijinski, Alfred Jarry, Barbette (qui a joué au cirque Barnum), Jean Cocteau, Francis Poulenc, Miss Urania, Héctor Biancotti, Pier Paolo Pasolini, Federico García Lorca, Jean Genet, Olivier Py, Jean-Paul Gaultier, etc.

 

Jean-Paul Gaultier et la troupe d'un cirque asiatique

Jean-Paul Gaultier et la troupe d’un cirque asiatique


 

Il existe des compagnies de cirque homosexuelles : par exemple celle de Charles Knie (voir les photos). Le styliste Thierry Mugler a beaucoup collaboré avec le Cirque du Soleil.

 

Thierry Mugler en 2003

Thierry Mugler en 2003


 
 

b) La fête foraine et les parcs d’attraction :

Film "Loopplanes" de Robin Wilby

Film « Loop Planes » de Robin Wilby


 

On retrouve également de nombreux croisements entre l’univers de la magie en carton pâte des parcs d’attraction et l’homosexualité : cf. le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau (montrant une roue de fêtes foraines) Beaucoup de personnes homosexuelles font partie du personnel des Disneyland et autres grands parcs de loisirs. Certaines en sont même les concepteurs, comme par exemple le roi Louis II de Bavière : « Walkenstein, un château qui aurait plu à Walt Disney ! » (cf. le documentaire « Louis II de Bavière, la Mort du Roi » (2004) de Ray Müller et Matthias Unterburg) Michael Jackson a même fait construire un parc d’attractions (sur le thème de Peter Pan !). Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la Reine Christine, pseudo « lesbienne », est catapultée à l’époque moderne, dans laquelle elle marche dans une fête foraine, un parc d’attractions. Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, va sur le Grand-8 d’une fête foraine avec son papa.

 

« J’ai su très tôt que je n’étais pas semblable aux autres. J’ai le souvenir très précis d’une fête foraine où m’avaient emmené mes parents. La mode de l’époque condamnait les hommes à porter des pantalons moulants à pattes-d’éléphant, surmontés de chemises en satin de couleurs criardes, aux grands cols larges en pelle à tarte, de préférence ouvertes sur le torse si le temps était clément. J’avais six ans à peine et j’étais autant fasciné par les jeux de la fête foraine auxquels je pouvais participer que par la présence autour de moi de ces adultes habillés à la mode. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), pp. 23-24) ; « Sur ma lancée d’organisateur de jeux pour le quartier, je pris en charge les fêtes de la Saint-Jean. J’avais tout juste treize ans. Je montai une comédie musicale avec mes camarades, abusant du play-back. C’était le début du disco et je me trémoussais avec enthousiasme durant le spectacle, incarnant… des chanteuses. » (idem, pp. 29-30)

 
 

c) Le Cirque du (fantasme de) viol :

Le cirque (ou le parc d’attraction) n’est pas, chez l’individu homosexuel, qu’une simple passion anodine et enfantine pour les sensations fortes ou divertissantes. Car nul ne cherche à se distraire et à se faire peur s’il n’a pas peur lui-même à la base et s’il ne veut pas échapper à quelque chose. Le cirque, je crois, est le symbole d’une fuite du Réel et de soi, d’un cynisme sincère (certains parlent d’un « art total ») et d’une misanthropie. Pour le décadent, il cristallise la victoire de l’artifice, en même temps qu’il donne corps à son mal de vivre proférant que « tout n’est qu’apparence », que « la vie n’est qu’un immense chapiteau et qu’une grande illusion ». Par exemple, dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier, la femme transsexuelle F to M qui témoigne, fait du cirque et tente, par ce biais, d’atteindre une transcendance identitaire, asexuée, existentielle : « Le clown, il peut tout être. Le clown, il est au-delà. »

 

Le revers du cirque, c’est qu’il transforme l’individu, sous prétexte d’humour, de recherche de l’originalité et de défi des limites, en objet ( = un Pinocchio), en bête de foires et de laboratoire, en victime (morte ou blessée si son numéro ne marche pas comme prévu) offerte à la curiosité malsaine et au transfert des pulsions morbides du public, comme les rituels de la cruauté des jeux du cirque sous la Rome Antique, les sports de combat, la tauromachie, la boxe.

 

 

Le cirque peut être également le signe de l’inceste, du viol (cf. je vous renvoie aux codes « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois » et « Jeu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) et de la mort. « On expliquait mal comment une si grand actrice [Cora Margot] était tombée dans une telle déchéance qu’elle fût forcée à promener son art dans un petit cirque de dernière catégorie qui n’avait même pas pu se payer un toit pour son chapiteau. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 304) Par exemple, le romancier français Jean Genet suivait son amant Abdallah sur les pistes de cirque, composa pour lui un numéro de funambule, dessina son costume, régla les éclairages, et orchestra finalement sa mort. « Tu dois risquer une mort physique définitive. La dramaturgie du Cirque l’exige. Il est avec la poésie, la guerre, la corrida un de ces seuls jeux cruels qui subsistent. Le danger a sa raison. […] Cette exactitude sera la beauté de ta danse. » (Jean Genet, cité dans l’article  « L’Éthique de l’Art » de Thierry Dufrêne, dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 64)

 

Album Circus de Britney Spears

Album Circus de Britney Spears

 
 

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Code n°32 – Clonage (sous-code : Fixette sur un amant perdu et déifié)

clonage

Clonage

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La recherche d’un autre soi-même projectivement valorisé, démultiplié à l’infini… et inexistant

 

Comme pour symboliser que l’union homosexuelle est prioritairement narcissique et égocentrique, même si en intentions et à l’image elle se veut tournée inconditionnellement vers l’autre, certains cinéastes filment les scènes érotiques homosexuelles dans des lits entourés de miroirs, multipliant les amants à l’infini tout en les centrant sur eux. Certes, le coït homosexuel semble ouvert sur l’extérieur car les miroirs favorisent l’impression d’agrandissement spatial… mais ceci n’est vrai que dans la logique spéculaire. Concrètement, l’amour homosexuel, indépendamment de la volonté des deux membres du couple, implique d’abord un refus de la Différence ( = la différence des sexes), un fantasme de clonage et de duplication androgynique de soi-même ; non un engendrement par la différence.

 

Nous retrouvons fréquemment le lien entre clonage et homosexualité dans les créations homo-érotiques. Ce n’est malheureusement pas toujours que de la fiction : nous ne nous étonnerons pas de voir actuellement certains membres du lobby homosexuel nord-américain défendre ardemment la mise en place du clonage reproductif aux États-Unis.

 

Il est monnaie courante, en effet, que la personne homosexuelle s’auto-persuade qu’elle est/a été éternellement l’Homme d’un seul amour (un amour en général adolescent, parfois décédé brutalement, idéalisé dans l’absence, immatériel, cinématographique, éclaté donc multipliable à l’infini) qu’elle ne retrouvera plus jamais, l’Homme d’un physique plus que d’un individu vivant, mais qu’elle essaie quand même de posséder à nouveau en se contentant tant bien que mal de la compagnie des sosies de celui-ci, clones humains qu’elle usera les uns après les autres parfois toute sa vie, parce qu’en réalité elle se recherche/se fuit elle-même à travers autrui pour ne plus exister.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Miroir », « Homme invisible », « Jumeaux », « Fusion », « Substitut d’identité », « Pygmalion », « Photographe », « Solitude », « Amant modèle photographique », « Éternelle jeunesse », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Moitié », « Frankenstein », « Amant narcissique », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », à la partie sur « l’Autre » du code « Amant diabolique », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

a) Le fantasme homosexuel du clonage :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Revient très souvent dans les fictions traitant d’homosexualité le symbole du clone ou du sosie : cf. le film « Dans la peau de John Malkovich » (1999) de Spike Jonze, le film « Le Ciel de Paris » (1991) de Michel Bena (dans lequel Marc, le personnage homosexuel, a pour travail de faire des photocopies), le film « Gypsy 83 » (2001) de Todd Stephens (avec la thématique des sosies), le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec Barbara et Myriam, les deux sosies), le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (traitant directement du lien entre homosexualité et clonage, avec Thomas Steiner, le héros homosexuel « instance »), le film « Twice A Man » (1963) de Gregory J. Markopoulos, le film « Parallel Sons » (1995) de John G. Young, le film « L’Enfant Miroir » (1990) de Philip Ridley, la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco (avec le club des sosies officiels), le film « Mulholland Drive » (2001) de David Lynch (avec la thématique du « déjà-vu »), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Garçons de cristal » (« Nieh Tzu », 1987) de Yu Kan-ping, le film « Le Suivant » (2011) de Frédéric Guyot, le vidéo-clip de la chanson « Gay Bar » du groupe Electric Six, le film « Codependent Lesbian Space Alien Seeks Same » (« Extraterrestre lesbienne codépendante cherche de même », 2011) de Madeleine Olnek, le film « Uniformadas » (2010) d’Irene Zoe Alameda, etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

« Il est aujourd’hui possible de se reproduire sans êtres humains, sans homme et sans femme. […] La solution est la reproduction de bébés en laboratoire. » (une réplique de la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche) ; « On dit que chaque être humain a un sosie de par le monde. » (Brigitte dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Je me dis qu’avec les gènes que j’ai, je n’ai pas le droit de ne pas me reproduire. » (Pierre, le héros homosexuel envisageant la PMA, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Le Massachusetts vient de légaliser le mariage homosexuel. Je crois qu’en France c’est aussi le cas – corrige-moi si je me trompe. J’ai donné hier, dans le cadre d’un congrès, une conférence sur un sujet sensible : Le clonage à vertu thérapeutique et la culture des cellules souches. » (Randall, l’un des héros homos du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 225) ; « Aucune déraison. Je suis dans la peau d’une autre. Si je suis en prison – et j’y suis –pourquoi pas une autre ? […] Là, c’est un autre moi, c’est monkey me. L’animal, là, c’est bien ici-bas. Je manque ici de facéties. Là, c’est un autre moi, c’est monkey me. L’animal là, je connais ses pas. Un monkey moi. Je suis monkey me. » (cf. la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer) ; « Une femme a de multiples corps. » (Valmont dans la peau de Merteuil, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; « Je ne peux pas me cloner moi-même. » (John, le héros homosexuel du film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, les mêmes comédiens jouent des personnages identiques, mais à des époques différentes. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Mr Bénamou vient voir Zize, le travesti M to F, parce qu’il veut monter une agence de sosies et le voit comme un sosie de Madonna. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry imagine un monde parfait, aseptisé, sans défaut ni limites, en développant une théorie eugéniste digne d’Hitler, où chaque Homme serait pareil. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, il est dit que les momies sont « construites en série ». Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, le Rat n’est pas un être unique ; c’est un clone, une conscience immatérielle, un brouillon, un objet vivant qu’on remplace par un autre (« D’ailleurs, je le trouve laid, ce rat. Ce n’est pas le définitif, j’espère. » se plaint la Comédienne). Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, Line, le présentateur travesti, mène une étude sur les sosies français, et fait un tour de France pour les trouver ; un peu plus tard dans la pièce, ses deux autres camarades scéniques, illustrant un couple homosexuel, se déguisent en poupées russes… et il est bien connu que l’effet gigogne s’apparente au clonage. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, le Dr Apsey dévalorise son collègue et concurrent le Dr Jonathan Baldwin – par ailleurs en couple avec son patient Frank – en lui retirant son unicité et sa matérialité (« le Dr Baldwin et ses clones… »). Dans la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine, il n’est pas anodin que toute l’intrigue (et tout le litige entre le chef d’entreprise travesti M to F Damien et son huissier Mr Alvarez aussi travesti que lui, mais secrètement et dans le refoulement) repose sur une facture de photocopieuse ! Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud nous est dépeint un monde sans différence des sexes, où la différence des générations s’est substituée à la différence des sexes à travers le clonage : concrètement, une société inhumaine, incestueuse, matérialiste, sans pitié. À un moment, le Père 1 de Gatal apprend au fiancé de son fils à concevoir par clonage une souris pour faire ensuite de même avec un humain… et le fiancé est fasciné par cette découverte : « Mes enfants croîtront dans ma chair. » Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène, au moment où débarque Sarah (sa future amante) dans sa classe, est en train d’étudier les fonctions exponentielles en cours de maths.

 

Souvent, dans les fictions homo-érotiques, les jumeaux ne sont pas considérés comme deux êtres semblables et uniques, mais comme un même être dupliqué à l’identique, bref, comme des clones ou des androgynes : « Les jeux ne sont pas tout à fait faits, chère petite sœur. C’est toi ou c’est moi ! Puisque nous sommes jumelles ! On a commencé à se battre à l’intérieur du ventre de notre mère. » (la Comédienne à sa sœur Vicky, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 
 

b) L’amour cloné idéalisé :

Tadzio dans le film "Mort à Venise" de Luchino Visconti

Tadzio dans le film « Mort à Venise » de Luchino Visconti


 

En général, le personnage homosexuel fait une fixette sur un amant disparu, cinématographique, immatériel comme un mirage, qu’il essaie tant bien que mal de remplacer/concrétiser par les clones imparfaits de ce dernier dans la réalité : cf. le roman Tous les garçons s’appellent Ali (2009) de Patrick Cardon, le roman Dream Boy (1995) de Jim Grimsley, le film « La Reine de la nuit » (1994) d’Arturo Ripstein, le roman Mort à Venise (1912) de Thomas Mann (avec la figure du jeune éphèbe Tadzio, le tentateur qui ne parle jamais d’ailleurs…), le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy (avec Alexandre, l’amour de jeunesse éternel), le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon (avec les images de Romain enfant, qui reviennent comme un leitmotiv), le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie (avec Don, l’amant immortel de Sébastien), le roman Los Ambiguos (1922) d’Álvaro Retana (avec la figure de l’amant qui est la réincarnation du jeune Antinoüs), le film « Il Compleanno » (2009) de Marco Filiberti (avec la figure angélique et quasi désincarnée de Mateo), le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro (avec Gabriel, la projection fantasmatique et lointaine de Giovanna et de son meilleur ami gay aveugle Léo), le film « Caro Michele » (1975) de Mario Monicelli, le film « Cher Disparu » (1965) de Tony Richardson, le film « Amour et mort à Long Island » (1997) de Richard Kwietniowski (avec le souvenir inextinguible de Ronnie), le tableau Alexandre (2006) d’Orion Delain, le film « Tenshi No Rakuen » (« À la recherche d’un ange », 1999) d’Akihiro, le film « Send Me An Angel » (2002) de Nir Ne’eman, le film « J’ai rêvé sous l’eau » (2009) d’Hormoz (avec la focalisation sur un homme mort), le roman Un Garçon d’Italie (2001) de Philippe Besson, le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec Julia, l’héroïne lesbienne qui n’arrive pas à se défaire du souvenir de son « ex »), le roman Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste (avec Ednar qui ne pourra jamais se défaire du souvenir de son premier « amour » Dylan), le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde (avec Dorian Gray qui subjugue Lord Henry : « La jeunesse est la seule chose qui compte en ce monde. »), etc. Par exemple, dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, comme par hasard, le tableau que Ben, le héros homosexuel, a peint juste avant sa chute mortelle (une toile représentant le jeune et beau Vlad) sera jugé comme son meilleur. Vlad est l’icône vivante éternelle du fantasme homosexuel. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony, le héros homosexuel, raconte que son premier amour fut platonique. Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, n’a jamais réussi à aimer une autre personne que Christopher, son premier amour d’adolescence mort d’une tuberculose bovine, qu’il a eu à peine le temps d’aimer : « Je le connaissais à peine. » dira-t-il au proviseur de son pensionnat, à l’annonce de sa mort. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homo, semble passer de bras en bras, d’amant en amant (Nicolas son premier amour d’adolescence disparu, puis Nathan – lui aussi mort tragiquement –, puis le petit frère de Nathan, puis tous les hommes qui lui passent sous le nez), sans but et sans visage : « J’crois que je recherche un truc qui n’existe pas, en fait. »

 

Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il s’est lié d’amitié à l’école avec un certain Julien, un gars avec qui il a vécu ses premières expériences sexuelles dans les cabinets de toilettes (ils se sont comparés les zizis), et qui ressemblait au chanteur Steeven du groupe de Boys Band Alliage. Jefferey dit être attiré toujours par le même type d’hommes : des grands blonds aux yeux bleus. Et Julien correspond à cet archétype, même s’il est africain : « Un Africain blond aux yeux bleus, c’est bizarre, je vous l’accorde. » Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, a rencontré Nicholas lorsqu’ils n’avaient que 8 ans… et se retrouvent quelques années plus tard, dans le même lycée. Leur rencontre initiale d’enfance résonne comme un signe du destin (lié par une boule à neige en verre) : Phil a bousculé Nicholas qui sortait d’un supermarché et a fait renverser son sac plastique rempli de bouteilles d’eau minérale. Plus tard, à l’âge de 17 ans, en le revoyant, Phil interroge Nicholas, tout troublé : « Je ne sais pas si c’est un rêve, mais je crois qu’on s’est déjà rencontrés. »
 
CLONAGE Mathilde
 

Le héros homosexuel envisage l’amour comme un clonage, ou bien voit l’amant comme un clone de lui-même : « Je t’aimais, je t’ai toujours aimé… tu as changé mais tu prétends que c’est moi. Je ne te reconnais plus. Je t’ai même confondu avec un autre qui a la même allure que toi. Comment est-ce possible ? J’ai du mal à le croire. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 313) ; « Quand est-ce qu’on refait l’amour ? On le réinvente maintenant comme à chaque fois. L’amour est le facteur exponentiel des corps. On se multiplie l’un l’autre. Rien de tout ça ne nous a été transmis, appris. Tout ça on l’avait dedans. » (les acteurs anonymes de la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « Tout tourne autour de moi, les petites Chloé et moi aussi en miniature. » (Cécile à propos de son couple avec Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 45) ; « Je me ferais charcuter esthétiquement pour devenir votre clone ! » (Janine à Simone, dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) ; « Si tout le monde avait les cheveux courts… Ah merde… ça, c’est du clonage… Non… c’est pas du clonage : c’est du communisme esthétique. » (Lourdes-Marilyn dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ne te mens pas à toi-même, Claudine ! Ta malédiction, accoudée à côté de cette glace, et ton air de creuser un remord naissant, n’était-ce pas l’inquiétude de constater intact ce visage aux yeux de havane, qu’aime ton amie ? » (Colette, Claudine en ménage (1946), pp. 147-149) ; « Involontairement, inconsciemment, chacun des deux êtres qui s’aiment se façonne à cette idole qu’il contemple dans le cœur de l’autre… » (Édouard dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1997) d’André Gide, p. 83) ; « C’est fou comme il te ressemble, en plus jeune. » (Arnaud s’adressant à son amant Mario, en parlant de Matthieu, un de ses collègues de boulot, dans la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo) ; « Dans le car qui me ramenait chez moi, je décidai que trois était le chiffre parfait. Avec deux liaisons, on était écartelé entre deux choix simples. Il y avait là quelque chose de linéaire. J’étais en train de lire un livre en vogue sur la théorie du chaos, d’après lequel le chiffre trois impliquait le chaos. Je désirais le chaos parce que grâce à lui je pourrais créer mon modèle personnel. Je regardais les beaux objets fractals illustrant le volume et voyais Sheela, Linde et Rani dans l’un d’eux, s’amenuisant au fur et à mesure, le motif se répétant à l’infini. Je refermai le livre, convaincue d’avoir choisi la façon de mener ma vie. Le chaos était la physique moderne, c’était la science d’aujourd’hui. » (Anamika, l’héroïne lesbienne pensant à ses trois amantes qu’elle considère comme des clones d’elle-même, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, pp. 64-65) ; « Déjà réincarné ?!? Efficace, le système informatique là-haut ! Quoi ? En vitre ??? Je crois qu’il y a une erreur. » (le héros homosexuel réincarné en vitre, et se faisant accoster par différents prétendants « vitrés » comme lui, dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont) ; « Moi j’ai, moi j’ai essayé de vivre. Donné ici un sens à ma vie aussi. Moi j’ai tant voulu l’Autre. Ave. Milliers d’âmes anonymes. Ave. […] Où étais-tu alors, puisque je t’aime ? Où étais-tu encore, l’Imaginaire ? Es-tu un rêve ? Es-tu un frère ? » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, Adrien, le héros homosexuel, fait, dans sa recherche amoureuse, une fixette sur les Noirs, personnes que son amant Malcolm cristallise entièrement dans sa personne réifiée : « Souvent, dans les bras de ces amants d’un soir, Adrien pensait à lui. Malcolm avait pénétré la mémoire de son corps et il ne s’étonnait plus que son désir le portât vers des hommes à la peau noire. Ils lui ressemblaient. Les mêmes cheveux où agripper ses doigts pour incliner amoureusement la tête, la même peau à la fois douce et tendue, aux reflets mordorés, la même odeur âcre et puissante, les mêmes yeux dont la lumière vient d’autres latitudes, les mêmes muscles saillants et fins, la même allure féline et noble. Tout cela rappelait Malcolm et portait Adrien à chercher l’amour des Noirs. Il s’interrogeait souvent sur les raisons secrètes du désir de cette beauté-là. Un désir de puissance, de virilité ? D’inverser l’ordre de l’Histoire ? D’aimer l’absolument autre ? Peut-être tout cela à la fois. » (pp. 34-35) ; « Ça m’interroge cette attirance pour les Blacks. » (idem, p. 46) ; « Toujours le lointain, l’impossible, l’inatteignable. […] J’dois pas aimer l’amour proche ! » (idem) ; « Il aimait ce corps d’homme métis. […] Adrien eut le sentiment étrange de n’être pas le seul à aimer un pareil corps. Il éprouva même une certaine gêne à l’idée que son regard s’inscrivît dans une longue chaîne de regards portés sur l’homme ébène. Désirs de Blancs fascinés par la puissance du corps du Noir, au point de vouloir la lui dérober, la posséder pour eux. N’était-il pas dans son regard comme un fils de colon, fier de tenir pour lui ce corps endormi ? » (idem, p. 50) Même si Adrien a la peau blanche, on peut tout à fait dire qu’en tombant uniquement amoureux d’hommes noirs, il s’adonne à son fantasme de clonage de lui-même, car le clonage obéit à une logique désirante, fantasmatique, et non d’abord à un raisonnement réaliste, empirique, incarné. « Il se demandait si, comme dans la chanson de Barbara, à travers le visage de ceux qu’il avait aimés après Malcolm ou essayé d’aimer, ce n’était pas encore son image qu’il recherchait. […] Ils lui ressemblaient. » (pp. 34-35) D’ailleurs, son amie Nathalie lui fait remarquer qu’à travers son obsession sexuelle et affective pour les Noirs, « il cherche un miroir exotique » (p. 46) de lui-même. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques, écrivain homosexuel, établit une typologie des amants homos, avec des références littéraires (Chester, Auden, Maxims, Vendel, Whitman) : « Ton amant, c’est pas un Maxims ? Le genre de gars dont on croit reconnaître son idéal au premier regard ? ou bien un Whitmann ? Un Vendelpark ? » demande-t-il sarcastiquement à son jeune amant Arthur.

 

Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent (30 ans) et Stéphane (50 ans), les deux amants, sont chacun attirés par le fantôme d’un être immatériel, jeune et désincarné qu’ils voient en l’autre, et qu’ils passent leur temps à rechercher à l’extérieur de leur couple à travers une multitude d’amants de passage. Par exemple, le beau Vincent raconte que la première fois qu’il a couché homosexuellement, c’était dans un coin reculé d’une plage, à l’âge de 15 ans, avec un homme de 20 ans qui s’est tué à l’arme à feu un an après. Puis il révèle aussi à Stéphane que lorsqu’il l’a trompé, dans la période où il était en couple, il voyait le visage de Stéphane se superposer à son amant de passe. Quant à Stéphane, il est bloqué par un idéal physique de jeune homme angélique qu’il recherche chez tous ses amants : « Malgré leurs impuretés, ces êtres restent très purs, sans taches, comme si rien ne pouvait les abîmer. […] Y’en a tellement qui ont défilé. Des corps anonymes. Des amants d’une nuit. […] Des garçons qui se ressemblent tous, qui pourraient tous être le même, que j’aime parce qu’ils ne restent pas. […] Il m’a toujours semblé que tu étais insaisissable. » Vincent le lui fait remarquer : « T’as toujours été obsédé par l’éternelle jeunesse. » Et Stéphane confirme : « Oui, de jeunesse figée, fossilisée, je suis fasciné. »
 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, chacun des héros homosexuels du groupe est resté bloqué, hanté, envoûté par son premier amour homosexuel de jeunesse. Par exemple, Emory n’arrive pas à se détacher du souvenir de Peter, son amour impossible du lycée. Il répète, d’un air hébété et éthéré : « Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. » Harold, quant à lui, est attiré par les petits jeunes qui ont le profil de Tex… même s’il regrette leur immaturité et leur manque d’intelligence. Quand ils se revoient entre eux le temps d’une soirée, les camarades homosexuels ont l’impression de s’être déjà vus (et pour cause ! Dans d’autres contextes – des contextes d’égarement, de drague dure –, ils ont parfois couché furtivement et préalablement ensemble : Donald, par exemple, raconte à Larry qu’ils s’étaient déjà rencontrés sans s’être précédemment présentés… parce qu’ils avaient baisé au sauna dans l’anonymat : « On s’est vus aux bains et on a couché ensemble, sans se parler, sans connaître nos prénoms. »). Même ceux qui sont infidèles, tel que Hank (qui est pourtant en couple avec Larry), en sortant avec le maximum d’amants (« Oui, je les aime tous ! Et Hank refuse de comprendre qu’il me les faut tous. Je n’ai pas la mentalité d’un homme marié ! »), partent à la recherche d’un seul et même homme invisible : en effet, le « couple » Hank/Larry a convenu, pour perdurer, que « tous ceux avec qui Larry trompait Hank s’appelleraient ‘Charlie ».

 

Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, l’héroïne lesbienne, Alexandra, enchaîne les conquêtes et les amantes. Elles n’ont que très rarement un prénom. Elle semble vouloir conquérir un fantôme en toutes. Donc fatalement, elle picore par-ci par-là sans trouver entièrement satisfaction : « Le corps de chacun a sa façon d’aimer, et il me semble que je suis condamnée à trouver dans chacune des autres femmes, au hasard des rencontres, seulement un morceau du plaisir complet que je reçus d’elle, puisque sans doute jamais elle ne voudrait que nous vivions ensemble. » (p. 132)

 

Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le vieux disquaire muet a coutume de collectionner les photos instantanées qu’il prend de tous les jeunes hommes androgynes qu’il croise dans son magasin… et il entreprose celles-ci dans son arrière-boutique, comme des reliques sacrées dans un mausolée. Son grand fantasme identitaire est incarné par le personnage de Rettore.
 

Le clone tant désiré est en fait un souvenir impalpable, un fantasme, un homme mort éternisé : « Bob n’a pas été tout à fait réel, pas tout à fait évanescent. Entre l’homme et l’aura, il a paru dans ta vie comme un concept – une incarnation de la foi. » (Félix par rapport au GI Bob, dans le roman La Synthèse du Camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 153) ; « Et dans un nuage le doux visage de mon passé. » (cf. la chanson « Que reste-t-il de nos amours ? » de Charles Trénet) ; « Il l’aimait, il l’aimait. Il était amoureux. Il était amoureux. Il était amoureux d’un fantôme. » (Jean Cocteau à propos de la relation entre M. Valmorel et Maxime, cité dans le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala) ; « L’amour que Marie [une domestique lesbienne] avait pour la bonne se serait posé sur n’importe laquelle, puisqu’à travers celle-ci ou celle-là c’était son amie d’enfance qu’elle voyait toujours. Je comprenais mieux ses craintes quant à l’issue de sa relation avec son nouvel amour, qui ‘ressemblait’ tant au premier et qui trouverait probablement la même fin : l’abandon. On ignore à quel point les émois de l’enfance peuvent suivre tout au long de notre existence, autant dans la joie que dans la tristesse, et se répéter toujours. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 187) ; « Ayant admis que la bonne n’était pour elle que l’image de sa camarade d’enfance dont elle était amoureuse, Marie ne prenait pas la chose trop mal. » (idem, p. 191) ; « À la vérité, je croyais que j’aimais toujours Thierry. Mais en réalité, c’était pas vrai. Je me raccrochais à un souvenir. Parce que j’avais peur. Et j’ai eu raison d’avoir peur. Parce qu’en effet, j’ai jamais retrouvé ça. » (Rodin parlant de son ex-amant, Thierry, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8, « Une Famille pour Noël ») ; etc.

 

Dans le roman Avec Bastien (2010) de Mathieu Riboulet, Bastien tombe amoureux à 8 ans de Nicolas, un de ses camarades de classe, qui disparaît peu après dans un accident de voiture ; n’ayant pu vivre sa vie avec ce garçon, le protagoniste la consacrera aux hommes que le hasard mettra sur sa route, et qui ne seront que de pâles réminiscences de ce premier fantasme idéalisé. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, les amants d’Emmanuel portent tous le même peignoir imitation tigre ; d’ailleurs, Emmanuel sort toujours avec des mecs qui ressemblent à Omar, son « ex ». Dans les films « Contradictions » (2002) de Cyril Rota, « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, ou encore « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, le protagoniste homosexuel se voit faire l’amour avec un partenaire changeant sans arrêt de visage. Dans le film « Rome désolée » (1995) de Vincent Dieutre, on nous parle d’amants différents et pourtant toujours semblables. Dans le film « Johan : Carnet intime d’un homosexuel » (1976) de Philippe Valois, Johan est comme un clone : Philippe recherche son image partout. Dans la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, Henri tombe amoureux de sa contrefaçon, Henriette. Dans le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, Jérôme part à la recherche de son amant Paul qu’il retrouve à travers les différents amants avec lesquels il couche. Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la narratrice lesbienne poursuit un clone appelée Mathilde, et qui est un best-of de féminité : « Dans combien de temps croiserai-je de nouveau l’amour ? Le croiserai-je un jour ? L’ai-je jamais croisé ? Mathilde est un mirage. » (p. 15) Dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, les amants homosexuels succédant au premier amour sont comparés à des « simulacres » (p. 74), c’est-à-dire à des images d’image. Dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, Nicolas voit en Julien, le jeune éphèbe de 20 ans, « l’incarnation de son idéal masculin » (p. 63) : « Si Nicolas l’avait croisé au hasard de cette boîte, il l’aurait assimilé aux clones inaccessibles de l’adolescence nouvelle. » Dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, les amantes de la Reine Marie-Antoinette sont quasi jumelles et interchangeables (d’ailleurs, à la fin du film , Gabrielle de Polignac et Sidonie s’échangent leurs vêtements) : elles ont pour particularité d’être toutes plus jeunes qu’elle. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, tous les amants assassinés par Steve, le psychopathe homosexuel, ont exactement les mêmes caractéristiques physiques et comportementales (par exemple, Lucas et Vincent se ressemblaient). Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Antonio a vécu son premier amour homosexuel avec un ouvrier de son entreprise, Michele, dans le secret. Cette relation, dit-il, a été rendue impossible parce qu’elle aurait été empêchée ou rendue anonyme : « J’aimerais faire revenir Michele ici. »

 

En règle générale, le héros homosexuel préfère pleurer un amant trop brutalement disparu mais qui au moins confortera par son absence l’idée que l’« Amour homosexuel » existe éternellement (sans preuve concrète, tout paraît plus solide et vrai aux yeux du passionné paranoïaque !) plutôt que de reconnaître qu’il n’a pas aimé vraiment, et que son amant, s’il avait été vivant, lui aurait offert une vie et un amour bien peu nourrissants. Le deuil lui permet de conforter incognito ses utopies amoureuses personnelles, de dorloter secrètement ses désirs narcissiques de mort, de cultiver son attraction abyssale pour l’amour impossible, et de mettre toutes ces manigances de Drama Queen à l’abris de la critique : « J’ai manqué l’amour qui m’était destiné. » (le héros homosexuel du film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye) Je suis un maudit. J’ai vraiment aimé et je serai définitivement privé de cet amour vrai… Remords éternels. « Il [Adrien] avait réalisé combien il aimait Malcolm, une fois ce dernier parti. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 34)

 

L’Amour ou l’identité envisagés comme un clonage, aussi idéalisants et embellissant soient-ils sur le moment, font des ravages intérieurs considérables et jettent le héros homosexuel dans les méandres du mensonge, de la consommation amoureuse, du fatalisme défaitiste, de l’errance désirante : « C’est quand même compliqué d’accoucher de soi-même. » (l’héroïne lesbienne du one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011) de Karine Dubernet) ; « Ils sont des milliers. Je ne peux pas en aimer un seul. » (Pier Paolo Pasolini dans son poème « Realtà », 1964) ; « C’est fou : j’ai l’impression que c’étaient d’autres filles. » (Anna parlant de son amante Cassie dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « Un nouveau corps soulage toujours d’un ancien, même si on s’en ennuie… » (Jean-Marc dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 278) ; « Il ne dira pas, non, il ne dira pas, que dans les night-clubs, la nuit, il fait la nouba, il ne dira pas, non, il ne dira pas qu’il se sent si seul qu’il passe de bras en bras. » (cf. la chanson « Il ne dira pas » d’Étienne Daho) ; « Mes nuits et mes amours passaient de mains en mains. » (cf. la chanson « 1er novembre (Le Fruit) » du Beau Claude) ; « Si j’osais, je dirais que les corps qui me touchent ont le même prénom que le mien. » (cf. la chanson « Entre elle et moi » des Valentins) ; « J’aime les Russes. Enfin… surtout les femmes russes. Je suis une femme russe. » (Anne Cadilhac dans son concert Tirez sur la pianiste, 2011) ; « Émile, François, Julien, Fabrice, souvent de l’un à l’autre je glisse. » (cf. la chanson « Ce je ne sais quoi. » du Beau Claude) ; etc. Le héros homosexuel a l’impression que toutes ses expériences d’amour se ressemblent dans la vanité/nullité : « Toutes les histoires d’amour se ressemblent. Même profil étrange. Mêmes scenari étranges. Seuls les visages changent. Toutes les histoires d’amour sont les mêmes. Toujours les mêmes problèmes. Toujours les mêmes dilemmes. » (cf. la chanson « L’Inconstant » d’Étienne Daho) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Drift » (2000) de Quentin Lee, Carrie, la meilleure amie de Ryan, le héros homosexuel, demande avec lassitude à ce dernier qui l’appelle « encore » sur son portable (« Joel ou Leo ? »), comme si Ryan enchaînait les mêmes histoires d’amour foireuses et passionnelles. Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, le constat d’une fatalité amoureuse homosexuelle est fait par Mike, le narrateur : « À la place de l’excitation d’une nouvelle rencontre, je ressens de l’abattement. Je regrette mon idée. C’est une fois encore la même chose, la même histoire, avec les mêmes protagonistes et la même fin, connue d’avance. […] Chui du genre à en avoir marre d’enchaîner les mecs comme si je savais faire que ça ! » (p. 60) Le sentiment de déjà-vu, d’éternel retour, de stagnation existentielle et amoureuse, même s’il rassure dans un premier temps, est un enfer à vivre.

 

Dans les fictions homo-érotiques, la communauté homosexuelle est connue pour être un concentré d’uniformité, une foule de personnes qui se croient originales mais qui se copient entre elles sous prétexte d’être en opposition avec les normes identitaires et amoureuses dictées par la société : « Je croise sur le trottoir de la rue Bonaparte dix, quinze folles de boutique. Peut-être j’en connais quelques-unes, je les confonds toutes. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 15) ; « J’en vois partout parce qu’il y en a partout ! Ça sort des placards ! » (Sibylle par rapport aux homos, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay) ; etc.

 

Le clonage qu’incarnent ou qu’incarneraient les membres du « milieu homo » n’annonce rien de bon sur la qualité de leurs rapports amoureux : il est plutôt l’illustration que toute violence humaine vient souvent de l’excès de ressemblances, ou du désir d’uniformité (appelé au mieux « jalousie », au pire « égalité »…) : « Je ne vois que des méchantes, le nez en l’air, méprisantes. » (un homo parlant des « clones » du Marais, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Ce qui est chiant avec vous les gays, c’est que vous voyez des gays partout. » (le Dr Katzelblum s’adressant à ses deux patients en couple homosexuel Benjamin et Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc. Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Glen se moque ironiquement auprès de son nouvel amant Russell de leur cercle de « nains de jardin gays » qu’ils courtisent/qui les courtisent habituellement.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le désir homosexuel de clonage :

Un certain nombre de personnes homosexuelles abordent réellement la question du clonage. Elles pensent qu’elles sont, depuis la naissance, une photocopie, et non un original. « Hôpital général de Brazzaville. À deux heures dix, passées de minuit, des sanglots suffoqués évoquaient les instants fatidiques de ma vie. Dans une chambre à la lumière tamisée, où s’entassaient des nouveaux-nés dans des berceaux semblables les uns aux autres, j’étais comme quelque chose qui s’éveillait et combattait sa propre existence. » (cf. la toute première phrase qui ouvre l’autobiographie Le Flamant noir (2004) de Berthrand Nguyen Matoko, p. 11)

 

Par exemple, le romancier homosexuel Eddy Bellegueule (dont le pseudonyme est Édouard Louis) possède tous les ingrédients existentiels concrets pour s’imaginer qu’il est un clone de lui-même, qu’il n’existe pas en tant qu’être unique et désiré : il arrive après un enfant mort en fausse couche et avant deux jumeaux ! D’ailleurs, il cite sa propre mère : « Ton père voulait avoir un gosse, bon, il voulait une petite fille, mais on t’a eu toi, il voulait l’appeler Laurenne, j’avais râlé, je veux plus de fille, plus de pisseuse, et donc on t’a eu toi vu qu’on avait perdu l’autre. Ton père il l’a mal pris d’avoir perdu le premier gosse, il a mis du temps à s’en remettre. Il arrêtait pas de pleurer. Ça a pas été trop dur, parce que je suis une bonne reproductrice, je suis quand même tombée enceinte alors que j’avais un stérilet, et j’ai eu des jumeaux [mes petits frère et sœur], alors bon, et ça reste entre nous, mais ton père il a un sacré engin. » p. 76-77) C’est la raison pour laquelle il explique en interview qu’à travers son premier roman En finir avec Eddy Bellegueule (2014), il veut « rompre avec ce qu’on avait fait de lui pour se réinventer ». Autrement dit, il a essayé d’opérer sur sa personne deux actes totalement liés symboliquement : le suicide et le clonage.

 

Vidéo-clip de la chanson "Mao Boy" d'Indochine

Vidéo-clip de la chanson « Mao Boy » d’Indochine


 

Chez beaucoup de personnes homosexuelles, le clonage est avant tout un fantasme esthétique très fort, un moyen de se starifier ou de gommer leur passé (ceci est très net chez les individus transgenres et transsexuels ; un peu moins extrême et sérieux chez l’individu homosexuel lambda). « Mes idées, ce sont mes mecs. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) Par exemple, dans la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo, tous les comédiens de la Compagnie Ouvre le Chien deviennent physiquement des clones de David Bowie métamorphosé en Ziggy Stardust. En 1973, Michel Journiac a réalisé deux moulages d’après son propre visage.

 

CLONAGE Lonely Lisa

Vidéo-clip de la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer


 

La tentative de clonage n’est pas qu’amoureuse. Elle est aussi et d’abord identitaire (cf. je vous renvoie à la partie sur la « peur d’être unique » dans le code « Moitié » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Certains comédiens, notamment transgenres et/ou transsexuels s’essaient à l’atavisme de personnalité sur leurs spectateurs. Par exemple, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), David Forgit, le travesti M to F, prétend cloner les trois prostituées qu’il interprète (la mère, la grand-mère et la fille) et investir le corps de chacun des membres du public, par son inversion physique et comportementale des sexes : « Je suis bisexuelle. Bisexuée. Je porte les deux sexes. J’ai été envoyée par des extra-terrestres. […] N’oubliez jamais ça : en chacun de nous sommeille une mémé comme moi. » dit la vieille Huguette ; « Mes sœurs salopes, prenez le taureau par les couilles ! » conclut la fille Gwendoline.

 

Beaucoup d’icônes gays s’amusent d’ailleurs à se cloner : cf. les vidéo-clips des chansons « As » de George Michael et « Crazy » de Seal, le film « The Lady From Shanghai » (1948) d’Orson Welles (avec le visage démultiplié de Rita Hayworth), le vidéo-clip de la chanson « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, le vidéo-clip de la chanson « Viva Forever » des Spice Girls, la publicité Pepsi de Britney Spears (apparaissant à différentes époques), le vidéo-clip de la chanson « J’ai pas 20 ans » d’Alizée, le vidéo-clip de la chanson « Du temps » de Mylène Farmer, le vidéo-clip de la chanson « Nothing Really Matters » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « Can’t Get You Out Of My Head » de Kylie Minogue, le vidéo-clip de la chanson « Black Or White » de Michael Jackson, etc.

 

Vidéo-clip de la chanson "As" de George Michael et Mary J Blige

Vidéo-clip de la chanson « As » de George Michael et Mary J Blige


 

En toile de fond, le phénomène de la starification laisse entrevoir le problème de la schizophrénie. En effet, à force de se voir projetée sur différents écrans ou dans beaucoup de films, la vedette est tentée de croire qu’elle a été capable de s’auto-cloner, et donc de douter de son unicité : « Je suis régénérée. J’ai des tonnes d’idées et tellement à faire que je devrais me cloner pour tout mener à bien. » (la chanteuse Madonna, à l’occasion de la sortie de son album « Hard Candy », citée dans la revue Le Figaro Madame du 5 avril 2008)

 
 

b) Beaucoup de sujets homosexuels ont cristallisé leur désir homosexuel sur une personne de leur existence (en général un premier amour d’adolescence mythifié) et passent leur vie adulte avec les clones imparfaits de l’éphèbe disparu :

Bien des personnes homosexuelles envisagent l’amour comme un clonage, ou alors voient l’amant comme un clone d’elles-mêmes : « Aimer sa semblable, c’est vouloir se mettre au monde une deuxième fois. » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 126) ; « L’amour fantasmé vaut mieux que l’amour vécu. » (Andy Warhol) ; etc.

 

Le clonage est un fantasme identitaire et amoureux très répandu dans les rangs homosexuels. En général, en amour, le sujet homosexuel fait une fixette sur un amant disparu, cinématographique, immatériel comme un mirage, qu’il essaie tant bien que mal de remplacer/concrétiser/ressusciter par le biais de clones imparfaits de ce dernier. « Marcel Proust devait partir en quête d’un nouveau visage qui ressemblaient aux précédents. Car, comme Charlus, il fut toujours fidèle à un même type que le désir lui avait fait choisir. » (Michel Larivière, Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 286) ; « Le Beau Pâris a marqué mon destin ; tous les hommes que j’ai désirés par la suite lui ressemblaient un peu. » (Denis Daniel à propos de son amour de jeunesse surnommé « Pâris », dans son autobiographie Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 26) ; « Mon bien-aimé, je ne l’ai vu qu’une seule fois. Je ne l’ai plus jamais revu. C’était un Tunisien. » (Bruno Bisaro au public, avant d’entamer sa chanson « Aimez-moi », dans la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée, 2008) ; « J’ai une théorie. Les Alexandre sont tous beaux. » (l’écrivain Ron l’Infirmier, au micro de l’émission Homo Micro de RFPP, le 12 février 2007) ; « Évasions momentanées où ma conscience exigeait que tous les garçons ressemblent à Abdel. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de son coup de cœur pour Abdel, un délinquant tué par les flics, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 99) ; « À l’âge de 15 ans, se souvient Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895), il eut sa première éjaculation nocturne. À cet âge, il aurait été séduit par un homme de trente ans. Il était très attiré par des soldats de 20 à 22 ans, dont il faisait le portrait en secret, ce qui suffisait à l’enflammer. Selon lui, l’homosexualité était prédominante dans l’armée allemande. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 79) ; « Dans sa jeunesse, Thomas Mann a été éperdument épris de ce Paul Ehrenberg, fils d’un professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Dresde. Cette passion a été si forte qu’il évoque encore une trentaine d’années plus tard dans ses carnets intimes. » (idem, p. 120) ; « Vendredi 20 décembre 1918. [À une soirée au club] J’ai été accaparé par un jeune homme élégant au visage de garçon gracieux et un peu fou, blond, beau type d’Allemand, plutôt fragile, qui m’a rappelé Requadt, et dont la vue m’a sans aucun doute fait une impression telle que je ne l’avais plus constatée depuis longtemps. Était-il simplement en tant qu’invité au club, ou vais-je le revoir ? Je m’avoue de bon gré que cela pourrait devenir une aventure. » ; « Samedi 21 décembre 1918. […] Je voudrais, plein d’esprit d’aventure, revoir le jeune homme d’hier. – Neige. Le soir, gel. » (Thomas Mann, cité dans Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 121) ; etc.

 

On peut penser par exemple à l’« Hubert » de Jean-Luc Romero, au « Maximin » de Stefan George, au « Vic » de François Reynaert, au « Julien » d’Yves Navarre, au « Ninon Cesarini » de Jacques Fersen, au « Frédéric » de Nicolas Bacchus, aux « Luca(s) » de Philippe Besson, au « Dylan » de Jean-Claude Janvier-Modeste, etc. Au long de leur parcours affectif et sentimental, une grande majorité de personnes homosexuelle courent après un modèle précis de garçons (ou de filles, dans le cas lesbien) – que catalyse cet amant mi-réel mi-fictionnel idéalisé avec le temps et les sentiments – plutôt qu’après un être humain réel, vivant et debout. Dans le cas de l’amour homosexuel, le fantasme humanisé (autrement dit la projection narcissique) semble avoir précédé l’Humain. Par exemple, entre 1877 et 1879, quand il est professeur à Rethel, Paul Verlaine s’éprend de la copie conforme de Rimbaud, Lucien Létinois. Dans l’essai Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, Jacques, le vieux couturier, a pour modèle et amant le jeune cadet de 16 ans, Pedro, qui ressemble plus à une apparition divine androgynique qu’à un être unique incarné : « Il s’immobilisa, interloqué devant cette nudité inattendue. ‘C’est un rêve. C’est un ange descendu sur terre’, soupira le vieux couturier. » (p. 261)

 

Tableau Un Coin de table de Henri Fantin-Latour (avec Paul Verlaine et Arthur Rimbaud)

Tableau Un Coin de table de Henri Fantin-Latour (avec Paul Verlaine et Arthur Rimbaud)


 

Dans ses Mémoires (1996), Gore Vidal raconte qu’il pleurera toute sa vie son amour de jeunesse Jimmie Trimble, mort brutalement à 19 ans sur l’île d’Iwo Jima (« Je n’ai jamais rencontré de nouveau mon autre moitié. », p. 53), et qu’il cherchera à « mal remplacer » en couchant avec des hommes qu’il n’aimera jamais vraiment, comme pour se venger de ce cruel coup du sort… ou de sa propre naïveté à faire perdurer un amour irréel de manière si catastrophique. D’ailleurs, quand il a une aventure génitale avec son ami Jack Kerouac, il décrit comment l’image de son premier amant s’est superposée au second : « Sous la douche, l’espace d’un instant, il [Jack Kerouac] eut 14 ans ; je ne voyais plus le sombre Jack aux muscles relâchés, mais bien le blond Jimmie, sinon que Jimmie, à 14 ans, était à la fois plus sérieux et plus mûr que Jack… » (idem, p. 350)

 

Pier Paolo Pasolini, le réalisateur italien, était attiré par les jeunes hommes des quartiers populaires, et celui qui l’a assassiné (Pelosi) correspondait à leur typologie : « Pelosi avait le physique type de la beauté populaire des jeunes Borgatari. » (la voix-off du documentaire « L’Affaire Pasolini » (2013) d’Andreas Pichler)

 

Dans le discours de beaucoup de personnes homosexuelles, l’amant est présenté comme un être pluriel, divisé, portant différentes casquettes et masques, un homme multiplié comme un clone. « Manolo a toujours été mon père, mon frère, mon compagnon, mon mari, toute ma vie. » (Juan Rodríguez à propos de son copain mort Manolo, dans le documentaire « Católicos Gays » de l’émission Conexión Samanta sur Play Cuatro, diffusé en juin 2011) ; « Hier, épreuve singulière. Un inconnu, un M. Bessy, est venu me proposer d’écrire un essai sur les masques mortuaires de personnages célèbres. Il me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. Silencieux aussi celui-là, on ne le voyait pas, il disparaissait, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir sa beauté comme une brûlure, une brûlure incompréhensible. Un jour, alors que l’heure avait sonné et que la classe était vide, nous nous sommes trouvés seuls l’un devant l’autre, moi sur l’estrade, lui devant vers moi ce visage sérieux qui me hantait, et tout à coup, avec une douceur qui me fait encore battre le cœur, il prit ma main et y posa ses lèvres. Je la lui laissai tant qu’il voulut et, au bout d’un instant, il la laissa tomber lentement, prit sa gibecière et s’en alla. Pas un mot n’avait été dit dont je me souvienne, mais pendant ce court moment il y eut entre nous une sorte d’adoration l’un pour l’autre, muette et déchirante. Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green parlant d’un ancien camarade de classe, dans son autobiographie L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; etc.

 

Même si cela ne fera pas plaisir à tout le monde que je l’écrive, j’ai remarqué à de nombreuses reprises dans la réalité que lorsque les personnes homosexuelles vivaient un gros chagrin d’amour concernant une de leur relation amoureuse homosexuelle passée, ce n’était pas tant la personne de l’amant qu’elles pleuraient à chaudes larmes que l’illusion d’amour/d’identité que cette personne aimée soutenait comme elle pouvait : « J’écris pour retrouver Malcolm, évidemment, ou plutôt sa figure, ce qu’il représente. » (Hugues Pouyé parlant de son amant, dans le site Les Toiles roses, en 2009)

 

L’amoureux homosexuel préfère pleurer un amant trop brutalement disparu mais qui au moins confortera par son absence l’idée que l’« Amour homosexuel » existe éternellement (sans preuve concrète, tout paraît plus solide et vrai !) plutôt que de reconnaître qu’il n’a pas aimé vraiment, et que son amant, s’il avait été vivant, lui aurait offert une vie et un amour bien peu nourrissants. Le deuil lui permet de conforter incognito ses utopies amoureuses personnelles, de dorloter secrètement ses désirs narcissiques de mort, de cultiver son attraction abyssale pour l’amour impossible, et de mettre toutes ces manigances de Drama Queen à l’abris de la critique.

 

L’amant absent n’est finalement que le prétexte et la diversion d’une autre de nos peines, plus légitime cette fois : la tristesse de la pratique de l’homosexualité. Quand un « amour » homosexuel se termine, on désespère surtout du fardeau existentiel/du mensonge amoureux qu’on s’impose souvent à nous-mêmes à vouloir cet amour vrai, magnifique, et éternel ; on désespère de se relancer dans une recherche harassante des clones d’un amant possible mais peu idéal.

 

De ma propre expérience, j’ai rencontré dans le « milieu homosexuel » énormément de potes et d’amis qui m’ont confié en tête à tête qu’ils avaient l’impression d’enchaîner sans fin les « amourettes » peu comblantes, de courir après un amant immatériel, qui n’existait pas, et qui n’était que la projection idéalisée d’eux-mêmes. Un objet d’expiation de leur propre culpabilité de ne pas s’estimer suffisamment eux-mêmes, de ne pas se sentir aimés, ou bien d’agir homosexuellement. « Peu à peu, je fis mon chemin dans le milieu. Toujours dans un cadre très discret, je passais d’un appartement à un autre, d’un corps à un autre, aucune contrarié par le manque de plaisir, alors que dehors, j’étais l’être le plus anonyme dépourvu d’intérêt. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 114)

 

Dessins de Roger Payne

Dessins de Roger Payne


 

Par exemple, dans ses dessins pornographiques vintage réalistes, il est facile de constater que le nord-américain Roger Payne reproduit toujours le même type d’hommes, avec un visage et une pilosité identiques… comme s’il cherchait à donner corps à un pur produit de son imaginaire intérieur, à un être à figure humaine mais qui au fond n’existe pas dans sa réalité relationnelle concrète… comme s’il essayait finalement d’actualiser/de satisfaire par son crayon un fantasme mono-maniaque inaccessible.

 

Je sais, pour ma part, que mon désir homosexuel s’origine pareillement sur une fixation narcissique à mon propre reflet projectivement valorisé, puisque je ne suis attiré sexuellement et fantasmatiquement que par un seul type d’homme-image précis : les hommes hispaniques très poilus (ceux que je pourrais être aux yeux des autres). Autrement dit, mon homosexualité m’oriente vers des clones de moi-même, des « moi … mais en mieux », car dans la réalité, je n’ai jamais été attiré sexuellement ni par moi-même, ni par mon frère jumeau, ni par mon père, ni par mes copies conformes humaines. C’est pourquoi je parle bien ici prioritairement de clone, d’être fantasmé, d’homme-image, plus que d’un être de chair et de sang qui existerait dans mon histoire. Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais su m’expliquer autrement que par un phénomène inconscient de « narcissisme imparfait » pourquoi mon désir génital homosexuel s’était durablement fixé sur cet archétype de masculinité très spécifique que je n’ai croisé ni à l’école, ni au collège, ni dans ma propre famille, ni dans mon entourage proche : j’ai toujours louché sur le carré de poils qui dépassait d’une chemise, exactement comme certains hommes dits « hétéros » loucheraient spontanément sur la poitrine des femmes… et cette obsession purement plastique et corporelle (quasi fétichiste et clonesque) reste une énigme pour moi, encore aujourd’hui.

 

"Livre blanc" de Copi

« Livre blanc » de Copi


 

Le clonage est aussi une réalité désirante collective : la communauté homosexuelle est connue pour être un concentré d’uniformité, une foule de personnes qui se croient originales mais qui se copient entre elles sous prétexte d’être en opposition avec les normes identitaires et amoureuses dictées par la société, sous prétexte de défendre une « égalité des droits » présentée comme indiscutablement juste : « Il n’y avait vraiment que des hommes sur cette plage. Tous des clones. […] Tous bodybuildés. » (Gaël-Laurent Tilium décrivant une plage gay d’Ibiza, dans son autobiographie Recto/Verso (2007), p. 216) ; « J’ai vécu assez longtemps pour savoir que j’appartiens à une certaine catégorie de femmes qui ne sont originales qu’en apparence. Quand je me rends dans une assemblée de deux cents goudous, je repère mes semblables au premier coup d’œil. Sans nous être concertées, nous arborons toutes la même panoplie, ce qui est la preuve que nous avons subi un conditionnement identique. » (Paula Dumont, Mauvais genre (2009), p. 8) ; « J’ai, au cours de mon existence, rencontré de nombreusesbutchs qui n’ont jamais ouvert que L’Auto Journal ou L’Équipe et qui me ressemblent comme des sœurs jumelles. » (idem, p. 87) ; « Sous l’apparence constitutionnelle de la liberté d’expression, les clones ont conquis le pouvoir des médias et se sont attribué le pouvoir de contrôler les sources d’information. » (Philippe Guillaume, La République des clones, 1994) ; etc. Par exemple, dans son autobiographie La Mauvaise Vie (2005), Frédéric Mitterrand décrit les « ballets de clones » (p. 331) gravitant dans le « milieu homosexuel » asiatique.

 

CLONAGE Stereotypes

« Nous demandons aux médias la fin des stéréotypes sur les gays ! »


 

Avant de s’étendre à tous les communautaires, à la base, le terme de « clone » ne concernait que les hommes « bear » : « Un clone est un homme qui travaille sa virilité. Dans sa version vintage de 1978, ça donne : moustache, barbe, gym, jeans 501, tee-shirt blanc et chaussures Red Wing. » (cf. la revue Têtu n°127, novembre 2007, p. 86) Mais avec le temps, on voit que le clone-bear a servi de prototype à de nombreux sous-ensembles de clones homosexuels.

 

En cherchant à devenir un seul et même modèle (= l’Homme-objet asexué, l’Androgyne tout-puissant), la grande majorité des personnes homosexuelles sont dans un processus inconscient de mimétisme d’elles-mêmes. Et elles s’étonnent ensuite d’être aussi facilement catalogables sous forme de grandes sous-parties homosexuelles marchandes (bear, daddy, minet, crevette, efféminé, fem, butch, etc.)…

 

Clubbing 100% gay et 100% hommes

Clubbing 100% gay et 100% hommes


 

J’ai déjà passé une soirée à l’Amnésia, la boîte parisienne de Johnny Hallyday, vers 2005, pour un tea dance exclusivement « réservé aux mecs », et j’ai vu de mes propres yeux une fosse – qu’on appelle aussi piste de danse – bourrée à craquer de plusieurs centaines d’hommes torse poils, huilés, épilés, et bodybuildés (beurk…), que je ne pensais croiser que sur les couvertures de Têtu, et qui étaient, vus de loin, de parfaits clones ! J’ai mesuré combien l’anti-conformisme et le poncif de la « différence à tout prix » n’étaient qu’une recherche voilée de conformisme qui ne s’assumait pas comme tel, que l’illustration d’une « diversité de supermarché » qui impose un seul modèle standard, déshumanisé.

 

Le clonage qu’incarnent ou qu’incarneraient les membres du « milieu homo » n’annonce rien de bon sur la qualité de leurs rapports amoureux : il est plutôt l’illustration que toute violence humaine vient souvent de l’excès de ressemblances, ou du désir d’uniformisme (appelé au mieux « jalousie », au pire « égalité »…).

 

Paradoxe du désir homosexuel (le désir idolâtre par excellence, c’est-à-dire un élan pour et contre lui-même) : le clone que les personnes homosexuelles recherchent – parfois toute leur vie – est en réalité un « tue-l’amour », un fantasme qui, dès qu’il se concrétise « le moins mal possible » à travers un amant plastiquement et comportementalement agréable, finit malgré tout par plomber le désir d’aimer, ennuyer profondément, et ne pas durer : « Pourquoi le cacher ? Il faut qu’une femme soit féminine pour m’attirer, les garçons manqués comme Martine, dans la mesure où ils me ressemblent trop, ne m’inspirent que des sentiments asexués » (p. 35) déclare la pourtant très masculine écrivaine Paula Dumont dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010).

 

J’ai souvent évoqué dans mes écrits la parenté existante entre homosexualité et gémellité (cf. je vous renvoie au code « Jumeaux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Et je crois qu’elle s’explique par le fait que l’amour homosexuel et la gémellité peuvent tous deux donner l’illusion de l’auto-engendrement de soi-même par soi (ou par quelqu’un qui lui ressemble vaguement), bref, l’illusion que le clonage humain est possible et beau, à travers la science, la Nature, ou l’« amour ». Or, bien entendu, les faits montrent que le couple homosexuel tout comme le duo gémellaire, s’ils s’apparentent à des formes de clonage, sont des faux clonages, des clonages incomplets… et souvent des clonages ratés quand les êtres humains se forcent à les croire complets et vrais ! En effet, même deux vrais jumeaux, tout en étant semblables et possédant le même patrimoine génétique, resteront uniques et non-identiques ; et dans un couple homosexuel, il faut peu de temps pour se rendre compte que son partenaire amoureux est à des années lumière de nous ressembler, quand bien même il ait de prime abord un corps semblable au nôtre !

 
 

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Code n°34 : Coït homosexuel = viol (sous-code : Strangulation)

coït

Coït homosexuel = viol

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
Avis aux lecteurs : ce code contient des passages qui peuvent choquer les âmes sensibles ou les plus jeunes.
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Non, amis lecteurs, ce code ne présentera pas les actes homosexuels comme nécessairement dépravés, brutaux, avilissants, glauques, meurtriers, dénués de douceur, de beauté ou de spiritualité, ni des actes obligatoirement circonscrits au toucher ou à la pénétration … comme donnerait à le penser le signe « égal » de son titre. Mais au contraire il parlera surtout des actes homosexuels « hors milieu », doux, acorporel, parfois même uniquement verbaux ou visuels. Il abordera aussi bien la question des coïts homos que des simples baisers, échangés en rase campagne, loin des établissements du Marais, entre partenaires vivant une relation de fidélité honorable. Car même ces actes posés dans des cadres apparemment respectueux reposent sur la même violence, la même discrimination, que les actes qui sont posés dans l’obscurité d’une backroom de sauna : la violence de l’éjection de la différence des sexes, différence sur laquelle repose toute existence humaine et tout amour qui sait l’accueillir… même si cette violence sera bien sûr graduelle. Tout acte homo, même pas encore posé mais déjà prospecté et cru beau, est violent. Et à chaque fois qu’il est posé, l’exclusion de la différence des sexes se rejoue concrètement. Après, bien sûr, il a des contextes où cette expulsion est plus visible, plus nette, plus blessante. Elle a bien sûr des degrés de puissance, de violences et de gravité. Mais déjà, qu’on en ait conscience ou pas, qu’on enrobe cette violence (par la sincérité, par les sentiments, par l’esthétisme, par la bonne intention) ou pas, elle est là. Et ne sera pas sans effet dans l’insatisfaction, la déception, le malaise, ressentis y compris par deux partenaires de même sexe qui la pose en ayant l’impression d’accomplir un geste banal d’amour et de plaisir.

 

La violence lors du coït sexuel humain n’est pas le propre de l’homosexualité. Elle fait aussi partie du coït hétérosexuel (et beaucoup moins du coït femme-homme aimant). En revanche, je souligne qu’avec la pratique homosexuelle, l’expulsion de la différence qu’elle induit universellement est un facteur aggravant de violence.

 

C’est la raison pour laquelle ce code concerne spécialement les personnes homosexuelles qui sont persuadées qu’elles ne sont pas violentes quand elles embrassent leur copain (ou leur copine, pour les femmes lesbiennes) ou quand elles couchent avec ; et surtout les personnes pacsées, « mariées », en couple « fidèle et durable », connues pour être sobres dans leurs pratiques sexuelles, peu fantaisistes et peu identifiables comme « typiquement du ‘milieu’ », des crèmes de garçons ou de filles, quoi.

 

En revanche, les personnes homosexuelles qui trouvent que je n’exagère pas dans mes propos, celle qui sont conscientes d’être violentes quand elles pratiquent l’homosexualité, et qui font même parfois violence à leur partenaire en connaissance de cause (encore que… je me demande si on peut faire un geste pareil vraiment « en connaissance de cause »…), vous pouvez passer votre chemin !

 

Bref, autant dire que tout le monde peut rester 😉 ! Parce que je ne connais quasiment aucun individu homosexuel pratiquant qui, quand il sort avec quelqu’un, ou même devient violent avec lui, ne le fait pas par amour, par désespoir – jugé « beau » par le désespéré – , ou avec les meilleures intentions du monde… !

 

Il est étonnant de voir dans énormément de films traitant d’homosexualité – y compris ceux qui s’attachent à présenter l’amour homosexuel sous son meilleur jour (c’est ça le pire, cet écart prodigieux entre intentions et actes !) – que la scène de fornication homosexuelle ressemble à un viol, ou aboutit même carrément à un meurtre. On le voit bien : les réalisateurs homosexuels mettent en scène ce qu’ils ne veulent pas qu’on leur attribue. Cette représentation catastrophique de la copulation homosexuelle, mise en scène par les personnes homosexuelles elles-mêmes, est très inconsciente, est d’une naïveté inquiétante car elle laisse supposer pour le coup qu’elle s’actualise bien plus souvent qu’on ne le croie dans la réalité concrète… même si, une fois qu’il devient réel, le viol s’opère à visage caché, dans des contextes sombres qui ne seront pour la plupart jamais dévoilés au grand jour (intimité d’une chambre, pénombre d’un parc ou d’une ruelle, secret d’un échange porno entre deux webcam, cadre clandestin de la prostitution, affaires de crime passionnel étouffées par l’argument-bulldozer de l’« homophobie 100% hétérosexuelle », etc.). La difficulté du thème que j’aborderai ici, c’est qu’il est éminemment intime, tabou, honteux, et que la violence psychologique (faisant partie de la violence physique, en amont comme en aval) n’est pas immédiatement visible à l’œil nu, ni même scientifiquement quantifiable.

 

La question de la définition de l’acte homosexuel en tant que « viol » est épineuse, d’une part parce que le viol n’est pas l’apanage des individus homosexuels (bien des couples intégrant la différence des sexes se traitent mal ; et toute sexualité humaine, même aimante, comporte une part de violence, qui ne s’appelle plus « violence » quand elle est canalisée vers la vie et l’amour), d’autre part parce qu’il existe une gradation de violences y compris dans la catégorie très diversifiée des actes homosexuels (il y a quand même une différence objective entre les pratiques sexuelles qui se vivent dans une backroom, par exemple, et une gentil rendez-vous « câlins et massages ») ; et enfin, en troisième lieu, parce que le viol est en grande partie défendu et vécu comme un enchantement par les acteurs homosexuels eux-mêmes (cf. je vous renvoie surtout au code « Déni », ainsi qu’à la partie sur le « Désir de viol » dans le code « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Du coup, nous ne sommes pas aidés pour comprendre toute la violence immédiate et rétrospective de l’acte homosexuel fictionnel. Et pourtant, elle existe bel et bien, et reste à dénoncer !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Cannibalisme », « Symboles phalliques », « Vampirisme », « « Première fois » », « Adeptes des pratiques SM », « Corrida amoureuse », « Liaisons dangereuses », « Douceur-poignard », « Mort-Épouse », « Déni », « Désir désordonné », « Violeur homosexuel », « Scatologie », « Homosexuel homophobe », « Voleurs », et « Viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

Film "Cost Of Love" de Carl Medland

Film « Cost Of Love » de Carl Medland


 

Souvent, on entend dire de la part de personnes homosexuelles que les réticences (voire l’homophobie) des gens par rapport à l’homosexualité viendraient principalement du fait qu’ils ne supporteraient pas l’idée de voir deux mecs s’embrasser ou « s’enfiler ». Ils trouveraient ça gratuitement sale parce qu’ils feraient une incompréhensible allergie à la différence et à une expérience inédite, ils feraient mentalement une transposition exagérée de films porno-SM ou de leurs propres fantasmes cauchemardesques cachés sur leur propre réalité, et n’auraient rien compris des sentiments et de la douceur des « vrais » couples homos. En d’autres termes, la gêne des « hétéros » ne viendrait que d’un choc culturel, que d’un refus de comprendre et de tester l’acte homo ; en aucun cas elle se justifierait par les faits, ou par une violence objective des gestes amoureux homosexuels. 

 

Film "Les Mille et une nuits" de Pier Paolo Pasolini

Film « Les Mille et une nuits » de Pier Paolo Pasolini


 

Or, je crois que l’acte homosexuel – et je parle même du simple baiser, de la caresse – est en soi violent, même s’il peut être intentionnellement doux et respectueux. C’est ce qui le motive (un désir de fusion, un désir d’éloignement du Réel, un désir de se faire plaisir – ou à l’extrême inverse de s’oublier totalement en faveur du plaisir de l’autre – plutôt que de s’orienter vers la vie, une prévalence des intentions et des sentiments sur l’Amour en actes et sur l’horizon de sens-durée de ce Dernier) qui est violent. Beaucoup de personnes homosexuelles ne vénèrent pas véritablement l’autre puisque l’amour de sa chair va jusqu’à l’absorption symbolique. Fantasmatiquement, la distance entre le sujet et l’objet s’efface, et dans cet effacement le « je » se perd également, alors qu’il prétendait, par un rapprochement fiévreux à la réalité concrète, se retrouver lui-même. On voit souvent, dans les films comme dans la vie quotidienne, des amants se prier de se laisser respirer, de cesser de se marcher sur les pieds. La juste distance de vie entre eux deux n’est pas respectée au maximum. En termes de pulsions, aimer homosexuellement signifie chercher à posséder, à avaler, et même plus radicalement à faire disparaître l’être aimé par le désir d’absorption (cf. je vous renvoie aux codes « Fusion » et « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Quand certaines personnes homosexuelles embrassent leur amant (en discothèques notamment), il est fréquent qu’elles miment l’acte de dévoration. Elles savent très bien toute la part de bestialité qu’il y a dans leurs gestes, mais elles détestent se l’entendre dire, et la mettent sur le compte de l’expression fougueuse et spontanée de la passion (cf. je vous renvoie au code « Chiens » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Pourtant, la violence de la pulsion est bien là.

 

Si le désir homosexuel conduit à la beauté-laideur de l’humanité-bestialité, les actes génitaux qu’implique l’amour homosexuel constituent-ils pour autant un viol ? Voilà une question importante faisant peu débat, même si elle soulève un tollé général avant même d’être traitée. Je répondrai en disant « oui et non ». Pas autant et pas moins que la majorité des personnes homosexuelles ne le disent. Dans le sens génital et donc social du mot « viol », majoritairement non. Oui, au moins dans son sens symbolique, c’est-à-dire de la contamination des fantasmes sur la réalité concrète.

 

Ceux qui ne voient dans la sodomie qu’un viol obéissent à une croyance sociale absurde réduisant le rapport amoureux homosexuel à un acte bestial, purement compulsif, et dénué d’amour. Cette vision hétérosexuelle et homosexuelle des coïts homosexuels est souvent très éloignée de la réalité, car bien des accouplements entre amants homosexuels se déroulent pacifiquement, avec beaucoup de respect et de tendresse, sans forcément en passer par la pénétration anale. J’ai bien écrit « vision homosexuelle », car aussi curieux que cela puisse paraître, l’association de la sodomie au viol et à la bestialité ne vient pas uniquement des personnes homophobes : elle est aussi le fait des personnes homosexuelles. « S’il y en a qui connaît l’animal qui est en moi, c’est bien toi, non ? » (Pierre s’adressant à son amant Benjamin, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) Les scènes de viol homophobe, juxtaposées cinématographiquement à des scènes d’amour homosexuel ne manquent pas dans les créations homo-érotiques : le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne en fournit un parfait exemple. Chez beaucoup d’auteurs homosexuels, la pénétration anale est fréquemment présentée comme impossible ou ultra-violente. À l’image, beaucoup de personnes homosexuelles diabolisent la sodomie pour la pratiquer sans états d’âme dans la réalité concrète, alors qu’elle n’est ni un geste abominable ni un acte essentiel. Elles aiment nourrir l’inconscient collectif qui associe la sodomie à l’acte odieux, en profitant du fait que seuls ceux qui la pratiquent seraient autorisés à en parler en connaissance de cause et à la diaboliser. Elles amplifient alors iconographiquement la douleur qu’elle engendrerait, comme dans la scène des noces du film « Salò ou les 120 Journées de Sodome » (1975) de Pier Paolo Pasolini. Un certain nombre d’auteurs homos associent dans leurs créations le pénis de la pénétration anale à tous les symboles phalliques dangereux imaginables. La sodomie est souvent diabolisée, en même temps que sanctifiée. Elle ne convertirait pas le violé en maudit, mais au contraire lui révèlerait sa sainteté, son innocence de martyr. Je crois qu’ici la diabolisation de la pénétration anale est à prendre prioritairement dans son sens symbolique – le personnage homosexuel troue l’arrière-train de son compagnon comme une épingle perce un simple papier cartonné –, avant d’être considérée dans son sens « réellement fantasmé ». D’ailleurs, rien qu’en regardant les faits, on constate qu’entre hommes gays, la pénétration anale n’est pas tellement monnaie courante, du fait aussi de sa violence : « Quant aux hommes homo-bisexuels, […] la pénétration anale est souvent pratiquée par près de 25% d’entre eux (24,9% pénétration insertive et 24,1% pénétration réceptive) contre 2,5% chez les hétérosexuels. » (Enquête sur la Sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 253) Même si le lien de causalité entre pénétration anale et viol est en lui-même absolument détestable et injuste, en revanche, il convient de ne pas relativiser ni de nier le lien de coïncidence. Car c’est le déni de ce dernier qui peut du coup rendre le fantasme du viol par la sodomie actualisable. Quand on demande en privé à certains hommes gays ce que la sodomie leur procure, ils sourient de l’incongruité de la question, puis finissent par cracher le morceau : « Pour tout avouer, ça fait pas du bien… » Biologiquement, la pénétration par l’anus ne va pas de soi, et peu de gens la trouve plaisante. La sodomie dit une sexualité par défaut. Les hommes gays font avec ce « trou corporel » (en plus de la bouche pour la fellation) parce qu’ils n’ont pas trop le choix ailleurs s’ils veulent pénétrer leur partenaire. Même si certains médecins affirment que la sodomie est sans danger, ils ne vont pas jusqu’à dire qu’elle est bonne pour la santé, ni respectueuse et fertile. Par la pénétration anale, on force un chemin qui n’est pas naturellement celui de la pénétration sexuelle classique. Il manque à l’endroit de l’anus les sécrétions vaginales : on est obligé d’user de produits artificiels, de vaseline, de lubrifiants, pour faciliter le passage du pénis. De plus, le sphincter de l’anus est puissant et parfois résistant, donc la sodomie peut causer une peine initiale, au moins un inconfort dans un premier temps. Certains hommes gays constatent également après avoir été pénétrés une période de constipation passagère, signe que l’acte sexuel de la sodomie bouleverse temporairement le métabolisme naturel des individus. Une pénétration anale ne se fait pas sans douleur. Dans les guides de kâma sûtra gay – qui mettent pourtant un point d’honneur à dédramatiser jusqu’aux pratiques sexuelles les plus avilissantes –, on insiste beaucoup sur la douceur et les précautions à avoir au moment de la pénétration, sur l’accoutumance du partenaire pénétré. Même si ce n’est pas clairement dit, la nécessité du forcing dans l’acte sodomite est implicite. Si la pénétration anale va en se banalisant dans les discours sociaux actuels, il ne faut pas oublier qu’au départ, elle fait mal aux personnes pénétrées et pénétrantes, pas seulement physiquement mais aussi psychiquement. Dans le film « Mauvaises Fréquentations » (2000) d’Antonio Hens, le personnage de Guillermo nous dit bien ce qui se passe la « première fois », et aussi pendant l’après-sodomie. « Je ne m’étais jamais laissé pénétrer. Mais il a dit que j’allais aimer, je n’avais qu’à me détendre. Malgré la salive et mes efforts pour me relaxer, ça faisait un mal de chien. Voyant qu’il n’y arrivait pas, il s’est mis à pousser de toutes ses forces. J’ai jamais eu aussi mal. Mais depuis, je me dilate sans problème. » Par la suite, beaucoup de personnes gays réécrivent l’épisode de la pénétration dans l’angélisme – la prostate serait même, selon certains, le « point G homosexuel » ! (pourquoi pas, après tout ?) –, ou se mettent à mépriser les partenaires sexuels qui mettent du temps à accepter la sodomie. Mais le malaise concernant la pénétration anale revient autrement dans le couple, généralement sous forme d’agressivité et d’indifférence mutuelles.

 

COÏT De mon sang

Film « Du même sang » d’Arnault Labaronne


 

Avant d’être plus rarement un acte réel, le viol est déjà un fantasme homosexuel. Toutes les personnes homosexuelles n’ont pas ressenti le viol ni ont été génitalement violées par leur amant du seul fait d’avoir pratiqué la sodomie. Il ne s’agit pas d’homosexualiser le viol, pas plus que de définir intégralement comme violent tout acte amoureux de nature homosexuelle. Une fois encore, j’insiste pour que soient laissés les emblèmes du désir homosexuel au pays des mythes et que nous ne les ramenions pas systématiquement à la réalité concrète, comme le ferait l’esprit cartésien, superstitieux, homosexuel, hétérosexuel, ou homophobe. C’est aussi la société qui nous apprend à trouver les actes homosexuels sales, alors que sur le coup et en soi, ils ne sont ni sales ni entièrement violents, et peuvent être dans le meilleur des cas l’expression de la force d’un amour authentique. Ils possèdent la dualité désarmante des réalités fantasmées : ils font à la fois beaucoup de bien et beaucoup de mal. Bien des accouplements homosexuels, incluant la sodomie et la fellation, restent tout à fait honorables. Cependant, ils leur manquent le respect corporel de la finalité symbolique, et donc procréative, de l’acte génital aimant et incluant la différence des sexes : si tout couple n’est pas tenu évidemment de « faire un enfant » à chaque fois qu’il « fait l’amour » – contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes homosexuelles qui reportent leur croyance en l’obligation de la procréation sur les institutions religieuses et la société « hétérosexiste » (il suffit d’écouter l’actuel pape Benoît XVI parler de la non-sacralisation de la procréation dans le couple femme-homme pour en voir le cœur net : « Même si la maternité est un élément fondamental de l’identité féminine, cela n’autorise absolument pas à ne considérer la femme que sous l’angle de la procréation biologique. Il peut y avoir en ce sens de graves exagérations, qui exaltent une fécondité biologique en des termes vitalistes et qui s’accompagnent souvent d’un redoutable mépris de la femme. […] Ce n’est pas en se contentant de donner la vie physique que l’on enfante véritablement l’autre. La maternité peut trouver des formes d’accomplissement plénier même là où il n’y a pas d’engendrement physique. », cf. « Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde », 2004) –, et que vivre le plaisir sexuel pour le plaisir sexuel n’est absolument pas condamnable, il y a cependant dans le coït femme-homme aimant, même non-procréateur, une annonce sous-jacente de l’enfant qui peut donner à l’union conjugale une ouverture qui tue l’égoïsme, une dimension supérieure que l’acte homosexuel, s’inscrivant davantage dans une perspective de l’instant que dans un projet de vie éternelle, ne possède pas.

 

Si le rapport entre viol et actes génitaux et corporels homosexuels doit être relevé, il faut veiller d’une part à ne pas faire du viol l’apanage des personnes homosexuelles – nulle sexualité n’est à l’abri du viol, que ce soit entre la femme et l’homme qu’entre semblables sexués (le mariage dit « hétérosexuel » peut aussi servir à camoufler des abus sexuels au sein de certains couples femme-homme ; La sodomie, par exemple, n’a rien d’une pratique proprement homosexuelle puisque 15% des hommes et 13% des femmes hétérosexuels l’exerceraient régulièrement ; cf. Alfred Spira, Rapport Spira Bajos, 1992). Par ailleurs, les Français (hétéros et homos confondus) pratiquant la pénétration anale restent une minorité. « En 1992, seulement 24% des femmes et 30% des hommes déclaraient en avoir fait l’expérience, alors qu’en 2006, ils sont respectivement 37% et 45%. » (Enquête sur la Sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 276) –, et d’autre part, à ne pas réduire les rapports homosexuels à la seule pénétration anale. Je n’entends pas par « viol homosexuel » que l’analité ou la sodomie. Je prends soin de le souligner car en ce moment, un certain courant de pensée véhicule l’idée selon laquelle les « ennemis des homos » seraient hostiles aux couples homosexuels uniquement par dégoût de la sodomie, ou bien que les femmes lesbiennes seraient plus douces dans leur sexualité que les hommes gays, ce qui me semble être absurde. Le terme « viol » tel que je l’emploie s’applique déjà au simple baiser homosexuel et aux coïts lesbiens. Il ne saurait se réduire à la possession d’un pénis, car même les femmes lesbiennes peuvent désirer pénétrer, comme le montre les propos d’Élisabeth à son frère Paul dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville : « Je t’ai percé un jour, mon p’tit bonhomme ! » Beaucoup de femmes lesbiennes, à la sexualité pourtant débridée, sont les premières à se rassurer sur la non-violence de leurs accouplements : en se comparant à des hommes gays forts consommateurs de sexe, elles prétendent être plus « sentimentales » lors de leurs coïts, moins bestiales et moins portées sur le sexe du fait d’être femmes. Je veux bien admettre que la sexualité masculine soit par nature plus compulsive et hygiénique que la sexualité féminine, cela ne décharge en rien le désir et l’acte génital lesbiens de leur brutalité. Si l’accouplement lesbien ne dégageait aucune violence, il n’aurait pas envahi à ce point-là l’univers machiste du porno. Certaines femmes lesbiennes avancent qu’elles ne forcent pas des voies non-naturelles lors de leurs étreintes, et qu’en plus, leur coït serait « égalitaire » puisqu’il ignorerait les distinctions discriminatoires de la passivité et de l’activité induites par la pénétration anale ou vaginale. Mais le viol, s’il n’est pas, comme nous l’avons vu précédemment, réductible à la pénétration, peut être précisément dans l’absence de conflit des corps, dans l’invasion du fantasme sur la réalité concrète. La sexualité homosexuelle, parce qu’elle n’a pas l’aval de la Nature et qu’elle ne vit pas des bienfaits concrets de la différence des sexes, bascule malgré elle vers le mythe, la représentation fantasmatique, la prédominance du faire-semblant, le mime. En ce sens, elle traduit un désir de viol. Elle se manifeste par une propension plus grande à l’envie de possession, comme pour illustrer que la fusion des corps n’est pas un minimum complète et qu’il faut la forcer. Dans le coït femme-homme aimant, au contraire, il y a une nécessaire confrontation à la réalité symbolique de la différence des corps, un essentiel combat entre les partenaires qui laisse un espace à l’amour, à l’humour, et à la Réalité. La rencontre sexuelle grandissante ne se passe pas dans une exacte réciprocité, dans l’illusion d’une perfection désincarnée, dans une simultanéité partagée et mimée : la réciprocité implique justement un déséquilibre, un curieux va-et-vient, une plongée vers le mystère du sexe inconnu, un donner-recevoir, une confiance insensée… bref, une nécessaire inexactitude qui fait toute l’exactitude et la beauté du coït femme-homme désirant, même s’il n’est pas toujours parfait techniquement parlant.

 

Film "Broken Sky" de Julian Hernandez

Film « Broken Sky » de Julian Hernandez


 

La part fantasmatique me semble plus accrue dans les pratiques homosexuelles que dans la génitalité entre une femme et un homme dont les gestes sont davantage dictés par une correspondance des corps, un horizon procréateur, un ajustement des anatomies. La dissymétrie corporelle imposée lors des actes homosexuels est illustrée par la distinction actif/passif qui se maintient de manière tenace dans la communauté homosexuelle : beaucoup moins dans le couple formé par une femme et un homme, à qui il ne vient même pas à l’idée de se demander qui est l’actif ou le passif lors des coïts tellement les deux amants ont l’assurance d’être confirmés par la Nature, et qu’ils se savent acteurs ensemble de leur amour (la femme est active dans l’accueil !). Les personnes homosexuelles sont davantage obligées d’inventer des pratiques sexuelles qui, parce qu’elles les éloignent de la Réalité, rejoignent la réalité concrète de manière plus brutale, quand bien même elles désirent rejoindre intentionnellement la délicatesse. Bien entendu, les pratiques SM n’intéressent qu’une minorité d’entre elles, car la plupart ne supportent pas l’idée de soumission, de souffrance, de domination et de représentation dans l’acte sexuel. Mais quand la violence n’est pas ouvertement douloureuse, elle peut se traduire sous d’autres formes dans le couple homosexuel : la fougue, l’infidélité, l’attachement au sexe, la lassitude, le goût du paraître, la jalousie, le manque d’écoute et d’envie, etc.

 

Dans l’absence de résistances que semble offrir l’uniformité homosexuelle, dans la confrontation rassurante et terne des semblables, on retrouve la violence rose et policée des Barbie : celle qui cherche à préserver de toutes les aspérités du réel. Simone de Beauvoir décrit très bien sur certains passages du Deuxième Sexe (1949) la prédominance du fantasme sur la Réalité lors du coït lesbien : « Entre femmes l’amour est contemplation ; les caresses sont destinées moins à s’approprier l’autre qu’à se recréer lentement à travers elle ; la séparation est abolie, il n’y a ni lutte, ni victoire, ni défaite. […] L’anatomie préside à l’ordre des caresses, vouant la rencontre des corps de femmes au manque et au mime. » (Simone de Beauvoir, Deuxième Sexe (1949) citée dans l’article « Simone de Beauvoir » de Sylvie Chaperon, sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2002) de Didier Éribon, p. 67) Dans l’accouplement homosexuel, le viol se situe plus dans l’envahissement du mythe sur la réalité concrète qu’en actes désignés socialement comme « violents ». Que les personnes homosexuelles le veuillent ou non, la discordance corporelle lors des unions génitales homosexuelles fait de l’homogénitalité davantage une simulation d’orgasme qu’une communion réelle vécue à deux. Pendant le coït anal notamment, l’un des amants jouit ; l’autre se fait spectateur de l’orgasme du premier sur lui, et réécrit a posteriori son plaisir, qui reposera davantage sur l’avant et l’après lecture de la mise en scène de la rencontre sexuelle que sur l’expérience concrète d’un assouvissement partagé simultanément avec le partenaire. Cette approche du sexe est en partie désincarnée, déséquilibrée, et donc potentiellement sadomasochiste. La fellation, pratique qui n’est pas exclusivement homosexuelle mais qui reste très répandue parmi les hommes gays, est un autre exemple de spectacle idolâtre de la génitalité. Le fellateur s’abaisse devant l’autel du pénis de l’homme qui reçoit la fellation. Moins il y a de face-à-face dans les positions sexuelles entre deux personnes, plus nous nous éloignons du relationnel et rejoignons la violence infantilisante du mythe.

 

Film "L'homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Il semble que, dans le rapprochement amoureux homosexuel, le passage violent du mythe à la réalité fantasmée s’initie bien avant le passage à l’acte génital et la pénétration anale ou vaginale. Le viol se limite au simple baiser sur la bouche. Quand on écoute certaines personnes homosexuelles raconter leur premier baiser homosexuel, on les trouve bizarrement peu enthousiastes. Elles ne sont ni dégoûtées, ni amusées, mais juste fascinées par un geste qu’elles situent davantage sur le terrain de la science-fiction que sur celui de la beauté mémorable. Il leur a souvent laissé une impression de catapultage forcé dans un monde inconnu, paranormal. « Nous nous sommes embrassées, et j’ai su que ma vie avait basculé. J’ai été projetée d’un monde à l’autre. J’ai été poussée. » (Corinne, témoin lesbien mimant le mouvement de projection violente vers l’avant avec la main, dans l’émission Ça se discute sur la chaîne France 2, le 18 février 2004) C’est comme s’il faisait passer brutalement du fantasme à la réalité fantasmée en entravant une liberté. Relativement nombreux sont les sujets homosexuels qui ont fondu en larmes quand ils l’ont reçu. Même dans les fictions, nous voyons quelques exemples de ce surprenant « baiser-homosexuel-qui-fait-pleurer ». « Et voilà que je pleure, sans expliquer pourquoi. G. me regarde avec une douce interrogation. Que lui dire ? Que je ne l’aime pas ? Ce n’est pas vrai. Aimer, c’est si facile. Que je l’aime moins ? Ce n’est pas vrai non plus. C’est autrement, voilà tout. Je pleure parce que je cède à mon désir de caresses. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), pp. 47-48) Il est parfois clairement associé au viol (cf. « Yossi et Jagger » (2002) d’Eytan Fox, « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, etc.). Le baiser homosexuel peut avoir la violence d’une caresse dénuée d’amour, comme le décrit Stefan Zweig dans son roman La Confusion des sentiments (1926) : « Ce fut un baiser comme je n’en avais jamais reçu d’une femme, un baiser sauvage et désespéré comme un cri mortel. » (Stefan Zweig, La Confusion des sentiments (1928), p. 126)

 

Film "Vil Romance" de José Celestino Campusano

Film « Vil Romance » de José Celestino Campusano


 

Bien souvent, l’initiation à la génitalité homosexuelle est vécue comme un traumatisme. Il n’est pas anodin que les artistes homosexuels traitent régulièrement des « première fois » dans leurs créations (cf. Dictionnaire des Codes homos). Même si les personnes homosexuelles n’ont pas le monopole du viol ou du fantasme de viol – beaucoup de jeunes filles ou de garçons hétérosexuels ont vécu leur défloration comme un viol. En revanche, je crois que leurs unions corporelles y sont plus biologiquement, corporellement, psychiquement, et symboliquement exposées que les unions entre la femme et l’homme, du fait de l’exclusion radicale de la différence des sexes dans tous les couples homosexuels, et de la nature du désir homosexuel, davantage tourné vers la réification. Si les jeunes adolescents homosexuels reculent au maximum l’échéance de leur premier « passage à l’acte », que la majorité d’entre eux sont allés à la génitalité « comme on va chez le dentiste », ce n’est pas sans raison. Il y a une violence dans l’acte génital (et simplement sensuel) homosexuel, qui reste difficile à définir, mais qui pourtant existe. Cela vaut le coup d’écouter les récits du premier rapport sexuel des personnes homosexuelles : on a parfois l’impression d’entendre une mise en scène de viol – et plus rarement un viol réel. Ceci transparaît parfois dans le discours des personnages fictionnels homosexuels. « La première fois, c’est toujours bizarre » avoue Julián, dans le film « Krámpack » (2000) de Cesc Gay. Dans « Quels adultes savent » (2003) de Jonathan Wald, le jeune Roy, demande à son amant qui vient juste de le déflorer : « On se sent toujours comme ça après ? »

 

Dans la bouche des personnes homosexuelles réelles, le sentiment de viol concernant le dépucelage se mêle souvent à l’optimisme forcé. « La première fois où ça s’est fait avec un garçon, c’était très fort… très violent. » (Denis, témoin homosexuel dans l’émission Bas les Masques, sur la chaîne France 2, en septembre 1992) Mais au final, la violence symbolique gagne tout le tableau. « Ça s’est passé mal, très très mal, parce que c’est comme si ça en rajoutait encore, en définitive. Le fait de passer à l’acte, pour moi, faisait que ça rajoutait encore de la complication à mon existence. » (Olivier, 37 ans, parlant de la découverte de son homosexualité et de son premier passage à l’acte homosexuel, dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) Il n’est absolument pas rare de rencontrer des sujets homosexuels qui ont vu leur amant effondré juste après qu’ils l’aient « déniaisé ». Sur le coup, ils n’ont pas saisi pourquoi. Ce dernier s’est tout de suite excusé d’avoir pleuré, leur a assuré que c’étaient des larmes de joie et de découverte, qu’elles étaient un soubresaut de culpabilité induite par le poids culturel (« judéo-chrétien » !) et éducationnel. Et l’énigme s’est approfondie sans trouver d’écho. Beaucoup de personnes homosexuelles ne peuvent même pas dire leur souffrance du viol à leur partenaire, car elles sentent qu’il ne pourra pas les comprendre. Et plus profondément encore, il leur est difficile de lui avouer un fantasme de viol – et plus rarement un viol réel – consenti à deux.

 

Film "Sex Life In L.A." de Jochen Hick

Film « Sex Life In L.A. » de Jochen Hick


 

En amour homosexuel, rapt et ravissement se confondent souvent. La lecture enchanteresse que beaucoup de personnes homosexuelles font de l’assemblage des corps entre semblables sexués n’efface pas la violence des fantasmes et des réalités qu’ils peuvent impliquer. En désir, bon nombre d’individus homosexuels veulent voler leur partenaire amoureux. Il est parfois possible d’en entendre certains affirmer textuellement qu’ils couchent avec de beaux garçons rien que pour leur « voler leur beauté » et se l’appliquer à eux-mêmes. Cette expression en dit long sur ce qu’est l’acte homosexuel dans son essence : un fantasme de vol motivé par un désir non pas seulement d’aimer l’autre pour ce qu’il est, mais aussi d’être lui et de se dérober à soi. C’est sûrement ce qui explique que dans beaucoup d’œuvres de fiction, les protagonistes gays se définissent comme des « voleurs » après avoir vécu leur première expérience homosexuelle. En image, les rapports corporels homosexuels sont fréquemment montrés comme des vols, des viols, voire des meurtres, comme on va le voir plus explicitement maintenant dans le « GRAND DÉTAILLÉ ».

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) La violence du coït masculin fictionnel :

Film "Kick Off" de Rikki Beadle-Blair

Film « Kick Off » de Rikki Beadle-Blair


 

Dans les fictions homo-érotiques, l’accouplement génital homosexuel est souvent figuré comme un viol, et s’achève parfois par la mort d’au moins un des deux amants : cf. le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne, la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson, le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « L’Homme que j’aime » (2001) de Stéphane Giusti, le roman Querelle (1947) de Jean Genet, le film « La Ley Del Deseo » (« La Loi du désir », 1986) de Pedro Almodóvar, le roman Nicolas Pages (1999) de Guillaume Dustan, le film « Le second mari de Cléopâtre » (1998) de Jon Reiss, le film « Cruising » (1980) de William Friedkin (se déroulant dans le milieu sado-masochiste), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, le roman Eustace Chisholm And The Works (1967) de James Purdy, le film « Reflection In A Golden Eye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le roman Giovanni’s Room (1955) de James Baldwin, le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, le film « Happy Together » (1997) de Wong Far-Wai, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le roman Radcliffe (1963) de David Storey, le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, les photos de Joseph Caprio (1992) (montrant la violence de la pénétration), la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec le coït violent entre Joe et Roy), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salo ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely, le film « Honey Killer » (2013) d’Antony Hickling, le film « Cannibal » (2005) de Marian Dora, le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, etc.

 

Film "Les Damnés" de Luchino Visconti

Film « Les Damnés » de Luchino Visconti


 

Des allusions sont faites à la douleur provoquée par le coït homo, souvent sur le mode satirique, mais parfois sérieusement : « Toute sodomie commence par un viol. » (Paul dans la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « Je reçois de la vessie un direct qui littéralement me casse en deux. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 28) ; « Tu avais mal à l’endroit du… coït. » (Dominique, évoquant à son pote Jérôme la folle nuit d’amour alcoolisée qu’il a/aurait vécu avec François le personnage homo, dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos) ; « Pourquoi être gay est-ce si difficile ? […] Je me sens mal. Et j’ai encore mal au cul… » (Eddie, parlant de la sodomie, et déçu que Scott l’ait dépucelé et pris pour un simple « plan », dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Je vais avoir du mal à m’asseoir pour un moment. » (Doyler, le héros homosexuel s’adressant à Anthony qui l’a sodomisé, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Ça me plairait. Mais ça fera peut-être un peu mal. » (Doyler sur le point de sodomiser son amant Jim, idem) ; « Vous avez plus de chance que moi. Quand je ne me fais pas arrêter, mon client a une maladie vénérienne. » (Emory, le héros homosexuel efféminé racontant la promiscuité des saunas et des lieux de drague homosexuel qu’il fréquente, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc. Par exemple, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le coït, selon Jean-Luc (le héros homosexuel), ça doit être « rapide comme une diarrhée ». Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, quand Citron, le héros hétéro, demande à Radmilo, son ami homosexuel, ce que ça procure l’acte homo (et surtout la sodomie), ce dernier répond : « Ça fait mal. » Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, se fait sodomiser par Palomino : « Ça fait mal. Ça pique ! Je vais vomir. Je saigne ! ». Ce dernier le rassure un peu : « Une vierge est censée saigner. »

 

Film "L'Homme au bain" de Christophe Honoré

Film « L’Homme au bain » de Christophe Honoré

Quelquefois, le viol est carrément filmé, et plus simplement suggéré. Par exemple, dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, Fefe force son amant Pietrino à faire l’amour avec lui. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, le coït homosexuel entre Vivi et Norbert est une simulation de hold-up. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca voit un de ses amants au lit comme « un braconnier » qui va le tuer pendant le coït : « Il m’a foutu la peur de ma vie ! » Il le voit comme un être virtuel : « Et moi, j’étais en dessous, et je tapais ESCAPE ESCAPE ESCAPE !! » Dans le roman La Ciudad Y El Pilar De Sal (1947), Jim viole Bob. Dans le film « J’embrasse pas » (1991) d’André Téchiné, Manuel Blanc se fait violer par un mec sous les yeux d’Ingrid. Dans la pièce Les Rats (2008) de Jean-Pierre Pelaez, l’accouplement homosexuel est associé à la bestialité de la fornication des rats. Dans le roman El Matadero (1838-1840) d’Esteban Echevarría, un jeune « unitaire » se fait sauvagement sodomiser par la barbarie « rosiste ». Dans le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le jeune et beau Cédric veut sans cesse faire l’amour avec son copain Mathieu, mais ce dernier résiste : « Non ! J’ai pas envie… J’ai l’impression que tu penses qu’à ça… J’aime pas comment t’es ! » Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, pendant qu’Antonin et Hubert font l’amour, la chanson « Laisse-moi t’embêter » de Noir Désir passe en fond sonore. Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, au moment du coït, Raúl se montre à chaque fois très brutal avec son jeune amant Roberto : « Pendant nos rapports, tu as été assez violent. » avoue sans grande résistance ce dernier ; à l’écran, leur tout premier ébat nous est clairement présenté comme un viol (on voit le pauvre Roberto hurler à Raúl : « Tu vas me faire mal !!! […] Ça fait mal !!! »). Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Malik, le héros homosexuel, se fait pénétrer sauvagement par un inconnu dans la rue. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Paul force son amant Jack à faire l’amour avec lui : à la fin de l’agression, Jack lui dit qu’il « l’a foutu en l’air ». Dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre, le coït dans la backroom est présenté comme un viol, le prostitué Rubén semble faire « payer » physiquement à son client le fait que ce dernier le paye financièrement (il lui « bourre » l’arrière-train comme un malade). Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, les premiers contacts corporels entre Marc et Engel sont particulièrement violents : Marc part en courant, se débat ; ils se battent au judo ; ils se blessent lors d’un exercice de simulation d’émeute. Dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le héros homo fracasse le crâne de l’homme qu’il vient d’embrasser sur la bouche dans un vestiaire de douches à la piscine : il finit par le tuer. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso Davide, le héros homo de 14 ans, est enculé contre un mur en verre, sur fond rouge, par un autre prostitué.

 

Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Omar supplie à son amant Emmanuel de ne pas le pénétrer (« Arrête ! Arrête ! Non. »), mais ce dernier n’a que faire de ses plaintes et le viole tout en feignant de lui demander l’autorisation (« S’il te plaît… S’il te plaît… ») ; une fois qu’Emmanuel a fait sa petite affaire, Omar s’en va contrarié (« Ça y est ? C’est bon ? Tu t’es vidé ? J’peux me rhabiller ? »). Un peu plus tard, on revoit Emmanuel en pleine action de viol sur un jeune étudiant en histoire, au départ consentant, mais qui va le regretter puisque cela déchaîne la hargne de son agresseur, qui lui flanque plein de fessées, le bat, s’apprête à l’étouffer.

 

Le viol que le protagoniste subit n’est pas nécessairement lié au toucher ou à la pénétration. Il peut s’agir d’un viol psychologique, verbal, tout aussi perturbant. « On se contamine si facilement quand on couche ensemble. » (Léopold s’adressant à son amant Franz, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « J’ai juste envie de vomir à chaque fois que tu me touches. » (Édouard parlant à son amant Georges, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; etc. Par exemple, dans le film « Bulldog In The Whitehouse » (« Bulldog à la Maison Blanche », 2008) de Todd Verow, la sodomie est présenté comme l’instrument de pouvoir et de domination qu’utilise Bulldog sur le secrétaire de presse. Même le personnage « passif » peut violer : « Les mecs passifs et menteurs, ça existe. » (Davide, un des potes gays de Tommaso, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek)

 

Film « Entre couilles » (2012) de Sadri Tijani

 

Il est fréquent que la violence du coït homosexuel n’apparaisse pas clairement comme choquante, y compris au regard des victimes qui le subissent et qui, bien souvent, font une relecture enchanteresse postérieure d’un acte qu’elles ont quand même « un peu voulu » dans leur tête et dans leur cœur : « Ce fut doux et violent. » (Jean-Marc en parlant du coït qu’il a vécu avec Michael, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 256) ; « On se bastonne entre mecs. Et puis après, on fait l’amour. » (Arnaud, le héros homo parlant de son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Je l’aime à son corps défendant. » (cf. la chanson « Les Mauvais Choix » d’Étienne Daho) ; « Cette violence nous rassemble. » (le juge Kappus au sujet de Julien, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 184) ; « J’aime trop pétrir ses fesses de coureur, me coller à son dos cambré de statue. Je le renverse dans le lit : il m’est livré. Il est à moi. Alors je sais que son sexe m’appartient. Je le saisis d’un coup, son sexe bandé et chaud dont il est si fier, son gros membre de beau garçon. J’avale son gland rose, son bourgeon gonflé prêt à donner sa sève. Je le sens si bien quand il me prend, bien large et vigoureux. J’aime qu’il me déchire, qu’il m’éventre tout entier du bas en haut. Enfin, je suis si terriblement heureux quand je danse empalé sur lui. » (le narrateur homosexuel du roman Chambranle (2006) de Jacques Astruc, p. 97) Par exemple, dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, quand Ed exprime ses remords à Arnold son ex-amant (« Arnold, je ne suis pas sûr que quand on couchait tous les deux c’était aussi satisfaisant pour moi que pour toi. Quelquefois, c’était un peu violent, un peu trop déchaîné. »), ce dernier ne voit pas où était le problème (« C’est drôle. Moi, j’demande que ça. » lui répond-il). Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, quand Linde est prise de remords de coucher avec Anamika, une jeune femme de vingt ans de moins qu’elle (elle a l’impression de la violer, exactement comme les agresseurs masculins d’Anamika qui l’avaient violée dans un bus : « Je pense que nous devrions arrêter. Parce que tu es jeune et que je suis vieille. Parce qu’ils t’ont agressée, mais que je suis tout aussi coupable qu’eux. […] C’est à peine si tu as l’âge d’être consentante. C’est du détournement de mineur. », pp. 120-121), Anamika ne riposte pas, et s’étonne même des excuses de sa compagne : « Pourquoi tu dis ça ? »

 

On retrouve bien ce déni du viol génital dans le discours des protagonistes du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz. En effet, Simon, l’un des protagonistes homosexuels, se fait sodomiser par un inconnu dans un coin du Louvre : « Dans une odeur de pisse rance et de merde, sur des capotes souillées, il me fait l’amour. Égoïstement, avec gaucherie. C’est rapide, douloureux, brutal. Il hurle sa jouissance qui arrive, me mord l’oreille, jouit, se retire et le temps que je me retourne, que je lui offre un regard plein de reconnaissance pour sa bite en moi, il dit ‘Je dois aller bosser, je suis en retard’. » (p. 15) Il se justifie d’éprouver du plaisir dans l’acte homosexuel, et spécialement la sodomie, même si ses propos restent très ambivalents : « C’est bon et douloureux à la fois. » (idem, p. 27) ; « (Ça me blesse un peu) Mais c’est pas ça ! C’est pas choper quelqu’un et le baiser. Chuis pas un chien. C’est prendre ce que tu as de plus intime, tu vois, ton cul, et boum, tu le donnes, tu l’offres, comme le plus beau cadeau que tu puisses faire à quelqu’un. Ça fait mal de se faire enculer, même après des années de pratique. Ben c’est pas anodin d’aller chercher de la douleur chez quelqu’un. […] J’ai besoin d’un amour en forme de bite dure qui me rentre en dedans. […] C’est pas vain, parce que la douleur, je l’ai longtemps pour moi. C’est ça ma preuve qu’on m’a aimé, même cinq minutes, même dans le froid, même mal. Ma preuve d’amour c’est l’érection du mec et ma preuve que je suis en vie, c’est la douleur qu’il me laisse après. » (idem, p. 16) Quant à Mike, le narrateur de l’histoire, il cautionne également la violence de l’acte homosexuel, dans une nonchalance qui laisse pantois : « Je m’ennuie un peu, mais je joue le jeu de l’excitation. Ça dure longtemps. De lassitude, je finis par supplier à son oreille ‘Prends-moi, putain, défonces-moi, steplé.’ P. devient encore plus animal, presque violent, il déchire un peu la corolle de mon téton droit en le pinçant, me mord les oreilles, respire en crachotant dans mon visage, serre avec ses genoux mes deux jambes l’une contre l’autre tout en donnant des coups rageurs de bite entre mes cuisses. Je sens ruisseler cette petite vague de foutre qui se déverse tandis que P. est pris de spasmes. Il gesticule encore quelques secondes au dessus de moi, puis s’arrête et s’abandonne de tout son poids sur moi, comme un corps mort. » (Mike, idem, p. 44) ; « Quand c’est fini je lui caresse les cheveux. Il transpire, son front est humide. Il me dit ‘tu m’as fait mal’. Sa voix est étreinte par l’émotion. Je lui réponds : ‘C’est pas ce que tu voulais ? » (Mike à propos de son amant « R. » qu’il a pénétré, op. cit., p. 69) ; etc.

 

Film "Presque rien" de  Sébastien Lifshitz

Film « Presque rien » de
Sébastien Lifshitz


 
 

b) Pas plus doux entre femmes, faut pas croire ! :

Film "Lesbian Psycho" de Sharon Ferranti

Film « Lesbian Psycho » de Sharon Ferranti


 

Certaines héroïnes lesbiennes se targuent d’être « plus douces », « plus sentimentales », et « moins brutales » dans leur coït que leurs homologues masculins (« hétéros » comme gays). Mais à l’écran ou sur papier, on a des surprises ! Leur lecture angéliste, sexiste, et misandre, de la sexualité lesbienne rentre très souvent en porte-à-faux avec ce qui nous est montré (par elles ! c’est ça le comble) sur nos écrans et dans les discours : je vous renvoie à des œuvres telles que le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui (où la gendarmette et sa voleuse font l’amour ensemble), le roman Deux Dames sérieuses (1943) de Jane Bowles, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, le film « Looking For » (2006) de Michelle Pollino, le film « The Return Of Post Apocalyptic Cowgirls » (2010) de Maria Betty, le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose-Marie, le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le film « Agathe et Lou » (2013) de Noémie Fy, le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec l’écolière agressée par sa camarade sous la douche), etc.

 

Par exemple, dans la nouvelle « Une Langouste pour deux » (1978) de Copi, un parallèle direct est fait entre la scène d’amour lesbien qui unit Marina et Françoise, et la séance de torture entre les deux enfants François et Ludovic : « François lui enfonça le manche de la pelle dans l’anus de Ludovic et se mit à sauter sur lui ; cependant, François serrait très fort la main de Marina. » (p. 83) Dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa raconte ses étreintes torrides avec Tatiana (« enlacées comme deux petits bagarreuses ») qui prennent l’allure d’un rapt : « Elle me bâillonnait la bouche. » Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, on ne compte pas moins de quatre scènes et demi de pur sexe, dont certaines sont tellement interminables et poussées que même les deux actrices se sont en tournage considérées traitées comme des « prostituées » par le réalisateurs.

 

Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, quand Polly, la meilleure amie lesbienne de Simon, lui apprend comment s’est fait sauter dessus par sa « folle » de copine Anna (« J’ai poussé la fenêtre qui donnait sur sa chambre, plongée dans le noir, et dès que j’ai posé le deuxième pied à l’intérieur, elle a surgi de l’ombre et d’un coup, elle a posé sa main sur ma bouche, m’a plaqué face contre le mur. D’une seule main, elle a ouvert mon slim, et elle a glissé des doigts qu’elle avait mouillés préalablement dans sa bouche. Au début, j’avais mal, mais elle a continué en m’insultant. Si je gémissais, elle me mettait des baffes […] elle m’a attaché les poignets, bâillonné la bouche et elle m’a godée à fond, et juste avant que je jouisse une deuxième fois, elle a arrêté. Elle m’a libérée, elle m’a mise à genoux devant elle et elle m’a obligée à la lécher, à la faire jouir. Après, elle m’a laissé en plan, elle a dit ‘maintenant, je suis crevée, on dort’. », pp. 33-34), Simon s’insurge à sa place, en dénonçant la violence de leur coït : « Je trouve ça glauque. Pas l’homosexualité féminine, mais entendre quelqu’un raconter qu’il s’est fait violer et devoir trouver ça normal, ça me saoule. » (p. 34) Mais Polly a l’air de trouver que le viol est normal, car il serait compris dans la fougue passionnelle de la copulation lesbienne : « Je suppose qu’elle pense que le sexe lesbien est forcément violent. » (Mike, le narrateur, idem, p. 47) ; « Dans le sexe, c’est surtout Claude qui parle, qui dit ‘Maintenant je suis un mec, je viens de te voir passer devant moi dans la rue, je te chope dans un coin sombre et je te baise comme la belle salope que tu es…’ Polly aime bien être passive, ça l’arrange que Claude veuille toujours être dominante. » (cf. la description du couple lesbien Polly/Claude dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 74) ; etc.

 

La violence du coït homosexuel ne se situe pas forcément dans une brutalité objective mais plutôt dans la fuite de la Réalité et de la différence des sexes. C’est pourquoi elle se retrouve aussi, et de manière d’autant plus surprenante, dans les coïts fictionnels lesbiens. Au départ, le personnage homosexuel féminin ne mesure pas le danger qui se profile, bien au contraire : « Mathilde me domine de son mètre soixante. La victoire se lit dans ses yeux, une victoire sans défaite, sans bataille, sans adversaire. Voilà ce que le sexe a de fabuleux : rendre loisible à chacun, quelle que soit sa position, de savourer son triomphe hors d’une quelconque rivalité avec l’autre. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 62) Une fois la juste et nécessaire violence/réalité de tout coït humain évacuée, le clone travesti de cette dernière s’infiltre, mais cette fois de manière plus voilée, plus pernicieuse, plus inattendue, plus grégaire : « Dès la porte de sa maison franchie, nous nous étions ruées l’une sur l’autre et avions fait l’amour telles deux furies. Notre voracité avait de quoi surprendre. » (idem, pp. 8-9) ; « Je comprends le sens du verbe baiser. Je vais la prendre, la niquer, la mettre… Pas dans l’immédiat mais c’est exactement ce qui va se passer. Un instant, je suis marrie de ce constat : il choque mes principes ; il s’oppose à l’idée que je me fais de l’amour. Mathilde n’est pas un objet ; je ne peux me résoudre à adopter un comportement et des pensées à l’allure si misogyne. » (idem, p. 21) ; « Je veux qu’elle me prenne, presque qu’elle me fasse mal. » (idem, p. 23) Le viol passe inaperçu car il est scellé par le consentement mutuel entre les deux femmes (sachant qu’en réalité, le consentement n’a jamais été un gage de véritable liberté ni de respect en amour) : « Je me souviens simplement de mes gestes, de l’avoir poussée vers son lit, et, allant droit au but, d’avoir constaté que son désir était aussi violent que le mien. » (Suzanne à propos d’Héloïse, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 306)

 
 

c) Lors de l’accouplement homo, l’un des deux amants tente d’étouffer ou d’étrangler son compagnon :

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock


 

Comme pour illustrer que le problème majeur du couple homosexuel est celui du rejet de la différence des sexes, et donc plus foncièrement celui du manque d’espace de chasteté qui permet une relation d’amour sereine et une assise solide dans le Réel, de nombreux romanciers, dramaturges, et réalisateurs homosexuels mettent en image des scènes d’« amour » homosexuel où les deux protagonistes s’empêchent de respirer, s’étripent, se tenaillent la gorge, se tordent littéralement le cou !

 

Film "Drôle de Félix" d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Film « Drôle de Félix » d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau


 

Je vous renvoie aux meurtres des amants homosexuels par strangulation dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky (avec la scène finale où Mona tente de noyer sa copine Tamsin), le roman Un Anneau d’argent à l’oreille (1982) de Tony Duvert (avec le Professeur Brisset, retrouvé étranglé dans son hôtel particulier de Neuilly), le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (qui s’achève par le crime sur la couche : Henri étrangle Jean puis se met à pleurer sur son cadavre nu), le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner (avec les coup de ciseaux et l’étouffement par oreiller entre amants), le film « L’Étrangleur de Boston » (1968) de Richard Fleischer, le film « Contradictions » (2002) de Cyril Rota, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Rope » (« La Corde », 1948) d’Alfred Hitchcock, le film « Dial M. For Murder » (« Le Crime était presque parfait », 1954) d’Alfred Hitchcock, le film « Casualty » (1999) d’Andy Abrahams Wilson, le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron (quand à la fin Paulo tente d’étouffer son copain avec un oreiller), le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, la pièce Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (où Madame Lucienne a été étranglée d’une seule main), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (où Wilma, le flic travelo, aurait tué son amant par strangulation), les film « New Wave » (2008) et « Notre Paradis » (2010) de Gaël Morel, la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell (dans laquelle Tania, l’héroïne lesbienne, est soupçonnée d’avoir cherché à étrangler Léa au judo), le film « Cost Of Love » (2010) de Carl Medland, le film « L’Étrangleur » (1970) de Paul Vecchiali, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (Lorelei essaie de tuer sa copine Stella par strangulation), le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec Charlène qui finit par étouffer son amante Sarah avec un coussin), le vidéo-clip de la chanson « Ça fait mal et ça fait rien » de Zazie, etc.

 

« Aïe ! Aïe ! Aïe ! Vous m’étranglez ! » (le personnage de Pédé se faisant enculer par le travesti Fifi, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Plus j’aime quelqu’un, plus j’ai envie de le tuer. […] Moi, c’est parce que je t’aime que je veux te tuer. […] Je pourrais t’étrangler. » (Cherry à son amante Ada, dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Adam introduisant son membre urino-reproducteur dans le derrière d’un canard tandis qu’il l’étranglait. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 88) ; « Cinq autres [hommes] s’emparèrent de l’albatros pour lui enfoncer une bouteille de bière dans l’anus tout en l’étranglant. » (idem, p. 139) ; « Tu m’as étranglée. » (Joséphine à sa sœur Fougère, dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Au moment de jouir, j’exulte et je l’égorge. » (le vampire Prétorius, racontant une de ses aventures sexuelles avec un homme, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander)

 

Quand Querelle étouffe son amant arménien dans Querelle de Brest (1947) de Jean Genet, il lui vient à l’esprit que le visage de l’homme étranglé ressemble au sien quand il éjacule. Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, Veronika « viole » (pour ainsi dire, car l’acte ressemble à un cauchemar) Nina, et l’étouffe avec un coussin. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, pendant que Luc et Jean font l’amour sous la douche, le premier essaie de noyer le second. Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, tandis que Dorian embrasse le peintre Basile, il l’étrangle jusqu’à le faire mourir. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Arnold, l’un des héros homosexuels, tente d’étrangler son meilleur ami (lui aussi homo) Georges. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Gatal, le jeune héros homosexuel, a opté pour « la strangulation en comité restreint » afin d’asphyxier et de punir son fiancé de l’avoir trompé avec un autre homme dans un hôtel. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent et Stéphane, les deux ex-amants, s’avouent qu’ils ont maintes fois rêvé de s’assassiner l’un l’autre… et notamment par strangulation : « Mourir par ta main, ça aurait été romanesque. » (Stéphane) Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna étouffe ses amies (Suki et Kanojo) à distance, pendant un combat de magie, en enserrant leur cou. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, est presque étranglé à mort par Dick, l’homme qu’il aime, sur un bateau. Plus tard, à la fin du film, il étouffe son amant Peter avec un coussin (« Tu m’étouffes… »), en se confondant en excuse pendant son forfait : « Pardon… pardon… »

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin et Bryan, les deux amants, se chahutent et se battent. Au départ, Bryan fait semblant d’étrangler son copain, mais le geste devient sérieux, au point que Kévin le supplie d’arrêter : « Qu’est-ce que tu fais ? Arrête ! » (p. 163) Apparemment, la strangulation semble une pratique sexuelle courante du couple, vu qu’un peu plus tard, Bryan propose à nouveau à Kévin de lui « faire sa fête » en le faisant manquer d’air : « Quand tu rentres, d’abord je t’embrasse, parce que tu me manques de trop et que j’en meurs d’envie, ensuite je t’étrangle. » (idem, p. 220)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La violence du coït homosexuel masculin :

La violence dans la pratique homosexuelle et dans les couples de même sexe n’est malheureusement pas qu’un mythe (je vous renvoie à ce lien ainsi qu’à celui-ci.). Depuis toujours dans l’histoire des civilisations humaines, l’accouplement génital homosexuel est associé à un viol. Dans la Bible, par exemple, les actes homosexuels (sodomie, pédérastie, mais aussi sentiments actés) sont clairement définis par saint Paul comme une « abomination ». Le mot est certes fort, mais explicite. Nous pouvons penser par ailleurs aux représentations homosexuelles de David et Goliath marquées par le sadomasochisme, aux tableaux de Caravage (XVIe siècle) représentant le sacrifice d’Isaac par Abraham comme un viol, à Ganymède enlevé par un aigle noir sur ordre de Zeus (dans la mythologie grecque).

 

Film "La Baie sanglante" de Mario Bava

Film « La Baie sanglante » de Mario Bava


 

Plus proches de nous sont les témoignages des personnes homosexuelles elles-mêmes. Loin de contredire ce qu’ont deviné nos ancêtres, elles avouent également vivre un viol au moment de leurs ébats sexuels (avec ou sans pénétration anale, peu importe : l’essentiel n’est pas dans les rôles d’« actif/passif ») : « Pour lui, l’acte sexuel ressemble toujours à un viol. » (Jean-Paul Sartre parlant de Jean Genet, dans la biographie Saint Genet (1952), p. 127) ; « Lorsque je fais l’amour avec lui, je ne fais que reproduire un rite cannibale qui consiste à m’emparer de sa jeunesse […]. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 137) ; « J’ose t’aimer par effraction. » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 75) ; « Je sais bien que T. m’a trahi. […] Je suspends la pierre juste au-dessus de la tête de T., qui dort sur le ventre, et enfin je la lâche, j’entends un fracassement, je suis douché d’un liquide chaud et collant, son sang, ses particules cervicales. […] Je vais me recoucher et j’enlace le corps humide qui m’a trahi, je me serre contre lui, je ne le retourne pas, je me fraye lentement un passage entre ses fesses. » (Hervé Guibert, Le Mausolée des amants (2001), p. 39) ; « Chouaïb était maintenant nu, entièrement nu. […] C’est à ce moment-là que j’ai réalisé ce qui allait physiquement m’arriver, se produire en moi. Exploser en moi. Pour la première fois. J’ai fermé mes fesses. J’ai fermé mes yeux. Avec force. […] Il a alors attrapé ma tête, m’a tiré les cheveux et a dit, autoritaire, vulgaire : ‘ouvre tes fesses, j’ai dit… Ouvre-les ou bien je te viole… Je le jure que je vais te violer, petite Leïla… […] Je m’étais transformé en petit tigre enragé. Il aimait ça. La bagarre. Les défis. Les offensives. Il était de plus en plus excité. Moi aussi. En colère et excité. On se donnait des coups, pour de vrai, pour de faux. Il m’insultait. Zamel. Salope. Petite Leïla. Je le mordais, au bras, aux cuisses. On se poussait. » (Abdellah Taïa décrivant le coït avec son cousin Chouaïb dont il est amoureux, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), pp. 22-23) ; « Je l’ai fait. Je savais ce que je faisais. J’ai fait avec ce garçon ce que je n’ai jamais fait avec toi. Des gestes nouveaux. Des pratiques nouvelles. Du danger. Une grande violence. Le noir autrement qu’avec toi. » (Abdellah Taïa s’adressant à son amant Slimane et lui racontant une infidélité, idem, p. 122) ; « Je flairais un brin d’allégresse, lorsque la sensation de ses doigts pour me pousser à danser contre lui pénétrait sur ma chair, créant une vive douleur. Cependant, je désirais cette souffrance pour reprendre conscience de mon corps, comme emporté loin de moi par la vague de plaisir. […] Ruisselant de sueur, il me mordillait les fesses en cherchant à introduire d’une manière décidée, son majeur dans mon orifice anal. La douleur me pinçait. En dépit du retrait que désirait ma conscience, mon corps finit sa course, prisonnier comme ces vers de terre au bout d’un hameçon. […] À peine fut-il sur moi, que je versais des larmes de désolation. L’instant de sodomie, rigoureusement chargé, vit tout mon être disparaître dans les profondeurs du mal pour ne devenir qu’une empreinte. Les filles pensais-je alors, subissent-elles le même sort ? J’avais terriblement mal et je hurlais que jamais plus je ne résisterais, mais qu’il fallait que cela cesse. Torture terrifiante qui m’incendiait de partout, son sexe sans pitié qui me ravageait par des tamponnements secs et violents. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 66-68) ; « En observant Bruno pénétrer Fabien, la jalousie m’a envahi. Je rêvais de tuer Fabien et mon cousin Stéphane afin d’avoir le corps de Bruno pour moi seul, ses bras puissants, ses jambes aux muscles saillants. Même Bruno, je le rêvais mort pour qu’il ne puisse plus m’échapper, jamais, que son corps m’appartienne pour toujours. » (Eddy Bellegueule simulant des films pornos avec ses cousins dans un hangar, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 154) ; « On s’est quand même furieusement envoyés en l’air. » (Bertrand parlant de ses coïts avec Pierre, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, les coïts filmés lors du concert SM – et qui n’ont pas été du tout scénarisés ni joués par des acteurs (comme l’avoue très simplement le réalisateur lui-même) – sont en réalité de véritables scènes de torture. Dans le documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat, les deux « vieux amants » se torturent l’un l’autre et montrent tout fiers à la caméra leurs instruments de torture sexuelle (raquettes électrisées pour se fouetter le cul, colliers piquants, menottes, etc.). La Fistinière bis ! Je vous renvoie à la violence « conjugale » observée dans les « couples » homos (cf. http://m.slate.fr/story/65941/violence-conjugale-couples-homosexuels)… qui n’ont évidemment le monopole de la brutalité dans les coïts (mais force est de constater que l’éjection de la différence des sexes est un facteur aggravant de violence !).

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Comment expliquer cette violence plus accrue dans le coït homosexuel ? Je crois qu’elle vient de la frustration engendrée par l’ennui, par la fadeur d’une uniformité amoureuse sans relief (narcissique, on peut le dire) et peu tournée vers les altérités fondamentales de l’Humanité, par la stérilité du trop-plein de ressemblances, par le désir sécuritaire et peu nourrissant de se rassurer en se centrant sur soi et sur ses jumeaux sexués.

 

En outre, l’acte génital humain est le lieu de découverte de nos plus belles beautés mais aussi de révélation de nos plus profondes blessures, limites, fragilités. Et comme le désir homosexuel, contrairement à la coupure fondatrice et relationnelle qu’est la différence des sexes (une saine et nécessaire blessure, une faille pouvant être porteuse de vie), est une blessure où la différence et la vie ont du mal à se nicher (même si en intentions il aspirerait à avoir les mêmes vertus que la différence des sexes), une blessure qui a pu provenir d’un viol et qui en tout cas en fait souhaiter un, il fait naître des sentiments paradoxaux et contradictoires au cœur de tout individu qui le ressent. « J’ai demandé au ciel de me dire pourquoi je suis là ? Qui j’étais ? Et quelques jours plus tard, on dit que le hasard n’existe pas, je regardais la télé le soir en zappant les chaînes, je vois un film érotique chouette et je vois un homme de dos, et l’autre personne je la voyais pas et après je me rends compte que ce sont deux homosexuels. Je n’avais jamais vu d’homosexuel en chair et en os et de les voir en plus en plein acte de violence. J’ai eu comme un coup de poignard, une monté de colère, un viol de mon être, une déchirure, je savais ce que c’était des pédés mais le voir physiquement a été comme un choc, comme une balle en pleine tête et à partir de ce moment-là ma vie est devenue un enfer, car je suis quelqu’un de craintif, et le moindre problème qui surgit faut que je tente de le résoudre sinon je peux paniquer très vite et là je me remémore ces images sans cesse. À m’en faire gerber et presser ma tête et ma poitrine continuellement comme dans un étau. Je me suis dit : ‘T’es un homme et eux aussi donc tu peux faire cet acte aussi’ et que je ne pouvais imaginer qu’un homme puisse descendre aussi bas dans l’instinct animal malsain. » (cf. le mail d’un ami, Pierre-Adrien, 30 ans, juin 2014) Et c’est le fait de reconnaître en son amant un désir de viol (jumeau du sien !) qui, bien souvent réveille l’homophobie, la violence, j’en suis de plus en plus convaincu (cf. je vous renvoie au code « Homosexuel homophobe », l’un des plus importants de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Chaque étreinte, chez les pédérastes, peut se terminer par la mort, par le crime purificateur ; un jour ou l’autre, la raison s’éveille – pour un instant – et le plus fort tue le plus faible, après avoir assouvi son désir ; il le tue d’autant plus facilement que la nausée, le dégoût montent toujours à nos lèvres d’êtres sans amour tout de suite après l’acte, comme une marée de remords. » (Jean-Luc, homosexuel, 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 98) C’est la pratique de l’acte homosexuel qui crée conjointement l’homosexualité et l’homophobie, dans un même mouvement : « Tout à coup, il se retrouva sur mon dos. J’essayai de l’en faire tomber. Il me fit une habile clé de bras pour pouvoir s’enfoncer un peu en moi. Je me cabrai de douleur, comme un cheval, nous éjectant tous deux du lit. Nous roulâmes le long du sol, en nous frappant. Puis, épuisés, nous nous séparâmes. Il jura ; s’habilla ; partit. C’était la première et dernière fois que je me faisais presque enculer. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 146)

 
 

b) Pas plus doux entre femmes, faut pas croire ! :

Film "Kaboom" de Gregg Araki

Film « Kaboom » de Gregg Araki


 

Certaines femmes lesbiennes se targuent d’être « plus douces », « plus sentimentales », et « moins brutales » dans leur coït que les hommes (« hétéros » comme gays). Je nuancerai beaucoup le tableau ! Leur lecture angéliste, sexiste, et misandre, de la sexualité lesbienne (mais pas si farfelue à bien des égards : c’est vrai que les hommes ont, en général, une sexualité plus compulsives que les femmes) rentre très souvent en porte-à-faux avec ce qu’elles font dans le secret de l’alcôve : je vous renvoie aux clubs de sadomasochisme lesbien (à Paris, il existe même une association spéciale pour ça : les Maudites Femelles), et au phénomène accru – et si mal connu – de la violence conjugale entre femmes lesbiennes. De toute façon, il suffit d’écouter et de prêter l’oreille quand nos chères, douces, tendres, et poétiques amies lesbiennes parlent de « sexe entre filles » pour comprendre toute la part de violence, de « déchargement » pulsionnel (et de vengeance d’elles-mêmes, après tout) qui se vit dans leurs coïts.

 

Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, on assiste à au moins 4 scènes de pur cul, d’une indécence et d’une brutalité qui tentent de se faire passer in extremis pour « non-pornographiques » et « aimantes ». Mais en coulisses, les deux actrices (qui jouaient le rôle d’Adèle et d’Emma) ont avoué qu’elles avaient été traitées comme des « prostituées » par le réalisateur qui les a poussées à bout, notamment pour prouver coûte que coûte que deux femmes peuvent jouir au lit sans la présence d’un homme ou d’un pénis. À l’écran, on les voit d’ailleurs pousser des hurlements orgasmiques qui ne semblent ni beaux ni libres (par moment, le spectateur se sent mal à l’aise de les voir se mordre ou se donner des fessées, à l’apogée de leur « orgasme »…).

 
 

c) Lors de l’accouplement homo, l’un des deux amants tente d’étouffer ou d’étrangler son compagnon :

Comme pour illustrer que le problème majeur du couple homosexuel est celui du rejet de la différence des sexes, et donc plus foncièrement celui du manque d’espace de chasteté qui permet une relation d’amour sereine et une assise solide dans le Réel, on découvre qu’un certain nombre de personnes homosexuelles s’entretuent par étouffement et strangulation : cf. le Masque-empreinte de Jean Cocteau avec une main lui enserrant le cou (1930) exposé à la Cinémathèque de Bercy à Paris. Ne me regardez pas avec des yeux ronds : c’est véridique. « La strangulation est un mode d’assassinat qui a été souvent employé sur des pédérastes. » (Daniel Borillo et Dominique Colas, L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), pp. 272-284)

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

La liste de faits divers dans lequel sexe/homosexualité non-assumée/strangulation sont liés est longue et très incomplète, mais déjà, elle peut nous donner une idée de l’ampleur du phénomène. Par exemple, en Allemagne, le serial killer Fritz Haarmann a défrayé la chronique car il a tué au minimum 24 hommes de tous âges entre 1918 et 1924, en les étouffant et en les découpant ensuite : « Au moment de l’étreinte sexuelle, Haarmann, à la façon de ces passionnées qui mordent leur amant à l’épaule, étouffait dans ses mâchoires, en les serrant à la gorge, les adolescents qu’il tenait sans défense et immobilisé sous le poids de son corps. » (cf. un extrait des rapports de police sur les crimes du « boucher de Hanovre », cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 224) Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on voit Pierre Bergé essayer d’étrangler Jacques de Bachère, l’amant occasionnel de Yves Saint-Laurent. En 1983, le tueur en série homosexuel Dennis Nilsen, surnommé « l’Étrangleur à la cravate » tue ses victimes masculines (15 en tout) par strangulation. Le 11 décembre 1986, l’écrivain français Alain Pacadis, qui avait tenté de se suicider en 1982, meurt étranglé par son compagnon, âgé de 20 ans, qui voulait, dira-t-il à la police, le « délivrer de son désespoir ». Aux États-Unis, Jeffrey Dahmer (« le monstre de Milvaukee »), cannibale et nécrophile, homosexuel de surcroît, a tué entre 1978 et 1991 dix-sept jeunes hommes : il veut à chaque fois faire l’amour avec des hommes inanimés et morts, qu’ils aimaient asphyxier. Le 23 décembre 2002, dans les Hauts de Seine, Philippe Digard (26 ans) étouffe et tue Ilia, un jeune prostitué homosexuel. En 2001 à Houston aux États-Unis, Richard Masterson a tué par strangulation le travesti Darin Honeycut : selon lui, Darin lui avait demandé de lui serrer le cou pour lui causer une asphyxie érotique, une pratique consistant à priver d’oxygène le cerveau d’un partenaire pour décupler son orgasme. En septembre 2003, à Lausanne, le jeune Russe Salomon (34 ans) étrangle son amant de 63 ans au terme d’une soirée arrosée (le prévenu prétend avoir réagi de manière violente et impulsive, sous le coup d’un dégoût irrépressible qu’il fait remonter à une tentative de viol subie de la part d’un homme, lorsqu’il avait 10 ans). Le soir du 2 novembre 2008, à Saint-Aygulf, le Tunisien Ramzi Berrejeb (28 ans) étrangle un retraité avec qui il a eu une relation homosexuelle non-assumée. Le 15 février 2010, le prince saoudien homosexuel Saud Bin Abdulariz Bin Nasir al Saud (34 ans) a été reconnu coupable du meurtre du serviteur (32 ans) qui partageait sa chambre, et son lit, dans un luxueux hôtel londonien (ce dernier a été retrouvé étranglé, le corps couvert de bleus et de morsures au visage). En juillet 2012, Maurice Mjomba (29 ans et homo), un activiste engagé pour les droits des LGBT de Tanzanie, est retrouvé mort étranglé chez lui. En juin 2011, le Nîmois Laurent Julien, âgé de 30 ans, a été mortellement étranglé, juste après la feria. Le crime « homophobe » n’était en réalité qu’une séance « amoureuse » homosexuelle qui avait mal tournée… Au Texas (États-Unis), le 17 juillet 2015, Bryan Michael Canchola (20 ans) a tué son amant Stephen Sylvester (18 ans) en l’étranglant. What else ?

 
 

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Code n°35 – Collectionneur homo (sous-codes : Matérialiste / Consommateur gay)

collectionneur

Collectionneur homo

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Collection de lunettes de soleil d'Elton John

Collection de lunettes de soleil d’Elton John


 

Le désir homosexuel – tout comme le désir hétérosexuel – semble tendre fortement vers le matérialisme, l’« être objet » ou le « devenir icône vivante ». Ce n’est pas un hasard si le Pop Art, art machinique par définition, soit venu par les artistes homosexuels. Les responsables marketing l’ont bien compris. Les personnes homosexuelles sont en général les cibles privilégiées du libéralisme économique (cf. l’émission Zone interdite de Pascal Lebovici et d’Édouard Duchâtenet sur le marketing gay, sur la chaîne M6, 1998) : en règle générale, elles ont un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne, dépensent plus pour leurs loisirs, voyagent davantage, sont des prescripteurs de mode. Beaucoup d’entre elles aiment le monde de la publicité et se sentent à leur aise dans les temples occidentaux que sont les supermarchés. Rares sont celles qui ne s’attachent pas à leurs petites affaires. C’est leur côté « soigneux » qui plaît à leurs stars (cf. la chanteuse Samantha Fox interviewée dans le documentaire « Sex’N’Pop, Part IV » (2004) de Christian Bettges) : elles sont souvent les fans idéaux, les collectionneurs par excellence, les antiquaires et conservateurs méticuleux, les maîtres de l’amour à revendre ou de la radinerie, les bonnes poires de la société de consommation élitiste, les constructeurs de maisons design inhabitables. On les connaît pour leur matérialisme, ou une autre version du matérialisme : l’anti-matérialisme affiché. Celui-ci se base sur un rejet précieux des impératifs de la mode, sur un pseudo « vœu de pauvreté ». Se cachent très souvent derrière les personnes bourgeoises-bohème d’aussi grands matérialistes que lesdits « bourgeois » ou les teen-agers à l’affût des derniers gadgets de la culture de masse, car ils désirent vivre eux aussi dans l’image. Voire vivre l’image, celle-ci devenant leur réalité.

 

La tendance à la collectionnite aiguë chez les personnes homosexuelles ne leur fera sans doute pas plaisir… car c’est se faire à soi-même l’aveu d’un esclavage et d’une immaturité. Le goût du kitsch ou du camp ne serviront pourtant pas longtemps d’écran de fumée à cette observation ! Nous allons voir dans ce chapitre quels sont les liens entre homosexualité et fétichisme, homosexualité et désir d’être objet, homosexualité et surconsommation sexuelle, homosexualité et idolâtrie, homosexualité et psychopathie monomaniaque et puérile. En effet, qui collectionne si ce ne sont les enfants ou les « vieux gars » qui ont peur de manquer, de perdre, d’abandonner ou de mourir ? Même s’il ne s’agit pas d’en faire une généralité, la collection dit un non-usage de ce qu’on aime, un conservatisme mortifère, une fermeture à la vie, une mise sous verre, un refus de grandir, une rigidité et un matérialisme poussiéreux. L’« effet musée » tant dénoncé à juste titre part le romancier Alejo Carpentier !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Promotion ‘canapédé’ », « Poupées », « Ville », « Pygmalion », « Animaux empaillés », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Fan de feuilletons », « Télévore et Cinévore », « Peinture », « Haine de la beauté », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Musique comme instrument de torture », « Voleurs », « Bobo », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Homosexuels psychorigides », à la partie « Antiquaires » du code « Fresques historiques » et à la partie « Enfant dans la galerie des ancêtres » du code « Ombre », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Roman Le Collectionneur de Chrystine Brouillet

Roman Le Collectionneur de Chrystine Brouillet


 

Bien souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel est conservateur et collectionneur : cf. le film « The Collector » (2009) de Ryan Kipp, le dessin animé Les Simpsons (avec Waylon Smithers, homo et collectionneur), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec les collections de Sébastien, le cousin homo), le roman Le Collectionneur (1995) de Chrystine Brouillet, l’album Bijoux et Babioles de la chanteuse Juliette, le film « Made In America » (1992) de Richard Benjamin, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann (avec le personnage de Vincent), la pièce Les Indélébiles (2008) d’Igor Koumpan et Jeff Sirerol (avec le héros homosexuel fan de gadgets), le film « The Collection » (1978) de Michael Apted, le film « Violence et Passion » (1974) de Luchino Visconti, le film « Le Glaive et la Balance » (1962) d’André Cayatte (avec le personnage de Jean Ozenne), le film « La Maison de campagne » (1969) de Jean Girault (avec le personnage de Jacques Maury), le film « La Souris » (1997) de Gore Verbinski, le film « Misteria » (1993) de Lamberto Bava, le film « Augustin » (1994) d’Anne Fontaine, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli (avec Théron et ses collections d’oiseaux), le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart (avec Arnold, le collectionneur de lapins), le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (avec les collections de papillons sous verre), la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi (avec Louis du Corbeau, un richissime collectionneur d’art), le film « Die Jungfrauen Maschine » (« Virgin Machine », 1988) de Monique Treut (avec Susie et sa collection de godemichés), le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens (avec la collection de canards de la mère de Jeanfi, le steward homo), le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville (avec Alex, l’héroïne lesbienne, et sa collection de baskets), le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec Lili le Petit Chat), la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (avec Solitaire voulant faire collection de momies et l’exposer dans sa galerie), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec le collectionneur de poupées), la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier (avec la Comtesse Conule de la Tronchade nous faisant visiter sa collection de bites dans son Musée des Bites), le film « Cancer mon amour » (2007) de François Zabaleta (traitant des collectionneurs d’art contemporain), la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes (avec Frank, le héros homo, et sa collection de photos érotiques), le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson (avec Zize, travesti M to F, et sa meilleure amie Annonciade, travestie aussi, avec leurs collections de bijoux, de beaux manteaux de vison, de quincailleries, de pierres précieuses, de lunettes), le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz (avec Roger, le héros homosexuel très sympa et très frivole, habillé à la dernière mode : vêtements Gucci, Dolce & Gabanna, Versace, etc.), le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (le père d’Horacio Silberman est le directeur du Musée des Beaux-Arts de Buenos Aires), le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec Mr Mosk, le conservateur du musée), le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet (avec Ruth, une des héroïnes lesbiennes, qui possède une grande collection de chapeaux), etc.

 

 

« Monsieur est collectionneur ! » (Mimil à son colocataire et futur amant homosexuel Jeff, dans la pièce Les Babas Cadres (2008) de Christian Dob) ; « J’suis un vrai collector dans ce domaine. » (Jarry en évoquant ses anecdotes de vie, dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Vous n’avez pas de chance. Je conserve tout. » (Pierrette l’héroïne lesbienne du film « Huit femmes » (2002) de François Ozon) ; « Je passai les premiers jours à redisposer les meubles de mon appartement […], avec cette joie enfantine qui vous prend dès que vous vous trouvez devant de beaux et rares objets ressemblant à d’antiques jouets. Car tout ici était d’époque : chaises, fauteuils, canapés, buffets, armoires, la bibliothèque du salon… […] Entendre ces objets vivants, aux matières si nobles, bruire et crisser, m’emplissait de ravissement. » (le narrateur homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, pp. 15-16) ; « Je ne voulais pas me l’avouer, mais, tandis que mon regard se portait négligemment à travers la vitrine d’un magasin, sur un service de porcelaine, je commençais à entrevoir, à l’horizon, l’esquisse du bonheur. » (idem, p. 140) ; « Maria-José [le héros transsexuel M to F] était la seule héritière de Louis du Corbeau, propriétaire de la plus complète collection au monde d’art précolombien, sans compter les Rubens et les Géricaults qui tapissaient son château du Berry. Elle se demanda ce qu’elle allait faire de sa fortune. » (cf. la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 33) ; « Les objets comme des collections de sable, témoins de nos escales dans le monde amoureux. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Harold fait une collection de barbituriques qu’il prépare pour anticiper le long hiver qu’est la mort. » (Michael se moquant de son colocataire homo, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Tu le connais, le coup de la collection… » (Jerry travesti en Daphnée s’adressant à Joe travesti en Joséphine, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder) ; « Je collectionne des trucs. Toutes ces choses qui ont appartenues à quelqu’un qui les avait perdues ou jetées. » (Nicholas, le héros homosexuel, présentant son cabanon-musée à son amant Phil, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Damien, le héros homosexuel, possède une collection de 75 paires de chaussures qu’il ne met jamais. Dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura, l’héroïne lesbienne, exerce le métier de conservatrice de musée. Dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier collectionne les serviettes de bain. Dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, Jeanjean fait la collection des « mies de pain peint ». Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un des personnages du quatuor homosexuel, qui a des collections de vaisselle, de tapis, passe aux aveux : « Je possède beaucoup. » Dans le roman Du côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust, il est dit de Swann qu’« il entassait ses collections » (p. 24). Dans la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, France la bourgeoise lesbienne collectionne des « Prousteries » Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Georges, le héros homo, possède dans son appartement des statuettes, des tableaux de maîtres. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien, le héros bisexuel, collectionne autant les tableaux de peinture que les conquêtes : « Je collectionne aussi les nanas. » Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, se rend dans « son club de collectionneurs de pipes » avec son ami Carter.

 

Cette « collectionnite » homosexuelle peut s’expliquer par une éducation (incestuelle/incestueuse) ou une enfance tournée vers les collections, l’opulence et le matériel. « Ma sœur me reproche d’être trop gâtée. Mais elle n’arrête pas de m’offrir des cadeaux. » (Kanojo, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) Par exemple, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, la mère d’Hubert, le héros homosexuel, collectionne des papillons. « J’ai tout. Tu me demandes n’importe quoi. Je l’ai ! […] Alors c’était ça, la vie ? Des cadeaux à ras bord ? » (Didier Bénureau dans son one-man-show Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « J’essayais de ne pas exagérer dans mes dépenses, mais mes goûts pour tout ce qui est culturel – le cinéma, les livres, le théâtre, les disques – finissaient par coûter cher à ma mère qui tenait les cordons de la bourse comme une grande ourse veille sur ses petits. » (le narrateur homosexuel parlant de sa mère qui ne sait plus où entreposer les collections de son fils, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 28) ; etc.

 

Film "Fashion Victims" d'Ingo Rasper

Film « Fashion Victims » d’Ingo Rasper


 

Les héros homosexuels sont présentés comme des individus matérialistes, peu détachés du matériel et de l’image : « Vous serez les témoins du profond attachement que j’ai professé de mon vivant aux objets quotidiens ! » (« L. », le héros travesti M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Tu aimais les jouets et autres gadgets. » (Cécile parlant à son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 48) ; « J’suis un agent de consommation. Quand j’ai l’argent, je consomme à fond. Je m’endette, je m’achète tout ce qui me passe par la tête. Je me jette comme une bête sur le dernier gadget. Je vis mon p’tit train-train de citoyen moyen. » (cf. la chanson « L’Enfant de la pollution » de Ziggy, le héros homosexuel de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je prends mon petit vanity de… 23 kg. » (le narrateur homosexuel racontant son voyage vers New York, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Mes adieux au pavillon furent difficiles. J’ai un grand sens de la propriété et j’avais l’impression que tout, le lit, la télé, la salle de bains, avait fini par m’appartenir. » (Jean-Marc, le narrateur homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 307) ; « Tu t’démerdes plutôt bien, le glam, le décor, le goût de l’image et du confort. » (cf. la chanson « La Vie continuera » d’Étienne Daho) ; « Nos p’tites sorties, nos p’tits restos, j’en ai marre ! » (Manu s’adressant à son amant Philippe dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq) ; « Elle doit me prendre pour un antiquaire, elle me dit que les seules folles qu’elle a comme clientes sont plus ou moins brocanteuses Porte-Clignancourt. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 87) ; « Je me replongeai satisfait et crâneur dans le flot majestueux des gais consommateurs. » (le narrateur homosexuel décrivant un magasin assailli par une clientèle gay, dans la nouvelle « Kleptophile » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 79) ; « Ils [les homos] font des tas d’emplettes aux Galeries Lafayette. » (cf. une réplique de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; etc. Par exemple, dans la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, Claude dit de sa compagne Margot qu’« elle n’a jamais pu se priver du superflu ». Dans le film « The Adventures Of Iron Pussy » (2003) d’Apichatpong Weerasethakul, le protagoniste homo fonde sa vie sur les vêtements. Dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque, les « Maraisiennes » sont présentées comme d’insupportables consommateurs de sacs, de magasins, de Smart-phone. Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, François et son copain Claude vont toujours faire du shopping (ce qui rase passablement le second…). Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, « les homos font des tas d’emplettes aux Galeries Lafayette ». Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, les trois potes gays Nicolas, Rudolf et Gabriel ont vraiment du mal à quitter leurs petites habitudes de citadins parisiens, et ont du mal à s’adapter à leur nouveau train de vie montagnard en Autriche. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le jeune héros homo de 30 ans, est présenté comme un gars inculte, oisif, peu travailleur (il est d’ailleurs au chômage), ne lisant pas (alors qu’il sort pourtant avec un célèbre romancier, pour la gloire et le matériel). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Franck reproche à son beau-frère Nicolas (secrètement homosexuel) d’être « surtout occupé à dépenser son fric ». Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel s’ennuie à la campagne, sans portable et sans réseau sur son téléphone. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca est un amoureux des fringues et des objets. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François, l’un des héros homos, est hyper dépensier… surtout avec la carte bleue de son copain, Thomas.

 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

On retrouve le collectionneur fétichiste homosexuel vivant dans un intérieur design très fourni (ou carrément épuré façon « déco acajou asiat’ ») dans les films « Urbania » (2004) de Jon Shear, « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, « Le Bon Coup » (2005) d’Arnault Labaronne, « Madame Édouard » (2004) de Nadine Monfils, le film « The Bridge » (2005) de George Barbakadze (où ça transpire l’ennui dans l’appartement de Niko et Luka), la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H. (où le couple homo Matthieu/Jonathan, vivant dans un très bel appartement, va finir par s’y enterrer vivant), le film « Rue des roses » (2012) de Patrick Fabre (Medhi et son amant Axel vivant dans un superbe Loft bobo), le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley (avec le copain homo black possédant un super appart’), la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder (avec l’appartement-musée de Léopold), le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec la belle maison bobo de Richard et Kai, décorée aux bons soins de Kai), etc. « Cet appartement semble sortir d’un magazine de décoration. L’endroit lui évoquait une galerie d’art moderne, vaste et impersonnel. » (Jane parlant de l’appart qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 21)

 

Parfois, l’attachement homosexuel aux objets se décline hypocritement et chroniquement en mise en scène « bobo » de rejet du matérialisme, en destruction iconoclaste (trop violente pour traduire une libération du matériel) : « Simon raconte avec pudeur que le matin même, il est allé dans l’appartement de Gilberto détruire chacune de ses affaires. Il a déchiré les chemises de Gilberto, consciencieusement, les unes après les autres, il a brisé le joli cendrier chiné ensemble contre la table du salon (Gilberto ne fume pas). Il a aussi déchiqueté les billets d’avion des vacances qu’ils avaient passés ensemble en Hollande, et tout un tas de papiers officiels. Simon dit ‘J’ai déchiqueté ces billets parce que c’est une manière de lui dire qu’il ne peut rien garder, même pas le souvenir heureux de ce voyage.’ Il a jeté par terre dans la salle de bain toutes les affaires de toilettes de Gilberto qui se sont cassées, parfum, rasoir, eau de toilette, etc., et sur le bureau, il a shooté son Mac, allant jusqu’à enfoncer complètement son pied dans l’écran. Il a écrasé des clopes sur le tapis en prenant soin de bien le cramer. Il a fermé les rideaux, parce que le soleil qui éclaboussait l’appartement le minait. Il est allé chercher un rasoir, et il a lacéré les rideaux. Il a fait le tour de l’appartement, et a trouvé à tout ce bazar quelque chose de touchant. Comme si sa rupture était enfin matérialisée par tous les morceaux éclatés de la vie de Gilberto, la leur depuis quelques mois. Il est allé chercher sa caméra chez lui. De retour dans l’appartement de Gilberto, il a filmé en laissant la caméra caresser ce champ de bataille de sa colère, en racontant (voix off) tout ce qu’il avait brisé. Il a terminé en filmant la boîte aux lettres dans laquelle il a laissé sa clef et y a donné un énorme coup de poing qui l’a complètement déformé. ‘Voilà. J’ai monté le film toute la journée, je l’ai appelé a-mor(t). Et c’est tout.’ » (Simon, par vengeance, détruit l’appartement de son « ex » Gilberto, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 109-110) ; « Les survivantes [les folles] en peignoir bleu ciel et capeline sanglotent sur le trottoir pour leurs affaires perdues. » (la voix narrative racontant l’incendie-attentat dans une boîte gay parisienne, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 133) ; « Il serait pas un petit peu gay, ton mec ? ll a un chat, il kiffe les vieilles, il aime bien le shopping. » (Sonia s’adressant à sa pote Joëlle par rapport à Philippe le mari de celle-ci, dans le film « L’Embarras du choix » (2016) d’Éric Lavaine) ; etc.

 

Le plus pathétique dans la vie cloisonnée et « plan-plan » des personnages homosexuels collectionneurs, c’est qu’ils n’emmagasinent pas que les objets. Ils entassent aussi les êtres humains, les amants. Dans leur tableau de chasse s’étalent des collections de partenaires sexuels. « Je me suis tapé quelques-uns des types les plus canons de la planète. Je t’ajouterais bien à ma collection. » (Rick, l’un des personnages homos, s’adressant à Sébastien, dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, p. 119) ; « Il y a de nombreuses choses qu’un homme peut se permettre de collectionner : des porcelaines et des verres anciens, des tableaux, des montres, des bibelots, des éditions rares, des tapisseries, des bijoux précieux. M. Pujol se moquait de telles choses, elles manquaient de vie : M. Pujol collectionnait des invertis. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), 1932, p. 499) ; etc. Par exemple, dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, le protagoniste homo rêve d’un vieillard qui le fixe du regard comme s’il faisait partie d’une collection d’animaux empaillés : « La nuit, je m’imaginais hypnotisé, épinglé dans ses collections, entre un papillon et une mygale. » (p. 14) Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, l’oncle homosexuel du jeune Marcel, lui aussi homo, collectionne les ruptures amoureuses.

 

La collection peut être une manière de soudoyer et de violer l’autre. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent envahit son amant Jacques de cadeaux. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le monde où la différence des sexes a été totalement rejetée se trouve être un espace totalement mécanisé, où les personnages homos sont des robots qui se clonent entre eux et ne vivent que pour leur travail, leur image, leur production, le matériel : par exemple, le Père 2 de Gatal, le héros homosexuel, est fan de voitures ; lui et son mari habite une belle maison bourgeoise où tout est blanc et millimétré.

 

Un certain nombre de héros homosexuels vivent leur libertinage (et s’en excusent) par une schizophrénie paranoïaques qui consiste à prendre les objets pour des êtres vivants, à faire parler les objets et à s’y identifier. Par exemple, dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011), Raphaël Beaumont fait parler un gode, se met dans la « peau » d’une vitre, etc. Dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, ce sont des chiottes qui racontent l’histoire… ou plutôt les histoires de cul homosexuelles ou leurs fantasmes homo-érotiques qu’elles voient défiler chez elles. « Je mélange parfois les toiles de l’appartement. Il y a des visages, des Jocondes, des objets mystérieux qui me regardent. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Jean, le téléphone est toujours mort ? » (cf. une réplique de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Il était avant tout un nain, creusant des galeries obscures dans les mines de la littérature, à la recherche d’un filon scintillant. Il était un conservateur de rêves. Oui, le dernier archiviste d’histoires futiles. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 171) ; « Smokrev ! C’est un collectionneur. » (Haftmann à propos du Comte Smokrev, idem, p. 292) ; « Smokrev revint fréquemment dans la boutique. Il achetait toujours quelque chose : un jour une collection de gravures sur l’architecture viennoise, le lendemain, une biographie des compositeurs d’opéras italiens, etc. » (idem, p. 299) ; « Goudron organisait tant de salons et de soirées fréquentées par des centaines de personnes ridicules de toutes sortes. Il les collectionnait, vous savez. Et il y avait nom pour chacune. » (le pervers Comte Smokrev s’adressant à Pawel Tarnowski, au sujet de son mécène homosexuel Goudron, idem, p. 308) ; etc. Je vous renvoie à l’article « Prenez garde aux objets domestiques » de Claude Cahun, spécial « L’Objet », publié dans la revue Cahiers d’art le février 1936.

 

Photographie Autoportrait (1932) de Claude Cahun

Photographie Autoportrait (1932) de Claude Cahun


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Jean-Claude Dreyfus

Jean-Claude Dreyfus et ses cochons


 

Aujourd’hui, les personnes homosexuelles ont la réputation d’être des antiquaires, des collectionneurs (d’art). Même s’il y a de nombreuses exceptions à cette tendance, il n’y a pas de cliché sans feu : Gertrude Stein, Philippe Jullian, Oscar Wilde, Elton John (avec ses milliers de paires de lunettes et ses centaines de paires de chaussures), Jean Boullet, Jean-Claude Dreyfus (avec ses cochons), Gustave Caillebotte, Henri III, James Dean, Jean Cocteau, Johann Joachim Winckelmann, Pierre Loti, Marcel Proust, Andy Warhol, Yves Saint-Laurent, Jean-Claude Dreyfus, furent et sont de grands collectionneurs.

 

Par exemple, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent maintiennent une relation affective avec leurs collections et objets : « Je crois en rien. Alors raison de plus pour croire aux choses, à ses objets inanimés. » (Pierre Bergé) Ils compensent par le matériel leur manque d’amour. Tout leur univers est centré sur le fric, les objets et la possession, à tel point que Pierre Bergé avoue que si, de son vivant, Yves Saint-Laurent avait dû connaître la vente aux enchères de leur collection, « il aurait été saisi de vertiges ». Pauvre chaton…

 

Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent

Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent


 

« Leur imagination est charmée à la vue de beaux jeunes gens, à la vue de statues ou de peintures dont ils aiment à entourer leur chambre. » (J. L. Casper, parlant « des homos », dans son Traité pratique de Médecine légale, 1852) ; « J’étais en adoration devant un animateur d’Europe1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « Une collection d’art, c’est un moment de la vie. Nos objets, nous les avons choisis, aimés à deux. » (Pierre Bergé parlant de sa vie commune avec Yves saint-Laurent, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert ; « Je suis un collectionneur d’œuvres d’art et il est un artiste. Je lui ai écrit et ensuite, nous avons parlé pendant six mois sans que j’entende sa voix. Nous parlions d’art, rien de sexy, rien de ça je le jure ! Un jour, je suis allé à Londres et je l’ai rencontré, fin de la partie. Nous sommes ensemble depuis plus d’un an maintenant. » (le chanteur Ricky Martin parlant de son amant Jwan Yosef, artiste londonien d’origine syrienne, mars 2017) ; « J’étais à un poil près de devenir homosexuel. Des hommes me poursuivaient et me proposaient de venir avec eux voir leurs timbres. » (Werner Loertscher, cité dans l’essai Dieu est amour (2019) de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Éd. Flammarion, Paris, p. 94) ; etc.

 

Par exemple, dans le documentaire « L’Atelier d’écriture de Renaud Camus » (1997) de Pascal Bouhénic, l’écrivain français Renaud Camus avoue trouver une « grande jouissance à la classification ». Dans sa pièce autobiographie Ébauche d’un portrait (1992), le dramaturge Jean-Luc Lagarce raconte sa liaison avec un antiquaire collectionneur. Dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, il est question des collections de papillons et de photos d’hommes musclés appartenant à Ernestito. Par ailleurs, l’essai La Petite Collection : Écrits sur l’homosexualité (2004) de Jeremy Bentham porte plutôt bien son nom !

 

Pour ma part, quand j’étais petit, j’étais aussi très collectionneurs. Je démarrais des collections que je ne terminais jamais : les B.D., les porte-clés, les épices, les marionnettes, les films de Disney, les jeux de 7 Familles, etc. Plus tard, dans ma vie d’adulte, à force d’être invité dans des demeures appartenant à des amis homosexuels, j’ai parfois pu voir combien la vie de certains était sclérosée par le matériel, par les collections d’objets insolites ou rares (collection d’armes, de peluches, de DVD, de fringues, de livres…). Une vie réglée comme du papier à musique.

 

Cette « collectionnite » homosexuelle peut s’expliquer par une éducation ou une enfance tournée vers les collections et le matériel : ce fut le cas de Louis II de Bavière, de François Reichenbach (élevé dans une riche famille de collectionneurs de tableaux), de Yukio Mishima, etc.

 

COLLECTION vrai Mylène

Produits dérivés de Mylène Farmer


 

Certains sujets homosexuels aiment posséder en séries. Les chanteuses icônes gays (Lady Gaga, Mylène Farmer, Madonna, etc.) ne s’y sont pas trompées. Elles ont su exploiter leur fétichisme et leur tendance à collectionner en leur proposant toute leur camelote. En France par exemple, Mylène Farmer est l’une des artistes françaises dont la gamme de produits dérivés est la plus étendue. On ne compte plus les remix des vieux « tubes » et les éditions collector (vendus et échangés à prix d’or sur Internet) que l’artiste propose à ses groupies homos. La « chanteuse-machine-à-sous » Björk fait de même. Les artistes vénérés par la communauté gay sont d’ailleurs connus autant pour leur personne que pour leurs accessoires collectionnés (exemple : la petite culotte ou le soutien-gorge de Madonna, la « Robe du Scandale » de Marilyn Monroe, l’araignée métallique du concert de Mylène Farmer, etc.).

 

Les personnes homosexuelles sont présentées ou se présentent parfois d’elles-mêmes comme des individus matérialistes, peu détachés du matériel et de l’image : « Oh la la, j’ai envie de tout acheter ! » (Laura, homme M to F, parti en shopping à Londres, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; « Je suis assez matérialiste, à tous points de vue. J’aime la beauté, un peu comme si je goûtais l’essence des choses. » (Jean-Philippe, homosexuel interrogé dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 88) ; « C’est un de mes travers, je ne sais pas le quitter. […] C’est pour cela que je traîne avec moi tant de petites affaires qui n’ont plus aucun sens. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 161) ; « Je suis un obsédé des fringues de designer. » (le chanteur Sam Sparro dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 62) ; « J’aime les fringues, j’aime sortir du lot. Pas question de m’habiller dans des magasins bon marché et de passer inaperçu dans la foule compacte. Tout petit, maman m’achetait déjà des vêtements haut de gamme, de marque, et c’est une faiblesse qui ne m’a jamais quitté. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 67) ; « La communauté gay a souvent, dans la société contemporaine, un cran d’avance sur le reste de la population. Comme le disent crûment les spécialistes de marketing, les gays sont les meilleurs prescripteurs ; ils devancent les attentes du marché puis les modèlent. Dans la mode, la musique, la publicité, les goûts, les valeurs consuméristes, ils tiennent le haut du pavé. […] Le Marais se veut le lieu le plus branché de France. » (Alain Minc, Épîtres à nos nouveaux maîtres (2002), pp. 72-73) ; « J’ai toujours eu une relation particulière avec les supermarchés, qui sont pour moi comme des cavernes d’Ali Baba. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 216) ; « Tous les métiers en ‘eur’ s’adaptent à la vie gay : vendeur, concepteur, décorateur, designer, etc. Les carrières gays sont étonnamment tournées vers les services et le commerce. » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 111) ; « Vous avez un sacré pouvoir d’achat, vous, les couples gays ! Ça part dans les relais-châteaux… » (Dominique de Souza Pinto, à la conférence « Le Lobby gay… Un bruit de couloir » à l’Amphithéâtre Érignac à Sciences Po Paris, le mardi 22 février 2011) ; « En accordant dorénavant beaucoup de temps à mon entourage professionnel notamment féminin, je m’intronisais aussi plus que jamais en femme, au point que les conversations que je tenais ressemblaient aux leurs. En effet, lorsque j’arrivais le matin, c’était pour parler de vêtements ou de cuisine ; de même que pendant les heures de déjeuner, je traînais les magasins avec ce même entourage à la recherche de petits bibelots de décoration. Ma condition était l’archétype voulu d’une vie de femme, mes propos et mes réactions, ceux d’une fille vivant seule. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 130) ; etc.

 

Les habitations de beaucoup de personnes homosexuelles ressemblent davantage à des musées qu’à des maisons fonctionnelles. Dans le style « maison-gadget » inhabitable, surchargée ou au contraire trop épurée, on trouve par exemple la Villa Sospir de Jean Cocteau, la maison de Salvador Dalí, le palais de Pierre Loti, les châteaux disneylandiens de Louis II de Bavière, la Tour de Chia de Pier Paolo Pasolini, la maison d’Antonio de Hoyos, etc.

 

Parfois, l’attachement homosexuel aux objets se décline hypocritement et chroniquement en mise en scène « bobo » de rejet du matérialisme : « Je suis très peu attaché aux objets. » (André Gide dans le documentaire « Avec André Gide » (1952) de Marc Allégret) ; « Dieu sait si nous autres, les invertis, nous sommes prudents en matière d’argent, quoi qu’en dise la légende ! » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, interrogé dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 87) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check, Rilene, femme homosexuelle, raconte qu’elle est restée 25 années avec sa compagne Margo, et que tout leur quotidien était fondé sur le matériel : les vêtements, les voyages, les maisons : « L’argent était devenu quelque chose de très important pour moi. Le matériel était ce qui me maintenait dans la relation. » Paul, un autre témoin homosexuel du documentaire, était dans le même « trip bobo » avec son compagnon Jeff, avec qui il a vécu 24 ans dans diverses résidences à la campagne aux États-Unis.

 

Le plus pathétique dans la vie cloisonnée et « plan-plan » d’un certain nombre de personnes homosexuels collectionneuses, c’est qu’elles n’emmagasinent pas que les objets. Elles entassent aussi les êtres humains, les amant(-e)s. La collection de conquêtes sexuelles avait déjà été conceptualisée par le Marquis de Sade : « Sade imaginait une utopie sexuelle où chacun avait le droit de posséder n’importe qui ; des êtres humains, réduits à leurs organes sexuels, deviennent alors rigoureusement anonymes et interchangeables. Sa société idéale réaffirmait ainsi le principe capitaliste selon lequel hommes et femmes ne sont, en dernière analyse, que des objets d’échange. Elle incorporait également et poussait jusqu’à une surprenante et nouvelle conclusion la découverte de Hobbes, qui affirmait que la destruction du paternalisme et la subordination de toutes les relations sociales aux lois du marché avaient balayé les dernières restrictions à la guerre de tous contre tous, ainsi que les illusions apaisantes qui masquaient celles-ci. Dans l’état d’anarchie qui en résultait, le plaisir devenait la seule activité vitale, comme Sade fut le premier à le comprendre – un plaisir qui se confond avec le viol, le meurtre et l’agression sans freins. Dans une société qui réduirait la raison à un simple calcul, celle-ci ne saurait imposer aucune limite à la poursuite du plaisir, ni à la satisfaction immédiate de n’importe quel désir, aussi pervers, fou, criminel ou simplement immoral qu’il fût. En effet, comment condamner le crime ou la cruauté, sinon à partir de normes ou de critères qui trouvent leurs origines dans la religion, la compassion ou dans une conception de la raison qui rejette des pratiques purement instrumentales ? Or, aucune de ces formes de pensée ou de sentiment n’a de place logique dans une société fondée sur la production de marchandises. » (Christopher Lash, La Culture du narcissisme (1979), pp. 105-106)

 

De nos jours, l’idée qu’on peut collectionner les amants passe très bien dans les cercles d’homosociabilité fréquentés par la plupart des personnes homosexuelles qui se disent pourtant « hors milieu ». Dans leur tableau de chasse s’étalent des collections de partenaires sexuels : « Au lieu d’étudiants ou d’artistes en herbe, j’ai collectionné un nombre impressionnant de paumés en crise de croissance auprès desquels je me sentais embarqué dans un voyage salutaire loin du monde des lettres. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 21)

 

COLLECTIONNEUR Cochons

Collection de Dreyfus


 

Xavier Rinaldi – « Le ‘marché de la viande[sous-entendu les cercles de drague] est-il plus développé chez les gays que chez les ‘normaux’, comme vous dites ?

Henry Chapier – Oui, évidemment. Ce marché est entretenu par le marketing, mais pas seulement. Les gays ont, c’est vrai, un peu moins d’obligations qu’une famille. Les publicitaires ont compris qu’ils constituaient une proie facile. Mais le marketing n’est pas le seul responsable. »

(Henri Chapier interviewé par Xavier Rinaldi dans l’essai Christine Boutin, Henry Chapier, Franck Chaumont : Les homosexuels font-ils encore peur ?, (2010), p. 64)

 
 

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Code n°36 – Conteur homo (sous-codes : Dessins animés / Bandes Dessinées)

contes

Conteur homo

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

« Ne croyez jamais le conteur, mais le conte. » (D. H. Lawrence)

 
 

La captation de la conscience, du désir et de la liberté, par le conte et l’image-mouvement animée

 

CONTEUR Belle au bois dormant

Une étrange hybridité entre les princes Disney


 

Qui mieux que le conte ou le dessin animé pouvait donner, dans les esprits humains de plus en plus allergiques au Réel, une consistance à l’irréalité sincère et sentimentale de l’homosexualité ? Qui mieux que les histoires enfantines et les films d’animation ont la possibilité de devenir à l’heure actuelle les prescripteurs de modes de pensée, façonner les esprits les plus malléables (des plus petits aux plus âgés), diffuser des messages asexués/inhumains sans même que nous nous en rendions compte ?

 

Le dessin animé Bob l'Éponge censuré en Ukraine

Le dessin animé Bob l’Éponge censuré en Ukraine


 

Le dessin animé, dans le cœur des gens, a une popularité, une accessibilité, une magie, une innocence, un humour et une universalité, tout à fait séduisants, surtout auprès des personnes soucieuses de redorer le blason de leurs fantasmes identitaires et amoureux bien-intentionnés. On ne s’en méfie pas. Discret et divertissant, il semble donner corps à tous nos désirs humains, accorder une vraisemblance à tous nos impossibles, dégénitaliser et désincarner nos corps vulnérables, neutraliser/transcender pendant quelques minutes nos limites humaines. Il est le vecteur idéal des idéologies asexuées, bisexuelles et libertines telles que l’homosexualité, l’inceste, la zoophilie, le parricide, la luxure, l’adultère, etc. Idéal car oui, il semble inattaquable : il est difficile d’en vouloir à un héros de dessin animé (il est plus facile de se retourner contre un comédien réel, un acteur d’un film ou un réalisateur visible). Et l’œil critique qui ose dénoncer la fausse innocence, la suggestion ou les messages cachés d’un dessin animé de Walt Disney, par exemple, a de fortes chances de déclencher l’hilarité, le sarcasme, voire la colère. On lui reprochera vite de voir le mal partout !

 

Et pourtant, exactement comme le Bien, le mal prend l’apparence d’un bien. Pourquoi ce mal se priverait-il donc d’envahir l’innocence des dessins animés et des contes ? Au nom de quoi ne profiterait-il pas du capital sympathie que ces films gentillets et kitsch ont acquis depuis un siècle et demi dans le cœur des enfants et des familles ?

 

En voyant le sensationnel (et flippant tellement il est réaliste !) documentaire « Pin-Up Obsession » d’Olivier Mégaton diffusé sur la chaîne ARTE en 2004, traitant de l’évolution de l’image des femmes depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours, j’ai réalisé, dans notre quotidien, l’incroyable signifiance, le pouvoir et l’influence puissante des dessins animés – qui, je le répète, annoncent, reflètent et parfois orientent notre Monde. Souvent, ils ont même, grâce à notre entremise humaine, pouvoir de vie et de mort, de paix et de guerre, sur nos existences : je n’exagère pas ! Même à travers Betty Boop, Tex Avery, les premiers Walt Disney, nous nous retrouvions déjà devant des miroirs d’époque, des documents historiques à peine schématiques. C’est pourquoi je crois qu’il faut prendre les dessins animés, les B.D. et les contes, un petit peu plus au sérieux qu’on ne les envisage aujourd’hui, car ils contiennent une grande part des secrets du Sens de l’Histoire humaine internationale. Derrière les films d’animation, il y a des concepteurs réels et peu innocents, capables de donner corps à leur propre vision du Monde, capables d’orienter nos désirs sexuels et nos identités à notre place si nous n’y prenons pas garde. Les dessins animés sont des univers suffisamment borderline pour que puisse se glisser facilement la perversion, la régression sexuelle, la suggestion génitale, l’anecdote lubrique, le double sens vulgaire, le sous-entendu (pédophile, incestuel, violent). Pas de paranoïa ; mais pas d’aveuglement non plus !

 

Film d'animation La Reine des Neiges de Walt Disney (Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, être une femme libérée, tu sais c'est pas si facile...)

Film d’animation La Reine des Neiges de Walt Disney (Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile…)


 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Pygmalion », « Bovarysme », « Pédophilie », « Super-héros », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Télévore et Cinévore », « « Plus que naturel » », « Élève/Prof », « Couple homo enfermé dans un cinéma », « Peinture », « Fan de feuilletons », « Substitut d’identité », « Éternelle Jeunesse », « Amoureux », « Drogues », « Parodies de Mômes », « Tomber amoureux du leader de la classe ou d’un personnage de fiction », « Cour des miracles », à la partie « Albator » du code « Désir désordonné », à la partie « Fée » du code « Vierge », à la partie « Cuculand » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », et à la partie « Hypnotiseur » dans le code « Médecines parallèles », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le conteur homosexuel ou homosexualisant :

 

Film "Saturno Contro" de Ferzan Ozpetek

Film « Saturno Contro » de Ferzan Ozpetek


 

Bien souvent dans les fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel est conteur (la voix-off suggère souvent une schizophrénie ou un isolement entre le héros et le monde extérieur, d’ailleurs), ou bien se laisse bercer par un(e) conteur(-euse) anesthésiant(e) : cf. le film « Beignets de tomates vertes » (1991) de Jon Avnet, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, la chanson « La Légende de Rose la Tulipe » de Ronan et Cindy dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, le film « La Tourneuse de pages » (2005) de Denis Dercourt, le film « 17 fois Cécile Cassard » (2002) de Christophe Honoré (avec Béatrice Dalle chantant une berceuse), le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie, le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye (avec les deux amants qui se lisent des livres entre eux), le one-(wo)man-show Madame H. raconte la Saga des Transpédégouines (2007) de Madame H. (présidente de Homosexualité et Bourgeoisie), le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, le film « Jeffrey » (1995) de Christopher Ashley, le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand (composé uniquement de critiques de films que Rodolphe a vus et raconte), le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré (avec Orphée racontant des légendes mythologiques à ses compagnons de voyage médusés), le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram (avec la conteuse lesbienne), le film « The Last Girl : The Girl with all the Gifts » (2017) de Colm McCarthy, etc.

 

« C’est mon métier de raconter des histoires. » (Claire dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat) ; « Tout doux, tout doux, tout doucement… en flânant gentiment… » (cf. la chanson d’entrée du film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Moi, j’étais un fils-à-maman, et tous les soirs en m’endormant, elle me disait : Quand tu seras grand, tu danseras le prince charmant dans La Belle au bois dormant. » (cf. la chanson « La Chanson de Ziggy » de Ziggy et Marie-Jeanne dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Tanguy l’admirait. Rachel parlait plusieurs langues étrangères, connaissait des contes magnifiques où il était question de gnomes et de fées. Elle était artiste aussi. […] Les contes, pour lui, c’était la paix. Rachel, avec sa voix douce, était une merveilleuse ‘conteuse’. […] Tanguy avait besoin de croire aux contes. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), pp. 28-30) ; « Quant à moi, je serai la conteuse de ces malheurs. » (la narratrice-lectrice évoquant Dorian de la pièce Le Portrait de Dorian Gray (2012) du groupe Imago) ; « Cette nuit, ils ne font pas l’amour. Cette nuit, ils ne se défoncent pas. Plancher, sur le lit, les draps trempés. Il grelotte, il suffoque. Le thermomètre indique quarante de fièvre. Javier veille son ami. Passe la main sur son visage, le calme lorsqu’il s’agite trop, porte les verres d’eau, maintient le gant de toilette imbibé d’eau froide sur son front, caresse sa chevelure, sa nuque, lui raconte un tas d’histoires sans intérêt pour l’apaiser, le serre dans ses bras, embrasse sa joue en feu, l’aide à ingurgiter aspirine sur aspirine. » (Antoine Chainas, Une Histoire d’amour radioactive, 2010) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Isabelle (Ariane Ascaride) lit une histoire à son ami Félix (le héros homo) au lit. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Dodo raconte une histoire d’un ours polaire homosexuel qui visite l’Afrique. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, dix amis se racontent des histoires dans une maison abandonnée. Dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier, Bernard est conteur et c’est son métier. Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, Garnet, le héros homosexuel, paie des conteurs à son service pour qu’ils lui fassent la lecture. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Annella, la mère de Elio, lit à son fils de 17 ans le conte du XVIe siècle d’un prince qui avoue son amour interdit à une princesse… ce qui poussera Elio à oser déclarer sa flamme à Oliver tout de suite après.

 

Devenir un certain type de conteur, c’est, dans certaines créations homo-érotiques, comme « s’homosexualiser » et chercher à susciter le désir homosexuel. Comme le Molina avec Valentin dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, par exemple : le personnage homosexuel raconte à son amant infantilisé des histoires dont il est le héros dans l’obscurité d’une chambre-cinéma, tire les ficelles de la narration, interprète tous les autres personnages en donnant à son compagnon de jeu l’illusion de liberté et d’interactivité. Il combine le travail de metteur en scène avec celui d’acteur. « Faisons une chose : quand je sentirai que je peux te raconter quelque chose, je te le raconterai, avec plaisir. Mais ne me le demande pas, je te le proposerai tout seul. D’accord ? » (Molina, p. 50)

 

Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony initie le jeune Jim, homo comme lui, à la vénération de la Phalange sacrée de Thèbes, légende homo-érotique qu’il lui raconte. Toute l’intrigue de ce roman est fondée sur la chaîne de captation homo-érotique d’un conteur sur un autre : Scrotes a été le conteur de son ex-amant Anthony ; Anthony a été le conteur du jeune Jim ; et enfin, Jim devient le conteur de son amant Doyler, qui part vers la mort.
 

« Raconte-moi la légende du Niño-Pez. » (Ailín dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] faisait la lecture à Mary, guidant l’esprit assimilateur de la jeune fille dans de nouveaux domaines inexplorés jusqu’ici, lui enseignant la joie qui peut résider dans les livres. […] Et Mary, écoutant la voix de Stephen, assez profonde et toujours un peu rauque, pensait que les mots, lorsque c’était Stephen qui les prononçait, étaient plus harmonieux que de la musique, et plus inspirateurs. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 432) ; « Ce soir, nous allons dîner au clair de lune, je vous réciterai les vers de Lorca. » (Cyrille, le héros homosexuel s’adressant à Hubert, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, p. 72) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, Sidonie est la lectrice officielle (et l’amant officieuse) de la Reine Marie-Antoinette : elle lui lit Félicie. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et Léo vont au cinéma ensemble voir un film que Gabriel raconte verbalement à Léo parce que ce dernier est aveugle. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc devient le conteur de son ex, Luc, mourant du Sida ; Bill, par la suite, décrit tout ce qu’il voit à Rob, son compagnon aveugle. La pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay s’achève avec une scène où l’un des deux héros lit une histoire à l’autre avant qu’il ne s’endorme. Dans la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas, Billy chante du blues à son compagnon de cellule. Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob ; grâce aux mots du jeune infirmier, la chambre des deux amants va peu à peu s’animer aux couleurs des tableaux du peintre néerlandais. Dans le film « Camping 2 » (2010) de Fabien Onteniente, alors que Alors Patrick et Jean-Pierre sont coincés sur une île, le premier raconte une histoire au second : la légende de l’île de la Vieille. Dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, l’un des deux amants avoue à son copain que durant son enfance, il est tombé amoureux du personnage fantastique « le Mounime » dans le livre de contes qu’ils sont en train de feuilleter amoureusement. Dans le film « Au mariage de nos âmes loyales » (2010) d’Andrew Steggall, deux jeunes Irakiens embarquent illégalement sur un bateau qui les mène de Bagdad à Londres. Enfermés, Falah réconforte Hayder en lui murmurant en arabe les vers des sonnets amoureux de Shakespeare. Dans le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider, Laurent veut que son amant André lui raconte « le Poème de Ceylan » qu’il aime tant. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Franck et Henry passent leur journée face au lac à se raconter des histoires.

 

Le plus souvent, le personnage homosexuel confond la narration avec son propre contexte de narration, et finit par croire vraiment aux contes de fées (et parfois, par se casser le nez !) : « On dit que les contes de fée finissent bien. » (Rachel, l’héroïne lesbienne du film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Just a first kiss from my lover… Beautiful kiss and forever : I love him… » (cf. la chanson « Father I Am » de Jann Halexander) ; « Kévin et moi nous ne nous quittions plus. Je croyais le temps arrêté sur mon bonheur, quelle utopie ! Je vivais un rêve, comme dans un conte de Noël. » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 393) ; « Ah ! Je vois que tu connais tes classiques ! Tu as lu Le Petit Prince» (Bryan s’adressant à Kévin, op. cit., p. 87) ; « Je croyais que les contes de fées n’existaient pas, c’est ce qu’on m’avait toujours dit. Aujourd’hui, je n’en suis pas si sûr car c’est ce que je vis avec toi depuis le début de l’année. Mais un conte de fées, ça finit toujours bien. Pourquoi le nôtre finit-il si mal ? » (idem, p. 300) ; « Le p’tit Martin [héros sur qui pèse une forte présomption d’homosexualité] à sa maman est une Cendrillon ! » (Malik se moquant de Martin dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Le prince charmant existe-t-il ? […] Le grand jour arriva enfin, comme on dit dans les contes de fées. » (le narrateur homosexuel du roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 23 puis p. 39) ; « J’ai rencontré le Grand Amour. Comme dans les contes de fée. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo, le héros homosexuel, est obsédé par l’idée d’être embrassé pour la première fois sur la bouche, et il idéalise complètement cet instant fantasmé ; sa meilleure amie Giovanna la prévient de l’atterrissage (« Tu pourrais te transformer en crapaud. »).

 

On retrouve souvent Cendrillon, Blanche-Neige, Peau d’Âne mentionnés dans les œuvres homo-érotiques : cf. le one-woman-show Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, le film « Little Black Boot » (2004) de Colette Burson, le film « Amour toujours » (1995) de Gabriel de Monteynard, le film « Scène de lits » (1997) (avec « Monsieur Propre » notamment) de François Ozon, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Quels adultes savent » (2003) de Jonathan Wald, le film « Muriel » (1994) de P. J. Hogan, le film « Pôv fille ! » (2003) de Jean-Luc Baraton et Patrick Maurin, la pièce Cendrillon (1994) de Lindsay Kemp, la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, la pièce Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec la référence à Blanche-Neige), etc. Par exemple, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne vole un collier dans une bijouterie, pour « faire comme dans Peau d’Âne ». Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, « Peau d’Âne » est le film préféré de Greg, le personnage homo.

 

Charles Gray, le machiavélique "story-teller" du film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Charles Gray, le machiavélique « story-teller » du film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Une fois passée la rêverie planante et infantilisante, l’effet que produit le conte est souvent violent : dépersonnalisation, perte de contrôle, manipulation, voire viol. Par exemple, dans le film « Simple appareil » (2009) de Jean-Christophe Cavallin, Pierrick et Jacques son amant-internaute passent la nuit ensemble dans la chambre de Pierrick, près du Canal Saint-Martin, à se raconter leurs blessures intimes… et la narration tourne au drame. Le conteur homosexuel conduit quelquefois à la mort ou à la guerre : cf. le film « Little Lies » (2012) de Keith Adam Johnson, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, le film « Passion » (1964) de Yasuzo Masumara, le poème « Canción De Amor A Los Nazis En Baviera » de Néstor Perlongher (avec la conteuse anesthésiante Marlene Dietrich, qui parle aux soldats coincés au front), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les quatre divas qui amènent les êtres humains à la torture), le film « Les Enfants terribles » (1950) de Jean-Pierre Melville (avec Catherine qui manipule incestueusement son frère Paul par le conte), etc. « Ma grand-mère me lisait Mein Kampf avant de m’endormir. » (Mémé Huguette dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « J’adore les comptines pour enfants, toujours tragiques et macabres. » (Christopher Wren, le héros homosexuel de la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; « Quand on se réveille, je propose que l’on retire nos bandeaux, mais Vianney trouve ça prématuré. Il geint ‘Pas cette fois, s’il te plaît…’ Avant qu’il ne parte, je lui raconte l’histoire de La Symphonie Pastorale de Gide. Vianney dit que c’est triste, cette fille aveugle à qui on fait croire que le monde est beau, et qui, quand elle recouvre la vue, s’aperçoit qu’on lui a menti. » (Mike racontant son aventure avec un certain Vianney qu’il accueille chez lui pour un « plan cul » alors qu’il a les yeux bandés, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 85-86) ; « Dans les contes de fées. Pères tyranniques et marâtres cruelles, enfants abandonnés et épouses assassinées, telles étaient les matières premières des légendes, mais aussi de la vie. […] Les mères de ces contes attiraient ces malédictions parce qu’elles avaient fait preuve de négligence. C’était également vrai dans la vie. Il suffisait de tourner le dos un instant et le pire pouvait arriver. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 104) ; etc. Par exemple, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014), Shirley Souagnon simule de raconter un conte pour enfant à sa future progéniture, en s’imaginant en train de « pousser l’enfant dans l’escalier ». Dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan explique que sa grand-mère Mamie Suzanne lui racontait des histoires et des comptines, tout pendant qu’elle était odieuse avec lui. Cette maltraitance l’a poussé à « voir du sexe partout même dans les comptines pour enfants » : selon lui, « Au clair de la lune » est une chanson « érotique », et « Les 3 Petits Cochons, là, c’est carrément dans une soirée SM ! »

 

Le conte peut même conduire à la mort. Par exemple, dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Ruth demande à sa compagne Idgie de lui raconter l’histoire narcissique qui les lie : « J’adore tes histoires. Raconte-moi une histoire, ma charmeuse d’abeilles. Tiens. Raconte-moi l’histoire du lac. » Idgie ne se rend compte de la mort de Ruth qu’une fois son conte terminé.
 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 
 

b) Dessin animé : le meilleur conte puisqu’il est animé et potentiellement humain et « aimant » :

Dessin animé Scoubidou (avec le chien particulièrement mauviette) d'Hanna Barbera

Dessin animé Scoubidou (avec le chien particulièrement mauviette créé par d’Hanna Barbera)


 

Le personnage homosexuel est souvent un grand consommateur de dessins animés et de bandes dessinées : cf. le film « Getting To Know You » (2004) de Liz Lachman, le film « Méprise multiple » (1997) de Kevin Smith, le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon (avec les Simpsons), le film « Le Club des cœurs brisés » (2002) de Greg Berlanti (avec le fan homosexuel inconditionnel de Scoubidou, qui ne veut pas rater son rendez-vous télévisuel quotidien), le film « Artistes et Modèles » (1955) de Frank Tashlin (avec Eugene, l’amateur de B.D.), le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (avec Albator prenant forme humaine), la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon (avec la mention d’Albator), le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre (avec la scène du dessin animé diffusé dans la boîte gay), la nouvelle « Quoi ? Zob, zut, love » (1983) de Copi (avec Ninu-Nip, un lettriste de bandes dessinées), la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (avec Nono, l’un des héros homos portant un tee-shirt Mickey), le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec le chat de Matthieu qui s’appelle Stelly, en référence au manga Albator), le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen (avec Benoît, le héros homosexuel, fan de dessins animés), etc.

 

« Peter Pan et Tom Sawyer m’attendent. » (cf. la chanson « Boulevard des Rêves » de Stéphane Corbin) ; « Walt Disney, le héros de mon enfance. » (Jean-Marc, le héros homosexuel dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 109) ; « J’ai passé l’avant-midi du deuxième jour devant de vieux dessins animés dont la plupart, je m’en souvenais très bien, avaient enchanté mes premières années de téléphage enragé. » (idem, p. 204) ; « Tout au fond de ma mémoire, je le sens se réveiller, l’ancestral désir de toi : c’est le désir de monter sur un beau tapis magique pour survoler toute l’Afrique dans un dessin animé. » (Lou, l’héroïne lesbienne de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Ses yeux, ils devenaient de plus en plus grands et brillants, comme ceux des méchantes dans les dessins animés japonais, avec trois gros points blancs qui tremblent au milieu des iris. ‘Je suis un peu sorcière.’ » (Yvon en parlant de Groucha, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 265) ; « Je suis sorti avec un chanteur… et il travaille à Disney maintenant. » (Matthieu, l’un des héros homos de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Ce sont des princesses sans Royaume. Mais le seul endroit où on peut les retrouver, c’est Eurodisney. » (Samuel Laroque décrivant les personnes homosexuelles, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Tom et Jerry sont un couple gay. » (Veronika, l’héroïne lesbienne s’adressant à deux garçons qui la draguent Nina et elle, et qui s’appellent Tom et Jerry, dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky) ; « Ils ont pas voulu de moi chez Astérix. » (Rodolphe Sand imitant une femme hétéro mère porteuse, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Candy : ce dessin animé m’émeut vachement. » (Rodolphe Sand imitant une femme lesbienne super dure, Joyce, idem, 2014) ; « Alors comme ça, tu aimes bien les dessins animés ? Je dis ça par rapport à ton pseudo Peter Plan… » (Jérémy Lorca discutant avec Damien, un amant internaute qu’il a rencontré « en vrai », dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; « Océane et moi on aime bien les mangas. » (Lou face à Maëva pour lui faire comprendre qu’elles sont lesbiennes, dans l’épisode 95 « Disparition au lycée » de Joséphine ange gardien) ; etc.

 

CONTEUR Disney

« Légers » détournements parodiques


 

Par exemple, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Ben est fan des dessins animés de Walt Disney. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, nombreuses sont les références aux dessins animés (cf. Belle et Sébastien, Albator, etc.). Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, les deux amantes lesbiennes Lucie et Léonore s’organisent une soirée Cartoons. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homo, est fan de B.D., de supers-héros (Superman, Batman) et de dessins animés (The Simpsons, Toy Story, etc.) ; et les deux amants Jean et Juan se rendent ensemble à Eurodisney. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur homosexuel, organise des soirées déguisées : la dernière qu’il a faite, c’était sur le thème « Dessins animés de notre enfance » et il était accoutré en Princesse Sarah. Dans le sketch « Le Pays de la Magie » de Bruno Salomone, Disneyland est décrit comme le monde de la bisexualité par excellence. Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque vit dans la nostalgie des dessins animés de son enfance (Candy, les Schtroumpfs)… qu’il parodie « façon camp » pour se donner l’illusion de se les réapproprier de manière adulte et mature (cf. la Schtroumpfette qui fait des films d’épouvante). Dans le film « Masala Mama » (2010) de Michael Kam, le jeune héros homosexuel vole une B.D. de supers-héros dans une épicerie indienne. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, la mère de Dany, le héros homosexuel, l’a forcé, étant petit, à rester planté devant les dessins animés. Le lavage de cerveau semble avoir marcher puisque Dany conserve une image du manga Sailor Moon dans son agenda. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, lorsque la narratrice transgenre F to M se travestit, elle met une musique « parodique » de dessin animé de Super-héros avec une voix robotique signalant « Métamorphose ! » (la comédienne porte d’ailleurs un marcel de Goldorak). Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, les quatre lolitas lesbiennes ne vivent qu’à travers leurs mangas et les Disney : par exemple, Kanojo chante « ce Rêve bleu » d’Aladdin sous sa douche. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, parodie le dessin animé Les Maîtres de l’Univers : « Par le pouvoir du Crâne Ancestral ! » Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, lorsque Frankie rencontre en boîte pour la première fois Walt, le mec avec qui il va coucher le soir-même, il fait un jeu de mots avec son prénom : « Comme Whitman ? » Walt lui répond : « Comme Disney ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien traite son amant Yoann comme un petit enfant qu’il amène au Parc Astérix. Et Yoann s’excite toujours autant d’y être emmené. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), Fabien, le héros homosexuel, fait référence au dessin animé Ken le Survivant ainsi qu’au Marsipulami. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, les amants Thomas et François voient dans leur amour commun pour le dessin animé « Le Roi Lion » un signe qu’ils doivent se remettre ensemble : « Hier soir, j’avais le blues et j’ai voulu regarder le Roi Lion. » dit François. « C’est marrant… Moi aussi. » répond Thomas.

 

Cette fuite du héros homo dans le monde virtuel des contes et des dessins animés l’entraîne parfois dans la dépression et la frustration, car il se rend bien compte que la vie n’est pas un film d’animation : « J’ai toujours confondu la vie avec les bandes dessinées. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Johnny Rockfort) ; « Je ne suis pas un de tes supers-méchants de tes B.D. Je n’ai pas le pouvoir dont tu parles. » (le père de Danny s’adressant à son fils homosexuel, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le conteur homosexuel ou homosexualisant :

Parfois dans la communauté homosexuelle, on rencontre des conteurs ou des personnes qui jouent le rôle de nous bercer en nous racontant des histoires : cf. l’autobiographie Elle était une fois… (2003) de Marie-France. Par exemple, un certain nombre de personnalités du monde homosexuel sont attachées aux contes et chansons d’Anne Sylvestre (Michel Heim, Jann Halexander, etc.) ou à des animatrices d’émissions pour enfants qui racontaient des histoires (Chantal Goya, Karen Chéryl, Dorothée, Doushka… ou Jean Rochefort). Dans son film « Parking » (1985), Jacques Demy dédicace son film à Jean Cocteau : « À JEAN COCTEAU qui aimait ces mots magiques : ‘Il était une fois…’ J.D. »

 

El Beso de la Mujer-Araña (1976) de Manuel Puig (mise en scène de Rubén Schumacher en 2009 à Buenos Aires)

Le roman El Beso de la Mujer-Araña (1976) de Manuel Puig (mise en scène de Rubén Schumacher en 2009 à Buenos Aires)


 

Devenir un certain type de conteur, cela revient parfois à « s’homosexualiser » et à susciter le désir homosexuel. Quand je dis cela, je me base sur un fait bien précis de ma vie. J’avais 22 ans quand je suis tombé pour la première fois (par hasard ?) sur El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig. Personnellement, j’ai compris grâce à ce roman l’universalité-singularité de mon désir homosexuel, puisque l’aventure cinématographique que le personnage homosexuel de Molina propose à son compagnon de cellule Valentín (Molina, la « grande folle » qui se définit lui-même comme la « femme-araignée », passe son temps à raconter des films en noir et blanc des années 1930 à son camarade de prison), c’est exactement ce que j’ai mis en scène pour mon frère jumeau Jean pendant 4 années entre l’âge de 6 ans et 10 ans (avant que nous ne dormions plus dans la même chambre) avec « Les Aventures de Jean », une sorte de conte oral extensible à l’infini, dont Jean était le héros, et qui se construisait selon notre/mon imagination, soir après soir. Quand j’ai découvert en 2002 que le livre de Manuel Puig relatait un des événements-phare de mon enfance (moi aussi, j’ai transformé ma chambre gémellaire en salle de cinéma), je me suis dit intérieurement : « Y’a un truc… C’est pas possible… Et si le désir homosexuel se laissait décoder ? Et s’il existait un Universel homosexuel qui ne soit pas identitaire ni amoureux, mais uniquement désirant ? » Le roman El Beso De La Mujer-Araña a mis en lumière mon identité de conteur (homosexuel), ainsi que l’existence future de mon Dictionnaire des Codes homos (car ce roman réunit quasiment tous les codes du Dico que j’ai découverts par la suite !).

 

Je ne suis pas du tout le seul à avoir cherché à vivre ma vie comme un grand dessin animé. Souvent, en écoutant mes amis homosexuels, j’ai constaté qu’ils confondaient la narration (d’une histoire, d’un poème, d’un dessin animé, d’un conte) avec leur propre contexte de narration, et finissaient par croire vraiment aux contes de fées. « Un jour, j’aurai le prince charmant. C’est tellement rassurant d’être avec quelqu’un, de passer une nuit avec quelqu’un… » (Vincent, un témoin homosexuel de 22 ans, dans le documentaire « Ma Vie (séro)positive » de Florence Reynel, diffusé sur la chaîne France 4 le 2 avril 2012)

 

Dans les œuvres de fiction homo-érotiques, les contes de notre enfance sont régulièrement réadaptés par les créateurs homos-bisexuels. Par exemple, Mylène Farmer revisite le conte de Blanche Neige dans le vidéo-clip de sa chanson « Tristana », le Petit Chaperon Rouge dans le vidéo-clip de sa chanson « Monkey Me » ; elle joue le rôle de Pinocchio dans ses vidéo-clips « Tristana » et « Sans contrefaçon ». Par ailleurs, Amélie Poulain inspire la chanson « Amélie m’a dit » d’Alizée et le film « Le Fabuleux Destin de Perrine Martin » (2002) d’Olivier Ciappa. L’histoire de La Belle au bois dormant sert de trame au film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne. Le film « La Belle et la Bête » (1946) de Jean Cocteau fournit un autre exemple de reprise de contes. On retrouve Blanche-Neige dans le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set. Les comédies musicales La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier, ou encore La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim se calquent parodiquement sur la Belle au bois dormant, bien entendu ; etc.

 

Certains artistes homosexuels (ou icônes gays) prétendent rédiger des « contes philosophiques » de la même veine et profondeur que le Petit Prince. Ils s’improvisent illustrateurs par des dessins minimalistes et naïfs à la Saint-Exupéry : cf. Lisa-Loup et le Conteur (2003) et le vidéo-clip de la chanson « C’est une belle journée » de Mylène Farmer, les calligraphies de Jean Cocteau, le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell, le film « Peeling » (2002) d’Heidi Anne Bollock, le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier, le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman, les illustrations minimalistes d’Andy Warhol ou de Keith Haring, les photos enfantines et paradisiaques de Pierre et Gilles, les contes pour enfants de Christophe Honoré ou encore de David Dumortier, la nouvelle « Margot, histoire vache » (2010) d’Essobal Lenoir, les croquis minimalistes pornographiques de Sergueï Eisenstein, etc.

 
 

b) Dessin animé : le meilleur conte puisqu’il est animé et potentiellement humain et « aimant » :


 

Dans mon essai Homosexualité intime (2008), j’aborde la question de l’attrait des personnes homosexuelles pour les médias, et notamment pour les films d’animation. Je n’échappe pas à cette tendance. Dès ma plus tendre enfance, je pense que je fuyais le Réel à travers la télévision, le cinéma, et surtout les dessins animés : mes préférés étaient Les Cités d’Or, Jeanne et Serge, Scoubidou, l’Inspecteur Duflair, She-ra et Princesse Sarah. J’ai eu aussi ma période Tintin, et bien sûr Walt Disney. Même à 15 ans, je demandais encore les cassettes VHS des « Grands Classiques » de Disney pour Noël ou mon anniversaire (mes parents se demandaient quand est-ce que j’aurais des goûts un peu plus « adultes »…) et j’en connaissais les dialogues par cœur. D’ailleurs, ma passion de l’enregistrement des dessins animés m’a fait glisser peu à peu une pente très homosexuelle et peu glorieuse : celle des films érotiques et pornographiques. Me levant très tôt pour voir certains dessins animés, j’avais quartier libre pour le zapping sur d’autres chaînes aux programmes beaucoup moins innocents… Je suis donc très bien placé pour parler des croisements (non-causaux) entre dessins animés et homosexualité !

 


 

J’ai remarqué que les personnes homosexuelles sont souvent des grands consommateurs de dessins animés et de bandes dessinées : « On m’emmena au cinéma voir ‘Blanche-Neige’. J’étais fasciné, comme envoûté, les yeux écarquillés, la bouche ouverte, la respiration suspendue. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 23) Ces outils leur servent de référentiel et de lunettes pour interpréter les réalités qui les entourent, et surtout les altérer : « Un beau jour, mon regard croisa celui d’un garçon qui ne cessait de cocher, je ne sais quoi, dans son journal. […] Tantôt souriant, tantôt faisant la moue, ses mimiques très drôles lui donnaient cette familiarité, si sympathique, des personnages de bandes dessinées. » (Berthrand Nguyen Matoko lors de la drague, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 99) Lors du débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017, Lucas Carreno, femme F to M, est née jumelle avec un frère. Quand elle était petite, elle s’identifiait toujours à Peter Pan ou Mowgli.

 

Programme d'éducation sexuelle (genre Le Baiser de la Lune) diffusé actuellement dans certaines écoles françaises pour apprendre aux jeunes que le plaisir sexuel existe et qu'il n'est pas mauvais...

Programme d’éducation sexuelle (proche du « Baiser de la Lune » de Sébastien Watel) diffusé actuellement dans certaines écoles françaises pour apprendre aux jeunes que « le plaisir sexuel existe et qu’il n’est pas mauvais »… Merci Najat Vallaud-Belkacem !


 

Jérôme Savary n’a pas tort quand il affirme que « l’homosexualité est souvent le refus d’entrer dans la vie d’adulte » (Jérôme Savary cité dans l’article « Tous ses personnages, c’est lui » de Gilles Costaz, dans le Magazine littéraire, n°343, Paris, mai 1996, p. 42) Il n’y a qu’à voir dans les créations homo-érotiques les nombreuses références faites à Peter Pan, aux contes de fée, aux dessins animés, aux bandes dessinées, aux boîtes à musique, aux mobiles enfantins suspendus en l’air, pour le comprendre.

 

Si un certain nombre de personnes homosexuelles croient que les images offertes par les dessins animés et les contes sont fidèles à la Réalité, c’est notamment à cause d’une révolution technique audiovisuelle qui s’est produite à la fin du XIXe siècle et qui a joué et joue encore actuellement un rôle capital dans nos représentations mentales du Monde et dans notre sexualité : je veux parler de la transition des images fixes aux images-mouvement, observable notamment dans le cinéma d’animation. La succession de vingt-quatre images par seconde et les images en 3D peuvent nous laisser croire qu’une photo, par essence morte, a le pouvoir de s’animer et d’aimer sans l’intervention humaine, que notre imagination est la Réalité, que ce que nous rêvons arrive à être tel que nous le conceptualisons mentalement, que le désir de celui qui a accès au maniement des nouvelles technologies iconographiques est tout-puissant.

 

L’impression saisissante de vraisemblance, permise par l’image-mouvement, n’est pas sans risque. L’image déréalisée, en déguisant le mythe en Réalité, peut encourager le passage des fantasmes à la pulsion actualisée, autrement dit la création de réalités fantasmées. Les nombreuses limites invisibles que nous impose l’objet cinématographique qui nous promet tout sans rien changer durablement à notre quotidien va réveiller chez certaines personnalités un fort sentiment de trahison et de frustration. Nous pouvons le constater par exemple avec les films pornos. Au bout d’un moment, l’image, même très réaliste et sexuellement excitante, ne suffit plus : elle en appelle d’autres, exige un passage à l’acte, encourage au désenchantement du monde, et à l’autodestruction.

 

Les dessins animés ne provoquent pas ce qu’ils filment : ils l’encouragent, et peuvent agir symboliquement par les effets désirants qu’ils provoquent en l’Homme. Si l’influence des images déréalisantes sur nos modes de vie n’est pas reconnue (car certaines personnes se servent du fait qu’elle est toujours imparfaite et qu’elle mobilise quoi qu’il arrive notre liberté de spectateurs pour ne pas la reconnaître), elle peut conduire à des comportements agressifs. La transition des images fixes aux images-mouvement nous fait souvent préférer le monde virtuel au quotidien, et donc impulse nos désirs de mort et de réification. Et en écoutant les personnes homosexuelles de mon entourage, je vois bien que, même si elles sont tout à fait capables intellectuellement de faire la différence entre un conte et le Réel, dans leur cœur elles désirent vivre elle aussi dans l’image. Voire vivre l’image, celle-ci devenant leur réalité.

 

Film d'animation "Pocahontas" de Walt Disney (avec Ratcliffe et son toutou à sa mémère)

Film d’animation « Pocahontas » de Walt Disney (avec Ratcliffe et son toutou à sa mémère)


 

Certaines ont l’honnêteté de reconnaître dans leur rapport aux dessins animés une probable explication ou moteur de leur élan homosexuel : « Dessins animés. Une étrange histoire nous rassemble, ces films faussement innocents et nous. Nos parents sont naïfs… Ils ne pensaient pas que nous trouverions des sous-entendus dans les œuvres de Walt Disney. » (un interviewé homosexuel, cité dans la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 100) ; « J’avais l’impression d’avoir une image asexuée, comme un prince de Disney, ni avec un homme ni avec une femme. Cette ambiguïté me suit depuis longtemps, alors autant ne pas cacher les choses, ne pas jouer à être quelqu’un d’autre. » (le chanteur Emmanuel Moire faisant son coming out) ; etc. Par exemple, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), le romancier Alexandre Delmar avoue être tombé amoureux du personnage d’Esteban dans le dessin animé franco-japonais Les Mystérieuses Cités d’Or : « Oui, on peut trouver un personnage de dessin animé infiniment beau ! Absolument ! Je ne trouve pas ce concept du tout surprenant. » (p. 13) Autre exemple, dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, la B.D. Martine est présentée (ironiquement ?) comme un déclencheur du désir lesbien. Je vous renvoie également à ce canular téléphonique de Laurent Baffie sur la B.D. Tintin.

 

CONTEUR Martine

 

Et plus ça va, moins les confluences entre le monde de Walt Disney et le monde homosexuel sont méconnues : voici six liens pour vous faire une idée (le premier sur les personnages gays dans les Disney ; le deuxième avec un diaporama des héros ambigus dans les Disney ; le troisième sur la polémique d’un pasteur autour de la Reine des Neiges ; le quatrième toujours concernant la Reine des Neiges ; le cinquième étant un décryptage gay de la Reine des Neiges ; et le sixième avec la traduction de l’affaire Frozen en français). Par exemple, pour écrire sa comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011), Stéphane Druet dit qu’il s’est inspiré des méchantes de Disney. Le chanteur Mika, quant à lui, est friand des dessins animés Disney, et notamment du « Livre de la Jungle ».

 

Disney, c'est... très gay !

Disney, c’est… très gay !


 

J’ai déjà rencontré dans mon entourage amical homosexuel un certain nombre d’employés travaillant chez Disney/Astérix ou qui sont figurants dans les parcs d’attraction à thèmes. Ces temples des dessins animés et de la B.D. ont même carrément leurs Journées Gay Friendly.

 

CONTEUR avion

Les « soldes » annoncées par avion…

Pour la petite histoire, un des mes « ex » (qui avait travaillé chez Disney Studio) a même fini par se dire que c’était son homosexualité qui l’avait fait postuler là-bas.

 


 

Au risque d’en choquer certains, je soutiens que les dessins animés n’ont pas grand-chose d’innocent. Le documentaire « Pin Up Obsession » (2004) d’Olivier Megaton insiste sur l’influence capitale qu’ont eu les dessins animés sur les représentations fantasmatiques de la différence des sexes dans l’inconscient collectif mondial, depuis Betty Boop, Tex Avery, jusqu’à nos jours. Je conseille à tout le monde le visionnage de cet excellent reportage qui devrait être remboursé par la Sécurité Sociale, et qui ferait davantage de bien dans les établissements scolaires que tous les ABCD de l’Égalité de la Terre et tous les programmes de santé publique à l’adresse des adolescents !

 


 

Pour ma part, je regarde avec une attention décuplée le tournant idéologique qui est en train de se prendre tout doucement avec les derniers films d’animation qui arrivent sur nos écrans (surtout depuis Aladdin, Raiponce et La Reine des Neiges de Walt Disney), car les chansons, les messages de plus en plus ouvertement féministes et misandres (la décrédibilisation de la masculinité et la paternité est en voie d’accélération), la tonalité des phrases, les scenari de plus en plus insensés, les dialogues tournés vers la violence ou le slogan libertaire et égalitariste, ne présagent à mon sens rien de bon pour notre Monde…

 
 

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Code n°37 – Corrida amoureuse (sous-codes : Taureau / Rouge et Noir / Minotaure)

corrida

Corrida amoureuse

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Tauromachie et Homosexualité

 

Détruire l’autre, mais le faire avec une telle élégance, un tel art, que la splendeur étincelante de celle-ci ferait oublier l’horreur de la destruction : voilà la fusion entre éthique et esthétique que cristallise la tauromachie.

 

Il arrive plus fréquemment qu’on ne croit que les personnes homosexuelles sont étrangement fascinées par la violence/l’entièreté de la passion. Prisonnières de leurs bonnes intentions et de leurs prétentions artistiques, elles ne se voient plus agir en amour, et pensent qu’elles peuvent aimer et être aimées à n’importe quel prix, y compris en ayant recours à la brutalité et au meurtre. Il s’agit d’une croyance absurde, puisque l’Amour vrai, même s’il se manifeste parfois dans des situations d’épreuves, n’a jamais eu besoin de la souffrance ni de la mort pour exister. Mais elles s’obstinent à la rendre effective par l’intermédiaire de l’esthétique.

 

C’est pourquoi certaines d’entre elles arrivent à se passionner pour « l’art » de corrida, la mise en scène du risque qu’il représente, la sacralisation du danger (notamment sexuel).
 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Liaisons dangereuses », « Désir désordonné », « Amant diabolique », « Femme et homme en statues de cire », « Cheval », « Mort = Épouse », « Chat », « Aigle noir », « Araignée », « Quatuor », « Symboles phalliques », « Animaux empaillés », « Ennemi de la Nature », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », à la partie « Cowboy » du code « Don Juan », à la partie « Polysémie de l’adverbe ‘contre’ » du code « Fusion », à la partie « Sang » du code « Mariée », et à la partie « Femme en rouge » du code « Carmen », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) L’importance de la tauromachie dans le monde fictionnel homosexuel :

Tableau Study For Bullfight n°1 de Francis Bacon

Le Tableau Study For Bullfight n°1 de Francis Bacon

 

Dans les œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité, bizarrement, il est énormément question de taureau, de tauromachie et de corrida : cf. le roman Les Bestiaires (1926) d’Henri de Montherlant, les romans La Torería (1909), La Noche De Walpurgis (1912), et El Martirio De San Sebastián (1917) d’Antonio de Hoyos, le vidéo-clip de la chanson « Memorabilia » (1991) de Marc Almond et Soft Cell, le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec les taureaux bravos), le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade (avec Benjamin, l’un des héros homos, habillé en matador), les films « Un autre homme » (2008) et « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set (avec « Pierrot le taureau »), le one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur, la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet, le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar (avec Lydia, le torero professionnel), la chanson « Manolo, Manolete » de Vanessa Paradis, le film « De sable et de sang » (1987) de Jeanne Labrune, la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le film « Pourquoi pas moi ? » (1998) de Stéphane Giusti (avec José – Johnny Hallyday – en « homoparent » toreador), le roman La Corrida du premier mai (1957) de Jean Cocteau, le roman Le Faucon maltais (1930) de Dashiell Hammett (avec les personnages de Juana et Triasca), le roman El Misántropo (1972) de Llorenç Villalonga, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, le film « L’Assassinat de Trotsky » (1970) de Joseph Losey, le film « L’Arrière-Pays » (1997) de Jacques Nolot, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier (affiche dans le couloir), etc. Par exemple, dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (1987) de Bernard-Marie Koltès, il est dit que le monde est tenu à la pointe de la corne d’un taureau. Dans le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray, Jim Stark imite le taureau. Dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, Éric, un des héros homosexuels, est un aficionado de corrida. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, Heck, le mari de Rachel l’héroïne lesbienne, écrit sur les courses de taureaux à Pampelune.
 

Tableau de Christian Gaillard

Tableau de Christian Gaillard

 

Parfois, au détour d’une scène de film homo-érotique, il n’est pas rare de voir apparaître sur les murs de la chambre du héros homosexuel une affiche de corrida : cf. le film « Pôv’ fille ! » (2003) de Jean-Luc Baraton et Patrick Maurin, le film « Grande École » (2003) de Robert Salis, le film « La Meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller, film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, etc.

 

Le personnage homosexuel, pour se grandir comme un dieu et s’inventer un destin grandiose, se met parfois dans la peau d’un grand toréador : « Je suis habituellement le personnage qui chante si j’aime ce qu’il chante – il faut me voir gesticuler avec ma cape pendant l’air de toréador. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18)
 
 

b) Corrida amoureuse :

Diego dans le film "Matador" de Pedro Almodóvar

Diego dans le film « Matador » de Pedro Almodóvar

 

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le torero est soit l’amant faisant fantasmer le héros homosexuel, soit lui-même homosexuel : cf. le roman Adoration du torero (1930) de Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, le roman Llanto Por Ignacio Sánchez Mejías (1935) de Federico García Lorca, la chanson « Le Tango » de Jeanne Mas, le film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013) de Pedro Almodóvar, la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), etc. Par exemple, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), Charlène Duval évoque une aventure qu’elle a entretenue avec un torero. Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, un des « ex » du personnage homosexuel de Francis, est Paco, un torero de Séville. Dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Ben, l’amant de Michael, est comparé à un taureau (p. 21). Dans le sketch « Fabienne et Steph » des Petites Annonces d’Élie Sémoun et Franck Dubosc, l’une des deux lesbiennes (la plus butch) porte un tee-shirt avec une tête de taureau dessus. Dans le roman Le Joueur d’échecs (2007) de Stefan Zweig, Czentovic est associé à un taureau. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, pendant un mariage, la mère de Clara, l’héroïne lesbienne, chante son amour des picadors et des toréadors. Dans le roman Alabama Song (2007) de Gilles Leroy, Scott, le héros homosexuel, est fasciné par Lewis, ce jeune « cadet si viril qui parle fort, écrit et boit sec, aime les corridas – ou les matadors, ou leurs couilles – et raconte sa participation à des conflits » auxquels Zelda, la femme de Scott, ne croit pas une seconde.

 

« À l’occasion d’une colonie de vacances, il rejoigna au péril de son quatre heures le front républicain contre la tauromachie, dont il devenait un adversaire acharné jusqu’à ce qu’il obtena les oreilles et la queue d’un matador. » (Essobal Lenoir parlant de lui à la troisième personne du singulier, dans sa nouvelle « Une Vie de lutte » (2010), p. 169) ; « Pour toi, je suis devenu un petit taureau. » (Fefe à son amant Pietrino dans le film « Toto Che Visse Duo Volte », « Toto qui vécut deux fois »(1998), de Daniele Cipri et Francesco Maresto) ; « Tes abdos pour ne pas oublier que t’es un taureau… » (Chloé s’adressant à Martin, le héros soupçonné d’être gay, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Le garçon mugissait, écartelait sa croupe sur mon lutrin et contactait par intervalles cet étau de chair qui broya ma tête, au point que ce fut un centaure qui se releva et trotta vers le palier supérieur. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 110) ; « On n’agite pas un chiffon rouge devant un taureau enragé ! » (Guen, le héros homosexuel, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; « Je veux redevenir taureau. » (Jerry travesti en Daphnée, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder); etc.

 

La résurgence de la corrida (pourtant mentionnée par des auteurs homosexuels qui veulent défendre la beauté de l’amour homosexuel : vrai paradoxe…) illustre le « rituel de la cruauté » instauré par une certaine drague homosexuelle : « Tu t’es retourné et m’as jeté un dernier regard, comme le matador avant de quitter l’arène qui regarde une dernière fois le taureau qu’il vient de terrasser, pour être certain qu’il est bien en train d’agoniser. Ne t’inquiète pas, je suis ce taureau, je suis dans le même état. Tu n’as pas raté ta cible. Tes paroles et tes gestes méprisants me transpercent toujours le cœur. Comme ce taureau, je vis mes derniers instants, je ne m’en relèverai pas. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pp. 306-307) ; « Mon lit est une arène. » (Mercedes, la nymphomane de la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet) ; « Je veux te voir […]rentrer dans son ventre, oh matador ! » (cf. la chanson « Je voudrais la connaître » de Patricia Kaas) ; « Dans un duel amour à mort, je serai le matador. » (cf. la chanson « Une Femme blessée » des L5) ; « Tous les matins, c’est la même corrida. Lever la tête, ouvrir les bras. » (cf. la chanson « C’est la vie » de Marc Lavoine) ; « Trop c’est trop. Il avance vers elle comme un torero. » (cf. la chanson « Emmène-moi vers les étoiles » de la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Dans la corrida qui m’oppose à toi, le taureau n’est pas celui que l’on croit. Dans la corrida qui te livre à moi, le taureau se cache sous ta peau de vache. » (cf. la chanson « La Corrida » du Teenager dans la comédie musicale La Légende de Jimmy (1992) de Michel Berger) ; « On dirait un ballet. Chacun se dérobe et puis revient. On se frôle. On repart. L’un plante une banderille. La muleta exécute une véronique. Olé ! Il faut maintenant porter l’estocade, lâcher la cape et brandir l’épée. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 116) ; etc.

 

Film "La meilleure façon de marcher" de Claude Miller

Film « La meilleure façon de marcher » de Claude Miller

 

Le couple homosexuel fictionnel s’annonce donc comme une dangereuse danse de courtisans, une corrida amoureuse fatale : cf. la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia (entre Didier et Bernard), la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (avec la scène SM entre Álvaro et son amant transsexuel M to F Octavia/Roberto), la chanson « Tango » de Nicolas Bacchus, le roman Tengo Miedo Torero (2002) de Pedro Lemebel, la chanson « Duel au soleil » d’Étienne Daho, le vidéo-clip de la chanson « Take A Bow » de Madonna, la pièce La Ménagerie de verre (1944) de Tennessee Williams (avec le taureau furieux), etc. Par exemple, dans le film « La Meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller, Philippe, le héros homosexuel condense à la fois la figure du toréador (au cours du bal masqué final, il se travestit en Carmen jalouse) et celle du taureau (il plante un couteau dans la cuisse de Marc, déguisé en toréador). Dans le vidéo-clip très marquant de sa chanson « Sans logique », Mylène Farmer déguisée en taureau embroche son amant-toréro efféminé. Dans le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, Maria tue ses amants à la manière d’un toréador. Dans le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, Matthieu joue au toréador avec Jan, son amant.
 

Vidéo-clip de la chanson "Sans logique" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer

 

Les cornes du taureau (ou bien sa queue et son sexe), ainsi que le sabre planté en lui par le picador, sont des symboles phalliques très employés dans la fantasmagorie homosexuelle : cf. le vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer, le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar (avec, au début du film, la juxtaposition entre un coït amoureux humain et un cours de corrida), le film « Pink Narcissus » (1971) de James Bidgood, etc.

 

Film "Pink Narcissus" de James Bidgood

Film « Pink Narcissus » de James Bidgood

 

Le taureau symbolise la puissance génitale (certains disent bien « bander comme un taureau » !), et donc le fantasme de viol : « Mes sœurs salopes, prenez le taureau par les couilles ! » (cf. le conseil final de Gwendoline, la lycéenne travestie M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Les vaches se déplacent à la recherche de semence de taureau qui manque sur la Voie Lactée. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Alors, depuis : scronch, scronch ; tchouk, tchouk, tous les samedis soir, ni vue ni connue au milieu des taureaux qu’elle ignore de toute la morgue de son ruminant ministère. » (cf. la nouvelle « Margot, histoire vache » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 119-120) ; « Il puait l’homme comme les hommes peuvent puer. Il me prenait comme le taureau prend une vache. […] Les hommes sont tellement bêtes. » (Petra, l’héroïne lesbienne parlant de son ex-mari Franck, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Je viens de faire des politesses à un taureau… [la honte…] » (Guillaume, un peu troublé, dans la pièce En panne d’excuses (2014) de Jonathan Dos Santos) ; « Par le taureau qui me racheta, suis-je oui ou non le Maître de la Jungle ? » (Mowgli dans le roman Le Livre de la Jungle (1894) de Rudyard Kipling) ; etc. Par exemple, dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine suspecte Mgr Lanu, le curé, d’homosexualité : « »

 

Film "Hable Con Ella" de Pedro Almodóvar

Film « Hable Con Ella » de Pedro Almodóvar

 

Le taureau renvoie aussi à la figure paternelle érotisée, ainsi qu’au parricide par la mère/la femme lesbienne. « Elle décida, sans rien en dire à personne, d’acheter dans le sud de la France une propriété où l’on élevait des taureaux. […]Le souhait caché de cette marquise était de pratiquer la même chose sur un homme. » (une marquise lesbienne officiellement « attirée par la castration », dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 211-212) Je vous renvoie à la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir (avec le père et « ses épaisses moustaches en forme de cornes de taureau », p. 29), au tableau Taureau ascendant balance (2007) d’Orion Delain, etc.

 
 

Kavanagh – « Papa, j’suis homo !!!

Son père – Eh bien moi, j’suis taureau et ta mère est balance ! »

(cf. le one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out (2010) d’Anthony Kavanagh)
 

 

Thésée et le Minotaure

Thésée et le Minotaure

 

En lien avec l’amant-torero ou l’amant-taureau, il est parfois fait référence au mythe paternel et incestueux du Minotaure, cet être mi-humain mi-taureau enfermé dans le labyrinthe où Thésée est perdu : cf. la chanson « Minotaure » de Niagara, la couverture du recueil de nouvelles Le Mariage de Bertrand (2010) d’Essobal Lenoir (avec le Minotaure homosexualisé), le recueil de poèmes Octavie ou la deuxième mort du Minotaure (1985) de Geneviève Pastre, la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Johnny Minotaur » (1971) de Charles-Henri Ford, le tableau Minotaures (1999) de Philippe Barnier, le tableau Thésée et Minotaure (1991) de Charles-Louis La Salle, etc. « Moloch me pénétra. » (la voix poétique parlant d’un Minotaure, dans le poème « The Howl » (1956) d’Allen Ginsberg). Par exemple, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Jonathan dit qu’il se trouve enfermé dans sa relation de couple avec Matthieu « comme dans un labyrinthe ». Dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas, Maryline, l’héroïne bisexuelle, décrit Gérard son mari violent et qui l’a violée comme « une espèce de créature mythologique mi-homme mi-taureau ».

 

Sculpture du Minotaure

Sculpture du Minotaure


 
 

c) En rouge et noir :

En écho lointain à la passion amoureuse destructrice que figure le corps à corps entre le torero et le taureau (d’aucun se serviraient de la béquille artistique de l’alliance entre Éros et Thanatos, ou entre l’Amour et la mort, pour l’interpréter), on retrouve énormément le cliché romantique stendhalien du rouge et du noir dans la fantasmagorie homosexuelle. « L’encre sur le papier si blanc. Je la vois rouge. Je sais qu’elle est noire mais je la vois rouge. Ce rouge, tout ce rouge, c’est un peu de mon sang, on dirait. Sang d’encre. Se demander pourquoi l’expression signifie si couramment la noirceur. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 11)

 

Un grand nombre de héros homosexuels, ou leur(s) compagnon(s), sont habillés en rouge et noir, ou parle de ce duo de couleurs. Cela rajoute un zeste de mystère sulfureux à leur personnage : cf. la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec le très homosexuel Baron Osvald Lovejoy), la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi, la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le film « Belly Dancer » (2009) de Pascal Lièvre, le film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton (avec le personnage homosexuel d’Otho), la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos (avec le personnage homo de François), la comédie musicale Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec le personnage bisexuel de Jean-Paul), le film « Morrer Como Um Homem » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues (avec le personnage de Tonia), la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias (avec les personnages inquiétants du Coryphée et de « la Téré »), le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, la pièce La Rose tatouée (1950) de Tennessee Williams, le roman La Rose noire (1950) de Tyrone Power, l’album Le Noir et le Rose (1983) de Jean Guidoni, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le roman L’Ombre ardente (1897) de Jean Lorrain, le film « Rojo Y Negro » (1942) de Carlos Arévalo, le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, le film « La Couleur pourpre » (1985) de Steven Spielberg, la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, la chanson « En rouge et noir » de Jeanne Mas, la série Orange Is The New Black (2013) de Jenji Kohan, le film « Fresa Y Chocolate » (« Fraise et Chocolat », 1993) de Tomás Gutiérrez Alea et Jual Carlos Tabio, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon (surtout avec les personnages de Chanel et Pierrette), le film « Le Jupon rouge » (1987) de Geneviève Lefebvre, le film « L’Auberge espagnole » (2002) de Cédric Klapisch, le film « Rouge » (1988) de Stanley Kwan, l’affiche du film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de Pedro Almodóvar, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec le binôme Salomé/Élisabeth), le film « Gone With The Wind » (« Autant en emporte le vent », 1939) de Victor Flemming, la pièce Une Rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le one-man-show Élie Kakou au Point Virgule (1992) d’Élie Kakou en curé-prof de lettres enseignant Le Rouge et le Noir de Stendhal, le film « Nuits rouges de Harlem » (1971) de Gordon Parks, le film « House Of The Black Rose » (1969) de Kinji Fukasaku, la photo En Rouge et Noir (1979) d’Orion Delain, la pièce Juste la fin du monde (1999) de Jean-Luc Lagarce, la chanson « La Femme-chocolat » d’Olivia Ruiz, la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec Jean-Paul, le héros homo), le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec un enlacement lesbien entre une femme en burka noire et une autre en rouge), etc. Par exemple, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Arlette est « habillée d’un fourreau de percale noire et d’un boa rouge » (p. 102). Dans le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe, Peyrac, le flic qui va s’homosexualiser au fur et à mesure de l’histoire, se vêt en rouge et noir. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara et Sonia, les deux futures amantes, sont habillées pareil et avec les mêmes couleurs : rouge et noir.

 

La combinaison chromatique rouge/noir est bien évidemment un code classique de la féminité fatale, ou du machisme diabolique : il symbolise la passion androgynique expulsant/vénérant excessivement la différence des sexes (cf. Je vous renvoie aux codes « Carmen », « Se prendre pour le diable » et « Femme-Araignée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Regardez ma robe ! Vous m’avez tachée de sang ! En plus, je vous ai dit du noir. » (Evita s’adressant à l’infirmière, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « L’hortensia avait poussé à la diable, le sol était trop humide pour y ramper. Je n’aurais pu m’asseoir en dessous, même si je l’avais voulu. D’ailleurs, j’étais beaucoup plus grosse qu’à l’époque. Je suis pourtant restée longtemps accroupie, les paumes appuyées contre le sol humide, les ongles enfoncés dans la terre. Je me suis finalement relevée et, tandis que je retournais chez Esti [l’amante cachée de Ronit] et Dovid [le mari d’Esti] , je tentais de gratter la ligne de terre emprisonnée sous mes ongles. Et plus je grattais, plus elle s’enfonçait, le noir s’incrustait dans le rouge. » (Ronit, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 212-213) ; « Je porte le slip de Khalid. J’ai mis du rouge à lèvres. Je suis Omar. Je ne suis ni garçon ni fille. […]Mes lèvres sont rouges. Dieu les aime-t-il comme ça ? Mes yeux sont rouges. Sont-ils des amis de Satan ? Mon sexe est rouge. Il fait froid. Il n’est plus à moi. […]Je suis prêt. Assis en plein milieu de la chaussée. Sur le goudron noir. » (Omar, le héros homosexuel parlant de son amant Khalid qu’il vient d’assassiner, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 179) ; « Le rouge, le noir… le blues, l’espoir, noir ! » (c la chanson « Double Je » de Christophe Willem) ; « Voici la vive couleur de son sang ! Pas d’hydropisie ni de jaunisse en lui, mais la fraîcheur d’un rouge écarlate, auquel se mêle toute la brume de cette nuit obscure et meurtrière. » (Garnet Montrose, le héros homosexuel du roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 159) ; « Je n’aime pas les roses noires. » (Jules, le héros homosexuel de la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Mon cœur est si noir qu’il est pourpre. » (Romeo s’adressant à son amant Johnny, dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer) ; « Dans un jardin de roses noires résiste ma peau. » (cf. la chanson « Madre Amadísima » de Haze et Gala Evora) ; « Rouge, noir, rouge, noir. C’est pas possible… On est tombé sur la machine de Jeanne Mas ! » (Damien découvrant un soutien-gorge et une culotte féminine oublié dans une machine à laver de la laverie, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; etc. Par exemple, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, Alba et Yolanda, les deux femmes lesbiennes indépendantes qui jettent les hommes dont elles ont été jadis amoureuses, portent des œillets rouges dans les cheveux et sont habillées en rouge et noir.

 

La combinaison des deux couleurs rouge et noir, que le héros homosexuel présente parfois comme une opposition chromatique, peut renvoyer aussi à un sentiment d’homophobie, ou à un viol réellement vécu par lui : « Aujourd’hui, je suis un rose parmi les bruns. On ne peut pas mélanger le rose parmi les bruns. » (Jean-Marc, le héros homosexuel de la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Anna portait encore son manteau rouge mais ses talons hauts avaient laissé la place à une paire d’escarpins noirs bien sages. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 29) ; « Le couteau tremblait dans les mains de Jane. Mann agrippait sa cuisse au-dessus de la blessure. Il portait un pantalon noir mais celui-ci devait être trempé de sang car autour de lui, le sol était tout rouge. » (idem, p. 234) ; etc.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) L’importance de la tauromachie dans le monde homosexuel réel :

CORRIDA Tapette

 

L’homosexualité de certains toreros est de notoriété publique : pensons par exemple à Jesulín de Ubrique, José Ortega Cano, Francisco Rivera Ordoñez («Paquirri »), César Lácar, etc. D’ailleurs, l’habit de lumière du matador, même s’il sert le folklore d’un « sport » particulièrement machiste et réservé à la gent masculine, est esthétiquement très androgyne. L’efféminement des toreros ressort dans l’iconographie traditionnelle romantique et néo-baroque : cf. les tableaux d’Ignacio Zuloaga, le tableau Le Toréador (1985) de Pierre et Gilles, le tableau Torero hallucinogène (1969-1970) de Salvador Dalí, les dessins de Paul Boulitreau, le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud (avec Barbara, la femme cornue déguisée en taureau), etc. Et il fait partie des blagues courues du « milieu ».
 

Rudolph Valentino et Pola Negri

Rudolph Valentino et Pola Negri

 

Un certain nombre de personnes homosexuelles s’intéressent à la corrida : Federico García Lorca, Pedro Almodóvar, Jean-Michel Othoniel, Michel Leiris, Jean Cocteau (avec notamment un texte dans Mon Premier Voyage, 1936), Francis Bacon, Bernard Rapp, Henri de Montherlant, Álvaro Retana, Èjzenštejn, Santi Vila, etc. « C’est un beau garçon, d’une trentaine d’années, passionné par les taureaux. » (Ricardo Berdejo Arigo parlant de son amant, dans une lettre datant de novembre 1928) ; « Durant le trajet, Miranda nous a expliqué que le Syndicat international des nains s’était dernièrement occupé de démonter un réseau d’exploitation de créatures de petite taille, qui sévissait en Espagne et dans le sud de la France. L’imprésario impliqué était espagnol. Il organisait des corridas avec des nains toreros. Il avait des contacts dans divers pays d’Europe et d’Amérique latine. Le réseau accueillait les enfants nains des familles pauvres. Cet imprésario les formait à l’art de la tauromachie. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 299)

 

James Dean, notamment, aimait se déguiser en torero, et il n’était pas rare de le voir traîner, une muleta négligemment posée sur l’épaule, dans les bars d’Hollywood Boulevard ; il se faisait appeler « Drugstore Matador ». Quelques individus homosexuels sont même sortis avec les maîtres de la tauromachie : « C’est vers l’Espagnol viril, le légendaire torero que se tourne son désir : le beau Raphaël Rodriguez Rapyz, de 14 ans son cadet, sera son amour le plus fort. » (Michel Larivière parlant du poète espagnol Federico García Lorca, dans son Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 154) Par exemple, le transformiste Modesto Mangas avoue avoir été l’amant secret d’aristocrates et de toreros célèbres.

 

 

b) Corrida amoureuse :

Vous vous douterez bien que le rapprochement entre le monde homosexuel et la tauromachie n’a pas de quoi nous rassurer quant à la nature même du désir homosexuel, qui est un élan plus incontrôlable, emprisonnant, refoulé (et donc homophobe) que libre et aimant : « L’homosexualité et la masturbation proviennent en partie des conditions de la captivité. […]On retrouve les mêmes réactions chez les bêtes à cornes parquées (béliers ou taureaux). » (Paul Guillaume, La Psychologie des singes (1942), cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 274). Quand Berthrand Nguyen Matoko, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), raconte son entrée dans le milieu prostitutif homosexuel, il choisit de devenir un électron libre lancé aveuglément dans une arène : « Je m’engageais comme un taureau que rien ne peut retenir dans sa course. » (p. 100)
 

CORRIDA Dans le mille

 

La présence de la corrida dans la vie des personnes homosexuelles ne nous apaisera pas davantage concernant leurs amours. Certaines projettent sur la corrida leurs propres tourments/déboires sentimentaux, ou bien envisagent la relation amoureuse avec leur compagnon comme un combat à mort : « Il faisait l’amour avec un mélange d’innocence et de fougue que je l’avais surnommé ‘mon petit taureau’. » (Denis Daniel, Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 81) ; « N’en pouvant plus d’attendre une lettre de lui, j’avais décidé d’aller me distraire aux courses de taureaux. La bête qu’on tue, c’est moi. » (Jacques Laval, Les Degrés du cœur (1985), p. 110) ; « Sert [le peintre] pense que je suis bête, et je pense qu’il est bête. Je le giflerai le premier, car je sens de l’amour pour lui. Sert m’abattra si je le gifle. Sert a du sang espagnol. Les Espagnols aiment le sang du taureau, c’est pourquoi ils aiment les assassinats. Les Espagnols sont des gens affreux, car ils commettent des assassinats de taureaux. L’Église, le pape en tête, ne peut pas arrêter le taureaucide. Les Espagnols croient que le taureau est un fauve. Le toréador pleure avant l’assassinat du taureau. On paie beaucoup le toréador, mais il n’aime pas cette activité. Je connais beaucoup de toréadors à qui le taureau a décousu le ventre. J’ai dit que je n’aimais pas le massacre des taureaux, alors on ne m’a pas compris. Diaghilev [l’ancien amant de Nijinski] disait à Massine que la corrida était un art magnifique. Je sais que Diaghilev et Massine diront que je suis fou et qu’on ne peut pas m’en vouloir, car Diaghilev recourt toujours à cette astuce intellectuelle. Lloyd George fait la même chose avec les hommes politiques. C’est un Diaghilev, car il pense qu’on ne le comprend pas. Je les comprends tous les deux, c’est pourquoi je les défie en combat, un combat de taureaux et pas de beuglements. Je beugle mais je ne suis pas un taureau. Je beugle, mais le taureau tué ne beugle pas. Je suis Dieu et Taureau. » (Vaslav Nijinski, Cahiers (1919), pp. 74-75) ; « Il avait une trentaine d’années. […]Son tee-shirt arborait une tête de loup à la gueule immense. En repensant à ce tee-shirt il me semble hideux et vulgaire. Mais ce soir-là il m’impressionnait énormément. Son souffle était celui d’un bœuf, puissant, odorant (l’odeur du pastis), et je le sentais dans ma nuque. » (Eddy Bellegueule face à un homme qui l’attire et le drague dans les méandres du labyrinthe humain d’une discothèque, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 177) ; etc.

 

CORRIDA Event

 

L’allusion au taureau peut symboliser chez l’individu homosexuel l’ambiguïté sexuelle androgynique, une bisexualité asexualisée. Par exemple, dans la mise en scène (2010) d’Adrien Utchanah de la pièce La Pyramide (1975) de Copi, le vendeur d’eau, déguisé en moitié-homme moitié-femme, porte un casque avec une corne de taureau.
 
 

c) En rouge et noir :

CORRIDA Dégâts

 

Le rouge et le noir sont des couleurs qui font partie du langage que certains intellectuels homos actuels emploient pour parler de la communauté LGBT. En premier lieu, on pensera bien évidemment à l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel. Mais également à l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot. Dans son autobiographie Flamand noir (2004), Bertrand N’Guyen Matoko raconte qu’il a été dès sa naissance baptisé comme un flamant rose qui finalement deviendra, dans sa maturité d’adulte, noir.
 

Mais il y a autre chose : la mise en scène des représentations publiques de l’homosexualité tourne très souvent autour du rouge et du noir. Par exemple, je me suis rendu au spectacle très gay Rouge et noir interprété par So Show ! à la « Soirée Années 80 » organisée au Réservoir à Paris, le 3 mars 2010. Pour son one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009), Samuel Ganes choisit de se mettre en scène tout de rouge et de noir vêtu. La pièce musicale Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander adopte également une ambiance « drap rouge sur piano noir ». Je pense à la tenue des comédiens-chanteurs du spectacle musical Une Étoile et moi à la « Soirée Judy Garland » organisée au Palace, à Paris, le 22 juin 2009. Il y en a même qui vont jusqu’à soutenir, comme Michel Larivière dans son Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), que Stendhal, l’auteur du fameux Rouge et le Noir (1830), était homosexuel (p. 25) ! « On passait des heures devant les agneaux à deux têtes. Il était bouleversé. Nous étions en plein syndrome de Stendhal. Ivres de beauté. Il voulait vivre là. À côté. Et moi j’étais là, sans savoir quoi faire. C’est dans un musée que j’ai senti que mon fils était un homme. » (la voix-off de la mère de Bertrand, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) Quoi qu’il en soit, le symbolisme des couleurs rouge et noir renvoie à l’association amour/mort, et peut être un clin d’œil à la corrida, au cinéma, et au théâtre, tous ce espaces rouges et noirs dans lesquels la violence est rejouée… et parfois actualisée.

 
 

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Code n°38 – Couple criminel

couple criminel

Couple criminel

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Associés amoureusement pour le crime

 

Photo de Pierre et Gilles

Photo « Les Pistolets » de Pierre et Gilles


 

Certains ne voudraient voir dans le couple homo qu’amour, petits cœurs, convivialité, et normalité. C’est mal connaître les couples homosexuels fictionnels, davantage réunis pour le sexe pur et dur et dans le crime (… et le camouflage de ce crime) que pour une noble cause. Les duos homosexuels braqueurs de banque, organisateurs de hold-up, malfrats recherchés par la police tels des nouveaux Bonnie & Clyde, meurtriers machiavéliques complotant contre ceux qui empêcheraient leur amour, tueurs de bébés et de personnes âgées, sont légion dans les œuvres homosexuelles, et disent quelque chose de la force de la médisance et de destruction que certains couples homos réels déploient envers eux-mêmes et leur société.

 

En effet, les unions homosexuelles ne se contentent pas de se faire du mal en interne. Le rejet de la différence des sexes en leur sein a forcément des implications concrètes dans leur rapport aux autres, aux enfants, aux femmes et aux hommes. La différence des sexes concerne et permet toute vie sociale humaine. Le rejet, en amour, de la différence des sexes, aussi. Et comme le rejet de la différence des sexes équivaut au rejet de toute vie humaine, le couple homo en tant que pratique aboutit systématiquement, à plus ou moins long terme, à des violences que le fait de les faire à deux et amoureusement atténuera dans l’esprit des amants homosexuels.

 

Film "Les Diaboliques" d'Henri-Georges Clouzot

Film « Les Diaboliques » d’Henri-Georges Clouzot


 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Voleurs », « Amant diabolique », « Doubles schizophréniques », « Homosexualité noire et glorieuse », « Mort = Épouse », « Liaisons dangereuses », « Reine », « Solitude », « Adeptes des pratiques SM », « Témoin silencieux d’un crime », « Défense du tyran », « Homosexuel homophobe », « Homosexuels psychorigides », « Super-héros », « Violeur homosexuel », « Symboles phalliques », « Parricide la bonne soupe », « Tout », « Voyage », et à la partie « Cowboy » du code « Don Juan », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

Film "La Corde" d'Alfred Hitchcock

Film « La Corde » d’Alfred Hitchcock


 

Le couple homosexuel fictionnel s’unit très souvent dans le crime : cf. le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1942) de Luchino Visconti, le film « PuPu No Monogatari » (1998) de Kensaku Watanabe, les films « La Corde » (1948) et « L’Inconnu du Nord-Express » (1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Guns 1748 » (1999) de Jake Scott, le film « Switchblade Sisters » (1975) de Jack Hill, le film « Frisk » (1995) de Todd Verow, le film « Jeff » (1968) de Jean Herman, le film « Reptile » (1970) de Joseph Mankiewicz, le film « The Maids » (1975) de Christopher Miles, le film « Les Abysses » (1962) de Nico Papatakis, le film « Piège mortel » (1982) de Sidney Lumet, le film « Friends And Family » (2001) de Kristen Coury, le film « Association criminelle » (1955) de Joseph H. Lewis, le film « Cent mille dollars au soleil » (1963) d’Henri Verneuil, le film « Swoon » (1992) de Tom Kalin, le film « J’ai pas sommeil » (1993) de Claire Denis, le film « Vies brûlées » (2000) de Marcelo Piñeyro, le film « Les Diaboliques » (1954) d’Henri Georges Clouzot, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, le film « Thelma et Louise » (1991) de Ridley Scott, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie (avec le meurtre parricide), les films « Swimming Pool » (2002) et « Amants criminels » (1998) de François Ozon, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann (avec Vincent et Max), le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Appointment With Crime » (1946) de John Harlow, le film « Diabolique » (1995) de Jeremiah Chechick, le film « Le Génie du mal » (1959) de Richard Fleischer, le film « Week-end pour Helena » (1970) de Julio Diamante, le film « Tueurs fous » (1972) de Boris Szulzinger, le film « La Sentinelle des maudits » (1977) de Michael Winner, le film « By Hook Or By Crook » (2001) d’Harry Dodge et Silas Howard, le film « Fun » (1994) de Rafal Zielinski, le film « O Corpo » (1991) de José Antonio García, le film « Butterfly Kiss » (1995) de Michael Winterbottom, le film « Les Blessures assassines » (1999) de Jean-Pierre Denis, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie (avec Steve et Rémi), la pièce Les Bonnes (1947) de Jean Genet, le vidéo-clip de la chanson « Addicted To Love » d’Avicii (avec le couples de lesbiennes-gangsters), le vidéo-clip de la chanson « California » de Mylène Farmer (avec les jumelles tueuses), le film « Baise-moi » (2000) de Virginie Despentes, le film « The Living End » (1992) de Gregg Araki, le film « La Cérémonie » (1995) de Claude Chabrol (avec Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert en meurtrières d’une famille de bourgeois), le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa (avec Omar et Khalid planifiant la mort du second), le film « Dérive » (1983) d’Amos Guttman (avec Ilan et son amant), le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa (avec Steven et Phillip, les amants-gangsters), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le film « Dinero Fácil » (« Argent facile », 2010) de Carlos Montero Castiñera, le film « Una Noche » (2012) de Lucy Molloy (avec Elio et Raul, recherchés par la police), le film « Benzina » (« Gazoline », 2001) de Monica Stambrini (avec le couple lesbien enchaînant les meurtres), le film « Dirty Love » (2009) de Michael Tringe, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, le film « Priscilla, folle du désert » (1992) de Stephan Elliott, le film « Tan De Repente » (2002) de Diego Lerman, le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian clavier (avec le vol d’enfant dans un orphelinat), le film « La Virgen De Los Sicarios » (« La Vierge des tueurs », 2000) de Barbet Schroeder, le vidéo-clip de la chanson « All About Us » de Tatu, la chanson « Beautiful Killer » de Madonna, le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani (avec le voyage vers Kojoor en taxi entre Adineh l’héroïne transsexuelle F to M voleuse et Rana la femme mariée), le vidéo-clip de la chanson « Addicted to you » d’Avicii, etc.

 

 

Le couple homo meurtrier est d’abord une rumeur (de pédophilie, de trafic de drogues, de libertinage, d’assassinat, etc.) : « Je parie que toi et Peggy, vous faites des trucs aux gosses… » (Santiago s’adressant à Doris la lesbienne et sa compagne, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « Je crois que vous êtes malades toutes les deux. » (Nina l’héroïne lesbienne se faisant manipuler par le couple lesbien Vera/Lola, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Un gay, c’est ennuyeux. Deux, c’est un appel au meurtre. » (Eytan, un des élèves gays du lycée, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

Mais bien souvent, la rumeur est avérée. Par exemple, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1990) de Copi, Mime et Fifi, deux travelos clochards, étranglent un pédé dans une vespasienne. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Ody et son frère Dany rentrent avec un flingue dans une villa bourgeoise pour y semer la terreur. Dans le film « Drool » (2008) de Nancy Kissam, le mari est tué par le couple de lesbiennes. Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, pour une question d’argent, les deux lesbiennes Lucie et Léonore collaborent en cachant une escroquerie dans le milieu artistique. Dans le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao, Rhennan est témoin de la mort accidentelle de Pia, tuée par Nilo. Dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green, les vols et les crimes du père, Enrique, font miroir à la transsexualité de son fils M to F Michael. Dans le film « Notre Paradis » (2011) de Gaël Morel, Vassili, ancien escort boy sur le retour, et son jeune amant Angelo, jeune prostitué, s’aime et se servent l’un de l’autre comme appât pour agresser des vieux. C’est exactement le même fonctionnement de « couple » qu’on observe entre Henri et Jean dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau : les deux amants vivent leur idylle sous forme de vengeance et de règlement de comptes. Dans le roman La Douceur (1999) de Christophe Honoré, Steven a 11 ans lorsque, envoûté par Jeremy, un des camarades de colonie de vacances, il se laisse entraîner dans la complicité d’un crime d’une barbarie insoutenable sur un autre enfant du camp. Dans le film « Joe + Belle » (2011) de Veronica Kedar, c’est l’escapade israélienne de deux amantes cherchant à échapper à la police et à se débarrasser d’un corps. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Peggy et Doris la lesbienne tuent le vieux Douglas à coups de marteau : « Mais qu’est-ce que j’ai fait ?!? Je l’ai tué !!! » s’écrit Peggy. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le « couple » des deux mamies Stella/Dotty prend la fuite de la maison de la retraite pour se marier clandestinement, en toute liberté. Dans le film « Monster » (2003) de Patty Jenkins, les amantes lesbiennes Selby et Aileen tuent des hommes pour se venger des violences qu’ils leur ont fait subir. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, raconte comment il est sorti avec un certain Fabrice, un « escroc qui l’a ruiné après lui avoir fait vivre une vie de « princesse » : « Il s’est tiré avec la caisse. Plus rien. Une princesse déchue. » Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, fait équipe avec sa mère, pour chiper dans les magasins, agresser les autres, fumer ensemble, faire des conneries : « On va faire équipe, nous deux. » (Steve s’adressant à sa mère) Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie et Ruth maquillent le meurtre du mari de la seconde, Bennett. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel joue aux Cours Florent le rôle de Lorenzaccio tuant son amant Alexandre. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, les deux amantes lesbiennes, Marilyn et Mona, fuient ensemble l’homicide involontaire que Mona a commis sur sa belle-mère. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol et Thérèse partent en vadrouille, Carol avec un flingue dans son sac.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas et Nathan forment un couple dangereux. Nathan empoisonne ses clopes pour rendre malade un de ses camarades de classe homophobe. Et il flirte tellement avec le danger qu’il s’embarque dans une voiture d’un prédateur sexuel à la sortie d’une boîte, et personne ne le reverra plus jamais. À l’âge adulte, Jonas, pourtant le garçon sage à l’adolescence, est devenu un vrai junkie : il est amené au poste de police pour avoir déclenché une baston dans un club gay, The Boys. Il pénètre dans un hôtel de luxe, L’Arthémis, et le standardiste, Léonard, le prend pour un faux doux, un criminel armé, et préfère lui fouiller son sac : « Je sais pas. Je vérifie que t’aies pas d’arme, de couteau. J’en sais rien. Si je reviens et que tout le monde est mort, et que t’as buté tout le monde, on fait comment ? » Il enfreint toutes les règles et fume dans sa chambre d’hôtel. Les deux amants sont finalement devenus des bad boys au contact l’un de l’autre.
 

Les deux membres du couple homosexuel fictionnel semblent tirer de l’extériorisation criminelle de leur ennui « conjugal » une excitation, une jouissance quasi sexuelle qui les confortent dans l’idée qu’ils sont faits l’un pour l’autre, qu’ils constituent un duo de choc éternel, à la Bonnie & Clyde, qu’ils sont capables d’un grand sacrifice d’amour : « Nous avons été cruels et nous avons été splendides. » (Dorian Gray s’adressant à son amant Basile, suite à la mort de Sybil Vane qui s’est suicidée parce que Dorian l’a répudiée, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Et vous saurez d’emblée qu’il s’agit d’un roman policier, qu’il y a plusieurs crimes et deux coupables mais pas de police (je n’aime pas ça dans les romans policiers) donc, pas de châtiment. » (Copi, Le Bal des Folles (1977), p. 21) ; « Nous sommes unis comme un vieux couple. Pour le meilleur… après le pire. » (Lacenaire s’adressant à son acolyte Avril, associé dans le crime, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; « Mama, I’m in love with a criminal, and this type of love is irrational, is physical. » (cf. la chanson « Criminal » de Britney Spears) ; « Nous sommes des dieux, Scrotes, et ces deux jeunes hommes sont nos jouets. » (Anthony s’adressant à son amant, par rapport au jeune couple homo naissant Jim/Doyler, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « C’est un genre de Bonnie & Clyde version Clyde & Clyde… » (Georges, le policier parlant du « Gang des Fleuristes » cambrioleurs qui n’est autre que le couple d’amants formé par Bart et Hugo, dans l’épisode 272 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 20 août 2018) ; etc.

 

Film "Thelma et Louise" de Ridley Scott

Film « Thelma et Louise » de Ridley Scott

 

Et le pire, c’est que certains réalisateurs gays friendly ou homosexuels essaient de nous faire croire en la « beauté » du cynisme, du désespoir, de la folie meurtrière, de l’enchaînement tragique, de ce couple homosexuel uni dans la mort. Par exemple, dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Lucien et son amant Kyril (qu’il surnomme « mon poussin »), fomentent toute une entreprise de foutage de gueule autour de la fausse chanteuse Marguerite.

 

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Film "Benzina" de Monica Stambrini

Film « Benzina » de Monica Stambrini


 

L’expulsion, en amour et en sexualité, de la différence des sexes porte en germe une réelle violence à l’intérieur des « couples » homosexuels et à l’extérieur d’eux. L’acte homosexuel louvoie avec l’homophobie et un engrenage parfois criminel qui semble dépasser les sincérités des deux personnes qui se sont mises d’accord pour le poser. « J’y suis allé pour avoir du sexe avec les hommes. C’est la première chose que j’ai faite. Donc ce gars avec qui j’avais chatté un temps sur Internet était de Flint, dans le Michigan. C’est là-bas que j’ai perdu ma virginité. La capitale mondiale des assassinats, c’est de notoriété publique [rires] [. [ » (Dan, homme homosexuel, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check) Je vous renvoie par exemple à l’histoire vraie (qui a inspiré le film « Monster ») du « couple » lesbien Aileen Wuornos/Tyria Moore en 1987 aux États-Unis.

 


 

On retrouve quelques sombres affaires de crime dans lesquelles des amants homosexuels ont trempé. Par exemple, en 1924, le couple d’amants Nathan Leopold et Richard Loeb (qui inspira le film « La Corde » d’Alfred Hitchcock en 1948) assassina un jeune homme et justifia son crime par une théorie nietzschéenne sur l’Homme supérieur. En 1968, Ramón Novarro fut assassiné par deux frères (Bert et Daniel) qu’il connaissait déjà et qu’il avait payés pour venir chez lui avoir des relations sexuelles. En 1998, aux États-Unis, Aaron McKinney et Russell Henderson, les assassins de Matthew Shepard, prétendument « hétéros », se sont faits passer pour un « couple gay » dans les toilettes du bar Fireside auprès de Matthew, homosexuel déclaré, avant de l’embarquer dans leur camionnette pour le draguer et l’assassiner. Je pense également, en 2019, à ce crime passionnel entre amants dans le Val-de-Marne.

 

Ces faits divers pourraient être rangés dans le dossier des anecdotes, pourraient paraître isolés et peu représentatifs de l’ensemble des couples homosexuels qui, pour la plupart, n’aspirent à faire de mal à personne et ne sont pas impliqués dans des affaires de mœurs aussi grave. Mais je crois que ce code s’adresse précisément aux unions homos en apparence inoffensives, rangées, douces, fidèles, « intégrées » socialement, car même si « le couple homosexuel criminel » reste avant tout un cliché non-actualisé, il dit quelque chose de la violence et de la nuisance réelles qui se vivent dans tout « couple homo »… et cette violence ressurgit en agressivité, en infidélité, en prostitution, en vol, en humiliation, en militantisme agressif, en injures, en boulimie de « droits LGBT » et de lois qui pour le coup justifient des crimes réels. Ceci est d’autant plus vrai depuis l’approbation du « mariage pour tous » dans certains pays, car cette loi ouvre à la PMA (Procréation Médicalement Assistée) et la GPA (Gestation Pour Autrui), donc au tri d’embryons surnuméraires, au meurtre d’enfant ou de parents, à la création d’orphelins.

 

Par exemple, lors de sa conférence sur « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris le 7 décembre 2011, l’avocat Darren Rosenblum raconte comment lui et son copain ont obtenu une enfant par GPA. En l’écoutant, on dénotait dans son discours la culpabilité d’être objectivement dans l’illégalité. Ils habitent actuellement dans le Marais, mais gardent le secret sur la GPA : « J’ai un peu peur d’être maltraité par les gens au moment où je suis avec ma fille. » Ils sont peu fiers du crime symbolique et réel qu’ils ont opéré sur la mère de « leur » petite fille.

 

Des lois comme le PaCS (Union civile) ou « le mariage pour tous », par la justification de l’expulsion de la différence des sexes qu’elles imposent à l’ensemble d’une société, diffusent une inhumanité qu’il convient de prendre très au sérieux.

 
 
 

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Code n°40 – Cour des miracles homosexuelle (sous-code : Choeurs de tragédie grecque)

cour des

Cour des miracles homosexuelle

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La nostalgie d’une royauté bafouée

 

COUR DES MIRACLES Bossu

Film d’animation « Le Bossu de Notre-Dame » de Walt Disney


 

Un certain nombre de personnes homosexuelles s’intéressent à la Cour des miracles du Moyen-Âge. Cette étrange passion homosexuelle se fait passer pour un grand élan de solidarité (= éloge du multiculturalisme, de la pauvreté), de militantisme (= éloge de la marginalité « dérangeant » le « Système ») ou bien artistique (= éloge de l’originalité). En réalité, elle cache un grand orgueil (celui de se rêver Christ à la place du Christ, de vivre une royauté égocentrée… par manque d’amis véritables), un fantasme d’irréalité transgressive et de fantaisie festive qui finissent par montrer toute leur vanité et leur horreur une fois confrontées au Réel, une haine de soi (= homophobie) maquillée d’autosuffisance et de rire.

 

Nous aurions tort de nous fier aux apparences. Au vrai pauvre, bien des personnes homosexuelles lui préfèrent son icône – souffrante ou euphorique – et son absence. Elles le transforment en image folklorique. Le nécessiteux qu’elles bercent sur leur sein n’est autre que la « romanichelle de luxe » (Esméralda dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo), le vagabond sublimé des poètes maudits, le « bon sauvage » étranger, « la transfiguration d’un état de misère » pour reprendre les termes d’un de mes amis romancier homosexuel. Elles dépeignent une pègre qui, au lieu d’être constituée de vrais pauvres, se compose plutôt de cercles d’intellectuels libertins – donc un peu d’elles-mêmes ! – s’amusant à imiter, par moquerie ou/et générosité, les images d’Épinal de pauvres qu’ils se fabriquent dans leur imaginaire pour se donner bonne conscience. Elle sert de prétexte à l’exhibition carnavalesque et au déni de la pauvreté. C’est la raison pour laquelle les motifs du cirque, des fêtes foraines, du chœur de tragédie grecque, et des cours des miracles, reviennent excessivement souvent dans les œuvres homosexuelles. Vêtus de haillons, les faux mendiants homosexuels se donnent en spectacle, en entonnant la litanie de la honte de l’Occidental narrant son malheur face au soi-disant malheur planétaire apocalyptique. Ils se glissent subtilement dans la foule colorée et masquée qu’ils ont eux-mêmes créée pour s’élever en chefs. « En attendant d’être des rois, mes amis et moi sommes les acteurs d’une version de la folie des grandeurs, … sous une pluie de confettis » chante Arnold Turboust dans sa chanson « Mes amis et moi ». Intellectuellement, l’esthétique de la folie du SDF-bouffon donquichottesque séduit beaucoup les auteurs homosexuels bobos : pour eux, le délire « transgressif » est davantage vecteur de Vérité que la Vérité même. Elle est en réalité l’expression de leur propre homophobie/misanthropie/athéisme.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexualité noire et glorieuse », « Faux révolutionnaires », « Milieu homosexuel infernal », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Reine », « Folie », « Milieu psychiatrique », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Bobo », « Défense du tyran », « Homosexuels psychorigides », « Amour ambigu de l’étranger », « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre », « Cirque », « Magicien », « Mariée », « Doubles schizophréniques », « Grand-mère », « Drogues », « Quatuor », « Voleurs », « Homosexuel homophobe », « Méchant pauvre », « Prostitution », « Putain béatifiée », « Humour-poignard », « Voyante extralucide », à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et Masques », et à la partie « Nain » du code « Amant modèle photographique », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La cour des miracles, une rêverie :


 

Dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques apparaît une pègre, une foule carnavalesque grimaçante et ricanante, un groupe de personnages atypiques et difformes (nains, drogués, trans, travestis, prostituées, femmes déguisées en mariées, escort boys, personnages siamois, vieillards, géants, etc.) entourant le héros homosexuel : cf. le film « Die Unendliche Geschichte » (« L’Histoire sans fin », 1984) de Wolfgang Petersen (avec la cour de la jeune reine), le vidéo-clip de la chanson « Le Brasier » d’Étienne Daho, le vidéo-clip de la chanson « Substitute For Love » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Antes Que Anochezca » (« Avant la nuit », 2000) de Julián Schnabel, le concert de Mika à Paris Bercy le 26 avril 2010 (et surtout la chanson « Big Girl »), le film « Totò Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresco, le film « Mann Mit Bart » (« Bearded Man », 2010) de Maria Pavlidou, le film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, le film « Le Sang du Poète (1930) » de Jean Cocteau (entouré de gitans), le roman Joyeux animaux de la misère (2014) de Pierre Guyotat, le film « Splendori E Miserie Di Madame Royale » (« Madame Royale », 1970) de Ugo Tognazzi, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « Jugatsu » (1990) de Takeshi Kitano, la nouvelle L’Encre (2003) d’un ami homosexuel angevin (avec la Cité des Laiderons), le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, le film « Opera De Malandro » (1986) de Ruy Guerra, les films « Accattone » (1961), « Mamma Roma » (1962), et « La Ricotta » (1963) de Pier Paolo Pasolini, la pièce Quai Ouest (1985) de Patrice Chéreau, le roman Monsieur de Phocas (1901) de Jean Lorrain, la nouvelle « De La Melancolía De Las Perspectivas » (1983) d’Héctor Bianciotti (avec sa population bigarrée : des nains, des prostituées, des alcooliques, des mariées, etc.), le roman La Noche De Walpurgis (1910) d’Antonio de Hoyos (avec la cour des miracles de bourgeois homosexuels déguisés en pauvres), le film « A Rainha Diaba » (1975) de Antonio Carlos Fontoura, le film « Die Hure Und Der Hurensohn » (1982) de Dagmar Beiersdorf, le vidéo-clip de la chanson « Relax » du groupe Frankie Goes To Hollywood, le roman Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988) de Manuel Vázquez Montalbán, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot (avec les aborigènes et les trois drag-queen réunis autour d’un grand feu de joie), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand (décrivant à la fin la « faune » homosexuelle dans toute sa diversité), le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, le film « The Greatest Showman » (2017) de Michael Gracey, le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion (avec le chœur de pédales chantant « Alléluia »), etc. Par exemple, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Vincenzo est obsédé par le qu’en-dira-t-on à propos de l’homosexualité de son fils Antonio : dans les lieux publics, il est persuadé que tout le monde l’a identifiée et en rient sarcastiquement.

 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Se crée le mythe snobinard du « bonheur entre exclus » et de la « force jouissive » (jubilatooooire) de la transgression des codes sociaux : « Ici on est tous des frères dans la joie dans la misère… À la cour des miracles, mendiants et brigands dansent la même danse… » (cf. la chanson « À la cour des miracles » de la comédie musicale Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon) ; « Les vieux nobles qu’elle recevait étaient des amis de son père, aussi laids qu’elle. Le vieux comte des Asturies était couvert de verrues et le duc de Castille, son parrain, était bossu. » (Copi dans sa nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978), p. 12) ; « On est tous des imbéciles, on est bien très bien débiles. » (cf. la chanson « On est tous des imbéciles » de Mylène Farmer) ; « Son visage se tordit tandis qu’il regardait le labyrinthe de livres. Littérature ! Littérature – les Olympiades des nains de jardin ! Bavardage des déments ! Il fit un pas vers l’avant et renversa une étagère de livres par terre. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 176) ; « Goudron organisait tant de salons et de soirées fréquentées par des centaines de personnes ridicules de toutes sortes. Il les collectionnait, vous savez. Et il y avait nom pour chacune. Cette courtisane communiste, Madame Kortovsky était ‘Le Ballon rouge’ et Francœur, l’éditeur catholique, était ‘La Mante religieuse’. Picasso était ‘Le Minotaure’ et vous ‘Le Prince noir’. » (le pervers Comte Smokrev s’adressant à Pawel Tarnowski, au sujet de son mécène homosexuel Goudron, idem, p. 308) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, le couple Khalid/Omar se rend à Douar Dbada, qui est une sorte de cour des miracles : « Ils sont un peu dangereux là-bas. […] En plus des prostituées, il y a des maquereaux, les dealers de drogue… Les fous… Des assassins aussi… Les voleurs d’enfants… » (p. 125) Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, la cour des miracles entourant l’héroïne est composée de dandys efféminées, de femmes-à-barbe, d’hommes travestis en nonnes, de nains, de Noirs, de « copines » transgenres, etc.

 

Au départ, le héros homosexuel prétend trouver dans cette cour des miracles multiculturelle et marginale un refuge à la soi-disant intolérance sociale par rapport à son homosexualité, une famille qui reconnaît enfin sa royauté et la primauté de ses désirs identitaires/amoureux profonds : « Peut-être que ce qui fut jadis la Cour des Miracles saurait le guérir de sa peur, l’aider à s’affirmer auprès des siens. » (Ahmed en parlant du quartier gay du Marais, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 52) ; « Tout est permis au bal de Savoy. » (Madeleine, dans la comédie musicale Ball Im Savoy, Bal au Savoy (1932) de Paul Abraham) ; etc. Par exemple, dans la bande dessinée La Foire aux Immortels (1992) d’Enki Bilal, Jean-Ferdinand Choublanc, « Gouverneur de la Cité autonome de Paris » est manifestement homosexuel et a réuni une cour d’adhérents autour son parti dont tous sans exception très fortement maquillés. Et Choublanc s’adresse à ses maquilleurs en les appelant « les filles » et à son intendant en l’appelant « chéri », intendant avec lequel il partage son bain. Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, les deux compères Bill et Étienne sont décrits comme des « lutins farfelus et fantoches ». Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, suit un cortège carnavalesque mystique de squelettes mexicains masqués. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le petit monde de la nuit de la ville italienne de Catano s’anime autour de la prostitution : les prostitués, les travelos, les sosies de Mary Poppins ou Marilyn Monroe, les macs, les gigolos, le vieux disquaire muet, etc.

 

La particularité de cette cour des miracles homosexuelle, c’est qu’elle est souvent prise d’hilarité (comme les hyènes… juste avant ou après de frapper violemment) : « Je cours, je cours. Sans respirer. Puis je tombe. Des gens rient. […] Autour de lui [Hassan II], un souk. Beaucoup de femmes. […] Elles rient de moi. Cela les amuse : moi qui tombe et sur le point de pleurer. Elles rient longtemps sans vraiment me regarder. » (Khalid, le protagoniste homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 10) ; « Tout le monde a ri. Tout le monde. Tous ces gens avec qui j’ai grandi. […]  Le pire, c’est que je ne les ai même pas détestés. » (Pauline, l’héroïne lesbienne racontant un spectacle public où elle a été la risée des gens de son village parce qu’elle a joué le premier rôle et s’est travestie en homme, dans le film « Pauline » (2009) de Daphné Charbonneau) ; « Parfois je la voyais au milieu d’autres hommes habillés. Allongée sur le dos, les jambes en l’air, avec pour toute parure ses talons aiguilles. Il y avait là des profs de la fac, des laborantins en blouse du département de chimie, quelques-uns des garçons au rire gras avec qui j’avais déjeuné au RU. Ils ne la caressaient pas. Ils se contentaient de la regarder, de la montrer du doigt et de rire. Et elle riait avec eux, dans cette posture humiliante. Dans d’autres rêves, elle se moquait de moi avec sa copine, pendant les cours de Gritchov. Je ne comprenais pas ce qu’il y avait de si comique dans ma tenue. » (Jason, le héros homosexuel décrivant Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 59) ; « La foule riait aux éclats, ils lançaient sur Truddy des pavés. » (Copi dans sa nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 40) ; « Tous nous ovationnèrent, pleurant et riant […] » (Gouri, le rat bisexuel du roman La Cité des Rats (1979), p. 94) ; « Les rires de la foule des hommes » (idem, p. 104) ; etc. Par exemple, dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, la cour homosexuelle de Bob (composée de drogués) passe insensiblement de l’agression au rire : ça passe ou ça casse. Dans sa chanson « À table » de Jann Halexander, le protagoniste homosexuel décrit « le rire déformant des visages » des membres d’une fête de famille.

 
 

b) La cour des miracles homosexuels, un cauchemar :

Film "Poltergay" de

Film « Poltergay » d’Éric Lavaine


 

Symboliquement, la cour des miracles homosexuelle ressemble à la voix d’une schizophrénie. Le héros homosexuel se sent entouré de nains et de clowns rieurs qui, après s’être amusés et après l’avoir intronisé, vont le momifier, le trahir et le brûler sur un char (cf. je vous renvoie au code « Méchant Pauvre » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. la chanson « L’Horloge » de Mylène Farmer, la chanson « Porno-graphique » de Mylène Farmer, la chanson « No More I Love You’s » d’Annie Lennox, la comédie musicale Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, les vidéo-clips des chansons « Sans contrefaçon », « Sans logique », « Désenchantée », « L’Âme-Stram-Gram » et « Optimistique-moi » de Mylène Farmer, etc. Par exemple, dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, lors d’une séance de karaoké, où Steve (le héros homosexuel) se ridiculise, la prestation vire à la vision d’enfer : il voit tous les clients du bar ricaner (au ralenti), puis en menace violemment un avec une bouteille de bière car il ne gère pas l’humiliation.

 

« Le fond de leur rire avait quelque chose de métallique. » (Pretorius, le héros homosexuel parlant des clients de l’Hôtel du Transylvania, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander)

 

 

La cour des miracles, c’est aussi le retour homophobe d’un désir homosexuel pratiqué (retour violent prêté uniquement à « la société »… mais qui n’est en réalité que la société des amants, que le monde de la prostitution et de la drogue) : cf. le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (avec la gare parisienne se transformant en cour des miracles), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec la cour homosexuelle gitane de Sébastien, qui finit par l’assassiner, en représailles), le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec le gang des Étoiles Noires), le film « Twist » (2004) de Jacob Tierney et Adrienne Stern, le film « Garçons d’Athènes » (1998) de Constantinos Giannaris, etc. « C’est une chose difficile que d’être homosexuel au pays des cow-boys. » (4 journalistes en chœur, et en direct du Wyoming, dans la pièce Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman) ; « Autour de moi, les hommes forment une ronde. […]  Le spectacle de la gare est immuable. Presque rituel. » (Léo, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 213) ; « Vous n’avez jamais rencontré de vrais homosexuels. Ce sont des bossus qui riraient de votre mariage. » (le père de Claire, l’héroïne lesbienne, s’adressant à sa fille et à sa compagne Suzanne à propos de leur projet de « mariage pour tous », dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « C’est un petit monde. Vous devez tous vous connaître, non ? » (l’Inspecteur s’adressant à Franck, le héros homosexuel, pour enquêter sur les crimes homophobes de l’île qui est un lieu de drague gay hostile et impitoyable, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie) ; etc.

 

Queen

Queen


 

Cette cour des miracles représente donc la conscience du viol, exprimée par le traditionnel chant du chœur de tragédie grecque qui annonce la mort prochaine (physique et déjà symbolique) du héros homosexuel : cf. le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick (avec les trois femmes asiatiques), la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare (avec le chœur des sorcières), le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (avec les trois drag-queen), le film « Anguished Love » (1987) de Pisan Akarasainee, le film « Puta de Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria (avec le cortège des pleureuses), le film « Les Sorcières » (1966) de Pier Paolo Pasolini et Luchino Visconti, les pièces de Federico García Lorca telles que La Savetière prodigieuse (1926) ou Doña Rosita la célibataire ou le langage des fleurs (1935), la chanson « Bohemian Rhapsody » du groupe Queen, la chanson « Duel au soleil » d’Étienne Daho, la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim (avec les trois bonnes fées travesties), les films « Pepi, Luci, Bom Y Otras Chicas Del Montón » (1980), « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) et « Mujer Al Borde De Un Ataque De Nervios » (« Femme au bord de la crise de nerfs », 1987) de Pedro Almodóvar, le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus (avec le chœur des femmes ouvrières galloises), etc. Par exemple, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, les chœurs des voisins – qui se fait appeler aussi « le chœur des âmes » – sont toujours les annonciateurs de mort ou de violence, et la symbolisation de la contemplation de l’horreur à distance. Ils annoncent le viol, et dans le même mouvement, le nient. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Nicolas, Gabriel et Rudolf, les trois héros gays sans avenir, forment le chœur montagnard de « Sissi », une cantatrice fantomatique transgenre M to F autrichienne.

 

« Au milieu d’un désordre phénoménal (les tables cassées parmi les bouteilles arrosées de confettis) […] À chaque fois que je laissais échapper un cri, l’assistance repartait d’un gros rire […]. Et ne songeons même pas à demander de l’aide aux esquimaux : pour cette peuplade, Glou-Glou Bzz représentait plus qu’une reine. » (le narrateur homosexuel se faisant trucider la bite, après le carnage de la reine du carnaval Glou-Glou Bzz, dans la nouvelle « La Mort d’un Phoque » (1983) de Copi, pp. 22-24) ; « Je ne fais jamais partie des chœurs. On a quand même son orgueil ! Les chœurs sont les seuls morceaux d’opéra que j’écoute de l’extérieur, en restant assis dans mon fauteuil, en ‘regardant’ dans ma tête un spectacle plutôt qu’en le vivant comme si j’étais un des protagonistes. J’aime écouter les chœurs, je n’aime pas les vivre. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 19) ; « Je ne savais plus si j’étais heureux de l’observer parce que je le trouvais émouvant dans son ridicule ou si je souffrais avec lui de chanter des choses idiotes dans une œuvre idiote, entouré d’idiots déguisés comme pour un carnaval de pauvres. J’aimais croire qu’il était conscient de la petitesse et de l’insignifiance de ce qui l’entourait sur ce plateau et que ce qu’il ressentait était la honte d’en faire partie. Le Prince Charmant existait donc et il était habillé en petit page d’opérette dans une mauvaise production d’opéra ! » (le narrateur homosexuel parlant du chanteur Wilfrid Pelletier, idem, p. 50) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La cour des miracles, une rêverie :

Quand j’étais enfant et adolescent, j’étais très attiré par l’univers moyen-âgeux de la Cour des miracles. Il m’arrivait d’en faire un jeu (par exemple, j’avais créé « Les Aventures de Jean », une mise en scène nocturne théâtralisée de personnages fictifs habitant l’univers de mon frère jumeau, Jean), et j’aimais ces univers clos avec des personnages étranges autant qu’inquiétants (le jeu du Cluedo, le jeu télévisé Fort Boyard, etc.).

 

Cette attraction pour les salons de précieuses, pour les bals masqués peuplés de Colombine, de voyantes extra-lucides, de brigands, de sorcières, de courtisanes, de nains, d’Esméralda et autres créatures extraordinaires, je pense la partager avec un certain nombre de personnes homosexuelles. Et il n’est pas étonnant que dans l’imaginaire collectif LGBTI, la « communauté homosexuelle » mondiale soit régulièrement décrite comme une pâle copie de la cour des miracles littéraire. Par exemple, lors de son entretien avec J. O’Higgins en 1982, le philosophe homosexuel Michel Foucault assimila les quartiers homosexuels des grandes villes nord-américaines comme San Francisco ou New York aux « cours médiévales, qui définissaient des règles très strictes de propriété dans le rituel de cour » (Michel Foucault, « Choix sexuel, Acte sexuel », Dits et écrits II, 1976-1988 (2001), p. 1150). Dans sa thèse « Avatares De Los Muchachos De La Noche » qui précède son recueil de poésies Austria-Hungría (1992), Néstor Perlongher évoque le monde extrêmement codifié de la nuit et de la prostitution masculine. Dans ses mémoires Coto Vedado (1985), Juan Goytisolo aborde « la réalité brutale de la cour des miracles espagnole » dans les quartiers homosexuels de Barcelone.

 

Beaucoup d’auteurs homosexuels se plaisent à chanter les louanges d’une cour des miracles interlope, d’une nation « élue » qui aurait le devoir d’annoncer au monde la grandeur transgressive de la marginalité, de la négation de la différence des sexes : John Cameron Mitchell, Pier Paolo Pasolini, Steven Cohen, Essobal Lenoir, Philippe Besson, Hervé Guibert, Federico Fellini, Jean Cocteau, Marcel Proust, Severo Sarduy, Osvaldo Lamborghini, Rancinan, etc. « Un gigantesque bidonville. Ernestito et moi adorions ces habitants grossiers, populaires, dangereux. Ils faisaient souvent partie de nos histoires, de nos fantaisies. Ils devenaient, à leur insu, les interprètes de nos feuilletons imaginaires. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 186)

 

Cette nation-pègre voulue par beaucoup de personnes homosexuelles/transsexuelles ressemble, dans les faits, à une cour royale de maison close, dans laquelle gravitent les maquereaux et leurs dandys escort-boys (leurs mignons) fêtant la jouissance libertine, la mixité sociale et intergénérationnelle : « À soixante-dix ans, Lito [une femme transsexuelle transformée en homme] continuait à mener une existence de play-boy. Toujours tiré à quatre épingles, il était le plus souvent escorté par une cour de jeunes gens aux casiers judiciaires chargés. Par on ne sait quel miracle, cette petite pègre l’adorait. Ils avaient l’élégance de prolonger son règne lorsque l’un d’eux devait s’éclipser quelques temps à l’ombre d’une cellule. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 291) On en trouve un exemple parlant avec la bande des Cockettes dans les années 1970 à San Francisco (États-Unis), groupe d’érotomanes et cocaïnomanes revendiqué : « On ne pensait qu’à faire la fête, à s’éclater. On ne se rendait pas compte qu’on créait quelque chose de magique. On vivait dans notre monde. On réalisait nos rêves et nos fantasmes. On se fichait de ce qui se passait à l’extérieur. Les Cockettes étaient très incestueuses. Tout le monde couchait avec tout le monde… sous LSD… » (Rumi, un survivant travesti M to F des Cockettes, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Je vous renvoie également au documentaire « Paris Is Burning » (1980) de Jennie Livingston, sur la sous-culture du voguing dans les bas quartiers nord-américains, avec des concours de travestis noirs.

 

COUR DES MIRACLES Rois

Francky Goes To Hollywood


 

Plus gravement, il est possible d’entrevoir dans cette foule indiscernable de personnes gay friendly, hétéro, homo, bi, transgenre et transsexuelle, le phénomène (décrit magistralement par Philippe Muray) de possession hystérique collective, prenant l’étrange masque de l’euphorie carnavalesque agressivement plaintive : « Le Possédé. Comme tel, il souffre. Tout ce qui ne lui plaît pas le fait tellement saigner qu’il porte plainte ; mais il jouit encore tellement lorsqu’il porte plainte qu’il est incapable de se voir en train de porter plainte et de rire de lui-même. C’est ainsi qu’il est comique, d’un douloureux comique que plus personne n’ose nommer ainsi. C’est un comique de doléance, comme il y a un comique de répétition, et ce nouveau comique, absolument inconnu des anciennes littératures, est souvent très réussi. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 71) Ça sent la misère culture et affective à plein nez.

 
 

c) La cour des miracles homosexuels, un cauchemar :

La cour des miracles, symboliquement, c’est la voix de la schizophrénie. Par exemple, ce n’est pas un hasard si le téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve, dont la trame est l’homosexualité, commence par un débat sur l’obligation du pluralisme des langues. Cette question de la « prose babélique », de la pluralité du langage et des sexualités, a intéressé des chercheurs tels que Michel Foucault ou Nicolás Rosas. Il existe une correspondance entre le monde babélique/babylonien et le « milieu homosexuel ».

 

Dans le monde homosexuel actuel, je retrouve des actualisations incomplètes de la cour des miracles médiévale dans beaucoup de mouvements LGBTI : le milieu associatif homosexuel dans son ensemble (peuplé souvent de « cas sociaux »), les Gay Pride (avec les chars des Maghrébins, des daddies, des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, etc.), les discothèques et les bars (de plus en plus compartimentés en sous-catégories : les bears, les crevettes, les minets bodybuildés, les fem, les butch, les trans, les sadomasos, etc.) et surtout surtout les sites de rencontres internet (les fameux chat, hyper ritualisés et habités par des profils improbables de profonds mythomanes). Là, on a vraiment l’impression de rentrer dans un monde de fous, très codifié.

 

La cour des miracles, c’est aussi le retour homophobe d’un désir homosexuel pratiqué (retour prêté à « la société »… mais qui n’est en réalité que la société des amants ou le monde de la prostitution). Le libertinage donne une illusion de liberté et construit en réalité un ghetto doré, avec des nouvelles règles d’autant plus rigides et féroces qu’elles constituent des barreaux invisibles, tacites : la société homosexuelle est en effet fondée sur la double vie, la dissimulation, le mensonge, le paraître, l’anonymat, la pulsion sexuelle (…et ses caprices inattendus), un désir sexuel qui n’ose pas assumer son nom ni ses pratiques : « Outre la mauvaise réputation qu’avait la Savane la nuit, je lui rapportais en détail certaines agressions dont j’avais été témoin. Sur la place, je rencontrais toutes sortes d’individus ; les ‘branchés’ étaient une population très hétéroclite. On était du même bord, mais on ne se fréquentait pas. Sans doute par manque de confiance, beaucoup se méfiaient de leur propre clan et jouaient à cache-cache en permanence, se dénigrant et se méprisant mutuellement. Impensable pour un groupe déjà victime du malheur de sa propre différence ! C’est quand même surprenant et regrettable d’en arriver là. […] Cette histoire de clans est une fatalité pour la communauté et l’on ressentait une rivalité oppressante entre les groupes différents. En fait, chaque groupe entrait dans une catégorie bien distincte : les extravagants, les cancaniers, les très discrets et enfin les ‘leaders’, ceux qui incitaient à la prise de conscience contre les discriminations et l’homophobie dans la région d’outre-mer. Je trouvais bien dommage cette diversification au sein de la communauté. » (Ednar parlant des lieux de drague antillais, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, pp. 188-189) ; « Quant aux quais de la Seine, il y a belle lurette qu’ils abritent, en plus des traditionnels clochards, les idylles d’horribles couples. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 59) ; etc.

 

Enfin, la cour des miracles fictionnelle représente, une fois transposée dans le réel, la conscience du viol (un viol réel ou/et fantasmé), le chœur symbolique des garçons sauvages et adolescents qui annoncent la mort prochaine (physique et/ou psychique) de la personne homosexuelle. « Ils se sont rapprochés de moi en se masturbant. J’étais allongé sur le dos au milieu du lit bleu. J’ai fermé les yeux et j’ai essayé de m’imaginer encore une fois à la piscine, l’eau, le chlore, le plongeoir, la paix, le luxe. Un rêve impossible à l’époque. Je nageais mais dans la peur. Je tremblais, à l’intérieur. Je ne voyais plus les garçons sauvages mais je les sentais venir, se rapprocher de mon corps, le renifler et le lécher. Dans un instant le violenter, l’un après l’autre le saigner. Le marquer. Lui retirer une de ses dernières fiertés. Le briser. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 25) Pour ma part, j’ai vécu au collège cette petite descente aux enfers qu’a opérée sur moi la cour des miracles de mes camarades collégiens. En effet, tous les garçons de ma classe de 5e m’ont violenté sur la cour d’école du collège Jeanne d’Arc à Cholet, ceux-là mêmes qui m’avaient intronisé roi et délégué de classe en 6e, un an auparavant.

 

La cour des miracles est finalement la représentation fantasmagorique (et parfois l’actualisation concrète) de l’idolâtrie sociale. Un désir passionnel déçu. Elle sied donc parfaitement au désir homosexuel.

 
 

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Code n°41 – Curé gay

curé gay

Curé gay

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Montgomery Clift dans le film "La Loi du silence" d'Alfred Hitchcock

Montgomery Clift dans le film « La Loi du silence » d’Alfred Hitchcock


 

Les Oiseaux qui se cachent pour vomir, version gay… Avant que certains cathos se choquent ou que certains anti-cathos sautent de joie, je tiens à préciser que ce code va traiter du cliché du prêtre ou de la religieuse représenté(e) dans les fictions traitant d’homosexualité, comme « gay » (ou « lesbienne »). Je parle bien des clichés de l’homosexualité, pas d’abord de la réalité improbable de ces clichés (merci de bien comprendre le fonctionnement de mon Dictionnaire en lisant le mode d’emploi, avant de me faire dire ce que je ne dis pas ou de prendre au pied de la lettre les codes).

 

J’ai pour habitude de dire qu’il n’y a pas de cliché sans feu… et que, donc, s’il y a dans les fictions parlant d’homosexualité autant de prêtres homosexuels refoulés, pervers et pédophiles, et de bonnes sœurs lesbiennes frustrées, c’est qu’il y a un fond de vérité. Et pourtant… le cliché du « curé gay » fait presque exception à la règle !

 

Jésus porte le péché du monde sans être pour autant pêcheur. Il est donc logique que nos prêtres, qui ont revêtu le Christ, subissent le même sort que Lui. Ça ne veut pas dire que l’accusation d’homosexualité soit avérée pour eux, mais bien qu’ils sont habités par le Christ… et pour le coup, plus attaqués par le démon !

 

La délirante présomption d’homosexualité des prêtres (ou, ce qui revient au même, d’homophobie intériorisée) était déjà une accusation et une manœuvre courante des Nazis pour discréditer l’Église et ses serviteurs : « J’estime qu’il y a dans les couvents 90 ou 95 ou 100% d’homosexuels. […] Nous prouverons que l’Église, tant au niveau de ses dirigeants que de ses prêtres, constitue dans sa majeure partie une association érotique d’hommes, qui terrorise l’humanité depuis mille huit cents ans. » (Heinrich Himmler dans son discours du 18 février 1937, cité dans l’essai Le Triangle rose (1988) de Jean Boisson, p. 73)

 

Photomontage "Benetton" du Pape Benoit XVI collé aux lèvres de l'imam Mohamed Ahmed al-Tayeb

Photomontage « Benetton » du Pape Benoit XVI collé aux lèvres de l’imam Mohamed Ahmed al-Tayeb


 

J’en ai rencontrés, des prêtres homosexuels. Et même un nombre plus important que je n’aurais pu imaginer, j’avoue. Cependant, ma vision du phénomène n’est d’une part pas très représentative de l’ensemble du Clergé (car mon statut médiatique de « Catho homo » m’expose évidemment plus à recevoir prioritairement les confidences des curés touchés par l’homosexualité), et d’autre part, les prêtres homos restent une minorité (et de toute façon, la question de leur orientation sexuelle se pose à peine une fois passée leur ordination puisqu’ils font vœu de continence, qu’ils se sentent homos ou attirés par l’autre sexe ; ce qui pose uniquement problème, c’est quand ils passent à l’acte).

 

CURÉ GAY Panorama

 

Seule la réalité de terrain nous permet de comprendre que, de par leur recherche de pureté (recherche souvent fructueuse et épanouissante, quoi qu’en disent les médias qui prennent leurs mythes pornographiques pour des réalités), les célibataires consacrés attisent les sarcasmes et les jalousies, et que le clergé n’est pas – même au tiers, comme on l’entend parfois, comme qu’il s’agissait d’une statistique avérée – un « repère d’homosexuels ». En revanche, à l’extérieur de l’Église, on observe beaucoup de fascination mêlée de rancœur, de la part des personnes homos qui se rêvent « religieuses à la place des religieux », car les prêtres, par leur choix de vie radical, les renvoient forcément à leur inconstance et à leur détournement de l’Idéal d’Amour. Par conséquent, elles projettent souvent sur eux leurs propres fantasmes libertins de saints ratés.

 
 

N.B. : Je vous également aux codes « Attraction pour la « foi » », « Se prendre pour Dieu », « Putain béatifiée », « Pédophilie », « Viol », « Homosexuels psychorigides », « Homosexuel homophobe » et « Blasphème », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

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FICTION

 

Le personnage homosexuel est un prêtre ou une religieuse :

 

Toile de Fernando Botero

Toile de Fernando Botero


 

Les curés gays ou les nonnes lesbiennes sont très nombreux dans les œuvres artistiques homosexuelles. J’ai dressé une liste non-exhaustive : cf. le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar (avec la Mère supérieure lesbienne), la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, la B.D. Muchacho (2006) d’Emmanuel Lepage (avec Gabriel de la Serna, séminariste homo), le film « Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot » (1965) de Jacques Rivette, le film « Lilies, les Feluettes » (1996) de John Greyson (avec l’évêque homosexuel), la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone (avec le prêtre gay et pédophile), le film « La Vie est un long fleuve tranquille » (1988) d’Étienne Chatiliez (avec Patrick Bouchitey en curé efféminé chantant « Jésus revient »), le film « The Devil’s Playground » (1976) de Fred Schepisi, le film « Les Loups de Kromer » (2003) de Will Gould (avec les dernières images du film montrant la queue de loup – signe d’homosexualité dans l’histoire – dépassant de la soutane du prêtre homophobe qui s’éloigne sur le chemin…), le film « Au nom du Père » (1972) de Marco Bellocchio, le roman L’Agneau carnivore (1975) d’Agustín Gómez Arcos, le film « The Boys Of St Vincent » (1992) de John N. Smith (avec les frères de l’orphelinat St Vincent), le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le film « In The House Of Brede » (1975) de George Schaefer, le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude (avec le pasteur Elvström), le film « La Cage aux Folles II » (1981) d’Édouard Molinaro, le film « La Nonne et les sept Pécheresses » (1972) de Sergio Garrone, le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi (avec le vicaire homo), le roman inachevé La Religieuse (1780) de Denis Diderot (avec les prêtres homosexuels chez le Comte de Mirabeau), le film « La Pire de toutes » (1990) de Maria Luisa Bemerg, le film « Mais ne nous délivrez pas du mal » (1970) de Joël Séria, la pièce Jeffrey (1993) de Paul Rudnick, le roman Ser Gay No Es Un Pecado (1994) d’Óscar Hermes Villordo, la pièce Les Longues Vacances de Salazar (1997) de Manuel Martínez Medeiro (avec le cardinal Cerise, homosexuel frustré voulant revivre ses premiers homosexuels de pensionnat avec le dictateur Salazar), le film « Les jours et les nuits de China Blue » (1984) de Ken Russell, le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy (avec le père de Trennes, homosexuel refoulé), le film « Pianese Nunzio, 14 Anni A Maggio » (1996) d’Antonio Capuano (avec le père Alonso), le roman El Ángel descuidado (1965) d’Eduardo Mendicutti, le roman Los Nietos De San Ignacio (1916) de Joaquín Belda, le film « Le Nom de la Rose » (1986) de Jean-Jacques Annaud, le film « Conan le Barbare » (1981) de John Milius, le roman A.M.D.G. (1910) de Pérez de Ayala, le film « Butterfly » (2004) de Yan Yan Mak, le film « Couvent de la Bête sacrée » (1974) de Norifumi Suzuki (Mayumi, jeune femme libérée, décide de rentrer dans les ordres), le film « Extramuros » (1985) de Miguel Picazo, le film « Manuel Y Clemente » (1985) de Javier Palmero, le roman Pasión Y Muerte Del Cura Deusto (1924) d’Augusto d’Halmar, le film « Le Canardeur » (1974) de Michael Cimino, le roman Extramuros (1978) de Jesús Fernández, le film « Le Narcisse noir » (1947) de Michael Powell-Emeric Pressburger, le film « If… » (1968) de Lindsay Anderson, le film « Fantasmes » (1967) de Stanley Donen, le film « Jeunes filles au couvent » (1972) d’Eberhard Schroeder, le film « Storia Di Una Monaca Di Clausura » (1973) de Domenico Paolella, le film « Les Religieuses du Saint Archange » (1973) de Domenico Paolella, le film « Flavia la Défroquée » (1974) de Gianfranco Mingozzi, le film « Intérieur d’un couvent » (1976) de Walerian Borowczyk, le film « Lettres d’amour d’une Nonne portugaise » (1976) de Jess Franco, le film « Le Confessionnal » (1995) de Robert Lepage, le film « Wet And Rope » (1979) de Koyu Ohara, le film « Prêtre » (1994) d’Antonia Bird (avec le père Greg), le film « Un Printemps sous la neige » (1983) de Daniel Petrie, le film « Lilies » (1996) de John Greyson, le film « Het Sacrament » (1989) d’Hugo Claus, le film « Sister Emmanuelle » (1981) de Joseph Warren, le film « Quam Mirabilis » (1994) d’Alberto Rondalli, le film « Dominique Suor Sorriso » (2001) de Roger Deutsch, le film « Pecata Minuta » (1998) de Ramón Barea, le film « Les Destinées sentimentales » (1999) d’Olivier Assayas, le film « Split Wide Open » (1999) de Dev Benegal, la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener (avec Pierre le jeune prêtre homosexuel, en couple avec Pierre), la chanson « Ils en sont tous » (1949) de Robert Rocca, le one-man-show Cet homme va trop loin (2011) de Jérémy Ferrari (avec le Père Vert), la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, la chanson « Jesus Is Gay » de Gaël, le film « Une Chose très naturelle » (2010) de Christophe Larkin (avec David, l’ancien séminariste), le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, la publicité étrangère « Love For All » pour la marque de vêtements Björn Borg (avec les deux prêtres mariés à l’Église par une femme pasteur), la comédie musicale Peep Musical Show (2009) de Franck Jeuffroy (avec le père François), le film « Souffle au cœur » (1971) de Louis Malle (avec le jésuite pédéraste), le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (avec Fefe, le curé gay), le film « Il y a des jours… et des lunes » (1989) de Claude Lelouch (où Francis Huster joue le rôle d’un prêtre en couple avec un antiquaire), la série Ainsi soient-ils de la chaîne Arte (2012) de David Elkaïm (avec des portraits de cinq séminaristes, très romancés et caricaturaux ; et l’un d’entre eux est évidemment homo), le roman Deux garçons, la mer (2013) de Jamie O’Neill (Jim, l’un des héros homos, se destine à la prêtrise), le film « In The Name Of » (2012) de Malgoska Szumokska (avec Adam, un jeune prêtre engagé et populaire, qui finit par se découvrir homo), la pièce L’Émule du Pape (2013) de Michel Heim (avec Tazzio, l’amant du Pape), le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi (avec le prêtre montré comme homosexuel refoulé), l’opéra King Arthur (2009) d’Hervé Niquet (avec les deux moinillons homosexuels), le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (avec le pasteur Ralph, homophobe et secrètement homosexuel), la pièce Les Feluettes (2015) de Michel Marc Bouchard (avec Monseigneur Bilodeau), le film « Benedetta » (2021) de Paul Verhoeven, etc.

 

Séminaristes « nouvelle génération »

 

Les allusions à l’homosexualité latente des prêtres sont plus ou moins directes : « Un ecclésiastique, un abbé pédalait. Mon Dieu, qu’il pédalait, pédalait bien l’abbé. » (cf. la chanson « L’Abbé à l’harmonium » de Charles Trénet) ; « Les curés, ce sont des hommes comme les autres : des obsédés. » (Nana dans son one-woman-show Nana vend la mèche, 2009) ; « Drag-queen avec moins de paillettes = un curé. » (une réplique du one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur) ; « Le pays a été sodomisé par la religion. » (Nasser dans le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears) ; « Je payais en toute hâte, empochai mon ticket et me jetai sur les portes du théâtre sans regarder vers la queue où, j’en étais convaincu, une dizaine d’homosexuels – dont un prêtre –, plus méchants les uns que les autres, riaient de ma déconvenue. » (le narrateur homosexuel à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 35) ; « J’préfère encore me faire tripoter par un prêtre comme mes copains cathos quand ils vont au caté. » (Laurent Spielvogel à propos du rabbin à qui il va rendre visite, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; etc.
 

Par exemple, dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Jim, le jeune adolescent homosexuel, s’est fait attouché par un prêtre, le frère Pocycarpe (ce dernier lui a déboutonné sa chemise et caressé le torse). Cet abus donne raison aux suspicions anticléricales émises par Doyler, l’amant de Jim : « Ces curetons, c’est tous des pervers et des frustrés. Attention aux curés de tous les côtés ! ». Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la femme de Nicolas le héros homosexuel, sort des propos hyper homophobes, et soupçonne Mgr Lanu le prêtre qui doit présider l’enterrement du père de Nicolas, d’être homosexuel : « Je pense qu’il est un peu huhuhu. C’est un pédé, quoi ! » Nicolas fait des jeux de mots salaces entre le nom de famille Lanu et l’anus, bien entendu. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca hallucine, avec l’application I-phone GrindR, de découvrir des homos partout autour de lui : « J’étais pas habitué, moi ! Je viens du Nord-pas-de-calais. À part le curé, y’avait personne ! » Dans le film « Tout mais pas ça » (« Se Dio vuole », 2015) d’Edoardo Falcone, Andrea, veut devenir prêtre, mais n’ose pas encore le dire à ses parents. Tommaso, son père anticlérical, voit Andrea partir en mobylette avec son pote Furio, et s’imagine déjà qu’ils couchent ensemble… alors qu’ils ne font que se rendre à des réunions d’enseignement chrétien animées par un prêtre. La prêtrise est mise sur le même plan que le coming out.

 

Cette réputation est parfois confirmée par le personnage homosexuel lui-même. « Ton père est différent des autres pères. » (le père travesti M to F, ancien curé et ancien évêque de Bruxelles, faisant son coming out à son fils Peter et parlant de lui à la troisième personne, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau ; il veut fonder l’Association des Travestis Évêques Belges, l’ATEB) On retrouve quelques héros homosexuels religieux vivant en couple homo, ou bien fréquentant les lieux de drague homosexuelle tels que les saunas ou les parcs. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, lors d’un de leurs premiers dîners, Pierre Bergé compare son futur amant Yves Saint-Laurent à un prêtre pour le dragouiller : « Quand vous êtes venus saluer [à la fin du défilé Dior], vous aviez l’air d’un séminariste. »… ce à quoi Yves lui fait cet aveu : « Je suis passé chez les curés, oui. » Dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, Adrien, séminariste, se voit dans une situation et dans des actions qui ne lui ressemblent pas : « Et Adrien était là aussi [sur la Place Dauphine, lieu de prostitution]. Adrien faisait comme eux. Il était l’un d’eux. Il en éprouvait de la honte. Comment lui, le prêtre, pouvait-il être impliqué dans ce vil commerce des corps, côtoyer ces êtres en manque de chair, se mettre en chasse comme eux ? » (p. 27) Le personnage homosexuel fige l’acte schizophrénique en question esthétique pour ne pas agir selon sa conscience. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, le père d’Henri est prêtre. Et à la fin de la pièce, Edmond se marie avec le père Gilbert.

 

Dessin "Klostertraum" (1952) de Clovis Trouille (le bien nommé...)

Dessin « Klostertraum » (1952) de Clovis Trouille (le bien nommé…)


 

L’homosexualité de l’ecclésiastique est parfois une projection fantasmatique du héros/de l’auteur gay. « Le président se faisait sodomiser par le pape de l’Argentine. » (la voix narrative du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 56) ; « Un prêtre sur trois en est. » (Julien dans la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « Si les jeunes imitaient leurs profs homos, il y aurait davantage de bonnes sœurs. » (Harvey Milk dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant) ; « Mais entrez donc Monseigneur. Toujours toujours, tu t’y frottes… typique. » (cf. la chanson « Bouchon rue de Liège » du Beau Claude) ; « Y’a deux semaines, j’ai postulé pour rentrer dans les ordres. » (Jarry dans son one-man-show Atypique, 2017); etc. Par exemple, dans la pièce Le Bossu de Notre-Dame (2010) d’Olivier Solivérès, le méchant Frollo est homosexualisé et comparé à Blanche-Neige. Dans le film « Madre Amadísima » (2010) de Pilar Tavora, l’un des personnages s’adresse à la photo du pape Benoît XVI en le suspectant d’être affilié à plein d’homos dans ses proches collaborateurs. Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, les papes sont tous féminisés : les comédiens nous parlent de « la Jean-Paul II, la Pie XII, la Paul VI, la Benoît XVI ». Dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays, le pape Benoît XVI est transformé en gay. Dans son one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out (2010), Kavanagh compare le pape à une « vieille drag-queen ». Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, lorsque la narratrice transgenre F to M se travestit en moine ermite, « un samedi soir, la veille de Pâques » ; et elle évoque « la Papesse Jeanne ». Dans les fictions traitant d’homosexualité, même Jésus est transformé en pédale : « Oh je n’ai fait que prendre exemple sur Jésus… mais si vous voyez… Jésus (elle mime une folle sur la croix – mime les clous, la couronne, la chaleur) » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Plus tard, Jésus-Christ est crucifié. Il aimait beaucoup les hommes. » (une phrase de la B.D. de Cuneo, dans la revue Triangul’Ère1 (1999) de Christophe Gendron, p. 130).

 

Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, dans la boîte gay Chez Eva, Adrien, le héros homo, pour se débarrasser d’Alexandre (l’hétérosexuel), fait croire à son pote sadomasochiste Bibiche que ce dernier est un « ex-séminariste grand amateur de flagellation » pour qu’il le maltraite physiquement… ce qui excite Bibiche encore plus. Et un peu plus tard, Fripounet, l’un des serveurs homos de la boîte, se montre aussi très entreprenant avec un prêtre puisqu’il n’hésite pas à le toucher. Il fantasme également sur le Christ : « Qu’il est beau, ce Jésus… ».
 

Parfois même, le personnage homosexuel est à l’origine de l’acte homosexuel du prêtre. Dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, par exemple, c’est le héros gay lui-même qui, juste pour braver l’interdit de la profanation, va pervertir un curé et le faire basculer dans l’homosexualité, en attribuant ensuite son acte aux séminaires : « Qu’est-ce qu’on leur apprend, bon Dieu, dans les écoles à curés ? […] Ce pauvre type s’est défroqué ! » (p. 134) On voit bien, à travers ce roman, que les curés en question sont en réalité des hommes homosexuels déguisés en curés pour s’amuser/faire scandale, et porter à confusion sur la véritable identité des prêtres. D’ailleurs, Vincent Garbot, une fois son infamie opérée, vole sa soutane au pauvre curé rongé de culpabilité, et la porte avec complaisance et narcissisme, comme un trophée : « Il faut dire que le noir de l’habit boutonné jusqu’au col me va comme un gant. » (idem, p. 135) Autre exemple : dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, deux hommes barbus déguisés en nonnes fréquentent le cabaret anar de Kyril. Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la Reine Christine, pseudo « lesbienne », a une liaison avec le cardinal Azzolino.

 

Film "Les Amitiés particulières" de Jean Delannoy

Film « Les Amitiés particulières » de Jean Delannoy


 

L’image caricaturale du curé pédé peut répondre à un fantasme (d’amour ou/et de viol) projeté : « Moi, c’que je veux, c’est violer le curé ! » (Camille dans la chanson finale du one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Voilà la bonne sœur… ! » (Emory, homosexuel très efféminé, se moquant d’Alan, le héros homosexuel refoulé, dans le film « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « La religieuse était pleine de vie et, bien qu’elle ne fût pas jolie, je fus attirée par elle. […] J’étais insensiblement attirée et sous le charme de la sœur. […] Je concentrai mon esprit sur les pensées choquantes qui me traversaient l’esprit. Je l’imaginais déshabillée et en situation de me donner ce que j’aurais voulu d’elle sur l’instant. […] J’avais souvent pensé que dans les couvents, parmi ces femmes enfermées, certaines devaient entre elles trouver un peu de satisfaction… » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 221-223) ; « Était-elle en train de flirter ? […] Ils remontèrent le chemin blottis l’un contre l’autre comme des jeunes mariés hésitants. » (Jane, l’héroïne lesbienne à propos du jeune père Walter, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 48) ; etc. Dans le film « Le Cavalier noir » (1960) de Roy Baker, un prêtre s’oppose aux agissements d’un bandit de grand chemin qui sème la terreur sur son passage… et ce bandit tombe justement amoureux de son bienfaiteur en habit.

 

L’homosexualisation de l’homme clérical qui est en chemin de pureté est souvent le fruit d’une vexation féminine ou d’une jalousie homosexuelle de ne pas parvenir à le séduire ou à l’égaler. Pour faire fléchir un prêtre, certains personnages homosexuels vont prêcher le faux pour savoir le vrai : « Peut-être que t’es pédé d’ailleurs… » Par exemple, dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Jézabel, l’héroïne bisexuelle, traite de « pédé » le beau père David dont elle est amoureuse, par jalousie et test, parce qu’il se refuse à elle.

 

En général, le sacerdoce n’est pas considéré par le héros homosexuel comme une vie, un engagement, une intériorité ouverte sur l’extérieur, mais uniquement comme un déguisement, une apparence, une extériorité tournée vers un égocentrisme, un bout de tissu : « Wanda passa son bras autour de la taille de Mary et elles s’éloignèrent en glissant, couple incongru, l’une vêtue aussi sombrement qu’un prêtre, l’autre dans sa robe de soirée de flou chiffon bleu. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 489) Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Omar se surnomme « Sœur Omar de la Perpétuelle Indulgence ». La parodie de religion, ce ne sont pas les prêtres réels, mais les personnages homosexuels eux-mêmes. Par exemple, dans la pièce L’Opération du Saint-Esprit (2007) de Michel Heim, Dieu est un bourgeois aristo homosexuel, Jésus une grande folle, Marie un travesti, et l’Esprit Saint le désir homosexuel.

 

On lit souvent chez le personnage homosexuel se prenant pour un curé un fantasme de sainteté inversé. Il cherche le salut et la pureté dans la perdition. L’homosexualité pratiquée lui apparaît comme une forme de sainteté inédite, originelle. Il rentre au bordel comme il rentrerait au couvent. « Pietro s’est décidé à changer définitivement de sexe, il veut devenir carmélite. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 146) Par exemple, dans la pièce Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, l’une des salles du sauna où se rend le protagoniste homo est appelée « la Chapelle Fistine » (jeu de mots entre le fist-fucking et la fameuse Chapelle Sixtine au Vatican). Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, les ecclésiastiques sont en réalité des imposteurs homosexuels déguisés en curés, « les folles habillées en abbesses » (p. 113) : « Mimile se souleva la soutane et nous montra son postérieur. » (p. 115) ; « Mimile vint nous rejoindre dans le lit de l’archevêque pour coucher avec nous. » (Gouri, p. 95) Tout cela sont des mises en scène libertines volontairement blasphématoires, peu réalistes, mais voulues authentiques, y compris dans la dérision et le sarcasme. « Je veux faire le prêtre. Je veux être une traînée ! » (Paul, héros homo chantant dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso)

 

Le personnage homosexuel, vexé d’avoir mal répondu à sa vocation à la sainteté, se venge sur les prêtres réels de son entourage. Pourtant, il se sentait originellement « appelé ». « Savais-tu qu’avant de devenir médecin, j’avais résolu d’entrer dans les ordres ? » (Randall dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) Dans son one-man-show Ali au pays des merveilles (2011), Mr Folaste, qui voulait initialement devenir jésuite, « a fini pédophile, comme tous ces pédérastes ». Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel commence son spectacle par une blague sur les prêtres pédophiles qui, dans les magasins de vêtements Kiabi, « rentrent dans du 8 ans »… même si au départ, il annonce qu’il ne le fera pas : « Je ne ferai pas de vannes vulgaires sur les prêtres. »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Autobiographie "Confidences dérangeantes d'un homme d'Église" de William Nasarre

Autobiographie de William Nasarre


 

Dans les faits, les prêtres « homosexuels pratiquants » ne manquent pas. Parmi les cas les plus connus, on retrouve André Baudry (ancien séminariste et fondateur d’Arcadie dans les années 1950 en France), Salvador Guasch, Antonio Roig, Ernesto Jiménez, Antonio Rocco, Vitaliano Della Sala, Franco Barbero (cf. le documentaire Les Règles du Vatican (2007) d’Alessandro Avellis), José Mantero, Hugues Pouyé (prêtre pendant 13 ans), Jean-Michel Dunand, etc. Dans le documentaire « Católicos Gays » de l’émission Conexión Samanta sur Play Cuatro, (2011), une sœur « défroquée », María-José Casillo, témoigne de sa souffrance d’être partie du couvent – et plus largement de l’Église catholique – parce qu’elle a connu l’amour lesbien avec une autre religieuse, et qu’elle a rompu ses vœux. Dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Christian, le dandy quinquagénaire homosexuel, dit avoir aimé toucher (chez les Jésuites) le sexe des hommes plus âgés que lui. Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Bertrand N’Guyen Matoko raconte comment il s’est fait violer, adolescent, par son confesseur le père Basile.

 

Je vous renvoie également à l’autobiographie Confidences dérangeantes d’un homme d’Église (2006) de William Nasarre, au blog du père Jonathan sur Facebook (itinéraire d’un prêtre qui se dit ouvertement homosexuel, mais qui parle à visage caché), à tous ces films de « nunsploitation » (dont parle l’essayiste Didier Roth-Bettoni) dans lesquels des œuvres cinématographiques lient homosexualité et ordres religieux, au documentaire « Axel von Auerperg » (1973) de Rosa von Praunheim, au documentaire croate « Nuns in your Business ! » (2020) d’Ivana Marinić Kragić, etc.

 

Comme le reconnaît très honnêtement le prêtre catholique Xavier Thévenot, maintenant décédé, mais pionnier de la réflexion ecclésiale en matière d’homosexualité, dans son essai Homosexualités masculines et morale chrétienne (1985), « il n’est pas rare, quoique cela ne soit pas systématique (comme on l’a parfois affirmé), que l’homosexualité soit une des composantes de la prêtrise. » (p. 181) Par ailleurs, dans son essai Je vous appelle amis (2010), le maître de l’Ordre des dominicains Timothy Radcliffe explique qu’il y a parmi ses frères ordonnés un certain nombre d’individus homosexuels, mais que cela ne pose pas de problème ni de distinction fondamentale entre eux étant donné que l’exigence de la continence dans le célibat s’applique à tous, qu’ils soient homos ou non. Et on retrouve un certains nombres de religieux liés de près ou de loin aux associations et aux communautés comme la Fraternité Aelred, l’association David et Jonathan (D&J), le mouvement Devenir Un En Christ (DUEC), la Communion Béthanie, l’association Courage international, etc.

 

le Franciscain Father Mychal F. Judge

le Franciscain Father Mychal F. Judge


 

Certains prêtres ou séminaristes, en vivant une double vie parce qu’ils refusent de concilier leur obéissance à l’Église avec leurs penchants homosexuels, racontent parfois le rêve éveillé (un cauchemar schizophrénique) qu’ils vivent quand ils fréquentent les lieux de drague homosexuelle et qu’ils ne pratiquent pas ce qu’ils savent vrai : « En raison de mes horaires, différents de ceux des frères, j’avais les clés de la porte d’entrée du carmel. Je n’étais pas supposé disparaître le soir après le dîner. Mais je m’en arrogeais discrètement le droit et filais vers les lieux de rendez-vous homosexuels. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 49) ; « J’avais solutionné le problème en divisant ma vie en deux parties. Studieux et chaste au séminaire, je me dissipais pendant les vacances scolaires. J’avais découvert que les saunas servaient de lieux de rencontre et je les fréquentais de manière totalement compulsive. » (idem, p. 71)

 

Il est certain que la pratique homosexuelle guette tous les regroupements humains où la différence des sexes est absente ou méprisée/sacralisée, où la tentation de se prendre pour Dieu est fatalement plus forte (cf. je vous renvoie au code « Se prendre pour Dieu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), les ordres religieux ne faisant pas exception à la règle. Ce fut le cas des Templiers au XIIe et XIIIe siècles : « Quelque opinion que l’on adopte sur la règle des Templiers et l’innocence primitive de l’Ordre, il n’est pas difficile d’arrêter un jugement sur les désordres de son dernier âge – désordres analogues à ceux des ordres religieux. Les Templiers, jugés, avouèrent leurs mœurs. L’Ordre du Temple fut, sur ordre de Philippe le Bel et du Pape Boniface VIII, anathémisé, aboli et ses membres suppliciés. » (l’historien Jules Michelet, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 130) L’histoire humaine regorge d’anecdotes démontrant une pratique réelle de l’homosexualité aux séminaires, au sein des couvents et des abbayes. « Dans les couvents [pendant la Renaissance française], on croit trouver des vierges, on tombe sur des lesbiennes. » (Louis-Georges Tin, L’Invention de la Culture hétérosexuelle (2008), p. 115) ; « Le Vatican compte une forte majorité d’homosexuels. Et je vais vous expliquer pourquoi. Dès ses débuts, le christianisme a exclu et fustigé les femmes, condamné la société et milité pour le célibat. » (Uta Ranke-Heinemann dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein », « Tu ne seras pas gay » (2015) de Marco Giacopuzzi) ; « Au début, je croyais que ce n’était que des ragots, ces histoires d’orgies dans les locaux du séminaire. Mais la rumeur s’est confirmée. Le sexe était partout. On nous encourageait presque. On nous disait : ‘Si vous êtes homos, de nos jours, ce n’est plus un obstacle pour devenir prêtre’. Je ne m’attendais pas du tout à ça. Les homosexuels étaient sur-représentés. Je dirais qu’ils formaient la moitié des séminaristes, voire un peu plus. » (Daniel Bühling, jeune prêtre défroqué, idem) ; etc.

 

Jean de Prévallier, professeur à l’Académie de Médecine de Paris (1715-1792), a écrit en 1780 des mots fatalistes sur la prêtrise, qui se présentent pourtant sous un jour « objectif » et « scientifique » : « Si l’on examine le chiffre brut des sodomistes que donnent les dossiers de la police, quant à la qualité de l’individu, on est frappé de la prédominance du clergé et de la domesticité. Toutefois, à notre époque, si l’on fait la comparaison entre la quantité des sodomistes de chaque catégorie, et la totalité des individus appartenant à cette catégorie, le clergé prend la première place. Quant à la continence que les moines, les prêtres, les religieux et les religieuses observent soi-disant, en vertu du privilège spécial conféré par les ordres sacrés, il y a longtemps que l’on sait positivement à quoi s’en tenir à cet égard par les désordres scandaleux d’un certain nombre d’entre eux. Il n’y a plus d’illusion possible, car il est avéré et reconnu par les casuistes mêmes que les plus chastes, ne résistant souvent le jour qu’au prix des plus violentes luttes de la chair, sont tourmentés la nuit par des hallucinations lubriques, des rêves libidineux, des images érotiques qui les amènent à des pollutions ou à la masturbation. Leur célibat n’est plus qu’un grossier trompe-l’œil pour les simples et les ignorants, cachant une nécessité indispensable au maintien de sa hiérarchie et de son autorité. Que peuvent faire ces jeunes hommes de vingt à vingt-cinq ans, souvent vigoureux et pleins de vie ? Un jour ou l’autre, contre leur gré dans la plupart des cas, la chair triomphe et le vice de Sodome s’installe en eux, malgré leur désir de rester purs… »

 

Dans son roman-documentaire La Maison battue par les vents (1996), le père Malachi Martin, qui a été un proche du Pape Jean XXIII puis de Paul VI, ouvre la Boîte de Pandore du Vatican et du clergé international : « La Maison des Saints Anges – nom de ce monastère – avait la réputation d’être un havre pour plusieurs membres de l’Ordre ayant une orientation homosexuelle. » (pp. 448-449); « La propagation de l’homosexualité active dans les séminaires d’Amérique du Nord comme dans l’ensemble du clergé. » (Pape Jean-Paul II, p. 370) ; « une homosexualité et une pédophilie cléricales apparemment devenues frénétiques ; les contours d’une profonde crise morale. » (p. 384) ; « Il existe un système de protection mutuelle qui va de la Chancellerie d’O’Cleary jusqu’au Collège des Cardinaux. Et beaucoup de types qui voudraient en sortir n’en ont pas le cran. Un groupe de prêtres homosexuels, vœux rompus, de vocations avortées et de trahison abyssale de la confiance que leurs congrégations avaient placée en eux. Ce club ecclésiastique pratiquant l’homosexualité et la pédophilie comprenait aussi le clergé de haut rang, jusqu’à des évêques auxiliaires et titulaires. Cela fonctionnait comme une mafia cléricale.[…] Innocent ou non, quiconque vendait la mèche était sûr de finir comme lui, isolé et enterré sous une avalanche de contre-accusations. » (Père Michael O’Reilly, p. 466 à 481) ; « Des évêques mutaient continuellement leurs jeunes amants de paroisse en paroisse » (p. 481) ; « nombre croissant d’ecclésiastiques activement homosexuels, de la complicité de certains évêques avec les pratiques en question et de la connivence que montraient vis-à-vis d’elles ceux qui n’y étaient pas directement impliqués. » (p. 484) ; « un réseau plus vaste qu’aucun de nous s’y attendait. » (p. 498) ; « l’homosexualité était un mode de vie ‘parfaitement acceptable’ » (p. 580) ; « Ce qui lui meurtrissait l’âme, c’était la malignité des Dominicains entre eux. D’une manière troublante, ses frères religieux de la Maison des Saints Anges constituaient un groupe d’hommes ayant choisi de vivre ensemble et excluant tout esprit qui leur était étranger. » (p. 472) ; « La documentation montrait que l’activité homosexuelle et le satanisme rituel avaient atteint un niveau organisationnel au sein du clergé américain, mais parce que les mêmes noms et les mêmes lieux revenaient dans chacune des deux séries de données. » (p. 532) ; « connexion de fait entre l’homosexualité pédophile et le satanisme ritualiste au sein du clergé » (p. 533) ; « Il apparaissait tout à coup comme incontestable que l’organisation catholique romaine comprenait désormais – pendant le pontificat de Jean-Paul II en cours – un contingent permanent de clercs qui adoraient Satan et qui aimaient ça, d’évêques et de prêtres qui sodomisaient des jeunes garçons et se sodomisaient entre eux, ainsi que des religieuses qui accomplissaient des ‘Rites noirs’ de la Wicca et qui entretenaient des relations lesbiennes à l’intérieur comme à l’extérieur de la vie conventuelle. […] Non seulement il s’accomplissait des rites et des actions sacrilèges aux Autels du Christ, mais cela se faisait avec la connivence ou, du moins, la permission tacite de certains Cardinaux, archevêques et évêques. La liste des prélats et des prêtres concernés avait de quoi causer un énorme choc à quiconque la découvrait. Au total, ces hommes ne formaient qu’une minorité comprise entre un et dix pour cent du clergé total. Mais parmi cette minorité, nombreux étaient ceux qui occupaient des positions incroyablement élevées par le rang et l’autorité au sein des chancelleries, séminaires et universités. De ces deux faits, le plus crucifiant pour le Pape slave était le pouvoir d’un tel réseau, si disproportionné eu égard au statut minoritaire de la mouvance en question dans les rangs de l’Église. L’influence prépondérante du réseau tenait d’une part aux alliances de ce dernier avec des groupes laïcs extérieurs à la sphère catholique romaine, d’autre part au nombre écrasant de professeurs des séminaires, des universités et des écoles catholiques affichant une opposition ouverte et comme allant de soi aux dogmes et enseignements moraux de l’Église. Mais il existait un troisième fait : C’était ce Souverain Pontife qui avait rendu une telle influence possible. Il avait vu la corruption. Mais sa décision avait été de ne pas excommunier les hérétiques. » (pp. 583-584)
 

Suite à la publication du document de 2005 du pape Benoît XVI (appelant à la prudence concernant les séminaristes qui présentaient des tendances homosexuelles profondément enracinées), j’ai su par exemple qu’aux Philippines, le frère prieur et supérieur d’une communauté religieuse que je connais a vu la moitié des séminaristes faire leur valise ! Et à force de m’entretenir avec certains prêtres et religieux, je sais que dans telle ou telle congrégation religieuse (Frères de saint Jean, Jésuites, Dominicains, etc.), dans tel ou tel média catho (revue, radio… Dans certaines radios en France, 40 % du personnel « en est », je peux l’attester !), dans tel ou tel diocèse, et même au Vatican (où il existe une petite « mafia rose » enserrant le Pape : véridique), la proportion des frères à avoir des tendances homosexuelles se retrouverait, à la louche, dans une fourchette de 1/3 à ½. Cette homosexualité dans le Clergé n’est pas à ignorer, car elle est croissante… même si elle est peu quantifiable et peu révélatrice d’une soi-disant « frustration ou homophobie ou homosexualité refoulée » qui serait générée par le célibat consacré.

 

Si on veut prouver que les prêtres sont aussi des hommes comme les autres, on y arrivera toujours ! Car ils le sont. Tous les Hommes sont pécheurs (… sauf Jésus et Marie). Le plus gênant dans ce discours de l’évidence, c’est que ceux qui se focalisent sur les défaillances des prêtres oublient pour le coup que la majorité d’entre eux sont non seulement humains mais surtout divinisés par le sacrement du sacerdoce, remplis par la grâce et la liberté du don entier de sa personne à Jésus et à son Église. Et là, en effet, c’est la question de la foi en Dieu qui rentre en ligne de compte, et qui fait que les incrédules (emprisonnés par leurs pulsions et jaloux de voir que les prêtres les contrôlent avec succès et joie) s’arrêtent en route, et les confiants continuent le chemin.

 

La mauvaise foi génère des caricatures de curés gays, provenant bien souvent de pseudo « catholiques pratiquants », ou même de prêtres défroqués, froissés de ne pas avoir suivi jusqu’au bout leurs idéaux, ou blessés par des gens d’Église peu charitables : « Le conflit entre Amour et Église, ce sont les évêques et les cardinaux qui l’ont causé, parce qu’ils sont tous des homosexuels refoulés. » (le père Franco Barbero dans le documentaire Les Règles du Vatican (2007) d’Alessandro Avellis) ; « Il y a bien des pédés asociaux, mais souvent ceux-là sont prêtres. » (cf. le blog du chanteur Nicolas Bacchus) ; « Si on faisait des statistiques dans le clergé catholique espagnol, certains diocèses présenteraient un pourcentage élevé d’homosexuels. » (José Mantero, ex-prêtre catholique, cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 151) ; « C’est clair : ce sont des concubines notoires. » (Gustav, homosexuel, décrivant cyniquement deux religieuses italiennes qui ont répondu négativement à sa défense du DICO – le PaCS local – lors d’un micro-trottoir, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi) ; etc.

 

Certains vont tellement vite à homosexualiser tout le clergé qu’ils en arrivent, parfois avec une sincérité incroyable, à proposer des théories abracadabrantes sur l’homosexualité du Christ (en lien par exemple avec saint Jean, le disciple que Jésus « aimait », ou bien avec l’iconographie ambiguë du baiser de Judas). Par exemple, lors d’une interview publiée le 19 février 2010 dans le magazine Parade, le chanteur homosexuel Elton John affirme que « Jésus était un gay compatissant, super-intelligent ».

 

Il semblerait que beaucoup de personnes homosexuelles, croyantes mais non pratiquantes, et tellement persuadées qu’elles sont des fidèles plus authentiques que les vrais catholiques pratiquants parce qu’elles n’obéiraient pas « bêtement/scolairement » à l’Église comme des grenouilles de bénitier, se soient prises pour leurs propres caricatures : les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence (ces hommes excessivement grimés en nonnes provocatrices lors des Gay Pride) en fournissent un bel exemple. Elles voient leur détournement des préceptes de l’Église comme une inversion révolutionnairement sainte. Parfois, ce sont les hommes homosexuels qui, en se déguisant en prêtres fréquentant les lieux de drague gay, alimentent eux-mêmes l’amalgame entre homosexualité et prêtrise : rappelons par exemple que le philosophe français Roland Barthes allait au club parisien Le Rocambole déguisé en ecclésiastique, juste pour porter préjudice à l’institution vaticane et mal agir en toute impunité. La parodie homosexuelle d’Église peut être très sérieuse, comme nous le constatons avec les hordes de FEMEN (seins nus, affichant des messages anticléricaux, portant le voile) lancée par Caroline Fourest, oubien dans le documentaire « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo, où l’on voit des femmes lesbiennes déguisées en prêtres, célébrant des messes en plein air sur la place publique, et réclamant le mariage des prêtres ou l’ordination des femmes prêtres pour combattre le supposé « sexisme » de l’Institution vaticane.

 
CURÉ GAY Queen of homophobia
 

C’est par leurs provocations anticléricales collégiennes, ou leurs pastiches sincères de rites cultuels catholiques, qu’une grande majorité des personnes homosexuelles prouve que la perversion et l’obsession sexuelle ne viennent pas d’abord des prêtres mais de ceux qui les jalousent/ignorent/détruisent : « Dans ma prochaine nouvelle, j’me tape des curés dans la grotte de Lourdes ! » (l’écrivain Ron l’Infirmier dans l’émission Homo Micro de la radio RFPP, le 12 février 2007) ; « Évidemment, je ne vois pas le prêtre en charge de ma paroisse venir m’embrasser sur la bouche. Mais alors, qu’il laisse cela à celui qui en aurait envie parce que cela monterait naturellement de son être accordé à cet embrassement. » (Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel (2005), p. 32) ; etc.

 

Est-il besoin de rappeler que l’idée des prêtres catholiques gays ou du séminaire comme « repaire d’homosexuels » étaient un des arguments fréquemment employés par les Nazis pour pourchasser les personnes homosexuelles et l’Église ? « J’estime qu’il y a dans les couvents 90 ou 95 ou 100% d’homosexuels. […] Nous prouverons que l’Église, tant au niveau de ses dirigeants que de ses prêtres, constitue dans sa majeure partie une association érotique d’hommes, qui terrorise l’humanité depuis mille huit cents ans. » (Heinrich Himmler dans son discours du 18 février 1937, cité dans l’essai Le Triangle rose (1988) de Jean Boisson, p. 73)

 

L’homosexualité attribuée aux curés prouve justement par défaut la ténacité, l’intégrité et la force exceptionnelles de la grande majorité des vrais prêtres. Plus on est dans la Vérité, plus on est attaqués. Et l’homosexualisation de ceux qui sont en chemin de pureté (homosexualisation prenant au départ la forme de la revendication du mariage des prêtres, de la cessation de leur voeu de célibat, ou du sacerdoce des femmes) est souvent le fruit d’une vexation féminine ou d’une jalousie homosexuelle de ne pas parvenir à les séduire ou à les égaler. Pour faire fléchir un prêtre, on va prêcher le faux pour savoir le vrai : « Peut-être que t’es pédé d’ailleurs… »

 

Cela ne veut pas pour autant dire que les hommes d’Église sont parfaits, n’ont pas leurs défaillances, et qu’ils ont tous une sexualité équilibrée. Cependant, ils doivent tendre à la perfection et être exemplaires, car ils sont davantage responsables que des laïcs du salut des autres âmes, ayant été ordonnés pour habiter le Christ. Les prêtres et religieuses, parce qu’ils sont sanctifiés et ont reçus des grâces en abondance, ont moins d’excuses de mal agir. Et il est urgent pour eux, s’ils se sont écartés en actes de leur engagement religieux (en pratiquant des actes homosexuels par exemple), de revenir à la Vérité. Car ils risquent gros : la Vie éternelle. Certains – et j’en connais beaucoup – sont en grand danger, je le dis honnêtement. En danger de mort. L’enfer est peuplé précisément de ces gens-là qui savent mais qui ne font pas, de ces croyants non pratiquants. D’ailleurs, le seul véritable croyant non pratiquant, c’est/c’était le diable.

 

"Coming out" de José Mantero en Espagne

« Coming out » de José Mantero en Espagne


 

Soyons lucides. Depuis ma récente visibilité médiatique en tant que catho homo continent, beaucoup de prêtres, de séminaristes, viennent se confier à moi, me parler de leurs pratiques homosexuelles clandestines (parfois, il arrive aussi qu’ils me draguent !). J’ai même entendu des témoignages d’amis séminaristes, vivant leur homosexualité dans le plus grand secret, alternant les phases de continence avec des moments d’orgie sexuelle sur les lieux de drague, qui m’avouaient qu’à l’intérieur de leur séminaire, certains de leurs camarades sortaient ensemble. Je sais qu’ils ne me mentent pas, car ils m’ont vidé leur sac avec une grande transparence, un véritable attachement à leur Église, et sans volonté de scandale. Tout cela sont des faits. Je n’invente rien de ce que je vous raconte, même si je suis tenu au secret de la « confession », et qu’au-delà de ces révélations, je n’en aime que davantage mon Église et son incarnation humaine. Je sais que malgré leur nombre important, ces prêtres « homos pratiquants » restent une MINORITÉ dans l’Église catholique (en revanche, ce que j’observe de plus en plus, c’est que ce sont les frères de sang des prêtres catholiques qui ont tendance à faire des coming out ! C’est mon cas puisque mon grand frère est prêtre, mais j’ai eu l’occasion de le constater dans la famille de beaucoup de jeunes prêtres ; dans les cas connus, le frère jumeau du cardinal Jean Daniélou). Parfois une minorité puissante, qui exerce des chantages dignes d’une mafia gay (je pense à l’inadmissible groupuscule d’ecclésiastiques homosexuels qui exerce actuellement un petit pouvoir à la Curie romaine). Mais cette réalité d’Église n’enlève rien à la force et l’authenticité du célibat continent de l’ensemble des consacrés. Tout le contraire. L’Église catholique, parce qu’Elle est grande et belle, et qu’Elle est globalement conduite par des hommes et de femmes droits qui font ce qu’ils disent, ne souffrira pas excessivement de ces croyants non pratiquants qui La trahissent. Cependant, c’est pour ces prêtres égarés (et parfois blessés dans leur affectivité, voire malades : eh oui, appelons un chat un chat !) que j’écris ce code : s’ils me lisent, qu’ils se convertissent au plus vite, qu’ils se purifient, qu’ils reviennent en actes à ce qu’ils savent. Calmement, fermement, rapidement, et dans la joie. Le fardeau de la continence concrètement vécue est plus léger que celui de l’intuition non-actée de la vérité de la continence.

 

Lors de son passage à l’émission On n’est pas couché de Laurent Ruquier sur la chaîne France 2 le 1er octobre 2011, la religieuse-sexologue québécoise Marie-Paul Ross disait que ce qui l’a poussée à écrire son essai Je voudrais vous parler d’amour et de sexe (2011), c’était la grande détresse dans le domaine de la sexualité qu’elle avait entrevue au contact de ses compagnons prêtres et moniales. Je me situe dans la même démarche, cette fois sur le sujet spécifique de l’homosexualité. C’est de l’intérieur que l’Église doit se sanctifier et devenir ce qu’Elle est. C’est par les actes – non pas qu’on est sauvés (car l’Amour n’est pas une question de mérite) mais – qu’on trouve le vrai bonheur.

 

Je finirai en proposant une porte de sortie à tous ces prêtres gays « pratiquants » qui se reconnaissent dans la lecture de ce code, qui savent très bien intellectuellement tout ce que j’écris, mais qui n’ont pas de lieu pour en parler. Un ami prêtre catholique solide, d’une discrétion absolue, et d’une profonde écoute, en tombant sur mes lignes, s’est spontanément proposé pour créer une sorte de « Conversion Info Service », et pour accueillir tout prêtre qui aurait besoin de parler avec un véritablement « frère de ministère » (que je ne suis pas ^^). Une seule adresse : jeveuxaimer@live.fr

 
 

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