Archives par mot-clé : homosexualité

Code n°95 – Inceste (sous-code : Père et fils homos tous les deux)

Inceste père

Inceste

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

« Ça n’existe pas chez nous, l’inceste, de toute façon. »

(Pascale Ourbih, présentateur transsexuel M to F, juste avant la projection du documentaire « Et ta soeur » au Festival Chéries-Chérie du 15 octobre 2011 au Forum des Images de Paris)

 

Film "Boy Culture" de Q. Allan Brocka

Film « Boy Culture » de Q. Allan Brocka


 
 

Telle famille, tel fils homosexuel ?

 

Pourquoi le cliché de la mère possessive, ou la thèse du gène gay qui se transmettrait de père en fils, agacent tant la communauté homosexuelle ? Parce qu’il met en lien direct l’homosexualité avec l’interdit majeur de l’Humanité : l’inceste. Ce rapport charnel et sexuel entre deux parents de sang.

 

Le désir homosexuel renvoie aussi bien à la transgression de la différence des sexes qu’à celle de la différence des générations. Il semble succéder au désir d’inceste : en réalité, il n’en découle pas causalement mais « coïncidentiellement », pourrait-on dire. Ce n’est pas par hasard si Christine Angot écrit au tout début de son roman L’Inceste (1999) que « L’inceste, c’est l’homosexualité ».

 

Bien qu’il soit évident que l’homosexualité n’est pas le résultat immédiat et causal d’une « mauvaise éducation » comme dirait Pedro Almodóvar, il n’empêche qu’il peut exister des ponts entre l’environnement familial et le désir homosexuel. Quand je regarde autour de moi, je constate que les situations familiales des personnes homosexuelles, sans être plus extraordinaires ni catastrophiques que d’autres, sont souvent complexes, et parfois perturbées. Même s’il est impossible, fort heureusement, de dresser un portrait-robot de LA famille d’où émergera une ou plusieurs personnes homosexuelles, nous pouvons tout de même définir des terrains porteurs, car oui, ils existent. Ce sont certaines coïncidences (une possible possessivité maternelle, un supposé absentéisme paternel, une certaine expérience de la gémellité, une influence écrasante des frères et sœurs, une éducation ressentie comme trop rigide ou trop laxiste, etc.) qui me le font dire.

 

Par exemple, la majorité des personnes homosexuelles sont orphelines de père ou de mère, symboliques surtout, réels parfois. C’est pourquoi certaines se définissent comme des enfants bâtards – alors même qu’ils ont leurs deux parents –, des « presque orphelins » pour reprendre la charmante expression de Tamsin dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky.

 

Par ailleurs, on rencontre un certain nombre de cas où plusieurs frères d’une même famille se disent « homosexuels », ou bien un des parents avec son fils (la famille Ackerley, la famille Mann, la famille Schwarzenbach, la famille Cocteau, etc.). Ce n’est pas rare, bien qu’en effet, personne dans le « milieu » ne le crie sur les toits par peur d’alimenter l’argument de la dégénérescence, c’est-à-dire d’une « hérédité homosexuelle », ou bien l’idée d’une « homosexualité éducationnelle » qui pourrait, si elle existait, être désapprise ou éradiquée.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles rejettent avec véhémence le concept de dégénérescence, parce qu’elles défendent inconsciemment, dans le rejet, le lien causal entre parents et enfant homosexuels. Il arrive que certains individus reconnaissent en leur père ou en leur fils un amant homosexuel, ou, sans aller jusque-là, leur propre désir homosexuel. Cette correspondance leur déplaît énormément, parce qu’elle renvoie à un autre interdit que celui de la transgression de la différence des sexes par le couple homosexuel ou par le viol génital : celui du viol de la différence des générations, donc de l’inceste. La similitude d’orientation sexuelle entre fils homosexuel et père est parfois troublante dans la réalité, non pas dans la mesure où elle serait causale ou exactement symétrique (tous les pères d’enfants homosexuels ne sont pas systématiquement homosexuels, et tous les fils homosexuels ne sont pas amoureux de leur père, bien entendu), mais parce qu’elle est imparfaitement gémellaire. La société actuelle a trop souvent coutume d’envisager cette possible gémellité dans les désirs incestueux sur le mode de la rupture ou de la fusion, pour ne pas la reconnaître telle qu’elle est : uniquement symbolique, fantasmatique, irréelle, et actualisable si elle n’est pas conscientisée.

 

Il est parfois fascinant d’observer les réactions saugrenues de certains pères au moment du coming out de leur fils, ou à l’inverse, la gêne ressentie de la part du second par rapport à son propre père. Les personnes homosexuelles qui affirment détester leur père ou leur mère, mais qui à côté de cela, choisissent souvent des partenaires amoureux qui ressemblent plus ou moins à leurs parents et à l’image idéalisée qu’elles s’en font, ne sont pas des cas isolés. Quelquefois, c’est vertigineux de voir les copies conformes ! (Ça m’est arrivé personnellement !) Un rapport idolâtre entre les générations peut s’instaurer à travers l’affirmation d’une homosexualité, paradoxalement sur le mode de la rupture, comme l’illustre l’incroyable remarque que j’ai entendue un jour de la part d’un ami homosexuel concernant sa position ambiguë entre son père et lui : « Avec mes parents, on a été un couple… un ‘trouple’ plus exactement… J’ai toujours été la chose de mon père. »

 

Pour terminer, je signale au passage que je ne parlerai pas dans ce code de l’inceste entre frères (ou entre cousins). Je réserve l’étude de ce sujet pour le code « Inceste entre frères » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels (j’y aborde entre autres le cas des familles où il y a plusieurs individus qui se déclarent « homos », ainsi que le rapport de jalousie au sein d’une même fratrie comme facteur d’homosexualité).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Mère possessive », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Pédophilie », « Orphelins », « Élève/Prof », « Éternelle jeunesse », « Clonage », « Parricide la bonne soupe » et « Inceste entre frères », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 
 

FICTION

 

Le personnage homosexuel entretient une relation incestueuse avec un proche parent :

 

INCESTE PÈRES 13 Lanoux

Film « La Triche » de Yannick Bellon


 

On retrouve la thématique de l’inceste dans énormément de créations à thématique homosexuelle : cf. le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, le roman Le Fou du père (1988) de Robert Lalonde, la chanson « My Heart Belongs To Daddy » (1938) de Cole Porter, le film « Premier amour, version infernale » (1968) de Susumu Hani (avec l’inceste père/fils), les films « Les Damnés » (1969) et « Sandra » (1965) de Luchino Visconti, le roman Le Vieillard et l’Enfant (1954) de François Augiéras, le roman Le Neveu (1964) de James Purdy, les films « Belle Maman » (1999) et « Ma Mère » (2003) de Christophe Honoré, le film « Mon Fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, le film « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Luster » (2001) d’Everett Lewis, le film « Alice » (2002) de Sylvie Ballyot, le film « The Maids » (1975) de Christopher Miles, le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti, le film « Sexe fou » (1973) de Dino Risi, le film « Sitcom » (1997) de François Ozon, le film « L’Enfer d’Ethan » (2004) de Quentin Lee, le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, le film « Jin Nian Xia Tian » (« Fish And Elephant », 2001) de Yu Li, le film « La Classe de neige » (1997) de Claude Miller, les films « Sonate d’automne » (1978), « Le Silence » (1962), et surtout « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman (avec la relation ambiguë père/fils), le film « Le Langage perdu des grues » (1991) de Nigel Finch, le roman Joli Papa (2003) d’Alain Meyer, la pièce Soudain l’été dernier (1958) de Tennessee Williams, la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès (avec la figure du père possessif et omniprésent), le roman L’Inceste (1999) de Christine Angot, la pièce Mon beau-père est une princesse (2013) de Didier Bénureau, le film « Le Bal des Vampires » (1967) de Roman Polanski, le roman El Retrato Amarillo (1956) de Manuel Mujica Lainez, le film « Twist » (2004) de Jacob Tierney et Adrienne Stern, le film « El Amor Del Capitán Brando » (1974) de Jaime de Armiñán, le film « Priscilla folle du désert » (1995) de Stephan Elliot (l’un des personnages a été abusé par son oncle), les chansons « L’Amour naissant » (« C’est un revolver, père, trop puissant ») et « Regrets » de Mylène Farmer, la chanson « Celui que j’aimerai » de Cindy dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon, le film « Après lui » (2007) de Gaël Morel (où une mère tombe amoureuse de l’assassin de son fils, Franck), le film « Une Soirée étrange » (1932) de James Whale, le roman L’Espace mortel (2005) de Patricia Duncker, les films « Madame » (1997) et « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le roman Dream Boy (1995) de Jim Grimsley, la nouvelle Adiós Mamá (1981) de Reinaldo Arenas, le film « Jeux de nuit » (1966) de Mai Zetterling, le film « Agostino » (1962) de Mauro Bolognini (traitant de l’inceste avec la mère), le film « Sex » (1971) de Paul Morrissey, le film « La Couleur pourpre » (1985) de Steven Spielberg (avec Celie, violée par son père), le film « L’Histoire de Pierra » (1982) de Marco Ferreri, le film « Smukke Dreng » (« Joli Garçon », 1993) de Carsten Sonder, le film « The Everlasting Secret Family » (1988) de Michael Thornhill, le film « Only The Brave » (1994) d’Ana Kokkinos, le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (avec la mention de Lolita), le film « Billy’s Dad Is Fudge-Packer » (2004) de Jamie Donahue, la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (où un homme âgé vit avec une femme trop jeune pour lui), le film « Souffle au cœur » (1971) de Louis Malle (avec l’inceste entre la mère et le fils), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot (avec lady Philippa, violée par son père), le film « La Vie intermédiaire » (2008) de François Zabaleta (racontant l’histoire d’amour impossible entre une domestique de château sexagénaire et un photographe homosexuel de vingt ans son cadet), le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan (où le personnage d’Anne, 55 ans, interprétée par Muriel Robin, vit avec Marcello qui n’a que 25 ans), le film « Túnel Russo » (2008) de Eduardo Cerveira (avec une grande différence d’âges entre les deux amants), la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton (où Doris, l’héroïne lesbienne, détourne sexuellement le jeune Santiago), le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau (dans lequel est raconté la relation d’un homme de 50 ans avec une fillette de 14 ans), les films « Mommy Is Coming » (2012) et « My Baby’s Daddy » (2004) de Cheryl Dunye (où on assiste à un coming out croisé entre mère et fille), le film « Little Gay Boy, Christ Is Dead » (2012) d’Antony Hickling (Jean-Christophe et sa mère, une prostituée anglaise, prennent leur bain ensemble), le film « Honey Killer » (2013) d’Anthony Hickling, le film « Gerontophilia » (2013) de Bruce LaBruce, le film « Far-West » (2002) de Pascal-Alex Vincent (avec le papy de Ricky, en couple avec son jeune assistant-fermier), la pièce Un cœur de père (2013) de Christophe Botti, la chanson « La Maison en bord de mer » de Patricia Kaas (une fillette violée par son oncle), etc.

 

Film "Hannah Free" de Wendy Jo Carlton

Film « Hannah Free » de Wendy Jo Carlton


 

L’homosexualité se double d’inceste dans le roman Les Hors Nature (1897) de Rachilde. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018, Jimmy, un des personnages homos, a été violé par son père, Joël. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, le Dr Alban Mann est qualifié par Jane, l’héroïne lesbienne, de « pédophile incestueux » (p. 76)… et les faits donneront raison à Jane car Mann viole sa jeune fille Anna : « Le dossier accusant Alban Mann d’avoir abusé d’Anna parlaient d’eux-mêmes. » (idem, p. 251). Dans le roman Confidence africaine (1930) de Roger Martin du Gard, Léandro Barbazano, le héros homo, est né d’un rapport incestueux, et meurt au commencement du livre. Dans le roman L’Obligation du sentiment (2008) de Philippe Honoré, Martin est violé à 14 ans par son père Louis. Dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, quasiment tous les membres de la famille de la jeune Irina lui sont passés dessus (l’oncle Pierre, la mère – présentée comme « l’amour de la vie d’Irina » –, la prof de musique Mme Garbo, etc.). Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Madame Gras a connu l’inceste avec son père puis son frère. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Camille tombe amoureuse du meilleur ami de son fils homo Matthieu. Dans le film « Mon Arbre » (2011) de Bérénice André, Isabelle, une des héroïnes lesbiennes, trouve sa fille « canon ». Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca se jure qu’après la mort de son père (qui rêvait de le marier), il trouvera l’homme de sa vie pour le remplacer. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, le père de Charlène (l’héroïne lesbienne) surnomme sa fille « Princesa » et la chatouille de manière excessive et déplacée. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine idéalise la grande tante Lucie : « Sa tante Lucie est restée vierge. » avant de découvrir la vérité : « Cette salope… Elle a couché avec son fils. Moi qui la croyais vierge ! » Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, lorsque Jefferey fait son coming out à ses parents en pleine fête de famille, il s’étonne de voir son propre père lui demander « d’embrasser son parrain José », un homme de 58 ans ! Mais plus tard, il se soumet à cette projection : « Oui Madame, j’aime les hommes plus vieux. »
 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, la différence des générations est gommée : mère (Diane) et fils homosexuel (Steve) s’imitent dans le jeunisme, la délinquence, les bêtises… ou dans l’âgisme (« Traite-moi comme un adulte ! » récrimine le jeune homme). Le fils embrasse la mère sur la bouche, et est désespéré (au point de se tailler les veines) parce qu’elle ne le suit pas jusqu’au bout de sa passion incestueuse : « Toi et moi, on s’aime encore, hein ? » (Steve) ; « Je vais t’aimer de plus en plus fort, et c’est toi qui vas m’aimer de moins en moins : c’est la nature. » (Diane)

 

Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus nous fait croire qu’il a couché avec une femme… mais on découvre qu’il s’agit de sa mère biologique : « La première femme avec qui j’ai couchée : la bombe ! Avec des seins… »
 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" (planche "Minitel") de Copi

B.D. « Le Monde fantastique des gays » (planche « Minitel ») de Copi


 

L’inceste a la violence du viol. « Je suis une fille de l’inceste. Voilà pourquoi je meurs. » (Antigone dans la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau) ; « Vous avez un problème de violence dans la famille ou quoi ? » (Kévin, le héros homosexuel, s’adressant à son amie lesbienne Sana, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Mon père est un salopard et un manipulateur. Il a trompé ma mère même la dernière année de sa vie. Il a baisé ma prof de théâtre et il m’a… » (Zach, le héros homosexuel qui ne termine pas sa phrase, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Papa lui fourre sa bite dans la chatte. » (le skinhead efféminé Peter Pan, parlant d’Anna, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 96) ; « Maman a dit qu’il n’est jamais trop tard pour s’intéresser à la notion d’inceste. » (Océane Rose-Marie, l’héroïne lesbienne dans son one-woman-show Chaton violents, 2015) ; etc. Par exemple, Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny est un homosexuel abusé (symboliquement) par son père, et reproche à ce dernier d’« avoir eu envie de lui » ; et dans ce même film, le petit Jude se fait violer par son père. Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, Christian s’est fait violer par son père, Helge, et l’annonce en pleine fête d’anniversaire de mariage de ses parents. Dans le film « Laberinto De Pasiones » (« Le Labyrinthe des Passions », 1983) de Pedro Álmodóvar, Queti a été violée par son père Michele. Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, c’est au moment où Nina se masturbe dans son lit qu’elle a la vision horrifique de sa mère l’observant à côté d’elle. Dans le film « Lonely Boat » (2012) de Christopher Tram et Simon Fauquet, une prostituée couche avec le père de son copain. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, la mère-prostituée transsexuelle fait l’amour avec un client octogénaire qui meurt pendant l’acte sexuel : elle atteint l’orgasme en faisant l’amour avec ce cadavre.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann découvre que son amant Julien a couché avec sa belle-mère Solange, la cougar : « Tu t’es tapé la vieille ??? » Julien, lui-même, se révolte contre celle-ci en découvrant la vérité : « Pourquoi vous m’avez violé ?? » La belle-mère ricane : « Violé… Tout de suite les grands mots… » Finalement, Solange se rabat sur Yoann. Elle lui fonce dessus, et ce dernier, au départ, résiste : « Elle voulait me violer ! C’est elle ! C’est moi qui était en-dessous. » Puis Julien et Zoé, ex-amants qui se remettent ensemble, poussent Yoann dans les bras de la belle-mère de Julien. Yoann fait un gosse à la quinquagénaire…
 

Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, le téléspectateur assiste à un chamboulement complet des générations, des rapports d’autorité entre jeunes et adultes. Les moniteurs qui encadrent la colo se font complètement menés par le bout du nez par des ados qui se comportent comme les grands qu’ils ne sont pas et qui pourtant ont déjà une sexualité d’adultes. Cette inversion crée du dégoût et donc du lesbianisme chez la protagoniste principale, Clara.

 

Spectacle contemporain au "Invisible Dog" de Brooklyn

Spectacle contemporain au « Invisible Dog » de Brooklyn


 

Cependant, l’inceste n’apparaît pas nécessairement comme brutal et choquant aux personnages qui le vivent. En général, quand il est vécu, le père et le fils se flattent l’un l’autre de gommer leur différence générationnelle et leur lien du sang, en toute bonne foi. Par exemple, dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, le laisser-aller sexuel de la mère (Marie découvrant son lesbianisme) correspond à celui de la fille (Lili vivant ses expériences sexuelles trop tôt avec un gars peu fréquentable, Freddie)… et leur réconciliation s’instaure sur leur propre négligence. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Ahmed se qualifie lui-même comme « le fils et le père » de son fils Ali. L’éloignement et la négation du Réel, par la violation de la différence des générations, prend chez les héros homosexuels une dimension poétique, ludique, littéraire, affective. « Y’a que dans l’inceste qu’on ne trahit pas. » (le héros homosexuel de la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou) ; « La grenouille comprit que la Sigogne s’interrogeait sur l’Inseste avant d’être avalée par elle. » (cf. les mots inscrits sur une stèle de la Cité des Rats, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 146) ; « Un monsieur aimait un jeune homme, et parfois lui payait ses cahiers. Il était écolier. […] Il est si doux d’être papa. » (cf. la chanson « Le Monsieur et le jeune homme » de Guy Béart) ; « Un fils dormant avec son père, c’est normal ! » (Léopold parlant à son fils Roger, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « C’est toi que j’aurais dû épouser. » (Heck, le mari trentenaire ayant épousé une femme lesbienne Rachel qui l’a trompée, et s’adressant à Hache la petite sœur de cette dernière, qui a 7 ans, Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Kévin, ça se passe bien à la maison ? Ton père te viole-t-elle ? […] Ô bel éphèbe issu de la diversité ! […] Kévin, je suis ton père. » (le flic dans une parodie de film français sur la drogue, dans le one-man-show Blanc et hétéro (2019) de l’humoriste Arnaud Demanche) ; etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Par exemple, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, Leni Riefenstahl évoque la « beauté tragique de l’inceste ». Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Tom dit qu’il « aime » son père. Dans le film « Catilina ou le venin de l’amour » (2012) d’Orest Romero, Catalina, fils d’un ancien militaire propriétaire d’un supermarché, décide de se faire passer pour son père pour conquérir Marcus, un jeune garçon qui vient d’être embauché. Dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, l’héroïne lesbienne souffre d’avoir été traitée par son père militaire comme « la fille chérie », le « faire-valoir ». Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert, le héros gay en costume de marié, court dans une forêt après sa mère, elle-même en robe de mariée, pour lui demander de l’épouser en tant que « roi » et de « le rejoindre dans son Royaume ». Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, « L. » veut se marier avec le Rat alors qu’ils ont une grande différence d’âges : « Je pourrais te faire passer pour mon fils adoptif. » Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane, le héros homosexuel quinquagénaire, a 20 de plus que son partenaire de 30 ans, Vincent. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Todd et Frankie, deux amis du même âge qui viennent de coucher ensemble, se font au réveil le même constat : « Je couche rarement avec les mecs de mon âge. » (Todd) ; « Moi aussi. » (Frankie) Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Hugues, le médecin bourgeois, sort avec Fabien, un petit jeune. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol, l’héroïne lesbienne bourgeoise et déjà mère, vit le « grand amour » avec une femme nettement plus jeune qu’elle, Thérèse. Abby, l’ancienne amante de Carol, s’en étonne auprès d’elle : « Elle est jeune. Sais-tu ce que tu fais ? » Dans le film « Freeheld » (« Free Love », 2015) de Peter Sollett, Laurel, femme mûre, sort avec Stacie, la petite jeunette.

 

Il arrive que le héros homosexuel, d’âge mûr, soit attiré par son fils pour par ceux qui ont l’âge de son fils (cf. je vous renvoie au code « Pédophilie » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Ton père adorait vraiment nous regarder nager à poil. » (un ami de Daniel se référant à l’homosexualité du père de ce dernier, découverte post mortem, dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz) Par exemple, dans la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely, le père de Franck, le héros gay, dit qu’« il a trop aimé son fils ». Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Göran, le héros homosexuel, succombe au charme d’un jeune homme au commissariat, avant de découvrir que c’est son futur fils adoptif. Dans la pièce La Cage aux Folles (1973) de Jean Poiret, George, le héros homosexuel, drague son fils hétéro Laurent.

 

Beaucoup de héros homosexuels racontent leur émoi sexuel pour leur père (ou leur fils) : « Mon cœur est à papa. » (cf. une réplique de la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche) ; « Pendant quelques minutes, il me sembla que j’étais son préféré. » (Zac à propos de son père, dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée) ; « Seul homme de la maison, j’oubliais avec une étrange facilité les liens du sang, faisant ainsi du géniteur aux yeux indiscrets un objet de convoitise et la cause première de nos maladies respectives ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 96) ; « Père… J’aimerais tellement avoir votre assentiment. J’ai pourtant tout fait pour vous plaire. » (Stuart, l’un des héros homosexuels, s’imaginant qu’il rencontre son père, dans le film « Cruising », « La Chasse » (1980) de William Friedkin) ; « Le papa, c’est toujours Dieu. » (Thierry, le héros homosexuel de la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, dans l’épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « Je regardais toujours mon père se déshabiller. » (Jacques Nolot dans le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot) ; « J’ai eu honte j’ai souffert. Je ne vais pas sortir les violons même si pour mon père c’est l’instrument de prédilection. […] Mais j’ai toujours eu en tête d’un jour lui reconnaître que j’aime profondément son dos pour rendre justice aux mots. » (cf. le poème « Un Autre Dos » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 46) ; « Mon amant était Madame Lucienne ! […] J’aimais ma mère ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai enterré l’alliance de mon épouse juste à côté du corps de Chris : ces deux-là étaient si proches. » (Randall, le père de Chris, le héros homosexuel, dans le roman La Synthèse du Camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 234) ; « Aujourd’hui, c’est moi l’homme. Un homme pour mon père. Beau et fort pour mon père. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 35) ; « Je ne crois pas [que ma mère va revenir]. Elle est partie… pour toujours… cette fois-ci. Je passerai désormais ma vie avec mon père. Seul avec mon père. À m’occuper de lui. Homme à homme. Je serai la femme de mon père. » (idem, p. 126) ; « Tu as été mon fils et en même temps l’amour de ma vie. Tu es sûrement l’homme que j’ai le plus embrassé ! […] Quand tu étais petit, on s’embrassait toujours sur la bouche. Quand tu as grandi, tu n’as plus voulu. Tu ne voulais même plus que je te tienne par la main. » (la mère de Bryan à son fils gay Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 353) ; « La seule et unique fois où j’aurais pu conclure avec une femme, j’ai pensé à ma mère. » (François, le héros homo du one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « J’étais si jalouse de vous. » (la mère de Kai, le héros homo, s’adressant à Richard l’amant de celui-ci, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Mon père était l’agaçant quarterback beau gosse qui avait épousé la major sexy de la promotion. » (Simon, le héros homosexuel, en parlant de son père, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

Film "Tell Me A Memory" de Jon Bryant Crawford

Film « Tell Me A Memory » de Jon Bryant Crawford


 

Vianney – « Non, je ne fume pas, mais ça ne me dérange pas, j’aime bien les bouches qui sentent le tabac froid, ça me rappelle mon père.

Mike – T’as couché avec ton père ?

Vianney –

Mike – C’était de l’humour, bon, ok, je me tais. »

(Mike racontant son « plan cul » avec un certain, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 85)

 

Film "Gerontophilia" de Bruce LaBruce

Film « Gerontophilia » de Bruce LaBruce


 

Par exemple, dans le film « Funeral Parade Of Roses » (1969) de Toshio Matsumoto, Eddie tombe amoureux de son père. Dans le film « L’Île des amours interdites » (1962) de Damiano Damiani, Arturo, à 15 ans, voue une passion dévorante à son père. Dans le film « Le Secret d’Antonio » (2008) de Joselito Altarejos. Antonio, à 15 ans, tombe amoureux de son oncle Jonbert. Dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le fils cherche à séduire sadiquement son père, considéré comme un dieu diabolique : « Ouvre-moi ta porte pour l’amour de Daddy. » Dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le père d’Ailín est tombé amoureux de sa fille. Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, George, le héros homosexuel, porte au doigt l’alliance de sa mère. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, établit une relation très étrange avec son père : à la fois il le fuit et il le drague : « Oh mon papili, emmène-moi dans la forêt ! » Il parvient même, en se faisant passer pour sa mère (et la femme de son père, donc), à s’introduire dans la salle de bain de ce dernier et à le voir cul nu. Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, les rapports d’éducation s’inversent : ce sont les enfants qui éduquent leurs parents. Dans le film « Le Maillot de bain » (2013) de Mathilde Bayle, le jeune Rémi, 10 ans, ressent son premier émoi homosexuel pour un beau papa de 35 ans. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon se moque de la réaction post-coming out de sa mère qui s’interroge avec horreur sur les pratiques lesbiennes de sa fille (« Mais qu’est-ce que vous faites ??? »), en lui rétorquant : « Qu’est-ce que vous faites ? Eh bien viens ! Je vais te montrer ! » Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo s’endort contre son père Noé qu’il découvre homosexuel (il surprend ce dernier en train de masturber un conducteur de camionnette) : « Tu seras toujours dans mon cœur papa. » L’homosexualité paternelle finit par déteindre sur la sexualité du jeune garçon de 14 ans, qui se met à être dégoûté des femmes.

 

Film "Le Maillot de bain" de Mathilde Bayle

Film « Le Maillot de bain » de Mathilde Bayle


 

 

Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, entretient dès son adolescence une ambiguë relation fusionnelle avec son père (Sir Philip), une connivence très homosexuelle, qu’Anna Philip, la mère, détecte assez vite et ne voit pas d’un très bon œil : « J’ai découvert que mon père savait tout à mon propos, seulement… Peut-être m’aimait-il trop pour m’en parler. » (Stephen par rapport à son homosexualité latente, p. 549) ; « Stephen grimpait sur son dos. Sir Philip prétendait être grisé pour avoir eu son saoul d’avoine, sautait, bondissait et ruait sauvagement, de sorte que Stephen était obligée de s’accrocher à ses cheveux ou à son col, tout en le frappant de ses petits poings insolents et durs. Attirée par ce vacarme étrange, Anna les surprenait ainsi et indiquait du doigt la boue sur le tapis. Elle disait : ‘À présent, Philip, à présent, Stephen, c’est assez ! c’est l’heure du thé’, comme s’il s’agissait de deux enfants, alors Sir Philip se redressait, se dégageait de Stephen, après quoi il embrassait la maman de Stephen. » (idem, p. 21) ; « Sir Philip aimait Stephen, l’idolâtrait. » (idem, p. 23) « Stephen adorait son père […] ; il faisait partie d’elle-même […] elle ne pouvait envisager le monde sans lui. » (idem, p. 24) Quand Anna tente d’empêcher l’incestueux couple à trois – le fameux « trouple », ou triangle œdipien papa/maman/enfant – (« Stephen, ma propre enfant… elle s’est jetée entre nous » dit-elle à son mari), Sir Philip la renvoie à sa responsabilité : « C’est vous-même qui l’avez jetée entre nous, Anna. » (idem, p. 148)

 

Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, s’imagine en amant miniature dormant sur le gazon puis le torse velu de son père. On ne sait pas trop s’il s’agit de son père réel dont il n’a aucun souvenir (il semble se rappeler d’un souvenir d’enfance quand il avait 2 ans et qu’il était blotti contre lui : « Je m’endormais sur son torse. Il était hyper poilu. ») ou bien s’il s’agit de son père fantasmé, cinématographique. Sûrement les deux.

 

Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, le jeune Franz se met en « couple » avec Léopold, de quinze ans son aîné. Il lui raconte que, lorsqu’il était adolescent, il avait rêvé que son beau-père (le nouveau mari de sa mère, avec « ses grandes jambes de footballeur ») pénètre dans son lit et lui fasse l’amour : « Puis il est venu dans mon lit. J’avais l’impression de devenir de plus en plus petit. Comme une fille. Puis il est rentré en moi. » Et plus tard, s’il a des enfants avec sa copine Ana, il dit qu’il les appellera « Franz et Leopold »…

 

Dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, John, jeune homme de 15 ans, est amoureux d’un papy de 70 ans, Mr Carter : il lui écrit des lettres d’amour, essaie d’attirer son attention par tous les moyens… et sans succès. Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont, le protagoniste homosexuel « nique » avec « beau papa » et finit par lui faire une éjaculation faciale ; plus tard, il se rend sur un site internet nommé Le Syndrome de Stockholm, dans lequel on peut retrouver la trace de son violeur : « Quand j’étais enfant, j’ai été violé. Franchement, c’était génial. Et ce site m’a permis de retrouver la trace de mon violeur. Et je suis drôlement content d’avoir retrouvé mon grand-père ! »

 

Dans le roman L’Amant des morts (2008) de Mathieu Riboulet, la première phrase commence par l’aveu de l’inceste paternel du héros, Jérôme, 16 ans, qui ensuite deviendra homo : « Tout commence avec le père. Avec le commerce sexuel d’un père avec son fils, tout juste adolescent. Un père bûcheron de la Creuse, à la sex/sensualité brute, quasi primitive. C’était arrivé un jour, au petit matin, sur le carreau de la cuisine, et le fils, que son père bichonnait depuis sa naissance, s’était laissée prendre sans réticence. […] Le père de temps en temps couchait avec le fils. Le fils de temps en temps couchait avec le père. » Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, Marcel est amoureux de son oncle homo Alain ; il s’imagine même faire l’amour avec lui pendant la nuit ! : « Il passa de plus en plus de temps devant son écran, se créant tout un univers de rêve. Il avait ainsi un père qui ne l’eut pas abandonné et une mère qui ne chercha pas tant à le contrôler en voulant trop le protéger. Son oncle n’hésiterait pas à lui offrir son corps et sa beauté, car Marcel adulait son oncle, homme séduisant toujours entouré de beaux mecs aussi attirants que lui. Il lui arriva souvent de se branler en rêvant à ce type au charme irrésistible qui dormait dans la chambre d’à côté, ou en train de lui faire l’amour. » (p. 19)

 

Dans l’œuvre du dramaturge argentin Copi, le traitement de l’inceste comme facteur d’homosexualité passe par le motif récurrent de la relation conflicto-fusionnelle mère/fille. « Voici la mère de Lou, mère-fille ou fille-mère, la Reine de l’Atmosphère ! » (Martin dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) On a avec lui l’illustration qu’une possessivité maternelle peut encourager la recherche fiévreuse et passionnelle d’un père absent.

 

Dans certaines œuvres homosexuelles, les jeux de mots et les calembours coquins sur l’inceste s’enchaînent : « Un zeste de citron dans l’eau… » (cf. la chanson « Veni Vedi Vici » d’Alizée) ; « Hello, helli, t’es à moi… Lolita » (cf. la chanson « Moi… Lolita » d’Alizée) ; « Qu’aussitôt, tes câlins/Cessent toute ecchymose […] Optimistique-moi, papa. » (cf. la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer) ; « Pense à ton père. » (Robbie incitant Ezri à pénétrer Effi, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; etc.

 

Généralement, le personnage homosexuel idéalise ses parents pour mieux se substituer à eux ; et inversement, ses parents le mûrissent excessivement et font passer cet abus pour une confiance et une responsabilisation incroyables. Il arrive très fréquent que les coming out entre le père et le fils adultes se croisent, voire même que le père et le fils aient une liaison amoureuse ensemble ! « Je pense à mon oncle souvent. Lui, il vivait chez sa maman. » (un protagoniste homo à propos de son tonton gay et mort du Sida, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Je comprends, car avant, j’étais moi aussi homosexuelle. » (Marina à son fils homo Fred dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Moi-même, j’avais eu pour amant, il y a bien longtemps, un homme mature. » (Randall, père du héros homosexuel Chris, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « J’ai couché avec ma mère. » (l’héroïne lesbienne à Bérénice, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) ; « Ma femme sait tout de moi, et notre fils […] saura tout lui aussi. Et il apprendra à respecter les autres et à se respecter lui-même. » (cf. la phrase de conclusion du père homo, dans le film « Alang Lalaki Sa Buhay Ni Selya », « The Man In Her Life » (1997), de Carlos Siguion-Reyna) ; « Peut-être que mon père se maquillait un petit peu moins [que moi]. » (Roberto le trans dans la pièce Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphan Druet) ; « Si ces pulsions animales sont génétiques, ça ne peut venir que du côté de ton père. » (la mère parlant à sa fille Bénédicte de l’homosexualité de son fils Laurent, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Vous savez que chez moi (faire l’amour à sa mère) c’est une coutume ? » (Jarry dans son one-man-show Atypique, 2017) ; etc. Par exemple, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Vincenzo est obsédé par le qu’en-dira-t-on à propos de l’homosexualité de son fils Antonio : dans les lieux publics, il est persuadé que tout le monde l’a identifiée et en rient. Il s’est complètement identifié à la caricature qu’il s’est faite de son fiston.

 

 

Film "Big Mama, de père en fils" de John Whitesell

Film « Big Mama, de père en fils » de John Whitesell

 

Le père et le fils sont tous les deux gays dans la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « The Boy Next Door » (2008) d’un réalisateur inconnu, la pièce Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz (Henri et son père), le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson (Marcel et Arthur Proust), le film « Crustacés et coquillages » (2005) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec Marc et son fils Charly), le film « A Ferret Calles Mickey » (2003) de Barry Dignam, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le film « Odd Sock » (2000) de Colette Cullen (une mère et son fils se révèlent mutuellement leur homosexualité autour de la machine à laver familiale), le film « Un Arrangement » (1998) de Didier Blasco, le film « Le Langage perdu des grues » (1991) de Nigel Finch, le roman Las Locas De Postín (1919) d’Álvaro Retana (avec Polito et son père), le film « Quelque chose en son temps » (1965) de Roy et John Boulting, le film « La Résidence » (1969) de Narciso Ibañez-Serrador (la « fille à pédés » lesbienne surprotège son fils unique gay), le film « Père, Fils » (2003) d’Alexandre Sokourov, le film « Simon, El Gran Varón » (2002) de Miguel Barreda, le film « Respire ! » (2004) de Dragan Marinkovic (où le père et la fille sont homosexuels), le film « Caresses » (1997) de Ventura Pons, le film « Merci… Dr Rey ! » (2001) d’Andrew Litvack, le film « Burlesk King » (1999) de Mel Chionglo, le film « Choujue Dengchang » (2001) de Cui Zi’en, le film « La Rivière » (1996) de Tsai Ming-liang, la B.D. Dads And Boys (2007) de Josman (avec des images crues d’un père et d’un fils qui couchent ensemble, parfois avec le grand-père en prime !), etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

« Ton père est différent des autres pères. » (le père, travesti M to F, faisant son coming out à son fils Peter, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau) ; « Moi aussi, j’ai une préférence pour les garçons. » (le père du transsexuel M to F Jessica, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Je dirai que ton père était un pédé. » (Hervé Nahel lors de son concert aux Sentiers des Halles le 20 novembre 2011) ; « Si ce que j’aime le plus au monde est gay, alors moi, je suis… [Rideau. Toute dernière réplique de la pièce] » (le père de Chris, le héros homosexuel en couple avec le joueur de foot dont son père est fan, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Je suis le père d’Howard et je suis gay ! » (le père d’Howard, le héros homosexuel, en soutien pour son fils homo privé de son titre de meilleur prof de son lycée, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Homos de père en fils depuis cinq générations ! » (Francis, le héros homosexuel de la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt) ; « Dans la famille, on est gays de père en fils ! » (le père homo d’Henri, le héros qui feint l’homosexuel, dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz) ; « C’est pas parce qu’elle avait de la moustache que c’était un gars. » (la grand-mère de Rodolphe, lui parlant de son père qui serait allé vers sa mère parce qu’il aurait cru que c’était un homme, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand) ; « Depuis l’armée, j’ai toujours pensé qu’il avait été un peu fiottasse. » (idem) ; « Le plus délicat, c’est de faire son coming out à son père. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Qu’est-ce que je vais trouver ? Peut-être que c’est un marin, un cow-boy dans un ranch, un hippie, un travesti, un taulard ou bien qu’il vend des armes. Va savoir ? » (Phil, le héros homo, parlant de son père inconnu qu’il va rejoindre aux États-Unis, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; « Tel père tel fils. » (Grace, la mère folle de John le héros homo, à propos de l’homosexualité de ce dernier, dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; etc.

 

Film "Beginners" de Mike Mills

Film « Beginners » de Mike Mills


 

Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, pères et fils ont tous en couple homosexuel : nous est dépeint un monde sans différence des sexes, où la différence des générations s’est substituée à la différence des sexes à travers le clonage. Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, la mère se présente comme « l’amie » de son fils homo Bruno, et rêve finalement qu’elle forme un couple lesbien avec la Tante Claudette. Dans le film « Kazoku Complete » (« La Famille au grand complet », 2010) d’Imaizumi Koichi, Shusaku a des relations sexuelles avec Koichi, son père. Dans le film « Uncle David » (2010) de Gary Reich, Ashley et son oncle ont une liaison. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Georges de la Ferrinière, le présentateur télé, et son fils homo Éric, découvrent qu’ils ont tous les deux le même amant : Jean-Loup ! Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy rêve, en tant qu’acteur, de jouer une Princesse byzantine, et que son « fils » Édouard soit gay (d’ailleurs, il lui offre le livre Père manquant, fils manqué). Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, Vidvn suce le sexe de son père Mimile. Dans le film « Ma Mère préfère les femmes (surtout les jeunes…) » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, Sofía aime les femmes de l’âge de ses filles, et ces dernières se demandent si elles ne sont pas, elles aussi, lesbiennes comme leur mère. Dans le film « Beginners » (2010) de Mike Mills, quand Hal, un homme âgé, fait son coming out à son fils Oliver, cela provoque chez ce dernier énormément d’interrogations… Dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, David, homosexuel de 15 ans, est adopté par le couple homosexuel Ed et Arnold. Dans le film « Días De Boda » (2002) de Juan Pinzás, on apprend que Rosendo, le marié, et son beau-père ont eu une liaison homosexuelle. Dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, Rachel, l’héroïne lesbienne, rêve qu’elle fait l’amour avec sa propre mère, au moment du coït avec sa copine (les visages se transposent les uns aux autres). Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, Scott s’imagine faire l’amour à sa mère. Dans la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant, la relation entre le père (le roi Ferrante) et son fils (Don Pedro) est très ambiguë : « Vous savez bien que je vous aime » dit Don Pedro à son père ; « On devrait pouvoir rompre avec ses enfants comme on le fait avec ses maîtresses » rétorque ce dernier. Dans le roman El Día Que Murió Marilyn (1970) de Terenci Moix, Jordi et son oncle sont tous deux homos. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc est homosexuel comme son oncle Édouard. Dans le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, Andy va « tailler une pipe » à son père dans les toilettes. Dans le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, Brad, le héros, vit dans un monde où l’homosexualité est la norme sociale, et où son père comme sa mère vivent chacun en couple homosexuel de leur côté. Dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, Zac, le héros gay, aperçoit avec effroi (et comme un « flash ») son père en tant que client régulier dans la boîte gay qu’il a coutume de fréquenter ! Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Rolf, le personnage bisexuel, a un oncle homosexuel, Peter, « celui qui vit dans la forêt, l’excentrique de la famille » (p. 62). Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, Sybille a surpris sa mère Helen au lit avec sa tante Judith. Dans le film « The Parricide Sessions » (2007) de Diego Costa, Diego tente de convaincre son propre père de jouer devant sa caméra le rôle de ses différents amants. Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, on apprend que « L. » s’est fait sodomiser par son père avant qu’elle/il ne l’étrangle avec ses bas de soie. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, la tante d’Omar a dit à son neveu – qui dort avec des poupées – qu’« il était exactement comme son père »… et on découvre que Ralph, le père en question, est secrètement homo. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, la mère de Reggie (l’un des personnages homos) est homosexuelle comme son fils… ce qui fait mourir de rire ses comparses LGBT. Dans l’« Histoire de Kamaralzamân avec la Princesse Boudour » des Mille et une Nuits, « l’homosexualité latente du père à l’égard du fils et du fils à l’égard du père, est fortement indiquée. » (Christian David, « Les Belles Différences », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 382) Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon raconte comment elle a fait son coming out auprès de ses parents ; face aux larmes de tristesse de son père, elle décrit celui-ci comme un semblable d’orientation sexuelle : « Arrête, papa. On dirait un pédé ! » Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas, en couple avec son demi-frère, rend responsable son père décédé de leur homosexualité à tous les deux (et, du coup, à tous les trois !) : « Tu vas voir tes deux fils s’aimer. Mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. » Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, après que Simon a révélé à son père son homosexualité, ce dernier, pour montrer qu’il est ouvert et qu’il accepte son fiston tel qu’il est, lui propose sérieusement de l’aider à trouver avec lui l’âme-frère : « On pourrait peut-être s’inscrire sur Grindr ensemble… »

 

Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, on assiste à un spectaculaire coming out croisé entre père et fils. Sammy, le père d’Elio (jeune homo de 17 ans), a deviné l’aventure homosexuelle qui a impliqué son fils et son collègue de travail Oliver (la trentaine). Sammy non seulement encourage son fils à l’homosexualité (en lui assurant que ce qu’il a vécu avec Oliver était « bien plus qu’une magnifique amitié ») mais en plus lui dit qu’« il l’envie », et que même s’il s’est marié à 30 ans avec sa maman, il a failli faire son coming out : « Je n’en ai pas été loin… » Sidérant. Elio demande à son père si sa mère est au courant de son homosexualité secrète… et ce dernier dit qu’il « ne croit pas ».
 

Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, Raymond découvre que son père, Marcel (70 ans), s’est marié avec un homme, Dominique, et s’inquiète de se découvrir lui-même homosexuel… et son homosexualité est latente : « J’espère que ce n’est pas héréditaire. Parce que je ne suis pas du tout comme ça ! Mais alors pas du tout comme ça ! […] J’espère… j’espère que ce n’est pas héréditaire. » D’ailleurs, Dominique essaie de l’en persuader, en s’approchant dangereusement de lui, et en sous-entendant que Marcel et lui sont tous deux homos : « Au fond de vous, je sais que vous êtes comme lui : les mêmes attirances ! » De plus, suite à un quiproquo, Caroline, la fille de Dominique, s’imagine, en voyant Raymond, que c’est lui le « mari » de son père (donc son beau-père), et est scandalisée que son papa « ait réussi à séduire un jeune ». Elle finira par découvrir que Dominique a signé un « mariage pour tous » blanc avec Marcel, et par se mettre en couple avec Raymond, donc pour le coup son « demi-frère » par alliance. L’incestuel arrive à son paroxysme dans cette pièce.
 

Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Yiorgos découvre avec horreur que Strella, l’homme transsexuel de 25 ans avec qui il a couché et dont il commençait à tomber amoureux, était en réalité son fils… Ce dernier l’a piégé en connaissance en cause, et s’était déjà illustré dans un autre cas d’inceste, puisqu’à l’adolescence, lui et son oncle (le frère de Yiorgos) avait eu une liaison : « Les hommes plus âgés me rassurent… » avoue-t-il. Strella est même traité par ses amis homosexuels de « gérontophile ». L’un de ses collègues transsexuels, Mary, a également eu pour amant son oncle Atonis.

 

Film "Strella" de Panos H. Koutras

Film « Strella » de Panos H. Koutras


 

Dans la violence de la répression de l’homosexualité de son fils, on lit parfois chez le père fictionnel une homosexualité latente : c’est le cas par exemple dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green (entre Enrique et son fils trans Michael), le film « K@biria » (2010) de Sigfrido Giammona (entre Giovanni et son fils gay Francesco), le film « Le Fils préféré » (1994) de Nicole Garcia, etc. « Un soir, il s’en est pris à moi. J’étais en CP, j’avais ramené un bulletin de notes un peu moins bon que d’habitude. Il m’a mis tout nu, m’a allongé sur le lit… j’étais terrifié. Il a défait sa ceinture et a commencé à me frapper, sans tenir compte de mon âge, comme si j’étais un adulteou un criminel. Mais le bulletin, ce n’était qu’un prétexte. Il trouvait que j’avais l’air efféminé. À six ans ! Il me traitait de petit pédé, qu’il allait faire de moi un homme. » (Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 422) Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Alba, avant de se découvrir lesbienne, a jeté son fils Roberto dehors parce qu’il était homo. Dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues, au moment ou Ze María, le héros homosexuel, tue son copain d’une balle, il dit symboliquement que « son père est mort » ; il avouera après à ce dernier (qui est trans) : « J’ai tué un pédé comme toi qui méritais pas de vivre. »

 

Pièce "Gai Mariage" de Gérard Bitton et Michel Munz

Pièce « Gai Mariage » de Gérard Bitton et Michel Munz


 

Le personnage homosexuel critique parfois le lien d’hérédité – qu’on appelle « de dégénérescence » – qui est fait entre son homosexualité et celle de son père. « Il est exactement comme notre père, mais il le déteste. » (SDF parlant de son frère homo, dans le bâti Lars Norén (2011) d’Antonia Malinova) ; « T’as ça [= la politique ou l’homosexualité ?] dans le sang ! Tu as le sang de ton père ! » (Sofia s’adressant à Édouard le héros homo, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; etc. Mais pourtant, qui, sinon lui, a créé la causalité « homophobe » ? « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Malcolm dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60) ; « Que signifiait le baiser qui l’avait tant troublé : défi, ou mépris ? L’homme les avait-il pris, son père et lui, pour des invertis ? » (le héros homos de la nouvelle« À l’Ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 31) ; « Allais-tu me ressembler ? Si tu étais un garçon, aurais-tu les mêmes goûts que moi ? » (Bryan, le héros homo ayant fait « accidentellement » un enfant à son amie Stéphanie, et parlant à son fils qui vient de naître dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 402) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, l’argument de la dégénérescence revient sur le tapis : le personnage gay de Pédé, qui a déjà un fils homosexuel, n’est pas ravi d’apprendre que Lou, la fille qu’il a abandonnée pendant 17 ans, est également homosexuelle : « Trois folles dans la famille ! »

 

L’inceste ne concerne pas que les rapports familiaux. Il s’élargit ensuite à l’écart d’âges entre les deux partenaires adultes du « couple » homosexuel : cf. le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall (entre Mary et Stephen), le film « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh (entre Scott et Liberace), le film « Le Derrière » (1998) de Valérie Lemercier (entre Francis et Pierre), le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (entre Cédric et Laurent), etc. « J’ai été surpris par le nombre de jeunes, des mecs d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années, cherchant expressément des partenaires de plus de 45 balais. » (Michael parlant des rencontres Internet, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 17) ; « Dans certaines tribus de Nouvelle-Guinée, dans le cadre de rite d’initiation, on impose à de jeunes garçons de pratiquer des fellations sur leurs oncles ou leurs pères… Ah ben y’a beaucoup de papous alors, en France, non ? » (le comédien de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, pp. 92-93) ; « À part un Roi de la pédale [comme vous], j’vois pas qui aurait pu prendre des vieux queutards. » (les flics s’adressant à Armand, le héros homo de 43 ans, initialement attiré que par les hommes plus mûrs et plus vieux que lui… mais qui, pendant l’intrigue, finira par s’accoupler avec une petite jeune de 16 ans ; l’attraction pour les vieux va paradoxalement avec l’attraction pédophile ; c’est ce qui conclure au flic qui arrête Armand : « Le fait que vous aimiez les vieux m’incite à penser que vous aimez aussi les jeunes filles. ») ; « C’est pour ça que Lili c’est mon deuxième papa. » (une patiente lesbienne, accouplée à la vieille Lili, sa compagne de 73 ans, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Le Zizi de Billy », les amants se traitent mutuellement de « neveu » et d’« oncle » (« Tu es mon oncle bien aimé ? » ; « Et toi, t’es mon neveu bien aimé ? »). Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William sort avec un homme marié, Georges, qui a le double de son âge. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris sort avec un homme (Ruzy) pendant que son père sort avec une nana de 15 ans : « À 15 ans, c’est tellement mignon, tendre. » (le père de Chris) Dans le film « Il Compleanno » (2009) de Marco Filiberti, le jeune et beau Diego séduit Mateo, l’homme marié faisant sa crise de la quarantaine. Dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, Jamie, maître nageur homo, fait en vain le bouche à bouche à un homme noyé beaucoup plus âgé que lui, et ce geste le plonge dans un profond trouble. Dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage, au départ, Jean-Louis confond le père du transsexuel M to F Jessica pour un client de celle-ci. Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika s’imagine en train de dégrafer les soutiens-gorge des femmes qui ont l’âge de sa mère ; plus tard, elle a liaison avec Linde, une mère de famille, dans les bras de laquelle elle accède à la vie d’adulte à vitesse grand V : « Toute ma vie, on m’avait appris à vénérer mes aînés. Quiconque avait cinq ans de plus que vous était un aîné. Presser les fesses de Linde enfreignait toutes les règles de la vénération. D’aînée, je la transformais en être sexuelle, en égale. Cela faisait de moi une adulte. » (p. 36) Dans le sketch « Le Couple homo » de Pierre Palmade et Michèle Laroque, Alain, 48 ans, sort avec son jeune amant brésilien Roberto, 19 ans. Dans le film « Storm » (2009) de Joan Beveridge, Jill vit en ménage avec Nicky, une femme qui a l’âge d’être sa fille (… et qui finira d’ailleurs avec la fille de Jill, Tasha !). Dans le film « Tell Me A Memory » (2010) de Jon Bryant Crawford, Jack tombe amoureux de Finny, un grand-père beaucoup plus âgé que lui, et qui a la maladie d’Alzheimer. Dans la publicité Renault « Bien dans son époque, bien dans sa Twingo », un jeune homme drague un travesti qui a l’âge d’être son père. Dans son roman Je vous écris comme je vous aime (2006), Élisabeth Brami essaie de nous faire avaler une grosse couleuvre : la beauté de l’histoire d’amour entre deux femmes mariées, ayant 30 années d’écart (Gabrielle, 80 ans, et Émilie, 50 ans) : « Pourquoi cette femme, de trente ans plus jeune qu’elle, a pris en un soir une telle place ? » (Gabrielle, p. 12) Pourquoi… On se demande, en effet… Pour parachever l’invraisemblance de cette intrigue, c’est bien sûr la plus jeune qui se montrera la plus demandeuse et la plus accro à alimenter la liaison épistolaire avec la plus âgée.

 

Les rapports homosexuels entre personnes de générations différentes sont parfois facilités/forcés par l’argent et les règles tacites de la prostitution. Par exemple, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel se rend chez un de ses voisins d’immeuble et se déshabille devant lui… alors que celui-ci a l’âge d’être son papy. Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, tente de draguer le jeune barman du resto qu’il fréquente.

 

Film "Chacun sa nuit" de Pascal Arnold

Film « Chacun sa nuit » de Pascal Arnold


 

Enfin, nombreuses sont les œuvres de fiction homosexuelles où revient l’histoire incestueuse de Peau d’âne (cf. la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, le film « La Mante religieuse  » (2014) de Natalie Saracco, le film « Naissance des pieuvres  » (2007) de Céline Sciamma, etc.) ou d’Œdipe (cf. la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, l’opéra-oratorio Œdipus Rex (1927) d’Igor Stravinski, le film « Edipo Re » (1967) de Pier Paolo Pasolini, etc.). « Tu es très belle avec ton poncho qui sent l’âne. » (l’héroïne lesbienne à Bérénice, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) Par exemple, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire se compare à Œdipe.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

« Mais l’amour n’a pas d’âge, enfin ! »

 

Même dans la réalité, inceste et homosexualité se rencontrent parfois, même si je n’appuie absolument pas la thèse de la dégénérescence ni de la transmission génétique de l’attirance homosexuelle. Je prends aussi le terme « inceste » dans son sens large et étymologique (incastus : ce qui est non-chaste), c’est-à-dire que je considère incestueuse/incestuelle toute relation où prédomine le rêve de fusion, de possession de l’autre, où l’espace nécessaire à la différence et à la relation/union n’est pas respecté.

 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi (cf. planche "Le Gai-Pied")

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (cf. planche « Le Gai-Pied », revue homo)


 

Certaines personnes homosexuelles ont réellement subi l’inceste dans leur adolescence, et celui n’a pas été opéré nécessairement par des hommes, d’ailleurs : « En général 2% des statistiques sur l’inceste mentionnent des actes mère/fils. » (Daniel Welzer-Lang, Le Viol au masculin (1988), p. 190) ; « J’ai été retrouvé la Femme lunaire. Elle m’a confié comment elle avait été violée par son père. » (Simone de Beauvoir, parlant de son amante « la femme lunaire », dans une lettre rapportée dans la pièce-biopic Pour l’amour de Simone (2017) d’Anne-Marie Philipe) ; etc. Dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, Jean-Philippe (28 ans) est homosexuel et a subi les abus d’un oncle de 9 à 16 ans ; André (33 ans), sodomisé sauvagement par son père à l’âge de 13 à 16 ans, se dit à l’âge adulte d’orientation homosexuelle.

 

Lors de mes voyages et entretiens avec les personnes homosexuelles libanaises et martiniquaises en avril-mai 2013, j’ai été frappé de voir combien, dans des sociétés si culturellement peu préparées à accueillir la reconnaissance du désir homosexuel, il y avait à la fois beaucoup de pratique homosexuelle clandestine et beaucoup de cas d’inceste dans les familles.

 

À propos de l’inceste au sein du cadre homosexuel, il n’est pas nécessairement caché par le père, ni subi par le fils, surtout quand ce dernier arrive à maturité d’adulte. Quand il a lieu, en général, le père et le fils se flattent l’un l’autre de gommer leur différence générationnelle et leur lien du sang, en toute bonne foi. Par exemple, dans les synonymes d’« homosexuel », on trouve « daddy » (= papa), un terme très affectueux. Comme de par hasard… L’éloignement et la négation du Réel, par la violation de la différence des générations, prend chez certains père et fils une dimension poétique, ludique, littéraire, affective. Par exemple, le père d’André Gide, appelait souvent son fils « mon petit ami ». Dans le reportage « Les Fioretti de Pier Paolo Pasolini, 1922-1975 » (1997) d’Alain Bergada, le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini dit avoir éprouvé étant jeune « un amour sensuel pour son père urinant dans un fossé ». Dans le documentaire « Cocteau et Compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier, le poète français Jean Cocteau sous-entend que son père était homosexuel comme lui, et qu’il s’est suicidé pour cette raison : « Le pédéraste reconnaît le pédéraste… » Dans le film « Family Outing » (2001) de Ben McCormack (présenté comme une histoire basée sur des faits réels), un jeune adulte découvre que l’homme mûr qu’il vient de sucer à travers un glory hole n’est autre que son père ! (la seule réplique qu’on entendra juste avant la fin de ce court-métrage, c’est l’exclamation du fils face à son amant : « C’est toi papa ? »)

 

Article Têtu de mars 2021

Il est possible que dans des familles où l’homosexualité se déclare, le père et le fils se soient trop rapprochés de s’être trop vite évités : « Mon époux aimait bien Jimmie. Je crains même qu’il ne l’ait trop aimé. » (Mrs Sewell en parlant de son fils homosexuel Jimmie, citée dans l’autobiographie Palimpseste – Mémoires (1995) de Gore Vidal, p. 48) ; « De là à ce que j’aie pensé, depuis mes toutes premières années, qu’il valait mieux être un homme qu’une petite fille pour lui plaire, il n’y a qu’un pas à franchir. » (Paula Dumont, écrivaine lesbienne, à propos de sa mère, dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), p. 35) ; « L’homosexualité féminine se dissimule encore plus que l’homosexualité masculine parce qu’elle touche au tabou le plus ancré chez tout être humain à savoir celui qui touche au corps de la mère. » (idem, p. 86) ; « J’ai besoin d’érotisme à cause du corps de ma mère, de sa vie. Souvent elle disait : ‘Je t’y prends !’ à faire ceci cela. Me surveillant. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), pp. 61-62) ; « Mon grand-père était un homme au sexe proéminent. […] Pendant longtemps, j’ai été jaloux de ma mère à cause de mon grand-père. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), p. 31) ; « Quelques images me reviennent : il est assis dans l’auto. Son pénis est sorti. Il a une érection. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 244) ; « Nous rejoignons dans la nuit le lycée qui est à 20 km, route de Carhaix, celle de l’accident [de mon père]. C’est la chanson de Charlotte Gainsbourg avec son père, ‘Lemon Incest’ : ‘Je t’aime, je t’aime, je t’aime plus que tout…’, je suis certain d’avoir envie de pleurer […]. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 88) ; « Quand mes frères et sœurs s’étonnaient de mon absentéisme, ma mère le justifiait par le fait que j’étais l’aîné et qu’elle avait besoin de moi pour accomplir certaines tâches. Un peu comme on le dit d’un mari. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 18) ; « Je fais en sorte de rentrer tard pour éviter cette impression de vivre en couple avec elle… » (idem, p. 90) ; « Coco devait avoir cinquante-six ou cinquante-sept ans, mais l’idée d’inceste  avec un fils fictif remplissait son imaginaire érotique. » (Alfredo Arias dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 94) ; « C’est vrai, je suis un fantôme très sensuel. J’aime caresser les êtres chers. C’est vrai, j’aime caresser les jambes de mes filles, leurs seins. Je me permets même de caresser le sexe de mon fils. Un fantôme peut accéder aux désirs les profonds, n’est-ce pas ? » (la grand-mère d’Alfredo à son petit-fils, idem, p. 164) ; « On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. » (Alfredo à sa grand-mère, idem, p. 165) ; « Ma mère comptait tellement pour moi. J’ai passé ma vie à la séduire. »  (une femme lesbienne de 70 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Faut que je te dise aussi un truc, c’est que je t’aime et que t’es mon fils, quand même, mon premier gamin. Je n’avais pas trouvé ça, comme on pourrait le penser, beau et émouvant. Son ‘je t’aime’ m’avait répugné, cette parole avait pour moi un caractère incestueux. » (Eddy Bellegueule citant son père, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 58) ; « Ton père il a un sacré engin. » (la mère à Eddy Bellegueule, op. cit., p. 77) ; « L’impudeur de mon père. Il disait aimer être nu et je le lui reprochais. Son corps m’inspirait une profonde répulsion ‘J’aime bien me balader à poil, je suis chez moi je fais ce que je veux. Jusqu’alors dans cette maison c’est moi le père, moi qui commande’. » (Eddy Bellegueule, idem, p. 77) ; « Je pourrais également être prostitué – et même travesti, navré si cela vous choque. Violé à l’âge de 12 ans, j’ai grandi dans une famille où l’inceste était monnaie courante. Les hommes de mon enfance – à commencer par mon père – n’étaient pas à la hauteur. Pire, ils auraient dû me dégoûter d’être un homme. » (Père Jean-Philippe, Que celui qui n’a jamais péché… (2012), p. 17) ; etc.

 

Planche "Les Comme ça" de la B.D. "Le Monde fantastique des Gays" de Copi

Planche « Les Comme ça » de la B.D. Le Monde fantastique des Gays de Copi


 

Dans l’émission C’est mon choix diffusée sur la chaîne Chérie 25 sur le thème « Elles ont osé sortir avec des personnes de la même famille », Léa, une femme trentenaire qui a d’abord collectionné les aventures masculines en sortant avec deux hommes qui étaient l’un vis-à-vis de l’autre oncle et neveu, s’est découverte lesbienne et est désormais en couple avec une femme. Face à l’étonnement du public, elle sort par provocation : « J’aurais dû me taper la mère ! »
 

Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, et son père Mathias se traitent mutuellement de « bitch » (« Bitch toi-même. » lui répond Mathias), et dorment ensemble dans le même lit. Le spectateur met d’ailleurs un temps fou à comprendre que Mathias est le père de Lara.
 

Il arrive que les coming out entre le père et le fils adultes se croisent, voire même que le père et le fils aient une liaison amoureuse ensemble ! « Mon coming out est devenu l’outing de papa. » (Stéphane dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 134) ; « Ma mère passait la soirée chez la voisine. Elle rentrait ivre avec la voisine, elles se faisaient des blagues de lesbiennes ‘Je vais te bouffer la chatte ma salope.’ » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 66) ; « Je suis né auprès de deux soixante-huitards militants. J’ai eu une enfance très très heureuse et très très libérée. Mon père est quelqu’un extrêmement excentrique. C’est un peintre. Il m’a dit qu’il avait probablement des tendances homosexuelles cachées. » (Jonathan, séropositif et homosexuel, dans le documentaire « Prends-moi » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; etc. Des exemples connus de familles où le père et le fils sont homos tous les deux ne sont absolument pas rares : cf. la famille Ackerley (père et fils homos), la famille Mann (Thomas, Klaus, et Erika), la famille Schwarzenbach (mère et fille lesbiennes), la famille Burrough (mère et fils), la famille Éribon (oncle et neveu), etc.

 

Il est étonnant de voir, même si cela n’a rien de systématique, qu’il y a beaucoup de familles où l’homosexualité est ressentie chez les parents ET chez les enfants. J’en connais personnellement beaucoup ! Ce n’est pas mathématique, ce n’est pas génétique, ce n’est pas automatique, ce n’est pas statistique, ce n’est pas publicitaire (surtout dans les débats actuels sur l’adoption)… mais je crois aux influences des modèles médiatiques/concrets qu’on propose (je n’ai pas dit « qu’on impose ») à un enfant. Par exemple, en assistant au débat « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s, le samedi 10 octobre 2009, à la Salle des Fêtes de la Mairie du XIème arrondissement de Paris, un père témoignait publiquement – et presque avec fierté – de son homosexualité et de celle de son enfant : « Heureusement que je m’accepte en tant qu’homo parce que… ça fait 10 ans que ma fille vit avec une fille. » Apparemment, cela n’a interrogé personne. Pas même les concernés…

 

Ce coming out couplé, une fois deviné, n’est pas toujours bien accueilli par les deux parties… car l’effet-miroir peut être violent… peut même être le signe du viol même ! Par exemple, dans son ouvrage Les Deux Prostitutions (1889), François Carlier évoque le cas d’un fils parricide qui tua son père ayant abusé de lui : « Lintz, qui fut exécuté à Versailles le 31 mai 1882, après avoir porté à son vieux père les premiers coups de couteau, le traîne à terre et, avant de l’achever, se rend coupable sur lui du crime de viol. »

 

Dans la biographie Ramon (2008), Dominique Fernandez fait la prouesse de retracer la vie de son père. Ce dernier a écrit en 1924 un roman intitulé Philippe Sauveur et qui traitait d’homosexualité. Son fils s’en étonne encore, même s’il laisse échapper quelques indices d’homosexualité latente chez son père, qui était pourtant un homme marié et un coureur : « Écrire sur l’homosexualité, à cette époque, quand on était soi-même, ou qu’on passait pour l’être, un homme à femmes ! Quelle étrange curiosité poussait l’apprenti romancier ? Il est sans exemple, autrefois comme aujourd’hui, qu’un écrivain ait abordé ce sujet sans être lui-même de la famille ou tenté d’y entrer. Que devais-je donc penser ? […] Ce n’est pas que je craignais de me découvrir un père homosexuel, ou n’ayant échappé que de peu à l’inversion. Non, je redoutais plutôt le contraire : que l’inversion n’eût été pour lui qu’un objet de curiosité intellectuelle et que, comme la plupart des gens qui la considèrent du dehors, il n’y eût rien compris. » (pp. 129-130) L’homosexualité paternelle de Ramon Fernandez, habillée du vernis de l’hétérosexualité, ne semble pourtant pas faire de doutes puisque Louis Aragon a assuré à Dominique qu’il avait surpris son père au lit avec Drieu de la Rochelle. Et un peu plus tard, Dominique Fernandez semble corroborer cette thèse : « Question à laquelle je ne pourrai jamais répondre : sorti de l’adolescence, mon père avait-il renoncé aux liaisons homosexuelles ? Mûri, puis marié, eut-il encore des aventures ? » (p. 143) D’ailleurs, ce qui semble avoir facilité la transmission générationnelle d’homosexualité, c’est la rupture incestuelle qu’a imposée la mère entre le père et le fils : « J’avais intériorisé l’interdit maternel. […] Amoureux de mon père, je l’ai toujours été, je le reste. Ma mère, je l’ai admirée, je l’ai crainte, je ne l’ai pas aimée. Lui, c’était l’absent et c’était le failli, l’homme perdu, sans honneur. C’était le paria. » (idem, p. 45) ; « J’aimais mon père, j’en étais amoureux, mais c’était un amour interdit, qu’il me fallait refouler, nier, piétiner dans mon cœur – au point d’être incapable de m’intéresser à la vie de on père, incapable de l’écouter s’il parlait. » (idem, p. 36) ; etc. « Ramon Fernandez, à en croire son biographe de fils, Dominique Fernandez, est un ‘homosexuel raté’ incapable d’assumer son ‘orientation sexuelle’ comme on dit aujourd’hui. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 203)

 

Il existe un lien fort entre inceste et homosexualité (ou inceste-divorce-coming out), même si bien évidemment, les ponts entre le rejet de la différence des sexes (par l’homosexualité) et le rejet de la différence des générations ne sont pas causaux ni toujours flagrants. Je vois ce lien à travers l’étrange traumatisme – et le ravissement de ce traumatisme – que crée le coming out d’un père sur sa fille de sang, par exemple. Un traumatisme proche du flou incestueux/incestuel. Dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » (diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), nous en trouvons plein d’illustrations. À travers certains binômes filiaux, on nous fait croire que la relation « fusionnelle » et de copinage entre père homo et fille biologique de ce dernier (ils discutent « mecs » ensemble, font du shopping et se conseillent vestimentairement) peut très bien se substituer à l’union conjugale passée du père et de la mère biologiques (à présent séparés ou divorcés) grâce au coming out, grâce à l’homosexualité, grâce à la fusion père homo-fille hétéro. La séparation ou la rupture conjugale est maquillée et surinvestie en fusion filiale homosexualisée/asexualisée. Et cela provoque dans bien des cas chez « l’enfant embarqué dans l’homosexualité par géniteur interposé » un trouble proche de l’expérience de l’inceste ou du divorce ou de la répudiation ou du viol : « Par la suite, j’ai eu des oublis par rapport à mon enfance et tout ce qui s’est passé à ce moment-là. […] Toute cette période, je l’ai effacée. Je n’ai pas de notion de temps. […] Ça n’a pas été un souci pour moi. […] J’ai quelques séquelles de tout ça, même si je l’ai toujours bien pris et que ça se passe très bien… mais j’ai des séquelles dans ma vie de femme. Et ça, par contre, je peux pas vraiment en parler avec lui. Pour moi, tous les hommes sont un peu homosexuels, donc c’est un peu compliqué tous les jours. » (Amandine, femme quarantaine qui, à 19 ans, a appris que son père était homosexuel, dans l’émission citée.) Certains fils de parents homos finissent parfois bisexuels pour survivre à la douleur de cet attachement faussé avec leur père ou leur mère homo.

 

Sans aller jusqu’à cet extrême, il n’est pas toujours facile, dans une famille, de découvrir une parenté homosexuelle. La similitude d’orientation sexuelle entre fils homosexuel et père est parfois troublante dans la réalité, non pas dans la mesure où elle serait causale ou exactement symétrique (tous les pères d’enfants homosexuels ne sont pas systématiquement homosexuels, et tous les fils homosexuels ne sont pas amoureux de leur père, bien entendu), mais parce qu’elle est imparfaitement gémellaire. Il est parfois fascinant d’observer les réactions saugrenues de certains pères au moment du coming out de leur fils, ou à l’inverse, la gêne ressentie de la part du second par rapport à son propre père. Pour vous donner un exemple personnel, j’ai le souvenir très précis, à l’époque où je me trouvais en études à Rennes (j’avais 23-26 ans), des sueurs froides qu’un ami homo de mon âge (on va l’appeler Romain) a ressenties lors de son déménagement d’appartement. Son père et sa mère l’avaient aidé à déplacer ses affaires, même pendant son absence. Et il avait eu la désagréable surprise de découvrir que son père était tombé par hasard sur un cadeau de mauvais goût que des potes gays lui avaient offert : le calendrier sulfureux des Dieux du Stade. Le papa de Romain avait embarqué sans rien dire le calendrier de son fils. Pourquoi un tel vol ? Attendait-il que son fils vienne lui réclamer l’objet du délit pour lui infliger une véritable humiliation ? Pourquoi n’a-t-il pas d’office blâmé son fils en lui rendant aussitôt son bien plutôt que de s’enfermer dans une honte bien trop personnelle et trop intime pour ne pas être révélatrice d’une blessure plus collective ? Romain n’avait pas la réponse. Et la réaction de son papa l’avait scotché. Quand il a finalement récupéré son calendrier de rugbymen à poil (avec un ballon ridiculement niché en dessous du nombril), son père s’est juste contenté d’une lamentation désespérée : « C’est un truc de fous… C’est un truc de fous… » Mais le plus amusant dans cette attitude paternelle incompréhensible (et c’est le détail qui a le plus interloqué Romain… même si je crois qu’il a préféré ne pas mener jusqu’au bout les conclusions qui s’imposaient… pour ne pas se faire trop peur, sans doute), c’est non seulement l’acte de confiscation, mais l’endroit choisi pour cacher le calendrier : le sommet de l’armoire à vêtements de la chambre à coucher parentale. Choix infantile, qui ne trahit pas pour autant une homosexualité latente chez le papa (il ne faut pas exagérer non plus), mais en tout cas qui nous montre simplement le fort rapport d’identification et d’inversion existant entre le père d’un fils homo et son fils, le lien de coïncidence entre inceste et homosexualité.

 

En ce qui concerne mon cas personnel, je me rappelle combien mon propre papa, lors de mon coming out, s’est – excessivement, mais bien naturellement aussi – interrogé sur une probable homosexualité refoulée en lui. La question de l’homosexualité travaille beaucoup les papas. Et pour cause : l’homosexualité dit une crise de la paternité, une brisure du lien filial, et certainement aussi une jalousie de l’individu homosexuel vis-à-vis de ses parents ( = la découverte qu’il ne s’est pas créé tout seul) : « La psychanalyse a mis en évidence le fantasme commun de la ‘scène primitive’, c’est-à-dire la scène de ma création, dont je suis nécessairement exclu. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 96)

 

Parallèlement à l’effet explosif des révélations familiales d’homosexualité groupées, il est curieux de voir que certains coming out confortent/camouflent les rapports incestueux dans les familles, et finalement arrangent à court terme parents comme enfants : « Va savoir ce qui s’est passé dans la tête de mon père, moi je n’en sais rien en fait. Je pense que ça a dû le troubler dans ses repères, enfin et puis finalement peut-être que ça l’arrange, je reste la fille à papa. Finalement, il n’y a plus de concurrence, quelque part je suis vraiment la fille à papa. » (Lise, femme lesbienne de 30 ans racontant son coming out à son père, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 103) Il est très facile d’utiliser l’étiquette de « l’homosexuel » comme un sparadrap pour cacher la misère. Ou celle du « couple » et de « l’amour homosexuel »…

 

Justement, parlons-en, du couple homo. L’inceste ne concerne pas que les rapports familiaux. Elle s’élargit ensuite à l’écart d’âges entre les deux partenaires homosexuels adultes (je rappelle qu’une génération, c’est 15 ans). On constate que l’inceste est souvent un choix de couple homosexuel qui s’euphémisera par la périphrase « différence d’âges ». « J’ai jamais aimé les jeunes. » (Bernard, l’un des témoins homos, affirmant qu’il n’aime que les hommes aux cheveux gris, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz)

 

Par exemple, la romancière lesbienne Pat Califia, dans des anthologies comme The Leading Edge (1987) et Macho Sluts (1988), défend des pratiques sexuelles radicales, dont l’amour sexuel entre mères et filles. Elle n’est pas la seule. D’autres (Adrienne Rich, Luce Irigaray, etc.) envisagent le lien mère/fille comme un modèle amoureux. La Comtesse bisexuelle Mathilde de Morny, dite « Missy », qui s’habillait en homme et qui est dépeinte comme la « belle mère sensuelle » dans Le Blé en herbe (1922) de Colette, était une cougar de 46 ans qui était sortie avec le jeune Bertrand de Journel, 16 ans.

 

Dans l’émission Dans les yeux d’Olivier spéciale « Les Femmes entre elles » d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011, Stéphanie, 24 ans, se met en couple avec Tina, de 20 ans son aînée. Dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Thérèse, un témoin lesbienne de 70 ans, raconte qu’elle a vécu une « passion » avec Emmanuelle, de 27 ans de moins qu’elle. Dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne), Xavier (67 ans) présente son nouveau copain Guillaume (30 ans), le plus sérieusement du monde : « Qui est-ce qui vous a dit qu’il y avait une différence d’âges ? »

 

Sans avoir connu concrètement l’inceste, car fort heureusement il s’agit d’une minorité dans la communauté homosexuelle (du moins, j’espère…), beaucoup de personnes homosexuelles sont en revanche interpellées esthétiquement par la scène de l’inceste, comme si leur désir homosexuel y trouvait son propre écho. Par exemple, le compositeur homosexuel Leonard Bernstein souhaite monter un projet d’opéra d’après Lolita (1955) de Nabokov. L’inceste est un thème omniprésent dans les films de Jacques Demy. Nombreuses sont les œuvres de fiction homosexuelles où revient l’histoire incestueuse de Peau d’âne ou d’Œdipe. Je crois d’ailleurs que le désir homosexuel, étant par nature un fantasme de viol, est aussi un élan d’inceste, ou au moins incestuel.

 

Nos sociétés contemporaines, qui tendent vers un effacement du Réel et de ses limites, encouragent à la transgression de la différence des sexes et des générations (les deux ensemble). D’ailleurs, on constate de plus en plus, dans les reportages traitant d’homosexualité, une revendication à l’inversion des générations (les fils qui jouent les pères, les enfants qui commandent aux adultes) : cf. le documentaire « Comment j’ai adopté mes parents » (2010) de Nasha Gagnebin, la chanson « Lisa tu étais si petite » de Faby (au sujet des « enfants qui grandissent plus vite que les parents »), etc. Un effacement progressif de l’humain par l’humain.

 

INCESTE PÈRE 7 Fantastique Papa (1)

 

INCESTE PÈRE 8 Fantastique Papa (2)

INCESTE PÈRE 9 Fantastique Papa (3)

INCESTE PÈRE 10 Fantastique Papa (4)

INCESTE PÈRE 11 Fantastique Papa (5)

INCESTE PÈRE 12 Fantastique Papa (6)

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (Planche « Papa »)

Code n°96 – Inceste entre frères (sous-code : Frères homos tous les deux / Cousin / Oncle)

Inceste entre frères

Inceste entre frères

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

Plusieurs enfants homos dans la même famille ?

INCESTE frères Two Brothers

Film « Two Brothers » de Richard Bell


 

Bien qu’il soit évident que l’homosexualité n’est pas le résultat immédiat et causal d’une « mauvaise éducation » comme dirait Pedro Almodóvar, il n’empêche qu’il peut exister des ponts entre l’environnement familial et le désir homosexuel. Quand nous regardons autour de nous, nous constatons que les situations familiales des personnes homosexuelles, sans être plus extraordinaires ni catastrophiques que d’autres, sont souvent complexes, et parfois perturbées. Même s’il est impossible, fort heureusement, de dresser un portrait-robot de la famille d’où émergera une ou plusieurs personnes homosexuelles, nous pouvons tout de même définir des terrains porteurs, car oui, ils existent. Ce sont certaines coïncidences (une possible possessivité maternelle, un supposé absentéisme paternel, une certaine expérience de la gémellité, une influence écrasante des frères et sœurs, une jalousie entre frangins, une éducation ressentie comme trop rigide ou trop laxiste, etc.) qui nous le font dire.

 

Par ailleurs, on rencontre un certain nombre de cas où plusieurs frères d’une même famille se disent « homosexuels » (pensez à la fratrie Jáuregui, Mann, Tchaïkovski, Strachey, etc.), ou bien un des parents avec son fils (la famille Ackerley, la famille Mann, la famille Schwarzenbach, la famille Cocteau, etc.). Ce n’est pas rare, bien qu’en effet, personne dans le « milieu » ne le crie sur les toits par peur d’alimenter l’argument de la dégénérescence, c’est-à-dire d’une « hérédité homosexuelle », ou bien l’idée d’une « homosexualité éducationnelle » qui pourrait, si elle existait, être désapprise.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles rejettent avec véhémence le concept de dégénérescence, parce qu’elles défendent inconsciemment dans le rejet le lien causal entre parents et enfant homosexuels, entre frères possiblement jumeaux en homosexualité. Il arrive que certains individus reconnaissent en leur frère, leur oncle, leur beau-frère, leur demi-frère ou leur cousin, un amant homosexuel, ou, sans aller jusque-là, leur propre désir homosexuel. Cette correspondance leur déplaît énormément, parce qu’elle renvoie à un autre interdit que celui de la transgression de la différence des sexes par le couple homosexuel ou par le viol génital : celui du viol de la différence des générations, donc de l’inceste. S’il finit par se savoir que, dans une même fratrie, il est fréquent qu’il y ait plusieurs personnes homos (et je peux vous assurer, de par mon expérience de terrain, que c’est plus fréquent qu’on ne le croit !), cela engage à soutenir des thèses essentialistes ou constructionnistes particulièrement homophobes (le soi-disant « gène homosexuel », la soi-disant « éducation homosexualisante » – qui pourrait, pour le cas – être désapprise, et qui indique l’homosexualité comme une passade ou un trauma familial, etc.). Cela oblige plus fondamentalement à s’interroger sur la nature des sentiments qu’on se porte entre frères… et j’en conviens, il n’a jamais été glorieux, pour une personne homosexuelle pas plus que pour une personne non-homosexuelle, de reconnaître un sentiment voire une appétence sexuelle pour un pair de sang, surtout quand on s’est parfois valu de l’alibi de « l’amour fraternel » pour masquer un viol (symbolique?) venu de la part d’un proche dont on ne doute pas de la sincérité, ou qu’on a soi-même exercé avec une « innocence » presque complaisante.

 

Enfin, petite précision avant de me lancer : ce code ne doit pas convaincre certains lecteurs naïfs que (je penserais que) toute personne homosexuelle est tombée amoureuse de son frère/de sa sœur, ou qu’elle a subi les assauts sexuels d’un frangin ou d’un cousin. Le fantasme de l’inceste fraternel, même s’il est très marqué dans le désir homosexuel, n’est pas exclusif à l’homosexualité et aux personnes homosexuelles. Il est humain. Le désir homosexuel n’est que le reflet d’incestes fraternels/fratricides sociaux qui dépassent largement les frontières de la communauté homosexuelle.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Inceste », « Jumeaux », « Ombre », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Trio », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Moitié », « Doubles schizophréniques », et à la partie « Frère homophobe » du code « Homosexuel homophobe », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 
 
 

FICTION

 

a) Les deux frères amants (la fraternité incestuelle voire incestueuse) :

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville

 

Le personnage homosexuel a une relation très proche avec l’un de ses frères (d’ailleurs, on ne sait pas toujours si c’est un frère réel, biologique, ou s’il s’agit juste de son reflet narcissique, de son double schizophrénique) : cf. le roman Hawa (La Différence, 2010) de Mohamed Leftah (avec les frères jumeaux Zapata et Hawa), la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi (avec le probable inceste entre Rogelio et sa sœur China), le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec Romain, le héros homo, et son frère Jérémy), le film « Les Abysses » (1962) de Nico Papatakis (avec les sœurs incestueuses), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec Jean-Luc, le héros homo, et Rachid, son demi-frère arabe), le film « Two Brothers » (2001) de Richard Bell (avec Riley et son frère Chad, l’un homo et l’autre hétéro), le roman Les Enfants terribles (1929) de Jean Cocteau (je pense surtout à la scène du bain commun entre Paul et Élisabeth), le film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca (avec Saïd et Karim), le roman Frère (2001) de Ted Van Liedshout, le film « Brothers » (2003) de Deniz Buga, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody (avec Julie et Brad), la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau (avec Antigone et son frère), la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès (avec Mathilde et Adrien), la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick (avec le couple fusionnel Cindy et son frère homosexuel Paul), le film « Harry et Max » (2005) de Brian Epstein, le film « Mascara » (1987) de Patrick Conrad, le film « Aprimi Il Cuore » (2002) de Giada Colagrande, le film « Sister My Sister » (1994) de Nancy Meckler, le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand (avec la relation androgynique entre Suzanne, l’héroïne lesbienne, et son frère Pierre), le roman Sang réservé (1929) de Thomas Mann (racontant l’amour incestueux des deux jumeaux Siegmund et Sieglind), le film « Brother To Brother » (2004) de Rodney Evans, le téléfilm « Prayers for Bobby » (« Bobby : Seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy, le sketch du Testament de Muriel Robin (avec Jean-Denis, le frère coupé en deux), le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec la relation passionnelle entre Donato, le héros homo, et son petit frère Ayrton), etc.

 

« Vous êtes habituée à vivre avec votre sœur qui vous facilitait tout. Toute seule, vous êtes comme un enfant. » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Je deviens sa demi-sœur. » (Jean-Charles/Jessica à son meilleur ami non-homo Jean-Louis, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « En perdant ma sœur, c’est comme si on avait arraché une partie de moi-même. » (Nicolas dans le téléfilm « Sa raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand) ; « Pour l’héritage de ma mère, ça aurait tout facilité si j’avais été mariée avec ma sœur. » (Frédérique Kelven dans son one-woman-show Nana vend la mèche, 2009) ; « Tout ce que je sens, tu sens. Et ce que je suis, tu suis. Nous voici sœurs de sang. Déjà nos cheveux s’emmêlent, comme des cheveux de jumelles. Ils s’envolent, cheveux de folles… » (cf. la chanson « Toi c’est moi » de Priscilla) ; « On n’a pas de colocataire à 30 ans passés. On vit avec son amant ou avec sa sœur ! » (Michael, l’un des héros homos évoquant l’évidence de l’homosexualité à travers certains modes de vie, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Lennon, le héros homosexuel, et sa sœur Chloé ont une relation fusionnelle, au point qu’ils sont présentés comme les deux moitiés d’une seule personne. D’ailleurs, ils se qualifient comme des « demi-frères » (Malik, en parlant d’eux, les confond totalement : « L’honneur d’une sœur, c’est l’honneur d’un frère. »). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Vanessa et son frère homosexuel Nicolas sont un spectre de réactions étonnantes face à la mort de leur père. Dans la pièce Ma Double Vie (2009) de Stéphane Mitchell, la sœur de Tania (l’héroïne lesbienne) dit à celle-ci qu’elle est sa « petite sœur, un bout de son âme ». Dans le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan, les deux sœurs Stella et Blanche forment un couple androgynique, peu dissocié en deux personnes uniques. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie a une relation d’admiration quasi amoureuse avec son grand-frère Buddy, qui mourra tragiquement dans un accident de train. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M a un frère – à la fois de sang et symbolique –, qui se nomme Emad, qu’elle invoque et qui va l’aider à s’exiler en Allemagne pour son opération de changement de sexe : « C’est mon frère. Il n’est pas d’ici. » Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, maintient une relation très fusionnelle avec sa sœur Florence. « Je n’apprécie pas que vous mettiez vos sales pattes sur ma sœur ! » dit-il à Helmer, le fiancé de Florence, en lui faisant comprendre que la chasse est gardée. Helmer résiste, en vain : « C’est un être dangereux, particulièrement déséquilibré. Il ne supportera de donner sa sœur à qui que ce soit. ». « Il est de notoriété publique que vous êtes d’une possessivité maladive à l’égard de votre sœur. » lui lance-t-il à la face.

 

Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa), Phil, le héros homosexuel, est né jumeau avec sa sœur Dianne. Celle-ci est un peu spéciale car elle a le don d’attirer à elle la Bête et les animaux. Elle ne respecte pas l’intimité de son frère : par exemple, elle rentre dans la salle de bain alors que Phil est tout nu dans son bain. Elle devine qu’il a un copain : « Ce genre de truc m’échappe pas. Je suis ta sœur, hein ? » Et leur gémellité est à double tranchant : « Dianne et moi, on était comme McGyver et son couteau, les asperges et la sauce hollandaise ou les jumelles Olsen. Elle était mon ange gardien, mon amie et alliée. Et moi, son deuxième cœur. »
 

Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Irène la sœur de Bryan, le héros homo croyant, qui est une femme libérée et adultère, défend son frère de manière amoureuse : « J’aime mon frère plus que tout au monde » ; « On est tellement proches… » ; « J’adore ma sœur. » (Bryan enroulant tendrement sa sœur par derrière) ; etc. Le degré de fusion incestueuse est telle qu’Irène, enceinte, décide d’offrir son bébé au couple formé par Bryan et Tom… comme ça, Bryan et elle seront les « parents » de « leur » fils : « Bryan vaut cent fois mieux que le père de mon bébé ! ». Et par ailleurs, Irène s’applique l’after-shave (l’après-rasage) de son frère pour se sentir mieux.
 

Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homo, et Adèle sa sœur, ont une relation particulièrement fusionnelle et incestuelle : elle l’appelle « mon p’tit chat », est particulièrement collante. Et William lui a décerné un statut exceptionnel : « C’est la sentinelle de ma vie, ma sœur. Mon pilier. » Georges, l’amant de William, ignore d’abord qu’elle est la sœur de son compagnon. « Vous êtes sa mère, sa nounou, sa petite amie ? » Et Adèle accepte d’être un peu tout, joue à être l’« ex » de son frère. Quand Georges découvre qu’Adèle a pris sa place dans le cœur de William, il s’insurge contre cette « copine » envahissante : « Qu’est-ce que c’est que cette sangsue ?? »

 

La séparation entre le frère et la sœur est parfois comparée à la coupure amoureuse de la sexualité (vécue par Adam et Ève), à l’acte de naissance de la différence des sexes : « Le ventre collé contre le grand lit de fer. Je cherche mon frère. J’avance vers le sommier. Le dos fermé couché, j’ai mal à reconnaître. La voix de mon frère, un sanglot étouffé. Pour le rencontrer, j’ai fait un millier de mètres à pied car ils nous ont séparés. » (cf. le poème « Le Dos d’un cœur » (2008) d’Aude Legrand-Berriot)

 
 

Les frères des fictions homo-érotiques s’admirent en général l’un l’autre à travers le miroir de leur narcissisme :

Darren – « Pourvu que je sois comme toi… »

Connor – Tu es comme moi. »

(les deux frères incestueux du film « Starcrossed » (2005) de James Burkhammer)

 
 

Ils s’aiment tellement que certains tombent amoureux entre eux, et vivent une relation sexuelle (parfois semi-forcée) : cf. la B.D. Dads And Boys (2007) de Josman (avec des frères jumeaux qui couchent ensemble), le film « Do Começo Ao Fim » (2009) d’Aluizio Abranches (avec Tomaz et Francisco), le film « Starcrossed » (2005) de James Burkhammer (avec Darren et son frère Connor), le film « Shimai Renzoku Rape : Eguru ! » (« Rape Between Sisters Penetration », 1989) d’Hisayasu Sato, le film « Lonely Boat » de Christopher Tram et Simon Fauquet (avec l’inceste entre demi-frères), le film « L’Heure du désir » (1954) d’Egil Holmsen (avec l’inceste entre sœurs), le film « 800 Tsu Rappu Rannazû, Fuyu No Kappa » (1994) de Kazama Shiori, le tableau Frères (1997) de Liu Xiaodong, le roman Mon Frère, mon amour (2003) d’Eyet-Chékib Djazari, le roman Mon frère et son frère (1993) d’Hakan Lindquist, le film « Paulo et son frère » (1997) de Jean-Philippe Labadie, le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, le film « The Mafu Cage » (1978) de Karen Arthur (avec l’inceste entre sœurs), la photo Comme des frères (1982) de Jean-Claude Lagrèze, etc.

 

Tomaz et Francisco, les deux frères du film « Le Commencement de la fin » (2009) d’Alizio Abranches

 
 

Par exemple, dans la pièce Psy cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Madame Gras a connu l’inceste avec son frère. Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Floriane et Laurent (qu’on suppose fortement homosexuel) sortent ensemble… mais seraient en fin de compte frère et sœur. Dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry n’arrête pas de se comparer à ses frères, et va même jusqu’à regretter qu’ils n’aient pas franchi le pas de l’inceste ! : « De mes trois frangins, y’en a même pas un qui m’a violé gamin ! » Dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre, Eloy, le beau prostitué homosexuel, dit qu’il vient d’une famille de 8 enfants, et qu’il a toujours aimé les douches serrés comme des sardines avec ses frangins en caleçon… et que ça aurait inconsciemment stimulé son homosexualité. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, la relation entre les deux frères Ody (soi-disant hétéro) et Dany (ouvertement homo) donne à réfléchir : Dany louche sur son grand frère musclé et poilu avec envie ; et lorsqu’ils dansent quasi nus ensemble, complètement bourrés, Ody se rapproche de son petit frère en lui disant qu’il le trouve « sexy »… Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin (mis en scène par Élise Vigier en 2018), la relation entre Hall (hétéro) et son frère Arthur (homo) est si forte, qu’on se demande si elle n’était pas de nature incestueuse : « Ami, sais-tu comme un frère aime son frère ? Est-ce que vous savez combien mon frère m’aimait ? » (Hall parlant d’Arthur). Même la serveuse du bar Le Sylvia’s émet un doute : « Vous êtes vraiment son frère ? Les gens racontent tellement d’histoires… »

 

Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas est en couple avec Vincent depuis 10 ans déjà… et à la suite du décès de son père, il apprend que, légalement et par héritage, Vincent devient aussi son demi-frère puisqu’il est le fils de la maîtresse de son père. L’homosexualité se double donc d’inceste. Le flyer de la pièce l’affirme explicitement : « Nicolas n’aurait jamais pu imaginer voir son homosexualité transformée en inceste. » Pendant l’enterrement, le jeune homme a des pensées incestueuses quand il regarde son amant/demi-frère : « Mais c’est mon frère, quand même… Qu’est-ce qu’il est beau ! » Il se déresponsabilise et jette la faute à son père dans le cercueil : « Tu vas voir tes deux fils s’aimer. Mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. » Nicolas, finalement, a du mal à se faire à cette nouvelle situation et rejette Vincent qui essaie de l’embrasser sur la bouche : « Enfin, Vincent, on n’encule pas son frère ! » Vanessa, la sœur de sang de Nicolas, tente de se rapprocher de manière également ambiguë avec son nouveau demi-frère Vincent : « Nous aussi, on est proches… Très proches… » Et comme elle voit que ses efforts sont vains, sa jalousie s’offusque de découvrir la liaison cachée entre Vincent et Nicolas : « Pédés, c’est déjà pas mal. Mais frères, c’est de l’inceste. »
 

Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Petra, la compagne de Jane, a un frère jumeau, Tielo, avec qui elle a une relation très ambiguë : « Les années 1970-80, c’était une bonne époque pour être homo. Le style androgyne était à la mode ; même les garçons hétéros portaient du maquillage et des bijoux, et se teignaient les cheveux. Je crois qu’une partie de Tielo aurait bien voulu être gay. Jusque-là, on avait tout fait ensemble, mais il avait toujours été le plus dévergondé de nous deux. […] Il s’est laissé draguer par des mecs une ou deux fois. […] On dormait dans la même chambre quand on était petits. On était jumeaux. C’est l’autre partie de moi. » (pp. 81-85) Jane a l’outrecuidance de lui demander si Tielo a « essayé de la sauter » : « Bien sûr que non. » coupe court Petra. Mais un peu plus tard, on apprend que l’enfant que porte Jane est en réalité le fruit du don de sperme de Tielo…
 

« J’ai le cœur serré à cause de toi, mon frère Jonathan. Tu m’étais délicieusement cher… » (Yossi Hoffman, le héros homosexuel du film « Yossi » (2012) d’Eytan Fox) ; « Tu pries pour que ton frère, comme toi, au même moment, soit blotti dans les bras d’un beau jeune homme plein de vigueur, et qui prendrait soin de toi comme d’une poupée. » (Félix à propos d’un soldat allié, Bob, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 132) ; « J’ai eu mon premier orgasme. […] tout cela dominé par le visage-dieu de mon frère. – Tu sais que tu es mon dieu ? – Je sais que tu es mon dieu. » (Carlos, le narrateur homosexuel parlant d’Antonio, son frère de 6 ans son aîné, dans le roman L’Agneau carnivore (1975) d’Agustín Gómez-Arcos) ; « Évidemment, elle, maman n’était pas dupe de tout ce qui se passait entre Antonio et moi, et se foutait pas mal de nos relations sexuelles, mais elle ne pouvait pas supporter l’univers d’amour dans lequel mon frère m’abritait. » (idem) ; « Toi, je t’aime. » (Marie, la sœur de Benoît, le héros homo, dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Mon frère et moi étions très proches. Peut-être trop, même. » (Ariana, l’héroïne lesbienne à propos de son frère Hector, homosexuel et assassiné dans une forêt, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « Frapper à cette porte pour ressusciter la voix de la mère. Imaginer qu’elle allait enfin se réveiller. Enfin répondre. Parler au petit frère […] qui, chaque soir, voulait qu’on recommençât le jeu : ‘Adi, tu me serres très fort dans tes bras ?’ » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 41) ; etc.

 

Parfois, le couple homosexuel fictionnel se prend pour des frères, ou bien est confondu avec des frères, ou bien se fait passer pour des frères (afin de garder secrète leur homosexualité) : « On pourrait devenir des sœurs de sang. […] Si on mélange notre sang, on sera sœurs pour toujours. » (Ronit et Esti, les deux amantes lesbiennes du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 214-215) ; « Ça s’appelle de l’inceste…[…] Soudain cette pensée m’envahit. Si tu avais été mon frère, aurais-je eu la même affection pour toi ? Si oui, aurais-je eu le droit de t’aimer en toute liberté, sans que personne ne me méprise ? C’était déjà assez compliqué, je refusais de m’égarer dans de telles suppositions. » (Bryan à son amant Kévin. dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 183) ; « Il y a toujours dans cet amour [homo que nous vivons] de l’inceste fraternel. » (le comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Le froid modifie la trajectoire des poissons (2010) de Pierre Szalowski, Michel et Simon, les amants homos de l’histoire, sont pris pour des frères. La pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois s’achève par un langoureux de baiser sur la bouche entre Samuel et Damien qui se sont faits passer pendant toute l’intrigue pour deux « frères ». Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges, la première fois qu’il a rencontré son copain Édouard et qu’il a cherché à le draguer, a prétexté qu’il l’a confondu avec le « petit frère d’un ami » pour engager la conversation. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Jean fait passer son amant Henri pour « son frère ». Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo qui n’assume pas son homosexualité au moment où il se découvre amoureux d’une femme, Ana, fait passer son futur « mari » Antoine pour son frère. Du coup, il s’empêtre dans un imbroglio de mensonges : « C’était mon frère. Du coup, on est demi-frère. » Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, George fait passer auprès de Nina son ex-amant Joley pour son « frère ».

 
 

b) « Et de deux dans la famille ! » (fantasme homosexuel du frère, de l’oncle, du cousin, du beau-frère)

Dans les films et les romans traitant d’homosexualité, il est assez fréquent de retrouver dans une même famille deux membres homosexuels. Ils ne couchent pas nécessairement ensemble, ne sont pas ouvertement attirés physiquement l’un par l’autre (surtout quand l’un est gay et l’autre lesbienne)… mais ce qui est sûr, c’est que leur coming out se font écho, se croisent en simultané ou en différé : cf. la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis (avec Jean et Hugo), le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot (avec Patrick et Lucie, tous deux homos et frère et sœur), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (Jean-Luc et sa sœur Hélène), le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Özpetek (avec les coming out croisés de Tommaso et de son frère Antonio), le film « Lola et Bilidikid » (1998) de Kutlug Ataman, le film « Le Frère, la sœur… et l’autre » (1970) de Douglas Hickox, le film « Le Confessionnal » (1995) de Robert Lepage, le film « The Perfect Son » (2000) de Leonard Farlinger, le film « Rice Rhapsody » (2004) de Kenneth Bi, le roman Frère et sœur (1930) de Klaus Mann, la chanson « Georges » de Thomas Fersen, etc. « Elle me dit : Qu’est-ce que t’as ? T’as l’air coincé. T’es défoncé ou t’es gay. Tu finiras comme ton frère. » (cf. la chanson « Elle me dit » de Mika) ; « Ah ! si j’avais su que tu en étais toi aussi ! » (le petit frère du protagoniste homosexuel principal, dans la nouvelle « Le Potager » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 39) ; « T’as pas un frère homo ? un tonton ? une tata ? » (Yoann, le héros homosexuel, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « C’est impossible que ce soit toi sur cette photo ! C’est ton frère ? C’est ton cousin ? C’est ton père ? C’est ta mère ? » (le narrateur homosexuel remettant en cause la véritable identité de son « plan cul » qu’il rencontre au seuil de son appartement et qui ne ressemble pas à sa photo de profil internet, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Michael et Rob sont frères et homosexuels, … tout comme leur sœur Jaclyn ! Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius, le vampire homosexuel, évoque l’existence de « ses deux sœurs aînées qui vivent comme deux lesbiennes aigries au-dessus du cap ». Dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander, Hector et sa sœur Ariane sont chacun homos, et sont pourtant sortis avec le même homme, Arsène. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, lors de la cérémonie des prix censée récompenser le « Meilleur Professeur de l’Université de l’Année », et où, à cause de son coming out, le professeur Howard Breckett a été écarté de la sélection, Walter, le frère d’Howard, opère un coup devant tout le monde et, par solidarité, se dit ouvertement « gay » lui aussi. Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo, le héros, et Garance, sa sœur, sont respectivement gay et lesbienne. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, dit que sur la fratrie de quatre enfants dont il fait partie, ils sont deux, sa sœur et lui, à avoir fait un coming out : « Ça fait un beau ratio ! ». Il fait la remarque qu’avec sa frangine, qui a choisi d’être chauffeur routier, de se comporter en mec, de changer les plaquettes de freins de leur père, et lui qui a décidé d’assumer sa féminité, d’être hôtesse de l’air, il a dû y avoir « inversion. Leurs parents ont cherché une explication à cette émergence massive d’homosexualité dans la famille nucléaire, et en concluent que c’est parce que c’était sans doute dû au fait que leur gars et leur fille travaillent « tous les deux dans les transports ». Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Tommaso et son frère Antonio sont tous les deux homosexuels : l’un coupe l’herbe sous le pied de l’autre en annonçant en premier son homosexualité alors qu’il venait d’apprendre la décision de son frère de se déclarer gay. Le copain de Tommaso fait la remarque à son amant : « Il y a plein de frères gays. »

 

Il arrive que certains héros homosexuels expriment le fantasme sexuel de l’oncle ou du neveu, ou bien qu’ils découvrent que leur tonton/leur neveu est aussi homosexuel comme eux : cf. le film « Uncle David » (2010) de Gary Reich, Mike Nicholls et David Hoyle (avec la relation sexuelle entre Ashley et son oncle), la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi (avec Irina et son oncle Pierre), le film « Día De Boda » (2002) de Juan Pinzás (avec l’oncle et le neveu homos, ayant eu une liaison), le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan (avec « Tonton Thierry », le barman homo de la boîte gay), etc. « 1960 : l’Oncle Sam montre ses seins. » (cf. un dessin de Copi à la Une du journal Libération, 8 août 1979). Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, pousse sa nièce à se prostituer au Bois de Boulogne. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Bibiche, un des clients sadomasos de la boîte gay Chez Eva, appelle Adrien, le héros homo, « mon neveu ».

 

« Dans certaines tribus de Nouvelle-Guinée, dans le cadre de rite d’initiation, on impose à de jeunes garçons de pratiquer des fellations sur leurs oncles ou leurs pères… Ah ben y’a beaucoup de papous alors, en France, non ? » (le comédien de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je pense à mon oncle souvent. Lui, il vivait chez sa maman. » (un des protagonistes homosexuels, par rapport à son oncle homosexuel qui est mort du Sida, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Marcel passa de plus en plus de temps devant son écran, se créant tout un univers de rêve. Il avait ainsi un père qui ne l’eut pas abandonné et une mère qui ne chercha pas tant à le contrôler en voulant trop le protéger. Son oncle n’hésiterait pas à lui offrir son corps et sa beauté, car Marcel adulait son oncle, homme séduisant toujours entouré de beaux mecs aussi attirants que lui. Il lui arriva souvent de se branler en rêvant à ce type au charme irrésistible qui dormait dans la chambre d’à côté, ou en train de lui faire l’amour. » (Marcel dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 19) ; « On est cousin alors ? » (Karim, un « plan cul » prometteur de Guillaume, qui le branche en boîte dès que Guillaume lui dit qu’il est de Casablanca, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; « Mais vous le connaissez pas, vous. La dernière fois qu’il a cru que je sortais avec un garçon, il est allé dans sa famille, il a fait un scandale. Il criait tellement fort que personne n’a osé lui dire que c’était pas avec ce garçon que je sortais mais avec sa sœur. » (Romane, l’héroïne lesbienne, à propos de son père, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « C’était un mec dingue et génial. Je l’aimais. » (Tony en parlant de son oncle homosexuel Arthur, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Le Secret d’Antonio » (2008) de Joselito Altarejos, Antonio, à 15 ans, tombe amoureux de son oncle Jonbert. Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Strella, le héros transsexuel M to F, a eu une liaison avec son oncle quand il était petit ; Mary, un autre ami trans à lui, a été également amant d’Atonis, son oncle. Dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, Robbie, le héros homo, a subi l’inceste par son oncle. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben (50 ans) et George (71 ans), les deux « mariés », ont une grande différence d’âges. Et ils se mettent même à projeter une homosexualité sur Joey, le neveu de Ben, alors que ce dernier n’a que 15 ans ! Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, le grand-oncle Victor est défini comme « une grande tante ». Dans le film « See How They Run » (« Coup de théâtre », 2022) de Tom George, le très homosexuel Mervyn fait passer son amant italien Gio pour son « neveu » pour cacher leur homosexualité.

 

Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Benjamin raconte à son psy sa première rencontre homosexuelle avec son amant Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, alors que le tableau est idyllique. De son côté, Arnaud donne une autre version des faits au psychanalyste, en partant sur le quiproquo incestueux que le thérapeute lui parlait de sa première cuite : « Ma première fois, c’était avec mon oncle dans sa cave. » « Je comprends le traumatisme… » interrompt le psy. « J’avais 12 ans. J’étais consentant. […] C’était un Cabernet d’Anjou. Ma première cuite. »
 

Plus connu et répandu est le fantasme homosexuel du cousin, car avec ce dernier, la transgression de la différence des générations est moins flagrante. Elle passe mieux. Quelques héros homosexuels reconnaissent en leur cousin un jumeau de désir, et échangent avec lui du sexe : cf. le film « Rue du Bac » (1990) de Gabriel Aghion (avec l’inceste entre cousins), le film « Charmants cousins » (1983) de Jean-Daniel Cadinot, le film « Les Cousines » (1970) de Louis Soulanes, le film « Nunzio’s Second Cousin » (1994) de Tom DeCerchio, le film « Cousins » (1983) de William Higgins, le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha (avec Jean-Luc, le cousin homo tatoué), le film « Carmen et Lola » (2018) d’Arantxa Echevarría, le film « Cousins » (2019) de Mauro Carvalho, etc.

 

Par exemple, Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Barthélémy, le héros homosexuel, cherche au départ à draguer son cousin Julien. Dans le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger, un geek, lors d’un chaud après-midi d’été, voit son désir homosexuel déclenché par le Speedo (= maillot de bain) de son cousin. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, l’un des deux héros homosexuels, avoue être attiré sexuellement par « ses deux cousins, ces deux beaux mecs de son âge qu’il a repérés au cimetière » (p. 409) ; et son amant Kévin lui avoue qu’il s’est déjà fait embrasser sur la bouche par son propre cousin (idem, p. 100). Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, la momie de Carlos, le cousin de Miguel, plongé dans le fond des mers, est le symbole de l’amour homosexuel entre Miguel et Santiago. Dans le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, Cédric, le jeune héros homosexuel, est obsédé par le souvenir de son cousin, décédé et abandonné par ses parents (donc l’oncle et la tante de Cédric) parce qu’il leur avait annoncé qu’il était homo. Dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, Romain maintient une relation incestueuse avec son cousin Marie-Jean.

 

« Dany, quand tu dis que tu m’aimes, tu m’aimes un peu comme un pote, c’est ça ? Alors comme un frangin ? Comme un cousin, donc ? Comme deux mecs en prison ? » (Billy Stevens, le personnage du faux film « Servir et protéger » interprété par Cameron Drake, s’adressant à son futur amant Dany en pleine guerre du Vietnam, en faisant mine de ne pas comprendre les sentiments que son camarade de tranchée qu’il porte sur le dos lui exprime, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Le cousin du grand-père a couché avec le garde-barrière. » (l’un des protagonistes homos parlant d’un cousin très éloigné, homo comme lui, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Tu sais, ce soir, on n’est pas cousins. » (Malik, en boutade, au moment où il découvre qu’il embrasse sur la bouche son cousin Wassim lors d’un « plan sexe », dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « J’ai dit que t’étais ma cousine. » (Floriane voulant camoufler sa liaison avec Marie, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma) ; etc.

 

Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra tombe amoureuse de sa cousine et elles ont une aventure sexuelle ensemble : « Sans calcul, nous nous laissâmes aller, et bientôt, dans une complétude presque parfaite, chacune répondit à la douceur de l’autre, comme si nous ne faisions qu’une. » (p. 63) La situation incongrue, même si elle est banalisée par l’héroïne lesbienne, n’en est pas moins difficile à assumer : « En prenant le plaisir que je voulais avec ma cousine, je fus envahie d’une extase aussi soudaine qu’étrange. » (idem, p. 65) « Je dus lui dire au revoir, sans pouvoir la serrer dans mes bras ni lui confier les sentiments, assez ridicules d’ailleurs, que j’avais pour elle. » (idem, p. 69) ; « Après ma nuit avec ma cousine, rien de tout cela, sinon un sentiment d’inachevé et de solitude. » (idem, p. 72) La violence et la vanité de l’inceste se diluent en dépression laconique, en narcissisme mutuel (la cousine offre en cadeau à Alexandra un miroir !) dans lequel le Réel et la durée n’ont pas leur place : « Le corps de chacun a sa façon d’aimer, et il me semble que je suis condamnée à trouver dans chacune des autres femmes, au hasard des rencontres, seulement un morceau du plaisir complet que je reçus d’elle, puisque sans doute jamais elle ne voudrait que nous vivions ensemble. » (idem, p. 132) Le plus intriguant, c’est qu’avant d’avoir couché avec l’héroïne, la cousine lesbienne était à la base amoureuse de son oncle et s’était fait sodomiser par lui : « Elle était donc bel et bien amoureuse de son oncle et elle avait des désirs de lui qui ne se pouvaient imaginer. Chaque soir, elle aurait voulu être ‘prise’ par lui comme si elle avait été sa femme… » (idem, p. 84)

 

Il arrive que certains protagonistes homosexuels se servent de la relation de proximité (incestuelle ?) entre deux frères, un cousin et une cousine, ou entre un frère et une sœur, pour vivre leur homosexualité discrètement. Le binôme bisexuel des frères et sœurs fait alors office de rempart et de glissement progressif vers l’acte homo. L’inceste sera la passerelle de l’homosexualité. Par exemple, dans le film « Cibrâil » (2010) de Tor Iben : le héros homo Cibrâil sort avec le cousin de sa petite amie. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, lors de la deuxième rencontre entre Emma et Adèle dans le bar lesbien, Emma fait passer Adèle pour sa « cousine » auprès de ses camarades lesbiennes, pour mieux lui mettre le grappin dessus et se la réserver. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Patrik pense que Sven et Göran, les amants homos qui l’ont adopté, sont des « demi-frères ».

 

Ça peut être aussi le beau-frère qui et l’objet de convoitise du héros homosexuel : cf. le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao (avec l’amour entre Rhennan et Nilo, les deux beaux-frères en cavale…), la nouvelle « Mélanie couche avec sa belle-sœur » sur le site www.sex-erotique.com, etc. Par exemple, dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, la mère de Bruno, le héros homosexuel, rêve qu’elle se fiance avec Tante Claudette. Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, Sybille a surpris sa mère Helen au lit avec sa tante Judith.

 

La fraternité dans les fictions homo-érotique sera parfois le symbole incestueux de la bisexualité du personnage homosexuel. Par exemple, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Lennon, le héros homo, aime Martin par l’intermédiaire de sa demi-sœur Chloé qui sort avec ce dernier : « Il a l’air si fragile ! Je vais mieux le protéger que toi ! »

 
 

c) La jalousie fraternelle comme moteur d’homosexualité et comme possible germe du viol:

Bien avant d’être une réalité, l’inceste fraternel est un fantasme créé par le héros homosexuel, l’expression chez lui d’une diabolisation de la sexualité ou d’une sacralisation de l’unicité. C’est l’amour, l’engendrement et la différence des sexes qui sont vus à tort comme l’inceste qu’ils ne sont pas en substance : « Soyons le frère et la sœur incestueux dont le pardon est dans les mains du Seigneur ! » (Solitaire et Pédé, les parents de Lou, le héros homo, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi)

 

Par exemple, dans le film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa, le fait que l’un des deux ait trouvé copine est ressenti par l’autre comme une trahison. Dans la pièce Lacenaire d’Yvon Bregeon et Franck Desmedt, Lacenaire se sent trahi par le désamour de sa mère qu’il adorait parce que, selon ses dires, « elle n’avait d’affection que pour son frère » à lui. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, avoue qu’il est devenu homo pour se démarquer de ses frères.

 

Ensuite, on voit que ce fantasme incestuel s’origine le plus souvent dans une idéalisation excessive du frère et un amour jaloux : cf. le roman J’ai tué mon frère dans le ventre de ma mère (2011) de Sophie Cool, etc. Par exemple, dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, Juliette, l’héroïne lesbienne, est sans cesse jalouse de son grand frère Adrien. Dans le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, Quentin, le héros homo, épie son frère jumeau Antoine en train de faire l’amour à Clémentine.

 

Comme le frère est mis sur un piédestal, mais que fatalement il n’est pas aussi parfait que prévu (et bien oui ! : il a pour défaut d’être libre et unique !), il finit par être haï comme un traître, un concurrent qu’il n’est pas : « Wanda [une des héroïnes lesbiennes] déclara avec une bizarre fierté que ses frères étaient des hommes de pierre et d’acier. Selon Wanda, c’étaient des saints, inflexibles, féroces, inexorables, ne voyant que l’étroite et droite route de chaque côté de laquelle béait l’abîme de feu. ‘Je n’étais pas comme eux, ah, non ! déclara-t-elle, je n’étais pas non plus comme mon père et ma mère ; j’étais…’ Elle cessa brusquement de parler, regardant Stephen de ses yeux brûlants qui disaient clairement : ‘Vous savez ce que j’étais, vous comprenez.’ » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 489) ; « Je n’ai jamais haï personne excepté toi ! » (Nietzsche à sa sœur Élisabeth, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Jalouse. Elle a toujours été jalouse, ma sœur. » (Zize, le travesti M to F décrivant la jalousie de sa sœur Lili à son égard, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Et maintenant que j’y pense, je n’ai jamais entendu un homme parler de son frère. La plupart des hommes semblent trouver ce sujet déplaisant. » (Gwendolen dans la pièce The Importance To Being Earnest, L’Importance d’être Constant (1895) d’Oscar Wilde) ; etc.

 

La jalousie entre frères est généralement l’aveu inconscient d’un amour incestuel entre un fils et un père/une mère qui ne veut pas être partagé(e) : « Tu as raison, je suis mauvais. Je le sais depuis assez longtemps. Aaron, lui, est bon. J’ai dû prendre la mauvaise part. […] Aaron a raison. Il a toujours raison. Et c’est comme ça depuis toujours. […] Apprends que je suis jaloux depuis toujours. Je suis jaloux à en crever. » (Cal – interprété par James Dean – s’adressant à son père dans le film « East Of Eden », « À l’est d’Éden » (1955) d’Elia Kazan) ; « La préférence, elle, en revanche, je l’ai vue. Très vite. J’ai vu qu’on me préférait Thomas, que c’est à lui que les gens accordaient leur attention lorsque nous étions enfants puis adolescents, que c’est vers lui qu’on allait. Et je ne comprenais pas cette préférence, dès lors que je faisais l’effort d’admettre notre ressemblance. Pourquoi lui, plutôt que moi ? Pourquoi toujours lui ? […] Ce sont des différences infimes, à peine perceptibles, et pourtant, à la fin, elles font de l’un un enfant choyé, un adolescent séducteur, de l’autre un garçonnet solitaire, un jeune homme mélancolique. » (Lucas en parlant de son frère Thomas, dans le roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, p. 43) ; « Nous étions deux filles. Vous étiez la plus belle à l’orphelinat. Quand on nous passait en revue vous étiez toujours la préférée des parents d’adoption. » (Vicky s’adressant à sa sœur la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Tu sais que les mamans n’ont pas de ‘préféré’. […] Néanmoins, le chimiste que tu es discerne une composition différente dans les larmes versées pour Victor. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 171) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, l’influence des frères est perçue comme écrasante par Zac, le héros homosexuel, qui voudrait être le premier dans le cœur de son papounet d’amour. Dans le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, il existe une jalousie désirante entre les deux demi-frères, Théron et Rafe : l’un est un fils admis, l’autre est un fils bâtard ; ils finiront par interchanger leur vie… tout ça pour trouver grâce aux yeux de leur père.

 

Comme je viens de l’expliquer, il y a de la jalousie entre les frères des fictions homosexuelles parce qu’en toile de fond, il y a de l’inceste, soit entre le héros homosexuel et son frère (ils vivent alors une relation idolâtre trop fusionnelle), soit entre le héros homosexuel et ses parents, soit entre son frère et leurs parents. L’inceste fraternel peut rejoindre l’inceste paternel : le père ou la mère sont alors considérés comme des frères ou des sœurs. « Anibal se sentait plus le frère aîné de son fils que son père. […] Il avait une réputation de don Juan. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 86) ; « Belle jeunesse, vraiment ! Ma mère, ma digne mère qui préférait mon imbécile de frère » (Lacenaire à Garance, dans le film « Les Enfants du Paradis » (1943-1945) de Marcel Carné) ; « Vous êtes bien de la même veine tous les deux. C’est pour ça qu’elle te préférait. » (Sandre parlant de leur mère à son frère Audric, dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; etc. Par exemple, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti, François souffre de ne pas être le préféré de sa mère et de sa sœur Jasmine par rapport à son frère Djalil ; sa jalousie va même le pousser à imaginer l’inceste entre Jasmine et Djalil.

 

Souvent, il existe un conflit entre le héros homosexuel et son frère/sa sœur parce qu’ils aiment le même Homme (le père/la mère/le petit ami de l’autre/la petite amie de l’autre), ou parce qu’ils se reflètent une même homosexualité : je vous renvoie avec insistance à la partie sur le « Frère homophobe » du code « Homosexuel homophobe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Par exemple, dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph L. Mankiewicz, l’inceste entre Sébastien et sa cousine Catherine est exactement mis sur le même plan que l’homosexualité de Sébastien, et que le crime homophobe que Sébastien a subi de la part de ses « ex » :

 
 

Dr Cukrowicz – « Cette ombre sur le mur… qu’est-ce qu’elle représente pour vous ?

Catherine (cyniquement) – Une ombre sur un mur.

Dr Cukrowicz – Je croyais que nous devions jouer ?

Catherine – Ok. Je vois des forêts… des arbres… une jeune fille… et ces arbres sont des chênes…et cette forme tourmentée, c’est la jeune fille, Catherine, perdant son… honneur. J’essaie de vous apitoyer sur elle. J’espère que j’y réussis.

Dr Cukrowicz – Je suis désolé.

Catherine – Vous en avez réellement l’air.

(pause)

Dr Cukrowicz – Parlez-moi de votre cousin Sébastien.

Catherine – Il m’aimait bien, aussi je l’adorais.

Dr Cukrowicz – Comment ? J’entends, sur quel plan l’aimiez-vous ?

Catherine – Sur le seul qu’il acceptât.

[…]

Dr Cukrowicz – Essayez de vous rappeler. Vous et Sébastien, l’été dernier… »

 
 

C’est pour cette raison que le lien fictionnel de fraternité ou de parenté, en même temps qu’il servira de couverture à l’homosexualité du couple qui ne veut pas s’afficher homo, est pour le coup symbole d’homophobie. Par exemple, dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, le couple homosexuel formé par le couturier Saint Loup et son assistant Casta se fait passer pour des frères.

 

L’inceste vient non seulement alimenter l’amour homosexuel mais aussi le détruire. « Pourquoi les yeux de mon tonton nous dévisagent fixement ? » (Raulito à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) Par exemple, dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, le couple lesbien Shirin/Atefeh est menacé par le fait que Mehtan, le frère de Atefeh, force Shirin à se marier avec lui. Dans le film « Starcrossed » (2005) de James Burkhammer, Darren et son frère Connor, amants secrets, finissent par se suicider ensemble dans une piscine (avec des menottes). Dans le roman La Douceur (1999) de Christophe Honoré, Baptiste cherche à cacher le crime homophobe de son frère homosexuel Steven.

 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 

Le couple homosexuel incestueux, dans son élan de fusion, figure le viol et (s’)entraîne (lui-même) vers la mort : cf. le film « Les Blessures assassines » (2000) de Jean-Pierre Denis (avec Christine et Léa Papin, les sœurs criminelles), le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec la relation incestueuse meurtrière entre Paul et Élisabeth), le film « My Brother The Devil » (2013) de Sally El Hosaini, etc. Par exemple, dans le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, Lucie et Lionel, le frère et la sœur vivent une relation très fusionnelle et finalement misérable : « Tout comme moi. On est pareils. On est des animaux morts. »

 

La fusion entre les frères (biologiques ou simplement schizophréniques/narcissiques) cache en général un viol, aussi bien intérieur qu’extérieur. Par exemple, dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, l’héroïne lesbienne, dont le petit frère n’est finalement pas le vrai frère puisqu’il a été enlevé à la naissance lors de la dictature argentine de 1976-1983, illustre que la relation quasi gémellaire qu’elle entretient avec son demi-frère est à l’image de l’horreur de la guerre civile. Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, Linda et Christian, la sœur et le frère (homosexuel), ont été abusés par leur père : leur entente fusionnelle ne fait que reproduire la violence de l’inceste inter-générationnel.

 

Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna, l’héroïne lesbienne, vit sous le même toit que sa grande sœur, un personnage invisible qu’on n’entend qu’en voix-off mais qui semble occuper une place omniprésente, excessive : « Elle est très… affectueuse. » Juna finit par s’en débarrasser et par la carboniser dans la cave familiale : « Un jour je la tuerai. Quand je serai une vraie sorcière, je la tuerai. » Kanojo, une amie de Juna, flaire quelque chose : « Je pense qu’elle t’aime beaucoup.[…] Est-ce qu’elle te prend dans ses bras, ta sœur ? […] Juna, qu’est-ce qui se passe avec ta sœur ? » Juna crache le morceau : « C’est ma faute. J’ai pas su mettre les limites. Elle ne m’a jamais fait de mal. J’ai juste besoin que tout soit clair. » Curieusement, Kanojo semble avoir établi un rapport malsain similaire avec sa propre sœur : « Ma sœur me reproche d’être trop gâtée. Mais elle n’arrête pas de m’offrir des cadeaux. »
 

Parfois l’inceste androgynique entre les frères fictionnels est aussi le fruit/la représentation du divorce de leurs parents : « Et des frères à demi on aimera. » (cf. la chanson « Je, tu, ils » de Zazie)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Les deux frères amants (la fraternité incestuelle voire incestueuse) :

Le thème du lien entre homosexualité et inceste constitue un grand tabou parmi les personnes homosexuelles et ceux qui les justifient sans les connaître vraiment. Par exemple, Jean Cocteau, en évoquant l’inceste entre Catherine et Paul (le frère et la sœur) dans son roman Les Enfants terribles (1929), parle du « jeu » pour ne pas parler du viol : « Pour moi, c’était si loin du sexe, ce que j’appelle le ‘jeu’ des Enfants terribles… D’ailleurs, j’évite d’expliquer ce jeu. On ne touche pas à ces choses-là avec des mains d’homme. » (cf. le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky)

 

Pourtant, j’entends autour de moi beaucoup d’amis homosexuels qui ont vécu l’inceste avec un frère (petit ou grand), une sœur, un cousin, un oncle. Ce ne sont absolument pas des cas isolés, y compris sur les continents latino-américain, africain et dans le Maghreb, réfractaire à la pratique homosexuelle visible. « Mon cousin a profité de moi. Mon cousin avec qui il s’est passé des choses… très dures. C’était avec lui que j’ai perdu une partie de moi. Une fois mariée avec lui, il m’a fait payer le fait que j’aie été avec une fille avant. Il m’a séquestré. Il y a eu des coups. J’étais juste un corps. » (Amina, jeune femme de 20 ans, lesbienne, de culture musulmane, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « J’ai été élevée par mon frère homosexuel. » (Virginie Lemoine) ; « Aux repas de famille, on parle de son cousin de dix ans son aîné qui a quitté la Savoie pour Strasbourg, comme d’un homme qui a ‘des mœurs à part’. » (Jean-Michel Dunand, homosexuel, cité dans l’essai Dieu est amour (2019) de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Éd. Flammarion, Paris, p. 270) ; etc.

 

On rencontre dans la communauté homosexuelle un certain nombre de personnes qui ont (eu) une relation très proche avec l’un de leurs frères (d’ailleurs, on ne sait pas toujours si c’est un frère réel, biologique, ou s’il s’agit juste d’un reflet narcissique intérieur, d’un double schizophrénique). Par exemple, l’écrivain français Edmont de Goncourt (1822-1896) a été amoureux de son frère Jules. L’écrivain français Pierre Louÿs (1870-1925) admirait énormément son grand-frère Georges. Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, on apprend que José Pascual s’est amouraché de son grand frère pour qui il ressent une attraction érotique depuis le jour où il lui a vu les organes génitaux (p. 144). Dans le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre, la relation entre Bruno Ulmer, homosexuel, et sa sœur Catherine est clairement montrée comme incestuelle et maritale. Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015), il est dit que Klaus Mann, homosexuel, « adorait sa sœur Erika [lesbienne] d’un amour jaloux » (p. 117).

 

« Aux vacances, Oscar Wilde est heureux de retrouver sa petite sœur et sa mère. En 1867, alors qu’il atteint sa treizième année et Isola ses neuf ans, subitement, pendant un séjour à la campagne, la petite fille meurt. Oscar, quatorze ans plus tard, se souviendra de ce terrible événement, de ses longues visites au cimetière. Tout au long de ses poèmes – si artificiels, si peu sincères – il n’en consacre qu’un seul, simple et profondément émouvant, au souvenir de son Isola. C’est un peu la clef de l’existence fiévreuse du grand malade que fut Wilde que contient la conclusion du poème : ‘Toute ma vie est enterrée là. Jetez de la terre dessus…’ » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 170) ; etc.

 

La dimension incestuelle de l’homosexualité (j’entends par « incestuel » l’inceste « de désir », le fantasme d’inceste) est notammment suggéré dans le jargon LGBT anglo-saxon : « sister » (sœur) et ses diminutifs « sissy » et « sis » signifient « pédé ». L’homosexualité est l’expression d’une fraternité forcée, caricaturée et aussi excessive. Elle est, identitairement et en pratique, le signe d’un inceste. Dans le docu-fiction « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, l’« incestuosité » de l’homosexualité, thèse développée par des psychanalystes, est tournée au ridicule… mais cette opposition n’est pas argumentée.

 

Il arrive que certaines personnes homosexuelles se servent de la relation de proximité (incestuelle ?) entre deux frères, un cousin et une cousine, ou entre un frère et une sœur, pour vivre leur homosexualité en cachette (cela me semble très clair dans le choix du titre du roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, par exemple). Le binôme bisexuel des frères et sœurs fait alors office de support, de rempart et de glissement progressif vers l’acte homo. L’inceste sera la passerelle de l’homosexualité. « Ce que j’aimais chez la sœur éclatait chez le frère. Au premier coup d’œil, je compris le drame et qu’une douce existence me demeurerait interdite. Je ne fus pas long à apprendre que de son côté, ce frère, instruit par l’école anglaise, avait eu à mon contact un véritable coup de foudre. Ce jeune homme m’adorait. En m’aimant il se trompait lui-même. Nous nous vîmes en cachette et en vînmes à ce qui était fatal. L’atmosphère de la maison se chargea d’électricité méchante. Nous dissimulions notre crime avec adresse, mais cette atmosphère inquiétait d’autant plus ma fiancée qu’elle n’en soupçonnait pas l’origine. À la longue, l’amour que son frère me témoignait se mua en passion. Peut-être cette passion cachait-elle un secret besoin de détruire ? Il haïssait sa sœur. Il me suppliait de reprendre ma parole, de rompre le mariage. Je freinai de mon mieux. J’essayai d’obtenir un calme relatif qui ne faisait que retarder la catastrophe. Un soir où je venais rendre visite à sa sœur, j’entendis des plaintes à travers la porte. La pauvre fille gisait à plat ventre par terre, un mouchoir dans la bouche et les cheveux épars. Debout devant elle, son frère lui criait : ‘Il est à moi ! à moi ! à moi puisqu’il est trop lâche pour te l’avouer, c’est moi qui te l’annonce !» (Jean Cocteau dans le Livre blanc, 1930)

 

L’amour fraternel, mené à l’excès, peut parfois laisser place à l’émergence d’un désir homosexuel : « Le frère aîné […] favorise par sa position intermédiaire l’identification narcissique et le choix homo-érotique de l’objet. » (cf. l’article « L’Identité sexuelle : pour quoi faire ? » de Jean-Marc Alby, dans Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 521)

 

Les frères, quand ils franchissent le pas de la sensualité, s’admirent en général l’un l’autre à travers le miroir narcissique de l’auto-érotisme : « Abdellah, parfois, pour plus de plaisir, sans rien me dire, prenait ma tête par sa main, doucement la rapprochait de la sienne et, au moment du miracle, plaquait contre ma joue gauche ses lèvres chaudes, baveuses, entrouvertes, affamées, heureuses. Le baiser fraternel. » (Abdallah Taïa observant à 13 ans un autre Abdallah se masturber devant lui, épisode raconté dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 12)

 

Ils s’aiment tellement que certains tombent amoureux entre eux, et vivent une relation charnelle/sexuelle (parfois semi-forcée) : « À 13 ou 14 ans, une relation sexuelle s’est établie avec mon frère aîné. Tout a commencé par du tiraillage. On s’est collés l’un sur l’autre. Je ne sais pas comment ça s’est passé, mais à un moment donné nos pantalons se sont baissés… Je n’ai pas été forcé. Je ne voyais pas ça comme un abus. C’est par la suite que je me suis aperçu qu’il m’avait trompé émotivement, qu’il avait exploité ma soif d’affection. J’ai des séquelles encore aujourd’hui de cette trahison-là. […] Bizarrement, il était passif et c’est moi qui était actif, qui le faisais jouir, autrement dit. Lui, il était très peu participant, sauf pour faire les premiers pas. Il sait que je suis stimulé par son corps, par ce que je vois, il sait comment me prendre. Mon frère devient mon idole. On baisait depuis au moins 3 ans, régulièrement. […] Je me dis que je l’aimais, mais en dehors de nos activités sexuelles, on ne se parlait pas tellement. À vrai dire, il n’était pas vraiment présent dans ma vie. C’était seulement dans l’acte sexuel comme tel qu’il me donnait de l’amour. Mais à ce moment-là, j’en étais plus ou moins conscient. […] L’homosexualité reste associée à la trahison de mon frère. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, pp. 246-248) Par exemple, dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, Pierre, d’orientation homosexuelle, a vécu l’inceste avec son frère Joseph ; c’est le cas aussi de Jean-Sylvain avec l’un de ses frères.

 
 

b) « Et de deux dans la famille ! » (fantasme homosexuel du frère, de l’oncle, du cousin, du beau-frère)

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

« Chapitre 4 : Chaque famille a ses secrets » (cf. sous-titre du film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander)… Dans le « milieu homo », il est assez fréquent de retrouver dans une même famille deux membres homosexuels (voire beaucoup plus !). Ils ne couchent pas nécessairement ensemble, ne sont pas ouvertement attirés physiquement l’un par l’autre (surtout quand l’un est gay et l’autre lesbienne)… mais ce qui est sûr, c’est que leur coming out se font écho, se croisent en simultané ou en différé. Dans les personnes homos et frères célèbres, on connaît Carlos Jáuregui et son frère, les frères Klaus et Erika Mann, Tchaïkovski et son frère Modeste, Ferdinand et Gian-Gastone de Médicis, Lytton et James Strachey, les frères Sirkis du groupe Indochine, Stéphane Desbordes et son frère jumeau, Marlee Matlin (l’actrice de la série The L World) et son frère Marc, Léo et Gertrude Stein, etc. Par exemple, l’écrivain nord-américain Henry James, gay, a une sœur lesbienne. Dans la famille de la chanteuse lesbienne K.D. Lang, ils sont trois enfants sur quatre à se dire homosexuels (cf. l’article « K. D. Lang : Elle World », dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 22) ! Lors de l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle diffusée le 3 avril 2006, une des chanteuses du groupe Anatomie Bousculaire déclare que sa sœur est également lesbienne. Dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont parle d’une de ses amies lesbiennes, Marie-France, qui a aussi un frère homo. Je vous renvoie également à l’article de la revue Femme actuelle… pardon… Têtu, intitulé « Je ne suis pas le seul homo dans ma famille », datant du 19 novembre 2011 ; ainsi qu’à l’émission Jour après jour, intitulée : « Coming out : Le Jour où j’ai révélé mon homosexualité à mes proches »), diffusée sur la chaîne France 2, en novembre 2000 (émission dans laquelle une mère est venue témoigner que ses deux enfants – fille et garçon – étaient homosexuels.

 

La présence de plusieurs individus homos dans une seule famille ressemble au départ à un parfait vaudeville… mais en réalité, la découverte de plusieurs homosexualités dans une famille est généralement accueillie dans l’angoisse et le déni, bien sûr par les parents (« Le mauvais sort s’était abattu sur la pauvre Alice car sur les trois enfants qu’elle avait eus, les deux garçons étaient homosexuels. » écrit Jean-Claude Janvier-Modeste à propos de la mère d’Ednar, dans son roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011), p. 144), mais surtout par les enfants concernés ! Le fait est d’autant plus difficile à exposer que, au-delà de la honte de l’inceste, l’individu homosexuel qui voit son frère ou sa sœur le devancer ou le copier par un coming out qu’il souhaitait « unique et original » peut, pour une affaire d’orgueil mal placé ou de peur, garder son secret homosexuel pour lui. L’homosexualité du frangin ou de la frangine le renvoie directement à son manque de liberté, de personnalité… et ça, ça peut être très violent à accepter. Loin de rapprocher les frères, je connais personnellement des cas où la gémellité fraternelle d’homosexualité a été considérée comme un terrible acte de trahison, un aveu insupportable, un prétexte supplémentaire pour prendre ses distances.

 

Le désir érotique entre frères de sang est parfois exprimé clairement par certaines personnalités homosexuelles. Par exemple, dans l’émission Homo Micro diffusée sur Radio Paris Plurielle le 25 septembre 2006, l’écrivain Abdellah Taïa avoue son attraction et sa fascination pour son grand frère. C’est ce qui fait craindre, dans l’inconscient collectif, et de manière plus ou moins excessive, le risque d’inceste derrière tout signe social apparent d’homosexualité : « Ah ça non, tu touches pas à ton petit frère, tu ne lui fais pas de mal, il manquerait plus que ça, que tu te tapes ton petit frère ! » (Vincent, le grand frère s’adressant à Eddy par rapport à leur petit frère Rudy, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 53)

 

De ma propre expérience, je ne sais pas à quel point ni dans quelle mesure je ne suis pas la seule personne homosexuelle dans ma famille. J’ai bien mon petit soupçon pour tel cousin ou telle tante… soupçon avéré parfois. Concernant ma propre fratrie réduite, née d’un seul mariage (je précise), c’est plus délicat de me prononcer. Je suis issu d’une famille de cinq enfants : deux frères et deux sœurs. Pour mes frangines, mariées ou en concubinage, je n’ai pas trop de doute sur leurs préférences sexuelles (quoi qu’on pourrait quand même envisager qu’on peut très bien s’homosexualiser en s’hétérosexualisant trop précipitamment). Le doute d’homosexualité m’a effleuré seulement au sujet de mes deux frères : l’un parce qu’il est mon frère jumeau et que notre proximité corporelle a été très forte à une époque (il est marié et a trois enfants maintenant ; mais j’ai déjà vécu avec lui des gestes d’adolescence qui, de mon côté, je l’avoue, était clairement incestuels… même si je n’ai jamais été attiré physiquement par lui, et qu’encore aujourd’hui, imaginer partager avec lui des attouchements me dégoûterait), l’autre parce qu’il possédait à l’adolescence l’intégralité des goûts musicaux qu’un parfait mec homo peut avoir ! (mais mon frère aîné, qui a 10 ans de plus que moi, est à présent religieux dans un ordre, et je trouve qu’avec le temps, son sacerdoce et son célibat consacré l’ont paradoxalement masculinisé et déshomosexualisé à vitesse grand V !… même si j’ai longtemps cru que les filles, ce n’était pas sa tasse de thé. Comme quoi, la prêtrise, ça forge un homme et un père, parfois !).

 

Il arrive que certains individus homosexuels expriment le fantasme sexuel de l’oncle ou du neveu (ce n’est pas un hasard si l’un des plus fameux cabaret travesti de Paris dans les années 1960 s’appelait Chez Tonton !), ou bien qu’ils découvrent que leur tonton/leur neveu est aussi homosexuel comme eux : « Le jour où tu le voudras, je serai à toi. » (Ernestito à son oncle, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 231) ; « Mon cousin Fabien courait d’un bout à l’autre du terrain de football, nu, en exhibant son sexe dont la taille imposante m’intimidait. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 148) ; etc. Je vous renvoie bien sûr au code « Tante-objet ou maman-objet » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels pour approfondir la question.

 

Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » (diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), Sébastien (43 ans), à l’âge de 31 ans, a voulu faire croire à sa fille de 5 ans que l’homme avec qui il vivait était son « tonton » à elle… et il n’a pas pu mentir longtemps. Comme par hasard, un peu plus tard dans l’émission, il raconte devant les caméras qu’il s’était senti très tôt homosexuel mais qu’il n’avait pas osé le dire car déjà il avait un oncle homosexuel : « Au niveau historique familial, déjà, j’avais un oncle qui était homosexuel. Et les échos ne m’étaient pas très positifs. Donc je n’avais pas très envie de souffrir par rapport à ça aussi. » Raymond Lecomte est homosexuel comme son neveu Jean Cocteau.

 

Plus connu et répandu est le fantasme homosexuel du cousin, car avec ce dernier, la transgression de la différence des générations est moins flagrante. Elle passe mieux. Quelques sujets homosexuels reconnaissent en leur cousin un jumeau de désir, et échangent avec lui du sexe : « Je m’étais bornée à demander à ma mère quand je serais pourvue à mon tour du même appendice que mon cousin. » (l’essayiste lesbienne Paula Dumont, regrettant très jeune de ne pas avoir de pénis, dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), pp. 103-104) ; « Le seul cousin dont nous parlions à mots couverts, en murmurant qu’il avait des ‘mœurs à part’, s’était expatrié dans une autre région. J’avais l’intuition que lui et moi partagions la même inclination. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « Chouaïb. Mon cousin, dont j’avais été un temps amoureux, portait ce prénom. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 18) ; « Je haïssais Chouaïb. Il ne m’attirait plus. Mais je voulais rester ainsi pour toujours, nu, collé à lui tout aussi nu, peau contre peau, vivant dans le chaos de cette guerre intime, sexuelle. » (idem, p. 23) ; « Tout en lui rendant ses coups, tout en étant aussi malin et cruel que lui, je sentais bien dans mon cœur le faible que j’avais pour lui et je savais que je pouvais plus tard tomber sérieusement amoureux de lui. Le demander en mariage. Et être à lui. » (idem, p. 24) ; « Je me souviens que, petit, le danseur espagnol jouait avec son cousin blond. Un petit malin, très musclé pour son âge. La mère du danseur espagnol les a trouvés enfermés dans la chambre à coucher. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 162) ; « Claude retrouve son sourire d’enfant quand il se souvient du plaisir qu’il prenait à se faire sucer par son cousin. […] Philippe et moi, qui n’avons pas eu de cousin aussi bienveillant, sommes un peu jaloux de lui. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 16)

 
 

c) La jalousie fraternelle comme moteur d’homosexualité et comme possible germe du viol:

INCESTE FRÈRES Egon Schiele

Tableau « Autoportrait double » d’Egon Schiele


 

Bien avant d’être une réalité, l’inceste fraternel est un fantasme créé par l’individu homosexuel, l’expression chez lui d’une diabolisation de la sexualité. C’est l’amour, l’engendrement et la différence des sexes qui sont vus à tort comme l’inceste qu’ils ne sont pas en substance : « À l’époque, je ne connaissais pas les trucs sur l’intersexe, mais j’ai pensé que j’étais un homme. Et je m’étais dit très scientifiquement, pour évaluer si j’étais vraiment un homme, je vais me féminiser et donc là je me suis mise à avoir des cheveux longs, à me maquiller, à avoir des robes, etc., et dans la même période, je suis partie aux États-Unis avec un pote. Et un jour dans une boîte, j’ai failli me faire violer et là je me suis dit : ‘Non, je ne suis pas un homme, mais habillée comme cela ça ne me correspond pas, il y a quelque chose qui ne va pas.’ Et la séduction que j’exerçais à l’égard des hommes ne me plaisait pas, leur regard ne me plaisait pas. Pas parce qu’ils étaient libidineux, mais parce que je ne voulais pas cela avec les hommes. Pour moi, les hommes c’était mes frères. Alors, la seule fois où j’ai embrassé un homme (j’ai eu quelques flirts comme ça), j’avais l’impression d’une relation incestueuse, tu vois un truc tu touches avec la langue et tu as l’impression de ramasser des fraises, tu vois ? (rires). » (Gaëlle, une femme lesbienne de 37 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 80-81)

 

La violence de l’inceste fraternel a pu déclencher un dégoût de la sexualité, voire une homosexualité : « Un jour, chez des amis, alors que les parents étaient fort occupés à deviser dans le fond du parc, je fus le témoin d’une véritable orgie enfantine, à laquelle, d’ailleurs, je ne pris aucune part, me sentant trop décontenancé à la vue des petites filles. Des frères, des sœurs, d’autres garçons se livraient à des expériences sexuelles très poussées et je garderai toujours en mémoire le spectacle de la sœur d’un de mes camarades ‘utilisée’ par quatre garçons à la suite… Cette scène (qui se renouvelait, d’ailleurs, paraît-il, à chacune des réunions familiales, à l’insu des parents, naturellement) fut interrompue, ce jour-là, par l’entrée intempestive de la mère de l’une des fillettes… Ce fut un beau scandale. Il y eut des scènes pénibles. Un procès faillit en résulter mais, au cours des interrogatoires, chacun se tira d’affaire par des mensonges. Cet épisode aux couleurs crues s’imprima profondément dans mon esprit et me fit, plus que jamais prendre en horreur les filles et les femmes. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, racontant un souvenir d’enfance, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 79)

 

L’inceste est tout autant un effacement brutal de la différence des générations qu’un effacement de la différence des sexes : « Des transsexuelles me prirent sous leur coupe, persuadées qu’elles avaient la solution à mon chagrin. Amour divin, amour profane, nous entretenions les sentiers d’une relation juste et sensible. Mais, ces ébats qui ne me procuraient aucun plaisir, ne faisaient qu’aggraver le trouble existant de la scène de violence vécue avec mon frère. Cette scène qui me hantait et réveillait ces horribles douleurs au ventre. Et puis pour moi, c’était des filles ; Et les filles, franchement, ne m’attiraient pas. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 119)

 

Ensuite, on voit que ce fantasme incestuel s’origine le plus souvent dans une idéalisation excessive du frère et un amour jaloux : « Dans ce texte sur l’homosexualité féminine, Freud mentionne comme un élément clé la jalousie qu’éprouva la jeune fille lors de la naissance d’un frère. » (Daniel Borillo et Dominique Colas, L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), p. 312) ; « L’homosexualité peut être aussi le résultat d’une rivalité jalouse dans la fratrie qui se transforme en recherche de relation tendre avec des personnes de même sexe. » (Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse (2005), p. 56) ; etc. Par exemple, le film « Enfances » (2007) de Yann Le Gal traite précisément de la jalousie infantile du futur réalisateur Ingmar Bergman, au moment de l’arrivée de sa petite sœur : il tenta de l’étouffer avec un oreiller. Dans l’autobiographie La Mauvaise Vie (2005), on perçoit une comparaison obsessionnelle de Frédéric Mitterrand avec ses frères aînés (notamment à la page 78).

 

Comme le frère est mis sur un piédestal, mais que fatalement il n’est pas aussi parfait que prévu (et bien oui ! : il a pour défaut d’être libre et unique !), il finit parfois par être haï par l’individu homosexuel comme un traître, un concurrent qu’il n’est pas : « J’ai aimé ce frère, ensuite je l’ai détesté. » (Ednar parlant de son « tortionnaire » de frère, Ti-Éloi, qui le frappait physiquement, dans le roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 16) ; « Mon frère me servait implicitement de point de repère. Ce que je voulais se résumait à ceci : ne pas être comme lui. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 114) ; « Tous ces hommes se sentent marqués par leurs expériences sexuelles avec leurs frères. Non sans désarroi, certains constatent qu’ils sont attirés par des hommes qui ressemblent étrangement à ce frère qu’ils détestent ! » (Michel Dorais, Ça arrive aussi aux garçons (2008), p. 55) ; etc.

 

La jalousie entre frères est généralement l’aveu inconscient d’un amour incestuel entre un fils et un père/une mère qui ne veut pas être partagé(e) : « J’accuse aujourd’hui ma mère d’avoir fait de moi le monstre que je suis et de n’avoir pas su me retenir au bord de mon premier péché. Tout enfant, elle me considère comme une petite fille et me préfère à ma sœur, morte aujourd’hui. […] Une véritable peur de la vie résulta de sa façon de nous élever, mon frère et moi. […] De cette période, je sais également que j’enviais ma sœur. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 75)

 

Comme je viens de l’expliquer, il y a de la jalousie entre les frères parce qu’en toile de fond, il y a de l’inceste, soit entre l’individu homosexuel et son frère (ils vivent alors une relation idolâtre trop fusionnelle), soit entre l’individu homosexuel et ses parents, soit entre son frère et leurs parents. L’inceste fraternel peut rejoindre l’inceste paternel : le père ou la mère sont alors considérés comme des frères ou des sœurs : « La veille du départ de Karim et du cameraman, alors que moi je restais seul au Caire, j’ai fait un rêve dans lequel je me souvenais de mon frère et de sa rencontre avec Dieu. Je devais avoir 15 ans et lui 11-12 ans. Je n’étais plus le préféré de ma mère. C’était Mustapha qui dormait avec elle à présent pendant la sieste. Il avait fini par prendre ma place. Malgré moi, j’en étais très jaloux. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 80) ; « Ce n’est pas le dégoût de la castration féminine qui est au fondement de leur homosexualité, mais la composante narcissique du choix d’objet sexuel. Au cours de l’enfance, le futur homosexuel éprouve des sentiments de rivalité et de jalousie particulièrement intenses envers ses frères aînés avec lesquels il doit partager l’amour de sa mère. Sous l’effet de l’éducation, ces pulsions sont refoulées. L’énergie pulsionnelle ne pouvant être annulée, elle se renverse dans son contraire : la haine viscérale pour les frères se transforme en amour homosexuel. » (Virginie Mouseler, Les Femmes et les homosexuels (1996), p. 73) ; « Dans la prime enfance des motions de jalousie particulièrement fortes, issues du complexe maternel, s’étaient affirmées contre des rivaux, la plupart du temps des frères plus âgés. […] Les rivaux haïs se transforment en objets d’amour. […] Le choix d’objet homosexuel provient plus d’une fois d’un dépassement précoce de la rivalité vis-à-vis de l’homme. » (cf. l’article « Sur quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité » de Sigmund Freud, dans Névrose, psychose et perversion, 1894-1924) ; etc.

 

Souvent, il existe un conflit entre la personne homosexuelle et son frère/sa sœur parce qu’ils aiment le même Homme (le père/la mère/le petit ami de l’autre/la petite amie de l’autre/l’Androgyne), ou parce qu’ils se reflètent une même homosexualité : « Bien plus tard, de la part de mes frères et sœurs, je fus l’objet de terribles critiques. […]. Il y avait néanmoins, quelque chose d’intime et de douillet dans celles-ci, je dirais même de profond et de vivant mais, il y avait aussi plus de sincérité et plus profond et de plus de courage de ma part, à assumer cette continuité de moi-même. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de son homosexualité, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 11) Je vous renvoie avec insistance à la partie sur le « Frère homophobe » du code « Homosexuel homophobe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

C’est pour cette raison que le lien de fraternité ou de parenté, en même temps qu’il servira de couverture à l’homosexualité du couple qui ne veut pas s’afficher homo, est pour le coup symbole d’homophobie : « Lors de nos visites chez d’autres amis africains, Yoro [l’amant de Berthrand Nguyen Matoko] me recommandait de ne jamais d’afficher. Bien au contraire, ce qu’il trouvait à dire, c’est que nous étions deux cousins. » (idem, p. 138)

 

L’inceste vient non seulement alimenter l’amour homosexuel mais aussi le détruire. Je connais bon nombre de couples homosexuels qui ont été brisés « à priori » directement par la relation fusionnelle que tel ou tel de leurs membres maintenait avec une sœur ou un frère (considéré(e) comme) trop proche.

 

Par ailleurs, je tiens à rajouter pour conclure que la tentation de l’inceste ne concerne pas uniquement les grandes fratries, ou les « sujets homosexuels avec frère(s) ». Aucune personne homosexuelle, même fille ou fils unique, n’échappe, je crois, au fantasme d’inceste fraternel. En général, tout sujet homosexuel a l’impression de remplacer (et donc se donne l’impression de vivre en secrète communion avec) un frère ou une sœur défunte/cinématographique. « Là, dans cette obscurité, dans cette exécution, cette mort volontaire, je me suis souvenu de ma sœur hantée. » (Abdellah Taïa s’adressant à son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 123) Par exemple, dans son autobiographie Mauvais genre (2009), l’essayiste lesbienne Paula Dumont décrit « son statut enviable de fille unique et de fille qui remplace le fils défunt » (p. 28) que sa mère a perdu en couche. Je vous renvoie aussi à la partie sur le « Syndrome du jumeau solitaire » du code « Jumeaux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°97 – Infirmière

infirmière

Infirmière

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

L’Ange qui fait mal

 
INFIRMIÈRE costume trans
 

L’infirmière, dans les fictions homo-érotiques, et quelquefois dans les faits, n’est pas tellement une femme réelle ni un être spécifiquement sexué féminin : elle est plutôt l’allégorie d’un désir incestueux (le besoin de se faire cajoler et manipuler par un substitut maternel, dans un moment de fragilité physique et psychologique), d’un désir de toute-puissance (l’infirmière est un ange androgynique avec lequel il serait possible de fusionner et de dépasser le mal), d’un désir homosexuel (la douceur du rapport soignant/malade peut être projetée voire corporellement effective), d’un désir de viol (c’est la domination et la soumission, avec un rapport de forces nécessairement déséquilibré, inégalitaire, à cause de la maladie, qui parfois s’instaure pendant les soins). Et ce désir peut être ressenti ou stimulé par beaucoup d’hommes. Les hospitalisations obligent à une approche intime des corps. Et en état de faiblesse, le désir homosexuel, proposant un dépassement des limites, de la souffrance, et des corps, de la différence des générations, de la différence des espaces et de la différence des sexes, a tout le loisir de s’immiscer ! L’infirmière (ou l’infirmier) n’est donc pas qu’un déguisement parodique de travelo, qu’un cliché graveleux de films pornos, ni une blague potache dans les conversations en société (Que cachent les infirmières sous la blouse ? Qui veut jouer au docteur avec ma p’tite seringue ?). Elle désigne le désir homosexuel comme un élan fantasmatique souffrant, et parfois violent quand il est pratiqué.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Médecin tué », « Adeptes des pratiques SM », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Mariée », « Femme allongée », « Milieu psychiatrique », « Mort-Épouse », « Folie », « Vierge », « Tante-objet ou Mère-objet », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Cour des miracles », « Femme fellinienne géante et Pantin », « Médecines parallèles » et « Inceste », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 
 

FICTION

 
 

a) Infirmière au chevet de l’homosexualité :

Dans beaucoup de fictions traitant d’homosexualité, on retrouve la figure de l’infirmier ou de l’infirmière : cf. le film « Herkulesfürdöi Emlek » (1976) de Pal Sandor, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « A Question Of Love » (1978) de Jerry Thorpe, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, le film « Persona » (1966) d’Ingmar Bergman, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le film « Sonate d’Automne » (1978) d’Ingmar Bergman, le film « Allez coucher ailleurs » (1949) d’Howard Hawks, le film « La Falaise mystérieuse » (1944) de Lewis Allen, le film « La Polka des marins » (1951) d’Hal Walker, le film « MASH » (1970) de Robert Altman, le film « Zurück Auf Los ! » (1999) de Pierre Sanoussi-Bliss, le film « Total Loss » (2000) de Dana Nechushtan, le film « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ! » (1982) de Coline Serreau, le film « Du côté des filles » (1999) de Françoise Decaux, le film « Kazetachi No Gogo » (1980) d’Hitoshi Yazaki, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec Irja), l’opéra King Arthur (2009) d’Henry Purcell, le film « Taxi Zum Klo » (1981) de Frank Ripploh, la pièce Tu ris pour rire ou pour pleurer ? (2014) de Sophie Davidas, etc.

 

Comédie musicale Le Cabaret des Hommes perdus de Christian Siméon

Comédie musicale Le Cabaret des Hommes perdus de Christian Siméon


 

Parfois, c’est le héros homosexuel lui-même qui exerce le métier d’aide-soignant. « Je peux te faire un pansement. J’ai mon diplôme d’infirmière. » (Octavia, le héros transsexuel M to F, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet) Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homo, est brancardier dans les hôpitaux. Dans la biopic « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le pianiste virtuose gay Liberace raconte que suite à un malaise qui l’a conduit à l’hôpital, il a eu une vision d’une religieuse immaculée au chevet de son lit ressemblant à une infirmière, et qui en réalité était une vision privée qui lui confirmait non pas l’existence de Dieu ou de Marie mais son « élection » homosexuelle…

 
 

b) Elle était belle cette infirmière : je l’aime

Il arrive que le personnage homosexuel tombe amoureux de l’infirmière ou de l’infirmier qui le soigne : cf. le one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la publicité de campagne AIDES « Sugar Baby Love », la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer, etc.

 

"Mo-Mo" de la Cruz dans la série "Nurse Jackie

« Mo-Mo » de la Cruz dans la série « Nurse Jackie

 

« Quoi que maman dise, elle était belle cette infirmière. Je l’aime. » (cf. la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer) ; « Vous m’aiderez à mourir comme une sage-femme. C’est pour ça que je vous aime. » (Evita s’adressant à l’Infirmière, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Cette nuit, ils ne font pas l’amour. Cette nuit, ils ne se défoncent pas. Plancher, sur le lit, les draps trempés. Il grelotte, il suffoque. Le thermomètre indique quarante de fièvre. Javier veille son ami. Passe la main sur son visage, le calme lorsqu’il s’agite trop, porte les verres d’eau, maintient le gant de toilette imbibé d’eau froide sur son front, caresse sa chevelure, sa nuque, lui raconte un tas d’histoires sans intérêt pour l’apaiser, le serre dans ses bras, embrasse sa joue en feu, l’aide à ingurgiter aspirine sur aspirine. Le jeune homme ne semble pas vraiment réagir. Les seules fois où il se lève, c’est pour se précipiter aux toilettes et vomir. Il refuse que le capitaine l’y accompagne, tire la chasse avant de sortir et revient se coucher illico. Javier est tenté un moment de l’emmener aux urgences, mais son amant l’en dissuade. Demain, il ira voir quelqu’un, promis. En attendant, il veut juste se reposer. S’il te plaît, mon amour. » (Antoine Chainas, Une Histoire d’amour radioactive, 2010) ; « À 10 ans, je jouais les infirmières avec Laurence. » (Nathalie Lovighi dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3ème Festigay au Théâtre Côté Cour de Paris en avril 2009) ; « J’ai entendu frapper, la porte s’est ouverte et sa silhouette s’est découpée dans la lumière du couloir comme une apparition surnaturelle. Malgré la pénombre dans laquelle était plongée la chambre en écarquillant les yeux je devinais quelques détailles de son visage. Comment exprimer ce que j’ai pensé, ressenti, éprouvé, ce qui s’est passé en moi en voyant ce garçon : celui que j’attendais depuis que j’étais entré dans cette clinique, tout en sachant que cela n’arriverait pas. ‘Bonjour monsieur, vous dormiez ?’ ‘Non, je somnolais…’ Je venais de m’endormir lorsqu’il avait frappé à la porte, mais pour rien au monde je n’aurais voulu lui faire une autre réponse. ‘J’allume.’, a-t-il ajouté. Ce n’était pas un bellâtre ni un beau gosse, simplement un charmant garçon que l’on prend plaisir à regarder. Ses joues étaient rondes, ses cheveux claires et courts tenus en l’air avec du gel, son regard profond. Il n’était pas costaud ou bodybuildé, mais son corps était solide, ses épaules carrées et sur son visage une barbe de trois jours ajoutait quelques années à ses vingt ans. Il m’a posé les questions usuelles : comment je me sentais, si je n’avais pas trop mal ; celles que tous les infirmiers posent à tous les patients en entrant dans leur chambre. J’ai répondu d’un ton détaché que ça allait. Je ne voulais pas geindre devant lui et paraitre trop diminué. Pendant qu’il s’activait autour de moi, je continuais à détailler son visage en me cachant derrière une inquiétude feinte, celle du patient qui se demande avec angoisse ce qu’on va lui faire. Sous sa lèvre inférieure, entre les poils de sa barbe naissante, j’ai vu briller la pointe d’un labret qui m’a rappelé ces garçons que l’on croise dans les bars du marais…Sur le côté droit de son cou il y avait un petit tatouage ‘soleil tribal’ à trois branches en forme de flammes et un plus imposant au milieu de sa nuque. Ses bras étaient vigoureux, duveteux et, à droite sur le côté de son biceps, se détachait sur sa peau clair un gros grain de beauté tout rond et plat (semblable à deux autres placés sous sa pommette gauche), où poussaient deux petits poils folâtres. J’étais comment dire… Subjugué, charmé (?), par ce garçon qui venait d’entrer dans ma chambre, me parlait, s’occupait de moi, moi qui dans la solitude de mon petit lit, figé dans la douleur, à des milliers d’années lumière de tous mes rêves, n’attendais plus rien. » (cf. la nouvelle « Chambre 311 : l’infirmier de nuit » (2013) sur le site La Passion des garçons) ; etc.

 

Film "Taxi Zum Klo" de Frank Ripploh

Film « Taxi Zum Klo » de Frank Ripploh


 

Par exemple, dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux. Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, Daventry, l’amant homosexuel, est associé à une infirmière. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, soi-disant « hétéro », exerce le métier d’infirmier. Rémi tombe sous son charme : « C’est une chance de tomber sur un infirmier.« . Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel, tombé du tire-fesses, se fait soigner par un animateur de colo hétéro, Andreas, dont il tombe amoureux. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam plonge sauver Lukacz de la noyade, et son assistance de secouriste va faire naître l’« amour » entre eux. Dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón, Ander tombe amoureux de José qui le soigne. Dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, Alicia tombe amoureuse d’Aurora, celle qui l’a aidée à se rétablir. Dans le film « Bug Chaser » (2012) de Ian WolfleyIan, l’ex de Nathan, est infirmier. Le film « Gerontophilia » (2013) de Bruce LaBruce raconte l’histoire d’« amour » entre un jeune infirmier et son patient nonagénaire. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel prend sous son aile son camarade aveugle Léo, et cette défaillance commune fait chavirer leurs cœurs.

 

L’infirmière est l’autre nom implicite de l’amant homosexuel : « Elle va comment ton infirmière ? » (Laurence s’adressant à son ex-amante Sandrine à propos de Morgane la nouvelle copine trans M to F de cette dernière) « D’abord, c’est pas mon infirmière. Et ensuite, elle s’appelle Morgane. » (Sandrine, dans l’épisode 409 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 27 février 2019).
 

La relation amoureuse qui s’instaure entre le patient et l’infirmière semble au départ idyllique, quasi sacrée, mais immatérielle : cf. la roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig (avec les infirmières comparées à des anges), le film « La Déesse » (1958) de John Cromwell, le film « Dallas Buyers Club » (2013) de Jean-Marc Vallée, etc. Par exemple, dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, l’infirmière est comparée à une « bonne fée ». Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1932) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, à l’âge de 7 ans, projette ses sentiments amoureux naissants, sur Collins, sa nurse, qu’elle n’hésite pas à qualifier de « déesse » (p. 29) : « Elle avait une abondante poitrine, trop abondante, en vérité, pour une fille de vingt ans. […] En un instant, Stephen connut qu’elle l’aimait… Stupéfiante révélation ! »

 

« Sous ses habits blancs elle faisait songer à une fée. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 200) ; « L’infirmière leva la tête et me regarda, les yeux encore pleins des images de son livre. Si je ferme les miens à présent – au moment où j’écris – et essaie de retrouver son regard, il me semble que je pourrais en déduire quel livre elle lisait. Une histoire pleine de crinolines – le froissement des robes, les années 1840 : La Chartreuse de Parme peut-être. J’adressai à la jeune femme un petit salut. » (Laura, l’héroïne lesbienne du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 70) ; « Je la connais depuis un rien de temps, Barbara, mais je l’aime comme ma mère. » (Chris, le héros homosexuel parlant de l’infirmière, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 197) ; « Elle était forte et avait le visage qu’ont souvent les femmes de sa corpulence, lisse, sans rides, joli avec de grands yeux bleus d’où émanait une vraie douceur. Des yeux que la souffrance n’a pas endurcis mais purifiés. Échanger quelques paroles avec elle apaisa Adrien. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 123) ; « Ce sont des personnes comme vous qui me font aimer ce métier, qui me donnent envie de soigner, de ne jamais désespérer. » (l’infirmière s’adressant à Adrien, le héros homosexuel, idem, p. 132) ; etc.

 
 

c) La piqûre de mort :

Le fait que l’amour avec l’infirmière n’arrive pas à se concrétiser génère déception, sentiment de frustration et de trahison, voire même un ressentiment haineux. Le héros homosexuel associe l’infirmière à une traîtresse qu’il faut tuer, ou tout du moins écarter… : cf. la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti (avec l’infirmière à deux têtes).

 

Par exemple, dans le film « Yossi » (2012) d’Eytan Fox, Yossi, cardiologue secrètement homosexuel, écarte l’infirmière de service qui le drague. Dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, l’infirmière finit par être poignardée.

 

Film "Œdipe (N + 1)" d’Éric Rognard

Film « Œdipe (N + 1) » d’Éric Rognard


 

L’infirmière incarne parfois la mère incestueuse qui anesthésie et couve. Par exemple, dans le film « Le Tout Nouveau Testament » (2015) de Jaco Van Dormael, la mère de Willy, le gamin transgenre M to F qui se prend pour une fille, est présentée par son cher fiston comme une méchante infirmière : « Je savais que quelque chose clochait avec ses piqûres. » Le héros homosexuel, au contact de l’infirmière, souffre de ne pas pouvoir grandir ni s’émanciper comme un adulte : cf. le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, le roman Trois poèmes à ma nourrice (1929) de Saba, le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui (avec Ourdhia l’infirmière-nourrice), le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman (avec l’infirmière de l’école), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec la « nourrice bien-aimée » de Bijou), etc. Par exemple, dans la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, Joséphine, la mère de Kevin (le héros homosexuel), se déguise en soignante. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homo, surnomme sa sœur Adèle « Blouse blanche ». Et pour cause : cette féministe invétérée exerce le métier d’« infirmière-urgentiste » Bizarrement, cette sœur collante et fusionnelle effraie un peu son frère, qui ne veut pas trop être réifié ni étudié par elle : « Enlève ta blouse. Elle m’intimide. » Et on comprend pourquoi : Adèle n’exerce pas que la médecine. Elle est un peu sorcière et prédit l’avenir par le tarot. Sa dualité peu scientifique finit même par exciter la colère de l’amant de William, Georges, qui insulte l’infirmière de « baiseuse de mes deux ! ».

 

Film "Gerontophilia" de Bruce LaBruce (avec l'infirmier qui couche avec son papy)

Film « Gerontophilia » de Bruce LaBruce (l’infirmier couchant avec papy)


 

« J’ai pensé à elle, Laura Jones, ma gouvernante galloise, dont je ne saurai jamais, en somme, si je l’ai aimée comme une mère ou comme une femme. L’un et l’autre, sans doute. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 34) ; « C’est une femme merveilleuse, mais ô combien envahissante. […] Elle joue à la moman inquiète, pis ça m’énerve. » (Luc, l’un des héros homos sidéens à propos de l’infirmière rebaptisée « Garde Cinq-Mars », dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, pp. 274-275) ; « Nous avons tous une femme fatale dans la vie, et c’est souvent notre nourrice. » (Hubert, l’un des héros de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Mon pauvre professeur, les nourrices sont les êtres les plus sauvages sur terre ! » (Cyrille, le héros homosexuel s’adressant au professeur Vertudeau, idem) ; « Je vous interdis de vous mêler de ma vie privée ! » (Cyrille s’adressant à l’infirmière, idem) ; etc.

 

Parfois, cette infirmière prend la projection diabolisante pour un ordre, et maltraite/viole effectivement son malade : cf. la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir » (1950) d’Élia Kazan, le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2002) de Pedro Almodóvar (avec Benigno, l’infirmier violeur), etc. « Les infirmières repoussèrent Truddy. » (Copi, « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 34)

 

L’infirmière est l’allégorie de l’hypersexualité. « Je vous adore ! […] Vous êtes mon idéal féminin ! » (Cyrille, le héros homosexuel s’adressant à l’infirmière, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) Ce n’est même pas une femme véritable, en réalité. C’est la bombe sexuelle transgenre, l’incarnation de la femme-objet : cf. le film « Insatisfaites poupées érotiques du professeur Hitchcock » (1971) de Fernando Di Leo, la série Hanazakari No Kimiachi E (2011) diffusée au Japon (avec l’infirmier gay pervers), etc. Par exemple, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, l’Infirmière est ce croque-mort transgenre corrompue par Evita pour qu’elle lui administre la mort la plus grandiose qui soit : « Tu aimes les bijoux, hein ? Prends ça aussi. Et le collier. Tiens, tiens, ne me remercie pas. […] Tu aimes l’argent, hein ? » (Evita à l’Infirmière)

 

Nakatsu dans la série "Hanazakari No Kimiachi E"

Nakatsu dans la série Hanazakari No Kimiachi E


 

La seringue de l’infirmière apparaît parfois comme un pénis symbolique. L’infirmière est cette femme phallique qui va pénétrer, et donc soulager et exciter par cette pénétration, le malade homosexuel. Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, vit l’introduction d’un tuyau pour un lavement d’anus par une femme norvégienne de la station thermale comme un supplice, un viol qui « déniaise » et dégoûte de la sexualité : « Défloré par Ingeborg… »

 
INFIRMIER Caricature
 

L’infirmière est l’androgyne messager de mort : cf. la pièce Eva Perón (1970) de Copi, le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (à propos du clonage), le film « Tras El Cristal » (1985) d’Agusti Villaronga, le film « Bandaged » (2009) de Maria Beatty (avec Joan, une infirmière vénéneuse qui va soigner Lucille), le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec l’infirmière odieuse), etc. « Une infirmière apparût. Elle resta immobile quelques secondes, fascinée par le grand sourire de la jeune femme qui se trouvait dans le coma il y avait à peine une demi-heure. […] Maria-José [le héros transsexuel M to F] fit semblant de se rendormir. » (Copi, « Le Travesti et le Corbeau » (1983), de Copi, p. 34) ; « On est au Parc d’attractions et je suis Madame Godzilla. » (l’infirmière d’hôpital s’adressant à Rana, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; etc. Par exemple, dans les films de Pedro Almodóvar, les infirmières annoncent toujours un drame ou la mort ou un choc brutal (perte de mémoire, coma, etc.).

 

La sortie de l’identification à l’infirmière équivaut symboliquement à un coming out et à une homosexualité assumée. Par exemple, dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Kena et Ziki sont en couple, et la seconde cherche à décourager la première de devenir infirmière, car elle la voit médecin : « Tu pourrais faire autre chose qu’infirmière. Tu peux devenir médecin. » (Ziki). Au départ, Kena se justifie de ne pas viser plus haut (« Les gens ont besoin d’infirmières. »), mais elle finit par décrocher le concours de médecine… à la plus grande joie de sa compagne qui la taquine (« Et tu voulais être infirmière ?? Avec ces notes-là ??? »).
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Infirmière au chevet de l’homosexualité :

Est-ce que l’infirmière n’est qu’un cliché homosexuel sans fond ? Non. Je connais personnellement des personnes homosexuelles qui travaillent, nombreuses, dans le milieu médical. La profession d’infirmière est très féminisée… ce qui explique que les hommes qui l’exercent aient parfois choisi ce métier comme une manière de ne pas assumer leur masculinité, ou bien comme une manière d’assumer leur homosexualité. Ils seraient aussi intéressant de voir, dans la profession d’infirmière, la part d’homosexualité, même si on ne peut pas en faire de statistiques comme l’a fait le Dr Henry Amoroso face à Elula Perrin (lesbienne) dans l’émission de Philippe Bouvard L’Huile sur le feu diffusée sur Antenne 2 le 11 juillet 1977 : « Vous tombez très mal avec les infirmières ! Il est prouvé que 80 % des ambulancières en 1914 étaient des lesbiennes ! »

 

Pendant l’émission Homo Micro diffusée le 12 février 2007 sur Radio Paris Plurielle, Brahim Naït-Balk pose avec facétie cette question au romancier homosexuel « Ron l’Infirmier » : « Les infirmières en général ont la réputation d’être de jolies femmes. Ça existe, de beaux garçons, chez les infirmiers ? » La réponse salace ne se fait pas attendre, et elle est particulièrement signifiante : « Alors infirmier pour les garçons, c’est comme steward, ou coiffeur. Voilà… C’est 90% des infirmiers hommes… […] Mais j’pouvais pas être infirmière, alors, voilà… »

 

Pièce "Une Visite inopportune" de Copi

Pièce « Une Visite inopportune » de Copi


 

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que, dans l’esprit de certaines personnes homosexuelles, l’infirmière est un rôle ou une « fonction » ou une projection identitaire, bien plus qu’une personne réelle. C’est la jumelle narcissique, le rôle travesti : « L’infirmière [de Eva Perón], un intrigant miroir d’Eva elle-même. » (cf. l’article « Eva Perón, où Copi reprend corps » de Maia Bouteillet, dans le journal Libération du 23 octobre 2001) ; « Cristobal avait revêtu l’uniforme d’infirmière qu’elle ne quittait presque jamais et qui l’avait rendue populaire à Buenos Aires. On l’appelait ‘l’Infirmière dingue’. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 277) ; etc.

 
 

b) Elle était belle cette infirmière : je l’aime

S'il te plaît, occupe-toi de moi

S’il te plaît, occupe-toi de moi


 

La proximité corporelle et sentimentale que permet la défaillance physique et psychique d’une malade, que permet le contexte hospitalier, suffit largement à expliquer que l’homosexualité se glisse souvent entre patient et soignant. Une forme de rapport infantilisant réconfortant dans l’épreuve. Il se peut d’ailleurs que cette épreuve soit au départ fantasmée ou jouée : « J’aimerais pouvoir être malade et avoir des dames. Je suis si sensible aux charmes des femmes. » (Virginia Woolf dans une lettre à son amante Violet Dickinson, dans les années 1920)

 

Entre la blague et le sérieux du fantasme, c’est toujours difficile d’y voir clair. Par exemple, dans le documentaire « Le Bal des chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder, des femmes lesbiennes disent leur passion pour les infirmières. Mais quand on voit qu’il existe réellement des sites « agréés » où la relation patient/malade est placée sous le sceaux de la préférence sexuelle, il est difficile de mettre totalement le cliché de l’amant homosexuel infirmier à l’abri du second degré…

 
INFIRMIER Médecin gay
 

Par ailleurs, la fonction quotidienne d’infirmière se marie logiquement très très bien avec la justification sociale gay friendly de notre époque. Les infirmières ont objectivement de fortes chances d’être aimées en tant que « filles à pédés » car elles se trouvent aux avant-postes des confidences de souffrances. Par exemple, ce sont les infirmières scolaires qui sont les premières au courant de l’homosexualité des adolescents qui se confient à elles… et parfois, flattées d’être les gardiennes d’un secret lourdement porté, elles ont la tentation de jouer les mères agressivement gays friendly, gardant jalousement leur trésor d’homosexualité pour mieux se venger de leurs déboires sentimentaux personnels et pour s’acheter une image de conscience de l’Humanité qui a tout compris tout entendu.

 
 

c) La piqûre de mort :

Le cliché homosexuel de l’infirmière, tout drôlatique et décalé (et carrément camp) qu’il paraisse, ne doit pas que nous faire rire. Car derrière, il dit une souffrance. Personne ne joue au malade ou au soignant s’il n’est pas habité par une souffrance réelle (qui se singe elle-même) ou s’il ne nie pas sa souffrance dans un fantasme asexué de toute-puissance. Par exemple, il n’est pas étonnant que dans la mise en scène 2002 de la pièce Eva Perón de Copi par Marcial Di Fonzo Bo, le metteur en scène homosexuel ait fait jouer la mère d’Evita par un homme en jarretelles, et en affublant l’infirmière d’un sexe masculin. Dans l’émission V.I.P. de la chaîne KTO diffusée le 2 janvier 2016, Dominique Fernandez, académicien homosexuel, révèle son aversion pour les infirmières qu’il voit comme des êtres terrifiants. Il y a dans l’instrumentalisation homosexuelle du rôle des infirmières un fantasme de transgression de la différence des sexes qui lui est très violent. L’infirmière, dans les cas de suicides réels, de morts, d’opérations lourdes qui mutilent les personnes homosexuelles ou transsexuelles, est quelquefois ce témoin impuissant et complice d’un carnage.

 

L’Histoire a prouvé malheureusement que c’est le Sida qui a renforcé et fait connaître ce cliché gay sur l’infirmière, qui a rappelé la forte proximité entre l’infirmier et son patient homo. Une proximité de vie mais aussi de mort. Ne l’oublions pas. « J’ai entendu d’une infirmière : ‘Je vais faire sa piqûre au pédé.’ Ça fait toujours du mal à entendre. » (un témoin anonyme homo français, malade du Sida, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta)

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°98 – Innocence

Innocence

Innocence

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Qui veut faire l’innocent fait le coupable

 

Vidéo-clip de la chanson "Sans contrefaçon" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer


 

En écho à l’essai La Tentation de l’innocence de Pascal Bruckner (un livre que j’aime beaucoup), je vais traiter ici du code de l’innocence dans les œuvres homosexuelles, c’est-à-dire de toutes les fois où les personnages homosexuels se représentent comme des anges, se rêvent sans taches et sans blessures, et ceci de manière presque inversement proportionnelle à leur pureté effective puisqu’en général ils sont (ou se sentent) coupables d’un viol qu’ils ont subi (ou qu’ils ont fait subir). Ce qui est pratique avec l’innocence, même si le pacte qu’elle nous propose est objectivement odieux, c’est qu’elle nous propose d’être éternellement blanchis, d’être des légumes insensibles et en bonne santé ou bien des zombies bienheureux baignant dans une complète béatitude immatérielle, à condition que nous cédions notre liberté. Et c’est en effet une vraie tentation humaine que l’évitement de la souffrance et de la culpabilité à tout prix, surtout dans les moments où notre responsabilité nous pèse comme un joug parce que nous avons mal agi. Ce fut la tentation du diable, c’est dire ! Alors vive la vieillesse, la fatigue de l’engagement, la lourdeur de notre condition humaine, l’exigence de nos idéaux, les merdes qui nous arriveraient à cause de notre liberté ! Les personnages homosexuels, en pleurant l’époque irréelle où ils auraient été Adam et Ève tout à la fois, nous rappellent combien il est douloureux de délaisser ses idéaux plutôt que de les vivre.
 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Viol », « Mariée », « Folie », « Oubli et Amnésie », « Douceur-poignard », « Déni », « Jardins synthétiques », « Planeur », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Amoureux », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Mère gay friendly », « Éternelle jeunesse », « Clonage », « Se prendre pour Dieu », « Se prendre pour le diable », « Vierge », « Parodies de Mômes », « Homosexualité noire et glorieuse », « Maquillage », « Appel déguisé », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Solitude », « Haine de la beauté », « Clown blanc et Masques », « Amant diabolique », « Je suis un Blanc-Noir », « Passion pour les catastrophes », « Première fois », « « Plus que naturel » », « Main coupée », et « Fleurs », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 
 

FICTION

 

a) La nostalgie de l’innocence :

Roman À mort l'innocent ! d'Arthur Ténor

Roman À mort l’innocent ! d’Arthur Ténor

 

Souvent, dans les fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel, en rupture avec ses idéaux profonds, rêve de retrouver l’innocence de l’ange ou de l’enfant : cf. le roman Les Innocents (1952) de Francis Carco, le film « Les Innocents » (2003) de Bernardo Bertolucci, le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, l’album Le Square des innocents (1974) de Catherine Lara, le film « L’Innocent » (1976) de Luchino Visconti, le roman Journal d’un innocent (1996) de William Cliff, le roman L’Innocent (1931) de Philippe Hériat, le roman El Inocente (1966) de Juan José Hernández, la pièce El Inocente (1968) de Joaquín Calvo Sotelo, le roman La dernière innocence (1953) de Cécile Bertin, le roman The Age Of Innocence (1920) d’Édith Wharton, le film « Born Innocent » (1974) de Donald Wrye, le film « Neige » (1981) de Juliet Berto et Jean-Henri Roger, le film « Pequeña Paloma Blanca » (2003) de Christian Barbé, le film « Innocence » (2003) de Bernardo Bertolucci, le film « Up The Chastity Belt » (1971) de Bob Kellett, le film « Ah ! Si j’étais restée pucelle » (1969) de Günter Schlesinger, le film « I’m Cool I’m Good » (2010) de Stanya Kahn, le film « Innocenti » (2008) de Jean-Baptiste Erreca, le film « Le Sexe des anges » (2011) de Xavier Villaverde, le film « The Innocence Of Muslims » (« L’Innocence des musulmans », 2012) de Nakoula Basseley Nakoula, le roman L’Amant pur (2014) de David Plante, le film « Innocent » (2005) de Simon Chung, etc.

 

« Moi aussi, tout petit, je croyais en moi. Mais j’ai changé. » (Môn, l’un des héros transgenres M to F s’adressant à Chaï, dans le film « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun) ; « Nous reste-il du temps pour redevenir innocents ? » (cf. une réplique dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « Tous mes idéaux, des mots abîmés. […] Pourtant, je voudrais retrouver l’innocence. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « Ai-je jamais été innocent ? Si je l’ai jamais été, c’est parti très vite. Très vite, je crois avoir compris les jeux des grands, leurs enjeux, leurs discussions murmurées, leurs sous-entendus, leurs lâchetés, leurs espérances. Très vite, je n’ai plus été dupe. J’ai perdu ça : la naïveté, la fraîcheur, l’inconscience. » (Vincent, l’un des héros homosexuels du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 24) ; « J’étais innocent. » (Robbie, le héros homosexuel du film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Mais comment retrouver l’innocence du commencement, la belle frénésie des toutes premières heures et la virginité perdue ? » (idem, p. 117) ; « Quand j’étais petit, j’avais des rêves, des ambitions. […] Maintenant, je vivote. » (Benoît, l’un des héros homosexuels parlant de l’amour, dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; etc.
 
 

b) Qui veut faire l’innocent fait le coupable :

Film "Sexe des anges" de Xavier Villaverde

Film « Sexe des anges » de Xavier Villaverde


 

Le héros homosexuel est parfois tellement attiré par l’innocence qu’il tente de la dérober, de la prendre de force : « En société, j’imaginais les femmes qui m’entouraient déshabillées et offertes, et très vite, dans un état presque halluciné, je leur prêtais des postures ou des situations que je n’ose décrire, même dans mon carnet… Ma cruauté, dans ces instants, me préparait à l’idée qu’un jour je n’aurais plus vraiment de limite et que mon « vice » m’avalerait entièrement. Je combinais et raisonnais de plus en plus en fonction de lui, sentant bien que, quand j’étais dans ces étranges dispositions, en crise, comme on dirait, c’était lui qui déterminait tout ce que je pensais et faisais. J’avais imaginé un moment demander à la petite voisine de passer me voir afin de faire ensemble ce que je l’avais obligée à faire seule devant moi, sachant combien j’aimais à outrepasser la pudeur des autres, pour le plaisir que son viol me donnait. Cette envie ne me quittait pas, mais je devais résister, c’était trop risqué. […] J’avais peur de moi. Quand je sentais monter ce besoin de chair, peu m’importaient les moyens et la figure de celle qui me donnerait ce qu’il me fallait. […] Je voulais ma nuit avec une femme, comme l’on veut sa naissance. Une nuit de noces, comme celle où je perdis ma virginité et décidai, pour cette occasion, de me choisir un nouveau prénom… Alexandra. Ce serait désormais par ce choix secret que je marquerais ma différence, comme l’avant et l’après du baptême. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 56-57) ; « Quand tu m’as connue, j’étais innocente et je le suis toujours. » (Rosa, la prostituée, s’adressant à son client Jules, juste avant de vivre un échange sexuel SM, dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali) ; etc.
 

Par excès de purisme ou de perfectionnisme, beaucoup de personnages homosexuels jettent l’éponge de leurs idéaux profonds, ou bien cherchent, quitte à être jusque-boutistes, à reconquérir leur innocence par un don sacrificiel d’eux-mêmes dans la débauche. Une sorte d’innocence inversée : cf. le roman L’Innocence du diable (2001) d’Éyet-Chékib Djazari, le film « Totò Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (avec l’ange qui fait caca), le film « Tchernobyl » (2009) de Pascal Alex-Vincent, le film « Notre Paradis » (2010) de Gaël Morel (Vassili rencontre Angelo inanimé dans le Bois de Boulogne), le roman La Pérdida Del Reino (1972) de José Bianco, etc. Par exemple, beaucoup de pièces de Tennessee Williams traitent de la perte de l’innocence.
 

À travers la tournure interrogative notamment, on trouve la simulation d’innocence en rapport avec l’homosexualité dans des films tels que « Pourquoi pas moi ? » (1999) de Stéphane Giusti, « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, ou bien « Pourquoi pas ! » (1977) de Coline Serreau. En générale, cette simulation cache de noirs desseins : « Je suis l’enfant insouciant. Je n’ai pas de morale. » (Vincent, le héros homosexuel de 16 ans, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 46-47) « On ne peut pas être innocents deux fois. » (Maria, l’héroïne jouant le rôle d’une lesbienne, dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas) ; « Je ne me souviens plus de ce que j’ai fait ces quatre derniers jours mais l’important est de savoir que je n’ai pas tué. Mon roman n’existe plus tant pis mais je suis innocent, c’est le principal. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977), pp. 133-134) ; « La dignité… ça fait longtemps qu’elle m’a quittée, celle-là… » (Jack, l’un des héros homosexuels de la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt) ; « La plus grande chute est celle qu’on fait du haut de l’innocence. » (Merteuil dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller) ; etc. Par exemple, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan explique qu’il « voit du sexe partout même dans les comptines pour enfants » : selon lui, « Au clair de la lune » est une chanson « érotique », et « Les 3 Petits Cochons, là, c’est carrément dans une soirée SM ! »
 

Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Lola s’amuse d’entretenir ouvertement avec Nina une relation lesbienne « extra-conjugale » qu’elle qualifie de « liaison somme toute bien innocente » auprès de sa copine régulière Vera.
 

Film "Innocent" de Simon Chung

Film « Innocent » de Simon Chung


 

Parfois, le héros homosexuel a vraiment été dépossédé de son innocence par un véritable viol, ou par un viol psychique (harcèlement) : cf. le roman À mort l’innocent ! (2007) d’Arthur Ténor. « Mon cœur, tu l’as volé, et sans détour. » (Benji s’adressant à son amant Maxence qui lui a fait perdre son innocence et sa virginité, dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot) ; « Partager mon ennui le plus abyssal au premier venu qui trouvera ça banal. » (cf. la chanson « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer) ; « J’aime être propre : avant et après. […] La douche, c’était le grand moment. » (Eloy, le prostitué libertin en pleurs dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre) ; etc.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

a) La nostalgie de l’innocence :

la chanteuse Björk

la chanteuse Björk


 

Comme l’explique Jean-Louis Chardans dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), les personnes homosexuelles dites, à une certaine époque, « pédérastes » ont parfois été surnommées aussi « catamini », autrement dit « chattemittes, ceux qui jouaient les innocents » (p. 126).
 

L’innocence a toujours exercé dans la communauté homosexuelle une grande fascination. Je vous renvoie à l’essai Preservation Of Innocence (1949) de James Baldwin, à l’autobiographie Journal d’un innocent (1976) de Tony Duvert, au roman biographique Si tout n’a pas péri avec mon innocence (2013) d’Emmanuelle Bayamack-Tam, etc.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles sont fascinées par l’innocence (plus cinématographique et littéraire que réelle) : « C’était l’enfance, le temps de l’innocence. » (Stéphane Corbin lors de son concert Les Murmures du temps au Théâtre de L’île Saint-Louis Paul Rey en février 2011) ; « Dors comme une enfant innocente. » (Ebba, au lit avec son amante la reine Christine, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; etc. Par exemple, l’histoire du Petit Prince de Saint-Exupéry est l’un des livres favoris de James Dean, Néstor Perlongher, Mylène Farmer, Jacques-Yves Henry. Je vous renvoie au code « Conteur homo » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Beaucoup de chanteuses ou d’actrices un peu lunaires (Jackie Kennedy, Valérie Lemercier, Björk, Mylène Farmer, Charlotte Gainsbourg, Vanessa Paradis, Céline Dion, etc.) sont des icônes gays.

 

Il est extrêmement fréquent, dans le discours des personnes homosexuelles, d’entendre la confusion entre sincérité et Vérité, ou bien entre perfectionnisme et perfection, purisme et pureté, intentions et Réalité. « Mais je suis pur et vertueux ! » (Jean-Louis Bory, ironique au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) Pas étonnant que la déception et la dépression subséquentes à cette idolâtrie pour l’innocence arrivent vite. Par exemple, dans son article « Cuba, El Sexo Y El Puente De Plata » (1986) sur son essai Prosa Plebeya (1997), Néstor Perlongher parle de la « nostalgie ironique d’une perte » (p. 120).
 
 

b) Qui veut faire l’innocent fait le coupable :

Film "La Vierge des tueurs" de Barbet Schroeder

Film « La Vierge des tueurs » de Barbet Schroeder


 

« Qui fait l’ange fait la bête. » écrivait Pascal. Par excès de purisme ou de perfectionnisme, beaucoup de personnes homosexuelles jettent l’éponge de leurs idéaux profonds, ou bien cherchent, quitte à être jusque-boutistes, à reconquérir leur innocence par un don sacrificiel d’elles-mêmes dans la débauche. Une sorte d’innocence inversée. Dans leur discours dénégateur de la violence sexuelle qu’elles vivent, c’est très marqué, cette croyance en une pureté déchue et ressuscitée par l’esthétisation de la chute. Je l’ai entendu en bouche de la totalité de mes amis gays libertins, gros consommateurs de sexe.

 

Parfois, elles ont vraiment été dépossédées de leur virginité par un véritable viol, ou un viol auquel elles se sont identifiées. « Au fil de ces rencontres, je fins par me faire ‘prendre’. Assurément. Puisque j’avais ressenti ce corps étranger qui me pénétrait lentement et sûrement. Mais de la façon la plus banale sans doute. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 114) Par exemple, le romancier québécois Denis-Martin Chabot raconte dans l’émission Homo Micro (diffusée sur Radio Paris Plurielle le 27 mars 2006) que son roman Innocence (2007) retrace « cette fameuse perte de l’innocence que nous avons perdu ce 11 septembre 2001 ».

 

Au fond, les personnes homosexuelles ne croient ni en la pureté ni en l’innocence. « Mon ancien camarade de classe me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; « Je trouve ça tellement élégant, la manière dont il bafoue l’innocence. » (Celia, la conservatrice de musées face à un tableau « monstrueux », dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; etc. Le désir homosexuel exprime ce rapport idolâtre déçu avec la virginité.
 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°99 – Inversion (sous-codes : Carte / Couteau / Trottoir d’en face)

Inversion

Inversion

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Ceux de la rive d’en face

 

Film "Au premier regard" de Daniel Ribeiro

Film « Au premier regard » de Daniel Ribeiro


 

Étant donné que le mal dont ils découvrent que l’Homme est porteur ne peut être détruit par leurs propres efforts, beaucoup d’individus homosexuels vont faire semblant de renoncer à son éradication en proposant une version résignée, mais non moins orgueilleuse, de celle-ci : l’inversion. Ce mot, qui définissait déjà les personnes homosexuelles du début du XXe siècle (on les appelait bien les « invertis »), remplace actuellement dans les discours celui de révolution : « les homosexuels » seraient, selon eux et leurs amis gays friendly, cette race d’Hommes dont le désir soi-disant révolutionnaire inverserait toute chose. Avec lui, « les choses se prennent à l’envers, par le revers » (cf. l’article « La Fuerza Del Carnavalismo » (1988) de Néstor Perlongher, dans Prosa Plebeya (1997), pp. 59-61). L’inversion défendue par les membres de la communauté LGBT s’exerce prioritairement sur la sexuation : le révolutionnaire par excellence serait l’homme efféminé, le garçon manqué (cf. le dessin animé Lady Oscar), ou bien le transgenre. L’inversion carnavalesque homosexuelle consiste en une juxtaposition fusionnelle et imprévisible du féminin et du masculin, du bas et du haut, de ce qui est méprisé et de ce qui est consacré, ou bien en un retournement de carte donnant l’illusion du changement de carte ou de la suppression de celle-ci. Beaucoup d’individus homosexuels s’imaginent qu’ils peuvent avoir leur supposé ennemi avec ses armes, en rentrant dans son jeu et en se jouant de lui par la technique de la contrefaçon inversante. Mais dans les faits, leur inversion n’est qu’un spectacle de révolution, qu’un échange de déguisements entre victime et bourreau fictionnels (Pensez par exemple au retournement du fouet de la sentence dans le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer, fortement chargé esthétiquement), et non un changement concret d’identités et de réalités. Leur « retournement stratégique » (cf. l’article « Non au sexe roi » de Michel Foucault, dans Dits et écrits II (2001), p. 261) n’est pas si « stratégique » qu’ils le disent, puisqu’il est davantage esthétique que réel : ce n’est pas parce qu’on retourne une carte qu’on supprime son existence !

 

En croyant échapper au totalitarisme par l’inversion, beaucoup de personnes homosexuelles ne font qu’imiter ce qu’elles prétendent évincer puisqu’elles auront amorcé leur réaction d’opposition en négatif de la réaction première ou supposée des autres. Dans leur cas, au lieu de « révolution », je parlerais plutôt de copiage inconscient, car excessivement motivé par l’intention de fuir l’objet d’aliénation, ce dernier étant la plupart du temps le fruit de leurs propres fantasmes. Par exemple, puisque pour certaines, l’interdiction est en soi mauvaise, inversement, elles vont soutenir que tout ce qui est interdit est juste, ou bien qu’il est interdit d’interdire. « Il est bon d’être sale et barbu, de porter des cheveux longs, de ressembler à une fille lorsqu’on est un garçon (et vice versa). Il faut mettre ‘en jeu’, exhiber, transformer et renverser les systèmes qui nous ordonnent paisiblement. » (Michel Foucault, Dits et écrits I (2001), p. 1061) Mais elles restent ainsi à leur proie tout entières attachées. L’anti-conformisme est souvent un conformisme qui s’ignore, étant donné qu’il se focalise davantage sur sa volonté sincère de détruire le mal que sur l’acte de destruction.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Lune », « Faux révolutionnaires », « Homme invisible », « Humour-poignard », « Douceur-poignard », « Doubles schizophréniques », « Moitié », « Miroir », « Substitut d’identité », « Clown blanc et Masques », « Amant narcissique », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Amant modèle photographique », « Magicien », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » », « Désir désordonné », à la partie « Amant-paravent » du code « Pygmalion », à la partie « Paravent » du code « Maquillage », à la partie sur les « Paradoxes » du code « Déni », à la partie « Chute » du code « Icare », à la partie « Cartomancienne » du code « Voyante extra-lucide », et à la partie « Accident » du code « Passion pour les catastrophes », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 
 

a) L’inversion comme homosexualité :

INVERSION Reine de coeur

 

La fantasmagorie homosexuelle regorge de références à l’inversion : cf. la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier (avec l’Acte 1 intitulé « Elle fait tout à l’envers »), le film « L’Inversion » (2012) de François Chang, la chanson « Walk On The Wild Side » de Lou Reed, le film « La Fille à l’envers » (1973) de Serge Roullet, la chanson « Pull-over » de Mélissa Mars, la chanson « Je marche à l’envers » d’Ophélie Winter, le one-man-show À l’envers à l’endroit (2013) de Sébastien Savin, le film « Recto verso » (1999) de Jean Marc Longval, le roman Le Monde inversé (1949) d’André Du Dognon, le film « Feux croisés » (1947) d’Edward Dmytryck, le film « Le Monde à l’envers » (1999) de Rolando Colla, les films « El Otro Lado De La Cama » (2002) et « Los Dos Lados De La Cama » (2005) d’Emilio Martínez Lázaro, le film « Pon Un Hombre En Tu Vida » (1999) d’Eva Lesmes, le film « Le Nom de la rose » (1986) de Jean-Jacques Annaud (avec les pages du livre à ne pas retourner), le dessin L’Ange à l’envers (1976) d’Endre Rozsda, le tableau Le Baiser (2003) de Bruno Perroud, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois (avec la chanson « Pile/Face »), la chanson « Alexander : The Other Side Of Dawn » (1977) de John Erman, la chanson « Pile ou face » de Corynne Charby, la chanson « Tourne-toi » de Benoît, la chanson « Toi mon toit » d’Élie Medeiros (« Qui fait le premier pas pour s’aimer à l’envers ? »), le film « Ne te retourne pas » (2013) de Sophia Liu et Benjamin Blot, la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), la chanson « L’amour à l’envers » de Shy’m, etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les Monologues du pénis (2007) de Carlos Goncalves, Sylvain, le personnage homosexuel, travaille dans un bar gay appelé le Recto-Verso. Dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès, Luca, le héros homosexuel, met son imperméable à l’envers. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, au moment où Levi tombe inconsciemment amoureux de son ami Chance, il se rend compte qu’il a mis son tee-shirt à l’envers. Dans le film « Alice au pays des merveilles » (2010) de Tim Burton, Alice, pendant la danse du quadrille, rêve d’un monde inversé, où les hommes seraient en robe, et les femmes porteraient des pantalons. Dans le film « Jeu de miroir » (2002) de Harry Richard, les deux frères jumeaux (dont l’un est homo) portent des prénoms-anagrammes : Leon et Noel. Dans le film « La Comunidad » (2000) d’Alex de la Iglesia, Julia traite deux clientes de « momies lesbiennes » en leur imaginant des positions sexuelles en forme de ciseaux. Dans la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, José-Maria devient Maria-José après son opération de changement de sexe : l’inversion de son prénom composé indique une fusion des sexes femme-homme en une seule personne. Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, le coiffeur gay de Laurent (le héros homosexuel) a proposé à ce dernier d’inverser son nom et son prénom pour se démarquer de Laurent Gerra. Dans la pièce La Tour de la Défense (1981) de Copi, la règle du couple homosexuel atypique Ahmed (femme masculinisée) et Micheline (homme féminisé) est l’inversion. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin dit à son amant Bryan qu’il est un « croûton à l’envers » (p. 234). Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, à plusieurs reprises, on voit Frankie, le héros homosexuel, la tête à l’envers, jouant à chat perché dans la salle de danse. Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, Marc marche sur ses mains et conseille à son amant Sieger de l’imiter, pour voir le monde à l’envers et autrement : « Il faut juste oser. »

 

Le renversement (notamment sexué) semble être une habitude du personnage homosexuel : « Je suis complètement indépendante et je fais l’inverse de ce qu’on me dit de faire. Vivo al revés [traduction française : Je vis à l’envers]. » (Alba, l’héroïne lesbienne caractérielle de la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet) ; « J’pensais que tous les chorégraphes étaient gay. Or ils étaient auto-reverse. » (cf. une réplique de la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau) ; « Et on se prend la main, et on se prend la main : une fille au masculin, un garçon au féminin. » (cf. la chanson « Troisième Sexe » du groupe Indochine) ; « Moi quand j’étais adolescent, j’ai essayé les vêtements de ma mère. Et j’étais pourtant sûr que ça allait vous plaire et que tous les gens s’y habitueraient. Pourtant on m’a regardé de travers. Alors j’ai mis mes habits à l’envers. » (cf. la chanson « Playboy » du groupe Indochine) ; « Boys and girls dancing all the night. Boys like girls, the girl who kiss and tell. Boys and Girls, don’t you be too shy. Boys and girls, Love games together ! » (cf. la chanson « Boys And Girls » du groupe Charlie Makes The Cook) ; « Toutes les hommes sont belles, tous les femmes sont beaux. » (cf. la chanson « Toutes les hommes sont belles » de Lionel Langlais) ; « Ooh, boys cheeky girls. Ooh, girls cheeky boys, Ooh, boys cheeky girls. Ooh, girls cheeky boys… » (cf. la chanson « Cheeky » du groupe Cheeky Girls) ; « Nom de Zeus ! Les invertis ont créé une inversion ! » (Arnaud, le héros homo parlant du mariage homosexuel et du PaCS, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

L’inversion est souvent synonyme de conversion à l’homosexualité : « L’Abram, il est retourné dans l’autre sens. » (la bouchère parlant de l’homosexualité du héros du film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann) ; « Elle [la petite Nadia] portait une gourmette au poignet où était écrit le nom ‘AIDAN’. […] C’est à ce moment-là que nous nous aperçûmes qu’il ne s’agissait pas d’un mâle comme nous l’avions pensé à présent mais d’une femelle. » (Gouri, le narrateur bisexuel du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 57) ; « Ils sont interchangeables, ces deux-là. » (le commentateur sportif parlant de Jenko et Zook, dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller) ; « T’as basculé, en fait. » (Stan s’adressant à Ninon, l’hétérosexuelle qui est en train de virer sa cutie, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, l’homosexualité est définie comme un « retournement ». Dans la pièce Le Clan des joyeux désespérés (2011) de Karine de Mo, quand Lili rentre dans l’appartement de Mona où celle-ci tente de se suicider au gaz et qu’elle repose inanimée, elle lit le pendentif de Mona à l’envers (« Anom » = à n’homme)… et est tentée de lui faire le bouche-à-bouche, avant de se rétracter par acquis de conscience. Dans la pièce Hors-piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis a fait une telle dépression quand sa femme Blandine l’a quitté (« Ça l’a retourné. ») qu’il en est devenu homo. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, c’est en voyant son copain Léo de dos sous la douche que Gabriel découvre son trouble homosexuel. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Emily, la mariée désespérée d’affronter le coming out de son presque-mari Howard le jour de leur mariage, se croit téléportée dans un monde inversé, où les homos seraient majoritaires : « Est-ce que tout le monde est gay ? Est-ce que je suis dans la Quatrième Dimension ??? Il me fait un hétérosexuel de toute urgence !! »

 

L’inversion apparaît comme un glissement progressif vers la pente de l’homosexualité (le héros passerait de l’autre côté du miroir, sur le trottoir d’en face) : cf. la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas (avec le changement de trottoir de la mère), la chanson « Une Femme pressée » des L5, etc. « À ses façons, je compris que c’était mon derrière qui l’intéressait le plus. » (Alexandra, la narratrice lesbienne évoquant l’homosexualité d’une de ses domestiques, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 64) ; « Elle [Esti, l’une des héroïnes lesbiennes, par ailleurs mariée] s’était rendue au mikvé afin de se purifier de son mari, mais Ronit [son amante] allait revenir. En marchant vers sa maison, sous la lune décroissante, Esti sentit vaguement la marée s’inverser. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), pp. 36-37) ; « Pourquoi tu vas pas en face ? Ou de l’autre côté ? » (Franck, le héros homo s’adressant à son pote homo refoulé Henri, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie) ; « Remarque, toi, tu t’en fous. T’es passée de l’autre côté. » (une camarade de Floriane sous-entendant le lesbianisme de celle-ci, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma) ; « Vous savez pourquoi vous comprenez rien ? Parce que vous êtes passés de l’autre côté. De l’autre côté de la ligne. » (Charles, l’hétéro, s’adressant au couple Seb et Loïc, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc. Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les personnages homos souhaitent que tout le monde soit homo et marié, qu’ils passent « du bon côté de la barrière ». Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antonietta trouve, le temps d’une journée, le réconfort dans la compagnie de Gabriel, son voisin de pallier homosexuel, « le voisin d’en face ». Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Irène la sœur de Bryan, le héros homo croyant, qui est une femme libérée et adultère, défend son frère autant que sa propre luxure : « Bryan, marche donc sur ce trottoir, et moi je vais sur celui d’en face. » Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, le rat de Dagobert est renvoyé par Damien sur le trottoir d’en face.

 

Une fois que le désir homosexuel est pratiqué sous forme de couple, l’inversion revêt l’habit de l’amour narcissique impossible entre les amants (cf. je vous renvoie au code « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Me parlez-vous de loin, de votre île de la lune à l’envers qui invite à l’union ? » (Émilie écrivant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 19) ; « J’ai l’impression que vous m’habitez, que vous me parlez sans cesse, de là-bas, de votre domaine sur l’île de la lune à l’envers. » (idem, p. 138) ; « Souvent, dans les bras de ces amants d’un soir, Adrien pensait à lui. Malcolm avait pénétré la mémoire de son corps et il ne s’étonnait plus que son désir le portât vers des hommes à la peau noire. Ils lui ressemblaient. Les mêmes cheveux où agripper ses doigts pour incliner amoureusement la tête, la même peau à la fois douce et tendue, aux reflets mordorés, la même odeur âcre et puissante, les mêmes yeux dont la lumière vient d’autres latitudes, les mêmes muscles saillants et fins, la même allure féline et noble. Tout cela rappelait Malcolm et portait Adrien à chercher l’amour des Noirs. Il s’interrogeait souvent sur les raisons secrètes du désir de cette beauté-là. Un désir de puissance, de virilité ? D’inverser l’ordre de l’Histoire ? D’aimer l’absolument autre ? Peut-être tout cela à la fois. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), pp. 34-35) ; « Mais qui étions-nous quand nous nous sommes rencontrés ? Deux histoires, deux sabliers peut-être, impénétrables. Deux sabliers qui allaient s’inverser comme un miroir. […] Une histoire rêvée, fantasmée […] On descend vers soi, comme le sable, comme le fleuve. » (Adrien s’adressant de son amant Malcolm, op. cit., p. 138) ; « Dans la nuit, j’ai rencontré des fantômes bizarres, des amoureux passés. Au début, j’y croyais à ce monde inversé. […] Mais j’ai cessé d’y croire, à ces histoires compliquées. » (cf. la chanson « Je veux tout changer » d’Hervé Nahel) ; etc.

 
 

b) On me retourne comme une carte à jouer :

Vidéo-clip "Libertine" de Mylène Farmer

Vidéo-clip « Libertine » de Mylène Farmer


 

C’est souvent le jeu de cartes qui représente le mieux fictionnellement la relation homosexuelle ou le personnage homosexuel (cf. je vous renvoie au code « Jeu » et à la partie « Cartomancienne » du code « Voyante extra-lucide » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, le film « Reflections In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Días De Boda » (2002) de Juan Pinzás, le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan, le film « La Carte du cœur » (1998) de Willard Carroll, la chanson « Autonome » de Catherine Lara, le tableau Les Complices (2002) de Narcisse Davim, la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, le film lesbien « Poker Face » (2011) de Becky Lane, le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec la mention du jeu de cartes), le film « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent (avec les deux amis homos de Ricky jouant au Jeu des 7 familles), la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet (avec Mme Mime et la Reine de Cœur jouant ensemble aux cartes), la chanson « Poker Face » de Lady Gaga, le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès (avec les 12 personnages du jeu de cartes à jouer : quatre Rois, quatre Dames, quatre Valets), le film « Accatone » (1961) de Pier Paolo Pasolini, le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitmann (avec le tour de magie annonçant un Roi de Cœur), le livre Le Cœur de Pic (1937) de Lise Deharme (illustré par Claude Cahun), le film « Je préfère qu’on reste amis » (2005) d’Éric Toledano, le film « Le Marginal » (1983) de Jacques Deray (avec le bar cuir gay Le Carré d’As), la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, le film « Les Voleurs » (1996) d’André Téchiné, le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson (avec le jeu de cartes traînant dans les loges des danseurs homosexuels), etc.

 

« Dans la famille Mer [on entend « Mère »], je voudrais la grand-mère. » (Laure, l’héroïne lesbienne, parlant à son père pendant le Jeu des 7 familles, dans le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma) ; « Ginette [l’une des héroïnes lesbiennes] est certainement trop occupée à jouer aux cartes avec les copains. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 31) ; « Tu veux jouer aux cartes ? » (Allan quand il veut détourner la conversation parce qu’il est suspecté par Max d’être homo, dans la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « Je t’amène là où je veux. J’ai toutes les cartes du jeu. » (cf. la chanson « Chatte » du groupe travesti M to F Mauvais Genre)

 

Par exemple, dans le film « Puta De Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria, Adrián se prend pour le valet du jeu de carte espagnol El Guiñote. Le conte Lisa-Loup et le Conteur (2003) de Mylène Farmer relate les divagations de Lisa qui rencontre le Loup, un petit garçon tout plat. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, les deux héroïnes lesbiennes, Idgie et Ruth, jouent au Poker. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, la relation amoureuse fusionnelle entre Kévin et Bryan s’annonce comme un jeu de cartes, celui de la bataille. Au moment où ils vont faire l’amour ensemble, Kévin « dit sur un ton catégorique [à Bryan] : ‘On va jouer à un jeu : la bataille. T’as un jeu de cartes ? » (p. 120) ; « ‘J’aime bien jouer avec toi’, dit-il, avec ce sourire qui en disait long sur ce qu’il pensait. » (p. 123) Et lorsque Bryan le remercie de lui avoir changer sa vision du monde et de lui avoir appris l’amour, celui-ci ironise en lui répondant : « Je t’ai appris à jouer aux cartes ! » (p. 390) Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, sur fond de Sida et d’argent, « Rayon », le héros transsexuel M to F propose à Ron de jouer aux cartes à l’hôpital… pour lui proposer un business sur les trithérapies. Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, le machiavélique Lacenaire trie les cartes. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Adèle, la sœur du héros homosexuel, lit dans les tarots et fait appel à la voyance. « On va voir ce que disent les cartes… » Quand elle tire les cartes à Georges, l’amant de William, elle lui révèle la violence de sa personnalité et de leur amour à lui et William : « C’est drôle… Je ne tombe avec vous que sur du pique et du carreau. » Dans le générique du film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, ça démarre tout de suite avec une succession de photos de statues grecques, mêlé à deux cartes à jouer avec un as de pique et une figure à cœur. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Kena, l’héroïne lesbienne masculine, joue aux cartes avec ses potes garçons. Et on voit la carte à jouer dans le générique du début.

 
 

c) La confusion homosexuelle entre Révolution et Inversion :

Dans les fictions crypto-gays, le personnage gay ou lesbien croit souvent que la révolution, c’est l’inversion ; qu’il suffit de retourner la carte du mal pour le faire disparaître ; qu’il suffit de se retourner pour conquérir : cf. le one-woman-show Femmes de pouvoirs, pouvoirs de femmes (2013) d’Océane Rose-Marie, le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, la chanson « Et vice et versa » des Inconnus, le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec la préceptrice lesbienne stricte qui se retourne dans son couloir), etc. Dans son esprit, l’esthétique de l’inversion se veut triomphante. On peut observer cela par exemple à travers l’échange des masques entre les personnages de Claire et de Solange dans la pièce Les Bonnes (1947) de Jean Genet, entre Gaby et Louise dans le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon, entre la call-girl de luxe et la prostituée-Cosette dans le vidéo-clip de la chanson « California » de Mylène Farmer, dans le retournement du fouet de la sentence dans le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer, entre la lépidoptériste (spécialiste des papillons) et sa bonne dans le film « The Duke Of Burgundy » (2015) de Peter Strickland, etc.

 

Vidéo-clip de la chanson "Pourvu qu'elles soient douces" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer


 

L’inversion agit comme une prestidigitation épatante, un tour de passe-passe séduisant : « Et n’oublie pas, Chance. C’est une illusion dont tu dois convaincre tout le monde. À commencer par toi-même. » (le drag-queen « Claire Voyante » parlant au héros homosexuel Chance à propos de l’homosexualité et de l’inversion de sexes, dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau) ; « J’avais le cœur à l’envers. » (cf. la chanson « Nuit magique » de Catherine Lara) ; « Ceci dit, il y a une femme dans plus d’un homme. » (Nathalie Rhéa dans son one-woman-show Wonderfolle Show, 2012) ; « Marie m’avait révélé le désir secret qu’elle avait de me commander. Et la position particulièrement dans laquelle je m’étais mise à genoux, comme lui faisant allégeance, avait encore augmenté mon plaisir. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne soudain dominée par sa bonne, Marie, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 154) ; etc.

 

Film "Le Cercle" (2014) de Stefan Haupt

Film « Le Cercle » (2014) de Stefan Haupt


 

La révolution est réduite puis confondue avec l’inversion : « Ce soir ce que je vous propose, c’est de tout faire à l’envers : on va commencer par la fin d’ailleurs, on va tout bousculer, on va se mettre cul par-dessus tête, la tête à l’envers, on va dire ce qu’il y a derrière les mots, ce qu’on n’a pas le droit de dire, voire un peu ce qui n’est pas la réalité… Ce qui n’existe que dans les théâtres… […] Tout ce qui est interdit serait obligatoire, et inversement ! » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « La première chose qui frappa Stephen [l’héroïne lesbienne] dans l’appartement de Valérie fut son splendide et vaste désordre. […] Rien ne se trouvait là où il aurait dû être, et la plupart des choses se trouvaient là où elles n’auraient pas dû se trouver. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 321) ; « Lady, Lady Oscar, elle est habillée comme un garçon, au lieu de jouer à la poupée toujours elle galopait, Lady, Lady Oscar, tu vivais sous la Révolution, Lady, Lady Oscar, personne n’oubliera jamais ton nom. » (cf. le générique français du manga japonais « Lady Oscar ») ; « La secrétaire modèle qui se transforme en furie syndicaliste… » (Joëlle décrivant Nadège dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) ; « Le sexuel régissant 90% du monde, lorsque tu as appris à inverser les codes, tu pars avec un coup d’avance. » (Chris s’adressant à son amant Ernest, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 134) ; « Tu n’imagines pas, c’est le monde à l’envers. La vraie révolution, c’est ici qu’elle a lieu. » (Amande dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 420) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny, l’un des héros homosexuels, prétend, avec le film qu’il a tourné, créer « un univers où tout est inversé, un monde gay où les hétéros sont une minorité ».

 

L’inversion mise en œuvre par le héros homosexuel est en réalité une opposition faussement révolutionnaire, complètement conformiste dans le copiage de l’extrême inverse de « l’ennemi » choisi : « Je veux faire comme tout le monde, mais à l’envers. » (cf. la chanson « Chemin de croix » du groupe Niagara) ; « Depuis tu cueille les fleurs du mâle, heureux de vivre en diagonale comme un fou sur son jeu d’échecs. Allez savoir à quoi ça tient de naître noir, ou blond, ou brun, ou d’être gay. » (c.f. la chanson « À quoi ça tient » de Romain Didier).

 

Par exemple, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, Gabrielle de Polignac (amante de Marie-Antoinette) échange ses vêtements de noble contre les vêtements de servante de Sidonie (amante secrète de la Reine) pour ne pas être arrêtée par les gardes républicains « révolutionnaires » et sauver sa peau… mais c’est finalement Sidonie qui en paiera les fatales conséquences.

 
 

d) L’inversion comme technique du viol :

En général, le héros ne contrôle pas le basculement tragique de l’inversion, parce qu’il a quitté le Réel. Exactement comme un magicien qui se laisserait prendre par son propre tour (cf. le film « Ridicule » (1996) de Patrick Leconte) : « Comment on voit le monde quand sur son planisphère tout est à l’envers ? » (Lourdes dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’voudrais voir le monde à l’envers. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Zéro Janvier dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je le crois bien qu’il [le monde] est à l’envers. » (cf. une réplique de la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Très souvent dans ma vie, ce que je prévois n’arrive jamais. C’est toujours au moment où je m’y attends le moins que tout bascule dans l’horreur. Quand je crois au bonheur, le temps et les événements, qui nous ignorent, en décident autrement et rien ne se passe comme prévu. Mais inversement, de sinistres soirées selon mes prévisions, finirent en feux d’artifices. » (Bryan, l’un des héros homosexuels du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 27) ; « Yo ne sé por qué es que yo vivo al revés ! … al revés… al revés… al revés… [traduction française : Je ne sais pas pourquoi je vis à l’envers… à l’envers… à l’envers… à l’envers…] » (cf. les paroles d’une chanson de Tita Merello, citée dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi) ; « C’est l’envers qu’on retient, pas l’endroit d’où l’on vient. » (cf. la chanson « Aimez-moi » de Bruno Bisaro) ; « Ici tout se fait à l’envers. Et j’ vous assure que l’exercice, pour ceux qui sont pas très ouverts, c’est un véritable supplice… » (c.f. la chanson « Les petits soldats de Guillaume » d’Émile Soubeiran) ; etc.

 

Le personnage homosexuel dit qu’il vit dans un monde inversé, où la Nature lui apparaît disproportionnée : « L’auteur oubliait que malgré la légende, le sexe des gorilles est inversement proportionnelle à leur taille. » (Essobal Lenoir, parlant de lui-même à la troisième personne, dans sa nouvelle « De l’usage intempestif du condom dans la pornographie » (2010), p. 99) Par exemple, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, il y a dans la forêt tropicale de la Cité des Rats « des cerises grosses comme des pastèques » (p. 132).

 

Pour sauver (c’est le cas de le dire !) la face, il fait passer l’accident d’inversion pour un renversement « comique » : « Oups, pardon, je suis désolé, c’est une maladie, je fais tout à l’envers. » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) Mais rien n’y fait. L’inversion que le personnage homosexuel met en place le rend objet : « Tu as l’impression d’être en face à un homme dont les traits se sont inversés – le dehors semble rentré au-dedans, comme le moulage en creux d’un buste de Rodin. » (Félix se regardant dans une glace après sa sortie de camps de concentration, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, pp. 136-137)

 

Et cet objet n’est pas pacifique. C’est un objet mort qui, par l’inversion, entraîne vers la mort : le couteau. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le héros homosexuel s’identifie souvent à un couteau à double face : cf. la pièce Lacenaire (2014) d’Yvan Bregeon et Franck Desmedt, le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, la pièce Asseyez-vous sur le canapé, j’aiguise mon couteau (2012) d’Alexandre de Limoges, la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (avec le poignard dissimulé dans le rat), la pièce Cachafaz (1993) de Copi, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, la pièce Une Visite inopportune (1992) de Copi (dont le titre initial devait être Le Couteau du rosbif), le film « Knives Out » (2019) de Rian Johnson, le téléfilm « Le Deuxième Couteau » (1985) de Josée Dayan, etc.

 

« J’suis déguisée comme un couteau de boucher. » (Dadou, l’héroïne lesbienne de la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy) ; « Mimile sortit de la poussette un grand couteau et il l’enfonça dans le cou de la Reine des Hommes. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 61) ; « Si tu ne veux pas de moi vivant, je vais te tuer pour te posséder mort. Notre amour ne sera que plus exaltant. Où est le couteau du rosbif ? » (Regina Mort s’adressant à Cyrille le héros homo, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Je vous échange la vie du rat contre le couteau et le canif. » (la Reine s’adressant au Jésuite, dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « J’ai l’impression d’exister si peu, si mal, comme un second couteau… » (Lacenaire dans la pièce éponyme (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; « Seulement à cette époque-là, et seulement parce que j’étais fatiguée. Je savais exactement comment je m’y prendrais. J’attendrais qu’ils dorment tous les deux, après quoi j’irais dans la cuisine pour aller chercher un couteau – les Sabatier que Petra et toi nous avez offerts seraient assez tranchants. Et ensuite je leur trancherais la gorge, d’abord celle de Tielo, puis celle de Peter. Après, je m’allongerais sur le lit et je dormirais. » (Ute, la femme hétérosexuelle parlant de son mari Tielo et de ses deux enfants Peter et Carsten, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 33) ; « Jane [l’héroïne lesbienne] pensait avoir rêvé de Greta, la mère d’Anna, qui reposait sous le plancher du deuxième étage, mais dans son rêve Greta se mélangeait avec des putes d’Alban et la fille assassinée du film ; la façon dont ses yeux s’étaient écarquillés quand le couteau s’était enfoncé. » (p. 79) ; « C’est le couteau de chasse qui avait jadis appartenu au grand-père de Petra et Tielo. Les jumeaux s’étaient battus pour l’avoir à la mort de leur propre père. » (Petra s’adressant à son amante Jane, p. 140) ; « Jane sortit le couteau de sa poche pour le lui planter dans la cuisse jusqu’à la garde. Alba Mann hurla. » (p. 232) ; « La fourchette, c’est la maman. Le couteau, c’est le papa. La fourchette, c’est celle que je préfère. » (Laurent Spielvogel dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Dianne et moi, on était comme McGyver et son couteau. » (Phil, le héros homo à propos de sa sœur jumelle, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; « Si le viol, le poison, le poignard, l’incendie, n’ont pas encore brodé de leurs plaisants dessins, le canevas banal de nos piteux destins, c’est que notre âme, hélas !, n’est pas assez hardie. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; « Maintenant, j’ai le couteau dans le dos. » (c.f. la chanson « Comme ça » d’Eddy de Pretto) ; etc.

 

INVERSION Copi 1

v

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Par exemple, dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, le personnage à qui il est donné le couteau pour couper le gâteau n’est autre que Subtil Dutrouz, celui qui a découpé auparavant Lola Lola, la prostituée, pour la mettre dans une malle. Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, Alejandra finit par tuer au couteau de cuisine Raúl, le héros homo qui la menaçait brutalement. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, quand Emory dit que ses lèvres lui font mal, Michael lui répond : « Si on met un couteau sous le lit, on n’a plus mal, me paraît-il. » ; et il rajoute « Et si on en met un sous la gorge, ça coupe. » Dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, le narrateur homosexuel évoque chez les folles homosexuelles « cette hystérie propre aux groupes de travestis, on se gifle pour un mouchoir, on se casse la gueule pour un client (ne vont-ils pas jusqu’à tuer ?). Elles ont toutes des couteaux au cran d’arrêt dans leurs sacs. » (p. 34) ; « Le dernier tango-couteau ! Tu es la fleur empoisonnée de mon ultime sérénade, ma séductrice envenimée. » (Cachafaz s’adressant à son amant Raulito, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Il se trouvait un couteau à pain sur le bar. María-José [travesti M to F] se concentra dans le désir de le voir s’enfoncer dans le cœur de Louis du Corbeau. » (cf. la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 38) ; « Je ne savais pas qu’Arthur était une épée à double tranchants. » (Hall parlant d’Arthur son frère homosexuel, dans le roman Harlem Quartet (1978), mis en scène par Élise Vigier en 2018, de James Baldwin) ; « Je me sens comme un rasoir qui n’a pas l’âme à raser. » (c.f. la chanson « Tu me divises en 2 » de Marc Lavoine) ; etc. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, pénètre dans un hôtel de luxe, L’Arthémis, et le standardiste, Léonard, le prend pour un faux doux, un criminel armé, et préfère lui fouiller son sac : « Je sais pas. Je vérifie que t’aies pas d’arme, de couteau. J’en sais rien. »

 

Bien souvent, l’inversion dans les fictions homosexuelles symbolise une schizophrénie monstrueuse, une séduction diabolique entraînant vers un précipice mortel, une misanthropie : « Je viens d’une planète où on me qualifie comme renversant. » (Frank, le jeune héros homosexuel, dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes) ; « Quand je leur jetais de nouveau un regard, elles [Varia et sa copine] s’étaient transformées en monstre à deux têtes et ricanaient de plus belle, en renversant à tour de rôle leurs chevelures blonde et brune. » (Jason, le héros homosexuel décrivant la vénéneuse Varia Andreïevskaïa dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 59-60) ; « J’ai peur qu’il naisse anormal, avec la tête de ma mère et le corps d’un animal ! » (Lou en accouchant de son bébé, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je sortirai de ce trou de ta mémoire où tu m’as jeté on ne sait quel jour, trou noir à l’envers de quoi j’ai plongé dans ma nuit la tête en bas. » (Vincent Garbo s’adressant à Carole dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 79) ; « Faites l’amour, nous la guerre, nos vies à l’envers. » (cf. la chanson « Fuck Them All » de Mylène Farmer) ; « Inverti lui-même, Jonathan Brockett haïssait le monde qui, il le savait, le haïssait en secret. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 316)

 

Publicité Vice Versa d'Yves Saint Laurent.png

Publicité du parfum Vice Versa d’Yves Saint Laurent.png


 

L’inversion exercée par le protagoniste homosexuel figure un élan fusionnel (avec l’être aimé) violent, un échange fatal de personnalités, un rite de possession qui a tendance à virer au viol et à l’inceste : cf. le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec la théorie du « criss-cross » – transfert de personnalités – de Bruno, le psychopathe homosexuel), la chanson « Épaule tatoo » d’Étienne Daho (« Vice et vice et versa, Suzy dans le vice, versa, da da dap dap. »), le roman Vice et versa (2008) de Fanny Mertz, la chanson « Et vice et versa » des Inconnus, etc. « Je le renverse dans le lit : il m’est livré. Il est à moi. » (le narrateur homosexuel du roman Chambranle (2006) de Jacques Astruc, p. 97) ; « T’imagines ce que c’est, un viol ?? T’imagines pas ?? C’est l’inverse de donner la vie. On vous prend la vie. Un sentiment de mort. » (Léa, la femme violée, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « N’ayez crainte, je n’ai pas l’intention de vous violer, mais seulement de vous interroger. Pour une fois, c’est vous qui fournirez les réponses, je suis le journaliste. » (Cyrille, le héros homosexuel inversant les rôles et les fonctions avec le journaliste, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Je lui ai emboîté le pas. Antoine m’a entraîné jusqu’aux toilettes où il m’a brusquement poussé. J’ai demandé : ‘Pourquoi ?’. ‘Tu verras. C’est un secret.’ Alors je me suis avancé sans broncher et Antoine a refermé la porte derrière lui. Et puis là… oh, la, la, la, la, j’en tremble rien qu’à l’écrire mais Antoine qui s’est immobilisé devant moi, m’a plaqué violemment contre le mur, s’est collé à ma poitrine jusqu’à presque m’étouffer, et d’un geste langoureux, il a posé sa bouche contre ma bouche, et tout en se penchant délicatement près de mon oreille, il m’a soufflé : ‘Je t’aime.’ J’ai failli m’évanouir à cet instant. J’étais transporté aux anges, renversé, ébranlé. » (Julien dans le roman Papa a tort (1999) de Frédéric Huet) ; « Je n’avais jamais été jaloux, avec toi, je suis devenu exclusif ! Cet amour-là est trop violent, il fait trop mal. Je croyais que l’amour était quelque chose d’agréable, qui nous grandissait. Mais celui que je ressens pour toi, me fait parfois l’effet inverse, il me détruit ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 417) ; « J’attendais. Dans un autre monde. Le début d’un nouveau monde. Khalid : Omar. Omar : Khalid. » (Omar s’adressant à son amant Khalid, qu’il finira par assassiner, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 151) ; « Auto-reverse ! Comme mamie ! » (la grand-mère gay friendly de Rodolphe, le héros homo, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Trudy Hobson, la blonde, se venge de sa rivale lesbienne Doris en se faisant passer d’abord pour sa secrétaire afin ensuite de mettre à exécution un plan machiavélique de vengeance, un putsch.

 

Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, dit que sur la fraterie de quatre enfants dont il fait partie, ils sont deux, sa sœur et lui, à avoir fait un coming out : « Ça fait un beau ratio ! ». Il fait la remarque qu’avec sa frangine, qui a choisi d’être chauffeur routier, de se comporter en mec, de changer les plaquettes de freins de leur père, et lui qui a décidé d’assumer sa féminité, d’être hôtesse de l’air, il a dû y avoir « inversion.
 

Concernant les nombreux liens fictionnels entre le trio homosexualité-inversion-inceste, ils s’expliquent par le fait que le désir homosexuel nie non seulement l’existence de la différence des sexes, mais aussi celle de la différence des générations : les rapports père-fils ou adultes-enfants sont régulièrement inversés et neutralisés dans l’esprit du héros homosexuel : « Cahoté par la vieille voiture à deux roues, la tête renversée, l’enfant voyait couler un trouble ciel d’octobre entre les noires cimes pressées et il criait quand, d’une rive mouvante à l’autre, passait un triangle d’oiseaux. Si quelque courant d’eau vive faisait s’infléchir la route et se décelait par une fraîcheur brusque, sa mère le couvrait de son manteau comme d’une aile noire. » (François Mauriac, Génitrix (1928), pp. 105-106) ; « Tu lis en lui comme dans un livre ouvert à l’envers. » (Félix s’adressant à son frère Victor, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 177) ; « Ce fut un innocent coup d’œil en arrière qui perdit le fils. L’homme, que le père semblait fuir, lança au fils un baiser aérien, et ce baiser percuta avec une telle violence l’innocence de ses pensées qu’il faillit tomber à la renverse ; mais le fourmillement délicieux que cette collision déclencha le laissa sur sa faim. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 30) ; « Ce matin-là, j’étais avec mon père. Je l’accompagnais. Il ne pouvait venir seul. Il était l’enfant. J’étais l’adulte. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 39) ; « Que signifiait le baiser qui l’avait tant troublé : défi, ou mépris ? L’homme les avait-il pris, son père et lui, pour des invertis ? » (le narrateur de la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 31) ; « Si t’es un bon papa, alors tu fais qu’est-ce que je veux… » (le jeune enfant s’adressant à son père, dans la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 5) Par exemple, dans la chanson « Lisa tu étais si petite » de Faby, il est question d’homosexualité et « des enfants qui grandissent plus vite que les parents ». Cette inversion générationnelle, s’ajoutant à l’inversion des sexes par l’homosexualité, fait des dégâts. Par exemple, dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria, actrice qui interprétait le rôle de Sigrid, une gamine qui menait son amante plus âgée Helena au suicide, doit rentrer vingt ans après dans la peau d’Helena pour rejouer la même pièce. Elle ne vit pas bien cette inversion des rôles, qui la met face à face avec la cruelle réalité de sa vieillesse. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud nous est dépeint un monde sans différence des sexes, où la différence des générations s’est substituée à la différence des sexes à travers le clonage. L’être humain y est mesuré comme un cheval : il doit correspondre exactement à l’idéal physique des eugénistes homosexuels, obnubilés par la « pureté » et le « pedigree » des couples homos qu’ils veulent former à tous prix pour assurer leur descendance. Les rapports à la fois homosexuels et incestueux entre les personnages conduisent ces derniers à la mort.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’inversion comme homosexualité :

Photo Trois Scenarii de Man Ray

Photo Trois Scenarii de Man Ray


 

Le monde homosexuel réel regorge de références à l’inversion : je vous renvoie par exemple à l’essai Recto/Verso (2007) de Gaël-Laurent Tilium (où l’auteur parle de sa vie homosexuelle), à l’autobiographie Je me retrournerai souvent (1990) de Dominique Arbanau, au smoking masculin pour femmes qu’a lancé le couturier homosexuel Yves Saint-Laurent, ou encore aux clichés de Benjamin Fondane Trois Scénarii (1928) par Man Ray. Par ailleurs, la revue homosexuelle Inversions fondée en novembre 1924 est devenue ensuite L’Amitié. Le cinéaste français homosexuel Paul Vecchiali crée sa propre société : Diagonales. Rien que le nom du groupe fétiche de la communauté gay, ABBA, suggère l’inversion et la symétrie axiale.

 

Photo de Claude Cahun

Photo de Claude Cahun


 

Il ne faut pas perdre de vue qu’avant de se faire appeler « les homosexuels », les personnes homosexuelles portaient le nom d’« invertis » (le terme « inversion » fut créé par Charcot en 1889). Par ailleurs, il n’est pas anodin que, dans la sphère publique, croiser les jambes, pour un homme, puisse parfois être perçu comme un signe d’efféminement voire d’homosexualité (suspicion qui, il y a encore cinquante ans, n’existait pas).

 

Jean-Paul Gaultier

Jean-Paul Gaultier


 

Socialement, l’inversion est souvent synonyme de conversion à l’homosexualité, de penchants inversement naturels. On retrouve l’idée d’inversion dans les expressions populaires telles que « virer sa cuti » ou « changer de bord/trottoir » concernant l’homosexualité. « Henri III disait ‘Il faut savoir tourner le badge’. » (le chanteur Nicolas Bacchus) ; « Le romantisme français a été fasciné par le travestissement et l’inversion – Mademoiselle de Maupin, de Gautier, Sarrazine et La Fille aux yeux d’or de Balzac. Avec Seraphitus-Seraphita celui-ci reprend le thème swedenborgien de l’androgyne comme image de l’être parfait, de l’être angélique. » (cf. l’article « Monsieur Vénus et l’ange de Sodome : L’androgyne au temps de Gustave Moreau » de Françoise Cachin, dans l’essai Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 87) ; « Depuis petite, j’ai la passion d’inverser, juste pour voir. » (Virginie Despentes, King Kong Théorie (2006), p. 136) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti, il est question, quand on fait son coming out, de « se trouver de l’autre côté ». Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M se propose de « passer d’un camp à l’autre ». Dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta, un témoin anonyme homo français déclare qu’il s’est téléporté « dans le monde d’en face ».

 

Film "Poker Face" de Becky Lane

Film « Poker Face » de Becky Lane


 
 

c) La confusion homosexuelle entre Révolution et Inversion :

J’ai souvent remarqué parmi mes amis et dans ma propre vie, que les personnes homosexuelles s’imaginent souvent que la révolution, c’est l’inversion ; qu’il suffit de retourner la carte du mal pour le faire disparaître ; qu’il suffit de se retourner pour conquérir. Par exemple, quand j’étais en collège, je me souviens que je trouvais très esthétique de me virevolter théâtralement pour styliser mon mouvement de tête (comme si mes cheveux allaient suivre le mouvement ralenti et impeccable des brushing de mes actrices préférées : Jaclyn Smith en Kelly Garreth dans la série Drôles de Dames, par exemple)… Cette comédie m’a d’ailleurs valu les railleries et les imitations de mes camarades de classe, qui m’appelaient par mon prénom en plein cours, exprès pour que je me tourne vers eux et qu’ils puissent se moquer de moi. Dans mon esprit, l’esthétique du basculement se voulait pourtant triomphante.

 

Si l’on regarde bien, on peut constater que l’inversion est une technique iconographique très employée par les artistes homosexuels. Par exemple, Marcel Duchamp, en 1950, se définit comme une « Prima Donna à l’envers ». Yves Saint Laurent est le premier couturier à faire porter des smokings aux femmes. Je pense aussi aux Reversals (1979) d’Andy Warhol, ces compositions existantes reprises en négatif.

 

Dans l’esprit de beaucoup de sujets homosexuels, la révolution est réduite puis confondue avec l’inversion. Ils font du paradoxe ou de l’inversion le sommet de la destruction du mal, la Voie Royale de la rédemption. L’alliance des contraires, technique rhétorique très appréciée des écrivains bobos homosexuels et des théâtreux post-modernes queer, repose en effet sur l’inversion (cf. je vous renvoie à la partie « Paradoxes » du code « Déni » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. l’essai L’inversion de la question homosexuelle (2005) d’Éric Fassin, etc. Ils nous sortent des phrases zaziesques qui ne veulent rien dire, mais qui « sonnent bien » : « Des idées plein la tête, même dans le sexe, des idées plein le sexe. » (cf. la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier, pp. 18-19) Par exemple, l’essayiste Lionel Souquet défend « un mentir vrai », soi-disant « ravageur et révolutionnaire ».

 

À leurs yeux, l’inversion agit comme une prestidigitation épatante, un tour de passe-passe extraordinaire, une hilarité corrosive et éclatante. « L’inversion est une déviation du cours naturel des choses. Mais souvent cette déviation oblige l’individu à agir d’une manière plus noble que ceux qui sont nés pour tout bêtement consommer les fruits de la terre. » (Havelock Ellis, L’Inversion sexuelle (1909), cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 374) Chez le dramaturge homosexuel argentin Copi, notamment, elle représente une nouvelle cosmogonie (ex : dans le roman La Cité des Rats (1979), ce sont les dauphins les méchants, et les requins les gentils), elle figure la puissance révolutionnaire de l’« Art » en prenant l’aspect décalé et surréaliste de l’animal du Rat. Par exemple, dans son roman La Cité des Rats, l’entrée de la Cité est signalée par un écriteau où sont marquées en caractères traglodites les lettres « ARTS » (p. 140). Dans la pièce Le Frigo (1983), le Rat est l’allégorie de l’art d’inversion, de la schizophrénie en d’autres termes, puisque ce personnage est la voix-marionnette qui double le héros travesti « L. » : « Est-ce que tu sais qu’est-ce que c’est l’art, au moins ? Hé bien, c’est ça l’art, mais on ne prononce pas ‘rat’, on prononce ‘art’. » (« L. » à son Rat)

 

L’inversion mise en place par les personnes homosexuelles se veut d’abord un jeu humoristique, corsé par un vernis de militance, d’originalité et de créativité : en effet, les artistes homosexuels prétendent « bousculer les idées reçues en inversant les clichés ». Mais bon… leur victoire se joue davantage sur le terrain des images que sur celui du Réel. Par exemple, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Lennon, le gros « hétéro », fait peu à peu son « coming out », tandis que Martin, sur qui pèse pourtant une forte présomption d’homosexualité, s’annonce « hétéro ». Waou… quels superbes « surprise » et pied de nez aux « conventions » du genre…

 
 

d) L’inversion comme technique du viol :

Si au départ l’inversion fait rire (d’un rire bien mécanique), elle traduit sur la durée un glaçant désir d’être objet, une misanthropie, un esthétisme du désenchantement « banal et optimiste » (du genre « La vie ne vaut rien, et rien ne vaut la vie… ») : « Les rats renvoient à l’envers des humains. » (Copi dans la préface de son roman La Cité des Rats (1979), p. 11) ; « Je m’échine à expliquer aux autres, à ceux qui n’en ont rien à foutre, qui me tapent sur l’épaule et qui se marrent, à quel point ce monde est à l’envers. » (Mireille Best, Camille en octobre (1988), pp. 206-207)

 

L’inversion mise en œuvre par les personnes homosexuelles (en art mais aussi en identité et en amour) est en réalité une opposition faussement révolutionnaire, souvent complètement conformiste et violente dans le copiage de l’extrême inverse de « l’ennemi » choisi : « Si elle avait pu, je pense qu’elle n’aurait pas eu d’enfant non plus, donc j’avais quand même un modèle féminin, enfin de mère, qui était un peu atypique ; tout en étant, alors sur le plan esthétique, visuel et autres une femme des plus féminines par ailleurs : très attachée à son apparence, changeant de coupe de cheveux et de teinture et de je ne sais quoi d’autre, quasiment tous les mois, un jour blonde, un jour brune, un jour rousse. Je n’ai jamais compris quelle était sa vraie couleur de cheveux (rires), toujours en tailleur, ou avec de belles chaussures à talons, intéressée par sa silhouette, avec un tas de produits et de choses et très maquillées, etc. Tout l’inverse de moi, on va dire. » (Lidwine, femme lesbienne de 50 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi(2010) de Natacha Chetcuti, p. 65)

 

Il y a dans l’« anti » et dans l’inversion de principe un mimétisme et un attachement inconscient à ce que l’on dit combattre ou imiter dans l’extrême. Dès qu’on s’oppose par principe et non librement, on tombe alors sur la bêtise de nos injonctions paradoxales du type : « Il est interdit d’interdire ! ». « Ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi. » (Jean Cocteau, Le Rappel à l’ordre (1926), cité dans le Magazine littéraire, n°423, septembre 2003, p. 55)

 

C’est alors que certains sujets homosexuels, à force de sacraliser l’inversion, basculent dans la violence et la schizophrénie. Par exemple, dans sa biographie sur Jean Genet Saint Genet (1952), Jean-Paul Sartre évoque à juste titre « cette inversion généralisée qui caractérise le mal » (p. 131). Le propre de l’individu psychotique, c’est d’inverser les choses, de cacher et de mentir sincèrement, de « faire éponge » avec tout ce qui l’entoure et de le diviser, car il ne se distingue pas mentalement du monde alentour : « Dans une psychose, les transformations ‘en contraire’ sont très fréquentes, le désir de battre devient envie d’être battu, le désir de dévorer devient la peur d’être dévoré, le plaisir de regarder du schizophrène se transforme en peur d’être épié (c’est la direction de la pulsion qui est transformée et aucunement la représentation de l’objet). L’exhibitionnisme lui-même peut nous proposer une solution acceptable, car il y a sans doute dans le travesti l’identification avec l’objet qu’on aimerait regarder, satisfaisant ainsi d’une façon narcissique un voyeurisme ‘retourné’. » (Docteur Hans Werner cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 306)

 

En suivant la logique de l’inversion identitaire et amoureuse, il arrive que les personnes homosexuelles s’identifient vraiment à un couteau à double face : « Le côté ‘face’ de ma vie me prend la tête. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 11) ; « Barbara que vous voyez là assise, c’est un peu comme un couteau à double face. Ici aiguisé, ici aiguisé. Barbara telle que vous la voyez là, a un côté femme et un côté… Barbara est une femme sophistiquée. » (un témoin décrivant l’homme transsexuel M to F Barbara dans le documentaire « Woubi Chéri » (1998) de Philip Brooks et Laurent Bocahut) ; « Quand on écrit, on imagine le temps de telle action, comme on prend le couteau. » (le dramaturge argentin Copi lors de son entretien avec Michel Cressole, « Copi : Le Théâtre exaltant », en 1983) ; etc. Miss Knife, par exemple, est un personnage travesti créé par Olivier Py. Lacenaire, dans son journal, se définit comme un couteau.

 

L’inversion, qui, si elle avait été connectée au Réel, aurait pu être idéalement subversion, conversion et guérison, se mute en perversion (dans le sens psychanalytique du terme, à savoir « non-contrôle des pulsions »), en diversion, en passerelle honteuse entre homosexualité et hétérosexualité ou entre homosexualité et homophobie, en « Pont (menaçant) de la Bisexualité », en passage brutal de la vie à la mort, de l’amour au viol : « Comment passe-t-on d’une rive à l’autre ? Comment se fait-il que le désir puisse défier et même provoquer la mort ? » (cf. l’article « Matan A Una Marica » (1985) de Néstor Perlongher, dans Prosa Plebeya (1997), p. 35)

 

D’ailleurs, l’Histoire humaine montre bien que la défense de l’inversion a toujours eu une double facette tragi-comique pour la communauté homosexuelle : ceux qui ont défendu l’inversion homosexuelle sont aussi ceux qui, peu de temps après, l’ont condamnée et ont persécuté la soi-disant « espèce homosexuelle invertie ». Rappelons qu’au début du XXe siècle, l’inversion a été un argument scientifique homosexuel ET homophobe (logique puisque le désir homosexuel est intrinsèquement homophobe : il est pour et contre lui-même). Elle renvoie à la théorie uraniste et fin-dix-neuvièmiste du « Troisième Sexe » (= l’âme d’une femme dans un corps d’homme, ou bien l’âme d’un homme dans un corps de femme), à la croyance à la fois pro-gay et anti-homo du « corps homosexuel ». Par exemple, dans son essai (retiré de la vente) 700 millions de GEIS (2010) – en apparence scientifique (mais en réalité très homophobe ! –, Chekib Tijani défend l’existence d’une espèce homosexuelle clairement identifiable et détachée du reste de l’Humanité : le « Genre Endogène Inversé » (= GEI). « Quand il y a non-concordance entre sexe anatomique et sexe psychologique au sein d’un même individu, il y a inversion identitaire. Inversion parce que sexe psychologique et sexe anatomique sont l’inverse l’un de l’autre. » (p. 13) Il donne des conseils « pédagogiques » et « psychiatriques » pour que l’épidémie du GEI ne se développe pas et ne conduise pas le monde à sa perte : « Imaginons quelques instants le chaos dans lequel plongerait l’humanité si la moitié féminine de la population du monde se refusait à la moitié masculine. Ne serait-ce pas là un désordre fondamental pour la population masculine du monde entier ? C’est un tel désordre que vit la population GEI face à la population hétérosexuelle qui se refuse à elle. » (idem, p. 68) ; « Il importe de mobiliser tous les parents d’enfants en bas âge dans le monde sur la nécessité et les moyens de prévenir l’inversion de genre. » (idem, p. 78)

 

À la base, l’inversion homosexuelle semblait se réduire à une banale et poétique affaire de subjectivité culturelle, à la non-correspondance à l’image sexuée de son genre social. Elle devait être (à en croire les militants du Gender et de la Queer Theory) uniquement une question de paraître, donc relative et peu condamnable. En réalité, comme il s’agit d’un jeu de rôles interchangeables, on voit que c’est plus qu’une affaire de paraître ou de « genres culturels » contextuels : l’inversion concerne au fond la relation homosexuelle en elle-même, les actes homosexuels et les rapports de force (de soumission et de domination) qui se jouent au sein du couple homosexuel réel. Par exemple, dans son Journal (1889-1939), André Gide définit l’homme inverti comme celui qui « dans la comédie de l’amour, assume le rôle d’une femme et désire être possédé » (p. 671). La pratique sensuelle homosexuelle encourage au bout d’un moment les personnes homos à être auto-reverse (passive et active), à fusionner identitairement avec leur(s) amant(s), à violer et à être violées : « Je me dis – romanesque ! – que je suis un peu métis. Mes ancêtres auraient-ils jeté quelque semence de blanc dans le ventre d’une femme noire, ou l’inverse peut-être. » (Hugues Pouyé dans le site Les Toiles roses en 2009) ; « Dans le monde des homosexuels, les sodomistes, eux, sont légions, et pas forcément invertis. Mais cette séparation n’est en réalité qu’un alibi issu d’un cerveau intellectuel, puisque, pratiquement, les pédérastes soi-disant moraux ne manquent pas, la plupart du temps, de passer à la sodomie. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essaiHistoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 93) ; etc.

 

Le plus paradoxal dans l’inversion homosexuelle, c’est qu’elle est à la fois l’instrument du viol et le masque de ce dernier. Elle illustre le viol ET l’indifférence au viol : « Il suffisait, je le savais, d’un rien, d’un geste, d’une sensation, pour que le miroir bascule et que l’envers du décor rempli d’abîmes et de dangers disparaisse. » (Berthrand Nguyen Matoko face à la proposition d’un poste de prostitué, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 117)

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°100 – Jardins synthétiques (sous-code : Femme végétale)

jardins synth

Jardins synthétiques

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Côté Jardin

 

François Ozon

François Ozon


 

Le désir homosexuel ayant fui la différence des sexes et donc le roc du Réel humain, entraîne ceux qui s’y adonnent ou y identifient dans une forêt (= métaphore de la sexualité) qui a tout, en apparence du jardin classique rêvé. Au départ, il ressemble même à un joli cocon incestuel/incestueux, à un décor scintillant de fleurs et de feuilles cousues main par les photographes Pierre et Gilles. Mais peu à peu, cet espace vert montre son vrai visage de Jardin d’Éden inversé, de parc en papier mâché, de scène du péché originel (= le viol entre l’homme et la femme, ou le viol homosexuel homophobe.
 

Film "The Wizard Of Oz" (1939) de Victor Flemming

Film « The Wizard Of Oz » (1939) de Victor Flemming


 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Animaux empaillés », « Fleurs », « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Planeur », « Focalisation sur le péché », « Maquillage », « Homosexuels psychorigides », « Femme et homme en statues de cire », « Plus que naturel », « Médecines parallèles », « Frankenstein », « Vierge », « Désert », « Solitude », « Femme allongée », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Milieu homosexuel infernal », « Homosexuel homophobe », « Eau », « Sirène », « Ennemi de la Nature », « Homosexualité noire et glorieuse », « Aube », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Ville », « Se prendre pour Dieu », « Bobo », « Innocence », « Fresques historiques », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », et « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 

a) Le joli jardin d’enfant :

Vidéo-clip de la chanson "Barbie Girl" d'Aqua

Vidéo-clip de la chanson « Barbie Girl » d’Aqua


 

Fréquemment, dans les fictions homo-érotiques, il est question d’un jardin ou d’une forêt où le héros homosexuel se trouve. Un jardin enchanté : cf. le film « The Garden » (1990) de Derek Jarman, le roman Archaos ou le Jardin étincelant (1975) de Christiane Rochefort, le film « Pink Narcissus » (1971) de James Bidgood, le film « The Hanging Garden » (« Le Jardin suspendu », 1997) de Thom Fitzgerald, le roman Le Jardin des chimères (1921) de Marguerite Yourcenar, le roman La Busca Del Jardín (1977) d’Héctor Bianciotti, le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné, le film « The Garden Of Eden » (1928) de Lewis Milestone, la chanson « L’Alizé » d’Alizée, la chanson « Paradis inanimé » de Mylène Farmer, le roman The Rubyfruit Jungle (1973) de Rita Mae Brown, le film « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (avec la jardinerie de Cédric), le film « Les Lèvres rouges » (1971) d’Harry Kümel (avec la serre), le film « The Pleasure Garden » (1953) et le film « The Gardener Of Eden » (1981) de James Broughton, le film « Jubilé » (1978) de Derek Jarman (avec le jardinier homosexuel), le film « Le Jardin des délices » (1967) de Silvano Agosti, la chanson « Le Jardinier qui boite » de Charles Trénet, le film « Minuit dans le jardin du bien et du mal » (1997) de Clint Eastwood, le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat (avec Juan le jardinier homo), le film « Sotvoreniye Adama » (« La Côte d’Adam », 1993) de Yuri Pavlov, le film « El Jardín Secreto » (1984) de Carlos Suárez, le film « Más Allá Del Jardín » (1997) de Pedro Olea, le film « Proteus » (2003) de Jack Lewis et John Greyson (avec le botaniste), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le roman Aux jardins des acacias (2014) de Marie-Claire Blais, le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma (avec la forêt comme lieu d’asexuation), le film « Alice au pays des merveilles » (2010) de Tim Burton, le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan (avec le jardin d’Allan), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec les petits oiseaux en pleine ville de New York), le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia (avec le fantasme de Bilal, le bel ouvrier-jardinier en train de travailler dans le jardin, et regardé avec envie par le colon Malik), le film « Autoportrait aux trois filles » (2009) de Nicolas Pleskof (avec les fondus enchaînés d’objet ou de lampe électrique à des images de plantes, du soleil), le film « Big Eden » (2001) de Thomas Bezucha, le vidéo-clip « Only Gay In The World » de Ryan James Yezak (avec un jardin des origines version gay), la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (avec les fruits en plastique dans l’appartement de Vivi, l’un des héros homosexuels), le film « Friendly Persuasion » (« La Loi du Seigneur », 1956) de William Wyler (Jean Birdwell est pépiniériste), La pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas, etc.
 

Film "Make A Wish" de Cherien Dabis

Film « Make A Wish » de Cherien Dabis


 

Ce jardin apparaît comme une image d’Épinal figée, une vision extatique irréelle paradisiaque, une réminiscence d’une enfance idéalisée, d’un état intra-utérin fusionnel avec la mère (cinématographique), une rêverie édénique d’un « amour » homosexuel merveilleux, un décor de théâtre ou de cinéma. « Laisse-moi m’envoler vers un autre Jardin d’Éden. » (Benji s’adressant à son amant Maxence, dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot) ; « Nous étions seuls au monde. La forêt nous avait éloignés de tout et, plus ou moins, libérés de tout. Nous étions nus. Nous avions enlevé nos vêtements rapidement. » (Khalid et Omar, les deux amants du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 137) ; « Melocotón et boules d’or, deux gosses dans un jardin. » (cf. la chanson « Melocotón » de Colette Maniot) ; etc.
 

Film "Amnésie- L'Énigme-James-Brighton" de Denis Langlois

Film « Amnésie- L’Énigme James Brighton » de Denis Langlois


 

Par exemple, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, le héros est jardinier et patron d’une pépinière. Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Louis, l’amant-jardinier sexy, est comparé à un « buisson qui court » par Tom, son futur amant. Dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, Audric a le pouvoir de créer des fleurs et s’intéresse à la botanique. Dans le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne, la forêt d’Aurore est réduite à un décor de jeux vidéo. Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, la Nature est réenchantée par les mythes grecs (peu réputés pour leur douceur…). Dans le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan, Chloé, l’héroïne lesbienne, adore les jardins artificiels. Les premières images du film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye sont des nénuphars dans des bocaux. Dans son roman La Cité des rats (1979), Copi a construit une forêt tropicale aux dimensions disproportionnées puisqu’elle est regardée par des rats bisexuels voyant « des cerises grosses comme des pastèques » (p. 132). Dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Irène et Tonia, les deux hommes transsexuels M to F, se retrouvent dans une serre, un jardin synthétique. Dans le film « Temps de chien » (2011) de Viva Delorme, une jeune paysagiste lesbienne s’occupant des espaces verts d’une ville trouve un chien abandonné dans la forêt où elle travaille. Dans le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, Georges et Alexandre s’enferment dans une serre pour y vivre leur amour pédophile interdit. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, à plusieurs reprises, les amantes Virginia Woolf et Vita Sackville-West se retrouvent dans une serre.
 

Le plus souvent, le jardin des fictions traitant d’homosexualité est une composition, une reconstitution humaine. Il s’agit d’un jardin synthétique, artificiel : « Je déteste la campagne. Je n’apprécie la nature que dans les jardins des villes. » (Dominique, le héros homosexuel du roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, p. 67) ; « Je viens de l’autre côté du miroir, […] du côté du faux jardin. » (la voix narrative de la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro) ; etc.
 

Il dit la vanité de l’orgueil humain. D’ailleurs, il arrive que le héros homosexuel se prenne pour un arbre ou une forêt, cherche à devenir l’androgyne ou Dieu : « Élève-toi avant que les chênes ne t’étouffent. […] Toi, tu n’es qu’un arbre banal. » (Négoce, le héros homosexuel de la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; « Le vieil ami Tarzan a tout juste fini de se construire un enfant avec un bon tronc d’arbre, des lianes, un singe et des feuilles en matière plastique collées ensemble une à une. » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 102) ; etc. Mais cela le fait en réalité devenir objet. Par exemple, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Cameron Drake, l’acteur hétéro jouant au cinéma le rôle d’un gay, est décrit comme un « nain de jardin ».
 

B.D. Le Livre blanc de Copi

B.D. Le Livre blanc de Copi


 

Le jardin homosexuel fictionnel est souvent figuré par la métaphore asexuée et hyperféminisée de la jeune fille en fleur, de la Mère-Nature narcissique, allongée et suspendue entre Ciel et marécage, adoptant une posture alanguie et mortuaire qui la rend immortelle : cf. le tableau Ophélie (1852) de John Everett Millais, le poème « Ophélie » (1891) d’Arthur Rimbaud, le film « Hamlet » (1990) de Franco Zeffirelli, la chanson « Ophélie » de Dave, les toiles d’Ophélie de Gustave Moreau, les toiles Reproches d’Hamlet à Ophélie, Le Chant et la folie d’Ophélie et Le Suicide d’Ophélie (entre 1824 et 1859) d’Eugène Delacroix, etc.
 

Olympia Dukakis dans la série Chroniques de San Francisco d'Armistead Maupin

Olympia Dukakis dans la série Les Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin


 

La (vieille) jardinière apparaît très fréquemment dans les créations homosexuelles : cf. le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « 200 American » (2003) de Richard Lemay, la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand (avec la mère de JP, le héros gay, dans son jardin), le téléfilm « Sa Raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand (avec le personnage d’Hélène), le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay (avec Rose, la « belle-mère » de Jean-Marc), le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte (avec la tatie du héros homosexuel), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally (avec la grand-mère d’une des héroïnes lesbiennes, devinant, dans son jardin, l’homosexualité de sa petite-fille), le film « And Then Came Summer » (« Et quand vient l’été », 2000) de Jeff London (avec la tante qui jardine), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, etc.
 

« Ma mère prenait du temps pour jardiner, alors que notre jardin n’était qu’un petit carré d’herbe à peine plus grand qu’un tapis. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 32) ; « Nos maris ont beaucoup de travail… et nous avons beaucoup de jardins. » (Marianne s’adressant à Irène dans la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset) ; « Derrière lui [Antoine] , Eva souriait, magnifique dans une robe Fendi en mousseline imprimée de motifs floraux. » (Antoine dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, p. 195) ; « Les fleurs aussi c’est essentiel. » (Catherine dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Ma mère est allée s’enterrer encore vivante, un bouquet de fleurs entre les dents. » (Jeanne dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « J’vais au jardin préparer les plantes pour le cimetière. » (Marcelle, la mère de la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti) ; « La rose du matin est éclose à midi. » (Suzanne, la mère, dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) ; « Démerde-toi pour te réincarner en fleur, dans un champ vert et bleu. » (Vincent Garbo s’adressant à Carole, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 89) ; « Dans toute femme, il y a une Ève malveillante qui sommeille. » (Rodin, le héros homosexuel de la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « C’est mal fichu, une fille. Il manque l’essentiel ! […]C’est pas drôle d’être homo. Y’en a marre, je deviens hétéro. Comment ça marche, une fille ? Ça mange quoi ? Ça boit quoi ? Faut arroser combien de fois par jour ? » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc.
 

Par exemple, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Catherine S. Burroughs est la femme végétale, adepte des fleurs. D’ailleurs, sa copine Muriel est fleuriste de métier. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, « Chantal » est le nom de la fleur à qui Sébastien, le héros homo, parle, comme si elle était une personne à part entière. Dans son roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Michael, le héros homosexuel, voit en sa mère une fleuriste, une forêt moderniste à elle seule : « J’avais repensé à l’amour de maman pour les hortensias. […] Maman était une authentique magicienne de l’hortensia. » (p. 109) Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, la Tante Ève est obsédée par son idée d’organiser une garden party. On peut véritablement parler de pouvoir hypnotique de cette mère végétale, car au moment où Ben, son copain, lui reproche « d’attribuer beaucoup de pouvoirs à sa mère », ce dernier lui répond avec désinvolture « Vraiment ? ’, les yeux rivés sur le plafond fleuri » (idem, p. 153).
 

Bien plus souvent qu’on ne le croit, les créateurs homosexuels livrent la femme au végétal, à l’inconscient, à l’inhumain, au minéral, à l’insensible : cf. la chanson « Paradis inanimé » de Mylène Farmer, le film « La Fille aux jacinthes » (1955) d’Hasse Ekman, le roman À l’ombre des jeunes filles en fleur (1919) de Marcel Proust, le roman Notre-Dame des fleurs (1944) de Jean Genet, la chanson « The Rose » de Bette Midler, la chanson « La Flor De Mi Secreto » (« La Fleur de mon secret », 1995) de Pedro Almodóvar, la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan (avec la figure de la mère et ses fleurs coupées), le vidéo-clip de la chanson « Gourmandises » d’Alizée, le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre (avec Cléopâtre, la fleuriste, ainsi que Marianne), le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (avec Marie, la femme végétale), le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs (avec Eugenia arrangeant les fleurs du jour du mariage de Ben et George), etc.
 

Il existe une confluence entre la femme végétale et la femme-objet. Les deux sont déshumanisées et désincarnées. Par exemple, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, Benjamin s’adressant à son amant Pierre à propos de leur projet de mère-porteuse avec Isabelle (« Faire un enfant, ça fait plus hétéro avec l’actrice. »), se compare comme par hasard à une fleur (le cactus) et Pierre lui répond qu’il a cueilli Isabelle comme une fleur : « Les actrices aussi ont le droit de faire des enfants. » Dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, le narrateur homosexuel observant le public de l’Opéra de Montréal, décrit les femmes-objet soumises comme « des jeunes filles à la remorque de leurs parents, poncées, étrillées, enrégimentées dans l’opéra par des mères qui avaient elles aussi été des fleurs de tapis, jadis, mais qui avaient appris à les fouler avec le temps » (p. 43). Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, George, le héros homosexuel, voit toujours dans le nez des filles et des femmes, une tulipe. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, la belle-mère cachée de Nicolas, le héros homosexuel, se prénomme Rose.
 
 

b) Le jardin des supplices :

En réalité, le jardin homosexuel est le paradis de l’artifice anti-écologique, le théâtre du péché, du viol, de l’inceste, du meurtre homophobe, du cauchemar qu’est l’éloignement du Réel : cf. le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio (avec Alicia, l’héroïne lesbienne abandonnée, trouvée dans une serre), le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie (avec le meurtre parricide par le couple lesbien), le roman Le Jardin d’acclimatation (1980) d’Yves Navarre (avec Bertrand qui a subi une lobotomie orchestrée par sa famille qui veut le transformer en hétéro), la chanson « Miss Paramount » du groupe Indochine (avec la mention du film « Le Jardin des tortures »), le film « Notre Paradis » (2011) de Gaël Morel (se rapportant au lieu de prostitution masculine), le one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set (avec le chasseur pourchassant Blanche-Neige), le film « The Apple » (2008) d’Émilie Jouvet, la chanson « Jardin de Vienne » de Mylène Farmer (parlant du suicide), le film « Secret Garden » (« Jardin secret », 1987) d’Hisayasu Sato, le film « Khochkach » (« Fleur d’oubli », 2006) de Salma Baccar, le film « Gan » (« Un Jardin », 2003) de Ruthie Shatz Adi Barash (racontant l’histoire de deux jeunes prostitués de Tel Aviv), le film « Le Jardin des arbres morts » (2014) de Yarriv Mozer, la chanson « L’Amour interdit » d’Hervé Vilar (avec le « jardin maudit »), etc.
 

Le jardin ou la forêt homosexuels n’annoncent rien de bon : « Le plus bel atout de la chambre était une cheminée en chêne sculptée de fruits et de fleurs.[…] Elle remarqua un visage parmi la flore sculptée et sursauta. Ses yeux firent la mise au point et elle en vit d’autres, joyeux et androgynes sous des cheveux emmêlés de lierre. Les sourires paraissaient bienveillants mais Jane les imaginait s’altérer avec les ombres, et elle espérait qu’ils ne perturberaient pas les rêves de l’enfant. » (Jane, l’héroïne lesbienne dans la chambre de son futur enfant, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 39) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins [la gouvernante de Stephen] et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. […] Stephen s’enfuit sauvagement, plus loin, toujours plus loin, n’importe comment, n’importe où, pourvu qu’elle cessât de les voir. Elle sanglota et courut en se couvrant les yeux, déchirant ses vêtements aux arbustes, déchirant ses bas et ses jambes quand elle s’accrochait aux branches qui l’arrêtaient. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 38-39) ; « Le jardin, au lever du soleil, lui sembla tout à fait étranger, comme un visage bien connu qui se serait soudain transfiguré. […] Elle prit soin d’avancer doucement, car elle se sentait un peu fautive. » (idem, p. 135) ; « Nous [les Rats] lui [le serpent] exprimâmes notre admiration sincère et la Reine des Rats l’invita à passer les vacances de Pâques enroulé dans notre arbre si jamais à Pâques, lui, l’arbre et nous-mêmes nous nous trouvions encore en vie et en liberté. » (Gouri, le narrateur bisexuel du roman La Cité des rats (1979) de Copi, p. 76) ; « Le serpent répondit qu’il était hermaphrodite et qu’il se fécondait tout seul. » (idem, p. 77) ; « Mon parc est semé de gens morts ! » (Copi, La Journée d’une rêveuse, 1968) ; « Nunca me ha llamado la atención lo de Eva y la manzana, porque de Eva soy hermana y tentarse es cosa humana. » (cf. les paroles d’une chanson de Tita Merello, dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi) ; « L’hortensia avait poussé à la diable, le sol était trop humide pour y ramper. Je n’aurais pu m’asseoir en dessous, même si je l’avais voulu. D’ailleurs, j’étais beaucoup plus grosse qu’à l’époque. Je suis pourtant restée longtemps accroupie, les paumes appuyées contre le sol humide, les ongles enfoncés dans la terre. Je me suis finalement relevée et, tandis que je retournais chez Esti et Dovid, je tentais de gratter la ligne de terre emprisonnée sous mes ongles. Et plus je grattais, plus elle s’enfonçait, le noir s’incrustait dans le rouge. […] Cela faisait des années que nous nous étions approprié l’hortensia. Dedans, nous étions invisibles, hors de portée de la maison, des regards du dessus et alentour. Il y avait l’odeur, je m’en souviens. Un arôme puissant d’hortensia pourri et d’humus. Encore maintenant, l’odeur végétale des hortensias conserve son pouvoir. » (Ronit, l’héroïne lesbienne parlant de l’hortensia, qui devient pour elle et sa compagne Esti le symbole de l’amour lesbien, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 212-213) ; « On est paumés en pleine forêt tropicale. » (Thomas s’adressant à son amant François, en Thaïmande, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; « J’ai un vrai verger dans le cul. » (le narrateur homosexuel à propos de la sodomie, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; etc.
 

Film "Suddenly Last Summer" de Joseph Mankiewicz

Film « Suddenly Last Summer » de Joseph Mankiewicz


 

Par exemple, sans sa chanson « J’veux pas être jeune », Nicolas Bacchus se voit entraîné avec son amant « jusqu’au jardin désert qu’ils n’avaient pas cherché ». Dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph Mankiewicz, Mrs Venable, la mère possessive de Sébastien (le héros homosexuel qu’elle a poussé vers la mort), possède un drôle de jardin en carton pâte, avec des statues de squelettes, des arbres exotiques improbables, des plantes carnivores… une sorte de Musée des Horreurs où va éclater le secret du viol de Sébastien. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Elio enlève le noyau d’une pêche pour s’y branler. Oliver, son amant, découvre cela, et ironise : « T’es déjà passé au règne végétal. À quand le règne minéral ? Tu as déjà renoncé au règne animal c’est-à-dire moi… » Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, est rejoué le péché originel : un prêtre catholique, Adam, court dans une forêt ; puis se fait tenter en vain par une femme, Eva, dont il rejette les avances ; ensuite, il tombe amoureux du jeune Lukacz, qui a tout physiquement du Christ ; et cet amour s’avère réciproque. Par ce film, on comprend que le péché d’Adam, c’est de vouloir séduire et posséder son père (ou son fils) : c’est un péché d’inceste. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Ody porte son petit frère (homosexuel) Dany sur son dos dans la forêt, après une course-poursuite pendant laquelle Dany a tiré sur quelqu’un à l’arme à feu. Cette fuite violente du Réel est contrebalancée par des images d’une Nature digne des plus grands films d’animation Disney : tous les animaux de la forêt (biche, canards, chouette et même le lapin en peluche) s’animent sur la rive entourant la barque des deux héros. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Lors d’une fête, Louis et Nathan se donnent rendez-vous au vert (« Pars pas : on se retrouve dans le jardin. » dit Louis par texto) et s’embrassent pour la première fois dans une verrière : cette scène déclenchera sur eux une violente vague d’homophobie.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

Tableau "Girl In Garden" de Pierre et Gilles

Tableau Girl In Garden de Pierre et Gilles


 

Une sexualité végétale et végétative, figée et organisée comme un jardin d’enfant féminisé

B.D. Le Livre blanc de Copi

B.D. Le Livre blanc de Copi


 

La communauté homosexuelle a un goût prononcé pour les « jardins carte postale », la Nature artificielle/aseptisée, au détriment de la Nature réelle. Il faut que ça scintille, que la mort ou la violence ou le rappel des limites humaines soient totalement évacués. Grâce à la littérature, à la peinture, aux films, mais aussi à leur folie des grandeurs et leur fièvre acheteuse, certaines personnes homosexuelles ont construit concrètement dans leur petit « chez-soi » des jardins merveilleux, parfois avec du goût et du raffinement : Michael Jackson, Louis II de Bavière, Pierre et Gilles, Yves Saint-Laurent, Pierre Bergé, Jean Lorrain, Marcel Proust, Jean Cocteau, etc. « Nul mieux que Jean Lorrain n’a pu rendre la touffeur équatoriale de certains jardins déjà plus ou moins abandonnés, les palmiers géants, les cocotiers hauts de vingt mètres, dressés en colonnade de mosquée, le jaillissement fou d’ombelles et de palmes des bananiers, les fougères qui étaient leur dentelure sur les velours d’invraisemblables mousses. La décomposition lente des végétaux attirait cet esthète, comme un charme ajouté à cette frénétique torpeur. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 188)
 

Le Jardin Majorelle arabisant  de Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent au Maroc

Le Jardin Majorelle arabisant de Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent au Maroc


 

Par exemple, pendant la période artistique baroque appelée « Art Nouveau » (1880-1910), les artistes homosexuels obéissent au principe de l’imitation de la Nature, ce qui entraîne le goût des lignes sinueuses, des jardins synthétiques, des espaces lointains exotiques, et des modèles gothiques.
 

Le fantasme de créer une forêt et une Nature tout seul est très marqué chez certaines personnes homosexuelles. Par exemple, dans le documentaire « La Villa Santo Sospir » (1949), grâce à un jeu de caméra filmant au ralenti et en marche arrière, Jean Cocteau se présente comme un créateur de fleurs.
 

Photo de Sheila Legge par Claude Cahun

Photo de Sheila Legge par Claude Cahun


 

La cristallisation de la forêt en jardin artificiel se présente souvent sous la forme d’une féminisation, d’une préciosité de femme-enfant mythique. Bien plus souvent qu’on ne le croit, les créateurs homosexuels livrent la femme au végétal, à l’inconscient, à l’inhumain, au minéral, à l’insensible : cf. les tableaux photographiques de Pierre et Gilles, la photo L’Apparition du fantôme du sex-appeal (Sheila Legge In Trafalgar Square, 1936) de Claude Cahun, etc. Dans le générique de son film « Huit Femmes » (2002), François Ozon attribue à chacune de ses héroïnes une fleur.
 

« Ce qui me plaisait plutôt, c’était de lui [Philomène] ressembler dans sa féminité. En effet, sa façon de marcher, de s’habiller ou de se tenir, dégageait un moment de magie qui me séduisait. Je la comparais de surcroît à une fleur sauvage, poussée au milieu d’une plate-forme cultivée. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 48)

 

Dans mon mémoire de DEA (Master 2) Le Sablier de Néstor Perlongher (2003), j’avais vu que le subconscient des personnes homosexuelles (la partie supérieure de leur sablier psychique) était souvent habité par une femme végétale, une Ève primitive, une prostituée-vierge damnée de toute éternité, qu’elles cherchent à rejoindre en empruntant le chemin incestueux et impossible de l’état intra-intérin désincarné.
 
 

b) Le Jardin des supplices :

Film "The Ballad Of Genesis And Lady Jaye" de Marie Losier

Film « The Ballad Of Genesis And Lady Jaye » de Marie Losier


 

Le Jardin d’Éden que semblent rechercher le désir homosexuel est en réalité l’enfer, un lieu où le fantasme de viol (ou bien le viol réel) s’exprime, où la sexualité est évacuée au profit de la génitalité et du sentiment désincarné. Charles Trénet a été trouvé nu quand il avait 15 ans, en train de s’amuser avec son camarade Max Barnes dans un jardin de l’Hôtel Mustafa Ier. J’étudie plus longuement la figure de l’actrice morte dans les codes « Mort-Épouse » et « Femme allongée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Mais le motif d’Ophélie, le fameux personnage d’Hamlet (1598) de William Shakespeare (auteur lui-même homosexuel), a inspiré quelques artistes homosexuels, tels que le peintre français Eugène Delacroix, qui s’est intéressé à trois reprises (entre 1838 et 1844) à Ophélie, cette naïade noyée qu’il décrit comme « une branche fleurie à demi tombée dans les flots », à travers trois toiles : Reproches d’Hamlet à Ophélie, Le Chant et la folie d’Ophélie et Le Suicide d’Ophélie.
 

Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte qu’il a installé trois statues de ses tantes adorées, « ces trois femmes qui désormais régnaient entre les fleurs du jardin » (p. 148), en éloge funèbre.
 

Film "La Mala Educación" de Pedro Almodóvar

Film « La Mala Educación » de Pedro Almodóvar


 

Le jardin (réel ou symbolique), c’est là où les personnes homosexuelles pratiquantes ont enterré la différence des sexes et leur Désir pour leur préférer la peur et la violence, ont cherché fiévreusement leur origine pour ne pas affronter leur véritable Jardin secret (= Dieu). « Les personnes préoccupées de façon trop exclusive par la question de leur origine, ou des origines en général, ont tendance à se sentir exclues et persécutées. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 94) Il est le lieu de l’asexuation et du mépris du corps humain sexué : c.f. le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018.
 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 
 

Code n°101 – « Je suis différent »

Je suis différent

« Je suis différent »

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 
 

Frénésie homosexuelle (et finalement hétérosexuelle et homophobe !) pour l’originalité

 
 

À trop vouloir ne pas faire comme les autres, on finit par faire comme eux sans s’en rendre compte… car on vit trop par rapport à eux que détachés d’eux et des images qu’on s’en fait.

 

L’obsession de l’originalité, très marquée chez les personnes homosexuelles, est la marque criante d’un doute béant de son unicité et de sa capacité à aimer/être aimé, le revers d’un conformisme social paradoxal (car il se fait passer pour « révolutionnaire » et « indépendant »), l’indicateur d’un vide identitaire trop vite comblé par une étiquette sexuelle caricaturale (= l’homosexuel) ou un coming out précipité. Quand on écoute les témoignages de vie des personnes homosexuelles relatant les premiers temps de découverte de leur désir homosexuel, on perçoit que ce sentiment de différence, qu’elles répètent comme une marotte (« Je suis différent, et je l’ai toujours été ») est en partie infondé, car il repose d’une part sur une sacralisation méprisante des autres, et d’autre part sur un rejet de LA Différence en général (… différence des sexes en première ligne). Car être différent n’implique pas nécessairement une rupture définitive avec notre entourage. Bien au contraire ! Tout Homme est radicalement seul et différent du fait d’être unique, mais ce n’est pas en soi un drame, ni un état de fait qui nous isole. Une fois cette différence fondamentale digérée et relationnalisée, elle permet heureusement le lien social, la liberté, la responsabilité, la reconnaissance émerveillée de sa singularité, un appel à donner sa solitude à l’universel. C’est parce que nous nous reconnaissons différents des autres Hommes que nous pouvons ensuite mieux nous mêler à eux et entrer en relation. Le problème de la majorité des personnes homosexuelles, c’est qu’elles moralisent leur unicité en termes de possession ou de mal (en gros : « Je suis le meilleur ; sinon, je suis nul »), en prétextant que ce serait la Nature qui les aurait injustement séparées du reste de la société. Mais en matière de différences, pas de fatalité : ce n’est pas parce que la différence distingue que pour le coup elle divise ! Tout comme les frontières…

 
 

N.B. : Je vois renvoie également aux codes « Femme étrangère », « Différences physiques », « Différences culturelles », « Super-héros », « Se prendre pour Dieu », « Se prendre pour le diable », « Solitude », « Faux révolutionnaires », « Innocence », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », à la partie « Schizophrénie » du code « Doubles schizophréniques », et à la partie « l’Autre » du code « Amant diabolique », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

1 – PETIT « CONDENSÉ »

L’auto-persuasion

d’une différence fondamentale

 

JE SUIS DIFFÉRENT 1 Vilain petit canard

 

L’adaptation excessive aux regards de l’entourage et l’oubli de leur propre regard négatif sur elles-mêmes vont encourager beaucoup de personnes homosexuelles à affirmer l’existence d’une différence radicale par rapport aux autres. Nous entendons toujours le même refrain de la part des membres de la communauté homosexuelle : le facteur dominant de leur vie, celui qui dépasse tous les autres en importance, est constitué par la conscience d’être différent, de ne pas rentrer dans la norme.

 

Tout d’abord, cette différence dite « naturelle et fondamentale » est d’ordre social, culturel et intellectuel. Très jeunes, certains sujets homosexuels vivent le choc des cultures avec leur entourage comme une véritable épreuve, puis un moyen de sortir du lot. Il n’est pas très étonnant qu’il y ait parmi les personnes homosexuelles un certain nombre de petits surdoués ou d’individus blessés dans leur amour propre parce que dans leur cursus scolaire, ils ont senti que leurs talents avaient été fortement dévalués ou ignorés. Beaucoup d’entre elles ont l’impression qu’elles ne sont radicalement pas sur la même longueur d’onde que les autres, qu’ils ne pourront jamais les comprendre totalement. Le fossé avec le reste de l’Humanité « hétérosexuelle » se creuse au fil des ans, et se fixe parfois en orientation sexuelle. L’homosexualité est envisagée à l’âge adulte comme une solution bien pratique pour camoufler par l’identitaire leur problème d’intégration sociale sans le régler vraiment à la racine.

 

Le fantasme de la différence homosexuelle ne renvoie pas uniquement à des différences culturelles. Il se fonde aussi sur des dissemblances physiques ressenties comme minoritaires, écartantes/écartées socialement, et qui deviennent ensuite, selon ce qu’en font l’entourage et la personne qui les porte, une « identité » intégrée mentalement et sexuellement. Cela peut provenir de la taille, de l’obésité, de la dentition, d’une voix suraiguë, de la maigreur, d’un handicap quelconque, d’une couleur de peau rejetée, d’un physique génériquement opposé au sexe biologique ou aux estampes des garçons et des filles télévisuels, d’un complexe de se savoir fragile, limité, ou insignifiant (la croyance et l’identification à l’Homme invisible rôdent…), etc. Difficile de ne pas faire le lien entre des physiques honteux d’eux-mêmes et l’affirmation d’une homosexualité. Cependant, ce lien n’est pas de causalité, mais de coïncidence, c’est-à-dire qu’il a été instauré davantage par le fantasme ou l’impression subjective que par la Réalité. L’homosexualité n’est pas une question de physique particulier – il n’y a pas de « corps homosexuel » (contrairement à ce que proclament certains militants homosexuels radicaux) – mais de rapport idolâtre à son corps et aux images médiatiques des corps sexués.

 

Affirmer « Je suis différent », ainsi que le font beaucoup de personnes homosexuelles, n’est pas faux en soi, étant donné que tout Homme est unique et donc fondamentalement différent des autres. Mais le problème peut se situer dans les conséquences fâcheuses que la reconnaissance de leur différence jugée « exceptionnelle » ou « minable » peut entraîner sur leur rapport aux autres : mépris, isolement, exclusion, orgueil mal placé. « Je croyais que j’étais un petit garçon singulier et les autres garçons étaient jaloux de moi, parce qu’ils étaient, eux, on ne peut plus ordinaires. » (Luc dans le roman Frère (2001) de Ted Van Lieshout, p. 128) Les personnes homosexuelles ne sont réellement différentes des autres Hommes que si nous considérons que c’est leur désir qui les définit entièrement. Autrement, nous ne pouvons envisager l’homosexualité que comme une facette particulière d’un désir pleinement humain.

 

En soutenant avec virulence qu’elles sont « différentes » (comprendre « anormales » et « exceptionnelles »), certaines ne remettent pas du tout en cause ce qu’elles appellent hâtivement « norme ». Bien au contraire. À force de ne pas vouloir faire ou être « comme les autres », elles finissent par les imiter inconsciemment, car il arrive toujours un moment où « les autres », ce sont elles. Beaucoup de personnes homosexuelles se laissent trop facilement définir par autrui, y compris et surtout lorsqu’elles se positionnent « contre » une personne, un camp ou une image. Peu savent vraiment ce qu’elles veulent. Elles se déterminent plutôt par le négatif, un peu comme Loïc dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier : « Je ne sais pas encore ce que je suis mais je sais ce que je ne veux pas être. » Elles ne veulent pas ce qu’elles prétendent vouloir, mais par provocation, elles soutiennent qu’elles le désirent profondément, que ce désir fait partie d’elles, alors qu’il est souvent né de la comparaison dévalorisante ou méprisante aux autres. Leur recherche de la personne aimée suit le plus souvent la logique du conformisme inversé, donc du snobisme : elles vont réclamer une chose, non pas tant parce qu’elles la veulent réellement, que parce qu’elles pressentent que les autres la veulent à leur place ou la leur interdisent. Elles aiment quand tout le monde aime, haïssent quand tout le monde déteste… ou aiment quand tout le monde semble détester et haïssent quand tout le monde donne l’impression d’aimer. En définitive, elles ne se posent pas beaucoup la question de ce qu’elles ressentent elles, de ce qu’elles désirent vraiment.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Je suis différent, un point c’est tout !

Très régulièrement dans les fictions homosexuelles, le personnage homosexuel s’auto-persuade de sa différence fondamentale : cf. le roman Carta Abierta A Un Muchacho ‘Diferente (1974) d’Antonio Domínguez Olano, le film « Diferente » (1961) de Luis María Delgado, le film « Quella Piccola Differenza » (1969) de Duccio Tessari, le film « I’m Not One Of Them » (1974) de Barbara Hammer, le two-men-show Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, le film « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, le roman Hawa (La Différence, 2010) de Mohamed Leftah, le roman Différents (2005) de Maryvonne Rippert, le film « Fucking Different XXX » (2012) de Bruce LaBruce et Émilie Jouvet, la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, etc.

 

Film "A Different Story" de Paul Aaron

Film « A Different Story » de Paul Aaron


 

« Vous êtes différent. » (le narrateur homosexuel se vouvoyant lui-même, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 131) ; « Je ne suis pas un homme comme les autres. […] Je suis tellement différent. » (Cyril dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 11) ; « J’ai toujours été différent. » (Brad dans le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody) ; « Je suis différente de toi, de toutes les autres filles. J’suis pas normal. » (Tania, l’héroïne lesbienne de la pièce Ma Double Vie (2009) de Stéphane Mitchell) ; « J’aimerais tellement être différent mais j’y arrive pas. » (Élodie, idem) ; « Pourquoi j’suis pas capable d’être comme les autres ? » (Hubert, le personnage homosexuel du film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] n’avait jamais été tout à fait semblable aux autres enfants, elle avait toujours été seule et insatisfaite, elle avait toujours essayé d’être quelqu’un d’autre… […] Seule… il était terrible de se sentir si seule… de se sentir différente des autres. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 133) ; « J’étais son fils spirituel. Juste un peu différente. » (la voix poétique du poème « Amoureux dans la vie » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 14) ; « Ton père est différent des autres pères. » (le père travesti M to F, ancien curé et ancien évêque de Bruxelles, faisant un coming out à son fils Peter, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau) ; « Est-ce une raison de mépriser ma différence ? » (idem) ; « Philippe me dit que, justement, cet homme avait probablement le goût différent dont il tentait par allusions de m’expliquer l’originalité. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 38) ; « Comment puis-je leur dire ce secret que j’ai sur le cœur depuis que je suis tout petit ? que je suis différent ? » (Chris, le héros homo de la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Jo est persuadé qu’il est unique. » (Matthieu, l’amant de Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Élève-toi avant que les chênes ne t’étouffent. […] Toi, tu n’es qu’un arbre banal. » (Négoce, l’un des héros homosexuels de la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; « Je n’ai jamais été comme les autres femmes. » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; « Que diront les gens qui me trouvent trop différent ? » (cf. le chanson « J’ai le droit aussi » de Calogero) ; « La vie n’est pas facile. Surtout quand vous êtes différents. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Je suis différent. » (John, le héros homo incarnant le personnage d’Adam White dans un feuilleton télé Hellsome High, dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; « C’est une autre piscine. Différente. » (les nageurs homos de l’équipe de water-polo gay du film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; « Je suis vraiment la cinquième roue du carrosse dans cette famille. » (Sandrine, l’héroïne lesbienne, dans l’épisode 502 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 8 juillet 2019 sur TF1) ; « Elle a peur que ma différence ternisse sa belle petite image toute lisse. » (Sandrine par rapport à sa mère Anne-Marie, dans l’épisode 506 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 12 juillet 2019 sur TF1) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny fait une fixation sur sa soi-disant « différence » : « Je ne suis pas normal. C’est de notoriété publique. » Et son amant Romeo le confirme dans sa fausse croyance : « Tu n’es pas comme tout le monde. » Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Christopher, l’amant secret d’Alan Turing au pensionnat, lui dit qu’il est « différent ». Turing l’interprète comme une étrangeté isolante : « Mère dit que je suis un type bizarre. » Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Catherine, la prof de maths lesbienne, déclare devant sa classe et face à Nathan, son élève homo, qu’il est « courageux » parce qu’« il ose dire qu’il est différent ». Dans le film « Tout mais pas ça » (« Se Dio vuole », 2015) d’Edoardo Falcone, Tommaso, un père de famille, croit que son fils Andrea est « différent », c’est-à-dire homosexuel. Dans le générique du film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, on nous signale par écrit que « le corbeau blanc » est une expression employée pour désigner « quelqu’un qui est différent des autres ».

 
 

b) Une différence si « naturelle » ? Une réelle fatalité ?

On se rend compte au fur et à mesure que la différence du héros homosexuel, qu’il présente comme « naturelle » et « imposée », est un orgueil travaillé, un esthétisme recherché : « Pourquoi vous considérez-vous comme différente ? » (Douglas s’adressant à l’héroïne lesbienne Doris dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « Je veux être différent. » (Éric dans le film « Edge Of Seventeen » (1998) de David Moreton) ; « J’éprouvais pour la première fois un plaisir de perversité à différer des autres ; il est difficile de ne pas se croire supérieur, lorsqu’on souffre davantage. » (Marguerite Yourcenar, Alexis, ou le traité du vain combat (1929), p. 69) ; « Être à part. C’est aussi pour ça que ça me plaît, que je suis pédé ! C’est dans la différence que je préfère avancer. » (un témoin homosexuel de la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo) ; « Au dîner, je mangeai en silence, avec la conscience d’être différente. J’étais libre. Rien ne comptait. » (Anamika dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 27) ; « Dans ce lycée, il faut être original pour s’intégrer. Et moi, je ne suis qu’une gamine ordinaire. Pour être intéressante, je dois me faire passer pour une gay. » (Karma s’adressant à sa meilleure amie Amy à qui elle force d’être en couple, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; etc.

 

En général, c’est une différence forcée, cinématographique, immatérielle, qui est recherchée par le héros homosexuel : « Jamais les femmes ordinaires ne donnent l’essor de notre imagination. Elles ne sortent pas de leur siècle. Aucune magie ne les transfigure. Rien en elles qui ne puisse pénétrer. Pas une qui soit mystérieuse. Toutes, elles ont le même sourire stéréotypé et les belles manières du jour. Elles sont claires et banales. Mais les actrices ! Oh ! Combien les actrices sont différentes ! » (Dorian Gray, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, pp. 72-73) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] disait à son père combien elle souhaitait être différente, combien elle désirait être quelqu’un comme Nelson. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 36) ; etc. Je vous renvoie au code « Super-héros » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Au départ, la croyance en une différence homosexuelle – plus ou moins calculée, d’ailleurs – sert d’alibi tacite à la drague. Elle circonscrit un territoire, le territoire de la pulsion narcissique : « [Il y avait également] des jeunes gens comme moi, amoureux fous de l’opéra, conscients ou non de leur différence, qui scrutaient chaque nouveau visage, beau ou laid, se présentant aux doubles portes d’entrée, à la recherche d’un signe de reconnaissance, d’un regard un tant soit peu insistant, peut-être même d’un sourire. Je tombais moi-même amoureux aux trente secondes, convaincu que tel ou tel spectateur regardait dans ma direction, plantait son regard dans le mien, hésitait à m’aborder. » (le narrateur homo humant l’ambiance de l’opéra de Montréal, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 43)

 

Mais en réalité, le sentiment de « différence » devient un prétexte à la misanthropie. « J’ai une différence que mon entourage vit de plus en plus mal. » (Laurent, le héros homosexuel du one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) Par exemple, au début du film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, Steven, le héros homosexuel, se démarque volontairement d’un groupe d’adolescents « cools » et « footeux » dans lequel il ne se reconnaît pas, parce qu’il ne veut surtout pas que les torchons et les serviettes se mélangent. Dans la chanson « Les gens de couleur n’ont rien d’extraordinaire… » de Jann Halexander, le narrateur homosexuel dandy recherche « l’élégance du luxe de la Différence », car il ne se prend pas pour de la merde.

 

Dans le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, la réaction de Leo, l’un des héros homosexuels, illustre bien que la prétendue « différence homosexuelle » est une réalité fantasmée, le signe d’une relation sociale blessée et blessante, non-souhaitée : elle n’a rien d’individuel ni d’inné. Au départ, Leo présente sa singularité comme une nature : « Je sais bien que j’ai toujours été du côté de l’ombre, que je suis toujours resté en dehors. » (p. 30) Plus tard, le lecteur se rend finalement compte que chez lui, l’éloignement a été désiré, de son côté, par un consensus mou : « En fait, ce n’est pas juste parce que je n’ai pas été invité. Depuis toujours, je suis celui qu’on cache, celui qui est interdit de paraître. Je me suis accommodé de ce secret. J’ai même trouvé mon compte à cette dissimulation. Je n’ai pas eu le désir de les rencontrer… » (idem, p. 48)

 

Le fin mot de l’histoire, c’est que la différence semble davantage poser problème et orgueil au héros homosexuel lui-même qu’au reste de ses proches : « J’avoue aujourd’hui que je ne me suis jamais ressenti rejeté par aucun membre de ma famille à cause de ma différence. […] Le fait de mon homosexualité ne semblait absolument pas gêner ni choquer la nouvelle génération de la famille. Et sans exagérer, je pense être en mesure d’affirmer que ma différence ressemblait plutôt à un privilège. » (Ednan, le héros homosexuel, dans l’autobiographie romanesque Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 147).

 
 

c) Une sacralisation douteuse des Différences au détriment de LA Différence :

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le mot « Différence » est souvent célébré en soi, mais peu explicité, et peu ramené à des faits ou des personnes réelles. Par exemple, dans la comédie musicale « Chantons dans le placard » (2011) de Michel Heim, il est question de la « fameuse différence » « Tous les chanteurs en vue se sont crus obligés de chanter la différence, la fameuse différence. » (Gérard) Mais on ne nous dit rien de celle-ci. Personne ne nous explique ce qu’il y a derrière ce masque… car on a sûrement trop peur de voir le néant ou les atteintes au Réel qu’il occulte !

 

Il faut se méfier, dans le discours de certains héros homosexuels, de la sacralisation de l’« Égalité » ou de la « Différence ». Ils applaudissent machinalement au mot « Différence », en tant que concept magique, mais non à la réalité de la différence. Ils applaudissent aux différences-annexes (telles que la différence de couleur de peau, de langues, d’éducation, de goûts, de cultures, de couleurs de cheveux, etc.) pour rejeter les différences fondamentales de l’existence humaine (la différence des sexes en priorité, mais aussi d’autres différences essentielles : l’identité, les relations humaines concrètes, la différence des espaces et la différence des générations, Dieu, etc.). Sigmund Freud a été bien inspiré de parler du « narcissisme des petites différences », car avec l’homosexualité, on se trouve en effet confrontés à un désir qui va se concentrer sur les petites différences superficielles pour ne pas considérer les grandes différences : « Vous n’aimez rien, ni personne, même cette différence que vous croyez vivre, vous ne l’aimez pas. Vous ne connaissez que la grâce du corps des morts, vos semblables. » (Marguerite Duras s’adressant aux personnes homosexuelles dans son roman La Maladie de la mort, 1982). Il ne suffit pas de se montrer ami de la différence (en tant que slogan publicitaire) pour la mettre en pratique : il faut aussi la reconnaître et ne pas considérer son accueil comme une évidence ou une démarche confortable (toute différence ou tout mélange n’est pas heureux en soi). Ou alors on devient inconsciemment un gros mouton. La recherche de la différence pour elle-même est en fin de compte un poncif réactionnaire, un conformisme, un refus de rentrer en relation avec les autres : « Je suis une tapette politiquement correcte, et moi j’t’emmerde. » (cf. la chanson « Politiquement correct » de Bénabar) ; « Augusten a toujours su qu’il était différent. Mais différent de qui, de quoi ? » (Augusten Burroughs, Courir avec des ciseaux, 2007) ; « De fait, on est différents. Mais c’est pas pour ça qu’on doit pas avoir les mêmes droits. On est un couple, Serge et moi. On a des sentiments qui sont exactement les mêmes que deux hétéros. » (Victor, le héros homosexuel Dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; etc.

 
 

d) La « différence » = le viol

Le sentiment de différence qu’expérimente le héros homosexuel peut venir d’un viol réel, subi dans l’enfance ou plus tard à l’âge adulte, d’une mise à l’écart, d’un manque d’amour, d’un mépris social qui lui a donné la conviction d’être un mouton noir, un paria, un étranger à lui-même. « Je me sens si différent. Comme si avant, j’avais un corps mais j’étais pas dedans. » (Didier après son expérience homo, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia)

 

Parfois, il résulte tout bêtement d’un fantasme de viol. « J’avais imaginé un moment demander à la petite voisine de passer me voir afin de faire ensemble ce que je l’avais obligée à faire seule devant moi, sachant combien j’aimais à outrepasser la pudeur des autres, pour le plaisir que son viol me donnait. Cette envie ne me quittait pas, mais je devais résister, c’était trop risqué. […] J’avais peur de moi. Quand je sentais monter ce besoin de chair, peu m’importaient les moyens et la figure de celle qui me donnerait ce qu’il me fallait. […] Je voulais ma nuit avec une femme, comme l’on veut sa naissance. Une nuit de noces, comme celle où je perdis ma virginité et décidai, pour cette occasion, de me choisir un nouveau prénom… Alexandra. Ce serait désormais par ce choix secret que je marquerais ma différence, comme l’avant et l’après du baptême. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 56-57) ; « Ce désir de pénétrer et d’envahir la différence de l’autre ; de ne pas laisser la proie s’échapper. Car c’est elle, la proie, qui donne l’impression d’exister mieux. Elle est comme une extension de soi, un poids ajouté au sien. » (Adrien, le narrateur homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 51) ; etc.

 

En réalité, beaucoup de héros homosexuels n’aiment pas les différences de les avoir trop aimées, ou bien de s’être trompées sur leur compte, en s’imaginant naïvement qu’elles ne concernaient pas le Réel, ou qu’elles ne contrarieraient aucun de leurs petits désirs. Comme la réelle différence nous oblige toujours au renoncement, à l’écoute, au compromis, à l’ouverture coûteuse, elle est alors envisagée par eux comme une source de conflit, une terrible entorse à leur liberté, voire un viol. C’est ce qu’illustre clairement le syllogisme de Lourdes, l’héroïne de la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier : « Les différences = les conflits ; les conflits = les injustices ; les injustices = les guerres. »

 

Dans les fictions homosexuelles, la différence, c’est parfois le mot qui pourrait remplacer celui de « viol », de « peur » ou de « fantasme de viol ». C’est pourquoi elle peut être envisagée comme une maladie mortelle. « Moi qui me sentais différent, éloigné par d’imperceptibles divergences de la société, j’en conclus au moins que si différence il y avait, elle devait être plus viscérale. » (la voix narrative parlant de ses années collège, dans la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 19); « J’aimerais être un mec normal avec une queue normale et un père normal ! » (Adam, le héros homo, dans l’épisode 1 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc. Par exemple, dans le vidéo-clip de sa chanson « Thriller », Michael Jackson, juste avant de se transformer en monstre devant sa petite copine qu’il est sur le point d’embrasser et qui va le faire entrer dans le mystère de la sexualité, essaie de la prévenir qu’il n’est pas normal, et même qu’il est dangereux : « Je voulais te dire que je suis différent… »

 

Le culte de la différence peut aller chez certains héros homosexuels jusqu’à la schizophrénie : « Oui, c’est ça dont on manque, de folie… de folles… Oui, c’est pour ça que moi je suis gay, voilà j’ai réussi à le prouver ! La folie, c’est la seule chose qui ne soit pas mondialisée. La folie c’est la véritable différence entre les gens, c’est la vérité. C’est quand on est fou qu’on est différent. La reine des folles, c’est moi ! Voilà ce qu’il nous faut : Une folle présidente ! » (le narrateur de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, p. 101)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

JE SUIS DIFFÉRENT 3 Apple

Apple (so rainbow)


 

a) Je suis différent, un point c’est tout !

Très régulièrement, les personnes homosexuelles s’auto-persuadent de leur différence (homosexuelle) fondamentale : Je vous renvoie aux documentaires « Glamazon : A Different Kind Of Girl » (1993) de Rico Martinez, « Boy I Am » (2006) de Sam Feder et Julie Hollar, etc. Déjà, en 1919, Magnus Hirschfeld réalisait avec Richard Oswald le premier film homosexuel militant, dont le titre « Ander Als Die Andern » (« Différents des Autres ») était éloquent.

 

« Le facteur dominant de ma vie, celui qui dépasse tous les autres en importance, est constitué par la conscience d’être différent. » (Donald Webster Cory cité dans l’essai Les Homosexuels (1973) d’André Baudry et Marc Daniel, p. 85) ; « J’ai su très tôt que j’étais différente. » (Claire, un homme transsexuel M to F, dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan) ; « Malgré tout, j’étais un petit gars souriant. Je le vois sur les photos. Mais, en dedans, je me sentais tout mal. J’avais comme deux personnalités. À l’extérieur, j’étais un bon petit gars rangé, bon en classe. En dedans de moi, je me sentais différent des autres. J’avais des inquiétudes. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons(2008) de Michel Dorais, p. 246) ; « Le jour où on découvre qu’on aime les garçons, on a l’impression de ne pas être normal. » (Sacha, jeune Allemand homo, dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt) ; « Accepté certes, intégré, aimé par ma famille, mes amis –, mais différent. » (Bertrand Delanoë, La Vie, passionnément (2004), p. 14) ; « Je sais juste que dès l’enfance je me suis senti différent de mes frères et sœurs. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 94) ; « J’ai compris au collège que j’étais différent. » (Patrick Blosch, témoignant lors du débat « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s », organisé dans la Salle des Fêtes de la Mairie du XIème arrondissement de Paris, le samedi 10 octobre 2009) ; « J’ai déjà dit plus haut combien je me sentais différente de mes camarades de classe. […] Et j’en arrivais à me demander quelquefois si je n’étais pas un monstre. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 75) ; « Aujourd’hui encore à Belgrade, des gens se font frapper parce qu’ils sont différents. » (Phrase du générique final du film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) ; « Tout le monde voulait nous casser la gueule à partir du moment où on était différents. » (Didier Lestrade racontant le climat des lieux de drague homo parisiens avant les années 1980, dans le documentaire « Lesbiennes, gays et trans : une histoire de combats » (2019) de Benoît Masocco) ; « Toute petite, déjà, j’étais différente. Je ne pouvais pas mettre de mots dessus mais je sentais que je n’étais pas comme les autres. J’étais un garçon manqué. Et cette absence de conformité contrariait beaucoup ma mère. » (Karla Jay, vétérane lesbienne, dans le documentaire « Stonewall : Aux origines de la Gay Pride » de Mathilde Fassin, diffusé dans l’émission La Case du Siècle sur la chaîne France 5 le 28 juin 2020) ; etc.

 

Par exemple, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), Alexandre Delmar parle du « sentiment indéfinissable d’être différent des autres » (p. 64) qu’il a ressenti dans sa jeunesse : il ne l’a visiblement pas bien vécu : « Pourquoi je ne suis pas comme eux ? » (idem, p. 28) Le réalisateur François Zabaleta présente son docu-fiction « N’importe où hors du monde » (2012) comme un retour sur l’éclosion du « sentiment de la différence chez un enfant de 8 ans ».

 
 

b) Une différence si « naturelle » ? Une réelle fatalité ?

On se rend compte au fur et à mesure que la différence que les personnes homosexuelles présentent comme une essence « naturelle » et « imposée », est une impression très subjective et égocentrée, un orgueil travaillé, un esthétisme recherché : « Tout le monde se moquait de moi, même ma famille ; après je me suis habitué et j’en ai fait mon avantage et ma différence. » (Quentin Crisp cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 151) ; « J’avais, d’une certaine façon, décidé de ne pas être conformiste et j’avais réussi, d’une manière ou d’une autre, à le faire accepter. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 124) ; etc.

 

JE SUIS DIFFÉRENT 4 Trombinoscope

 

Le sentiment de différence, c’est un peu l’histoire de la poule et de l’œuf : on ne sait pas qui a commencé, et c’est bien logique puisqu’une peur a à la fois une origine et aucune origine. « J’ai ressenti que j’étais différent vers 6-7 ans. Et cette différence, on me la faisait ressentir. » (Yann, l’un des témoins homosexuels du documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Il n’y a rien de pire pour un enfant qu’être différent. Les gosses sont obsédés par l’uniformité, pas une mèche ne doit dépasser. […] C’est tellement dur à affronter lorsque vous recevez cette gifle en pleine figure… ce message qui signifie au fond : tu es différent donc on ne veut pas de toi dans notre monde. Ce rejet terrifiant, alors que nous sommes tous des animaux sociaux qui n’avons qu’une seule envie : aller vers l’autre et se ressembler. » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, Éd. Broché, Paris, p. 19). Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, Vincent Guillot, militant intersexe, a de la révolte en lui : « Le médecin m’a dit : ‘T’es un mutant, t’auras jamais d’enfant, tu seras toujours différent des autres.’ »

 

Le sentiment de « différence » devient un prétexte à la misanthropie : « L’homosexualité, c’est vivre à côté de… être différent des autres. » (Patrice Chéreau cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 127) ; « Je me suis toujours senti un peu à part… » (Jean Guidoni interviewé par le magazine Rebel en septembre 1993) ; « J’ai toujours su que je n’étais pas dans la norme. » (Jean-Luc Romero, On m’a volé ma vérité (2001), p. 27) ; « Dans toutes les situations, je fus toujours pour tous un intrus. » (Fernando Pessoa dans le documentaire « Pessoa l’Inquiéteur » (1990) de Jean Lefaux) ; « L’homosexualité n’est pas une marque de différenciation par rapport aux autres, mais plutôt le signe d’une opposition radicale aux autres. » (Benedetti Carla cité dans l’article « Pier Paolo Pasolini » de Gian-Luigi Simonetti, sur le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 305) ; etc.

 

La croyance aveugle en sa différence fondamentale peut aussi être également approfondie par la construction d’un couple, ou par l’amant homosexuel qui cherche à flatter son partenaire sur son/leur exceptionnalité, pour mieux le posséder et l’isoler. Par ailleurs, l’obsession de la différence chez les personnes homosexuelles dit également l’angoisse de l’indifférenciation (inconsciente) qui se vit au sein même du couple homo.

 

Le fin mot de l’histoire, c’est que la Différence et les différences semblent davantage poser problème et orgueil aux personnes homosexuelles elles-mêmes qu’au reste de leurs proches. En effet, en les écoutant, on découvre que leur fameux sentiment de différence RADICALE avec les autres vient le plus souvent d’une comparaison excessive aux modèles de magazine et de cinéma, et non d’abord de leur relation concrète ou de la comparaison positive avec leurs pairs sexués de chair et de sang. À mon avis, la « différence » (homosexuelle) en question, dont elles font tant cas, mériterait de s’appeler en ce qui les concerne « confusion du Réel avec la fiction » : « Je sais que, assez petite, vers l’âge de 7 ans, 8 ans, j’ai eu conscience que j’étais une femme, mais en même temps assez libre d’être une femme différente des stéréotypes et de ce que j’avais remarqué les femmes être en général. » (Lidwine, une femme lesbienne de 50 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 64) ; « J’avais l’impression que d’être homosexuel faisait de moi un sous-homme. C’est pour ça que j’ai longtemps été mal parce que je courais après une espèce d’image masculine, qui est un archétype social, mais qui n’est pas une réalité en définitive. Je courais après ça… et moi, je suis pas comme ça. » (Olivier dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) ; « J’ai su très tôt que je n’étais pas semblable aux autres. J’ai le souvenir très précis d’une fête foraine où m’avaient emmené mes parents. La mode de l’époque condamnait les hommes à porter des pantalons moulants à pattes-d’éléphant, surmontés de chemises en satin de couleurs criardes, aux grands cols larges en pelle à tarte, de préférence ouvertes sur le torse si le temps était clément. J’avais six ans à peine et j’étais autant fasciné par les jeux de la fête foraine auxquels je pouvais participer que par la présence autour de moi de ces adultes habillés à la mode. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), pp. 23-24)

 

c) Une sacralisation douteuse des Différences au détriment de LA Différence :

Ce qui est paradoxal dans le rejet homosexuel de la différence, c’est que la plupart des individus homosexuels sont au demeurant des passionnés d’altérité et des différences en général. Par exemple, Jean-Paul Sartre, dans Saint Genet (1952), a évoqué chez l’écrivain Jean Genet cette fascination quasi obsessionnelle pour l’altérité : « Étranger à lui-même, il ne peut aimer qu’un Autre-que-soi, car c’est lui-même dans son absolue altérité qu’il aime sous les espèces de l’autre. » (p. 109) ; « Il se fascine sur l’Autre et fuit sa propre conscience de soi. » (idem, p. 169) ; etc.

 

"What a difference a Gay makes"

« What a difference a Gay makes »


 

Le Dieu « Différence » trône sur l’autel interlope (cf. Sacrée Différence (1995) d’Henri Chapier). Une différence désincarnée et poétique est chantée : « J’entreprends de raconter l’histoire de la perpétuelle différence ; plus précisément, de raconter l’histoire des idées comme l’ensemble des formes spécifiées et descriptives de la non-identité. » (Michel Foucault, Dits et Écrits I, 1954-1988 (2001), p. 712) ; « Pour libérer la différence, il nous faut une pensée sans contradiction, sans dialectique, sans négation : une pensée qui dise oui à la divergence ; une pensée affirmative dont l’instrument est la disjonction ; une pensée du multiple – de la multiplicité dispersée et nomade qui ne limite et ne regroupe aucune des contraintes du même ; une pensée qui n’obéit pas au modèle scolaire (qui truque la réponse toute faite), mais qui s’adresse à d’insolubles problèmes ; c’est-à-dire à une multiplicité de points remarquables qui se déplace à mesure qu’on en distingue les conditions et qui insiste, subsiste dans un jeu de répétitions. » (idem, p. 958)

 

L’embellissement de la différence cache bien souvent un déni de celle-ci. Dans son essai Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), René Girard explique bien que l’homosexualité est « ce mimétisme qui efface d’autant mieux les différences qu’il les recherche plus avidement. Contrairement à ce que veut la théorie du narcissisme, le désir n’aspire jamais à ce qui lui ressemble ; c’est toujours ce qu’il imagine de plus irréductiblement autre qu’il recherche et si, dans l’homosexualité, paradoxalement, c’est dans le même sexe qu’il le recherche, ce n’est jamais là qu’un autre exemple de ce résultat paradoxal qui caractérise le désir mimétique d’un bout à l’autre de sa course : plus le désir cherche le différent, plu il tombe sur le même. » (p. 471) Par exemple, Lara Fabian, dans sa chanson gay friendly « La Différence » couronnant l’amour homosexuel, nous raconte l’histoire de « l’exceptionnelle différence »… pour ensuite conclure qu’elle n’existe pas : « La différence, quand on y pense… Mais quelle différence ? » Dans le journal Le Monde.fr du 24 octobre 2011, Caroline de Haas prône « l’indifférence à la différence ».

 

La demande du « droit à la différence » et du « droit à l’indifférence », qu’on entend régulièrement de la part des membres de la communauté homosexuelles, est une variante du conformisme individualiste : on prône les « vertus de la banalité » (Michael Pollack, Une Identité blessée (1993), p. 179) et on souhaite « être comme les autres sur un pied d’égalité, et trouver une place confortable dans la société » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (1996), p. 676).

 

JE SUIS DIFFÉRENT 7 Mariage

 

Il faut se méfier, dans le discours de certains militants homosexuels actuels, de la sacralisation de l’« Égalité » ou de la « Différence ». Ils applaudissent machinalement au mot « Différence », en tant que concept magique, mais non à la réalité de la différence. « Je suis très fière de ma nature. Pas seulement pour mon physique. Mais seulement pour cette différence. » (Barbara, un homme transsexuel M to F, dans le documentaire « Woubi Chéri » (1998) de Philip Brooks et Laurent Bocahut) Ils applaudissent aux différences-annexes (telles que la différence de couleur de peau, de langues, d’éducation, de goûts, de cultures, de croyances, de couleurs de cheveux, etc.) pour rejeter les différences fondamentales de l’existence humaine (la différence des sexes en priorité, mais aussi d’autres différences essentielles : l’identité, les relations humaines concrètes, la différence des espaces et la différence des générations, Dieu, etc.). Sigmund Freud a été bien inspiré de parler du « narcissisme des petites différences », car avec l’homosexualité, on se trouve en effet confrontés à un désir qui va se concentrer sur les petites différences superficielles pour ne pas considérer les grandes différences. Il ne suffit pas de se montrer ami de la différence (le monde publicitaire nous apprend depuis longtemps à le faire) : il faut aussi la reconnaître et ne pas considérer son accueil comme une évidence ou une démarche confortable (toute différence ou tout mélange n’est pas heureux en soi ; il bouscule, responsabilise et exige des efforts de part et d’autre). Pareil pour l’égalité : elle n’est pas vraie pour tout (nous ne sommes pas égaux du simple fait de le vouloir ; de plus, comme les êtres humains sont différents, ils ne sont pas égaux en tout, heureusement !) et n’est pas souhaitable pour tout (on peut être égaux dans la connerie : cela ne nous rendra pas plus intelligents !). Une certaine défense arbitraire des différences et de l’égalité peut provoquer des inégalités et générer des violences réelles, des attaques hétérophobes et homophobes à la fois. Par exemple, à force de vouloir à tout prix, pour reprendre les termes de Bertrand Delanoë, « marteler que la diversité est une source inépuisable d’enrichissement collectif » (Bertrand Delanoë dans l’introduction du Dictionnaire de l’homophobie (2003) écrit par Louis-Georges Tin, p. 7), la communauté homosexuelle en oublie parfois que seuls le respect et la douceur peuvent laisser aux différences reconnues leur espace d’expression et d’existence. L’accueil des différences, la promotion de la diversité : très bien. Mais à une condition : que soient respectées ces deux notions fondamentales de la Réalité qui lui sont concomitantes : l’unité et l’identité. Sinon, la défense totalitaire des différences nous entraîne vers l’uniformité, paradoxalement au nom de la lutte contre l’uniformel par la vénération poétique de différences abstraites. Nous ne reconnaissons rien et n’unissons rien si nous ne dissocions pas. Par l’emploi du terme flou d’« égalité » (mot absolutisé par les militants homosexuels qui nous parlent souvent d’« égalité totale », « absolue », « pleine »), on remarque une confusion récurrente et dangereuses entre la notion d’« égalité de droits » (légitime à demander, comme nous l’apprennent les Droits de l’Homme) et celle d’« égalité des identités » (illégitime puisque nous sommes chacun et chacune uniques, différents, et n’avons pas les mêmes besoins). C’est ce qui explique que Xavier Lacroix définisse à juste raison l’argument de l’égalité, devenu la marotte du militantisme homosexuel actuel, comme un « rouleau compresseur », un disque uniformisant et diabolisant la légitime hiérarchisation induite par nos préférences et nos distinctes réalités/besoins.

 
Mika Psycho
 

La quête effrénée d’originalité dans l’acte ou l’identité homosexuel(-le) est au fond une hétérophobie, dans le sens propre du terme « hétérophobie » (= phobie de l’altérité) : « Est-ce l’homophobie qui empêche les couples d’homosexuels de devenir des parents ‘à part entière’ ? N’y aurait-il pas plutôt dans nos sociétés une espèce d’hétérophobie, au sens de la haine de la différence ? » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 15) Je crois aussi qu’il y a au cœur de notre société gay friendly une véritable idolâtrie pour toutes les altérités (surtout les petites altérités narcissiques, qui ne sont pas fondatrices de l’Humanité, au détriment des grandes : l’altérité des sexes, des générations, des espaces, et divine), une folie pour l’hétérosexualité.

 

En général, les personnes homosexuelles qui chantent les bienfaits de la différence, qui se grisent de la marginalité « incorrecte » et « originale » que leur procurerait leur statut « d’ » homosexuels, finissent par avouer ce que l’on sait déjà depuis longtemps : qu’il n’y a pas de bonheur viable et durable dans la marginalité et l’isolement. « On est marginal, on est différent. Mais parfois, c’est pesant. On a envie d’appartenir à quelqu’un. » (la femme trans F to M dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier)

 
 

d) La « différence » = le viol

Le sentiment de différence qu’expérimentent beaucoup de personnes homosexuelles peut provenir d’un viol réel, subi dans l’enfance ou plus tard à l’âge adulte, d’une mise à l’écart, d’un manque d’amour, d’un mépris social qui leur a donné la conviction d’être des moutons noirs, des parias. Il résonne comme un cri de ne pas avoir été reconnu comme unique… ou, ce qui revient au même, comme quelqu’un de trop différent ou de « pas assez différent ».

 

Le culte de la différence peut aller chez elles jusqu’à la schizophrénie : « Vers l’âge de neuf, dix ans, je me suis mis à organiser des émissions fictives de radio et de télévision. Je me prenais pour un animateur […]. Je me prêtais différentes personnalités pour composer mon personnage. Avec une constante : je portais un nom féminin et je parlais, grammaticalement, comme si j’étais une femme. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 28)

 

Parfois, il résulte tout bêtement d’un fantasme de viol. En réalité, certains sujets homosexuels n’aiment pas les différences de les avoir trop aimées, ou bien de s’être trompés sur leur compte, en s’imaginant naïvement qu’elles ne concernaient pas le Réel, ou qu’elles ne contrarieraient aucun de leurs petits désirs. Comme la réelle différence nous oblige toujours au renoncement, à l’écoute, au compromis, à l’ouverture coûteuse, au partage, elle est alors envisagée par eux comme une source de conflit, une terrible entorse à leur liberté, voire un viol. Ils la grossissent pour se faire plaindre, ou pour cacher qu’ils diabolisent leur propre homosexualité/différence. « J’aimais mieux me faire pointer du doigt comme drogué que comme gai. Les soirées de famille, les mariages, les sorties, tout ça me rappelait que je n’étais pas comme les autres. » (un témoin homosexuel dans l’essai Mort ou Fif (2001) de Michel Dorais, p. 74) L’homosexualité, je le crois, dit une véritable crise de la différence… crise qui se traduit socialement par une surenchère babélique des différences extérieures et subjectives (on met tout au pluriel, on parle d’une infinité de genreS), et par un déni des différences intérieures et objectives (offertes par le Réel et l’Amour).

 

L’acte homosexuel, qui est posé au nom du respect de la différence, signe pourtant concrètement « le déni de la différence la plus universelle et la plus lourde de conséquence : la différence des sexes, sous-tendant le déni de la différence entre la vie et la mort » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 135). C’est la raison pour laquelle le coming out et le « couple » homo, loin de libérer, enferment encore plus la personne dans la confusion identitaire et amoureuse : « Ce n’est pas facile de se considérer pas comme les autres. » (Brahim Naït-Balk dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt)

 
JE SUIS DIFFÉRENT Copi 1

Planche "Miroir" de copi, dans la B.D. "Le Monde fantastique des Gays"

Planche « Miroir » de copi, dans la B.D. « Le Monde fantastique des Gays » (… où comment la recherche excessive de la « différence homosexuelle » se retourne en homophobie)

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°102 – « Je suis un Blanc-Noir »

Icône 101

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 
 

OREO’S

 

L’homosexualité est à la différence des sexes ce que le racisme ou le déni de la réalité des races est à la différence des espaces : une honte de soi et des autres, un refus de nos limites et des différences à force de sublimer celles-ci. Tout ça sublimé par un semblant de militantisme LGBT anti-homophobie et anti-racisme.
 

Publicité parfum de Jean-Paul Gaultier

Publicité parfum de Jean-Paul Gaultier


 

Bien des personnages homosexuels de fictions traitant d’homosexualité expriment le souhait d’être à eux seuls la synthèse raciale de l’Homme blanc et de l’Homme noir, l’allégorie séduisante et humaniste du Métissage. Ils traduisent généralement une fuite du Réel, un désir de toute-puissance, et un élan de fusion mi-aimant mi-violent, présents chez certaines personnes homosexuelles réelles qui, à force de sacraliser les individus de la race supposée « totalement opposée » à la leur, finissent par les mépriser et par chercher à leur dérober leur place de puissants/victimes.

 

À l’heure actuelle, on assiste effectivement à un revival néo-colonialiste via l’homosexualité, revival dont Noirs comme Blancs sont complices.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Noir », « Orphelins », « Homosexualité noire et glorieuse », « Méchant pauvre », « Doubles schizophréniques » et « Amour ambigu de l’étranger » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Vidéo-clip "United Colours Of Bande de Cons" de la chanson "Lo Mejor De Mi Vida Eres Tu" de Ricky Martin

Vidéo-clip « United Colours Of Bande de Cons » de la chanson « Lo Mejor De Mi Vida Eres Tu » de Ricky Martin


 

Certaines personnes homosexuelles ont un rapport mi-passionnel mi-méprisant à la négritude. Non seulement elles adorent les Noirs, et surtout leurs images, mais en plus, elles prétendent les avoir absorbés. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’entre elles se revendiquent colored men alors qu’elles sont pourtant nées blanches. « Dieu est une lesbienne noire » pouvons-nous lire encore aujourd’hui sur les pancartes de certaines Gay Pride. Dans les années 1970 aux États-Unis, prétendre qu’on aime les Noirs ou qu’on est homosexuel, cela revient souvent au même : le slogan « Gay Power ! » se marie très bien avec la défense du Girl Power et du Black Power. Plus qu’une histoire de race précise, le désir homosexuel fait vouloir changer radicalement de peau : par exemple, James Baldwin, Bill T. Jones, ou Michael Jackson, qui sont Noirs, rêvent de devenir Blancs. Ce qui au départ se présente comme un métissage plutôt rigolo vire souvent au racisme primaire et à la haine de sa propre race. Beaucoup de personnes homosexuelles s’approprient des combats pour l’égalité des races et de sexes qui ne sont pas exactement les leurs, tout cela pour légitimer leurs propres intérêts particuliers. Elles ne supportent pas leur propre couleur de peau et prétendent très sérieusement qu’elles sont de la race de ceux qu’elles considèrent faire partie de la « race maudite » ou de la « race bénie ». « Je ne suis pas des vôtres, je suis éternellement de la race inférieure, je suis une bête, un nègre. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972), p. 125 et p. 329)

 

Photographie par Robert Mapplethorpe

Photographie par Robert Mapplethorpe


 

La demande d’inversion entre le masque du Noir et celui du Blanc n’a rien de révolutionnaire, d’émouvant, ou de comique, puisque les différences de couleurs de peau sont des réalités. Au contraire, elle est réactionnaire et eugéniste. Au Noir réel, certaines personnes homosexuelles lui préfèrent ce qu’il représente pour elles. À leurs yeux, il ne suffit pas qu’il ait la peau noire pour être Noir. Il faut qu’il traîne avec lui l’image stéréotypée et misérabiliste qu’elles s’en font : « Pour moi, l’Afrique, c’est une découverte essentielle ! Parce que c’est un continent perdu. Absolument condamné. Je n’écrirais pas s’il n’y avait pas ça. » (Bernard-Marie Koltès cité sur l’article « Bernard-Marie Koltès » de Jean-Philippe Renouard, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2002) de Didier Éribon, p. 277) Elles demandent au Noir de coller en acte, en identité et en mode de vie, à son étiquette médiatico-romantique. « Cultive (l’image de) ta différence ! » serait l’ordre qui lui est implicitement donné. C’est pour cette raison que Jean Genet dit qu’« il faut que les Nègres se nègrent », tout comme Michel Foucault soutient que les personnes homosexuelles doivent « s’acharner à être gay » (Michel Foucault, « De l’amitié comme mode de vie » (1981), dans Dits et Écrits II, p. 982). La communauté homosexuelle n’est pas vraiment attachée aux Noirs mais à un « certain Noir », c’est-à-dire à une allégorie exotique de négritude qui lui barre l’accès au vrai Noir. « Ce que nous aimons, c’est toujours un certain mulâtre, une certaine mulâtresse. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe, op. cit., p. 377) C’est parce que le Noir ne correspond pas parfaitement à son image d’Épinal que certaines personnes homosexuelles finissent, comme Duane Michals, par le traiter intérieurement de « vilain ».

 

La majorité d’entre elles aiment le Noir dans la mesure où il peut les transformer en Hommes maudits. Elles adoptent une curieuse philosophie du métissage puisqu’elles l’associent souvent à l’union sadomasochiste ou bien à la féminité diabolique. C’est la raison pour laquelle, dans leurs films, et parfois dans la réalité concrète, la race noire et la race blanche ne s’unissent que dans la prostitution, l’adversité, ou la mort. Le fantasme homosexuel par excellence semble être de vivre une sorte d’apartheid à distance. Un monstrueux « black or white » digne de Michael Jackson.

 
NOIR-BLANC homophobie
 

Ce qui me semble éthiquement malhonnête dans cette histoire, c’est de faire croire que la différence de couleurs de peau est de la même importance, et de même nature que la différence des sexes, qui elle, concerne la Vie. On peut être de race noire ou de race blanche, cela ne change rien à notre dignité humaine commune, et cela n’a pas d’incidence sur la vie d’un être humain. En revanche, la différence des sexes, quant à elle, est LE facteur déterminant de notre présence sur Terre (… en plus de l’existence de Dieu). Dans le cadre des revendications des « droits des homos » dans lesquelles le respect des Noirs est placé au diapason des revendications d’ordre sexuel, on se sert d’une différence physique qui n’a pas d’enjeu sur la Vie, qui n’est qu’une valeur ajoutée à la Vie, pour la mettre sur le même plan anthropologique que la différence des sexes, et ainsi mieux nier cette dernière… voire même la différence des espaces du coup, car je ne suis pas sûr qu’à trop vouloir se servir de la race noire comme faire-valoir d’un métissage bisexuel universel, on la respecte vraiment.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

Le mixage fusionnel des couleurs de peau noire et blanche est traité dans beaucoup d’œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité : c’est le cas de la chanson « Black Or White » de Michael Jackson, la chanson « Soy De La Raza Calé » de Miguel Frías Molina, le film « Black Mama, White Mama » (1972) d’Eddie Romero, le film « Black And White » (2000) de James Toback, le film « Madagascar Skin » (1995) de Chris Newby, le film « Frantz Fanon, peau noire masque blanc » (1996) d’Isaac Julien, le film « Noir et Blanc » (1986) de Claire Devers, la chanson « Je voudrais être blanche » de Joséphine Baker, la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters (on y voit une pancarte « Black and White Unite »), l’affiche du spectacle Calamity Jane : Lettres à sa fille (2009) de Dominique Birien (avec le cheval blanc et le cheval noir), le tableau La Blanche et la Noire (1913) de Félix Valotton, le vidéo-clip de la chanson « Lo Mejor De Mi Vida Eres Tú » de Ricky Martin, la série Orange Is The New Black (2013) de Jenji Kohan, le vidéo-clip de la chanson « How Well I Know » de Whitney Houston, la chanson « Clairvoyant » de Nakhane, la chanson « Oh Lord » d’Aude Henneville, etc.

 

Tableau "La Blanche et la Noire" de Félix Valotton

Tableau « La Blanche et la Noire » de Félix Valotton


 

Certaines créations artistiques racontent la rencontre amoureuse entre un Blanc et un amant Noir, dessinent en quelque sorte les « Couleurs de l’Amour » : cf. le film « Children Of God » (2010) de Kareem Mortimer (avec Roméo, un beau jeune homme noir, et son copain le blondinet Johnny), le vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer et Seal, la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé (avec Clotilde et sa compagne noire), le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes, le film « The Watermelon Woman » (1996) de Cheryl Dunye, la série nord-américaine Six Feet Under (David, le cadet de la famille est en couple avec un Noir), le film « The Family Stone » (« Esprit de famille », 2005) de Thomas Bezucha (dans lequel Ben a un copain noir), le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier (avec le couple homo Claude Rich/Dieudonné), le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald (notamment avec la danse saphique finale entre la mère blanche de Jamie et la voisine noire Leah), le roman Un Amor Fora Ciutat (1959) de Manuel de Pedrolo (avec Miquel, l’amant noir), etc.

 

Certains personnages changent magiquement de couleur : « Il n’est plus un serviteur blanc. Il est devenu un serviteur noir. » (Khalid en parlant d’un domestique noir du Roi Hassan II, dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 14) ; « Ainsi, d’individu de couleur, je devins blanc. » (Pretorius dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Sa vue se brouillait. Il tenta de fixer son regard sur Lacour-Farotte. Ce n’était plus le Président qui s’exprimait mais un masque africain, primitif et impressionnant, qui grimaçait, posé sur le corps de Lacour-Farotte. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p. 241) ; « Il éteignit la lumière, puis tenta de faire une mise au point sur la fenêtre d’en face. […] Il lâcha les jumelles. Il les ramassa et regarda de nouveau. Dans une pièce aux murs couverts de masques africains, Martine Van Decker, immobile, murmurait d’interminables borborygmes en l’observant. » (idem, p. 248) ; « Je m’appelle Jamie Mitchell. J’étais un enfant acteur. Je jouais dans une séré télé, One of the Family. Vous avez déjà vu l’épisode où un riche couple de Noirs adopte un petit prolo blanc à qui ils cachent qu’il est blanc ? [Il se lève pour interpréter à nouveau son rôle de faux Noir]Je suis albinos !!!’. » (Jamie avec son amant Jamie pendant la consultation devant la psy, dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell) ; « La vie est bien étrange. J’ai connu cette fille rue du docteur blanche, une peau noire qui brille. » (cf. le poème « Noire et Blanche » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 35) ; « Je t’adore, ma beauté nègre. » (Prior à son amant blanc, dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « George Washington était une lesbienne noire. » (le professeur d’histoire souhaitant une grande liberté de ton dans ses cours, dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller) ; etc.

 

Tableau de Michel Giliberti

Tableau de Michel Giliberti

 

Le personnage homosexuel blanc exprime le désir d’être Noir : « Un lien entre nous deux, nos origines, existait quelque part dans ce monde, sur cette terre. Un lien où son sang rejoignait le mien, où ma peau et la sienne n’en faisaient qu’une. Une peau noire, forcément. Contrairement à tant d’autres au Maroc, les Noirs ne me dérangeaient pas. » (Omar, le héros homo parlant d’Hadda sa bonne/mère noire, le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 79-80) ; « Je suis l’Afrique où seule la chair déborde. » (Lourdes dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je ne suis pas blanc ! » (Johnny, le héros homosexuel blanc s’adressant à son copain noir-ébène Romeo qui le traite de « Blanc maigre », dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer) ; « Avant, sur Terre, on était tous des Re-nois. » (Steeve, l’un des héros homos – le Blanc – dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays) ; « Le Jésus noir est beaucoup plus sexy que le Jésus blanc. » (Lily s’adressant à Éric le héros homo noir possédant un cadre du Christ noir au-dessus de son lit, dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc. Il est fréquent de voir des personnages homosexuels blancs s’arranger physiquement pour ressembler à des Noirs : par exemple, dans la pièce La Tour de la Défense de Copi (mise en scène en 2010 de Florian Pautasso et Maya Peillon), les comédiens s’enduisent de maquillage noir. Dans le film « L’Orpheline » (2011) de Jacques Richard, Eléonore, manchote, va se faire greffer un bras de Noire. Dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, la chanson « Tout doucement » de Bibi est play-backée par un travesti blanc. Dans la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas, Billy est décrit comme un Blanc « noir », un « fils du blues », un « Noir américain passé au Décap’Four ». Dans l’adaptation théâtrale d’Une Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud, par Nâzim Boudjenah en 2008, le protagoniste se peint en noir, et proclame fièrement : « Je suis de race inférieure de toute éternité. » Il se considère même comme plus Noir que les vrais Noirs : « Je suis une bête, un Nègre. […] Vous, vous êtes de faux Nègres ! » Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas, l’un des deux héros homos (blancs), porte un tablier de cuisine représentant un corps nu et musclé d’un homme noir. Quand il s’absente, son copain François l’enfile également. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, s’entend dire : « Vous êtes comme un Nègre. » ; et affirme ensuite : « Je pense que je suis Noir, en plus de Juif. » Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, John, le héros homo, interprète dans la série Hellsome High le personnage d’Adam White qui, pour disparaître de la série, est envoyé par les scénaristes en voyage spirituel en Afrique.

 

Dans son one-woman-show Chatons violents (2015) d’Océane Rose-Marie, Océane, l’héroïne lesbienne bobo blanche, va visiter l’exposition Exhibit B à Paris, expo réalisée en 2014 par un artiste blanc sud-africain mettant des noirs en cages pour symboliser et soi-disant « dénoncer » le racisme… mais sans comprendre que son mimétisme du racisme est en réalité un nouveau racisme puisqu’il a simulé un « zoo humain » avec des vraies personnes noires dedans. Plus tard, quand Océane raconte les années scolaires dures où elle se sentait étrangère aux autres parce que lesbienne, il déclare : « Mon adolescence : un Grand Moment de Solitude. J’étais la Renoi du lycée. »
 

À l’inverse, du Noir vers le Blanc, ça marche aussi ! Le personnage homosexuel noir se grime en Blanc, se blanchit la peau. « C’était mon rôle! » (une femme noire jalousant le chanteur gay blanc présent sur scène, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Quelle chance, mon amour ! Il est blanc ? » (China s’adressant à Rogelio au moment de la naissance de leur fils, dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1992) de Copi ; « Archiblanc ! » lui répond Rogelio) ; « Me mange pas. Tu vas être malade. » (Shirley Souagnon se décrivant comme un « yaourt périmé » face aux hommes, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « J’vais t’en faire bouffer, du produit blanchissant, tu vas voir ! » (Laurent Spielvogel imitant Marie-Louise la femme de ménage noire lesbienne en parlant de lui, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, l’homosexuel noir s’applique un « maquillage pour peau exotique ». Leah, la Noire du film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, porte des masques de beauté blancs pour ressembler à une actrice blanche. Dans le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, Omar, le Pakistanais noir, monte une blanchisserie. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Ruzy, le footballeur d’origine africaine noire, nie qu’il soit Noir : il soutient qu’il est Brésilien. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, l’hétérosexualité est associée à la race blanche, et l’homosexualité à (la marginalité de) la race noire. En effet, Bernard, le héros homo, raconte son seul et premier vrai émoi homosexuel pour Peter, un jeune homme blanc bourgeois chez qui il servait : « Il ne m’a jamais remarqué. Et il est hétéro… » Dans le vidéo-clip de la chanson « Symphony » (2017) de Clean Bandit, le couple homo formé par deux Noirs fait de la peinture blanche et s’en badigeonne un peu le visage. Se peindre en blanc semble ici signifier « s’homosexualiser » et revêtir sur sa peau noir le sentimentalisme occidental, les bons sentiments des Blancs transposés sur les Noirs.

 

Le personnage homosexuel noir exprime parfois le désir d’être Blanc : cf. le film « J’aimerais, j’aimerais… ou la triste histoire d’Antoine Blanchard » (2006) de Jann Halexander.

 

« Je suis un Blanc-Noir » est exactement le discours du prostitué (celui qui joue au Blanc tout en souhaitant garder son charme exotique de Noir, son identité vengeresse d’autochtone anti-Occidentaux) : « Mon amour pour votre nation / se fait par ma prostitution / Je prends des Blancs de classe moyenne / Question d’amour et d’argent, Maman / Et le luxe est mon meilleur amant / C’est une question harassante, que l’or. » (cf. la chanson « Question d’amour et d’argent » de Jann Halexander) L’homme noir se prend pour un caméléon, un Homme invisible sans couleur attitrée : « Ça va du noir jusqu’au très blanc. » (cf. la chanson « Les gens de couleur n’ont rien d’extraordinaire… » de Jann Halexander) ; « Invisibles, c’est mieux de goûter au luxe de l’indifférence. » (idem) ; « Je suis une photographie en noir et blanc. » (cf. la chanson « Mélancolie toujours » de Jann Halexander) ; etc.

 

Film "The Watermelon Woman" de Cheryl Dunye

Film « The Watermelon Woman » de Cheryl Dunye


 

La croyance raciste qu’une race peut en contaminer une autre par fusion au point de dénaturer les deux couleurs de peau en même temps, dans l’amour comme dans la maladie, est parfois véhiculée. « C’est horrible d’avoir faim. Il y a des gens qui en deviennent tout blancs et qui meurent dans d’atroces souffrances. » (Kanojo, l’héroïne lesbienne noire, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Il aimait ce corps d’homme métis. […] Adrien eut le sentiment étrange de n’être pas le seul à aimer un pareil corps. Il éprouva même une certaine gêne à l’idée que son regard s’inscrivît dans une longue chaîne de regards portés sur l’homme ébène. Désirs de Blancs fascinés par la puissance du corps du Noir, au point de vouloir la lui dérober, la posséder pour eux. N’était-il pas dans son regard comme un fils de colon, fier de tenir pour lui ce corps endormi ? » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), pp. 50) ; etc.

 

Le mélange racial proposé à plus à voir avec la peinture qu’avec le sang (= le Réel), autrement dit avec l’ART d’inversion d’un apprenti sorcier plutôt qu’avec les réalités de la procréation, de la rencontre d’Amour effective, du métissage concret entre deux êtres humains différents et complémentaires : « Et si je mettais une cape en singe noir ? Le singe noir et le cygne blanc c’est très intéressant ensemble. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986), p. 260) ; « Tu t’es toujours demandé si les zèbres étaient blancs à rayures noires, ou noirs à rayures blanches. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 124) ; « Je suis un Nègre-Blanc qui se fait chier à bouffer du cirage. » (un personnage blanc de la pièce Le Cabaret des utopies (2008) du Groupe Incognito) ; etc.

 

La fusion entre le Blanc et le Noir exprime très souvent chez les héros homosexuels l’impression de ne pas exister, d’être invisible. « Moi, maintenant, dans l’obscurité, on me voit. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Je suis en noir et blanc toute la journée. » (le père Raymond gay friendly, avouant son « inhumanité », dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; etc. Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa, de race noire, dit qu’elle se fond dans le fond noir de la scène.

 

Quand le personnage homosexuel change de visage, cela indique en général un mensonge, une imposture anthropologique. Dans le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun, par exemple, Dany, l’homosexuel noir, doit se faire passer pour le papa blanc d’un « enfant café au lait ». Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, ce mélange dit la virtualité internétique entre les deux amants Simon (héros blanc) et Bram (héros noir juif). Bram arrive à se signaler amoureusement à son futur amant Simon grâce aux biscuits de la marque Oréo (face blanche, face noire). Et par ailleurs, Madame Albright, la prof de théâtre du lycée noire au nom de famille brillant, est lesbienne et « n’aime pas les hommes ». Dans la série Bref, mon frère est gay d’Anal +, le frère du héros lui roule sur le pied avec sa voiture, et met cela sur le dos de sa négritude alors qu’il est Blanc : « Désolé. Parfois, je conduis vraiment comme un Noir. »
 

Ce désir d’être Blanc-Noir renvoie également à une envie (typiquement bisexuelle/transsexuelle) d’incarner égocentriquement la différence des sexes, d’être Dieu tout seul. « Vincent McDoom, il est métisse : moitié homme, moitié femme. » (Anthony Kavanagh dans son one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out, 2010) ; « Moi, j’suis Africain. J’suis un Rasta-Blanc. » (le fumeur de bédault blanc et bisexuel dans la pièce Bang, Bang, (2009) des Lascars Gays) ; « Sera-t-il fille ou garçon ? Albinos ou maricón ? » (Ahmed en parlant de son fils arrivant au monde dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, p. 359) Dans la pièce La Pyramide (1975) de Copi (mise en scène par Adrien Utchanah en 2010), par exemple, le vendeur d’eau est déguisé en moitié-homme, moitié-femme, chacune des parties étant attribuée soit au maquillage noir, soit au maquillage noir.

 

Souvent, le personnage homosexuel prend la position de l’inter-racé, du marginal sans couleur de peau, situé dans un intermédiaire presque angélique. « Les Noirs, s’ils devenaient blonds, ça deviendrait plus correct. » (Arnold, l’un des héros homos de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « Depuis tu cueille les fleurs du mâle, heureux de vivre en diagonale comme un fou sur son jeu d’échecs. Allez savoir à quoi ça tient de naître noir, ou blond, ou brun, ou d’être gay. » (c.f. la chanson « À quoi ça tient » de Romain Didier). Il se comporte exactement comme la bourgeoise raciste ET anti-raciste de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier. Il est la figure par excellence de la haine de soi, celle qui nous fait désirer disparaître, être invisible. En effet, le transfert identitaire de races ne se fait pas sans violence. Par exemple, dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia, le travesti, se pique de jalousie pour Jenny, le trans noir, qui porte « sa » perruque blonde. Dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, David Bowie est retrouvé cramé dans sa machine à UV. Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il s’est lié d’amitié à l’école avec un certain Julien : « Un Africain blond aux yeux bleus, c’est bizarre, je vous l’accorde. »

 

Le souhait d’être un Blanc-Noir, de condenser en sa propre personne deux races physiquement très différentes, d’incarner solitairement le métissage (alors que celui-ci n’est beau que s’il est le fruit d’un partage d’amour entre deux personnes distinctes), traduit souvent une schizophrénie : je pense par exemple à Nina, l’héroïne lesbienne du film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, qui est mi-ange mi-démon, mi-cygne blanc, mi-cygne noir, et qui résout cette dualité dans la mort. « Si le noir et blanc me fait frissonner, c’est la couleur qui me fait peur. C’est grave Docteur ? » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012)

 

Avoir la peau blanche, ou bien la peau noire, on le voit bien, n’est pas en soi le vrai problème. Ce qui est réellement violent, c’est le désir de changer de peau, de se désincarner, de se déshumaniser, c’est la haine de soi donnant envie au personnage homosexuel de devenir quelqu’un d’autre. Dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, Hadda, la servante noire, souhaite changer de race en couchant avec Sidi, son maître blanc : « Laisse-moi faire revenir mon corps au centre de mon monde. Au contact de la peau blanche de Sidi Hamid. […] Mon corps, il m’a trahie. » (p. 197) On comprend que cette démarche, même si elle est présentée comme de l’Amour, traduit en toile de fond une honte existentielle. Le désir de devenir Blanc/Noir est la marque du viol, ou bien d’un désir de viol, qu’il soit exprimé par la victime ou par le bourreau : « Petit Maître m’a violenté. Nègre Blanc, il m’appelle Nègre Blanc. » (l’homo noir de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel)

 

Par exemple, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander, le métissage de la race blanche et de la race noire est vu comme une monstruosité : « Les métisses, c’est des bâtards. » ; « Chapitre III : Vaguement noir, vaguement blanc » On y entend à la fois un racisme anti-Noirs voilé, et surtout un racisme anti-Blancs qui sera amorti par la promotion d’une bisexualité matinée de lutte contre l’homophobie.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

BLANC-NOIR The Reception

Film « The Reception » de John G. Young


 

Je vous renvoie à la biographie Un Rajah blanc à Bornéo (2002) de Nigel Barley, au documentaire « Out In Africa » (1994) de Johnny Symons, etc. Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Bertrand s’extasie devant la « monstruosité » d’une toile de Sarriaco représentant un jeune homme noir albinos au « regard furibard ». Celia, la critique d’art qui l’accompagne, voit dans ces Noirs albinos qu’on exhibait dans les cours royales toutes les qualités.

 

Il est assez fréquent de voir des personnes homosexuelles, nées métisses ou se sentant ainsi, vivent en général assez mal le métissage (cf. je vous renvoie à la partie sur les « enfants adoptés » dans le code « Orphelins » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « J’appartenais à ma mère, selon la logique matriarcale. À mon père, d’après ses préceptes, qui d’ailleurs, commentait non sans ironie, que la filiation matrilinéaire n’avait pas de sens pour un garçon, et que le raisonnement de ma mère [blanche et française] était un désastre pour la société africaine. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 14) ; « J’étais, ainsi dit, le ‘moundélé’ du collège, pour ne pas dire ‘blanc’. » (idem, p. 27) ; « Toi, t’es comme un blanc. C’est honteux pour un noir, me répondait-on. L’homme est fait pour la femme, et les enfants pour la continuité du monde… » (idem, p. 62) ; « Ne crois pas que tu fais partie de la race blanche, même si ta mère l’est ! » (Yoro s’adressant à Bertrand Nguyen Matoko dans l’autobiographie de ce dernier, Le Flamant noir (2004), p. 139)

 

Le désir d’être Blanc (quand on est né Noir), ou Noirs (quand on est né Blanc) est plus répandu qu’on ne le croit parmi les membres de la communauté homosexuelle. Parmi mes amis homos blancs, certains m’ont avoué que dans leur enfance, ils avaient souhaité être noirs. Après, du côté des célébrités homosexuelles/bisexuelles, le cas se présente aussi. Par exemple, l’écrivain nord-américain James Baldwin se met dans la peau d’un Blanc pour écrire son roman Giovanni’s Room (1961). Fabrice Emaer, le créateur du Palace, se décrit comme « une blondasse qui travaille comme une négresse » (cf. la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 73). Le rappeur noir gay Mykki Blanco s’est choisi un pseudonyme scénique éloquent ! Le désir d’être une Noire est exprimée par Beatriz Preciado dans le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra. Dans les années 1930, l’écrivaine Colette tient une rubrique qu’elle baptise « La Jumelle noire » dans une revue appelée Le Journal. Des femmes féministes noires (Gloria Hull, Patricia Bell Scott, Barbara Smith, etc.) ont rédigé en 1982 un essai don’t le titre parle de lui-même : All The Women Are White, All The Blacks Are Men, But Some Of Us Are Brave. Le militant gay Pierre Vallières écrit Les Nègres blancs d’Amérique en 1968. La philosophe Simone de Beauvoir (qui ne dément pas éprouver une attraction charnelle pour les femmes) déclare que « Dieu est noir ». Dans son article « Donner aux morts » (dans la revue Magazine littéraire, n°313, septembre 1993), Paule Thévenin fait allusion chez l’écrivain français Jean Genet à « cet entêtement, à partir d’une certaine époque, à se déclarer non Blanc, à se vouloir à tout prix Colored Man » (p. 36). Le chanteur bisexuel Michael Jackson se fait réellement blanchir la peau. Dans le documentaire « Metamorphosis : The Remarkable Journey Of Granny Lee » (2001) de Luiz Debarros, Granny Lee est un Noir homosexuel qui veut devenir Blanc. Dans le documentaire « Boy I Am » (2006) de Sam Feder et Julie Hollar, Nicco, un homme M to F transsexuel né blanc déclare qu’elle ne veut plus être un « homme blanc ». Dans La Beauté du Métis. Réflexions d’un Franco-phobe (1979), Guy Hocquenghem dit sa haine de « l’homosexualité blanche » embourgeoisée, et se demande s’il n’est pas « né homosexuel […] comme une manière d’être à l’étranger, de lui appartenir et d’être chez lui ».

 

Les noms de scène et les pseudonymes que se choisissent certaines personnes homosexuelles évoquent l’inversion raciale Blanc/Noir, voire la fusion des deux couleurs de peau : par exemple l’écrivain blanc Essobal Lenoir, ou bien le photographe montpelliérain Chocolat Poire, etc.

 

Film "Brother To Brother" de Rodney Evans

Film « Brother To Brother » de Rodney Evans


 

Beaucoup de personnes homosexuelles blanches expriment le désir d’être noires, ou inversement, des personnes homos noires veulent être blanches : « Déjà, petit, je me disais : ‘Je veux être comme mes copains français, j’aimerais être blond. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 119) ; « James Baldwin est homosexuel parce qu’il a toujours désiré être blanc. » (le Roi Jones concernant son ami noir James Baldwin, cité dans le Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997) de Michel Larivière, p. 55) ; « Être trans, c’est un truc de Blanc. » (Norie, un homme M to F transsexuel noir souhaitant devenir un Blanc, dans le documentaire « Boy I Am » (2006) de Sam Feder et Julie Hollar) ; « Cette fascination du Blanc pour le Noir, c’est chez moi de l’ordre du désir, comme l’écriture, profond, mystérieux, fascinant. Souvent je m’interroge sur cette attirance pour l’homme noir. Et mes amis blacks ne m’ont jamais vraiment éclairé là-dessus, pas plus que les Blancs d’ailleurs ! » (le romancier français Hugues Pouyé dans le site Les Toiles roses en 2009) ; « Je me dis – romanesque ! – que je suis un peu métis. Mes ancêtres auraient-ils jeté quelque semence de blanc dans le ventre d’une femme noire, ou l’inverse peut-être. » (idem) ; « Je suis originaire d’un pays qui n’existe plus : le Sud. » (Julien Green à propos de la Guerre de Sécession nord-américaine, cité dans l’article « Julien Green, l’Histoire d’un Sudiste » de Philippe Vannini, Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 96) ; « Les lesbiennes sont des femmes marron, des échappées de leur classe. » (Monique Wittig, La Pensée Straight, 1979-1992) ; « Ce qui est remarquable, c’est que l’égalité entre Noirs et Blancs, hommes et femmes, semble avoir été générée par l’homosexualité. » (Colin Spencer, « La Politique à l’Âge du Jazz », dans Histoire de l’homosexualité de l’Antiquité à nos jours (1998), pp. 394-397) ; « Dans 30 000 ans, quand ils verront ça, ils ne sauront pas si c’est des mains de Blancs ou des mains de Noirs. C’est un joli symbole. » (Frédéric Lopez face à la pierre où il a imprimé sa main, dans l’émission Rendez-vous en terre inconnue, invitée Cristiana Reali en Australie, diffusée sur France 2 le 18 avril 2017); etc. À la question « Qu’est-ce que vous aimeriez être ? », le poète argentin Néstor Perlongher répond : « J’aimerais être Noir. Être un traître à la race blanche. Être, c’est devenir : devenir Noir, devenir femme, devenir enfant. » (cf. l’article « 69 Preguntas A Néstor Perlongher », 1997, p. 21) Interviewé dans un radio martiniquaise en 2004, l’écrivain congolais Bertrand N’Guyen Matoko, mi-martiniquais mi-vietnamien, dit qu’il est attiré par les Blancs, et regrette que les Blancs le voient comme un Noir, alors que les Noirs le voient comme un Blanc.

 

Campagne anti-Sida

Campagne anti-Sida


 

Le brouillage de la frontière entre Noirs et Blancs est une manœuvre pour se victimiser, pour promouvoir l’homosexualité discrètement et en donnant à cette dernière une apparence de diversité, de solidarité et de lutte contre les discriminations. « Je trouve le nom de ma psy sur internet associé à la Manif Pour Tous, je suis choquée, ces gens sont mon pire cauchemar. Je lui écris. Et elle finit par m’avouer à la séance suivante que oui… Nonnnnnn!!!!!! Je suis choquée, comme chaos sur le ring de boxe. J’y retourne, je veux savoir. Comment est-ce possible? ‘Si elle fait partie de la Manif Pour Tous, ce qui serait invraisemblable, j’arrête !’, avais-je dit à ma sœur. C’est comme être juif et être en face d’un nazi, ou être noir et être en face du Ku Klux Klan. » (une femme lesbienne témoignant dans l’article « Ma psy est ‘Manif Pour Tous’ ») Par exemple, dans le docu-fiction « Elena » (2010) de Nicole Conn, la banalité ET la beauté de l’homosexualité pratiquée est prônée à travers les interview de couples mixtes Noir/Blanc (hétéros ou homos, peu importe).

 
fatus affiche
 

Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus se prend carrément pour un Noir (l’affiche du spectacle illustre d’ailleurs parfaitement cette schizophrénie spaciale), sous prétexte que les races n’existent pas et qu’il rêve d’un monde sans frontières, sans communautarismes, sans étiquettes, qu’il se prend pour un jazzman : « Avec les lunettes Megachrome, vous pouvez voir les gens de couleur en blanc ! » ; « Moi, mon fantasme, ce serait d’être Noir. Ils ont trop la classe, les Noirs. Ils ont bercé toute mon enfance : Billie, Ella, Charlie. Et à la trompette [se désignant lui-même] : le Nègre blanc ! » ; « Mesdames et Messieurs, ce soir, je suis fier d’être Noir ! ». Ce qui ressemble à un hommage transracial, à une belle déclaration d’amour universel se mute très vite en racisme : « Les races n’existent pas. Y’a l’espèce humaine. C’est tout. » ; « Je connais un clown noir qui déteste les Juifs. Il s’est maqué avec un groupe de clowns blancs qui détestent la Shoah. » Fatus joue d’ailleurs le raciste xénophobe avec son assistant Zoran : « Je te rendrai tes papiers à la fin de la tournée. On avait dit ‘Pas de Noirs’ sur la tournée ! De toute façon, comment veux-tu qu’on s’entende ? on est trop différents ! » Il met également en scène un concept de jeu télévisé raciste, intitulé Qui nique qui ?. Mais il noie ensuite le poisson dans la désinvolture et le déni relativiste : « Le racisme, la xénophobie, c’est tellement gluant comme sujets. Si je devait en parler devant 500 personnes, je serais bien emmerdé. » ; « Un clown, noir, pédé, d’extrême gauche… J’en ai marre des étiquettes. » ; etc. Au bout du compte, il n’aime du « Noir » que le fantasme cinématographique qu’il s’en est fait. Il dit d’ailleurs qu’il est suivi par une ombre. Son goût pour la négritude, et son déni des différentes couleurs de peau par son mépris du mot « race », cachent chez ce comédien bisexuel, en plus d’un délire identificatoire sincère, une véritable francophobie, un violent anti-patriotisme, un meurtre programmé de la différence des espaces. C’est effrayant de voir des gens qui détestent comme ça la France, ces désirs de guerre civile explicitement et inconsciemment exprimés. (N.B. : Je ne justifie pas pour autant Morano ^^)
 

Lors du débat intitulé « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s » organisé par l’association David et Jonathan à la Mairie du XIe arrondissement de Paris le 10 octobre 2009, Patrick Bloch, un intervenant blanc venu témoigner de sa « joie » d’être, avec son compagnon (blanc aussi), les « parents » de plusieurs enfants noirs adoptés avec qui ils formeraient une « famille heureuse et unie » (désolé pour les nombreuses guillemets, c’est plus fort que moi…) a employé des mots qui, mine de rien, derrière le ton rigolard et bien intentionné du propos, distribuaient des rôles et des couleurs à tout le monde sans prendre en compte la réalité concrète des personnes concernées : « Je suis Noir aussi, faute de le sentir sur ma peau, parce que mes deux enfants le sont. » ; « Je suis né dans une famille black, blanc et rainbow. »

 

Jama Stark, en 1987, avec sa « Vanitas, robe de chair pour albinos anorexique »

Jama Stark, en 1987, avec sa « Vanitas, robe de chair pour albinos anorexique »


 

On entend certaines personnes homosexuelles ré-écrire leur vie et leur identité raciale avec des « si », se mettre à la place des Noirs pour les animer comme des marionnettes (ou se faire parler eux-mêmes), avec les meilleures intentions du monde, en plus : « Si j’avais été Noire, j’aurais peut-être fait un film sur les Noirs. » (Jeanne Broyon dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger) ; « Je ne peux pas m’empêcher de me demander comment je réagirais à ces difficultés si ma peau était noire et si je vivais aux Antilles. » (Lionel Vallet cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 54) ; « Avec la neige, j’ai toujours les idées noires. » (André, l’un des deux hommes homosexuels du docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; etc.

 

La démarche de vouloir « transcender/déconstruire » les races paraît séduisante et poétique, intellectuellement parlant : le rouleau compresseur de la déesse Égalité voudrait effacer les frontières, les différences, les conflits entre les Hommes, pour que la communion universelle soit complète… mais à trop chercher le bien des personnes sans reconnaître leur unicité, on finit par porter atteinte au Réel, par ne plus reconnaître l’Autre dans sa BELLE et SOLITAIRE différence. Les termes employés par ces prosélytes de l’Égalité sont paradoxalement d’une violence inouïe. Par exemple, sur son article « Pourquoi et comment notre vision du monde se ‘racialise’ ? » publié dans le journal Le Monde du 4-5 mai 2007, le sociologue émérite Éric Fassin défend « un devenir-noir qui fait exploser le concept de race » (p. 15). Les races sont-elles si diaboliques et mauvaises pour qu’on souhaite à ce point les faire « exploser », les neutraliser, sous couvert de défense des différences ?

 

Ce n’est pas un hasard si, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko constate que la pratique de l’homosexualité ou de l’homophobie est identique en Occident et en Afrique. Les deux hémisphères fusionnent et s’imitent dans la violence dès qu’il s’agit d’actualiser et de justifier/banaliser/diaboliser le désir homosexuel : « Évidemment, de même que mes copains de Brazzaville, je retrouvais l’identique raisonnement. D’un continent à un autre, les vues d’esprit étaient donc les mêmes. » (p. 102)

 

La recherche trop fiévreuse du Noir ressemble chez certaines personnes homosexuelles à une démarche narcissique, quand bien même ce reflet soit obscurcissant : « À côté des maisons anglaises construites par la compagnie des chemins de fer anglais, il y a longtemps, s’étendait une mare de pétrole noir ou d’huile noire, déchet de locomotives. Nous aimions nous en approcher ensemble, et nous contempler dans ce miroir noir. » (Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), pp. 156-157) Comme l’explique par exemple Stuart concernant Frantz Fanon, le rapport au peuple noir de l’auteur du bien nommé roman Peaux noires, masques blancs (1952) est de type incestueux : « On est très près du complexe d’Œdipe. »… ou, dit autrement, du paternalisme/de l’infantilisme. Pareil du côté des Noirs réels qui désirent être des Blancs. Ce désir de fusionner avec l’Homme blanc n’est pas à entendre uniquement comme un amour fou, mais d’abord comme un narcissisme mortifère, un rêve d’invisibilité.

 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi (cf. planche "Le Roman")

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (cf. planche « Le Roman »)


 

À mon avis, l’identification au Blanc-Noir montre que l’homosexualité est un désir de devenir objet. On le voit très bien par exemple à travers les personnes transgenres de couleur, à travers l’obsession chez certains Noirs de se convertir en Blancs, sous l’influence des diktats de la mode et de la télévision. Actuellement, l’éclaircissement ou la dépigmentation de la peau connaît un essor important sur le continent africain. Pour entrer dans les canons de beauté des Occidentaux, certaines personnes ont recours à des produits dangereux (L’eau de javel est mélangée à des laits de corps pour accélérer le processus ; l’hydroquinone et ses dérivés sous forme de lait, crème, savon sont aussi très prisés).

 

Par exemple, dans le documentaire Et ta sœur (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, Sœur Belphégor – sœur de la Perpétuelle Indulgence – est peinturlurée de blanc sur sa peau noire. Dans le docu-fiction « Miwa : à la recherche du Lézard noir » (2010) de Pascal-Alex Vincent, l’acteur Akihiro Miwa se convainc de n’être ni homme ni femme, ni hétéro ni homo, ni blanc ni noir. Le documentaire « Jenny Bel’Air » (2008) de Régine Abadia, retrace la vie de Jenny Bel’Air, le travesti M to F est connu pour avoir été dans les années 1980 le physionomiste excentrique et redouté du sulfureux Palace. Il est décrit comme une synthèse raciale : « Transgenre, ni Blanche ni noire, une violence à faire peur et une douceur attendrissante, Jenny a le port d’une reine et l’âme d’une clocharde à moins que ce ne soit l’inverse. » (cf. le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 80)

 

Je voudrais terminer ce code par un témoignage personnel. Le 16 août 2016 dernier, j’ai eu une longue conversation téléphonique avec une femme de 30 ans, lesbienne mais qui n’est jamais passée à l’acte homo (son attraction pour les femmes reste de l’ordre purement pulsionnel et fantasmé), et qui a été heureuse de lire mon livre L’homosexualité en Vérité parce que pour une fois, m’a-t-elle dit, elle a pu entendre que l’homosexualité était un mal et une tendance à ne pas pratiquer, et que c’est ce que sa foi catholique et son intuition lui ont toujours inspiré. Son discours était très posé, très serein, et j’ai senti qu’elle était allée très loin dans sa réflexion sur l’homosexualité. Ça fait plaisir de tomber sur des filles (et des sœurs homosexuelles) comme ça ! Elle m’a recontacté le lendemain car elle a farfouillé dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Et en lisant le présent code « Je suis un Blanc-Noir », voilà ce qu’elle m’a révélé, et que je peux publier, avec son autorisation. Ça me réconforte. J’ai un peu moins l’impression d’être un OVNI ou un fou ou un méchant. « Salut Philippe, Je suis tombée sur ton article ‘Je suis un Blanc-Noir’. J’ai des origines africaines et françaises, donc forcément ça m’a intriguée. Je l’ai trouvé très intéressant. J’ai déjà fait le parallèle entre l’homosexualité et la différence noirs/blancs avec tous les problèmes identitaires qui peuvent en découler. Tes analyses pour mieux comprendre le désir homosexuel sont très justes ;-). En tant que femme noire (ou métisse peu importe) je suis choquée de toutes les représentations qu’on peut mettre sur ma couleur de peau. Et oui souvent j’ai voulu être blanche pour être « neutre » ou invisible. Que l’on considère qui je suis, ma personnalité, ma beauté sans faire de moi un objet. Il y a une vraie représentation négative des femmes noires, qui serait moins féminines ou séduisantes que les femmes blanches (c’est le même problème avec la femme lesbienne d’ailleurs). Certains blancs ne voient les noirs que comme des corps comme si toute leur identité était dans leur apparence (peut-être en lien avec l’esclavage, la marchandisation des corps). J’ai un ami (blanc) qui n’est attiré que par les femmes noires et qui ne ressent absolument rien pour les femmes blanches, il m’a dit : ‘Quand tu te l’avoues, c’est comme un gay qui fait sont coming out…’ Enfin voilà je pourrais en parler pendant des heures…Juste pour te dire que c’est un très bon article qui dit beaucoup de choses. »
 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°103 – Jeu (sous-codes : Jeux vidéo / Internet / Jeu virant au drame / Jouet)

Jeu

Jeu

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

 

Qui veut jouer avec moi ?

 

Quand il y a des enjeux de vie et de mort, de liberté humaine bafouée, de violence, le jeu, même invoqué sous de séduisants prétextes artistiques, humoristiques, amicaux, politiques, amoureux, sexuels, s’arrête vite… S’il se prolonge, il se transforme en viol, en manipulation. Or comme le désir homosexuel, de par son rejet de la différence des sexes (qui est LE « roc » du Réel par définition, sans lequel aucun d’entre nous ne seraient là pour en parler), n’est pas ancré dans la Réalité, il a du mal à connaître et à faire connaître à celui qui s’y adonne la claire distinction entre le jeu et les limites de celui-ci. C’est la raison pour laquelle, dans les œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité, voire parfois dans la vie concrète des personnes homosexuelles, le jouet conduit régulièrement au viol et à la mort ; le jeu tourne au drame. Oui, la Réalité a ses règles ; et c’est quand on y consent qu’on vit pleinement heureux, qu’on peut vraiment s’amuser sur cette Terre. À prendre l’existence humaine trop au sérieux ou au contraire trop au ludique/au virtuel/à la légère, les personnes homosexuelles, en célébrant les jeux pour se fuir elles-mêmes et fuir les autres, passent souvent à côté du vrai Jeu, celui de l’Amour, de la Joie, et même de la sexualité, celui qui fait comprendre que le bonheur profond est d’appréhender les limites du Réel pour mieux vivre/jouer avec, et de savoir s’imposer des contraintes.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Adeptes des pratiques SM », « Homosexualité, vérité homosexuelle ? », « Musique comme instrument de torture », « Télévore et Cinévore », « Humour-poignard », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Drogues », « Fan de feuilletons », « Pygmalion », « Amant narcissique », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Magicien », « Poupées », « Super-héros », « Conteur homo », « Androgynie Bouffon/Tyran », « Éternelle jeunesse », « Différences culturelles », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Liaisons dangereuses », « Manège », à la partie « Play-back » du code « Substitut d’identité », à la partie « Fêtes foraines » du code « Cirque », à la partie « Bilboquet » du code « Parodies de Mômes », à la partie « Foot » du code « Solitude », à la partie « Carte » du code « Inversion », à la partie « Mélodrame » du code « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

FICTION

 

a) L’homosexualité ludique :

Cf. je vous renvoie au code « Humour-poignard », à la partie « Carte » du code « Inversion », et à la partie « Bilboquet » du code « Parodies de Mômes », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Film "Claire Of The Moon" de Nicole Conn

Film « Claire Of The Moon » de Nicole Conn


 

Très souvent, dans les œuvres homo-érotiques, il est question du jeu : cf. le roman Jeux d’enfance (1930) de Giovanni Comisso, la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi (avec l’enfant-rat qui joue au train), le film « L’Arbre et la forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec les enfants jouant à « 1, 2, 3, Soleil »), le film lesbien « Poker Face » (2011) de Becky Lane, le bâti Norén Lars (2011) mis en scène par Antonia Malinova (avec Thomas, le héros à l’homosexualité latente, et fan d’échecs), la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi (avec le jeu de cartes), le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec la mention du jeu de cartes), la chanson « La Tapette en bois » de Jacki, le film « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent (avec les deux amis homos de Ricky jouant au Jeu des 7 familles), la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet (avec Mme Mime et la Reine de Cœur jouant ensemble aux cartes), la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti (avec les cinq adolescents qui jouent à Action ou Vérité), le film « Games That Lovers Play » (1971) de Malcolm Leigh, le film « Historia Du Kronen » (1994) de Montxo Armendariz, le film « La Règle du jeu » (1939) de Jean Renoir, le film « Hors Jeux » (1980) d’André Almuro, le vidéo-clip de la chanson « Rumour » de Chlöe Howl (avec les jeux d’échecs), le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha (les trois amis homos – Gabriel, Nicolas et Rudolf – se retrouvent régulièrement pour jouer au ping-pong), le film « Imitation Game » (2015) de Morten Tyldum, la chanson « Quand il n’y aura plus personne » du Beau Claude (avec l’amour considéré comme un jeu), etc.

 

Certains héros homosexuels aiment jouer et se disent fascinés par les jouets/jeux : « Dans la famille Mer [on entend « Mère »], je voudrais la grand-mère. » (Laure, l’héroïne lesbienne, parlant à son père pendant le Jeu des 7 familles, dans le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma) ; « Ginette [l’une des héroïnes lesbiennes] est certainement trop occupée à jouer aux cartes avec les copains. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 31) ; « Quand elle [Solange] était petite, à l’âge de 5 ans, elle était fascinée par un enfant qui vivait sur le même palier, de 2 ans son aîné, qui passait sa journée assis dans l’escalier en train de jouer au bilboquet […]. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 112) ; « Je suis allé à Las Vegas. Ça me semblait une destination assez gay friendly. Et là, je suis devenu un joueur professionnel : poker, black jack… J’étais très doué. » (André, homosexuel, dans l’épisode 365 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 27 décembre 2018) ; « Sauf que je joue pas. » (Hugo Quéméré, le héros homo, s’adressant à Julien à propos des sentiments qu’il a pour Barthélémy, dans l’épisode 441 de la série Demain Nous Appartient diffusé sur TF1 le 12 avril 2019) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, l’imaginaire du narrateur homosexuel est habité par « une statue en train de jouer au bilboquet […] (la statue, c’est-à-dire l’enfant, est juste au milieu de la place) » (p. 18). Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Adèle, l’héroïne lesbienne grandit dans une famille qui comate devant les jeux télévisés. Dans la mise en scène (2011) d’Érika Guillouzouic de la pièce Le Frigo (1983) de Copi, la scène préparée par le protagoniste homosexuel ressemble à une immense salle de jeux d’enfant, avec des peluches partout. Même topo avec le vidéo-clip très gay friendly de la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne lesbienne, vend des poupées et des trains dans une boutique de jouets.

 

Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, est très jeu, mais aussi très compétition jalousie : il joue avec sa meilleure amie lesbienne Camille à un blind-test Années 80, aux échecs avec l’hétéro beauf Stan, et propose même en fin de soirée à ses deux rivaux Ninon et Stan de mesurer leur côte de popularité auprès de Camille en jouant à un « Jeu des Favoris », sorte de guerre qui occupe tout le scénario de la pièce.
 

Il arrive que le héros homosexuel se définisse lui-même comme un jouet : cf. la chanson « Comme un yoyo » de Jenifer, la chanson « Boule de flipper » de Corynne Charby, etc. Par exemple, dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Bill dit qu’il est un jouet : « Bill comme Bilboquet » se présente-t-il aux gens pour qu’ils se remémorent facilement son prénom. Par exemple, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, la rencontre entre Rémi et Damien est mise sous le signe du jeu. Lorsque Rémi se coince l’écharpe dans la machine à laver, Damien le sauve in extremis de la strangulation, en le comparant à un yoyo : « Heureusement que j’étais là, sinon, vous auriez joué au yoyo toute la journée. » Rémi espère qu’il sera envisagé avec le temps « comme un être humain et non plus comme une balle magique ».

 

C’est par le jeu que l’homosexualité de certains personnages émerge. Par exemple, dans le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, la course-poursuite entre meilleurs amis vire au sérieux : Jan et Matthieu couchent ensemble. Dans le film « En colo » (2009) de Pascal-Alex Vincent, lors d’un jeu Action ou Vérité, le jeune Maxime découvre son homosexualité en embrassant un garçon de son âge pour relever un défi. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Matthieu raconte qu’avec son « ex » Maximilien, leur union est due à « un Action/Vérité complètement bourrés ». Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Tommaso, le héros homosexuel, pour expliquer à son frère Antonio qu’il est vraiment gay, revient sur son amitié particulière avec son camarade d’enfance Sasa : « On n’a jamais joué aux petites voitures, avec Sasa… »

 

Film "Summer Storm"  de Marco Kreuzpaintner

Film « Summer Storm » de Marco Kreuzpaintner


 

Le jeu est cet espace indéterminé de transition entre rêve et Réalité, où le fantasme amoureux homosexuel peut facilement se glisser, et passer pour plus réel que la Réalité même : « Si tu étais un jouet, tu serais quoi ? » (Bruno posant cette question à son futur amant Pablo pour le draguer, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger) ; « Avec Malcolm, j’ai l’impression que le jeu est devenu réalité. » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 91) ; « Ok, tout ça n’était qu’un jeu, ok, on s’est pris au sérieux, le rire au fond des yeux. » (cf. la chanson « Nuit magique » de Catherine Lara) ; « Alors quoi ? Continuons à jouer ! » (Valmont en train de se travestir en drag-queen, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; « Tu veux jouer à 50 minutes Inside ? » (Un homme en boîte homo draguant Jérémy en boîte, dans le one-man-show Bon à marier (2015) de Jérémy Lorca) ; etc. Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit, l’héroïne lesbienne, propose un jeu à sa copine Esti, mais celui-ci prend une toute autre tournure : « J’ai un nouveau jeu, Esti, ai-je dit. J’essaie de te faire rire et toi, tu ne dois surtout pas bouger, d’accord ?’ Je commençais à me demander s’il n’y avait pas un malentendu. Allait-elle se redresser d’un bond, m’accuser des pires choses ? Je me suis penchée pour voir son visage. Elle avait les yeux fermés, un sourire aux lèvres. […] Elle s’est retournée et a posé ses lèvres sur les miennes. » (Ronit p. 220) ; « On jouait à des tas de jeux ensemble. Et un jour, nos rapports ont un peu changé de nature. » (Graham en parlant de son amour d’adolescence avec Manadj, dans le film « Indian Palace » (2011) de John Madden) ; etc. Dans le film « Boygames » (2012) d’Anna Österlund Nolskog, deux meilleurs amis, John et Nicolas, âgés de 15 ans, sont intéressés par les filles mais redoutent la première expérience sexuelle, alors ils décident de s’entraîner d’abord sur eux-mêmes. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara et Zoé commencent à se chamailler pour rigoler, puis finissent par s’embrasser sur la bouche. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Lukacz joue à cache-cache avec Adam pour le draguer : ils imitent des cris de chiens et de singes pour se retrouver au beau milieu d’un champ de maïs.

 

L’amour homosexuel que vivent certains personnages n’a pas l’air très solide ni très sérieux car il s’annonce par la voie du divertissement puéril. Par exemple, dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier, Bernard essaie de draguer Philippe en lui apprenant à jouer du xylophone. Dans le film « I Want Your Love » (2010) de Travis Mathews, deux amis négocient leur passage à l’acte homosexuel sous forme de jeu… mais leur relation va devenir complexe, ambiguë. Dans le film « Une Femme un jour » (1977) de Léonard Keigel, quand le fils de Nicky voit sa propre mère au lit avec une femme (Caroline), il ne peut s’empêcher de leur demander : « Qu’est-ce que vous faites ? » ; et sa mère de lui répondre spontanément : « On joue. »

 
 

b) Jeu en tant que fuite du Réel :

En général, le héros homosexuel a recours au jeu car il veut fuir sa réalité (qu’il juge insupportable ou futile, et qu’il nomme paradoxalement « jeu ») et donner libre cours à ses pulsions : « Tout quitter. Fermer le grand théâtre de Bois-Rouge. Descendre le rideau sur cette comédie avant qu’il ne soit trop tard. Cesser de jouer. Partir. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 88) ; « De toute façon, j’ai gagné le jeu. » (Raul, le héros gay qui a réussi à se faire sucer dans une glory hole par Victor, dans le film « Plus on est de fous », « Donde caben dos » (2021) de Paco Caballero) ; etc.

 

Il semble voir le monde à travers le prisme des médias et de ses jeux vidéo : « J’avais l’impression que je luttais pour rien. Comme dans ces jeux vidéo, où lorsqu’on coupe un ennemi en deux, chaque moitié redevient un ennemi potentiel. » (Bryan en parlant de son « amour » pour Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 35) ; « C’est comme un site de rencontre de cul, sauf que c’est en direct, non ? » (Simon, l’un des protagonistes homosexuel parlant du sauna, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 40) ; « J’ai oublié ma Playstation chez toi. » (Thomas s’inventant une excuse-bidon pour revenir voir son ex François, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; « Vous savez d’où ça vient les lesbiennes ? Ça vient du WiFi. » (l’humoriste « hétéro » Arnaud Demanche se mettant dans la peau d’un internaute, dans son one-man-show Blanc et hétéro, 2019) ; etc.

 

Andrew et Justin dans la série « Desperate Housewives »

 

Il est question des jeux vidéo, d’Internet et des rencontres amoureuses que cet outil permet, dans énormément de fictions homo-érotiques actuelles : cf. le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie, le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le film « VGL-Hung » (2007) de Max Barber (avec les jeux vidéo), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, le film « Fragments d’hiver » (2009) de Guillaume Van Haver, le film « Le Suivant » (2011) de Frédéric Guyot, le film « K@biria » (2010) de Sigfrido Giammona, le film « Des jeunes gens modernes » (2011) de Jérôme de Missolz, le film « Consentement » (2012) de Cyril Legann (Monsieur Chateigner va sur Internet pour trouver ses « plans »), le roman Sex Workers As Virtual Boyfriends (2002) de Joseph Itiel, le film « Amen » (2010) de Ranadeep Bhattacharyya et Judhajit Bagichi, le film « Fragments d’hiver » (2009) de Guillaume Van Haver, le film « Bébé requin » (2004) de Pascal-Alex Vincent, le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, le film « La Révolution sexuelle n’a pas eu lieu » (1998) de Judith Cahen, le film « Internet Obsession » (2002) de Dominick Brascia, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne, le one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le film « Independance Day » (1996) de Roland Emmerich, le film « On-Line » (2001) de Jed Weintrob, le film « Anonymous » (2004) de Todd Verow, le film « Espace détente » (2004) de Bruno Solo et Yvan Le Bolloc’h, le film « Sugar Sweet » (2001) de Desiree Lim, le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar (avec Stéphane, le héros homosexuel passant son temps sur sa console avec Mario Bros II), la chanson « Sextonik » de Mylène Farmer, le film « Orange et Pamplemousse » (1997) de Martial Fougeron (avec les rencontres sexuelles par Minitel), le film « Plan cul » (2010) d’Olivier Nicklaus, le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs (où Érik rencontre ses « plans cul » par téléphone), le vidéo-clip de la chanson « Kelly Watch The Stars » du groupe AIR (avec les deux chanteurs jouant à un jeu vidéo des années 1970), le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger, le documentaire « Moi, Luka Magnotta » (2012) de Karl Zéro et Daisy D’Errata (relatant l’histoire vraie de Magnotta, acteur porno occasionnel et mannequin raté, qui fut le premier web killer), le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley (où Internet est source de grande angoisse pour Nathan), la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti (le jeune Mathan est toujours fourré sur Internet), etc.

 

Dans beaucoup de fictions traitant d’homosexualité, les personnages sont accros à informatique et aux jeux amoureux en réseau. Par exemple, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura compare un garçon jouant dans un bar sur un flipper (un jeu où il faut apparemment détruire des villes en lâchant des bombes) à un vrai guerrier (« Un soldat qui bombarde de vraies villes éprouve la même excitation que ce garçon. », p. 59) : preuve que le monde des jeux vidéo est considéré comme réel… Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, parle d’un « clown géant » auquel il doit faire face, lors d’un jeu de rôle où il ne distingue pas la réalité de la fiction. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Bernard, le héros homosexuel, anime des jeux télé et est constamment sur Internet ou son I-phone. Dans le film « Simple appareil » (2009) de Jean-Christophe Cavallin, Pierrick et son internaute passent la nuit ensemble dans la chambre de Pierrick, près du Canal Saint-Martin, à se raconter leurs blessures intimes. Dans la pièce Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet, Nina, l’héroïne lesbienne, a fait du piratage Internet avant de se lancer dans les hold-up. Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, Roberto va sur les « chat » Internet pour draguer. Dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, Benji, le héros homosexuel, trouve ses « plans cul » sur le site saunavirtuel.com avant de se rendre au sauna ; son corps et la machine ne font qu’Un : « Je clique, je trique. » Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Benoît passe son temps sur Internet pour dégoter ses aventures sexuelles successives. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Norbert est allé voir ailleurs sur Internet et a trompé son copain Vivi. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Tedd, l’un des héros homosexuels, travaille chez IBM. Dans la pièce La Voix humaine (1959) de Jean Cocteau, le téléphone est montré comme un cordon ombilical sans lequel il est impossible de vivre. Dans les pièces de Copi, telles que Loretta Strong (1974), La Tour de la Défense (1981) ou encore Le Frigo (1983), le téléphone occupe une place capitale : il dit la schizophrénie des personnages transgenres. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., la relation entre Matthieu et Jonathan débute sur Facebook ; les deux sont férus de l’application Grindr et des sites de rencontres, même s’ils n’hésitent pas à les renier pour se racheter une réputation. Dans le film « Partisane » (2012) de Jule Japher Chiari, la protagoniste lesbienne Mnesya parle à ses écrans d’ordinateur et se prend elle-même pour un robot : « Moi, je ne suis qu’un processeur de données. » Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Lukazc joue à cache-cache dans un champ de blé pour séduire Adam. Dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin, Anna et Cassy, deux amantes, croient que si elles se déconnectent de Skype, elles et leur amour vont disparaître. C’est d’ailleurs ce qui leur arrive. Leur amour ne tient qu’à une connexion informatique. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam ose faire pour la première fois son coming out à sa sœur via Skype. Dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, Paul, l’un des héros homosexuels, se rend sur le site de rencontres gays Manhunt (textuellement : « Chasse à l’homme »). Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Nicolas crise de ne pas avoir de connexion internet en plein coeur de la montagne autrichienne, et se cherche des « plans cul » sur réseau. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca s’inscrit sur GrindR et cherche ses amants par ce biais. Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Simon, le héros homo, est accro à ses mails et aux réseaux sociaux. Il crise dans son lycée quand les courriels ne lui parviennent pas : « Pourquoi y’a du réseau nulle part dans ce bahut ?!? Franchement, ça craint ! » Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, est suspendu à son smartphone et aux applis. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Xavier, héros homo, drague sur Grindr.

 

Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Patrick, le héros gay, a créé une application algorithmique prédictive de l’Amour asexué baptisée « Cassandra », mêlant alchimie (maçonnique) et mathématiques : « Les chiffres ne mentent pas. L’Amour c’est chimique. La chimie, c’est des chiffres. Et les chiffres, c’est le rayon de Cassandra. » dit-il. Madelyn, la meilleure amie d’Hugo (le futur amant de Patrick) s’extasie de voir que les statistiques (de compatibilité) pourraient construire l’Amour : « Qui aurait cru que l’Amour c’était une question de chiffres ? »
 

« Deux choses me tenaient à cœur : avoir un chien et un ordinateur. Aucun rapport entre ces deux souhaits, si ce n’est que les deux allaient occuper une place importante dans ma vie. » (Bryan, l’un des héros homosexuels du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 21) ; « Dix jours chez eux [mes grands-parents] sans ordinateur ni Internet… le Goulag ! » (idem, p. 29) ; « La chance qu’on avait d’avoir des ordinateurs et Internet. Merci Bill ! » (Bryan faisant un hommage à Bill Gates, op. cit., p. 149) ; « Jonathan squatte l’ordi la plupart de la journée. » (Matthieu parlant de son amant dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Je suis une victime du téléphone. » (une réplique de la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg) ; « Marcel revenait au plus tôt à la maison et s’enfermait dans sa chambre, devant son ordinateur. À l’âge de seize ans, il comprit rapidement le caractère égalitaire de cette invention. » (Marcel, l’un des héros homosexuels dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 18) ; « J’ai pour me tenir compagnie un I-phone et deux Blackberry. » (un des protagonistes homosexuels, rentrant dans la peau du « gay lambda », sur l’air de « Comme ils disent » d’Aznavour, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Heureusement qu’il y a Facebook ! » (Raphaël Beaumont dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles, 2011) ; « Avant d’être un homme, avant d’être mon amour, tu es un fond d’écran. » (Denis à son amant Luther, avec qui il entretient une relation semi virtuelle depuis 19 ans, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Je rêve d’une application Shazam pour les odeurs. » (Richard s’adressant à son amant Kai, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Mon Beyto, il comprend mieux les ordinateurs que celui qui les a inventés. » (le père de Beyto, parlant de son fils gay, dans le film « Les Amours de Beyto » (2020) de Gitta Gsell) ; etc.

 

L’outil virtuel et ludique donne lieu à bien des quiproquos, ou même à certaines formes de mort. Par exemple, dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, Max rencontre nana sur le net en pensant que c’est un mec. Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, le symbole Apple de l’ordi de Léo (le héros homosexuel) est en tête de mort.

 
 

c) Jeu-schizophrénie :

Le jeu mis en place par le personnage homosexuel n’est pas souvent synonyme de joie et de maîtrise. Au contraire. Bien souvent, le héros ne rigole pas du tout, même quand il propose quelque chose d’objectivement farfelu et ludique : « Ce n’est pas un jeu. » (Frédéric Delamont, le héros homosexuel psychorigide du film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp) Par exemple, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne veut sérieusement un Happy Meal (pour les enfants) au Mc Do, et finit par agresser la restauratrice : « Je VEUX le jouet ! ». Ça saoule sa copine Marie : « J’en ai marre de tes conneries de gamine. » Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Kanojo profite des jeux vidéo que lui propose son amie Juna pour draguer celle-ci lourdement. Elles enchaînent les jeux de plus en plus violents : « Tu vois que tu es violente toi aussi. » s’en amuse Juna. Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien asocial homosexuel, pense que, par le jeu, l’homme et la machine se rejoindront pour s’aimer. Toute sa vie, il l’a passée à se fuir lui-même dans l’idolâtrie ludique : « Je suis très bon aux jeux, aux casse-tête. »
 

Il ne maîtrise pas le jeu qu’il joue parce qu’il n’y a mis ni liberté, ni véritable conscience de faire. Il a agi pour/par l’image, par intentions plus que réellement et constructivement. Par exemple, dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, on trouve un bon exemple de la simulation mi ludique mi fatale de la détronisation du roi des parias homosexuels, Bob, qui à tout moment peut être agressé par les joueurs rieurs qui l’entourent. Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, le grand jeu de Guillaume, c’est de se faire passer pour sa mère auprès des membres de sa propre famille ; il imite même sa façon de marcher… et tout le monde se fait avoir. Son jeu le conduira à surprendre son père cul nu dans la salle de bain.

 

Certains personnages homosexuels, en ne distinguant plus la fiction de la Réalité, personnage et personne, rôle (de théâtre) et action (dans la vie), ou bien en confondant sincérité et Vérité, deviennent des acteurs schizophrènes qui ne s’éprouvent pas jouer : cf. le roman Versteck Spieler (Un Joueur caché, 2010) de Marcus Urban, le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie (avec le Roi jouant à la poupée), le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin (avec les jeux d’argent dans les rues de San Francisco), etc.

 

Par exemple, dans le film « Unconditional » (« Inconditionnel », 2012) de Bryn Higgins, Owen se travestit, et ce qui semblait un jeu devient sérieux. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Marilyn qui au départ devait simuler un couple avec Chris (le héros homosexuel) finit par tomber amoureuse de lui. Dans le roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig, le jeu est associé à la torture nazie, par le flou qu’il impose entre folie et Réalité (« Sur cet échiquier, tout est faux ! » s’exclame le héros, complètement ensorcelé par un jeu qu’il feint d’écarter pour mieux s’y enchaîner). La dimension ludique et distancée que propose les jeux est totalement gommée par les personnages de cette pièce (« C’est un combat à mort » déclare par exemple McConnord).

 

Le jeu qu’ils mènent cache parfois un désir de devenir quelqu’un d’autre que soi, ou bien un objet : « J’ai toujours adoré jouer à la poupée. » (Marina, le travesti M to F, dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud) ; « Avec une perruque, j’accepte votre regard, je déclare votre jugement moins lourd sur moi… vous pouvez me trouver belle et laide, vous pouvez me regarder, me dévisager avec un sourire aux lèvres, une larme dans les yeux ou plisser le front, je ne suis plus moi-même… Je m’en fous je ne suis pas là. Je joue pour moi, pas pour vous. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « ‘Je’ a disparu. Je suis plus moi même… C’est plus moi dans le jeu. » (idem) ; « Cette gamine est fantasque, toujours en train de s’attifer et de jouer la comédie… C’est drôle. » (Collins à propos de Stephen, la jeune héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 28)

 

Par exemple, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, la Comédienne dit que quand elle interprète un rôle, elle « n’a pas l’impression de jouer » ; « Ce qu’il y a de plus éprouvant, c’est que soi-même on devient théâtral. » ; « Si au moins je sentais le personnage… ; « Je n’ai pas l’impression de jouer la comédie mais d’imiter une actrice de cinéma détestable, comment s’appelait-elle ? » ; « Tu te laisses emporter par le personnage ! Nous ne sommes pas en train de jouer ! » (Arthur à la Comédienne, op. cit.)

 

Tout porte à croire que le « jeu » dont parlent les personnages homosexuels n’est que l’expression de leur ébahissement inconscient et jaloux face à leur propre reflet narcissique : « Épreuve du miroir. Le jeu des 7 erreurs. » (Djalil à sa mère, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti) ; « Poète, on se prend à son jeu. C’est le charme. […] Je me suis fait pleurer moi-même en l’écrivant. » (Cyrano de Bergerac par rapport à sa propre lettre envoyée à Roxane dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « Les jeux ne sont pas tout à fait faits, chère petite sœur. C’est toi ou c’est moi ! Puisque nous sommes jumelles ! On a commencé à se battre à l’intérieur du ventre de notre mère. » (la Comédienne à Vicky dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Les jeux sont faits, ma sœur. Dieu est avec vous, le Diable est avec moi ! » (idem) ; « Je vais jeter cet ordinateur ! » (Fanny, l’héroïne bisexuelle de la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; etc.

 

Chose curieuse (mais logique !) : dans certains films, le jeu est simultanément une marque d’homosexualité et une marque d’homophobie : « Tu veux jouer aux cartes ? » (Allan quand il veut détourner la conversation parce qu’il est suspecté par Max d’être homo, dans la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « Ton petit jeu, ça suffit. » (Marc s’adressant à son amant Sieger qui n’assume pas leur « amour », dans le film « Jongens », « Boys » (2013) de Mischa Kamp) ; etc. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, la photo de Nathan et de Louis s’embrassant secrètement à une soirée de jeunes circule sur les réseaux sociaux : Nathan fait croire que c’était un jeu, pour faire mentir son acte. Le personnage homosexuel joue avec lui-même un jeu de cache-cache identitaire destructeur.

 
 

d) Jeu virant accidentellement au drame :

Cf. je vous renvoie aux codes « Humour-poignard » et « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Film "Action/Vérité" de François Ozon

Film « Action/Vérité » de François Ozon


 

Ce n’est pas un hasard si le jeu, dans les fictions homo-érotiques, de désincarné, passe à violent (puisque ce n’est qu’en rejoignant le Réel qu’on rejoint l’Amour) : cf. le roman Le Jeu dangereux (1931) de Stefan Zweig, la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt (avec la métaphore du jeu amoureux qui termine mal : l’un des deux amants retourne sur lui le revolver qu’il pointait désespérément sur l’autre), le film « Roulette Toronto » (2010) de Courtney Trouble, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (et les jeux vidéo avec port d’armes à feu), le film « Sala Samobójców » (« Suicide Room », 2011) de Jan Komasa (racontant l’histoire d’un club virtuel de suicide), le roman Les Jeux funéraires (1981) de Mary Renault, le vidéo-clip de la chanson « The Power Of Goodbye » de Madonna (avec le jeu d’échecs qui s’achève par une rupture amoureuse), le roman El Juego Del Mentiroso (1993) de Lluís Maria Todó, le film « Jeux de nuit » (1966) de Mai Zetterling, le film « The Devil’s Playground » (1976) de Fred Schepisi, le film « To Play Or To Die » (1991) de Frank Krom, le film « Fucking Amal » (1998) de Lukas Moodysson, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, les tableaux The Entwined (1996) et Obsession (1996) de Christopher Cheung, le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol (avec la description de l’univers totalitaire d’Internet), le film « Les Résultats du Bac » (1999) de Pascal-Alex Vincent (où l’on voit des jeux vidéo avec port d’arme à feu), le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard (traitant toujours des jeux avec port d’arme à feu), le film « Wild Side » (2004) de Sébastien Lifshitz (avec la cruauté des jeux d’enfants), la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan (où un fils homosexuel torture son père en lui organisant un petit jeu d’anniversaire), le film « Puta De Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria (avec le parallélisme entre le jeu de cartes et un enterrement), le film « Allez » (2011) d’Oliver Tonning, le film « Cannibal » (2005) de Marian Dora, la chanson « Parce que » de Daniel Darc et Bill Pritchard, etc.

 

Film "No Regret" (2006) de Lee-Song-Hee-Il

Film « No Regret » (2006) de Lee-Song-Hee-Il

 

Par exemple, dans le film « En colo » (2009) de Pascal-Alex Vincent, les camarades de Maxime, le héros prochainement homosexuel, exercent sur lui leur homophobie en le testant sur sa sexualité et en le soumettant au chantage de l’aveu. Le tout sous prétexte de la blague : « Ça va, on peut rigoler ! » Ils ne se rendent pas compte de leur méchanceté. « Tu ne sais pas jouer ? » (Mardonio s’adressant à Segundo en le suspectant d’être homo, dans le film « Mon Père », « Retablo » (2018) d’Álvaro Delgado Aparicio). Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, le « Jeu de la bouteille » organisé par le méchant Fábio piège Léo, le héros homosexuel aveugle, qui est sur le point d’embrasser un chien (Pudding) sans le savoir, en s’imaginant embrasser une très belle fille. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, lors d’un exercice de formation de police (une simulation d’émeute), Marc frappe violemment son collègue (et futur amant) Engel. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand, homosexuel, instaure le jeu « Gay/pas gay » pour en réalité (simuler d’)outer tout le monde. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, l’un des héros homos, est accro aux jeux vidéos : au départ, on croit qu’il joue à des jeux violents hyper hétéros (« Mais tire ! Tire, bordel !! »), pour finalement découvrir qu’il joue aux Pokémon. Dans la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1, Hugo, le héros homo, drague Bart Valorta pendant une baignade… et dans un premier temps, Bart résiste et le repousse violemment. Hugo lui reproche ses barrières : « La prochaine fois, tu arrêteras de faire ton p’tit joueur » (c.f. l’épisode 260, diffusé le 7 août 2018).

 

Souvent, on observe dans les œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité un revirement de situation tragique entre le monde ludique et le retour au Réel : « Arrête ce p’tit jeu, Romane, c’est ridicule. T’as rien trouvé de mieux pour me provoquer ? » (Alain Richepin s’adressant à sa fille Romane qui roule un gros palot à sa copine Yindee devant lui, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « Je peux pas me détendre tranquille sans que tu me bousilles mon jeu ? » (François, homosexuel, face à son amant Thomas, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; « I play with a gun, but just for the fun. » (cf. la chanson « I Hate You » de Mélissa Mars) ; « Je regarde distraitement les enfants qui jouent à s’envoyer des bateaux à voile dans le bassin, je referme le cahier, je pense à la mort de Piggy, Monnie et Rooney. » (le narrateur homosexuel repensant aux trois enfants dévorés par un requin, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 92) ; « Si la syphilis causait autant de ravages que le sida et terrorisait pareillement les pédérastes de la fin du XIXe siècle, des adolescents n’auraient certes pas enfilé de capotes pour jouer à touche-pipi ! » (Essobal Lenoir, « De l’usage intempestif du condom dans la pornographie » (2010), p. 97) ; « Continuons de jouer ! Ce que c’est beau, ce que nous jouons. » (Dorian après avoir assassiné son amant Basile, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Petra et elle s’étaient écartées l’une de l’autre et se tenaient à présent face à face sur le canapé, comme si elles s’apprêtaient à entamer un match de boxe ou un jeu de ficelle. » (Jane, l’héroïne lesbienne en couple avec Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 54) ; « Anna vient ici de temps en temps. Elle habite dans l’appartement d’en face depuis toujours. Le cimetière était son terrain de jeu. » (idem, p. 204) ; « Quand je pense qu’il y a quatre millions de chômeurs… et moi qui fais du yoyo… » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Sidney, l’héroïne lesbienne, oute tous les présentateurs-télé et se moquent de ses concurrents du monde médiatique : c’est son jeu. Cela va se retourner contre elle puisque sa grande rivale, Truddy, qui se fait passer pour son assistante, échafaude un terrible plan de vengeance et de ridiculisation qu’elle finit par dévoiler : « Alors comme ça, je ne sais pas jouer ? […] Moi, je ne sais pas jouer. Mais j’ai su te réduire en poussière rien qu’en jouant. » Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Rinn, l’une des héroïnes lesbiennes, force son amie Suki à l’embrasser sur la bouche, par jeu et « pour s’entraîner ». Cela finit mal car elles sont surprises par Juna et Kanojo. Suki est inanimée suite au baiser.
 

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock


 

Le jeu auquel jouaient les héros vire inexplicablement au cauchemar. Par exemple, dans le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon, la guerre que se livrent « pour de rire » (comme dit Catherine) les neuf protagonistes féminines tourne au drame quand le père finit par se suicider pour de vrai à la fin. Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire, le criminel, semble toujours jouer même quand il frappe mortellement… et d’ailleurs, la cible humaine qui lui vaudra la condamnation à l’échafaud, c’est un joueur d’argent ! Dans « La Ley Del Deseo » (« La Loi du désir », 1986) de Pedro Almodóvar, Antonio (Antonio Banderas interprétant le rôle d’un psychopathe homo ultra possessif, prêt à tuer par amour) joue au tir à la carabine dans une fête foraine, et annonce déjà son dramatique passage à l’action. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, le délire travesti des deux meilleurs amis Matthieu et Franck, ainsi que la fête avec la mère, annonce l’accident de voiture où Matthieu va mourir tragiquement. Dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le tour de manège se transforme en piège mortel pour tous les jeunes passagers à bord. Dans le vidéo-clip de la chanson « Kelly Watch The Stars » du groupe AIR, Kelly, jouant un match de ping-pong de compétition, reçoit une balle dans la tempe et se retrouve momentanément dans le coma. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, la bataille de boule de neige, en apparence inoffensive et enfantine, va virer à la guerre mortelle puisque Paul reçoit à la poitrine une pierre dissimulée dans une boule de neige (Dargelos, son amant-ennemi, lui a fait ce joli coup fourré), et perd connaissance ; et à la fin du film, on retrouve cette idée de jeu mortel quand Paul est étendu mort sur la table de billard (tout un symbole !), et que sa sœur Élisabeth le veille. Dans le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, Philippe filme des jeunes en train de jouer aux jeux vidéo avec arme dans un salon public. Dans le film « Action ou Vérité » (1994) de François Ozon, le jeu et les rires cessent immédiatement dès que Rose sort sa main ensanglantée du sexe de sa copine Hélène qui a ses règles. Dans la séquence 12 des didascalies de la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès, le personnage du Rouquin se tire une balle en manipulant son arme à feu comme un joujou. Dans le vidéo-clip de « Libertine » de Mylène Farmer, Libertine, frappée violemment à la tête par une bouteille de vin rouge, s’écroule sur une table de poker. Dans le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma, c’est toujours à travers un jeu-mensonge, qui va de plus en plus loin (d’abord le béret, ensuite l’Action-Vérité, ensuite le foot, la danse, puis la bagarre), que l’illusion du changement de sexe se fait plus concrète dans l’esprit de Laure, une adolescente qui se prend pour un mec et qui essaie de faire croire à son entourage qu’elle est un garçon ; la violence de cet éloignement du Réel par le jeu de rôle n’apparaît qu’à la fin, quand l’héroïne est obligée de dévoiler sa véritable identité à la face du monde et d’affronter sa propre haine de soi (haine de soi qu’elle faisait passer pour un « jeu sérieux »). Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homo, est invité à jouer aux échecs avec l’homme dont il est amoureux, Dick, et qui est nu dans sa baignoire. Cette partie nourrit un quiproquo qui conduit Tom a tué Dick un peu plus tard dans l’intrigue.
 

Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa, la jolie prostituée, fait promettre au jeune Moustique qu’elle a dépucelé de jouer à un jeu jusqu’au bout. Ce dernier promet avant de savoir quelle en est la teneur : « À quoi on joue ? » demande-t-il, excité. Il déchante quand elle lui demande de lui enfoncer dans le ventre un gros couteau de cuisine : « Tu vois ce couteau ? Tu vas me l’enfoncer dans le ventre. C’est pour avoir une chance. Une chance sur deux. » Par « amour », il va obéir à sa demande. Mais, pris de remord, Moustique se jettera dans les bras de la prostituée nommée « Quarante », comme si c’était lui qui avait reçu le coup de couteau : « Pourquoi elle m’a fait ça, Quarante ? »

 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael, le héros homosexuel, force tous ses invités gays à jouer, en fin de soirée bien arrosée et pendant un orage, à un jeu dangereux et diabolique : « Mais tu tombes bien. On allait justement faire un petit jeu… » annonce-t-il à Alan, le héros hétéro qui souhaitait prendre la poudre d’escampette. « Écoutez tous. On va jouer ! » Harold, son colocataire, le voit venir puisqu’il lui demande cyniquement : « Le Jeu de la vérité’ ? Ou bien ‘Meurtre’ ? Vous vous souvenez de ce jeu ? Deux jeux identiques. Dans les deux cas, on tue quelqu’un. » Michael met en place un jeu machiavélique qui vise à ce que chacun des convives appelle par téléphone son plus grand amour homosexuel et s’avoue tout seul la vanité de l’amour homosexuel et de l’amour/de la vie en général (« On est tous acteurs de nos vies. Certains restent sur le bas côté. » dit-il laconiquement). Notre maître de cérémonie machiavélique fixe les règles du jeu lui-même : il crée un système de points, régressif si les candidat ne vont pas jusqu’au bout de l’humiliation. Comme par hasard, lui et Harold seront les seuls à ne pas passer aux aveux. Ceci s’explique en partie par le fait qu’ils sont tous deux anciens amants ; et leur relation apparaît comme diaboliquement ascétique. Ils partagent le secret de leur auto-homophobie (pléonasme), de leur haine de soi et de leur misanthropie cynique. C’est pour cela qu’Harold ne mordra pas à l’hameçon des manigances de Michael : « Toi et moi on est pareils. On se ménage parce qu’on joue chacun très bien au jeu de l’autre. Je connais très bien ton jeu. J’y joue très bien. Toi aussi d’ailleurs. Mais tu sais, je suis meilleur que toi. Je te bats quand je veux. Alors, ne me provoque pas. Je te préviens. » Quand tous les invités seront partis, Michael s’effondra dans les bras de Donald, en pleurant amèrement sa tentative ludique de vengeance généralisée.

 

Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, la jeune Sigrid essaie de « s’amuser » avec sa partenaire amoureuse, Helena, beaucoup plus âgée qu’elle… et ce jeu aboutira au suicide de la seconde. Maria, qui doit interpréter le rôle d’Helena au théâtre, sombre aussi dans un jeu malsain avec son assistante Valentine car elle transpose sur leur relation réelle l’union fictionnelle déséquilibrée entre Helena et Sigrid. Par ailleurs, les deux femmes tirent des jeux ce qu’il y a de plus malsain : elles se rendent au casino pour jouer à des jeux d’argent, finissent par se séparer parce que leur jeu de lectures tourne à la séparation définitive.

 
 

e) Jeu-viol :

En réalité, le jeu dont il est question dans les œuvres homosexuelles est très souvent réductible au viol et à la guerre. D’abord le viol en tant que fantasme et peur infondée de la sexualité.

 

Par exemple, dans la pièce Un petit jeu sans conséquence (2012) de Jean Dell et Gérard Sibleyras, Patrick, l’unique héros homosexuel de l’histoire, très fan des jeux de plage, a provoqué un jeu qui devient sérieux et dramatique : il sépare le couple pourtant très solide Bruno/Claire en faisant circuler un ragot infondé à leur sujet. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Zook fait mine de suggérer un tournage de fist-fucking en proposant à son pote Jenko de jouer aux jeux-vidéo. Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus met en scène un jeu télévisé fictif, Qui nique qui ?, où le principe est de générer et d’illustrer le racisme entre les peuples. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, les amants entre eux soit trichent (« Là, vous ne respectez pas les règles du jeu. » dit Jacques en s’adressant à Arthur) soit se font mal quand ils « jouent » : (« J’aime bien ce jeu. » dit Jean-Marie en frappant Jacques à la poitrine, au visage, puis le brûlant au visage avec son briquet). Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas et François, les deux amants, reviennent de la « Soirée Mousse » organisée par leur ami Paul complètement bourrés : ils portent encore chacun sur le front le post-it du jeu auquel ils ont participé, et essaient de deviner quel personnage célèbre ils incarnent. À un moment, le jeu tourne mal puisque François porte le post-it « Adolf Hitler ». Thomas a tout le mal du monde à lui faire deviner qui il est : « Je suis une personne d’origine allemande. Et je porte des bottes en cuir. » François, sans le vouloir, confond le Führer et le couturier allemand homo Karl Lagerfeld : « Oh nan, pas lui ! Pas Karl Lagerfeld ! »

 

Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Lola trompe sa copine Vera d’un commun accord avec Nina. Leur trio diabolique s’organise autour des manigances de Lola et Vera. « Ce petit jeu a l’air de vous amuser. Alors moi aussi je m’amuse. Comme ça, tout le monde s’amuse ! » (Nina s’adressant à Vera et Lola) ; « Nous allons lui jouer un feu d’artifices, le bouquet final. » (Vera s’adressant ironiquement à Lola par rapport à Nina) ; etc. Nina finit par craquer au bout de deux ans d’aventure « extraconjugale » avec Lola : « À quoi vous jouez ? » (Nina s’adressant à Lola et Vera) ; « J’en ai assez de votre petit jeu. C’est malsain. En réalité, je suis qu’un jouet pour vous. » ; « C’est votre jeu. C’est pas le mien. C’est un jeu dont je ne connais pas les règles. » Le goût du jeu méchant semble être né dans le cœur de la méchante Vera à cause de sa grand-mère : « Quand j’étais petite, ma grand-mère avait inventé une enfant virtuelle, Olivia [qu’elle pouvait gâter et féliciter à l’envie quand moi je n’étais pas sage, pour me servir de leçon] Qu’est-ce que je détestais Olivia… J’ai fini par détester ma grand-mère aussi. Quand elle est morte, je n’ai eu aucun chagrin. »
 

Le jeu amoureux humain perçu comme un viol peut être simplement le fruit de l’imaginaire du héros homosexuel, ou bien le signe chez lui d’élans incestueux et jaloux mal digérés : « Anna et lui [Sir Philip, son mari] se mettaient à causer et à s’amuser, ignorant Stephen [leur fille lesbienne], inventant, comme deux enfants, d’absurdes petits jeux auxquels ne prenait pas toujours part celle qui était l’enfant véritable. Stephen s’asseyait et observait en silence, mais son cœur était la proie des plus étranges émotions, émotions qu’un petit être de sept ans n’est pas fait pour affronter et auxquelles il ne peut donner de noms précis. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 49)

 

Dès le début du film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, joue à la Gameboy dans la voiture de son père, et parle à sa console : « Putain, me lâche pas ! ». La relation amoureuse qu’il entame avec Nathan est fondée console. C’est en lui expliquant comment y jouer que Nathan initie implicitement Jonas à l’homosexualité : « Maintenant que t’as pigé le truc, le but, c’est de ne jamais s’arrêter. Jamais. » En guise de déclaration d’amour, Nathan offre sa Gameboy à son amant Jonas, au moment où ils sont au cinéma. Jonas est très touché mais gêné aussi : « On va pas jouer maintenant. » La passion de Jonas pour son jeu-vidéo – et finalement pour l’homosexualité – vire tellement à l’obsession que c’est à cause de sa Gameboy qu’il ne vient pas en aide à son amant lui suppliant de lui ouvrir la porte de la voiture où il s’est enfermé, alors que Nathan va se faire tuer. Dix-huit ans tard, à l’âge adulte, Jonas est carrément identifié à sa console, et se fait appeler « Gameboy » par Léonard, le frère de Nathan. Pour le provoquer, et alors même qu’il sent un regard de désir de la part de Jonas posé sur lui, Nathan, sur sa bouée dans la piscine, balance exprès la Gameboy à l’eau. Jonas plonge pour la récupérer. À la fin du film, comme un ultime hommage funèbre, Jonas dépose sur le lit de Nathan la console, symbole de leur amour impossible.
 

 

Mais le « jeu » figuré dans les fictions homo-érotiques se réfère surtout au fantasme actualisé de possession de l’autre, au fantasme actualisé de possession de soi (= masturbation), au viol, à l’inceste, à la prostitution. Le héros homosexuel veut conquérir l’amant au point de faire de lui un jouet/devenir son jouet, de rentrer avec lui dans des jeux amoureux destructeurs, des liaisons dangereuses : « Quentin n’a fait que jouer avec vous. » (Lucie parlant à Jules de son ex-copain à lui, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Je m’y connais quand même pas mal en jeu. Je touche ma bite… euh… je touche ma bille. » (Bernard, le héros homosexuel de la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo) ; « Ça nous laisse quelques minutes pour jouer. » (le client Monsieur Chateigner à son garçon d’hôtel Anthony, qu’il maltraite avec des jeux sadomasochistes, dans le film « Consentement » (2012) de Cyril Legann) ; « Et elle voyait Paul couché sur un billard. Dans son rêve, le billard s’appelait ‘Le morne’. » (Elisabeth face à son frère avec qui elle a vécu l’inceste, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) ; « Frapper à cette porte pour ressusciter la voix de la mère. Imaginer qu’elle allait enfin se réveiller. Enfin répondre. Parler au petit frère […] qui, chaque soir, voulait qu’on recommençât le jeu : ‘Adi, tu me serres très fort dans tes bras ? » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 41) ; « Je t’amène là où je veux. J’ai toutes les cartes du jeu. » (cf. la chanson « Chatte » du groupe travesti M to F Mauvais Genre) ; « Cette fille, Virginie, violée sur la place, et bien c’est moi. […] J’ai toujours été un peu joueuse avec les touristes… » (Léa dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « À quoi tu joues ? » (Hennis s’adressant à son amant Jack qui va le sodomiser par surprise sous la tente, dans le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee) ; « I want a bad girl, to come and play with me… » (cf. la chanson « Bad Girl » de Mylène Farmer, en référence à la prostitution) ; « Gardons l’innocence et l’insouciance de nos jeux d’antan, troublants. » (cf. la chanson « Regrets » de Mylène Farmer) ; « Ai-je jamais été innocent ? Si je l’ai jamais été, c’est parti très vite. Très vite, je crois avoir compris les jeux des grands, leurs enjeux, leurs discussions murmurées, leurs sous-entendus, leurs lâchetés, leurs espérances. Très vite, je n’ai plus été dupe. J’ai perdu ça : la naïveté, la fraicheur, l’inconscience. » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 24) ; « Je veux vous dire que, lorsque je déclare que ceux qui aiment et ceux qui ont du plaisir ne sont pas les mêmes, je signale simplement que, dans une relation amoureuse, souvent, il en est un qui donne et l’autre qui prend, un qui s’offre et l’autre qui choisit, un qui s’expose et l’autre qui se protège, un qui souffrira et l’autre qui s’en sortira. C’est un jeu cruel parce qu’il est pipé. C’est un jeu dangereux parce que quelqu’un perd obligatoirement. » (la figure de Marcel Proust à son jeune amant Vincent, op. cit., pp. 164-165) ; « Moi, je ne suis que ton pion. » (Jack à son amant Paul, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt) ; « Il est terrible, ce jeu, Khalid. Tu es impitoyable. » (Omar, le héros homosexuel qui tuera son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 111) ; « Un autre jeu, entre nous, allait commencer. Mais ce n’était pas vraiment un jeu. Nous avons vite compris que dans la forêt les jeux n’avaient pas le même sens ni le même goût qu’ailleurs. » (idem, p. 137) ; « Et si on changeait de noms ? Je veux dire échanger nos prénoms, juste nos prénoms… […] On ferme les yeux dix secondes. Après, chacun de nous deux sera l’autre. JE deviendrai toi, TU deviendras moi. » (idem, p. 138) ; « Le combat, pour de faux, pour de vrai, a repris. La transformation aussi. L’échange de prénoms. Un film de science-fiction marocain. » (idem, p. 140) ; « C’est un jeu. Pourquoi vous ne jouez pas avec moi ? » (Dr Apsey parlant à son patient homosexuel Frank à qui il essaie de faire avaler des pilules pour le transformer en hétéro, dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes) ; « Elle me répète qu’elle m’aime et je joue avec elle comme un petit animal effrayé. Ses baisers me donnent la nausée. La manière dont elle s’est jetée dans mon lit, dont elle s’est couchée contre moi, sans que je lui demande rien, me dégoûte. […] Son insouciance, sa beauté me répugnent. » (Heinrich parlant de Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 65) ; « J’ai toujours pensé que comme j’étais une pédé passif, alors je pouvais être un femme belle et désirette, c’est dans moi, comme jouer à la poupée quand j’étais enfant, essayer les robes de ma mother quand j’étais teen et sucer des bites maintenant, quoi ! » (Cody, le héros homosexuel nord-américain hyper efféminé, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 92) ; etc.

 

Docu-fiction "Greek Pete" d'Andrew Haigh

Documentaire « Greek Pete » d’Andrew Haigh


 

Par exemple, dans la chanson « Une Fée, c’est… » de Mylène Farmer, l’allusion à la masturbation ne laisse aucun doute quand la chanteuse dit « Jeux de mains, jeux de M… Émoi. » Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Olivier, l’un des héros homos, dit qu’il s’est déjà prostitué : « Ça m’excitait d’être un jouet sexuel. » Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Léopold, avant de sauter sur le jeune Franz et de coucher avec lui, lui propose de jouer à un jeu de pions : « On joue à quelque chose ? Aux petits chevaux peut-être ? C’est dans le jeu qu’on apprend le mieux à connaître les gens. » Peu à peu, le spectateur découvre que, derrière ses apparences séductrices et aimantes, ce jeu est diabolique : Léopold compose trois fois de suite un « 6 » au dé.

 

Chez Jean Cocteau, le mot « jeu » remplace presque toujours celui de « sexe » ou de « viol » : par exemple, lorsque Paul déclare dans le roman Les Enfants terribles (1929) qu’« il s’est trop habitué à jouer seul » au moment où sa sœur lui propose de « jouer au jeu » avec elle, l’allusion à la masturbation et à l’inceste est explicite ! Dans le roman Querelle de Brest (1947) de Jean Genet, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, ou encore dans la chanson « Porno graphique » de Mylène Farmer, le passage au viol est anticipé par le jeu de dés pour savoir « qui va enculer qui ». Dans le film « Dans la ville blanche » (1983) d’Alain Tanner, le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, ou encore dans le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, le billard est filmé comme le préambule de la sodomie et du viol homosexuels. Dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011), l’humoriste Raphaël Beaumont propose aux gens de son public un jeu pour découvrir s’ils sont des violeurs idéaux, façon QCM de plage : « Quel genre de psychopathe êtes-vous ? » Dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann, la Tonka joue la prostituée… et est prise à son propre jeu : elle se fait violer pour de vrai par Volker. Dans le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le jeu annonce le viol pédophile : Neil, le jeune héros homosexuel, a été couvert de cadeaux et de jeux vidéo par son entraîneur de sport, avant de se déclarer homosexuel à l’âge adulte. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, la relation amoureuse fusionnelle entre Kévin et Bryan s’annonce comme un jeu de cartes, celui de la bataille. Au moment où ils vont faire l’amour ensemble, Kévin « dit sur un ton catégorique [à Bryan] : ‘On va jouer à un jeu : la bataille. T’as un jeu de cartes ? » (p. 120) ; « ‘J’aime bien jouer avec toi’, dit-il, avec ce sourire qui en disait long sur ce qu’il pensait. » (p. 123) Et lorsque Bryan le remercie de lui avoir changer sa vision du monde et de lui avoir appris l’amour, celui-ci ironise en lui répondant : « Je t’ai appris à jouer aux cartes ! » (p. 390) Leur jeu aura une issue fatale pour chacun des deux… « Jouer » n’est pas nécessairement « aimer ».

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’homosexualité ludique :

Cf. je vous renvoie au code « Humour-poignard », à la partie « Travestissement » du code « Substitut d’identité », à la partie « Carte » du code « Inversion », et à la partie « Bilboquet » du code « Parodies de Mômes », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

On peut difficilement dire que dans la vie, les personnes homosexuelles ne sont pas joueuses (Après, la différence se fait dans la catégorie de jeux qu’elles aiment, qui sont souvent des divertissements qui éloignent du Réel : travestissement, jeux solitaires, jeux virtuels ou en réseau, jeux de rôles, jeux d’argent, rituels de cour, etc.) Par exemple, Vanessa Selbst, lesbienne, est joueuse de poker aux États-Unis. Le célèbre Youtubeur Julien Dachaud alias Newtiteuf a fait son coming out en janvier 2017. Dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi, Luca, l’un des deux membres du couple homo portraituré, lave ses innombrables figurines de jouets dans une bassine. Je me suis rendu à l’exposition Des jouets et des hommes (2011-2012) au Grand Palais de Paris, et j’y ai trouvé (notamment dans les mises en scène vidéo qui étaient projetées sur des écrans) une ambiance très homo-érotique. Il existe même des Gay Games (Jeux Olympiques spécifiquement réservés aux personnes homosexuelles) !

 

Certaines personnes homosexuelles se définissent elles-mêmes par le jeu, ou comme des jouets : « Tel un jeu de Yo-Yo, je désespérais et reprenais courage en face de ce mal de vivre. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 57) Par exemple, dans son premier film « Pêche mon Petit Poney » (2012), le réalisateur Thomas Riera se penche sur la genèse de la découverte de l’homosexualité et sur la question du genre dans le monde du jouet d’enfant.

 

Beaucoup d’entre elles, depuis leur plus tendre enfance, vouent un culte à la légèreté et à la fantaisie du jeu : « Notre maison regorgeait de livres, des jeux de société, ainsi que des décorations militaires qui peuplaient le salon. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 18) ; « J’avais six ans à peine et j’étais autant fasciné par les jeux de la fête foraine auxquels je pouvais participer que par la présence autour de moi de ces adultes habillés à la mode. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), pp. 23-24) ; « Sur ma lancée d’organisateur de jeux pour le quartier, je pris en charge les fêtes de la Saint-Jean. J’avais tout juste treize ans. Je montai une comédie musicale avec mes camarades, abusant du play-back. C’était le début du disco et je me trémoussais avec enthousiasme durant le spectacle, incarnant… des chanteuses. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), pp. 29-30)

 

Par exemple, le dramaturge argentin homosexuel Copi était très attaché à sa grand-mère maternelle, Salvadora Medina Onrubia, et dans sa jeunesse, il passait ses dimanches à jouer à la canasta avec elle et ses amies de 80 ans.

 

Je connais dans mon entourage des amis homosexuels qui adorent se rendre dans les grands salons de jeux, qui aiment beaucoup les jeux en ligne sur Internet et les jeux d’argent. J’ai notamment parmi eux un pote (pourtant le plus âgé de ma bande d’amis d’Angers) dont le salon ressemble à une vraie salle de jeux, avec des figurines de Schtroumpfs partout, des petits casse-tête, des revues de mots-croisés, des peluches de héros de dessins animés, des gadgets en tout genre. Et c’est toujours un plaisir de se retrouver chez lui, car on rigole bien. L’ennui et le vide y sont vraiment bannis !

 

Étant petit, j’étais moi-même très joueur. Sur la cour de récré, les jeux du loup-chaîne, de la balle au prisonnier, de 1, 2, 3 Soleil, de l’Épervier, me fascinaient ; et à la maison, tous les jeux de société où il y avait des cartes et un plateau – ça allait de la Bonne Paye et du Cluedo, en passant par le Trivial Poursuit et les Jeux de 7 familles – occupaient tellement mon imaginaire qu’il m’arrivait d’en fabriquer « maison ». J’aimais réaliser des jeux de société. Ma conception du « jeu » était néanmoins très particulière. Ce n’était pas les jeux où intervenaient le corps ou le collectif (les sports en groupe ou demandant un effort physique, très peu pour moi…). Il s’agissait plutôt de jeux m’entraînant dans le dessin, l’illustration, la rêverie, l’imaginaire asexué, la fantaisie solitaire, la misanthropie cachée (car personne sauf moi, en réalité, ne pouvait jouer à mes jeux…).

 

Au fond, les personnes homosexuelles, malgré les apparences, ne sont pas si joueuses que cela. C’est le vrai jeu, celui qui nous aide à nous confronter aux autres, au Réel, et à aimer notre société, que la plupart d’entre elles connaissent mal et fuient (cf. je vous renvoie au code « Différences culturelles » et à la partie « Foot » du code « Solitude » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.) : « Une véritable peur de la vie résulta de sa façon de nous élever, mon frère et moi. […] Au début de ma tendre enfance, je n’ai été privé que d’une chose : jouer avec d’autres enfants. Ma mère prétendait que j’avais une santé fragile et me gardait constamment auprès d’elle. » (Jean-Luc, homosexuel, 27 ans, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 76) ; « Je me souviens que je restais toujours près d’elle [ma mère] sur l’herbe. J’étais rassuré. J’étais spectateur, je regardais les autres jouer au loin. J’étais hors jeu. » (Brahim Naït-Balk, entraîneur homosexuel du Paris Foot Gay, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 17)

 
 

b) Jeu en tant que fuite du Réel :

Film "Homme au bain" de Christophe Honoré

Film « Homme au bain » de Christophe Honoré


 

Le jeu que se choisissent les individus homosexuels s’oriente surtout vers l’irréalité. Jadis le Minitel, actuellement Internet, occupent une place prépondérante dans leur vie : cf. le documentaire « Baby You’re Frozen » (2012) de Sadie Lune et Kay Garnellen. Et quoi qu’on en dise, cette lubie virtuelle est plus encouragée par le désir homosexuel que par des désirs non-homosexuels : « Les femmes et les hommes homo-bisexuel-le-s rencontrent plus fréquemment des partenaires par Internet que les femmes et les hommes hétérosexuel-le-s : 24,5% des femmes homo-bisexuelles et 41,6% des hommes déclarent ainsi avoir déjà eu un partenaire rencontré par Internet contre 2,7% et 4,3% chez les femmes et hommes hétérosexuels. » (Nathalie Bajos et Michel Bozon, Enquête sur la sexualité en France (2008), p. 253)

 

Internet est devenu en quelques années l’interface de rencontres privilégié par les personnes homosexuelles pour rentrer en contact, « s’aimer » entre elles, jouer avec leurs bons sentiments et leurs projections sentimentales… souvent à leurs risques et périls : « Les paroles de ces hommes qui exprimaient la même sensibilité que la mienne m’aidaient à mieux rêver du grand amour, alors que la réalité sexuelle m’avait tellement déçu. » (Brahim Naït-Balk parlant de son expérience des sites de rencontres, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), pp. 45-46)

 

Beaucoup d’individus homosexuels passent le plus clair de leur temps devant les ordinateurs ou les I-phone (j’ai eu ma période « site de rencontres Internet », où je n’arrivais pas à me déscotcher de mon écran pendant des jours et des jours… donc je sais de quoi je parle !). Il existe un lien étroit entre homosexualité et mondes « ludiques » virtuels. Pour la petite histoire, c’est amusant de voir que l’acteur Jim Parsons, l’inoubliable geek de la série The Big Bang Theory (2007) de Chuck Lorre et Bill Prady, a fait récemment son coming out.

 

Certaines œuvres artistiques homosexuelles actuelles sont fortement influencées par les jeux vidéo : on peut penser aux tableaux de Thierry Brunello, aux films d’Arnault Labaronne ou de Pascal-Alex Vincent, aux vidéo-clips de Peter Kitsch ou George Michael, etc. Maintenant, il existe même des jeux vidéo (par exemple le jeu Mass Effect 3) mettant en scène des personnages homos virtuels.

 

Les personnes homosexuelles confondent tellement la fiction avec le Réel que beaucoup d’entre elles entretiennent avec le monde ludique ou Internet un rapport idolâtre d’attraction-répulsion : à la fois elles les célèbrent comme le summum de l’orgasme humoristico-politique-artistique (« Jouer avec Copi c’était militer pour le pur plaisir. Ça tenait des jeux d’enfants. » affirme Myriam Mezières dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 71), et elles les diabolisent comme le pire des mirages étant donné qu’ils n’arrivent pas à concrétiser tous les fantasmes. Combien, en effet, conspuent par exemple Facebook et les mondes virtuels (… parce qu’en réalité ils y sont trop dépendants et qu’ils en font un mauvais usage)!

 
 

c) Jeu-schizophrénie :

Certaines personnes homosexuelles, en ne distinguant plus la fiction de la Réalité, personnage et personne, rôle (de théâtre) et action (dans la vie), ou bien en confondant sincérité et Vérité, se comportent en acteurs schizophrènes qui ne s’éprouvent pas jouer, en menteurs qui ne comprennent pas pourquoi leur jeu devient parfois soudainement si sérieux et si violent : « J’aime tricher, jouer, tout avoir sans faire de choix. Et alors ? » (Catherine, femme lesbienne, dans l’autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, p. 175) ; « Paradoxal et rare, il pouvait ‘faire l’acteur’ sans se sentir Acteur. » (Jorge Lavelli à propos du dramaturge Copi, dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, p. 32) ; « J’étais en adoration devant un animateur d’Europe 1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. Europe 1 réalisait certaines de ses émissions en direct dans différentes villes de France, le fameux ‘Podium’. En prévision de son passage dans notre région, je me préparais donc à cet événement en endossant le rôle de sa femme imaginaire dans mes jeux. J’avais choisi un prénom de fée : je m’appelais Viviane Lafont. Je n’avais aucune envie de me transformer en femme. Mais, si je veux jouer avec le prénom d’enchanteresse que j’avais choisi, j’espérais qu’un petit miracle allait se produire et me rétablir dans la normalité environnante. Car j’avais très vite saisi que seule une femme avait le droit d’être attirée par les garçons. Si, par magie, je me réveillais un beau matin en fille, tout serait rentré dans l’ordre. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « Je rejoignais Amélie. L’un de mes jeux préférés consistait à la maquiller, l’affubler de rouge à lèvres et de tout un tas de poudres différentes. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 105) ; etc.

 

Par exemple, suite au scandale de son irrévérencieuse pièce Les Mariés de la Tour Eiffel (1921), Jean Cocteau raconte qu’il n’a pas maîtrisé son jeu de provocation : « J’attaquais tout. C’était un jeu. Nous nous amusions. Ce n’était pas une œuvre d’attaque. Peut-être que dans ce jeu mettions-nous encore plus de nous-mêmes que dans les œuvres de gravité fausse. Un poète se doit d’être un homme très grave et, par politesse, d’avoir un air léger. Souvent hélas, le poète est un homme léger qui prend l’air grave. » (Jean Cocteau dans le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky)

 

Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la Reine Christine, pseudo « lesbienne », s’amuse avec Ebba, sa dame de compagnie. Elles s’embrassent sur la bouche tout en simulant un cache-cache déguisé et masqué : « Vos jeux sont dénués de calcul et de jalousie. » (la voix-off s’adressant à la Reine Christine) Mais très vite, l’entourage royal va voir d’un très mauvais œil ces galipettes qu’il qualifie de « jeux malsains ». À la fin, même la voix-off finit par mettre en garde son héroïne : « Tu participes à un jeu dangereux en te dissimulant derrière un nouveau masque. » (idem)
 

Tout porte à croire que le « jeu » mis en place par certaines personnes homosexuelles – une machinerie dénuée de conscience – soit l’expression refoulée d’un narcissisme d’auto-destruction qui s’ignore, d’une schizophrénie : cf. l’autoportrait de Claude Cahun et Moore (= Suzanne Malherbe) déguisées en Valet de Cœur et en Roi de Pique pour l’essai Aveux non avenus, planche VII (1929-1930) de Claude Cahun, l’essai Jeux uraniens (1915) de Claude Cahun (qui sont des méditations sur le narcissisme et les « amours-amitiés » homosexuelles), etc. « Tu penseras au poète grec d’Alexandrie. À celui qui a su raconter comment un miroir est tombé amoureux du coursier qui s’est regardé par hasard en lui. Un jour, un soldat grec se regardera dans ton miroir qui, comme celui du poète, tombera amoureux de lui. Qui pourra te reprocher de jouer aux miroirs ? » (la grand-mère à son petit-fils Alfredo Arias, dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-fantômes (1997), p. 160) ; « C’était cela, la vérité. Mon corps réel. Il fallait changer. Le changer. Revenir au jour du départ et de l’arrivée. Maigrir. Absolument maigrir. Arrêter de manger. Jouer de nouveau, sans le savoir, avec la mort. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 63)

 

Le jeu que certains individus homosexuels défendent cache un désir de devenir quelqu’un d’autre que soi, ou bien un objet : « Pour les grandes occasions, Noël, ma fête et mon anniversaire, on m’achetait des jouets de fille, des poupées notamment, dont j’ai eu un véritable harem. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 63) ; « Lorsque j’avais de cinq à sept ans environ, j’échangeais souvent mes jouets de garçon contre des poupées et je jouais beaucoup avec elles. » (un patient homosexuel cité dans l’article « Le complexe de féminité chez l’homme » (1930) de Félix Boehm) ; etc.

 

Par exemple, lors de sa conférence La Société de l’anticipation à l’INHA, le 31 octobre 2011, Éric Sadin parlait d’un de ses amis gay lui montrant l’application I-Phone Grindr : « Il y a un rapport corporel à la technique : Corps et technique entretiennent des rapports de plus en plus intimes, d’assistanat. »

 

D’ailleurs, le « Je est un autre » de Rimbaud (cf. extrait d’une lettre d’Arthur Rimbaud à son ami Paul Demeny, datée du 15 mai 1871), ressemblant phoniquement à un « jeu est un autre », renvoie aussi à la corrélation entre jeu et schizophrénie homosexuelle. « Je me faisais toujours gronder pour les jeux turbulents voire dangereux que j’inventais : bataille de feuilles, courses sur les pierres, combat de boxe… […] S’il fallait grandir, je voulais garder le goût de l’aventure, le plaisir du jeu. Un peu comme un homme, me disais-je. » (cf. l’article « Tom Boy à l’affiche » d’Isabelle, qui souhaitait dès son plus jeune âge devenir un garçon) Quand on demande à la photographe lesbienne Claude Cahun quels ont été les moments les plus heureux de sa vie, elle répond : « Le rêve. Imaginer que je suis autre. Me jouer mon rôle préféré. »

 

Beaucoup de critiques gay friendly actuels trouvent à la schizophrénie de certains créateurs homosexuels (objectivement de mauvaise qualité artistiquement et littérairement parlant) la dimension ludique et drolatique qui lui servira de paravent : « Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? Le jeu, toujours désarçonnant, relève ici de la provocation surréaliste. Une sorte de facétie pirandellienne (l’acteur à la recherche d’une identité) en forme de clownerie onirique. Telle est la nature de Copi, et son humour : bariolé et dérangeant. Avec, au cœur, une angoisse d’enfant perdu. Une gentillesse portée sur la mort et l’érotisme, Eros et Thanatos, étroitement liés. » (cf. l’article « La Nuit de Madame Lucienne : Exercices de style » de Pierre Marcabru, dans le journal Le Figaro, le 23 mars 1986)

 
 

d) Jeu virant accidentellement au drame :

Cf. je vous renvoie aux codes « Humour-poignard », « Passion pour les catastrophes » et « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Mais une fois transposé dans le Réel, dans l’Humanité vivante et dans des enjeux concrets de société, le désir ludique homosexuel, pourtant intellectuellement et sentimentalement séduisant, fait beaucoup moins rire, puisque la vie n’est pas qu’un jeu, et les êtres humains, notamment les enfants, ne sont pas des pions sur un échiquier.

 

C’est exactement ce que décrit Jean-Paul Sartre quand il parle des Bonnes (1947) de Jean Genet : « À leurs propres yeux, ce n’est qu’un jeu. Mais qu’une tache souille la robe, qu’une cendre la brûle, l’usage imaginaire s’achève en consommation réelle : elles emporteront la robe roulée en boule, elles la détruiront : les voilà voleuses. Genet passe avec la même fatalité du jeu au vol. » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet, comédien et martyr (1952), p. 21)

 

Le motif de l’accident, très courant dans la fantasmagorie homosexuelle, illustre parfaitement ce possible glissement inconsciemment désiré du mythe « humoristique » à la réalité fantasmée. Le passage brutal du rire à l’incident dramatique, de l’humour pris au sérieux par des personnages qui ne savent plus arrêter leur blague à rallonge, du revirement inattendu entre le « jeu » et le viol, nous est fréquemment présenté. À ce propos, Jean Cocteau, en évoquant l’inceste dans Les Enfants terribles (1929), parle du « jeu » pour ne pas parler du viol : « Pour moi, c’était si loin du sexe, ce que j’appelle le ‘jeu’ des Enfants terribles… D’ailleurs, j’évite d’expliquer ce jeu. On ne touche pas à ces choses-là avec des mains d’homme. » (cf. le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky) ; « J’ai décidé d’organiser mon quotidien avec les cartes. Ce qui a commencé comme un jeu est devenu un cauchemar. » (Bertrand Bonello dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; etc. Il n’est pas anodin que les viols cinématographiques aient quelquefois lieu pendant des soirs de carnaval, après des parties de dés ou de cartes.

 

Aussi surprenant que cela puisse paraître (… et pourtant, cela prouve bien qu’on nous fait rentrer dans le monde de l’expérimentalisme de l’apprenti sorcier !), le motif du jeu apparaît dans le discours de certains promoteurs de la loi sur le « mariage pour tous ceux qui le désirent » et de l’homoparentalité, par exemple (et de tout ce qui s’en suit : présomption de paternité, PMA, agrément d’adoption, GPA, etc.) : « Il y a un potentiel de jeux de rôles qui se développe dans les familles homoparentales. » (Darren Rosenblum, professeur de droit ayant obtenu avec son copain une enfant par GPA, et s’exprimant lors de sa conférence sur « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris, le 7 décembre 2011) ; « Je sais qu’il y a des problèmes [par rapport à la loi sur le « mariage pour tous »]… Mais c’est au droit de régler le problème. Faisons preuve d’imagination juridique, culturelle, législative… » (Didier Éribon lors du « débat » au Sénat sur le mariage, le 11 septembre 2012) Dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy (diffusé dans l’émission Tel Quel, sur la chaîne France 4, le 14 mai 2012) sont filmées quatre petites filles (dont l’une d’elle est élevée dans un couple de femmes lesbiennes) qui jouent au jeu de cartes du UNO. Un peu plus tard, dans ce même reportage, l’enfant (Zohia) obtenue via PMA par le couple de lesbiennes Florence et Olga est également présentée comme un enfant-joujou : « Nos mamans sont comme deux petites filles qui jouent à la poupée. » (la voix-off enjouée et émue, décrivant les deux « mères » pénétrant dans la chambre de la gamine).

 

À force de trop tirer sur la corde du jeu désincarné, elle finit par casser. Souvent, le jeu homosexuel qui s’éternise annonce comme une soumission ou un esclavage, porte en germe une violence et un élan de mort : « J’ai pris le vice de jouer. Quand j’ai écrit ‘Le Frigo’, je ne pensais pas à moi. Quand on écrit, on imagine le temps de telle action, comme on prend le couteau. » (le dramaturge argentin Copi, parlant de sa pièce lors de l’entretien « Copi : Le Théâtre exaltant » (1983) de Michel Cressole) ; « Si on ‘joue’, alors on est capable de tout jouer, l’homme, la femme, la vie, la mort. » (cf. l’article « L’Acteur, médian sexuel » (1973) de Jean Gillibert) ; « Jusqu’à quand je vais me mettre en jeu comme ça ? » (Jup, homme travesti obèse, avouant qu’il souffre de ne pas être pris au sérieux et du rôle d’« amuseur » public et de « monstre », et du « manque d’affection », dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc.

 

Par exemple, le danseur Vaslav Nijinski jouait compulsivement à la Bourse. Francis Bacon, fasciné par les jeux d’argent et les casinos, ne semble pas prendre conscience de la part de gravité et de Réel que peut engendrer l’addiction au jeu : « Pour moi, il n’y a pas de vrais risques dans le jeu. » (Francis Bacon dans le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton)

 

Tout l’essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005) de Philippe Muray traite de l’envahissement de la vie quotidienne par le « jeu à tout prix » pour tuer l’ennui, de la violence surgissant après la festivisation (bisexuelle) du monde : « La fête est la force motrice du monde post-historique. » (p. 26) ; « Le réel refoulé a fait retour, brièvement, dans le processus de festivisation générale. Là aussi, il s’agit d’un coup de réel éclatant dans le ciel bleu des jeux qui sont faits. » (idem, p. 161) Le coup de tonnerre du viol n’est pas loin…

 
 

e) Jeu-viol :

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 

En réalité, dès que le désir homosexuel est pratiqué sous forme de couple, le « jeu » vanté par les personnes homosexuelles s’actualise sous des formes diverses qui ont toutes un lien avec le viol : chantage, manipulation, infidélité, consommation sexuelle, mensonge, bras de fer, rapport de forces conjugaux où les amants jouent au chat et à la souris, volonté de posséder l’autre (= prostitution) ou de se posséder soi (= masturbation), inceste, etc. : « J’aime tricher, jouer, tout avoir sans faire de choix. Et alors ? » (Catherine, l’amant lesbienne de Paula Dumont, dans l’autobiographie de la seconde, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 175) ; « Les amants [homosexuels] sont des équilibristes qui se tiennent par la main, s’assistent mutuellement. C’est un jeu entre la vie et la mort du couple qui tient sur un fil. » (Christophe Aveline, L’Infidélité : La relation homosexuelle en question (2009), p. 55) ; « Deux boxeurs brésiliens pour moi tout seul. Des garçons de très bonne humeur, disposés à tous les jeux. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 155) ; « C’est pas forcément glauque, les baisodromes. Il peut y avoir un côté sympa. C’est facile. C’est un jeu, avec des rituels. Tu consommes, sur place, un mec différent tous les soirs. C’est la quantité qui choque. Mais ça ne laisse pas de trace. Quand j’ai rencontré Stéphane, il y a un an, je ne me sentais pas sale de tout ça. » (Emmanuel, un homme homosexuel de 33 ans, dans la revue Actualité des Religions, n°5, mai 1999, p. 38) ; « Mes premiers souvenirs d’excitation sexuelle remontent à ma cinquième année, bien que je n’en aie eu conscience qu’au cours des dix dernières : je vis un jour des garçons jouer avec les organes génitaux d’un chien et, une autre fois, ces mêmes garçons s’amuser avec leurs propres sexes. Lorsque mon tour arriva, j’éprouvai un vif sentiment de culpabilité à l’égard de ma mère qui arriva bientôt, sans, d’ailleurs, avoir eu connaissance de ce qui venait de se passer. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 76) ; « Dans son office où le père Basile me recevait les après-midi, il y avait non seulement de quoi manger et boire, mais également un piano où je m’amusais à jouer n’importe quoi et n’importe comment. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 35) ; « J’avais trouvé cette pratique agréable au même degré que lorsque tout petit ma nourrice s’amusait à faire de mes fesses et de mon sexe, son jouet favori. » (idem, p. 35) ; « Il fallait, à tout prix, que je me persuade, que j’étais l’homme au même titre que le père Basile ou mon initiateur et que, partant de ce principe, je pouvais jouer le rôle du preneur. » (idem, p. 119) ; « Mon cousin Bruno a demandé ‘On pourrait faire comme dans le film, les mêmes trucs.’ […] Ah ouais ça serait fendard, on se poilerait bien la gueule. Bruno a demandé où nous pourrions jouer à ce jeu, ‘le faire’, avant de proposer de rester dans le hangar. […] Mon cousin se rassurait et nous rassurait : ce n’était qu’un jeu auquel nous allions jouer, le temps d’un après-midi ‘On pourrait le faire juste comme ça, pour s’amuser.’ Il m’avait suggéré d’aller voler des bijoux à ma sœur aînée ‘Eddy, toi tu pourrais, ça serait encore mieux parce que ça le ferait plus, toi tu pourrais voler des bagues à ta sœur, et comme ça, celui qui ferait le rôle de la femme, celui qui se ferait baiser, juste pour déconner, sinon on se tromperait sans les bagues, ça fera plus vrai. Avec les bagues on pourra bien reconnaître. […] Je me rendais compte, moi, que c’était toute ma personne, tout mon désir refoulé depuis toujours, qui m’entraînait dans cette situation. Je brûlais d’excitation. […] J’ai senti son sexe chaud contre mes fesses, puis en moi. Il me donnait des indications ‘Écarte, Lève un peu ton cul.’ J’obéissais à toutes ses exigences avec cette impression de réaliser et de devenir enfin ce que j’étais. […] C’était le début d’une longue série d’après-midi où nous nous réunissions pour reproduire les scènes de nouveaux films vus entretemps. Il fallait prendre garde à ne pas être surpris par nos mères, qui sortaient dans la cour plusieurs fois par jour pour arracher les mauvaises herbes du jardin, déterrer quelques légumes ou chercher des bûches dans le hangar. Quand l’une d’elles arrivait nous trouvions toujours le temps de nous rhabiller et de faire semblant de jouer à autre chose. » (Eddy Bellegueule racontant les jeux du hangar quand lui avait 10 ans et ses cousins 15 ans, dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 150-154) ; etc.

 

Il n’est pas anodin que l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008) d’Abdellah Taïa s’achève par la citation de la lettre d’adieux que Slimane, l’ex-amant, adresse à l’auteur : c’est le poème « Jeux cruels » de Bachar Ibn Bourd (pp. 125-126).

 

Oui : il existe des jeux cruels. Dès qu’on s’éloigne du Réel, on ôte au jeu toute sa douceur.

 

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°104 – Jumeaux

jumeaux

Jumeaux

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Il n’est pas très étonnant (même si c’est peu connu et peu valorisé, car le lien de causalité est fui comme la peste) de voir les nombreuses coïncidences qui existent entre gémellité et homosexualité. Dès qu’on commence à connaître des personnes homosexuelles, on rencontre énormément de jumeaux, c’est assez hallucinant. Moi-même, je suis né jumeau ! (je suis un « vrai jumeau », comme on dit, et je partage avec mon frère Jean le même patrimoine génétique, depuis la naissance. Il n’est, quant à lui, pas homosexuel, s’est marié et a trois enfants). Cependant, je n’aurai pas la bêtise de dire que tous les jumeaux sont des homos refoulés, ou bien qu’il y a plus de jumeaux homos que de jumeaux hétéros, ou encore que les personnes nées jumelles sont prédestinées à être homosexuelles.

 

En revanche, ce que nous révèle la gémellité par rapport au désir homo, c’est d’une part que l’homosexualité n’est pas QUE génétique (si tant est qu’elle le serait, ce qui reste à prouver…) – sinon, mon frère jumeau serait aussi homosexuel que moi – mais qu’en revanche elle possède des terrains porteurs (qui ne sont pas des « causes » de l’homosexualité mais uniquement des coïncidences) ; et d’autre part que le désir homo traduit une peur d’être unique (donc aimé) et un fantasme de toute-puissance ( = « J’ai été capable de m’auto-cloner tout seul »).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Solitude », « Amant narcissique », « Fusion », « Doubles schizophréniques », « Clonage », « Moitié », « Inceste entre frères », et « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 

Film "Beautiful Thing" d’Hettie Macdonald

Film « Beautiful Thing » d’Hettie Macdonald

 

On constate dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité que le personnage homosexuel a souvent un frère jumeau, ou est fasciné par la gémellité. On retrouve les jumeaux dans le film « Les Dieux de la vague » (2011) de Dan Castle, le film « Memento Mori » (1999) de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong (avec les jumelles siamoises aquatiques), la photo Sense Of Space (2000) des frères Gao, la « Chanson des jumelles » de Christophe Moulin, le film « Una Noche » (2012) de Lucy Molloy (avec Elio, le héros homo, et Lila, sa sœur jumelle), le tableau Salim et Medhi (2007) de Manuel Richard, la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen, le film « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy (avec la fameuse « Chanson des jumelles »), le téléfilm « Falling in love at Christmas » (« À la recherche de mon père Noël », 2021) de Sharon Lewis (avec Erika, la soeur jumelle lesbienne de Paul), le film « Alice au pays des merveilles » (2010) de Tim Burton, le film « JF partagerait appartement » (1992) de Barbet Schroeder, le vidéo-clip de la chanson « Lo Mejor De Mi Vida Eres Tú » de Ricky Martin, le film « Life Is Sweet » (1990) de Mike Leigh, le film « Hamlet » (1976) de Celestino Coronado, le film « The Maids » (1975) de Christopher Miles, le film « Deux » (2002) de Werner Schroeter, le film « Vas voir maman, papa travaille » (1077) de François Leterrier, la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, le film « Justice pour tous » (1979) de Norman Jewison, le film « Anguished Love » (1987) de Pisan Akarasainee, le one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur, le film « Unconditional » (« Inconditionnel », 2012) de Bryn Higgins (avec Owen et Kristen, les jumeaux homos dragués par Liam), la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, le film « Leave Me Alone » (2004) de Danny Pang, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli (avec Rafe et Théron), le roman Les Deux jumelles (1949) de Stefan Zweig, la comédie musicale Ball Im Savoy (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham, la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall (avec Victor et Bobby, les deux cabaret boys identiques), le film « Murmur Of Youth » (1997) de Lin Cheng-sheng, le roman La Ballade du café triste (1951) de Carson McCullers, la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès (avec les jumeaux noirs), les tableaux de Kinu Sekigushi, le film « The Twin Bracelets » (1990) d’Huang Yu-Shan, les photos-collage de David King (2007), la chanson « Cheeky Song » des Cheeky Girls (où les deux jumelles parlent beaucoup d’inversion des sexes), la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti, la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez, le film « Big Business » (1988) de Jim Abrahams, le dessin Encre de Chine (2006) d’Olympe, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp (avec la recherche de la gémellité parfaite de la part de Frédéric Delamont), le film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger (avec Lena et Leni les jumelles siamoises), le roman Bonheur fantôme (2009) d’Anne Percin, le film « Jamais deux sans trois » (1951) d’André Berthomieu, le film « Avril » (2005) de Gérald Hustache-Mathieu (avec les faux jumeaux), le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald (avec la troublante ressemblance entre Ste et Jamie), le film « X2000 » (2000) de François Ozon (avec les jumeaux à l’intérieur d’un même sac de couchage), les photographies L’Hommage à Cavafy (1978) et La Faute énorme (1978) de Duane Michals (où sont pris des jumeaux), le film « The Krays » (« Frères Kray », 1989) de Peter Medak, le film « L’Ombre des anges » (1976) de Rainer Werner Fassbinder, le roman Les Météores (1975) de Michel Tournier (avec Jean et Paul), le roman On The Black Hill (1982) de Bruce Chatwin (avec les jumeaux Lewis et Benjamin), le roman Crocodilia (1988) de Philip Ridley (avec les jumeaux Dave et Théo), le roman Mi Novia Y Mi Novio (1923) d’Álvaro Retana (avec Roberto et sa sœur jumelle), le film « Jubilee » (1978) de Derek Jarman (avec Angel et Sphinx), le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti, le film « Paulo et son frère » (1997) de Jean-Philippe Labadie, le roman Thomas l’imposteur (1923) de Jean Cocteau, la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes, le roman De Komedianten (1917) de Louis Couperus, le roman La Hermana Secreta De Angélica María (1989) de Luis Zapata, le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti (avec Rabbino et Bandiera), le film « Ernesto » (1978) de Salvatore Samperi, le film « Double The Trouble, Twice The Fun » (1992) de Pratibha Parmar, le film « Les Jolies choses » (2001) de Gilles Paquet-Brenner, le roman Le Bateau brume (2010) de Philippe Le Guillou, la chanson « Jumelle » de Linda Lemay (avec la tentation misandre des sœurs lesbiennes), le roman The Importance To Being Earnest (L’importance d’être Constant, 1895) d’Oscar Wilde (avec Algernon et Jack), le film « Footing » (2012) de Damien Gault (avec l’amie d’enfance de Marco, le héros homo, qui a eu des jumelles), le film « Ma vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh (Liberace a eu un jumeau mort né), le film « Ich Seh, Ich Seh » (« Goodnight Mommy », 2014) de Veronika Franz et Severin Fiala, le vidéo-clip de la chanson « The Loving Cup » de Christine & the Queens, la pièce Personne n’est parfait(e) (2015) d’Hortense Divetain, le film d’animation « La Famille Addams » (2019) de Conrad Vernon et Greg Tiernan (avec les jumelles Layla et Kayla), etc. Par exemple, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1), Karma, l’une des héros quasi lesbiennes Karma caresse le ventre d’une jeune femme qui attend des jumeaux : « Et félicitations pour les jumeaux ! » Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Cédric, avec son « mari » Bertrand, éduquent et se disent « papas » de deux jumeaux, Gaspard et Noé.

 

 

La gémellité rejoint l’homosexualité jusque dans l’homonymie des prénoms des amants gays : Jamie et Jamie dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, Chuck et Buck dans le film « Chuck & Buck » (2001) de Miguel Artera, Bryan et Brian dans le film « Together Alone » (1991) de P. J. Castellaneta, Jeff et Jeff dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, Jim et Jim dans le film « American Beauty » (2000) de Sam Mendes, Henri et Henriette dans la comédie musicale La Bête au bois dormant (version 2007) des Caramels fous, les Dupont et Dupond du film « The Mostly Unfabulous Social Life of Ethan Green… » (2005) de George Bamber, Marie et Marie dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie, les jumeaux « Dupond et Dupont » du film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, Sulky et Sulku dans le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes, Jean et Juan dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, etc. « Où sont Tralali et Tralalère ? » (Citron l’hétérosexuel se moquant du couple homo Mirko/Radmilo, dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) Je vous renvoie également aux photos Le Magicien d’eau ainsi qu’Adam et Adam (1997) d’Orion Delain, au film « Él Y Él » (1980) d’Eduardo Manzanos, au film « By Hook Or By Crook » (2001) d’Harry Dodge et Silas Howard, au roman Cris & Cris (1992) de María Felicitas Jaime, etc. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Frédérique surnomme cyniquement le couple Jean-Luc/Romuald « Dupond et Ducon ». Dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre, Rubén, le héros homosexuel prostitué dit à Eloy son client qu’ils ont toujours eu le même nom de famille. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, on est en plein narcissisme fusionnel : Oliver et Elio décident de s’échanger les prénoms et que chacun appelle son amant par son propre prénom : « Appelle-moi par ton nom et je t’appellerai par le mien. » (Oliver s’adressant à son amant Elio)

 

Film "Les Demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy

Film « Les Demoiselles de Rochefort » de Jacques Demy


 

Le personnage homosexuel a parfois un vrai jumeau de sang. « Ton frère [Hector, homosexuel] avait un jumeau. » (la mère d’Ariane et d’Hector, à sa fille la lesbienne, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) Par exemple, dans le film « La Grande Zorro » (1981) de Peter Medak, Zorro, à cause d’une entorse au pied, se fait remplacer par son frère jumeau Bunny Wigglesworth, gay flamboyant et folle devant l’éternel… Parfois, les jumeaux fictionnels sont homos tous les deux : c’est le cas de Djemal et Djelal, les coiffeurs du roman Bonbon Palace (2008) d’Elil Shafak. La gémellité est prioritairement vue comme un clonage puisqu’elle repose sur l’inversion. Par exemple, dans le film « Jeu de miroir » (2002) de Harry Richard, les deux frères jumeaux (dont l’un est homo) portent des prénoms-anagrammes : Leon et Noel. Dans le one-woman-show Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet, Janis prend Nina la lesbienne et sa sœur Édith pour des sœurs jumelles. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Petra, l’une des héroïnes lesbiennes, a un frère jumeau, Tielo : « On dormait dans la même chambre quand on était petits. On était jumeaux. C’est l’autre partie de moi. » (p. 85) Par ailleurs, Jane (la compagne de Petra) et la jeune Anna, 13 ans, sont comme des jumelles, des reflets narcissiques : elles ont la même éraflure au visage.

 

Film "Goodnight" (2015) de Veronika Franz et Severin Fiala

Film « Goodnight » (2015) de Veronika Franz et Severin Fiala


 

En général, les jumeaux des fictions homosexuelles vivent une fusion destructrice. Par exemple, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti, François et Jasmine, frère et sœur jumeaux, ont une relation conflictuelle : « On finit toujours par se disputer. » Dans le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, les jumeaux Quentin et Antoine s’en vont en voyage vers l’Espagne pour assister à l’enterrement de leur mère. En cours de route, Antoine, le frère hétéro, devient carrément le maquereau de Quentin, l’homosexuel. Dans le film « Les Douze Coups de Minuit » (« After The Ball », 2015) de Sean Garrity, Maurice, le styliste homosexuel, associe toujours ensemble Tannis et Simone, les deux filles épouvantables de sa chef Élise, en disant qu’elles sont jumelles : « Il dit ça tout le temps ! » s’en plaint Simone. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa), Phil, le héros homosexuel, est né jumeau avec sa sœur Dianne. Celle-ci est un peu spéciale car elle a le don d’attirer à elle la Bête et les animaux. Elle ne respecte pas l’intimité de son frère : par exemple, elle rentre dans la salle de bain alors que Phil est tout nu dans son bain. Elle devine qu’il a un copain : « Ce genre de truc m’échappe pas. Je suis ta sœur, hein ? » Et leur gémellité est à double tranchant : « Dianne et moi, on était comme McGyver et son couteau, les asperges et la sauce hollandaise ou les jumelles Olsen. Elle était mon ange gardien, mon amie et alliée. Et moi, son deuxième cœur. »

 

Film "Donne-moi la main" de Pascal-Alex Vincent

Film « Donne-moi la main » de Pascal-Alex Vincent


 

Parfois, le héros homosexuel n’a pas de jumeau de sang, mais en revanche considère son (hypothétique) amant comme son jumeau symbolique, une âme sœur narcissique (qu’il jalouse la plupart du temps) : « Tu es mon sang, mon double aimant. » (cf. la chanson « Je te dis tout » de Mylène Farmer) ; « Des jumelles, ça doit être passionnant ! » (Maryline, l’héroïne bisexuelle parlant des filles de Sandra, dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas) ; « Tu trouves pas qu’on se ressemble, Bilal et moi ? » (Malik, le héros gay, interrogeant sa mère par rapport à son futur amant Bilal, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Nous sommes deux sœurs jumelles nées sous le signe du plumeau. » (le couple homo dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « On vit ensemble comme deux jumeaux. » (Greg et Hannah, tous deux homosexuels, dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini) ; « C’est comme si on était jumelles. » (Cécile à son amante Chloé dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 29) ; « Nous sommes jumelles. » (Janine à sa compagne Simone dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) ; « Tu es mon jumeau de cœur, mon jumeau spirituel. » (Sven à Éric, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 138) ; « On dit que chaque être humain a un sosie de par le monde. » (Brigitte dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Je ‘lisaisMaurice, le roman d’Edward Morgan Forster, et toi aussi, mais tu le disais vraiment, et en version originale. Qui étais-tu, que voulais-tu ? Si je m’affichais avec ce livre, qu’il me semblait avoir suffisamment lu en voyant le film qu’en avait tiré James Ivory, c’était parce que j’aspirais à un amour aussi… comment dire ? Romantique. Par ce truchement, peut-être forcerais-je le destin ? […] Ainsi la coïncidence du livre constituait-elle un signe susceptible de m’encourager à t’aborder. […] Ma confusion augmenta quand je sus que nous portions le même prénom. » (la voix narrative racontant une rencontre furtive avec un inconnu dans une gare, dans la nouvelle « Un Jeune homme timide » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 42-43) ; « On dirait ma sœur Olga. » (Érik Satie se regardant dans le miroir, dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Il s’avéra que même si j’étais destinée à vieillir et à mourir, je pourrais avoir une jumelle, installée dans un satellite se déplaçant à la vitesse de la lumière, qui ne vieillirait pas au même rythme que moi. » (Anamika, l’héroïne lesbienne en recherche narcissique d’« immortalité », dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 219) ; « Je recherche mon frère, mon jumeau. » (Paul, le héros homosexuel du film « Seeing Heaven » (2011) de Ian Powell) ; « Tout ce que je sens, tu sens. Et ce que je suis, tu suis. Nous voici sœurs de sang. Déjà nos cheveux s’emmêlent, comme des cheveux de jumelles. Ils s’envolent, cheveux de folles… » (cf. la chanson « Toi c’est moi » de Priscilla) ; « Toi et moi, on est pareils. On se ménage parce qu’on joue chacun très bien au jeu de l’autre. Je connais très bien ton jeu. J’y joue très bien. Toi aussi d’ailleurs. Mais tu sais, je suis meilleur que toi. Je te bats quand je veux. Alors, ne me provoque pas. Je te préviens. » (Harold, homosexuel, s’adressant à son coloc Michael, lui-même gay, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Tu es le frère que je voulais avoir. » (Tom s’adressant à l’homme qu’il aime, Dick, et qu’il imite en tous points, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; etc.

 

Film "X2000" de François Ozon

Film « X2000 » de François Ozon


 

Par exemple, dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn, Tyler Montague défend sa théorie des âmes-sœurs (notamment homosexuelles) sous vocable de « la flamme jumelle ». Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny et Zach ont le même vécu, la même identité, alors qu’ils ont 15 ans d’écart. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Schmidt est jaloux de l’amitié gémellaire qui naît entre son collège Jenko et Zook (qui sont habillés pareil, aiment les mêmes choses, pratiquent les mêmes activités) : « Serrez-vous la bite et mariez-vous !! » dit-il cyniquement pour les séparer. Quand Jenko et Zook jouent ensemble au football américain et qu’ils forment un duo gagnant, ils sont baptisés de « nouveau couple » par les commentateurs de matchs : « Ils sont interchangeables, ces deux-là. » Il y a même deux vrais jumeaux dans le film, Keith et Kenny Yang. Et à la fin du film où il a été question d’homosexualité toutes les cinq minutes, Schmidt fait cette drôle de remarque face à deux autres hommes qui se ressemblent : « Encore des jumeaux ?? »

 

Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, Luce et Rachel, les deux amantes, découvrent que leurs dates d’anniversaire tombent presque en même temps et qu’elles sont « pratiquement jumelles ». Plus tard, Rachel, mariée à un homme Heck qu’elle n’aime pas et découvrant son homosexualité, emmène Heck dans une forêt pour qu’il la baise. Non seulement ce dernier ne s’exécute pas, mais en plus le couple marié tombe sur deux mecs batifolant derrière un arbre. Et ces deux types portent le même prénom : « Moi, c’est Michael. » ; « Moi, c’est Michael 2. »
 

Tweedle Dee et Tweedle Dum dans le film "Alice au pays des merveilles" de Walt Disney

Tweedle Dee et Tweedle Dum dans le film « Alice au pays des merveilles » de Walt Disney


 

Il n’est pas rare que le couple homo apparaisse comme des jumeaux aux yeux des autres : « Simon dit ironiquement à Polly que si elle continue comme ça, on finira par les prendre pour des sœurs jumelles, la rousse et la blonde. » (Mike Nietomertz, Des chiens (2011), p. 51) ; « Elle s’approchait en compagne d’un couple de sosies de Jeremy Irons mais avec un air encore plus snob que lui. Ils ressemblaient vraiment tous les deux à l’acteur anglais et je me surpris à me demander s’ils étaient jumeaux comme les deux médecins qu’avait justement et si génialement interprétés Jeremy Irons dans ‘Dead Ringers’ de David Cronenberg. Mais non, ils portaient des noms de famille différents. Ils n’étaient qu’amants mais on devinait facilement de qui était la photo qui trônait au-dessus de leur lit… » (Jean-Marc dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 213) ; « Nous avons fait toutes les boîtes de folles et personne ne nous a regardés, Pierre et moi nous avons l’air de deux jumeaux de Pierre Cardin. » (la voix narrative du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 53) Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Suzanne trouve que l’amant de son fils Laurent lui ressemble étrangement… sans deviner que c’est son petit ami. Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, l’analogie entre gémellité et lesbianisme est faite sans équivoque.  Dans la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton, Kévin et Joe sont considérés comme des jumeaux. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Patrik pense que Sven et Göran, les amants homos, sont des « demi-frères ». Dans la pièce Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, le couple homo Javert/Mr Madeleine est présenté comme une paire gémellaire (ils sont d’ailleurs habillés tous les deux à l’identique). Au tout début du vidéo-clip de la chanson « En miettes » (2011) d’Oshen, deux femmes lesbiennes se font l’amour, et elles se ressemblent tellement qu’on dirait des jumelles. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Stefanos et Dany, le temps d’un passage aux toilettes, deviennent amants et se ressemblent comme deux jumeaux, deux fashion victim peroxydées. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Stuart et Steeve sont quasiment des répliques physiques.

 

Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Agathe se prend pour Dargelos qu’elle aperçoit en photo. Dans le film « La Beauté du diable » (1949) de Claude Autant-Lara, Marthe apparaît dans le reflet du miroir de François. Dans la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro, le double narcissique est également interpellé. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, pour cacher à Levi qu’il le matait en secret, Chance s’invente un jumeau : « Et si j’avais un frère jumeau qui me ressemblait trait pour trait ? »

 

La découverte du jumeau narcissique ne se fait pas sans heurts. Dans le roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, par exemple, on perçoit tout à fait que la crise identitaire du personnage de Lucas, qui ne se supporte pas unique, est androgynique et violente : « Je contemplais ce corps face au piano […]. J’aurais voulu que ce corps fût le mien. » (p. 17) Au moment où l’on fait subir à Thomas une ponction de moelle osseuse, Lucas lui dit à distance : « Je fais le geste de porter ma main sur mon propre torse. Ils vont réussir à nous différencier, à éliminer nos ressemblances. » (idem, p. 37) ; « Assassiner son frère, serait-ce autre chose qu’un suicide ? » (idem, p. 145)

 

Pochette du single "Méfie-toi" de Mylène Farmer

Pochette du single « Méfie-toi » de Mylène Farmer


 

La gémellité dans les fictions traitant d’homosexualité est rarement signe d’un phénomène positif. Au mieux elle illustre poétiquement le narcissisme, la recherche égocentrée et fusionnelle de l’androgyne (cf. le film « Bella, Ricca, Lieve Difetto Fisico, Cerca Anima Gemella » (1972) de Nando Cicero), le mythe de la fondation (cf. la pochette du single de la chanson « Adam et Yves » de Zazie), au pire elle renvoie au viol, au clonage, à la schizophrénie, à la pure baise porno, à l’inceste, à la jalousie, aux crimes, à l’absorption de drogues, à la contrefaçon mensongère, au meurtre fratricide, à la mort : cf. le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec Linda et Christian), le roman Deux larmes dans un peu d’eau (2006) de Mathieu Riboulet (avec les jumelles dont l’une meurt à la naissance), le roman J’ai tué mon frère dans le ventre de ma mère (2011) de Sophie Cool, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, la pièce Le Jour de Valentin (2009) d’Ivan Viripaev (avec la jalousie gémellaire Katia/Valentine), le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Farinelli » (1994) de Gérard Corbiau (avec les jumeaux incestueux Carlo et Ricardo), les vidéo-clips des chansons « L’Âme-stram-gram » (où les thèmes du suicide et de l’inceste ressortent) et « California » (là, il est question de prostitution) de Mylène Farmer, le film « The Wild Party » (1975) de James Ivory (avec les jumeaux incestueux), le film « Vies brûlées » (2000) de Marcelo Piñeyro (avec les amants homosexuels criminels surnommés « les Jumeaux »), la nouvelle « Lejana » du recueil Bestiario (1951) de Julio Cortázar (dans laquelle Alina Reyes recherche sa « jumelle du bout du monde »), le tableau Les deux Fridas (1939) de Frida Kahlo (représentant la souffrance et l’extase schizophrénique), les jumeaux jaloux dans les dessins pornographiques de Roger Payne, le film « Imposters » (1979) de Mark Rappaport, la B.D. Dads And Boys (2007) de Josman (avec les jumeaux couchant ensemble), etc. Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un des personnages homosexuels affirme avoir été violé dans une tournante par ses « jumeaux ». Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Wanda, à cause de l’alcool, croit être sortie avec des jumeaux pendant une soirée.

 

Les jumeaux (ou frères) fictionnels ne se sentent pas reconnus comme uniques, et en souffrent : « Tu le sais, ça, que je ne suis pas Charles ? » (Guillaume s’adressant à son père homosexuel dans le film « L’Arbre et la Forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « On s’accroche et on fait c’qu’on peut pour pas être mort un jour sur deux. » (le héros du film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa) ; etc. C’est pourquoi ils sont souvent symboles de mort et d’ennui : « Ce n’était pour aucun des deux jumeaux Hypnos ni Thanatos que j’étais descendu dans cet Enfer. » (le protagoniste homo parlant des « quais obscurs et des parkings déserts », dans la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 107) ; « À force d’être toujours ensemble, on a fini par se ressembler. La routine. » (Jonathan en parlant à Matthieu de leur 1 an de vie commune, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; etc.

 

Tableau "Les deux Fridas" de Frida Kahlo

Tableau « Les deux Fridas » de Frida Kahlo


 

Quelquefois, la gémellité cinématographique provoque ou représente l’impuissance sexuelle du personnage homosexuel : « T’arrives pas à bander si ton p’tit frère te regarde pas ?! » (Claire dans le film « Faux semblants » (1988) de David Cronenberg) ; « Il fallait que je sache que nous étions deux pour prendre une consistance. Seule, je n’existe pas. Je ne sais pas être le singulier de notre pluriel d’avant. » (Anna dans le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 64) Farinelli, dans le film éponyme de Gérard Corbiau (1994), s’imagine qu’il ne pourra pénétrer génitalement une femme qu’en présence de son jumeau… à tel point que la Comtesse de Novère lui demande ironiquement s’il a « besoin de son frère pour bander ».

 

La gémellité dans les œuvres homosexuelles est souvent associée à la peur de la sexualité et du viol. « J’avais une sœur jumelle : Rebecca. » (Madeleine, la Rousse violée dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Un jour je la tuerai. Quand je serai une vraie sorcière, je la tuerai. » (Juna, l’héroïne lesbienne par rapport à sa grande sœur, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc. Par exemple, dans le roman Hawa (La Différence, 2010) de Mohamed Leftah, Zapata et Hawa, les deux jumeaux, sont le fruit de la rencontre entre un soldat américain et une prostituée.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Au sein de l’œuvre du dramaturge et dessinateur argentin Copi, la gémellité est omniprésente, et s’annonce précisément sous les hospices du viol. Par exemple, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986), par exemple, Mimi qualifie son double travesti Fifi de « sœur jumelle ». Dans le roman Le Bal des folles (1977), Delphine et Corinne Audieu sont jumelles. Pareil pour la Duchesse d’Albe et la Duchesse de Malaga, les deux sœurs jumelles de la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978). Dans le roman La Cité des rats (1979), on trouve les deux rats femelles jumelles Iris et Carina. Il y a les deux couples de jumelles Leïla/Maria et Joséphine/Fougère dans la pièce Les Quatre jumelles (1973). On retrouve le mythe des fondateurs civilisationnels avec les jumeaux de la tribu des Boludos dans la nouvelle « La Déification de Jean-Rémy de la Salle » (1983). Dans le roman La Vie est un tango (1979), Silvanito a des jumeaux. On observe chez Copi une conception schizophrénique de la gémellité. On n’est pas du tout dans l’idée de double en tant que « semblable » ou « duplicata » (= double des clés, par exemple), mais bien dans l’idée de double en tant qu’« identique » (= deux moitiés d’un seul tout) ou de « double schizophrénique ». Un frère jumeau peut remplacer l’autre et être lui parce que le jumeau est un clone, une voix schizoïde, non un être réel : « Tu m’as étranglée ! » (Joséphine à sa jumelle Fougère dans la pièce Les Quatre jumelles) ; « Les jeux ne sont pas tout à fait faits, chère petite sœur. C’est toi ou c’est moi ! Puisque nous sommes jumelles ! On a commencé à se battre à l’intérieur du ventre de notre mère. » (la Comédienne à Vicky dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne, 1986)

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Généralement, les jumeaux de Copi sont violents ou représentent le viol : « Elles [les 3 Sœurs de Tchekhov] prétendent être jumelles. Tous les dimanches elles sortent arcs et flèches et elles tirent. » (Copi, Un Livre blanc(2002), p. 76) ; « La grossesse de Jacqueline fut difficile, on craignait des jumeaux. » (cf. la nouvelle « La Césarienne » (1983) de Copi, p. 73) ; « Le fait de s’habiller en jumelles leur conservait une certaine clientèle d’amateurs malgré leur soixantaine bien entamée. » (Mimi et Gigi, les deux clochards prostituées, dans la nouvelle « Les Vieux travelos » (1978), p. 87)  Le jumeau copien est figure de mort. Par exemple, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne, la femme de ménage est assassinée plus d’une fois, et sa sœur jumelle est plus bardée de prothèses qu’un mannequin surréaliste. La jumelle symbolise le spectre de l’abandon parental, du doute d’avoir été désiré, et d’être unique : « Qu’est-ce que je vous ai fait ? Parce que j’ai dû vous infliger quelque humiliation dans le passé dont je ne me souviens pas ou qui m’a échappé. Vous étiez comédienne. Je vous ai peut-être volé un rôle sans le savoir. Ou un amant. » (la Comédienne à Vicky, idem, pp. 274-275) ; « Nous sommes sœurs jumelles, Madame Brionska. » (Vicky à la Comédienne, idem, p. 275) ; « Elle [Madame Lucienne] s’est trouvée enceinte d’un légionnaire et elle l’a caché à sa famille qui était très anarchiste. Elle ne m’a pas dit qu’elle avait des jumelles mais une seule fille, qu’elle avait confiée à l’Assistance Publique. » (le Machiniste, idem, p. 275) ; « J’ai mangé un de mes yeux, le droit, et l’autre, le gauche, ma fille l’a mangé. Ainsi, nous sommes jumelles dans l’espace et dans le temps de mère en fille, et ainsi de suite. » (la Reine incestueuse dans la pièce La Pyramide !, 1975)

 
B.D. "Kang" de Copi
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

Juan et Cesar Hortoneda, surnommés les "Jumeaux de Madrid" (immortalisé par Bruce Weber)

Juan et Cesar Hortoneda, surnommés les « Jumeaux de Madrid » (immortalisé par Bruce Weber)


 

Je vous renvoie à la photo des jumeaux à la Gay Pride parisienne de 2006 exposée dans Triangul’Ère 7 (2007) de Christophe Gendron (p. 171), au dossier « Jumeaux Homos : leurs Secrets » dans la revue Têtu (n°130, février 2008, pp. 102-107), au docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles (avec la jumelle), au documentaire italien « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti sur les parents d’enfants homos (l’un des portraits concerne Cristina, une jumelle lesbienne), à l’ouvrage collectif L’Amour du semblable (2001) de Xavier Lacroix, à la photo Henri Michaux (1925) de Claude Cahun, à l’émission Infra Rouge spéciale « Homo ou hétéro, est-ce un choix ? » diffusée le 24 mars 2015 sur la chaîne France 2, aux multiples parallélismes qu’on peut faire entre les Twin Parade et les Gay Pride, à ce témoignage des deux frères jumeaux homos aux États-Unis, au témoin homosexuel du Refuge (qui parle de son frère jumeau à 1h45), etc.

 

Le lien entre désir homosexuel et gémellité ne date pas d’hier. « À la fin du XIXe siècle, dans un premier temps, l’homosexualité féminine est définie sur le modèle de la ressemblance et désignée par la métaphore des sœurs jumelles. » (Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010), p. 21)

 

Actuellement, il devrait nous sauter aux yeux, même si bizarrement, personne ne semble le connaître. Par exemple, dans l’industrie du porno gay (je ne parle même pas du porno lesbien, car là, la liste est interminable ! … même si celui-ci est attribué à un public « hétéro mâle »…), les jumeaux sont très présents : cf. le film « Double en jeu » (2000) de Jean-Daniel Cadinot, le film porno « Busy Boy » (1970) (avec les jumeaux Christy), le film « Twins » (1993) de Bijou Film Production, le film « The Twins » (1998) d’Odyssey Production (avec les jumeaux Perón), le film « Double Size : Double The Pleasure » (2004) de Pacific Sun Production (avec les jumeaux Dean et Dave Resnick), le film « Double Czech » (2000) (avec les jumeaux Jirka et Karel Bartok), le film « The Twins » de Marc Dorel (avec les jumeaux Alex et Ian Lynch), etc. Parmi les plus « connus », on a les célèbres frères Rocky (vedettes des Folies Bergères et du Casino de Paris dans les années 1930), les jumeaux Guesdes, les jumeaux Brewer, les jumeaux Ryker, les jumeaux Hall, les jumeaux Grooch, les jumeaux Goffney, les jumeaux Mangiatti, Milo et Elie Peters, les jumeaux Carlson, etc.

 

 

Dans la réalité, il y a beaucoup d’individus nés jumeaux qui se disent homosexuels à l’âge adulte. C’est le cas de Willa Cather, d’Emmanuel Moire, de Zarko (le jumeau de l’émission de télé-réalité Secret Story 5), Jason Collins (le joueur de basket de la NBA), le frère du cardinal Jean Daniélou, de Will Young (vainqueur de Pop Idol en 2002 en Angleterre), de David Reimer, etc. Même chez les célébrités, le lien de coïncidence entre homosexualité et gémellité est relativement vérifiable, et il arrive que le duo soit tous les deux homosexuels (sans être en couple, évidemment) : Nicolas et Stéphane Sirkis du groupe Indochine, Christophe et Stéphane Botti, Gabriel et Oscar Perón, Willa Cather et son frère William, Megan Rapinoe (footballeuse lesbienne) et sa soeur également lesbienne Rachael, etc. Sur YouTube, la chaîne PAINT dédiée à la visibilité à la communauté LGBTQIA+ francophone a été créée par un frère et une soeur faux jumeaux, Aline et Cédric Feito, tous les deux homos. À Cœur ouvert (2007) est l’autobiographie de l’écrivain choletais Stéphan Desbordes-Dufas : ce dernier raconte sa propre homosexualité et celle de son frère jumeau. Dans l’émission suisse Temps présent « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur RTS le 24 juin 2010, l’un des témoins homos, Lucien, 19 ans, a un frère jumeau, Yvan. Dans l’émission Toute une histoire spéciale « Quand ils ont renoncé leur homosexualité, leurs proches les ont rejetés » diffusée sur France 2 le 8 juin 2016, Tony, 19 ans, se dit homosexuel et a un frère jumeau dit « hétéro », Enzo, qui au départ réagit bien au coming out de son frère pour finalement, par peur des comparaisons, l’insulter. Ils disent tous les deux ne former qu’une seule et même personne : « Mon jumeau, c’est ma moitié. C’est ma vie. » Lors du débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017, Lucas Carreno, femme F to M, est née jumelle avec un frère. Les émissions de talk-show « Ça commence aujourd’hui » animées par Faustine Bollaert France 2 multiplient les témoignages de jumeaux homosexuels tous les deux (Jean-Thomas et Pierre Nicolas, ou encore Aline et Cédric, dans « Jumeaux et homos » en 2020 ; Anthony et Eddy dans « Père, fils, soeurs, frères jumeaux : ils sont homosexuels! » en 2022).

 

Megan et Rachel Rapinoe


 

Dans son étude Les Jumeaux, le couple et la personne (1960), René Zazzo, LE Spécialiste français des jumeaux, évoque le cas d’une femme jumelle lesbienne : « Claudette est une jumelle, homosexuelle active. Elle a toujours regretté d’être une fille. Elle prenait les jouets délaissés par son frère jumeau. […] Les tendances voyeuristes ont chez elle une grande importance. »

 

Certains jumeaux homos témoignent ouvertement de la conjonction du désir homosexuel et de leur identité de frère jumeau : « Pour l’anecdote, une fois, je suis sorti avec un jumeau sans le savoir. Par la suite, j’ai rencontré son frère. Et je dois bien avouer que c’est assez fascinant, la ressemblance. C’étaient des ‘vrais’ et ils me plaisaient donc physiquement tous les deux. Je me suis même surpris à avoir des idées lubriques… » (Férid, lui-même jumeau homo, dans le dossier « Jumeaux Homos : leurs secrets », sur la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 106) ; « J’aurais adoré qu’on se tape un couple de jumeaux. » (Laurent en parlant de lui et de son frère jumeau qui est également gay, idem, p. 107)

 

De mon côté, c’est le rapport intime et autobiographique que j’ai avec le lien homosexualité/gémellité qui m’a au départ lancé dans mes recherches sur le désir homosexuel, j’avoue. Je me disais que la gémellité était un dénominateur commun criant que j’observais tellement dans mes rencontres et dans les films sur l’homosexualité que je voyais qu’il y avait forcément des « mystères de coïncidence » à creuser à propos du désir homosexuel, un désir si mal connu finalement. Au fur et à mesure que je me faisais des amis homos, je découvrais qu’il y avait parmi eux des jumeaux à la pelle, de toutes les catégories : des monozygotes, des dizygotes, des gars, des filles, des jeunes, des plus âgés, des Français, des étrangers, des personnes qui souffrent du « syndrome du jumeau solitaire » (elles ont appris qu’elles ont perdu leur sœur ou leur frère à la naissance, lors de l’accouchement de leur mère : elles en éprouvent donc un manque sans tristesse, une culpabilité inconsciente), même des frères jumeaux qui couchent ensemble (tant qu’ils ne trouvent pas mieux ailleurs !), etc. « Un des événements les plus graves qui puisse arriver à une personne est la mort de son jumeau à la naissance. Le cas d’Elvis Presley est bien connu. Son frère jumeau mourut pendant l’accouchement, ce qui laissa une empreinte indélébile sur sa vie. La vedette aménagea sa villa en double pour son frère. Il mourut à l’âge de 42 ans, totalement obèse, d’une défaillance cardiaque due à la consommation de somnifères. Comme Elvis, tous les jumeaux survivants ont un destin extrêmement lourd lorsque leur jumeau meurt pendant l’accouchement. Le manque de l’autre est tellement insupportable que rien dans la vie ne peut lui faire plaisir. Une partie du jumeau survivant veut mourir le plus vite possible pour être à nouveau réunie avec l’autre. Ce désir de réunification est très fort parce que la personne se sent comme une demi-portion. Ce n’est pas seulement une métaphore, mais bien une réalité. À quoi cela sert-il de faire des efforts à l’école si on a envie de mourir ? » (Alfred R. et Bettina Austermann, Le Syndrome du jumeau perdu (2007), p. 111) ; « C’était en 1983-1984, au début de notre relation. On était allées faire un tour dans les forêts de Géorgie. Ça s’appelait ‘Fête de la Femme’. Il y avait plein de femmes aux seins nus et nageant nues dans le lac. Dans ce lieu de camp, en pleine forêt, deux femmes étaient… comment dire… en train de s’aimer. Et elles se sont retournées vers nous, et j’ai eu un choc… parce qu’elles étaient des jumelles identiques, de vraies jumelles. J’ai eu comme une réaction viscérale. Ça m’a énormément perturbée. Et j’ai dit à Margo : ‘Elles sont jumelles, celles qui sont en train de faire l’amour ?’ Elle m’a répondu : ‘Oui.’ Et j’ai rajouté : ‘Ça te semble juste ?’ Et elle m’a rétorqué : ‘Si tu commences à juger, alors les gens pourront commencer à nous juger nous.’ Ce fut un moment de réveil de ma conscience. C’était une situation tellement embarrassante que j’aurais eu l’opportunité de m’éloigner de Margo, mais à l’époque je ne l’ai pas fait. » (Rilene, une femme de 60 ans, racontant un souvenir qu’elle a vécu avec sa compagne Margo avec qui elle est restée 25 années, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check)

 

Parfois, je tape en plein dans le mille sans le faire exprès quand j’aborde le sujet du lien homosexualité/gémellité en public (par exemple, lors d’un café-philo sur l’homosexualité, que j’ai tenu en début 2011 à Lorient, certains jeunes auditeurs homos, que je ne connaissais pas du tout, et qui étaient venus par hasard, se sont tout de suite sentis concernés par mon propos étant donné qu’ils étaient jumeaux !). Il m’est même arrivé de reconnaître une jeune fille lesbienne qui fréquentait le même local associatif que moi à Angers, parce qu’elle était passée avec sa sœur à une émission de télé de Mireille Dumas (Bas les masques) sur les jumeaux… et comme pendant toute mon adolescence, mon frère et moi épluchions toutes les émissions qui traitaient du sujet, son visage ne m’avait pas échappé !

 

Je le dis sans ambages : je tiens notre rapport à la gémellité à mon frère jumeau et à moi pour responsable majeur de mon homosexualité.

 

Création scénique "Le Roi Roger est nu" de Karol Szymanowski

Création scénique « Le Roi Roger est nu » de Karol Szymanowski

 

Du côté simplement des statistiques et des études scientifiques (à prendre avec la distance et les précautions nécessaires pour ne pas causaliser l’homosexualité ni faire de généralités abusives), il est fait état d’un taux élevé de probabilité entre gémellité et homosexualité. « En 1953, Kallman constate que dans tous les cas de jumeaux monozygotes, lorsque l’un est homosexuel, l’autre l’est également. Concordance qui ne se retrouve pas chez les faux jumeaux. » (F. J. Kallman, Heredity In Health and Mental Disorder, N. Y. Norten, 1953, cité dans l’essai X Y de l’identité masculine (1992) d’Élisabeth Badinter, p. 166)

 

Il ressort de l’étude plus connue de Bayley et Pillard que, chez les vrais jumeaux (les monozygotes), lorsque l’un des deux frères est homosexuel, l’autre l’est aussi dans 55% des cas… ce qui constitue une probabilité énorme ! (cf. les études de l’Université de Boston du Docteur Richard et des psychologues Bailey et Pillard, A Genetic Study Of Male Sexual Orientation, Archives Of General Psychiatry, Chicago, 1991). Dans « Homosexual Orientation in Twins : A Report on Sixty-One Pairs and Three Triplets Sets » (Archives Of Sexual Behaviours 22, 1993, pp. 187-206), F. L. Whitam, M. Diamond et J. Martin donnent un taux de concordance de 65% pour 34 paires de jumeaux monozygotes et de 30% pour 23 paires de jumeaux dizygotes. Je vous renvoie également aux chiffres de concordance similaires donnés par N. Buhrich, J. M. Bailey et N. G. Martin (« Sexual Orientation, Sexual Identity And Sex-Dimorphic Behaviors in Male Twins », Behavior Genetics 21, janvier 1991, pp. 75-96).

 

Une équipe de chercheurs, dirigée par le Docteur Kenneth Kendler du Medical College of Virginia, a publié en 2000 les résultats d’une recherche très intéressante sur les jumeaux. Sur les 50 000 familles dont les données étaient rendues disponibles par la Foundation Midlife Development, l’équipe de Kendler a examiné les comportements sexuels de 794 paires de jumeaux et 2 907 couples de frères et sœurs. Sur cet échantillon, 2,8% des personnes interrogées étaient homosexuelles ou bisexuelles. Parmi les 324 couples de vrais jumeaux (même patrimoine génétique), 6 reconnaissaient être tous les deux homosexuels ou bisexuels et 19 que l’un des deux était homosexuel alors que son binôme ne l’était pas. À partir de ces données, les conclusions des chercheurs dans l’American Journal Of Psychiatry furent les suivantes : un vrai jumeau sur trois serait homosexuel quand son frère l’est, soit 31,6% des jumeaux homozygotes, alors que dans le cas des faux jumeaux du même sexe le chiffre serait de 13,3% ; et de 8,3% si l’on considère tous les faux jumeaux. Et de conclure que : « les facteurs génétiques peuvent avoir une grande influence sur l’orientation sexuelle ». Enfin, Kenneth Kendler reconnaît que le rôle des gènes joue « en interaction avec des facteurs environnementaux ». Il se garde bien de faire une lecture de la gémellité trop scientifiquement déterministe.

 

La gémellité fait partie d’une des coïncidences troublantes de l’homosexualité. Le cas des jumeaux homosexuels vient déranger ceux qui pensent que le désir homosexuel est soit totalement acquis, soit totalement inné. Il prouve que l’homosexualité se manifeste plus particulièrement dans certains cadres de vie, des situations particulières qui restent à définir, et qui à elles seules ne seront jamais des « critères éternels d’homosexualité ». Le désir homosexuel est suscité par des facteurs externes réellement mais non systématiquement déterminants. S’il peut s’expliquer en partie par la gémellité par exemple, cela veut dire qu’il est relativement provoqué et construit, qu’il n’est pas qu’inné, qu’il n’est pas non plus uniquement acquis, mais qu’il peut être réveillé par des rencontres, des événements, et un contexte extérieur imparfaitement précis. Et cela inquiète bien évidemment la communauté homo, car dans ce cas-là, l’homosexualité pourrait être considérée comme un choix, ou bien comme un phénomène « opérable », qu’on pourrait ré-éduquer ou désapprendre.

 

Personnellement, je laisserais les statistiques au second plan, car elles encouragent à ranger du côté de la causalité ce qui n’est qu’à reléguer dans le monde des images et des fantasmes, pour me pencher sur ce que nous pouvons observer aujourd’hui dans la fantasmagorie homosexuelle et parfois dans la réalité concrète. Il est clair que le couple gémellaire est un topos de l’iconographie homosexuelle. Cela s’explique en partie par le fait qu’au niveau des désirs, jumeaux comme personnes homosexuelles ont tout, physiquement et pulsionnellement, pour se prendre pour des exceptions d’Hommes, des photocopies humaines, ou des dieux auto-créés (« J’ai été capable de faire mon frère à mon image sans l’aide de l’extérieur… »), alors que, comme l’écrivait René Zazzo, les jumeaux sont juste les cas limites d’une situation générale : « Nous sommes tous des jumeaux. » (Les Jumeaux, le couple et la personne, 1986). Et je serais tenté de rajouter que, du point de vue des désirs humains superficiels, nous sommes aussi tous partiellement hétérosexuels/bisexuels/homosexuels : les personnes jumelles ne sont pas, comme on le croit souvent, des créatures humaines à part, ni les personnes homosexuelles une espèce exceptionnelle.

 

Homosexualité et gémellité forment un tandem intéressant car toutes deux soulèvent les mêmes enjeux : le fantasme social du jumeau va de pair avec celui du sexe unique, et du couple fusionnel. Dans le cas des frères jumeaux comme des personnes homosexuelles, le besoin de s’affirmer comme original – donc vivant, aimable et aimant – se trouve supplanté par un désir de relation fusionnelle avec son semblable sexué présentée comme « idyllique », sous-tendant la croyance secrète d’être irréductiblement seul ou bien clone – et donc mort, incomplet, inexistant, mal-aimé, ou peu aimant.

 

Je crois que le désir homosexuel émerge de la peur, chez une personne, d’être une photocopie, de ne pas être unique. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

 

Pochette du single "Adam et Yves" de Zazie

Pochette du single « Adam et Yves » de Zazie


 

Bien plus qu’une vérité génétique ou anthropologique figée sur l’homosexualité, bien plus qu’une réalité générale et majoritaire à étendre à toutes les personnes homos, la gémellité correspond en revanche à un désir (déçu) très répandu dans la communauté homo, ET individuellement, ET au sein du couple homo. C’est le désir homosexuel, et uniquement lui, qui doit retenir notre attention. La gémellité homosexuelle est plus un fantasme qu’une réalité concrète. « Dès son enfance, m’a raconté Maurice Pinguet, il avait compris qu’il était homo, mais il croyait que c’était là un rare malheur et qu’il n’aurait jamais la chance de rencontrer son semblable. » (Paul Veyne, Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014), p. 64-65) Parfois, la gémellité entre amants homosexuels est purement symbolique et désirante : « Je suis son frère jumeau et me prépare à me rendre au parloir, habillé exactement comme il s’habille. » (Christian en parlant de son amant Kamel de 20 ans son cadet, dans l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, p. 119) ; « Je ne sais pas si le désir d’avoir un jumeau est très répandu ou si on trouve une telle attente dans certaines familles. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 33) ; « Parmi les fantasmes des gays, les jumeaux arrivent dans le peloton. » (cf. le dossier « Jumeaux Homos : leurs secrets », dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 102) ; « C’est le fantasme de pas mal d’homos de se taper des jumeaux, on adore chauffer les mecs avec ça. » (Joaquim, idem, p. 104) ; « Je ne vois pas chez un garçon de plus belle qualité ni de plus grave défaut que d’être né sous le signe des Gémeaux. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 206) ; « Il avait dix-sept ans à présent, presque dix-huit, comme moi. Nous avions tous deux connu cinq ans de souffrance dans ce lycée militaire où nos familles respectives nous avaient envoyés, avec l’espoir que cette éducation virile anéantirait notre imaginaire. Dans un esprit de pédagogie et de feinte gentillesse, ils avaient formé le plan de nous éliminer. Nous avions construit, Ernestito et moi, un jeu de miroirs qui allait devenir notre planche de salut : chacun de nous était tantôt le personnage, tantôt le reflet, et nous ne nous quittions pas. Ce rituel allait nous permettre de survivre aux innombrables épreuves d’humiliation auxquelles cette ‘formation’ se prête volontiers. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 189-190) ; etc.

 

D’ailleurs, de l’extérieur, beaucoup de couples homos racontent qu’ils ont été pris pour des jumeaux ou des frères (cette confusion est extrêmement fréquente) : « Des personnes peu perspicaces ont souvent cru que nous étions jumelles. » (Paula Dumont en parlant de son couple avec Martine, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 70)

 

Parfois, il a suffi qu’un individu ait l’impression d’avoir remplacé un frère ou une sœur aîné mort(e) prématurément dans sa famille pour se sentir jumeau : « J’ai le sentiment que ma mère s’en veut toujours du décès de mon frère, comme si elle n’avait pas bien pris soin de moi, alors qu’elle n’avait que 15 ans ! J’ai aussi le sentiment qu’elle a fait une sorte de transfert sur moi. J’ai remplacé l’enfant mort. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 15) Tout récemment, un ami homo m’a expliqué pourquoi il se sentait homosexuel : « J’ai déjà réalisé depuis quelques années que je suis un enfant né pour remplacer un frère mort à quelques mois d’existence (et dont je porte le prénom en second) et je réalise aujourd’hui que ma mère attendait de moi que je sois vivant-mais-mort, ‘sage comme une image’, une forme d’Être au-dessus du temps désincarné. » (cf. mail reçu le 2 août 2011)

 

Le chanteur homosexuel Emmanuel Moire

Le chanteur homosexuel Emmanuel Moire


 

Concernant le lien de coïncidence entre gémellité et homosexualité, il est fascinant de voir que la douleur de la perte du jumeau a pu être amortie/camouflée par l’annonce prématurée et officielle d’une homosexualité… comme si la mort du jumeau coïncidait avec le désir homosexuel et ses soubresauts. Je pense au cas précis du chanteur français Emmanuel Moire, qui a presque simultanément appris la mort accidentelle de son frère jumeau (Nicolas Moire, le 12 janvier 2009 est plongé dans un profond coma après avoir été renversé par une voiture, et décède le 28 du même mois) et annoncé dans le magazine Têtu de novembre 2009 qu’il était homo (il a apparemment assumé complètement d’avoir fait son coming out quelques mois après la mort de son frère). Cela laisse supposer plein de choses sur la nature du désir homosexuel, notamment du lien entre homosexualité-gémellité-mort.

 

En ce sens, l’image fictionnelle des jumeaux homos farceurs ou criminels n’est pas toujours un mythe. Par exemple, les meurtriers de l’acteur gay mexicain Ramón Novarro étaient des frères jumeaux homos (Ils s’appelaient Bert et Daniel). Il existe même des cas de jumeaux qui couchent carrément ensemble : cf. cet article « Ils sont en couple et découvrent qu’ils sont des jumeaux qui furent séparés à la naissance. »

 

Si l’on sort de la sphère strictement privée de l’individu et du couple, on découvre que la recherche gémellaire homosexuelle s’étend à la communauté homosexuelle toute entière. J’aborde plus largement le thème des clones dans le code « Clonage » du Dictionnaire des Codes homosexuels, mais je peux quand même vous en toucher deux mots en citant simplement l’autobiographie de Mauvais genre (2009) de Paula Dumont, qui à elle seule suffira à illustrer l’uniformisme et le conformisme spéculaire visés par beaucoup de personnes homosexuelles actuelles : « J’ai vécu assez longtemps pour savoir que j’appartiens à une certaine catégorie de femmes qui ne sont originales qu’en apparence. Quand je me rends dans une assemblée de deux cents goudous, je repère mes semblables au premier coup d’œil. Sans nous être concertées, nous arborons toutes la même panoplie, ce qui est la preuve que nous avons subi un conditionnement identique. » (p. 8) ; « Il m’est facile aujourd’hui de répondre à cette question car j’ai, au cours de mon existence, rencontré de nombreuses butchs qui n’ont jamais ouvert que L’Auto Journal ou L’Équipe et qui me ressemblent comme des sœurs jumelles. » (idem, p. 87) La communauté gay et la communauté lesbienne cherchent à se conforter et à se rassurer dans une ressemblance singée… même si parfois survient le doute sur le sens de cette pseudo gémellité : « Dans quelle mesure suis-je Paula, la sœur jumelle de Marc, lui-même et tout comme moi homosexuel exclusif ? » (idem, p. 16)

 

Vidéo-clip de la chanson "Âme-stram-gram" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Âme-stram-gram » de Mylène Farmer


 

La gémellité est aussi – et je terminerai par là – le signe social tangible du viol (« viol » entendu dans son sens légal mais aussi dans le sens d’« éloignement du Réel ») et de la manipulation génétique des apprentis sorciers que nous devenons quand nous jouons avec la vie à travers les « progrès » scientifiques. « Aujourd’hui, sa compagne va accoucher de deux jumelles. » (Jeanne Broyon à propos de Francine, une femme lesbienne qui a eu des enfants par fécondation in vitro, dans le documentaire « Des Filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger) ; « C’est tellement beau que ça en devient irréel. » (Francine en parlant de « ses » jumelles qu’elle aurait eues avec sa compagne Karen, le jour de la naissance à la maternité, idem) ; « Mon fils, je l’aime comme si je l’avais fait. » (Jeanne en parlant du fils de sa compagne, idem) ; etc.

 

Notre société, qui ne sait plus trop qui elle est, qui s’éloigne de ses repères anthropologiques fondateurs, qui s’homosexualise de plus en plus à force de promouvoir l’indifférenciation des sexes, engendre symboliquement, et parfois concrètement, des jumeaux. On les voit, ces deux clones manichéens, s’étaler dans les pubs, les films, et les magazines ; et la procréation médicalement assistée favorise l’existence concrète des jumeaux. Par rapport à la GPA (Gestation Pour Autrui) et à la PMA, « de nombreux couples, notamment les gays, qui rêvent d’un bébé chacun, expriment le désir d’avoir des jumeaux, témoigne le Dr Michael Feinman. La mère porteuse, elle, reçoit entre 25.000 et 35.000 dollars (ses tarifs augmentent à chaque grossesse). Plus 8.000 si elle est enceinte de jumeaux. » (cf. l’article du Figaro) Y compris dans les « projets » parentaux des « couples » homos, on voit bien que la gémellité confine à la schizophrénie fusionnelle : « L’idée, c’est qu’on soit tous les deux le père biologique. Ce serait des jumeaux avec la même mère biologique et le sperme de nous deux. » (Christophe à propos de Bruno, son compagnon, avec qui il programme une GPA avec mère porteuse, dans le documentaire « Deux hommes et un couffin » de l’émission 13h15 le dimanche diffusé sur la chaîne France 2 le dimanche 26 juillet 2015)

 

Lorsque nous voyons double, en général, c’est mauvais signe : soit nous avons pris une substance illicite, soit nous sommes malmenés symboliquement, psychiquement, inconsciemment, par un désir écartelant, qui nous éloigne du Réel. Le désir homosexuel fait partie justement des désirs humains les plus écartelants qui soient. « Le double, moi, ça m’effraie. Ces deux sœurs ont la similarité des jumelles. On aurait dit qu’elles auraient voulu être siamoises. » (Celia s’adressant à Bertrand à propos d’une toile figurant deux sœurs identiques, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud)

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.