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Code n°166 – Symboles phalliques (sous-codes : Fétichisme du pénis / Sodomie / Fellation / Masturbation / Castration / Peur de la sexualité / Pont)

symboles phalliques

Symboles phalliques

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

AVERTISSEMENT : Cette page peut choquer la sensibilité des mineurs

 
 

Le kiki envisagé comme une arme ou une absence (à cause de la peur de la castration)

 

Vidéo-clip de la chanson "Libertine" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer


 

Un certain nombre d’auteurs homos associent dans leurs créations fictionnelles le pénis de la pénétration anale/vaginale à tous les symboles phalliques dangereux imaginables – le couteau, le serpent, le revolver, les flèches, les cornes du taureau, la stalagmite perforante et mortelle, etc. –, même s’il est aussi par ailleurs totémisé en sceptre de toute-puissance asexuée (étant donné que le phallus n’est pas réductible à l’appareil génital masculin, contrairement à ce qu’en a retenu le langage populaire, mais bien au pouvoir narcissique de domination qui peut être exercé aussi bien par des hommes que par des femmes). En effet, la pénétration anale/vaginale, dans les fictions homo-érotiques et parfois dans la réalité, ne se fait/vit pas sans douleur. Elle est même souvent liée au viol, à la mutilation anatomique, et à un crime. Est-ce réaliste, ou bien le fruit exagéré d’une intériorisation homophobe d’une diabolisation sociale de la sexuation, de la génitalité, de la masturbation, de la sodomie, de la fellation ? Les deux à la fois. Certes, la sodomie ou la fellation ne tuent pas forcément, ni même sur le coup. Et beaucoup d’individus homosexuels excusent la violence de celles-ci par le sentiment, le plaisir ou la métaphore « humoristique ». Néanmoins, il est fort probable que les images agressives du pénis, ou bien les visions d’horreur de la castration, dépeintes par énormément de personnes homosexuelles, disent chez elles une sexualité forcée et déséquilibrée, soient la représentation d’un viol réellement vécu/d’une violence symbolique et psychique véritablement subie, indiquent l’existence d’un fantasme de toute-puissance niant les limites de chacun des deux sexes, traduisent une peur/ignorance de la génitalité, symbolisent un désir incestueux frustré, émergent du contrecoup de la vue du non-amour entre leurs deux parents biologiques mais surtout entre leurs deux parents cinématographiques/pornographiques.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Coït homosexuel = viol », « « Première fois » », « Femme et homme en statues de cire », « Amant narcissique », « Bonbons », « Cheval », « Main coupée », « Talons aiguilles », « Destruction des femmes », « Parricide la bonne soupe », « Scatologie », « Icare », « Noir », « Cannibalisme », à la partie sur les « Femmes phalliques » dans le code « S’homosexualiser par le matriarcat », à la partie « Sang » du code « Mariée », à la partie « Trou noir » du code « Oubli et Amnésie », à la partie « Saint Sébastien » du code « Adeptes des pratiques SM », à la partie « Taureau » du code « Corrida amoureuse », à la partie « Sexualité régressive » du code « Parodies de Mômes », et à la partie « Pied cassé » du code « Se prendre pour Dieu », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Saint Pénis :

la chanteuse Katy Perry

la chanteuse Katy Perry


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, il est bien souvent question de bite (excusez de la crudité de langage, mais bon, voilà, c’est de cela dont il s’agit !), parfois de manière imagée et suggestive : cf. la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi (avec le sexe-plumeau, dans la mise en scène de Gilian Petrovski, en 2009), le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Frédérique Quelven (avec les chiens phalliques), la peinture La Blanche et la Noire (1904) de Félix Valotton, la chanson « Short Dick Man » de 20 Fingers, la chanson « Bananasplit » de Lio, la chanson « Les Sucettes » de France Gall, le vidéo-clip de la chanson « Don’t Tell Me » de Madonna (avec la queue de hamster dans l’entre-jambe de la chanteuse), le film « Deux bananes flambées et l’addition » (1997) de Gilles Pujol, le film « La Peau » (1980) de Liliana Cavani, le film « The Living End » (1992) de Gregg Araki, le film « Hitcher » (1985) de Robert Harmon, le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson (avec les poteaux marseillais de 40 cm de diamètre à Marseille, comparés à des bites), le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré (avec le roseau), etc.

 

Tableau « La Blanche et la Noire » de Félix Valotton

Tableau « La Blanche et la Noire » de Félix Valotton


 

« Je sens remuer sa petite bite comme une cuillère à café dans une tasse. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 47) ; « Quand je revins dans la pièce avec les coupes, elle avait retroussé sa robe et serré la bouteille entre ses genoux. Le bouchon fusa et claqua au plafond et un grand jet mousseux jaillit d’entre ses jambes. » (Laura décrivant son amante Sylvia lui annonçant qu’elle attend un bébé d’elle, dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 183) ; « Tu parles peut-être de ma bite, enfin, de celle que tu as dans la tête. Va, oublie-moi, elle va bien ramollir dans ta mémoire, ma bite ! » (Luc à son amant Jean, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; etc.

 

Les références aux symboles phalliques se veulent ouvertement grossières et décalées. Par exemple, dans le film « Warum, Madame, Warum » (« Pourquoi, Madame, pourquoi », 2011) de John Heys & Michael Bidner, une bourgeoise berlinoise déguste une saucisse phallique tenue d’une main gantée. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, lécher une glace est interprété comme un signe d’homosexualité. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bernard, le héros homosexuel, cherche à séduire son voisin de pallier Didier en dégustant à la fourchette son knacki de manière très lascive. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Romeo, le héros homosexuel noir, plaisante sur la taille visiblement impressionnante de son appendice, qu’il affuble du doux nom de « Francky ». Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, l’un des héros homos, est fan de comédies musicales, telles que Bananasplit. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, l’autobus de l’équipe gay de water-polo prend un auto-stoppeur portant un tee-shirt sur lequel est marqué « SPLIT ».

 

Cependant, les allusions sexuelles peuvent également être plus inconscientes. Par exemple, dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glenn et Russell, les deux amants d’un week-end, passent leur temps à cloper/niquer : week-end dick & cigarettes au programme. Dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, la clope est le symbole phallique par excellence qu’Hannah use pour draguer une fille. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, la cigarette est clairement le prémisse à la sodomie entre les deux camarades CRS Marc et Engel. Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, c’est juste après que Konrad ait demandé à son secouriste Donato à l’hôpital s’il avait une cigarette pour lui (Donato lui répond « non ») qu’il l’encule juste après dans une voiture : c’est la séquence filmique juxtaposée.

 

Parfois, le héros homosexuel est même réduit à son appareil génital : « Vous me faîtes rire, les deux pédés et la lesbienne, on dirait deux burnes accrochées à une bite. » (Claude, une des héroïnes lesbiennes, à son amante Polly entourée de leurs deux amis homos Simon et Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 80) Tel sexe, tel maître !… à l’image du flic Pandrax dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, « exhibant un sexe réglementaire obèse et poilu, dont le gland rappelait la forme d’un képi » (p. 91). Dans l’épisode 1 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Adam, le héros homo, est complexé par son grand sexe : à la fois il le trouve trop grand, à la fois il a peur de la panne : « J’aimerais être un mec normal avec une queue normale et un père normal. » Il prend même du viagra pour se rassurer.

 

Le pénis est aussi la métaphore des amants. Dans beaucoup d’œuvres homosexuelles est dressée une typologie des différents appareils génitaux masculins personnifiés, de manière à la fois humoristique et pseudo scientifique : cf. le one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009) de Samuel Ganes, la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, etc. Par exemple, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, à l’Acte 6 intitulé « Le Musée des Bites », la Comtesse Conule de la Tronchade nous expose tout un catalogue « international » des sexes d’homme existants : la bite en chocolat (« pour les gourmandes »), la bite africaine (« qui traîne un peu les pieds, mais qui arrive toujours aussi triomphante… Le continent qui se présente compense sa pauvreté par sa puissance créatrice ! »), la bite espagnole (qui expose au risque de la castration : elle « joue avec nos nerfs pour qu’on y aille et quand on y est, décapitation, paf dans l’œil ! »), etc. Dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, pareil, la voix-off nous décrit les différentes catégories de pénis qui existent (le « Bananasplit », le « Capitaine Crochet », entre autres…).

 

Certains personnages homosexuels semblent obnubilés par les zizis. Par exemple, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, l’obsession de Cody, le gay nord-américain, est de « sucer des bites » tout le temps (p. 92). C’est le cas de tous les autres protagonistes homos qui l’entourent : « Maintenant, c’est de la merde, Paris ressemble à un musée pour vieux cons fachos, avec des gays (il prononce ‘géïzes’) qui tètent du petit lait électronique avec des airs ingénus et qui se branlent devant Xtube. Des petits moutons. On a transformé une armée de pédés rebelles qui dérangeaient le modèle hétéro en gays, c’est-à-dire en tarlouzes de droite incapables de réfléchir plus loin que le bout de leur bite. » (Simon, op. cit., pp. 23-24) ; « Pfu, vous êtes pareils tous les deux, Simon et toi, complètement obsédés. Je vais finir par croire que c’est un syndrome homosexuel… Non, en fait j’en suis convaincue ! Un jour, tu vas voir, j’en aurais marre que les pédés parlent que de cul, on dirait que chez vous, si y avait pas le cul, y aurait rien. Vous êtes complètement obsédés, tous. Bande de freaks ! » (Polly, l’une des héroïnes lesbiennes s’adressant à ses deux amis gays Simon et Mike, op. cit., p. 25) ; etc. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Mathias Le Goff, entraîneur de water-polo hétéro, se désole de l’indiscipline de l’équipe gay dont il a la charge : « Pourquoi vous êtes obligés de montrer vos bites en permanence ? »

 

Plus qu’une obsession pour la génitalité, c’est un aveuglement à l’égard de celle-ci. Visiblement, ce sont ceux qui en parlent le plus qui y goûtent le moins. « De l’ouverture à la fermeture de la gare, y a des hommes, de tous âges, de toutes origines qui se branlent lamentablement, debout, dans l’odeur de pisse et de foutre, en matant en coin les bites des autres. On dirait des puceaux, aussi fébriles que surexcités. Venir ici me désespère autant que ça me réjouit. » (Mike se rendant aux pissotières, op. cit., p. 59) ; « La Reine des Rats se glissa entre mes pattes et me suça le pénis sans résultat. » (Gouri, le rat bisexuel du roman dans La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 118) ; etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

La focalisation des personnages homosexuels sur le sexe génital est généralement excusée par l’art, la politique, le goût, le sentiment, l’humour, la métaphore, bref, par l’intention : cf. la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (avec la bite d’Ahmed comparée à une chrysalide), la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali (avec Heïdi, une des héroïnes lesbiennes, peignant des tableaux de végétaux-pénis surdimensionnés), la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand (avec les chocolats en forme de bite), le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia (avec l’obélisque phallique), la pièce Betty Speaks (2009) de Louise de Ville (avec l’aspirateur-vibromasseur), le film « Túnel Russo » (2008) de Eduardo Cerveira, etc. « Oui, la bite est un oiseau ! Mais c’est un oiseau plongeur ! Il aime bien se baigner ! » (Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur, 1986) ; « On a quand même traversé le même tunnel. » (Stan, l’hétéro qui est en train de virer sa cutie face à Guen l’homosexuel, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; etc. Par exemple, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Gabriel a offert à son amant Philippe une sculpture « contemporaine » : une obélisque en forme de bite.

 

Il est énormément question de masturbation et de fellation (succion du pénis) dans les œuvres homo-érotiques, et très souvent, le héros homosexuel se masturbe, et c’est le début de l’engrenage de la croyance en l’homosexualité et de la pratique homo chez lui : cf. la chanson « Mourir d’ennui » de Jeanne Mas (avec « le rapport solitaire » de Marlène avec elle-même), le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky (avec Nina, l’héroïne lesbienne, qui voit sa mère à côté d’elle au moment où elle se masturbe), le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès (où Luca se film en train de se masturber), le film « Blow » (2011) de Pascal Lièvre, le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec Miriam/Lukas, l’héroïne transsexuelle F to M), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec Julia, l’héroïne lesbienne, qui se satisfait sous la douche), le film « Les Amours imaginaires » de Xavier Dolan (avec Francis qui se masturbe en pensant à Nicolas), le film « Une Grâce stupéfiante » (1992) d’Amos Gutman (avec Jonathan, 18 ans, se masturbant devant des revues), le film « Fotostar » (2002) de Michele Andina (avec le héros enfermé dans le cabinet de toilettes), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec le personnage homo de Smith), le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell (avec James exécute acrobatiquement une auto-fellation), la chanson « Une Fée, c’est… » de Mylène Farmer (« Jeux de mains, jeux de M… Émoi. »), le roman Les Enfants terribles (1929) de Jean Cocteau (avec le personnage de Paul, « jouant le jeu » avec lui-même), le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan (avec le héros homo se branlant sous sa douche), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar (où le personnage principal se masturbe devant des films d’épouvante), le film « Espacio 2 » (2001) de Lino Escalera (Roberto, pendant qu’il se masturbe tout seul dans son salon, s’adresse à quelqu’un que nous ne voyons pas à l’image mais qui le malmène – « Va te faire foutre connard ! Fils de pute ! » –… comme si le fantasme masturbatoire incarné en star du porno revenait sous forme d’amant diabolique), le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (Francis, le héros homo, se masturbe en pensant à Nicolas), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, etc.

 

« Dès qu’elle fut partie, je dus, sans pouvoir attendre, procéder à un soulagement ordinaire. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 54) ; « Ma vie entière est cinématographique. Je me masturbe même de façon cinématographique. » (Tommy, jeune réalisateur homosexuel dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Son pénis bandait, et il lui arrivait très souvent d’en jouir. » (Marcel, un des personnages homosexuels du roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 17) ; « On engagea donc un carreleur, un peintre et un plombier. […] Quelle jouissance que de voir les muscles sous la peau tendre des fesses du carreleur accroupi, d’autant plus que le plombier, en triturant mon système de chasse d’eau, me masturbait involontairement sans rien comprendre à mes dérèglements. » (le narrateur homosexuel, chiotte publique parlante, dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 92) ; « J’avais dix-huit ans, j’étais vierge et j’en avais assez de sublimer en rêvant dans mon lit à des êtres inaccessibles ou en tripotant dans l’ombre des parcs publics des corps fugitifs qui n’étaient pas là pour l’amour mais pour la petite mort qui dure si peu longtemps et qui peut être triste quand elle n’est agrémentée d’aucun sentiment. » (le narrateur homosexuel du roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 25) ; « Pour tes regards éperdus, mon sperme s’est répandu. » (Luca, le narrateur homosexuel du spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès), etc. Par exemple, pendant la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, les nombreux comédiens sur scène déclament d’une voix forte des mots qu’ils jugent interdits et diabolisés par la société soi-disant « pudibonde et bourgeoise » : « Masturbation ! », « Orgasme ! », « Jouissance ! ». Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, le premier indice d’homosexualité latente du prêtre Adam arrive quand on le voit se masturber dans son bain. Dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, à la piscine municipale, c’est en entendant son voisin de cabine de douche se masturber que le héros est excité et sur le point de franchir le pas de l’acte homo. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, quand Léo tombe amoureux de Gabriel, le premier ami qui lui accorde de l’attention, il se masturbe dans son lit en enfilant le pull de ce dernier et en sentant son odeur.

 

Le pénis est vénéré comme un fétiche sacré devant lequel il convient de se prosterner religieusement : cf. le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, le film « Le Zizi de Billy » (2003) de Spencer Lee Schilly, le film « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, etc. « Tu aimes cette bite. » (Richard s’adressant de manière coquine à son amant Kai, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « J’avais une ribambelle de godes : I believe in you !!! » (Nathalie Rhéa dans son one-woman-show Wonderfolle Show, 2012) ; « Dis-moi que mon sexe est Dieu. » (Dean s’adressant au cadavre de Buddy, dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper) ; « Ton sexe, totem de mes désirs. » (cf. le poème « À Gilles R » de Denis Daniel) ; « Adore ! » (cf. le poème « Le Condamné à mort » (1942) de Jean Genet) ; « J’ai développé une passion viscérale pour le gospel, les bites et les nuages ! » (Lise, l’héroïne lesbienne de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Une jeune fille hystérique […] obsédée par son sexe ? […] Dieu n’est ni un anatomiste compatissant, ni un exorciste de sexe ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 119) ; « Et puis après, il va l’empailler. » (Bernard, le héros homosexuel en parlant de la bite du trans M to F « Géraldine », dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo) ; « On vaincra ! On a un phallus ! » (les Virilius, groupe commando d’homosexuels refoulés, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; etc.

 

Le sexe mâle est parfois tellement déifié qu’il en devient invisible, immatériel, solaire (il en perd son caractère sexué et s’intériorise/s’inverse en vagin du point de vue de l’héroïne lesbienne) : cf. la B.D. La Chair des pommes (2006) de Freddy Nadolny Poustochkine (avec le jet d’eau phallique), la chanson « Duel au soleil » d’Étienne Daho (avec le pénis-rayon-de-soleil), la poésie « Como Reina » de Néstor Perlongher (avec le soleil pénétrant comme une bite), la chanson « Aime » de Mylène Farmer (« Souvenir d’un soleil, un seul être me pénètre. »), etc. « Je peux sentir ta bite invisible. » (Judy Minx, comédienne lesbienne, lors de la scène ouverte Côté Filles au Troisième Festigay du Théâtre Côté Cour de Paris, en avril 2009) ; « Nous avons assez parlé du sexe des anges. » (cf. une réplique de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Ah, race de femmes maudites, vous êtes toutes des putes ignorant tout de la bite ! » (Ahmed parlant des femmes lesbiennes dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Cinq autres [hommes] s’emparèrent de l’albatros pour lui enfoncer une bouteille de bière dans l’anus tout en l’étranglant. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 139) ; « La cataracte secouait l’eau comme une chevelure de toute sa force telle la nuque d’une gitane aux cheveux de cristal qui venait s’écraser sur deux grands rochers ronds. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 133) ; « Et toi, t’étais assis dans ce rayon toute la journée. Je me souviendrai longtemps de ce rayon. » (Rudolf s’adressant mélodramatiquement à son ex-amant Pierre, en référence à leur première rencontre, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; etc.

 

À travers la réification idolâtre de son pénis, le héros homosexuel tente parfois de se diviniser lui-même. Par exemple, dans la chanson « Sextoy » de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un des héros homosexuels parle de son « désir d’être un gode pour mieux s’enféticher ». L’invisibilité du phallus renvoie parfois à l’impuissance sexuelle du héros. Par exemple, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, Fred, l’un des héros homos, a des problèmes d’érection.

 

Tout semble montrer que la focalisation homosexuelle sur le pénis est un complexe d’Œdipe mal géré, autrement dit un attachement incestueux entre le personnage homosexuel et son père (ou sa mère phallique). Par exemple, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris, le héros homosexuel blond, décrit son père comme un « Kingkong en érection ». Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, Matthieu-Alexandre, jeune artiste homosexuel, a offert une sculpture en forme de bite à sa mère.

 
 

b) Le pénis, fétiche d’un pouvoir asexué violent :

Le pénis est tellement voulu fort, tout-puissant que, pour le coup, il en devient violent : cf. le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec la « pierre taillée en forme de verge », p. 88), le film « La Femme du dimanche » (1975) de Luigi Comencini (avec le pénis de pierre meurtrier), la photo Recto Verso (1999) d’Orion Delain (avec le pénis-crocodile), etc. « Mon copain Rachid a une grosse bite. Moi pas. » (Karim dans le film « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barrassat) ; « Je suis en marbre, n’est-ce pas, tu peux passer ton temps à me cogner dessus, ce n’est que ton poing que ça blesse. Je suis comme la tour d’en face, regarde. L’hélicoptère s’est écrasé contre, les occupants ont péri, mais la tour n’a pas branlé. Je suis une bite bien dure. » (Luc s’adressant à son amant Jean, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Laisse simplement ma bite s’ériger entre toi et moi ; elle prendra la place du vide qui faisait ton désespoir ! » (Ahmed s’adressant à Lou dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Après un siècle d’horreur, Micoulonges avait fini par se relever et laissé apercevoir, pointant hors de sa braguette, son sexe énorme, violacé, tendu et brutal comme un plantoir. Il avait pissé en ricanant. Et Pascal avait entendu le bruit du jet qui claquait contre les feuilles du buisson où il se dissimulait. » (le narrateur homosexuel du roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, p. 177) ; « Je ne poinçonne personne. » (Jérémy Lorca expliquant qu’il ne pénètrera jamais une femme, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. Par exemple, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, quand Cachafaz demande à son amant Raulito si « sa bite lui plaît molle », ce dernier le renvoie sur les roses : « Plutôt de l’eau bénite ou traverser le Sahara ! »

 

Le pénis, c’est le fétiche du pouvoir, non d’abord le fétiche de la sexuation ! C’est pourquoi beaucoup d’héroïnes lesbiennes le revendiquent à l’instar des hommes : « Je n’ai pas besoin d’un homme : j’ai besoin d’un pénis. » (Nathalie Rhéa racontant dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012) sa visite dans un « Temple du sexe ») Les héros transsexuels ou lesbiens, en demandant le pénis, réclament en réalité le pouvoir qu’ils imaginent exclusif aux mâles, autrement dit le phallus, qui pour le coup, se retournera en machisme ou en matriarcat castrateur violent parce qu’il ne correspond pas à leur réalité anatomique naturelle : « Alors, elle, resplendissante, monterait et redescendrait la Butte, comme une pute enveloppée de Chanel à la lumière de la lune, toute seule avec son destin, singe, guenon ou femme cruelle, souvenir d’un Carnaval solitaire de fille à bite ou d’homme sans apparat ! » (Fifi à propos de Lou dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Une vieille légende africaine disait que le dieu de l’Univers à venir naîtrait de l’accouplement d’un roi noir et de deux femmes identiques à cheveux dorés qui auraient un pénis et qui arriveraient dans le royaume avec un oiseau métallique. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Les Vieux Travelos » (1978) de Copi, p. 93) ; « Ma grand-mère est terrible. Elle fichait des fétus de paille dans le cul des guêpes pour les faire mourir. » (les premiers mots du narrateur homosexuel de la nouvelle « La Carapace » (2011) d’Essobal Lenoir, p. 11) ; « Hubert, […] vous avez devant vous la créature qui possède l’organe le plus puissant du monde. » (Cyrille, le héros homosexuel en parlant de la voix/du pénis de la cantatrice Regina Morti, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Pourtant, je leur tends la perche… et eux la leur. » (une femme en parlant des hommes en amour, dans la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen) ; « Le désir que j’avais pour elle depuis toutes ces années et qu’enfin je réalisais me permettait de comprendre ce que les hommes appelaient la jouissance. J’avais pensé que sans l’attribut masculin cela n’était pas possible. Je souffrais sans doute, sans me l’avouer jamais, de ce manque, de ce moins que la nature nous inflige, vécu comme une ‘infirmité’. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 65-66) ; « l’inutilité pour moi de son masculin » (idem, p. 169) ; « Je suis bien décidée à ne pas me laisser blesser l’âme par le coup qu’il veut me porter avec ce qu’il a reçu en naissant garçon, de peur que cette blessure ne se referme jamais. » (idem) ; etc.

 

Film "Shortbus" de John Cameron Mitchell

Film « Shortbus » de John Cameron Mitchell


 

Beaucoup d’héroïnes lesbiennes jouent les femmes phalliques pour se mettre à la place des hommes-objets cinématographiques dont elles envient le pouvoir et la brutalité machiste (cf. je vous renvoie au code « S’homosexualiser par le matriarcat » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Elles disent ouvertement qu’elles auraient aimé avoir un pénis à la place de leur « pauvre » vagin : « Le désir que j’avais pour elle depuis toutes ces années et qu’enfin je réalisais me permettait de comprendre ce que les hommes appelaient la jouissance. J’avais pensé que sans l’attribut masculin cela n’était pas possible. Je souffrais sans doute, sans me l’avouer jamais, de ce manque, de ce moins que la nature nous inflige, vécu comme ‘une infirmité’. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 65-66) ; « Je ne pourrais pas dire que mon nez remplace ma langue, pourtant parfois je l’entre en entier, comme on le ferait d’un pieux, avec une certaine violence. » (idem, p. 73) ; etc. Par exemple, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay, Sonia dit qu’elle « gagnerait au concours de la plus grande quéquette ». Dans le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier, Rosa dit qu’elle « a des couilles » : c’est une femme manipulatrice (d’ailleurs, Natacha Koutchoumov, l’actrice qui joue Rosa, avoue en conférence de presses que « son personnage, c’est un homme dans un corps de femme. »). Cette substitution ne se fait pas sans violence et sans artéfacts. Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, l’héroïne lesbienne, pénètre sa main dans le sexe de sa bonne : c’est le fist-fucking version lesbienne. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M se fait un pénis avec un préservatif qu’elle rembourre de coton (pénis artificiel surnommé « le paquet »). Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, vit l’introduction d’un tuyau pour un lavement d’anus par une femme norvégienne de la station thermale comme un supplice, un viol qui « déniaise » et dégoûte de la sexualité : « Défloré par Ingeborg » Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules, le héros homosexuel, affirme s’être pris un coup de poignard par une femme. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Fifi se fait poignarder par Lou, l’héroïne lesbienne. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Adèle, l’héroïne gay friendly féministe, soupçonne Georges, le copain de son frère William, d’être impuissant parce qu’il n’assume pas de quitter sa femme pour vivre pleinement sa vie d’homosexuel avec William : « Il est mal loti, mon William, avec un impuissant… » Elle prêche le faux pour savoir le vrai et joue les castratrices pour traîner en procès le machisme hétérosexuel (incarné par Pierre) et le machisme bisexuel (incarné par Georges) au profit du machisme asexué, féministe et homosexuel (incarné par elle et son frangin William).

 

Film "Guillaume et les garçon, à table!" de Guillaume Gallienne

Film « Guillaume et les garçon, à table! » de Guillaume Gallienne


 

Comme le pénis est rêvé tout-puissant, le héros homosexuel le déshumanise et l’envisage très souvent comme un outil violent et dangereux : « Toute sodomie commence par un viol. » (Paul, l’un des héros homosexuels de la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) D’ailleurs, la pénétration anale/vaginale fictionnelle ne se fait pas sans douleur. Par exemple, dans le film « Mauvaises Fréquentations » (2000) d’Antonio Hens, le personnage de Guillermo nous dit bien ce qui se passe la « première fois », et aussi pendant l’après-sodomie : « Je ne m’étais jamais laissé pénétrer. Mais il a dit que j’allais aimer, je n’avais qu’à me détendre. Malgré la salive et mes efforts pour me relaxer, ça faisait un mal de chien. Voyant qu’il n’y arrivait pas, il s’est mis à pousser de toutes ses forces. J’ai jamais eu aussi mal. Mais depuis, je me dilate sans problème. » Dans le poème « Canción De Amor A Los Nazis En Baviera » de Néstor Perlongher, la pénétration anale y est présentée comme un acte exagérément douloureux, pareil à un flamenco endiablé. C’est exactement le même cas de figure avec les cris impressionnants de la servante pénétrée par un soldat dans le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques pleure seul dans son lit juste après s’être fait sodomiser par son ami Jean-Marie. Dans les fictions homo-érotiques, la sodomie est souvent diabolisée, en même temps que sanctifiée et banalisée. Elle ne convertirait pas le violé en maudit, mais au contraire lui révèlerait sa sainteté, son innocence de martyr.

 

Après avoir envié le pénis, certains héros homosexuels finissent par le diaboliser et l’enlaidir, en laissant agir leur orgueil mal placé : « Le sexe est une fleur maudite plantée entre deux cornes de Satan ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 25) ; « Cette fatalité entre mes jambes me ferait presque vouloir l’échanger.[…]Je connais mon sombre sexe. » (Valmont dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; etc. Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa dit qu’un sexe d’homme, c’est ignoble. Je vous renvoie également aux phallus sataniques des tableaux de Moktar. Certains personnages gays ont soudainement peur, en découvrant le pouvoir et le plaisir de leur pénis, de perdre leur homosexualité et de rejoindre l’hétérosexualité. « Je deviens fou ! Je suis malade ! La vodka rend hétéro. Regardez en Russie. Y’a pas un pédé ! » (Pierre, le héros homosexuel tétanisé à l’idée de virer sa cuti, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade)

 

SYMBOLES Hache

 

Un certain nombre d’auteurs homos associent dans leurs créations le pénis de la pénétration anale/vaginale à tous les symboles phalliques dangereux imaginables (le couteau, l’épée, le sabre, le serpent, le revolver, les flèches, les cornes du taureau, la stalagmite perforante et mortelle, etc.) : cf. le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui (avec le pénis-revolver), le poème « Howl » (1956) d’Allen Ginsberg (avec l’ange blond et son épée « perçante »), le vidéo-clip de la chanson « Je suis gay » de Samy Messaoud (avec les talons aiguilles génitaux), la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot (avec le trident du diable en guise de sexe), la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi (avec le hachoir électrique qui peut « déchirer l’anus »), la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali (avec le revolver phallique), le one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009) de Samuel Ganes (avec l’instituteur et sa cravache), le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar (avec le poignard sexuel de Bosco), le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné (avec le poignard-canne à pommeau d’argent dont Lacenaire ne se sépare jamais), la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi (avec le godemichet comparé à un poignard, dans la mise en scène de Cyrille Laïk et Suzanne Llabador, en 2010), la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson (avec le couteau phallique), le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa (avec la cueillette de champignons baptisés pour l’occasion « amanites phallusnoïdes »), le film « Il Fiore Delle Mille E Una Notte » (« Les Mille et une nuits », 1974) de Pier Paolo Pasolini, le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin (avec les sodomies qui s’achève en coups de poignard), le film « Chicken » (2001) de Barry Dignam (avec le pénis-couteau), le film « La meilleure façon de marcher » (1976) de Claude Miller (avec le couteau phallique que Philippe plante dans la cuisse de Marc lors du bal masqué), le film « West-Side Story » (1961) de Robert Wise, la pièce Noces de sang (1932) de Federico García Lorca, la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le film « La Ville des silences » (1979) de Jean Marbœuf, le film « Sans rémission » (1992) d’Edward James Olmos, la pièce Les Précieux ridicules (2008) de Damien Poinsard et Guido Reyna (avec l’épée phallique), les photos Tomato/Knife (1989) et Watermelon With Knife (1985) de Robert Mapplethorpe, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, la chanson « L’Amour naissant » de Mylène Farmer (« C’est un revolver, père, trop puissant. »), le film « Cheap Killers » (1998) de Clarence Fok, le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne (avec les flèches phalliques sur le saint Sébastien), le vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer (avec le pénis-corne du taureau), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar (avec les coïts tauromachiques de Maria), le film « Pink Narcissus » (1971) de James Bidgood (avec le taureau phallique), le pénis-serpent chez Lezama Lima et Frédéric Askienazy, le one-man-show Pareil… mais en mieux (2010) d’Arnaud Ducret (avec la bite transformée en lance), le pénis-flèche chez Yukio Mishima ou des artistes comme Pierre et Gilles, etc. « La queue du crocodile est très recherchée dans le commerce de luxe. » (Raymond, le personnage homo refoulé, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet).

 

Film "Les 1001 Nuits" de Pier Paolo Pasolini

Film « Les 1001 Nuits » de Pier Paolo Pasolini


 

Par exemple, dans la comédie musicale Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphan Druet, le pénis masculin est tantôt associé à un serpent, tantôt à une matraque (cf. le sexe dru du personnage masculin en ombres chinoises). Dans le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan, les talons aiguilles suggèrent clairement la pénétration phallique. Dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, les bites sont transformées en « sabres de samouraï amoureux ». Dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, Wilma, le flic travelo, compare son sexe à son flingue. Dans le film « Fotostar » (2002) de Michele Andina, Jonas est trouvé mort dans les glaciers, le bas du ventre perforé par une stalagmite phallique.

 

Film "Clandestinos" d'Antonio Hens

Film « Clandestinos » d’Antonio Hens


 

Dans les fictions homo-érotiques, le pénis prend fréquemment la forme d’une arme tranchante : « Aïe… tu ne sais pas comme c’est fort, une douleur comme si on me plantait un fil de fer dans les tripes… » (Valentín, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979), de Manuel Puig, p. 139) ; « Et si elle cachait un long couteau au fond de sa culotte ? » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 85) ; « Et d’une main experte, d’un glaive l’on transperce… » (cf. la chanson « Fuck Them All » de Mylène Farmer) ; « Il a une drôle d’épée prête à faire le Scaramouche ! Je te suce, ma Loulou ? » (Fifi à Lou dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Le vieil homme la [Truddy] gifla, la força à se mettre à genoux, et après lui avoir cogné la tête avec le revolver, il le lui introduisit dans l’anus ; elle eut très mal mais ne prononça pas un mot, de peur que le vieil homme ne tire. » (cf. la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978) de Copi, pp. 32-33) ; « À chaque fois que je bouge il y a une balle qui s’incruste un peu plus loin dans ma vessie. » (une des protagonistes de la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Oh mon chéri ! Oh mon bazooka ! » (Chris au plus fort de l’orgasme avec son amant Ruzy au moment du coït, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Espacio 2 » (2001) de Lino Escalera, la scène de la douche (qui fait clairement référence à celle du film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock) traduit bien cette violence et cette peur de la sodomie dans le couple homosexuel : Roberto, qui prend son bain et qui n’a pas entendu son copain Daniel arriver derrière lui, sursaute en le voyant : « Tu m’as fait peur ! » Daniel lui répond : « J’aurais pu rentrer sous la douche… » Roberto l’interrompt : « …Avec un couteau ? » Son amant réplique : « Non. Je t’aurais tué avec autre chose… » (… sous-entendu « en te pénétrant avec mon sexe »). On retrouve exactement la même symbolique dans le film « Hitchedcock » (2013) de David M. Young, où cette fois, se faire « hitchedcoké » signifie se faire pénétrer violemment par sodomie sous la douche.

 

 

Le pénis étant l’instrument du viol et du narcissisme égocentrique, il finit souvent par être détesté : « Le chauffeur de taxi râle, il a joui. Toujours la même histoire avec les Arabes. Il va se laver sans dire un mot, se savonne bien la bite sans oser me regarder dans le miroir qu’il a en face. Ça t’a plu ? je lui demande appuyé sur le rebord de la porte. Moi je me vois bien dans le miroir, j’ai les cheveux longs éméchés, la robe déchirée, on dirait une pute qu’on vient de violer. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 44) ; « J’me fais violer tous les soirs par le même concombre. » (Albert, l’un des héros homos du one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Je ne pourrais pas dire que mon nez remplace ma langue, pourtant parfois je l’entre en entier, comme l’on ferait d’un pieux, avec une certaine violence. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 73) ; etc. Par exemple, dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, Shirin, l’héroïne lesbienne coincée dans un taxi, est forcée de voir le chauffeur se masturber avec son pied à elle.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Aux yeux du héros homosexuel, c’est une véritable mutilation d’amour et d’identité qu’opère le pénis (ou le symbole phallique qui le représente). Dans les œuvres homosexuelles, il est très souvent fait référence à la hantise de castration, survenant soit au contact génital de la différence des sexes, soit entre amants de même sexe : « Je vais porter plainte pour tentative de castration. » (Romuald, homosexuel, s’adressant à Heïdi, une des héroïnes lesbiennes avec qui il a accidentellement couché, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; « J’la sens bien castratrice, cette Catherine. » (Dominique, par rapport à l’homosexualité supposée de Jérôme, sachant que Catherine est la femme de Jérôme, dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos) ; « Cantatrice, castratrice, ah ben une lettre ça peut tout changer hein… » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Goliatha, châtrez-moi ce rat ! » (« L. », le héros travesti M to F s’adressant à sa servante, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Le souhait de cette marquise était de pratiquer la même chose sur un homme… » (Alexandra, l’héroïne lesbienne parlant d’une marquise tout aussi lesbienne fascinée par la castration des taureaux mâles et obnubilée par son « attirance pour la castration », dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 212) ; « J’ai été circoncis par les dents d’une femme. » (la figure de Nietzsche dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Il a râlé comme une peine, comme une longue douleur, je crois qu’il a mal. Moi, je sais. Je n’aimerais jamais ça. Le vide devait rester vide, jamais plus aucun ne ferait sur moi l’expérience de sa virilité, jamais je ne ferais l’usage de la féminité. » (une jeune femme, dans la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « Qu’est-ce qu’on fait ?… Et bien comme coupe ? » (Romain Canard, le coiffeur homosexuel, s’adressant à l’un de ses clients, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Lui s’était, par accident, fait une irrémédiable mutilation dont on imagine la gravité, puisqu’il ne lui restait entre les jambes qu’un tout petit morceau sans rapport avec ce dont disposent même les plus indigents. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne parlant du mari de la matrone du bar – très typée lesbienne – dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 216) ; « La fourchette, c’est la maman. Le couteau, c’est le papa. La fourchette, c’est celle que je préfère. » (Laurent Spielvogel dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Couic, nous, c’est le bout ! » (Jefferey Jordan, désignant son sexe, et parlant des personnes homos, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Bal des hommes (2014) d’Arnaud Gonzague et Olivier Tasseri, deux homosexuels se font émasculer à cause d’une descente de police sur un lieu de drague. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas, cherchant à découvrir quel est le personnage qui est marqué sur son post-it, demande à son amant François : « J’ai pas de sexe ? » Et celui-ci, en boutade, lui répond : « Enfin, tu l’avoues ! »

 

Par exemple, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, Lise finit avec une femme parce que son compagnon Jean-Luc est parti avec un homme, et qu’elle l’a châtré : « En lui arrachant la bite je l’ai aidé à se transformer en femme, depuis le temps qu’il en rêvait ! » Dans le film « Gosford Park » (2001) de Robert Altman, Arthur, le valet homosexuel, se réjouit de la castration accidentelle survenue au faux valet de chambre, le Don Juan blond, qui s’est fait renverser du café bouillant dans l’entre-jambe. Dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, la mère de Bill veut castrer son fils en même temps que son chat. Dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, Max, au moment où son amant Fred lui dit qu’il va couper leur photo de couple pour la raccourcir (car il l’a vu bander sur le cliché), s’inquiète de se voir couper le sexe.

 

La peur de la castration est souvent indice d’homosexualité : « Il y avait seulement une espèce de blessure à la place, dont dégouttait du sang, comme si on venait de lui couper son tuyau. […] J’en conclus que les pédés sont une race inférieure de gens, qui n’ont pas de queue et qui sont obligés de se cacher pour pisser comme s’ils chiaient […]. » (le narrateur homosexuel transformé en chiotte public, et parlant d’un de ses usagers, dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 85) ; « Ils ont insisté pour me montrer une vidéo où les pénétrations en gros plan promettaient des gouffres. » (cf. la chanson « Ugly-Pretty » de Christine & the Queens) ; etc. Je vous renvoie à la peur de la castration dans le tableau Homme debout (1931) de Wu Zuren.

 

Quelquefois, c’est la fellation qui fait office de castration amoureuse symbolique entre amants : ils se « gobent » mutuellement le sexe. Par exemple, dans la nouvelle « La Mort d’un phoque » (1983) de Copi, Glou-Glou Bzz mange quasiment le sexe du narrateur en entier (p. 21). Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, les agresseurs de Dany l’identifient comme homo et lui proposent qu’il les suce comme il suce sa sucette : là, c’est l’homophobie que suggère la métaphore culinaire et « candide » du pénis-confiserie.

 

SYMBOLES PHALLIQUES anti_reproductive_mating_ritual_2-fdf29

Film « Ritual » de Mickey Keating


 

Il arrive que le personnage homosexuel ait le sexe peint en rouge comme si celui-ci lui avait été sectionné : « Il l’a peint en rouge et me l’a monté en pendentif… » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc, converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je porte le slip de Khalid. J’ai mis du rouge à lèvres. Je suis Omar. Je ne suis ni garçon ni fille. […] Mes lèvres sont rouges. Dieu les aime-t-il comme ça ? Mes yeux sont rouges. Sont-ils des amis de Satan ? Mon sexe est rouge. Il fait froid. Il n’est plus à moi. » (Omar après avoir tué son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 179) ; « Lui s’était, par accident, fait une irrémédiable mutilation dont on imagine la gravité, puisqu’il ne lui restait entre les jambes qu’un tout petit morceau sans rapport avec ce dont disposent même les plus indigents. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne, parlant du mari de la patronne du café, du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 216) ; etc.

 

Le sexe anatomique est parfois bestialisé. Par exemple, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, une crevette dessinée se situe pile à l’endroit du pénis, dans le maillot de bain de l’équipe de water-polo gay.
 

Le héros homosexuel a tendance à voir l’acte génital comme une diablerie, un cataclysme. Par exemple, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, l’hélicoptère s’écrase contre une tour phallique de la Défense.

 
 

c) L’homosexualité en tant que peur de la sexualité :

Photo de Laurent Askienazi

Photo de Laurent Askienazi


 

Souvent, les personnages homosexuels adoptent une vision ultra-violente de la génitalité, pleine de dégoût (celui-ci est dû en général à l’ignorance) : « Satanas, sors de mon slip ! » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « On verra. On le fera ou on ne le fera pas. » (Clara, l’héroïne lesbienne appréhendant son premier rapport sexuel, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret) ; « Me mange pas. Tu vas être malade. » (Shirley Souagnon se décrivant comme un « yaourt périmé » face aux hommes, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Je te rappelle que les beaux gosses te rendent si nerveuse que tu vomis. » (Amy s’adressant à sa copine Karma, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « Marie jouait l’intelligente, mais en réalité elle ignorait tout de ce qu’une femme fait avec un homme. Chez ses parents, bien sûr, on n’en parlait jamais. Dans ce domaine, elle en était réduite aux suppositions. […] Elle sentait bien qu’elle était mouillée entre les jambes, mais sans en savoir le comment. Souvent, dans ces moments-là, elle craignait que ce fût une petite maladie. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 184-186) ; « Je ne connais du sexe que sa violence. » (Texor Texel dans le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb) ; « J’ai peur des phallus… J’en ai un, là, dedans. Faut me l’enlever. » (une patiente dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Richard avait un grand respect du corps des femmes. Presque trop. Il avait toujours peur de faire mal. » (la compagne de Tanguy dans le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume) ; « Je n’y arriverai jamais. » (Hugo, le héros homosexuel refoulé, face à sa voisine Franckie avec qui il pourrait coucher, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; « Je n’oserai pas regarder une femme en train d’accoucher ! » (Martin dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Pas la pointe des seins ! Je suis frigide ! » (« L. » s’adressant au Rat, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « J’ai peur quand on me touche. » (Juna, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Juna, pardonne-moi. Non, ne les laisse pas me toucher. » (Rinn s’adressant à son amante Juna, idem) ; « Forcée à pratiquer la sexualité depuis son enfance, elle était totalement frigide, et son changement de sexe n’avait pas arrangé les choses. » (Maria-José, le transsexuel M to F, dans la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, pp. 33-34) ; « J’ai peur !!! » (Heïdi, une des héroïnes lesbiennes, au moment de se faire « sauter » par un homme, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; « Elle rejette en arrière la mèche qui vient lécher son visage d’Albator moderne comme au ralenti et j’ai peur qu’elle veuille que l’on fasse l’amour ensemble. » (Simon, l’un des héros gays décrivant Polly, sa meilleure amie lesbienne, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 14) ; « Aucun plaisir n’était plus possible, à cause de Berthe. Elle empêchait tout. Paul n’osait pas se l’avouer, mais elle l’intimidait. […] Il la craignait. » (Paul dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 111) ; « L’envie de la toucher lui vint tout d’un coup et il s’étonna que ce geste si simple demeurât malgré tout impossible parce qu’il avait peur. Encore une fois il avait peur, il avait peur de cette boulangère comme il avait peur de toute le monde. » (Emmanuel Fruges, idem, p. 189) ; « Je crois qu’elle est frigide, qu’elle a peur des hommes ou qu’elle a une idée du sexe très violente. » (Valentín, le héros homosexuel à propos du personnage d’Irena auquel il s’identifie, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979), de Manuel Puig, p. 20) ; « Si Stella voyait tes couilles, elle tomberait dans les pommes. » (Dotty, une des héroïnes lesbienne parlant de son amante Stella au jeune auto-stoppeur hétérosexuel Prentice, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « J’étais avec François. À chaque fois que ça devient chaud, j’me barre. […] J’voudrais que ce soit toi, Marie. Que tu sois la première. Que tu me débarrasses. » (Floriane, l’héroïne bisexuelle, s’adressant à son amante Marie, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Serial Mother » (1994) de John Waters, la sexualité est montrée comme une action horripilante et à éviter. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Heïdi, une des héroïnes lesbiennes, tombe dans les pommes à chaque fois qu’elle entend le mot « zizi ». Dans la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage, Roger, le héros bisexuel, meurt sur le coup (d’une crise cardiaque ?) au moment de faire l’amour avec sa future femme. Dans le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, le narrateur qualifie son pénis comme sa « bête à frissons » (p. 94). Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, l’un des deux héros homos, a peur d’embrasser sa meilleure amie Laëtitia sur la bouche : « Ainsi de jour-là, était-ce dû à la chaleur ? À une pression artérielle trop élevée ? À une faiblesse nasale ? Ou peut-être les trois à la fois… Je me mis à saigner du nez. Une vraie hémorragie ! N’ayant pas de mouchoir et sentant mon nez couler, je m’essuyai discrètement d’un revers de main. Le liquide rouge que j’en ramenais était sans équivoque. Laëtitia, qui avait toujours tout, me donna ses mouchoirs. Je saignais tant que je vidais le paquet. Lorsqu’enfin les vannes se fermèrent, je n’étais plus en état d’embrasser qui que ce soit. Fini la frime, je me sentais très piteux. J’eus souvent peur de récidiver les fois suivantes, mais non, ce fut la première mais aussi la dernière. » (pp. 27-28) Dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, Manon a espionné ses parents en train de « faire l’amour », et décrit la scène comme le théâtre d’un viol : « Je me suis collée l’oreille. Je savais qu’il fallait pas que je regarde. Mais je les ai vus ! Je les ai vus !! Maman se débattait. Jamais j’oublierai leur face ! » Une fois que son père l’a vue, il lui a répondu : « Tu peux aller te coucher. Le show est fini. »

 

Ce n’est pas tant la différence des sexes que la génitalité dans sa globalité, qui effraie le héros homo, puisque même son angoisse du pénis (ou du phallus dans le cas lesbien comme dans le cas gay) perdure avec ses semblables sexués : « Elle ne me fera pas de mal ? […] Tu me pénètres ? Seigneur ! » (Lou, effrayé par le pénis d’Ahmed, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je n’ai jamais été actif. Simon dit : ‘Tous les pédés c’est pareil, ils sont passifs quand ils ont vingt ans, et en vieillissant, ils deviennent actifs pour pouvoir continuer à coucher avec des mecs de vingt ans, c’est pathétique. » (Mike le narrateur homosexuel dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 68) ; « Polly aime bien être passive, ça l’arrange que Claude veuille toujours être dominante. Dans le fond, elle sent bien qu’elle est complètement inhibée avec le cul. » (idem, p. 74) ; « J’ai peur maintenant… j’ai peur de vous. […] Vous me faites sentir ma force… » (Stephen, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Angela, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 189) ; « Je me souviens, en te touchant, d’avoir eu peur de te casser. » (Denis s’adressant à son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Quand je l’ai pris dans mes bras, il était léger comme un gosse, j’avais presque peur de lui faire du mal. » (Martin en parlant de son amant Lucas, dans le film « L’Homme que j’aime » (1997) de Stéphane Giusti) ; « Excuse-moi mais tout à coup j’ai peur de ce qui arrive […] peur de ne pas pouvoir te donner tout ce que tu veux, pas le temps, pas le désir. » (Lucas s’adressant à Martin, idem), etc.

 
 

d) Le pont comme métaphore homosexuelle d’une génitalité cassée, bouchée :

À différentes reprises dans la fantasmagorie homosexuelle, le lieu du passage qui représente le mieux la génitalité, c’est le pont. Et ce n’est pas un hasard que dans les œuvres homo-érotiques, celui-ci soit montré cassé, ou bien désigné comme une impasse de stérilité : cf. le film « Brûler les ponts » (2007) de Francisco Franco-Alba, la chanson « Pont de Verdun » de Jann Halexander, le film « Happy Together » (1997) de Wong Far-Wai, le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki, le film « Swimming Pool » (2002) de François Ozon, le poème « Le Pont Mirabeau » de Guillaume Apollinaire, la chanson « Bouchon rue de Liège » du Beau Claude, le film « Accatone » (1961) de Pier Paolo Pasolini, les poèmes « La Almena » et « El Cadáver » de Néstor Perlongher, le roman This Bridge Called My Back : Writings By Radical Women Of Color (1981) de Gloria Anzaldúa, le roman This Bridge Called My Back (1983) de Cherrié Moraga, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec le Pont de Lisbonne et le Pont de Lyon), le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot (avec l’aqueduc brisé), etc. « Les ponts, c’est beau. Ça tient dans le vide. » (Malik, personnage hétéro de la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Le pont était vide. Je ne me rappelle plus comment on avait atterri là, sur ce pont que j’aimais tant. Le Pont Cassé. Le pont interdit. Le pont des ivrognes et des amoureux fauchés. […] Nous étions au bout du pont, là où il s’arrêtait, là où on l’avait cassé. Nous étions au milieu du fleuve. Au sens propre, entre deux mondes, deux villes, deux collines. Deux guerres. Deux civilisations. Deux Maroc. Deux corps suspendus, bientôt aspirés par le vide, par l’eau. » (Omar s’adressant à son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 161-162) ; « Ils ont coupé le pont du Riachuelo ! » (cf. une réplique de la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Il fait froid sur le pont. » (Ada à son amante Cherry, dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Coupe-le donc, ton dernier pont, et laisse-moi tranquille Carmen. » (Manon à sa sœur Carmen, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Le vent qui montait exigeait un désert sur le pont.é (Violette Leduc, La Bâtarde (1964), p. 219) ; « Le London Bridge s’effondre. » (Hall dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc. Par exemple, dans le téléfilm « Prayers For Bobby » (« Bobby : seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy, Bobby, le héros homosexuel, se suicide en se jetant du haut d’un pont. Dans le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, Luca, le héros homo de 25 ans, fait une chute mortelle d’un pont, et atterrit sur les rives de l’Arno. Dans le roman La Cité des Rats (1979), on déplore le « manque de pont-levis » (p. 141) dans la Cité des Rats. Dans la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès, le pont est figure de destruction et de mort. Dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura rencontre un « pont tronqué » (p. 169) sur sa route. Dans le reportage « Homo en banlieue : le combat de Lyes » de l’émission Envoyé Spécial, (diffusé sur France 2, le 7 février 2019), le passage du pont est montré comme le seuil vers l’homophobie.

 

Le pont coupé symbolise la rupture avec les deux rocs de la vie que sont la différence des sexes et la différence Créateur/créatures, comme l’illustrent parfaitement cet extrait de la pièce de Bernard-Marie Koltès, Combat de nègre et de chiens (1989) :

Cal – « Seulement, on ne compte pas sur les femmes pour le plaisir dans la vie ; c’est foutu, les femmes ; il faut compter sur nous, sur nous seuls, et leur dire une bonne fois : qu’on trouve plus de plaisir, nous autres, plus de plaisir dans un bon travail bien fait – ce n’est pas toi, vieux, qui diras le contraire ! – que c’est du plaisir solide, qu’aucune femme ne vaudra jamais cela : un point bien solide fait de nos mains et de notre tête, une route bien droite qui résistera à la saison des pluies, oui, c’est là qu’est le plaisir. Les femmes, vieux, elles ne comprendront jamais rien au plaisir des hommes, est-ce que tu dirais le contraire, vieux ? Je sais bien que non.

Horn. – Je ne sais pas, peut-être, peut-être que tu as raison. Je me souviens du premier pont que j’ai construis ; la première nuit, après qu’on a eu posé la dernière poutrelle, fait le tout dernier fignolage, tiens, tout juste la veille de l’inauguration ; ce dont je me souviens, c’est que je me suis mis à poil et que j’ai voulu coucher toute la nuit à poil, sur le pont. J’aurais pu me casser le cou dix fois tellement, pendant toute la nuit, je me suis promené, et je le touchais partout de partout, sacré pont, je grimpais le long des câbles et parfois, je le voyais tout entier avec la lune, au-dessu de la boue, blanc, je me souviens très bien comme il était blanc. »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Saint Pénis :

Film "The Raspberry Reich" de Bruce LaBruce

Film « The Raspberry Reich » de Bruce LaBruce


 

Il n’est pas absurde de dire que la majorité des personnes homosexuelles, hommes comme femmes, sont des « folles de la bite », et plus largement des obsédés du phallus, c’est-à-dire du pouvoir de domination, qui se décline en paranoïa, en viol ou en machisme asexué dès qu’il s’éloigne des réalités corporelles de l’Amour et de la sexuation.

 

Je m’explique en vous proposant pour commencer ce petit éclairage sémantique (peu évident à comprendre tellement le terme « phallus » a été galvaudé par nos contemporains… mais qui sera fort utile). Retenez que le phallus n’est pas le pénis : c’est le fétiche du pouvoir – non d’abord le fétiche de la sexuation, comme on a voulu nous le faire croire – qui est revendiqué par toute personne vivant un effondrement identitaire narcissique, et notamment par la majorité des personnes homosexuelles, tous sexes confondus. Je connais un certain nombre de femmes lesbiennes qui, étant petites, auraient souhaité avec un pénis. Et cette demande n’est pas tant le signe qu’elles voulaient être des garçons que le fait qu’elles aspiraient à devenir des anges asexués et super-héroïques. Par exemple, dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), l’essayiste lesbienne Paula Dumont, quand elle était jeune et qu’elle se déguisait en cow-boy, se souvient d’avoir demandé à sa mère pourquoi elle n’avait pas de pénis (« Je m’étais bornée à demander à ma mère quand je serais pourvue à mon tour du même appendice que mon cousin. », pp. 103-104)… même si ensuite, par amnésie, elle soutiendra à l’âge adulte qu’« en aucune façon elle aurait voulu être un homme » (p. 117). Comme l’explique parfaitement Catherine Millot dans Horsexe, essai sur le transsexualisme (1983), « le phallus n’est ni masculin ni féminin. En tant qu’il constitue le terme par rapport auquel les deux sexes ont à se situer, il est lui-même hors-sexe. » (p. 133) Dans le même ordre d’idées, dans son essai La Confusion des sexes (2007), Michel Schneider parle de la « tendance [sociale actuelle] à en finir avec la sexualité » (p. 9), notamment par le déni de la différence des sexes, et paradoxalement dans la mise en avant d’un « génital sans visage sexué », pourrait-on dire. C’est la toute-puissance asexuée de l’androgyne (l’ange sans sexe et machiste : ni homme ni femme, mais plutôt hyper homme-objet et hyper femme-objet à la fois) qui est recherchée par l’ensemble des personnes homosexuelles. « Les hommes ou les femmes qui cherchent à se décharger du poids de leur sexualité s’identifient au grand Autre, à cette mère phallique non castrée toute-puissance. » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), p. 69)

 

Cependant, force est de constater que, de par leur force physique et psychique, ce sont les hommes plus que les femmes qui sont exposés à porter le phallus. C’est un fait de nature. Et si l’Humanité refuse de le constater et voit cela comme une injustice, Elle s’expose à déviriliser les hommes sans pour autant viriliser et renforcer les femmes. Au contraire : Elle fera de celles-ci une parodie de masculinité qui les désexualise, qui les dévalorise ; Elle renforcera les rapports de domination-soumission entre les hommes et les femmes, et donc l’émergence d’homosexualités : « Le pouvoir, c’est la capacité au moment ultime de tuer l’adversaire. C’est, au final, l’instinct de mort. C’est pourquoi le pouvoir est le plus grand tabou de notre époque. […] Les analyses de Sociovision Cofremca montrent que les femmes sont en moyenne assez peu attirées par le pouvoir, en particulier nettement moins que les hommes. […] Le pouvoir, c’est le mal, la mort, le phallus, l’homme. Plus personne, dans les jeunes générations de nos pays, ne veut assumer ce fardeau. […] Si on refuse de voir le rapport trouble entre l’argent, le pouvoir et le phallus, on se met volontairement des œillères. […] Le reste du monde, on n’en est pas là. Les Américains, les Chinois, les Indiens, les Arabes, les Russes assument la force, la violence, la guerre, la mort, la virilité. […] Les résistances des femmes ne seront pas bien fortes. Leurs souffrances de régentes d’une société sans roi sont trop grandes ; la féminisation des hommes provoque un immense désarroi, une frustration insupportable pour elles, un malheur intolérable pour leurs enfants. De plus en plus de femmes – même parmi les diplômées – se retirent du marché du travail au premier enfant. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), pp. 119-123)

 

C’est la raison pour laquelle, dans la communauté homosexuelle, on observe une glorification démesurée du pénis, non pas en tant qu’attribut génital mais bien en tant que phallus, c’est-à-dire puissance narcissique machiste et asexuée. Certaines personnes homosexuelles révèlent que c’est parfois le souvenir d’avoir vu, enfants, dans l’intimité des pissotières ou des vestiaires, le sexe proéminent de leur père, de leur frère, ou de leur camarade de classe, qui les a ensuite habité pour toujours sous forme de désir homosexuel : c’est d’ailleurs mon cas lorsque j’ai observé mon propre père uriner à côté de moi dans les toilettes publiques d’une piscine, lorsque j’étais enfant ; c’est aussi ce qui est arrivé au réalisateur homo Pier Paolo Pasolini quand il raconte comment l’image de son père urinant à ses côtés est restée gravée en lui ; le romancier cubain Reinaldo Arenas, quant à lui, a vu sa grand-mère faire pipi debout, et cela l’avait beaucoup impressionné à l’époque ! Dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014), Eddy (alias « Édouard Louis ») raconte cet étrange rapport d’attraction répulsion qu’il a eu face à l’appareil génital de son père : il a entendu sa propre mère manquer de pudeur, l’embarquer sur un terrain incestueux glissant (« Ton père il a un sacré engin. », p. 77) ; et il a vu son père de trop près, de manière forcée : « L’impudeur de mon père. Il disait aimer être nu et je le lui reprochais. Son corps m’inspirait une profonde répulsion. ‘J’aime bien me balader à poil, je suis chez moi je fais ce que je veux. Jusqu’alors dans cette maison c’est moi le père, moi qui commande.» (p. 77)

 

SYMBOLES Caricature

 

Dans toute la presse homosexuelle, les films pornos LGBT, mais aussi les discours et les blagues, on mesure combien le pénis, biologique mais surtout cinématographique (donc surdimensionné), occupe une place capitale. Il est même bien souvent le chef, le prince, le maître (de leur espace psychique) ! Par exemple, lors de son concert Live In London (2008) au London’s Earls Court Arena, le chanteur George Michael fait sortir de la braguette géante du président des États-Unis un gros chien méchant. Au printemps 1992, à Paris, l’association Act Up enfile un préservatif géant sur l’obélisque de la Place de la Concorde en guise de protestation. « On a donné au préservatif le statut d’arme absolue. » (le docteur Joël Le Prévost dans le journal Le Figaro, le 6 avril 1994) L’humour ou l’art servent en général d’excuse au fanatisme homosexuel pour la bite : « Pendant la scène du viol, de la dévirginisation, les mots utilisés ressortent du porno (bite, nichons…) mais par la rime ils deviennent poésie et dérision. » (Copi parlant d’une de ses pièces lors de l’entretien avec Jean-Jacques Samary, cité dans la biographie du frère de Copi, Jorge Damonte,Copi (1990), p. 69)

 

Ce n’est pas un hasard si la masturbation est un leitmotiv des œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité, étant donné que le désir homosexuel est par nature un élan égocentré, rejetant la différence des sexes, et qui prétend se suffire à lui-même. Je vous renvoie à mon article « Le Phil de l’Araignée : Éloge de la masturbation » sur le site de l’Araignée du Désert, décrivant les liens forts qui existent entre masturbation et homosexualité. « Je me souviens dans le berceau que pour réussir à m’endormir ou par frustration je me masturbais sur le ventre. J’avais peur du noir et j’en ai toujours peur, je dors avec un oreiller sur la tête. J’ai un flash que je prenais une poupée d’homme Ken ou je me masturbais devant m’imaginant que j’étais cet homme qui faisait l’amour à Barbie. Je continue à me masturber tous les jours et j’ai été baigné très tôt dans la pornographie, où la réalité est différente de ce qu’on nous montre car il n’y a pas de douceur. C’est sauvage. J’ai essayé d’arrêter le porno et la masturbation, pensant que ça m’aiderait à obtenir de la masculinité. Mais je n’ai pas pu tenir plus de 2 mois. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) Par exemple, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), le romancier Abdellah Taïa raconte comment sa fascination pour la masturbation masculine date de l’âge de 13 ans, quand il observait un ami plus âgé, Abdallah, en train de se satisfaire devant lui : « C’était l’été, en plein été, août, le 7 août. […] Abdellah, fils de Ssi Aziz, se masturbait. […] Je me laissais faire. Ravi. Je participais à sa jouissance. J’apprenais. Bientôt je l’imiterais, seul, en pensant à lui. » (pp. 11-12)

 

Certains auteurs homosexuels vont même pousser la sincérité poétique jusqu’à comparer l’exercice artistique à la masturbation, ou bien leur crayon/pinceau à un pénis (c’est le cas d’Andy Warhol, Gil de Biedma, Néstor Perlongher, Chen Jianghong, Hou Junming, etc.) : « Le jeu de faire des vers, qui n’est pas un jeu, finit par ressembler au vice solitaire. » (Jaime Gil de Biedma dans son poème « El Juego De Hacer Versos », 1986) Par exemple, le peintre espagnol homosexuel Salvador Dalí disait que les femmes ne pouvaient pas être peintres car elles n’ont rien entre les jambes. Dans le documentaire « Cocteau et compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier, Jean Cocteau parlait du dessin comme d’une masturbation, d’une « jouissance ». Dans le film « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, Allen Ginsberg définit l’écriture poétique comme l’expression d’une pulsion sexuelle, masturbatrice.

 

La focalisation homosexuelle sur la fellation ou la masturbation, loin d’être simplement anodine, ou de dire une gourmandise hédoniste amusante, révèle en toile de fond un attachement égocentrique aux pulsions et une absence de liberté : « L’homosexualité et la masturbation proviennent en partie des conditions de la captivité. » (Paul Guillaume, La Psychologie des Singes (1942), cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 274) ; « Selon Krafft-Ebing, la masturbation est le grand boulevard qui mène à cette perversion. Peut jouer aussi le confinement ou l’enfermement dans des prisons, navires, casernes, pensionnats, bagnes, etc. Si ces individus n’ont pas été abrutis par l’onanisme, ils reprennent les rapports sexuels normaux aussitôt que les obstacles qui les empêchaient cessent d’exister. Mais le danger peut naître surtout de l’influence de la masturbation. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 101 puis p. 104) ; etc.

 

Tout porte à croire – et cela se vérifie aussi dans les coïts homos, qui en général se limitent à une masturbation mutuelle, à un « touche-pipi » amélioré, plutôt qu’à la sodomie – que la réalité de l’homosexualité ne repose en fait qu’à une banale excitation génitale masturbatoire. Combien de jeunes hommes m’avouent maintenant que c’est par la masturbation qu’ils ont douté de leur masculinité et qu’ils ont cru qu’ils étaient homosexuels… alors qu’en réalité, ils étaient juste « travaillés » et terrorisés à l’idée d’éprouver un plaisir nouveau, puissant et soi-disant incontrôlable, au bout de leur kiki ! « Je n’étais pas spécialement attiré par les filles, ni par les garçons… Dans ma dernière année d’humanité, j’ai entendu parlé pour la première fois de la masturbation et suite à ces conversations, j’ai essayé de me masturber… cela a marché. De plus, je me masturbais en mettant une veste de cuir de mon frère et aussi des bottes de cuir : cet acte fétichiste ajoutait à ma satisfaction. Je ne sais pas pourquoi je recherchais ces vêtements liés à certains fantasmes de mon enfance… J’en ai quelques souvenirs ! […] Durant toutes ces années, j’ai continué à me masturber sans jamais me confesser de ce péché bien que je pratiquais ce sacrement ; j’étais comme bloqué pour avouer ce péché ! Certaines périodes étaient plus calmes et je pensais être débarrassé de cette habitude mais cela reprenait et parfois je le faisais plusieurs jours en suivant. Au niveau du fétichisme, j’avais des gants et des bottes en caoutchouc qui ajoutaient à mon excitation. Je me suis inscrit sur des sites de rencontres pour gays, ou sur Doctissimo avec les forums de discussion sur les fantasmes : j’y ai rencontré quelqu’un et je me suis masturbé sous ses ordres. J’ai vu alors apparaître sur mon écran des scènes que je ne soupçonnais même pas. J’y ai pris du plaisir et je me suis masturbé. Il m’est arrivé de passer une nuit à regarder ces scènes à m’inscrire sur des sites où on peut chater avec quelqu’un qui se masturbe, j’ai écrit des propos obscènes. J’étais pris dans les filets de la pornographie ! » (un ami de 52 ans, mail du 19 octobre 2013)

 

Il n’est pas du tout exagéré de parler d’idolâtrie en ce qui concerne le « goût de la bite » chez les individus homosexuels, même s’ils n’aiment pas trop se l’entendre dire, car ce constat fait passer leurs amours pour une simple question de défouloir génital, ce qu’elles ne sont pas dans leur totalité. Le pénis est très souvent vénéré par les sujets homosexuels comme un fétiche sacré devant lequel il convient de se prosterner religieusement : cf. les photos d’Orion Delain, les dessins de phallus géants de Tom of Finland, les illustrations « réalistes » de Roger Payne, etc. « Son sexe me fascine. Je le trouve parfait. » (Alexandre Delmar parlant d’un de ses amants, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), p. 34) ; « Mon sexe est mon Dieu. » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 60) ; « Mes yeux se fermaient à l’idée que le sexe était une combinaison du bon et du mauvais. » (Bertrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 63) ; etc. Le pénis est même parfois tellement déifié qu’il est désexualisé, rendu invisible ou lumineux : par exemple, l’affiche de la pièce F-X (2009) de Michael Stampe présente un sexe mâle en forme de néon lumineux.

 

Pièce F-X de Jérôme Pradon

Pièce F-X de Jérôme Pradon


 

Du point de vue des pratiques sexuelles dans lequel le pénis intervient, la sodomie et la fellation sont exercées de manière quasi systématique lors des coïts entre personnes masculines de même sexe. Même si la sodomie n’est pas une pratique réservée uniquement aux personnes homosexuelles (puisque 15% des hommes et 13% des femmes hétérosexuels l’exerceraient régulièrement, selon le Rapport Spira Bajos (1992) d’Alfred Spira), elle est quand même davantage pratiquée par elles, qu’on le veuille ou non. Les Français – hétéros et homos confondus – pratiquant la pénétration anale sont en forte croissance, mais ce sont les personnes homos qui font monter la moyenne : « En 1992, seulement 24% des femmes et 30% des hommes déclaraient en avoir fait l’expérience, alors qu’en 2006, ils sont respectivement 37% et 45%. » (Enquête sur la sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 276). Par ailleurs, tous les individus homosexuels n’usent pas (systématiquement) de la pénétration anale dans leurs accouplements (« Quant aux hommes homo-bisexuels, […] la pénétration anale est souvent pratiquée par près de 25% d’entre eux (24,9% pénétration insertive et 24,1% pénétration réceptive) contre 2,5% chez les hétérosexuels. », toujours selon l’Enquête sur la sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 253), tout comme (la violence de) la pénétration (anale ou vaginale) ne se limite pas aux hommes gays (des femmes lesbiennes, même sans pénis, peuvent user de l’intrusion d’un phallus artificiel, appelé « godemichet », ou bien de leurs doigts, poings, et autres artifices, pour pénétrer de manière abusive leur partenaire). « Je connais des filles qui utilisent des armes à feu dans leurs jeux amoureux (ce sont souvent des lesbiennes hards) mais je sais qu’elles sont très prudentes. » (Katharine Gates dans l’essai Le Sexe bizarre (2004) d’Agnès Giard, p. 82) ; « Les homosexuels sont les premiers clients de Guy [fabricant de jouets sexuels sous forme de matériel militaire pour la marque Domestic Partner]. Les lesbiennes aussi parce qu’elles trouvent ces godes ‘neutres’, sans rapport avec l’image du pénis et qu’elles aiment le côté brutal des jouets d’armement. » (idem, p. 84)

 

D’autre part, il ne suffit pas qu’un homme homosexuel possède un pénis pour qu’il s’en serve nécessairement à chaque coït : la pénétration sexuelle peut se faire par le biais d’autres membres du corps (par exemple, le poing inséré dans l’anus s’appelle le fist-fucking), ou par de multiples moyens tellement farfelus qu’on ne les imagine existants que dans les films pornos trash (trique, bougie, objets pointus et longitudinaux, etc.).

 

Concernant la fellation, pratique qui n’est pas exclusivement homosexuelle mais qui reste très répandue parmi les hommes gays, elle est un autre exemple de spectacle idolâtre de la génitalité. Le fellateur s’abaisse devant l’autel du pénis de l’homme qui reçoit la fellation. L’un des amants jouit ; l’autre se fait spectateur de l’orgasme du premier sur lui, et réécrit a posteriori son plaisir, qui reposera davantage sur l’avant et l’après lecture de la mise en scène de la rencontre sexuelle que sur l’expérience concrète d’une véritable communion. Moins il y a de face-à-face dans les positions sexuelles entre deux personnes, plus nous nous éloignons du relationnel et rejoignons la violence infantilisante du fantasme.

 
 

b) Le pénis, fétiche d’un pouvoir asexué violent :

Film "Dante Heaven" de Carlos Cox

Film « Dante Heaven » de Carlos Cox


 

Le pénis est tellement voulu fort, tout-puissant que, pour le coup, il en devient violent : « Je me souviens que j’ai crié quand il est entré en moi. Je pensais que j’allais mourir. » (André, 33 ans, sodomisé sauvagement par son père à l’âge de 13 ans, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 127) ; « La sodomie, au début, ça me faisait mal, mais on dirait que j’y ai pris goût par la suite. » (Bruno, idem, p. 202) ; « Pénétrer une femme, pénétrer un homme ou se faire pénétrer par lui, c’est bien différent. La femme, c’est normal, c’est confortable, c’est sensationnel, quoi ! Avec mon père, il fallait que je sois à quatre pattes pour qu’il me pénètre. Ça m’humiliait. Ça me faisait mal. Je mordais dans l’oreiller. » (François, 17 ans, victime d’inceste à l’âge de 12 à 16 ans, idem, p.168)

 

« Dans le théâtre d’Aristophane, l’épithète d’« enculé » est couramment utilisé comme quolibet ou injure. Pour reprendre des expressions qu’affectionne l’historien Paul Veyne, on trouve d’un côté les « sabreurs », tous mâles et virils, de l’autre, les « sabrés », mâle ou femelle, anus et vagin confondus dans la même péjoration. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 90)
 

Sur nos écrans, beaucoup de personnes homosexuelles diabolisent la sodomie pour la pratiquer sans états d’âme dans leur réalité concrète. Elles aiment nourrir l’inconscient collectif associant la sodomie à l’acte odieux du viol, en profitant du fait que seuls ceux qui la pratiquent seraient autorisés à en parler en connaissance de cause et à l’exagérer. Elles amplifient alors iconographiquement la douleur qu’elle engendrerait, comme dans la scène des noces du film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini. Mais quand on demande en privé à certains hommes gay ce que la sodomie leur procure, ils sourient de l’incongruité de la question, puis finissent par cracher le morceau : « Pour tout avouer, ça fait pas du bien… » Je crois que la diabolisation de la pénétration anale est à prendre prioritairement dans son sens symbolique – l’individu homosexuel troue l’arrière-train de son compagnon comme une épingle perce un simple papier cartonné –, mais aussi partiellement réel. En dehors de toute considération d’intention et de sincérité formulées par les amants homosexuels qui se sodomisent, on constate que l’acte de sodomie en lui-même est toujours violent. Biologiquement, la pénétration par l’anus ne va pas de soi, et peu de gens la trouvent plaisante. La sodomie dit une sexualité par défaut. Les hommes gays font avec ce « trou corporel » (en plus de la bouche pour la fellation) parce qu’ils n’ont pas trop le choix ailleurs s’ils veulent pénétrer leur partenaire. Même si certains médecins affirment que la sodomie est sans danger, ils ne vont pas jusqu’à dire qu’elle est bonne pour la santé, ni respectueuse et fertile. Par la pénétration anale, on force un chemin qui n’est pas naturellement celui de la pénétration sexuelle classique. Il manque à l’endroit de l’anus les sécrétions vaginales : on est obligé d’user de produits artificiels, de vaseline, de lubrifiants, pour faciliter le passage du pénis. De plus, le sphincter de l’anus est puissant et parfois résistant, donc la sodomie peut causer une peine initiale, au moins un inconfort dans un premier temps. Certains hommes gay constatent également après avoir été pénétrés une période de constipation passagère, signe que l’acte sexuel de la sodomie bouleverse temporairement le métabolisme naturel des individus. Une pénétration anale ne se fait pas sans douleur. Dans les guides de kâma sûtra gay – qui mettent pourtant un point d’honneur à dédramatiser jusqu’aux pratiques sexuelles les plus avilissantes –, on insiste beaucoup sur la douceur et les précautions à avoir au moment de la pénétration, sur l’accoutumance du partenaire pénétré. Même si ce n’est pas clairement dit, la nécessité du forcing dans l’acte sodomite est implicite. Si la pénétration anale va en se banalisant dans les discours sociaux actuels, il ne faut pas oublier qu’au départ, elle fait mal aux personnes pénétrées et pénétrantes, pas seulement physiquement mais aussi psychiquement. Par la suite, beaucoup de personnes gays réécrivent l’épisode de la pénétration dans l’angélisme – la prostate serait même, selon certains, le « point G homosexuel » ! (pourquoi pas, après tout ?) –, ou se mettent à mépriser les partenaires sexuels qui mettent du temps à accepter la sodomie. Mais le malaise concernant la pénétration anale revient autrement dans le couple, généralement sous forme d’agressivité et d’indifférence mutuelles. Car qui peut accepter sereinement d’être pris pour un objet de jouissance asexué, un godemichet vivant ou son réceptacle ?

 

Pour faire écho à ce que j’ai écrit plus haut sur la différence entre pénis et phallus, je crois que la menace du « viol de pénétration » homosexuel ne se limite pas à la possession d’un pénis physique, mais bien à la prétention de possession du phallus asexué, limite matériel (= le gode) et immatériel (= l’élan de possession de l’être aimé), c’est-à-dire au désir d’exercer abusivement son pouvoir de domination sur l’autre. Ainsi, même les femmes lesbiennes peuvent désirer pénétrer, comme le montrent les propos machistes et incestuels d’Élisabeth à son frère Paul dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville :« Je t’ai percé un jour, mon p’tit bonhomme ! » D’ailleurs, dans certains films, la présence du godemichet dans les tiroirs d’une chambre d’une femme agit humoristiquement comme un preuve indiscutable de lesbianisme : « Elle a un gode chez elle… C’est sûr ! Elle est lesbienne ! » Et le documentaire « Des Filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger propose justement une séquence où un groupe d’amies lesbiennes visite (pour rigoler ?) un magasin d’accessoires sexuels et de sex toys « spécial goudous ». Donc les femmes lesbiennes ne sont pas plus à l’abri que les hommes gays d’être violentes lors de leurs coïts homosexuels !… même si elles n’ont pas anatomiquement l’arme du « crime ».

 

Selon Nicolaus Sombart, le sexe génital est carrément le diable. La vérité de l’homme « n’est pas le phallus grandiose, mais la pitoyable chétivité constitutive du ‘petit Toto’ qui lui gigote entre les jambes. » (Nicolaus Sombart cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 203)
 

Campagne d'Act-Up

Campagne d’Act-Up


 

Chez beaucoup de personnes homosexuelles, la surévaluation du phallus par le quête du pénis aboutit le plus souvent (et c’est un paradoxe) à la recherche de destruction du pénis même, ou bien à l’angoisse de sa disparition, autrement dit à la peur de la castration et à un déni du Réel. « L’évitement de la castration conduit au masochisme. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 132) ; « À cette période, l’idée d’être en réalité une fille dans un corps de garçon, comme on me l’avait toujours dit, me semblait de plus en plus réelle. […] Je rêvais de voir mon corps changer, de constater un jour, par surprise, la disparition de mon sexe. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 155) ; etc. Jacques Lacan dit que l’hystérie est « la maladie de l’utérus migrateur », en parallèle avec l’homme phallique.

 

Par exemple, lors de la première représentation de la pièce Loretta Strong au Théâtre de la Gaîté-Montparnasse en 1974, Copi, sur scène, ôta son costume jaune canari et se montra tout vert, tout nu, le sexe peint en rouge. Le fantasme de castration, particulièrement visible chez les personnes transsexuelles M to F (qui, concrètement, se châtrent), n’est pas toujours perçu comme violent, puisque le désir homosexuel pousse l’individu qu’il habite à échapper à la dualité des sexes, à appartenir au sexe des anges, à être hors-sexe, à devenir tout-puissant comme Dieu : « L’homosexualité traduit l’évitement précoce de la castration symbolique, c’est-à-dire l’acceptation des limites de son propre sexe. » (Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse (2005), p. 66) Or la castration symbolique, loin d’impliquer la mutilation émasculante telle que l’interprètent à tort les personnes homosexuelles et transgenres, est la nécessaire séparation de soi avec sa propre image narcissique : « Représentation et castration sont la même chose : une lame-rasoir. » (Jean Gillibert, « L’Acteur, médian sexuel », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 99) Elle est la reconnaissance et la réconciliation avec la Réalité, avec ses propres limites, et avec la sexualité en général.

 

Couverture d'un n° de la revue gay espagnole "Zero"

Couverture d’un n° de la revue gay espagnole Zero

 

Le sentiment d’impuissance ou de la castration, qui impulse parfois un sentiment homosexuel, peut s’originer dans un dysfonctionnement physique (phimosis, éjaculation précoce, problème anatomique, etc.). Mais, pour le psychanalyste Alfred Adler, « Un phimosis ou un clitoris hypertrophié n’est jamais un facteur déterminant de l’homosexualité. Cette anomalie peut, par contre, avoir son importance pour créer chez le sujet une opinion erronée sur son état sexuel selon laquelle il serait mal conçu pour pouvoir suivre la norme. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 198)
 
 

c) L’homosexualité en tant que peur de la sexualité :

Souvent, on constate que les personnes homosexuelles, par orgueil ou par des peurs infantiles remontant à l’enfance, ont une vision ultra-violente de la génitalité, pleine de dégoût (celui-ci est dû en général à l’ignorance) : « Dans les rapports filles-garçons, je n’étais pas très en avance pour mon âge. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 59) ; « Dans les romans de Carson McCullers, le sexe est presque toujours lié à la honte, à la répulsion, à la noirceur, à la violence. » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 99) ; « À la suite de cette dépression nerveuse, le médecin de la famille, un être jeune, aimable et profondément humain, s’intéressa à moi, me confessa et finit par découvrir que ma vie sexuelle était reléguée à l’arrière-plan de mon existence. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 81) ; « Une autre fois, ma mère dut s’absenter quelques jours pour se rendre au chevet de sa mère malade. J’ignorais tout à cette époque de la vie que pouvait mener mon père. Un soir, entrant dans la chambre de mes parents, que je croyais vide, j’eus la surprise d’y trouver mon père tenant dans ses bras notre cuisinière à demi dévêtue… Mon père m’administra un soufflet, pour me punir d’être entré sans frapper ; c’était la première fois qu’il me giflait… » (idem, p. 79) ; « Comme Chouaïb, je ne mélangeais pas Dieu et le sexe. Le pur et l’impur. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 26) ; « À leur peur archaïque du phallus, du ‘viol de la pénétration’, les femmes d’aujourd’hui répondent par un malsain désir du même, une immense tentation lesbienne. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 22) ; « Ce sont les impressions de l’enfance qui marquent l’individu au point de vue sexuel. Si elles ont été désastreuses, l’individu cherche souvent refuge dans l’homosexualité. C’est l’histoire banale des foyers désunis, où la mère, malheureuse et terrorisée par un père brutal, étouffe son enfant sous des manifestations d’affection anxieuse. Elle le retient dans son développement et tend à le conserver pour elle, comme un bébé. L’enfant, dans ces circonstances, témoin d’un rapport sexuel entre ses parents, l’interprète comme une attaque contre sa mère, une brutalité. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48) ; « Je faisais croire que j’étais branché sur les filles ! En réalité, elles me faisaient très peur. Dès qu’elles étaient trop proches, je reculais. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 29-30) ; « Sur le plan de l’amitié, je m’entends très bien avec les femmes. Je les considère comme des êtres précieux, intouchables, c’est le cas de le dire en ce qui me concerne. Un je-ne-sais-quoi en elles me fait peur, je ne sais pas comment m’y prendre et je sens bien que je ne les rendrai pas heureuses, et que je ne serai pas à la hauteur. » (idem, p. 41) ; etc. Je vous renvoie au choix du titre qu’a fait le réalisateur homosexuel Pascal Alex-Vincent pour illustrer son premier court-métrage le film « Tchernobyl » (2009) représentant un simple coït entre un adolescent et une adolescente dans une forêt : pas besoin de vous faire un dessin sur sa vision de la génitalité !

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Il est fort possible qu’elles aient vu leurs parents biologiques, et surtout cinématographiques, « faire l’amour » sans Amour, ou bien sans Le dire… et cela a pu blesser durablement leurs représentations intimes de la sexualité : « Chez nous, le sexe n’existait pas. Ah ! Nous étions loin des leçons d’éducation sexuelle. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 20) ; « Le sexe n’existait pas pour moi quand j’étais petite puisqu’il n’était jamais nommé. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 108) ; « En raison non seulement de la télévision qui me dérangeait mais surtout de la peur de dormir seul, je me rendais plusieurs fois par semaine devant la chambre de mes parents, l’une des rares pièces de la maison dotée d’une porte. Je n’entrais pas tout de suite, j’attendais devant l’entrée qu’ils terminent. D’une manière générale, j’avais pris cette habitude (et cela jusqu’à dix ans). » (Eddy Bellegueule dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014), p. 80) « J’attendais qu’ils aient terminé pour rentrer. Je savais qu’à un moment ou à un autre mon père pousserait un cri puissant et sonore. Je savais que ce cri était une espèce de signal, la possibilité de pénétrer dans la chambre. Les ressorts du lit cessaient de grincer. Le silence qui suivait faisait partie du cri, alors je patientais encore quelques minutes, quelques secondes, je retardais l’ouverture de la porte. Dans la chambre flottait l’odeur du cri de mon père. Aujourd’hui encore quand je sens cette odeur je ne peux m’empêcher de penser à ces séquences répétées de mon enfance. » (idem, p. 82) ; etc. Ainsi, certaines s’estiment injustement exclues de la scène primitive de leur conception, ou au contraire trop partie prenante : « La psychanalyse a mis en évidence le fantasme commun de la ‘scène primitive’, c’est-à-dire la scène de ma création, dont je suis nécessairement exclu. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 96) Je vous renvoie bien évidemment au code « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Cette angoisse de ne pas assurer au lit les poursuit parfois à l’âge adulte. Beaucoup de personnes homosexuelles sont tétanisées à l’idée de ne pas bander ou à l’idée de trop bander, et par voie de conséquence, de violer les filles au lit : « Je suis sorti il y a un mois avec une fille. Mais elle n’a pas aimé ma manière de faire l’amour. Ce qui m’a interpellé, c’est qu’elle me disait que dans la relation sexuelle avec des hommes, elle voulait faire plaisir mais pas se faire plaisir et elle a toujours eu des douleurs d’inflammation vaginale qui rendent difficile le rapport. Comme si je l’avais violée dans son être, elle me disait que y’a eu aucune douceur comparé aux autres garçons et que je ne pensais qu’à moi, comme si le fait de la sauter était primordial. Il est vrai que lors de la relation, je bande mais j’ai pas l’impression que ça devrait être à son maximum et je peux débander très vite. Je considère l’acte sexuel comme violent, et s’il y a pas de la violence (de la force, de la puissance dans l’acte), eh bien ça me fait débander, et du coup je suis pas présent dans l’acte. Comme si je me concentrais sur ma bite qui va bander ou pas. Ça, en gros, c’est ma situation actuelle. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014)

 

Ce n’est pas tant la différence des sexes que la génitalité dans sa globalité, qui effraie le sujet homo, puisque même son angoisse du pénis (ou du phallus dans le cas lesbien comme dans le cas gay) perdure avec ses semblables sexués : « J’aurais le goût de rencontrer quelqu’un, mais je suis incapable de me libérer de cette idée de l’abus, de la peur de la sexualité. » (Jean-Philippe, témoin homosexuel cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 86) ; « ce sexe brandissant sous mes yeux, écarquillés de peur » (Berthrand Nguyen Matoko face à l’un de ses amants d’une nuit, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 71) ; etc.

 
 

d) Le pont comme métaphore homosexuelle d’une génitalité cassée, bouchée :

À différentes reprises dans la fantasmagorie homosexuelle, le lieu du passage qui représente le mieux la génitalité, c’est le pont. Ce symbole a été parfois repris par la communauté homosexuelle (est-ce un hasard que la ville homosexuelle la plus célèbre au monde, San Francisco, ait aussi le pont le plus célèbre du monde, le Golden Gate Bridge ?). Par exemple, le groupe expressionniste homosexuel Die Brücke (traduction : « le pont ») fut créé en 1905 à Dresde, en Allemagne. Et ce n’est pas un hasard que dans l’imaginaire collectif homosexuel, le pont soit montré cassé ou obstrué. Il montre combien les actes homosexuels sont une impasse de stérilité : « Torture terrifiante qui m’incendiait de partout, son sexe sans pitié qui me ravageait par des tamponnements secs et violents. » (Berthrand Nguyen Matoko, op. cit., p. 68)

 
 

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Code n°167 – Talons aiguilles (sous-code : Talons aiguilles rouges)

Actrice-traîtresseTalons Aiguilles

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

La « quenelle » dieudonnéenne, mais version homosexuelle

 

Film "Talons Aiguilles" de Pedro Almodovar

Film « Talons Aiguilles » de Pedro Almodóvar


 

Les talons aiguilles, en ce moment, c’est un peu le révolver queer des idéologues du Gender refusant les castrations symboliques pourtant salutaires.

 

Toutes les femmes réelles ne chaussent pas des talons hauts. En général, quand les talons aiguilles deviennent une habitude, c’est mauvais signe pour celle (ou celui) qui les porte. Cela veut dire qu’elle s’élève pour s’exposer en vitrine (comme un objet), qu’elle force sa féminité pour la rendre agressive et conquérante, qu’elle désire changer de sexes (c’est une féminité d’accessoire), qu’elle se prend pour un dieu surélevé, qu’elle va agresser d’une manière ou d’une autre (les talons aiguilles font partie de l’attirail sadomasochiste, du déguisement de la femme phallique – l’icône du danger sexuel machiste dont les prostitué(e)s sont les dignes représentant(e)s), qu’elle désire violer (le talon aiguille est un pénis artificiel) et être violé (le talon aiguille artificiel appelle à son remplacement par le pénis réel). Les talons aiguilles ne respectent pas la femme, ne sont pas connectés au Réel (les randonnées sur pavés ou en montagnes, je déconseille). Je veux bien croire qu’ils excitent érotiquement certains esprits souffrants en mal de domination/soumission/identité… mais très vite, ils font vivre trop haut et trop penché (ou en diagonale), font mal au dos, font perdre l’équilibre, donnent une identité de pacotille qui appelle à la violence.

 

Pièce "Les Amazones 3 ans après..." de Jean-Marie Chevret

Pièce Les Amazones 3 ans après… de Jean-Marie Chevret


 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Femme fellinienne géante et Pantin », « Carmen », « Reine », « Bergère », « Destruction des femmes », « Putain béatifiée », « Prostitution », « Bourgeoise », « Actrice-Traîtresse », « Amant diabolique », « Tante-objet ou Maman-objet », « Symboles phalliques », « Un Petit Poisson Un Petit Oiseau », « Icare », « Femme allongée », « Se prendre pour le diable », « Adeptes des pratiques SM », « S’homosexualiser par le matriarcat », à la partie « Travestissement » du code « Substitut d’identité », à la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée », et à la partie « Pied cassé » du code « Se prendre pour Dieu », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

 

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FICTION

 

a) La fascination fétichiste homosexuelle pour les talons aiguilles :

Dans les fictions homo-érotiques, les talons aiguilles de la femme-objet surélevée fascinent le personnage homosexuel : cf. le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen, la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer, le spectacle-cabaret Dietrich Hotel (2008) de Michel Hermon (avec les talons aiguilles noirs posés sur le piano), la pièce « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec la chaussure de Cendrillon, fétiche du désir), la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau (avec le téléphone en forme de talons aiguilles), la pièce L’Émule du Pape (2014) de Michel Heim, le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems (avec la femme et ses « hautes bottes »), etc.

 
talons aiguilles love
 

Les talons aiguilles, c’est l’accessoire par excellence de la femme-objet cinématographique déifiée, qui descend sur scène du haut de son grand escalier en forme de chaussure : cf. l’album « Music » de Madonna, la pochette de l’album « Mes courants électriques » d’Alizée (ainsi que la chanson « J’ai pas 20 ans »), le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliott (avec le toboggan en forme de talons aiguilles), etc. Par exemple, dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, fait sembler de rouler les mécaniques pour marcher comme un hétéro, puis trahit son identité d’homosexuel en se foulant le « talon ».

 

TALONS Alizée
 

Les talons aiguilles aident le héros homosexuel à se sentir plus en confiance avec lui-même, à se vieillir, à décupler son pouvoir narcissique et phallique, à se consoler d’avoir (ou de manquer d’)un pénis puisqu’ils servent de pénis artificiels : cf. le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, etc. « Et puis au début il était juste fétichiste des talons aiguilles, soit, mais il a commencé à les porter. » (la femme parlant de son ex-compagnon Jean-Luc, converti à l’homosexualité, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ma marraine Janine, c’est ce que j’appelle ‘mes chaussures du pouvoir’. » (Vincent Nadal dans sa pièce Des Lear, 2009) ; « Mes talons hauts me donnent confiance. » (cf. la chanson « Sur un fil » de Jenifer) ; « Et mes talons aiguilles, un talent de fille, mélodie du vent. » (cf. la chanson « J’ai pas 20 ans » d’Alizée) ; « J’ai toujours été folle des chaussures. Avec des paillettes. » (Zize, le travesti M to F, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Ce ne sont pas des chaussures pour un garçon de ton âge. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère lui parlant, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Je les aime bien ces chères chaussures… » (Laurent Spielvogel se retirant les talons aiguilles, idem) ; « J’aime surtout les talons hauts. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère, idem) ; « Excuse-moi mais je suis une vilaine fille à talons. Une vilaine fille ! Il faut que le monde entier soit au courant ! » (Éric le héros homo, dans l’épisode 5 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « La Niña De Tus Ojos » (« La Fille de tes rêves », 1998) de Fernando Trueba, Castillo, le personnage homosexuel, se propose de retirer à Blas ses bottes ; celui-ci ne le supporte pas et l’éjecte, comme si le fait de se faire déchausser revenait à faire un coming out.

 

 

b) L’ange déchu qui tombe de ses chaussures :

En règle générale, les talons aiguilles sont l’attribut de la femme fatale, de la tigresse phallique qui viole les hommes avec son faux pénis (= le talon) pour ne pas être violée en retour, de la mère incestueuse qui homosexualise son fils et le pousse à la prostitution, de l’amant homosexuel qui sodomise sauvagement : cf. la pièce Les Amazones 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret, le film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de Pedro Almodóvar (avec le talon-flingue), la nouvelle « L’Encre » (2003) d’un ami homosexuel angevin, le film « Blue Velvet » (1986) de David Lynch, la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas (avec Garance, la lesbienne prostituée aux talons aiguilles), le vidéo-clip de la chanson « Je suis gay » de Samy Messaoud, la nouvelle « Les vieux travelos » (1978) de Copi (avec les deux paires de bottes à talons aiguilles), etc.

 

Par exemple, dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, les talons aiguilles symbolise le fantasme d’être une prostituée, d’être violé : « Anna s’habille comme une pute. […] Je crois qu’elle aimerait bien. Son maquillage, ses talons hauts qu’elle adore ; ce sont des choses que porterait une prostituée. » (Maria, la prostituée, décrivant la jeune Anna, p. 165) ; « Ils arrivaient dans leur propre rue. Jane [l’héroïne lesbienne] remarqua deux prostituées à l’angle, portant des bottes à talons hauts, des shorts moulants et des corsages encore plus ajustés. » (p. 37) Anna, l’adolescente de 13 ans, essaie de suivre le chemin de sa mère prostituée professionnelle en portant des talons aiguilles, en se déguisant en l’adulte pour couvrir les abus sexuels de son père sur elle. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Solange, la machiavélique belle-mère en pantalon panthère, porte des talons aiguilles rouges.
 
 

L. – « Si papa savait ce que tu es devenue, il en mourrait une deuxième fois !

Mère – Et s’il savait que c’est toi qui l’a tué, il en mourrait une troisième fois !

L. – Tu sais très bien que je n’ai pas tué papa ! Pourquoi est-ce que j’aurais tué papa ?

Mère – Parce qu’il te sodomisait ! Je t’ai vu l’assommer à coups de talon aiguille avant de l’étrangler avec des bas de soie ! »

(Copi, Le Frigo, 1983)

 

 

« La semaine suivante, Varia est arrivée en cours avant le professeur Gritchov, et accompagnée d’une camarade que je n’avais jamais vue. C’était une brune très maquillée, habillée tout en similicuir. Elle avait l’air encore plus diabolique que Varia. […] [Elle et sa copine] Je les aurais tuées. […] La nuit, Varia revenait me hanter. Je la voyais marcher vers moi, depuis l’extrémité d’un couloir interminable, percé de portes plus noires que des trappes, perchée sur ses talons qui perforaient le carrelage. Elle avançait, un fouet à la main, toute de blanc vêtue, la chevelure souple et ondoyante, les lèvres rouges et serrées. À quelques pas de moi, elle ouvrait sa bouche pour me sourire. Je découvrais alors des canines de vampire, maculées de sang. » (Jason, le héros homosexuel parlant de la vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 58-59) ; « Je me suis mis à chercher Groucha dans tous les bâtiments. J’ai fini par la trouver assise dans un couloir, avec sa minijupe blanche remontée jusqu’en haut des cuisses, et ses talons aiguilles plantés dans le carrelage. » (Yvon en parlant de Groucha, idem, pp. 261-262) ; « Votre pied a-t-il résisté à mon talon ? » (Mathilde, l’amante lesbienne ayant marché sur le pied de la narratrice, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 13) ; « Ma mère a essayé de me finir à coups de talons aiguilles dans la face. » (David Forgit, le travesti M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; etc.

 

"Le Livre blanc" de Copi

Le Livre blanc de Copi


 

Par exemple, dans le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, Leonora (Liz Taylor), la femme machiste, pénètre symboliquement sa bonne car cette dernière n’arrive pas à lui retirer ses bottes. Dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, la chaussure, et spécialement la botte, est souvent utilisée comme un instrument de torture : « Tu préfères recevoir un de ces fatals coups de bottes ? […] Sinon, je sors ma botte. » (Fred menaçant son amant Max) Dans la comédie musical Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphane Druet, le père de Yolanda la prostituée transgenre M to F a été « assassiné à coups de talons aiguilles ». Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, la psychanalyste est parodiée en femme SM, avec talons aiguilles rouges, perruque verte et fouet. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne machiavélique, descend un escalier en forme de talons aiguilles rouges, et décide de nuire à tout son entourage, par sadisme et mégalomanie : « J’ai planté bien profond mes talons aiguilles ! » Dans la pièce Les Paravents (1961) de Jean Genet, Saïd force sa mère à porter des talons aiguilles (« Vous ne voulez pas mettre vos souliers ? Je ne vous ai jamais vue avec des souliers à talons hauts. […] Mettez vos souliers à talons hauts. […] EN-FI-LEZ vos souliers ! […] Vous êtes belle, là-dessus. Gardez-les. Et dansez ! Dansez ! ») ; elle riposte faiblement puis exécute l’ordre filial (« Mais, mon petit, j’ai encore trois kilomètres. J’aurai mal et je risque de casser les talons. »). Le spectateur découvre que c’est finalement elle qui prend le dessus et qui achève son fils : « Ma Mère qui danse, ma Mère qui vous piétine sue à grosses rigoles… Les rigoles de sueur qui dégoulinent de vos temps sur vos joues, de vos joues à vos nichons, nichons à votre ventre… Et toi, poussière, regarde donc ma Mère, comme elle est belle et fière sous la sueur et sur ses hauts talons !… […] Dans ma vie, je les ai mis deux fois. La première, c’est le jour de l’enterrement de ton père. […] La deuxième fois que je les ai mis, c’est quand j’ai dû recevoir l’huissier qui voulait saisir la cabane. » (Saïd) Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Alba chausse ses talons aiguilles rouges et raye avec une clé une belle jaguar noire. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Rambo, l’un des personnages gays, cherche à déguiser son pote Adrien en vraie traînée, et lui tend une paire de talons aiguilles rouges.

 

Les talons aiguilles sont le symbole de la prétention diabolique du héros homosexuel à vouloir être quelqu’un d’autre, à être hautain. C’est la raison pour laquelle ils sont souvent rouges : cf. le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat (avec Amira Casar), la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec les escarpins rouges de Joséphine), le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan (avec Diane, la mère-traîtresse aux chaussures compensées rouges), la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez (avec Kanojo, une des héroïnes lesbiennes), la pièce L’Amant (2007) de Boris Van Overtveldt (avec Sarah), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec Vera), la chanson « Les Démons de minuit » du groupe Image, le téléfilm « Sa Raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne (avec les talons aiguilles rouges de Sharon la lesbienne), la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, le conte Les Chaussons rouges d’Hans Christian Andersen, le film « Les Chaussons rouges » (1948) de Powell et Pressburger, le film « Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy (avec Stéphanie), le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (avec Marie), le one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009) de Samuel Ganes, le film « Birth 3 » (2010) d’Antony Hickling, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec Scarlett, la danseuse du cabaret Au Cochon stupéfiant), la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat (avec Joséphine), la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial di Fonzo Bo et Claire Diterzi, le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec Arlette en sur scène), la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali (avec Heïdi, une des héroïnes lesbiennes), le film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton (avec Otho, le héros homo), la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd, le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le spectacle musical Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink, le one-woman-show lesbien Betty Speaks (2009) de Louise de Ville, la pièce Golgota Picnic (2012) de Rodrigo Garcia, le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza (avec Abbey, la « fille à pédés »), la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine (avec Damien, l’homme travesti M to F), la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen (avec les talons aiguilles rouges de Graziella, la présentatrice-télé psychopathe), etc. « J’ai peint en rouge un de mes souliers. » (le narrateur homosexuel du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 40)

 

Le motif de la botte revient relativement fréquemment dans la fantasmagorie homosexuelle. Il renvoie au satanisme et à la monstruosité. « Le chauffeur maquisard a un visage terrible, d’assassin. […] C’est un boiteux ; un de ses souliers a une semelle très haute, avec un talon bizarre, en argent. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 52)

 

"The butch Manual" de Clark Henley

The Butch Manual de Clark Henley


 

Le pire, c’est que les talons aiguilles, qui constituent l’arme du crime (symbolique) de la femme-objet (ultra-féminisée et virilisée dans le même mouvement) vont être reniés et même détruits quand celle-ci finit par se rendre compte de leur caricature, de leur faux pouvoir, de sa propre prétention. « Ne jamais porter de talons ! » (Emory, le héros homosexuel très efféminé, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Laisse mes talons aiguilles faire de moi une fille sans me regarder comme un objet. » (cf. la chanson « Être une femme » d’Anggun) ; « Je pourchasse impitoyablement le maquillage, les talons hauts, les fioritures en tout genre, et cela avec de moins en moins de tolérance. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 223) ; etc. Il n’est pas rare de voir (surtout chez les héroïnes lesbiennes) la scène de destruction des bottes ou des talons aiguilles par le héros homosexuel : cf. le film « Benzina » (« Gazoline », 2001) de Monica Stambrini (les bottes cramées au briquet), le film « Shortbus » (2005) de James Cameron Mitchell, le film « Lesby Nenosi Vysoké Podpatky » (« Les Lesbiennes ne portent pas de talons hauts », 2009) de Viktoria Dzurenkova, le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues (avec les talons aiguilles plongés dans l’aquarium), etc. Les talons aiguilles sont les masques et au fond les révélateurs du viol. Par exemple, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, Octavia la Blanca, le transsexuel M to F, pour cacher qu’il vient de se faire violer, simule un problème de chaussures : « Non non, rien… Je me suis cassée un talon. »

 

 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La fascination fétichiste homosexuelle pour les talons aiguilles :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Il y a un lien entre pied et désir. Pas seulement parce qu’il serait une zone érogène. Mais parce que le pied nous connecte avec la Terre, avec le Réel, avec la plupart de nos actions. Par exemple, bien des théologiens nous expliquent que la foi vient d’abord par les pieds ; et je suis une des personnes convaincues que beaucoup de nos bonnes idées viennent en marchant. L’arrivée des talons aiguilles dans la vie des filles, puis dans la vie de certains hommes, symboliquement, nous indique une baisse du désir, de l’action, de la marche (ils ne sont pas faits pour la marche, d’ailleurs). Mais dans un premier temps, ce catapultage dans l’irréalité de l’artifice fascine, envoûte, ravit, fait paillettes et Jet Set.

 

« En 1913, Havelok Ellis, dans son étude Inversion sexo-esthétique : Ellis pense qu’il s’agit là d’une forme de symbolisme érotique, d’ailleurs souvent accompagnée de fétichisme du soulier, du corset, etc. et ayant des rapports de similitude avec le fétichisme érotique et avec le narcissisme. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 302) ; « Je portais une longue robe mauve […], des bottes noires qui me rendaient fortes. » (Joan Nestle, citée dans l’essai Attirances : Lesbiennes fems, Lesbiennes butchs (2001) de Christine Lemoine et Ingrid Renard, p. 25) ; « Depuis longtemps, Lita avait délaissé les chaussons de danse pour les talons aiguilles. Elle avait toujours détesté les chaussons qui la tassaient, qui la rendaient un peu naine. C’est la raison pour laquelle tous les rôles de son répertoire post-professionnel furent dansés sur les talons aiguilles et non les pointes. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 295-296) ; « Il portait des chaussures différentes, des espadrilles vertes simples et très jolies. Je les ai tout de suite adorées. Je voulais les mêmes. […] Je voulais de toute façon avoir exactement les mêmes espadrilles que lui. » (Abdellah Taïa parlant de son domestique Karabiino, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 76) ; « La Chola [homme travesti M to F] avait caché ses courbes dans une serviette et avait formé avec une autre un énorme turban. Celle qui enveloppait son corps était trop petite et l’autre, immense, lui donnait une apparence de géante. Elle portait, matin et soir, des talons aiguilles, toujours pailletés. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 187-188) ; « Son casse-tête, ce sont les chaussures. » (la voix-off par rapport à Laura, homme M to F, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc.

 

Dessin "Shoes" d'Andy Warhol

Dessin Shoes d’Andy Warhol


 

Les chaussures à semelle compensée ou les talons hauts de la femme-objet surélevée fascinent bien des personnes homosexuelles : je pense à Pedro Almodóvar, Yves Saint-Laurent, Andy Warhol (il a d’ailleurs fait des publicités pour les chaussures : Shoes en 1955), Néstor Perlongher (qui a écrit un texte sur « el deseo de pie »), Claude Cahun (cf. son dessin Elles s’aiment en 1929), Mika (lors de son concert à Paris-Bercy en avril 2010, sur la chanson « Big Girl »), Steven Cohen (toujours perché sur ses échasses, avec des talons aiguilles en crânes), etc. Je vous renvoie au logo de l’association MiddleGender. Je pense aussi au chorégraphe homosexuel Yanis Marshall de la saison 2022 de l’émission Star Academy, qui est spécialisé dans les danses en talons hauts et qui fait même danser ses élèves garçons sur ces derniers : le danseur a expliqué que son rêve d’enfant serait de « monter un spectacle permanent, comme un petit Crazy Horse, où les hommes danseraient en talons ». Moi-même, très tôt dans mon enfance, j’avoue avoir été attiré par ce drôle de fétichisme des pieds (même si je n’ai jamais tenté l’expérience de chausser des talons aiguilles) : quand j’étais en grande section de maternelle, je dessinais déjà des femmes avec des talons aiguilles ; et quand j’ai, à l’adolescence, vue les chaussures écrase-merde improbables des chanteuses comme les Spice Girls, je reconnais les avoir enviées.

 

Spice Girls

Spice Girls

 
 

b) Les talons anguilles

Quand on se surélève, gare à la chute et à l’atterrissage ! Bien des artistes transgenres ou homosexuels, dans leur mise en scène, parodient la Miss France qui tombe de ses talons hauts parce qu’elle est enserrée par les carcans de sa féminité d’accessoire : Thierry Le Luron, Bruno Bisaro, David Forgit, Zize, etc. « Est-ce moi qui tangue comme une ombre sur les talons d’une reine en cavale ? » (cf. la chanson « Les Enfants de l’aube » de Bruno Bisaro)

 

Concert d'Alizée

Concert d’Alizée en 2004


 

« La Chola [homme travesti M to F] avançait d’un pas décidé, malgré le déséquilibre que provoquaient ses talons aiguilles qui s’enfonçaient dans le chemin de terre battue. Sur son passage, flottait un délicieux parfum douceâtre. Ses formes étaient exaltées par un tailleur blanc moulant et une petite ceinture rouge. La Chola s’arrêta devant une maison basse, peinte à la chaux et surmontée d’un énorme écriteau où l’on pouvait lire ‘Église scientifique’. De part et d’autre de la porte étaient peints deux angelots assis chacun sur son nuage. Elle frappa. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 233)

 

TALONS SM
 

Les talons aiguilles sont le symbole de la prétention diabolique de l’individu homosexuel à vouloir être quelqu’un d’autre, à être hautain, à ne pas reconnaître ses limites, à vouloir se transformer en objet ou en prostitué : cf. les clichés du « Christ homosexuel » en talons aiguilles (1999) de la photographe lesbienne Élisabeth Olsson. « Entre la fin de l’été et l’âge du grand pas (16 ans), je suis obsédé par une seule chose. Les talons aiguilles. Dès que je croise une femme dans la rue qui en porte, je la poursuis dans l’espoir qu’elle me remarque, et que nous fassions l’amour. […] J’enfilais les talons aiguilles de ma mère, nous avions la même taille, et je m’observais dans la grande glace de la chambre à coucher de mes parents. Je fus émerveillée de voir mes jambes mises en valeur. Le plaisir des bas sur la peau donnait le frisson, et la hauteur des talons, me rendait narcissique en regardant mes jambes. Ce n’était plus moi, garçon dans la glace, mais les jambes d’une superbe garce. » (Cf. un texte d’un homme travesti du Québec, Vanessa, consulté en juin 2005) C’est la raison pour laquelle ils sont souvent rouges : cf. le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger (avec les talons aiguilles rouges dans le magasin de sextoys). Par exemple, dans le documentaire « Et ta sœur » (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, les talons aiguilles rouges sont filmés par terre, renversés sur un plancher.

 

Le port du talon-aiguille est un clin d’œil voilé à la sodomie.

 

Chorégraphie de Yanis Marshall

Chorégraphie de Yanis Marshall


 
 

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Code n°170 – Témoin silencieux d’un crime

Témoin silencieux

Témoin silencieux d’un crime

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Dans les œuvres homosexuelles, il arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le croit que le héros homosexuel soit le témoin accidentel d’un vol, d’un meurtre, d’une agression homophobe, ou d’un viol, qu’il n’a pas commis, mais dont il est le complice, au moins oculaire, et qu’il ne dénonce pas. Le doute entre sa lâcheté de spectateur et son impuissance objective porte un nom : le désir homosexuel, celui-ci étant à la fois un désir d’amour lâche et violent par nature, et un désir de viol non-actualisé, qui s’imposerait à celui qui le ressent sans qu’il n’y puisse rien. Le fait que ce personnage ne vienne pas en aide à un de ces compagnons (en général homosexuel comme lui) montre bien la dualité homophobe du désir homosexuel, qui est à la fois pour et contre lui-même (puisque c’est un désir idolâtre). Ces exemples fictionnels de non-assistance à personne en danger, tout irréels qu’ils soient, montrent que l’homophobie intériorisée est une étape récurrente dans l’affirmation d’une homosexualité.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexuel homophobe », « Déni », « Défense du tyran », « Adeptes des pratiques SM », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Regard féminin », « Femme au balcon », « Amour ambigu de l’étranger », « Passion pour les catastrophes », « Voleurs », « Violeur homosexuel », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Main coupée », « Voyeur vu », « Espion », « Hitler gay », « Tout », « Couple criminel », « Milieu homosexuel infernal », « Prostitution », à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », à la partie « Désir de viol » du code « Viol », à la partie « Apocalyse » du code « Entre-deux-guerres », à la partie « L’homo combatif face à l’homo lâche » du code « Faux Révolutionnaires » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Film "Pornography : A Thriller" de David Kittredge

Film « Pornography : A Thriller » de David Kittredge


 

Dans certaines fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel est témoin d’un meurtre, d’un viol ou d’un vol, qu’en général il ne dénonce pas : cf. le vidéo-clip de la chanson « Take Me To Church » d’Hozier, la chanson « J’étais là » de Zazie, le film « Témoin » (1978) de Jean-Pierre Mocky, le film « Merci… Dr Rey ! » (2003) d’Andrew Litvack (avec le personnage de Thomas), le film « Adored Diary Of A Porn Star » (2004) de Marco Filiberti (avec Federico et son frère Riki), le film « Cahier volé » (1991) de Christine Lipinska, le film « Je veux seulement qu’on m’aime » (1976) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec Aschenbach, spectateur d’une peste urbaine), la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti (avec le personnage de Robert), le film « Le Faucon maltais » (1941) de John Huston (avec le personnage d’Avril), le film « Quai des Orfèvres » (1947) d’Henri-Georges Clouzot (avec le personnage de Dora Meunier), le film « Les Désarrois de l’élève Törless » (1966) de Volker Schlöndorff, le film « Fremde Freundin » (1999) d’Anne Hoegh Krohn, le film « Wonderland » (1988) de Philip Saveville, les films « Huit Femmes » (2001) et « Swimming-pool » (2003) de François Ozon, etc. « Madame Pignou entendit les pleurs d’un bébé dans l’arrière-boutique, essaya d’alerter la boulangère, mais pas un mot ne sortait de sa bouche, elle était devenue muette. » (Copi, « Madame Pignou » (1978), p. 49) ; « Le perroquet vert, témoin d’un meurtre d’une princesse russe, et qui perdait les plumes. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 75) ; « C’est la première fois que je perds. » (Donato, le héros homo secouriste de mer qui a laissé se noyer l’amant de son futur partenaire, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; etc.

 

 

Par exemple, dans le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne, un adolescent, caché dans une forêt, assiste, impuissant, à l’exécution d’un homme homosexuel par une bande de soldat. Dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph Mankiewicz, Catherine (Elizabeth Taylor), pendant tout le film, garde le silence sur la scène du meurtre homophobe collectif qu’a subi son cousin homosexuel Sébastien. Dans le film « Dressed To Kill » (« Pulsions », 1980) de Brian de Palma, une call-girl qui a surpris un meurtre dans un ascenseur devient la proie de la meurtrière, une mystérieuse blonde transsexuelle M to F. Dans le film « Dinero Fácil » (2010) de Carlos Montero, Jaime le prostitué est témoin d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Dans le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné, Avril, le complice et l’amant de Lacenaire, devient voyeur d’un meurtre. Dans le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1944) de Luchino Visconti, Gino est témoin du meurtre que Giovanna opère sur son mari, et s’affaire à le camoufler. Dans le film « J’embrasse pas » (1991) d’André Téchiné, Manuel Blanc se fait violer par un mec sous les yeux d’Ingrid. Dans le film « La source ou la fontaine de la jeune fille » (1960) d’Ingmar Bergman, Ingeri assiste au viol de Karin. Cachée derrière un buisson, alors qu’elle tient une pierre dans sa main pour lui venir en aide, elle n’intervient pas. Dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, Édouard est témoin du vol de livre d’Eudolfe qu’il garde secret. Dans le film « Rear Window » (« Fenêtre sur cour », 1955) d’Alfred Hitchcock, Jeff, au départ, veut faire justice lui-même et ne veut pas prévenir la police pour le meurtre qu’il a vu depuis sa fenêtre. Dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Timofei, le héros homo, aperçoit un vol de portefeuilles mais il ne fait rien pour arrêter le voleur. Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, Jean-Jacques regarde passivement le viol de Jean-Marc, son copain, par ses camarades de « Mission ». Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie et Ruth maquillent le meurtre du mari de la seconde, Bennett.

 

Le plus étonnant, c’est la passivité et la complicité du héros homosexuel vis à vis du meurtrier qu’il a surpris ou du violeur qu’il adore secrètement. « Je ne vous dénoncerai pas. » (Robbie s’adressant au couple criminel dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Je l’ai regardé tuer plusieurs mecs. » (Wayne concernant les meurtres de Dean, dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper) ; « Ze zont des zhomophobes qui m’ont attaqué, i’ zont voulu me tuer. I’ zont crié zale pédé, z’étaient des zhomophobes, et i’ m’ont buté. » (Willie, pourtant agressé par un homosexuel, son « ex » Doumé, dans le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 195) ; « La peinture qu’elle avait achetée se trouvait encore devant sa porte, mais Jane avait rechigné à se mettre au travail. Les mots seraient encore là même si elle appliquait une nouvelle couche de laque ; elle voulait que leur laideur reste gravée au fer rouge dans les souvenirs des Mann comme ils l’étaient dans les siens. La colère qu’elle avait pu ressentir vis-à-vis de la fille en rapport avec le graffiti avait disparu. Si c’était Anna qui avait dégradé sa porte, elle l’avait fait par désespoir et par peur de ce que les soupçons de Jane pourraient entrainer pour son père. Si c’était Mann, alors lui aussi était désespéré et effrayé. Cette idée la travaillait. » (Jane, l’héroïne lesbienne qui ne se décide pas à effacer le graffiti homophobe « Lesben Raus ! » qui figure à la peinture rouge sur le mur d’entrée de l’appartement qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 155) ; etc.

 

Film "L'Inconnu du lac" d'Alain Guiraudie

Film « L’Inconnu du lac » d’Alain Guiraudie


 

Par exemple, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, tous les personnages homos sont témoins d’un meurtre (celui que Michel a opéré sur Pascal ; Henri, de son propre meurtre par Michel), mais tous protègent par leur silence et par leur attachement à leurs pulsions sexuelles le meurtrier. Que ce soit Henri ou Franck, ils se jettent dans la gueule du loup. Le cas de Franck, le héros, est particulièrement fascinant. Il a vu pendant la nuit, caché dans les fourrés, son amant Michel noyer Pascal. Et le lendemain, il ment à l’un de ses camarades nudistes (« Je suis rentré me coucher… »), ment également au commissaire (quand ce dernier lui tend une photo de la victime, Franck fait mine de ne pas la connaître : « J’étais dans le bois… Je n’ai rien remarqué… »). On découvre que ce sont principalement les sentiments qui servent d’ultime rempart au déni du viol : quand Michel constate que Franck ne le dénonce pas et le couvre, il lui dit « Je crois que tu m’aimes toujours un peu… »

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, le jeune Henri, par amour pour Jean, un homme criminel plus mûr que lui, se replie dans le silence et la prostitution. Au départ, dans les toilettes où Jean a laissé pour mort un type qu’il a tabassé, Henri se voit forcé au silence par un baiser forcé et cannibale que lui donne Jean. Et ensuite, c’est de son propre chef qu’Henri, hypnotisé par la nudité de Jean, couvre ce dernier et pratique les mêmes larcins.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homo, ne porte pas secours à son amant Nathan qui se fait assassiner sous ses yeux par un prédateur sexuel dans une bagnole de laquelle il est le seul à descendre. Ce souvenir le hante jusque dans ses rêves puisque il voit Nathan frapper en vain à la fenêtre de la vitre de la voiture où il s’est enfermé, près d’une station de service où il attend son père : « Ouvre-moi Jonas ! Pourquoi tu fais ça ?!? Il arrive, Jonas ! S’te plaît, ouvre !!! » (Nathan). Dix-huit ans après, lorsque Jonas passe aux aveux et raconte les circonstances réelles de la disparition énigmatique de Nathan, la maman de ce dernier s’étonne encore de la passivité du jeune homme : « Y’a juste un truc que je comprends pas. Pourquoi tu l’as pas dit ? » Jonas ne sait pas quoi répondre, et son mutisme semble s’expliquer par un complexe de culpabilité, voire une homophobie intériorisée : « Je sais pas. J’y arrivais pas. J’avais honte. ». La mère de Nathan persiste : « Mais honte de quoi ? T’avais 15 ans… ». La question restera sans réponse. Néanmoins, Jonas se voit dédouané de toute faute par le petit frère de Nathan, Léonard : « Si tu l’avais pas abandonné au final, tu serais sans doute mort avec lui. »
 

Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Mélodie, l’héroïne bisexuelle, est avocate… mais au lieu de défendre la justice, elle se sert de son pouvoir de magistrat pour couvrir le délit ou le crime. Par exemple, face à un contrôle de police où son ami Michel manque de souffler dans un ballon alors qu’il est alcoolisé au volant, elle fait preuve de persuasion avec un policier pour échapper in extremis au retrait de permis… et ça marche. Plus tard, Mélodie a en charge un pervers qu’elle prend en pitié, qu’elle parvient à défendre en plaidoirie, en faisant passer les attouchements sexuels qu’il a fait sur une femme pour un dérapage : « Il s’agit d’un geste d’amour qui a mal tourné. » Mais à la fin du film, elle se retrouve face à une récidive beaucoup plus grave du même violeur, puisque cette fois, il est passé au viol. Elle a donc couvert et laisser courir en liberté un agresseur multi-récidiviste. Face à ses amis qui s’étonnent qu’elle ait défendu l’injustifiable, elle joue d’abord l’indifférence professionnaliste (« Bien sûr que je vais le défendre. C’est mon métier. ») avant de fondre carrément en larmes, surprise par une culpabilité inconsciente qui déborde en elle (« Je n’en peux plus de toute cette merde. Je ne sais plus à quoi m’accrocher ! ») Tout le film montre que, au même moment qu’elle vit son homosexualité, Mélodie défend à plusieurs reprises le viol : il y a une corrélation constante entre plaidoirie du viol et justification de la banalité/beauté de l’amour bisexuel/asexué.
 

Dans le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao, Rhennan est témoin de la mort accidentelle de Pia, tuée par Nilo, son amant qu’il défendra jusqu’au bout. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Paul, on ne sait pourquoi, protège son agresseur Dargelos qui lui a jeté volontairement une pierre à la poitrine. Dans le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine, Bruno voit Fabrice voler des cierges à l’église : non seulement il ne dénonce pas le délit, mais il tombe amoureux du larron ! Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara a laissé son amante Sonia se faire insulter et maltraiter par un groupe de garçons lesbophobes, et vient ensuite lui demander pardon : « J’suis vraiment désolée. J’arrivais à rien dire… » Dans le film « Indian Palace » (2011) de John Madden, Graham a une liaison homosexuelle avec un domestique indien, Manadj, qui finit mal puisque le père de Manadj perd son travail et toute la famille de ce dernier est renvoyée suite à ce « déshonneur ». Graham ne fait rien pour défendre son amour de jeunesse : « Au lieu de ça, j’ai laissé faire. Je n’ai pas émis la moindre protestation. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, en même temps qu’ils entament une relation amicale renforcée qui les fait passer pour homos, les deux adolescents Vlad et Joey se font comme par hasard suspecter de vol de livres en français dans leur bahut. On découvrira qu’en réalité, c’est Ben le grand-oncle homo de Joey, qui est l’auteur du larcin. Il se dénonce bien tard, après que le pauvre Joey se soit fait engueuler sévèrement par son père et presque suspecter d’homosexualité, le temps d’un dîner tendu. Dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, la jeune Anna défendra jusqu’à la mort son père qui la viole.

 

Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène se fait maltraiter psychologiquement par son amante Sarah… mais par « amour », elle l’excuse : « T’es pas vraiment méchante, en fait. C’est à cause de ta mère. Je l’ai vue. T’es juste paumée. J’ai compris pourquoi t’es comme ça. » Victoire, la meilleure amie de Charlène, essaie de la raisonner : « J’comprends pas comment t’acceptes. Elle te traite comme une merde. » Charlène lui rétorque : « Je ne te demande pas de comprendre. » Finalement, Charlène ne fait que reproduire la soumission de sa mère vis-à-vis de son père : « Pourquoi tu lui pardonnes à chaque fois ? » lui demande-t-elle ; « Parce que je ne peux pas faire autrement… » lui répond sa maman.
 

Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (épisode 1 de la saison 2), Emmanuel, le séminariste homosexuel noir, n’a pas aidé son camarade Christian qui s’est fait agresser puis voler de l’argent par une mendiante au foyer du Bon Secours où ils tenaient une permanence d’accueil (il s’est caché sous les tables pour prier un « Je vous salue Marie » sans bouger). Plus tard, toujours par faiblesse, mais aussi par dette de sa première lâcheté, il couvre Christian (qui a décapité une statue) et garde le silence sur son méfait.

 

Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, à Moscou, Anton et Vlad, un jeune couple homosexuel est par hasard le témoin passif d’une agression de rue. Vlad déconseille à Anton d’aller secourir le jeune Nikolay : « Tu vas jouer au héros ? » Plus tard, ils apprendront que la victime a succombé aux coups et qu’il s’agissait d’un crime homophobe. Vlad refuse qu’Anton mène l’enquête, pas simplement pour le risque qu’elle revêt, mais surtout par peur que sa culpabilité de non-assistance à personne en danger soit révélée au grand jour. Sous l’effet de l’alcool, Anton finit par intégrer à cette croyance qu’en effet, la complicité de son compagnon vaille meurtre : « Tu as tué un homme, Vlad ! Tu as tué un homme ! » Vlad lui met un poing dans la gueule et le quitte définitivement. À la fin, Anton découvre que le meurtrier de Nikolay n’est autre que de ses proches amis, Audrey, qui, lui aussi, va le regarder passivement se faire rouer de coups par ses potes homophobes dans une forêt enneigée de Russie.
 

Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, l’idylle entre Kena et Ziki, les deux héroïnes lesbiennes, commence bizarrement. Les deux femmes ont des pères qui sont rivaux aux élections municipales d’un lotissement de Nairobi (Kenya)… et Kena voit Ziki arracher et vandaliser les affiches électorales de son propre père. Elle lui court après… et tombe sous le charme de la canaille.
 

Chez le héros homosexuel, le déni de la connaissance d’un meurtre ou d’un viol peut traduire aussi une haine de soi, un manque de confiance, un mal-être identitaire, ou l’intériorisation inconsciente d’un opprobre, intériorisation qui sera interprétée comme un signe d’homosexualité. Par exemple, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Félix, le héros homo, est témoin d’un meurtre dont il n’est à l’origine pas responsable, … seulement voilà, il finit par s’en rendre un peu responsable en niant les faits. Le défense du violeur sera finalement expliquée par la haine secrète de soi, le racisme (ou l’homophobie) intériorisé : « J’avais peur de ces mecs, de ces flics, de tout. Je sais pas comment t’expliquer ça… J’arrivais pas à leur expliquer qu’un type m’avait frappé parce que j’avais une tête d’Arabe… J’avais honte. » Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, le père Adam est témoin du viol par sodomie que Adrian exerce sur le jeune Rudy (héros qui s’était jadis confessé à lui). Au lieu de dénoncer ce qu’il a vu, Adam l’incorpore comme une confirmation qu’il est lui-même bien homosexuel. Par la suite, Adrian s’amuse du chantage au silence qu’il impose à ce prêtre homosexuel refoulé, et en profite pour l’« outer » : « LE PRÊTRE EST UNE PÉDALE ! » fait-il inscrire en rouge sur un mur.

 

Film "Drôle de Félix" d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Film « Drôle de Félix » d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau


 

Le violé a vu le plaisir de son violeur au moment du coït et y a cru tellement qu’il l’a pris pour une preuve d’amour à maintenir cachée. Je vous renvoie à la partie sur le « Désir de viol » dans le code « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Dans le téléfilm « La Bête curieuse » (2017) de Laurent Perreau, Céline (jouée par Laura Smet) surprend sa collègue hôtelière Élodie en plein ébat amoureux lesbien avec une femme dans les vestiaires. Mais pour ne pas que son plus grand crime (Céline a tué son violeur puis se retrouve en liberté conditionnelle avec un bracelet électronique) soit dévoilé, elle décide de couvrir Élodie et son amante auprès de leur grand chef en l’empêchant de les surprendre dans la situation embarrassante. Il faut rappeler qu’Élodie, avant ce service rendue par Céline, se montrait particulièrement cruelle, jalouse, envers elle.
 

Également, le silence du héros homosexuel face au meurtre peut indiquer la dualité homophobe de son désir homosexuel, sa complicité avec l’homophobie. Par exemple, l’opéra Billy Bud (1951) de Benjamin Britten raconte l’histoire d’un marin persécuté pour ses opinions politiques supposées et qui tue son persécuteur sans que l’officier qui est amoureux de lui n’ose intervenir. Dans le film « Camionero » (2013) de Sebastián Miló, Raidel est témoin du viol punitif que son camarade Randy subit de la part de ses camarades cadets dans les dortoirs et les douches du lycée militaire où ils sont tous deux inscrits. Il le voit se faire pisser dessus, sans intervenir. Dans le film « Forty Deuce » (« Quarante partout », 1982) de Paul Morrissey, un prostitué (interprété par Kevin Bacon) essaie de couvrir la mort par surdose d’un autre gamin. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, Mourad, l’un des héros homosexuels, raconte comment, lors de son adolescence au lycée, il a non seulement été témoin du tabassage d’Esteban, un camarade suspecté d’être homo, dans les vestiaires, mais en plus, pour camoufler sa propre homosexualité, il y a participé. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, même scénario. Frank, le héros homo, avant de faire à l’âge adulte son coming out, a vu et pris part au passage à tabac d’un homme homosexuel efféminé de son village, Jonathan, que les « casseurs de pédés » dont il faisait partie, n’ont pas épargné. Et depuis, dès qu’il « croise un homme balafré » dans la rue, il repense avec angoisse au visage coupé en deux de son jumeau d’orientation sexuelle. Dans le film « Le Bal de nuit » (1959) de Maurice Cloche, un gay dévalisé n’ose pas porter plainte. Dans le film « Ô Belle Amérique ! » (2002) d’Alan Brown, Andy a vu son amant Brad se faire tabasser par les garçons de sa bande. Il avoue en pleurs qu’il est resté regarder la scène sans venir le secourir. Dans le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, les Allemands violent Riton sous les yeux d’Érik Seiler, sans que celui-ci fasse un geste pour le défendre.

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, le héros homo, parle de son camarade de classe efféminé, Julien, qui s’est suicidé parce que ses camarades le rejetaient, et que lui n’a rien fait non plus pour lui venir en aide : « C’était mon frère de cœur. Nous avions la même faiblesse – si c’en est une – mais je ne me reconnaissais pas en lui. Je l’avais toujours ignoré. Finalement, j’étais peut-être pire que ceux qui se moquaient de lui. […] « Personne n’était là quand Julien en avait besoin, quand il était bien vivant, quand il désespérait. Personne pour l’écouter, pour le comprendre et lui tendre la main… alors, il est parti. […] En réalité, je déprimais complètement. On mit cela sur le compte de la mort de Julien. C’était en partie vrai, mais la vraie raison de ma déprime venait du fait que je pensais à celui [Kévin] qui n’était pas là, comme d’hab, et qui pleurait avec moi tout à l’heure, quand nos épaules s’étaient touchées. Les filles et ma mère avaient raison, je n’étais pas là, j’étais encore au cimetière. Pas avec Julien, j’y étais avec mon amoureux. » (pp. 49-52) ; « Un jour, un copain s’en est pris à Julien, il trouvait qu’il avait une démarche et des gestes efféminés. […] Nous sommes tous restés là, impassibles, immobiles, personne n’a osé prendre sa défense. Je m’en voudrai toute ma vie. Je suis jeune mais je traîne déjà mes fantômes derrière moi. C’était mon frère, il l’ignorait. Moi, je le savais, je l’ai toujours su. Je l’ai renié plus fort que les autres. Je l’ai ignoré, abandonné, laissé souffrir en solitaire. » (idem, pp. 388-389) ; etc. À la fin de l’histoire, quand Kévin se fait tabasser à mort par un groupe d’homophobes, après un dîner au resto en amoureux avec Bryan, ce dernier reste totalement passif, à regarder son amant se faire tuer. Il ne veut pas être suspecté d’être homo, et de souffrir les mêmes représailles : « Je n’étais pas fier de moi, je n’avais rien fait pour aider mon ami. » (idem, p. 264)

 

Parfois, le viol ou le meurtre que le personnage homosexuel a vu ou a cru voir – et qu’il tait, en gardant son amertume pour lui – est fantasmatique (même s’il peut reposer sur un substrat de réel) : le héros a considéré la sexualité (entre un homme et une femme ; ou bien entre deux personnes de même sexe) comme sale, odieuse, violente, et a eu un contact prématuré avec l’intimité génitale des adultes. Il interprètera son silence vis à vis du « viol » (et vis à vis de son fantasme de viol surtout !) comme une confirmation secrète de son homosexualité. « Stephen [l’héroïne lesbienne, amoureuse de sa gouvernante Collins] avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. […] Stephen s’enfuit sauvagement, plus loin, toujours plus loin, n’importe comment, n’importe où, pourvu qu’elle cessât de les voir. Elle sanglota et courut en se couvrant les yeux, déchirant ses vêtements aux arbustes, déchirant ses bas et ses jambes quand elle s’accrochait aux branches qui l’arrêtaient. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 38-39) Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume est témoin que son meilleur ami Jérémy baise sous la pluie Lisa, et il qualifie par jalousie cette dernière de pute : « C’est vraiment une espèce de… »

 

Enfin, à plus grande échelle, le silence du héros homosexuel face aux crimes qu’il voit (dans la vraie vie comme sur ses écrans de télé) peut dire chez lui une misanthropie, une indifférence désinvolte à l’horreur et à la souffrance des autres, un égoïsme. « Il n’y a pas de mal à ça. » (Julia, une des héroïnes lesbiennes s’adressant à Lisa qui vient de se faire avorter, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino)

 

On retrouve les personnages homos dilettantes qui soufflent sur la mousse de leur bain d’actrices pendant que le monde entier s’écroule autour d’elles dans la chanson « J’en ai marre » d’Alizée, le vidéo-clip « XXL » de Mylène Farmer, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le poème « La Almena, Los Caballos » de Néstor Perlongher, etc. « Tout est chaos à côté. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « C’est dans l’air, c’est nucléaire. On s’en fout. […] On finira au fond du trou. Et… moi je chante. Moi je… m’invente une vie. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) ; « J’ai la peau douce, dans mon bain de mousse. Je bulle à l’ombre des bombes. » (cf. la chanson « J’en ai marre » d’Alizée) ; « J’étais à la manif avec tous mes copains. […] J’étais là pour aider pour le Sida les sans papiers. J’ai chanté, chanté. Sûr que j’étais là pour faire la fête ! Et j’ai levé mon verre à ceux qui n’ont plus rien. […] J’étais là et je n’ai rien fait. » (cf. la chanson « J’étais là » de Zazie) ; « Encore quelques jours à Singapour à rechercher l’amour du haut d’un réverbère. Je regarde la terre. Je n’y vois rien à faire. Alors je resterai réfugié à l’intérieur de mon bunker. » (cf. la chanson « Punker » du groupe Indochine) ; « Tu devras faire entrer en toi cette insensibilité à l’égard du monde. » (le narrateur de la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet) ; « C’était la première fois que cousin Sébastien avait des velléités de modifier une conjoncture terrestre. » (Leonora à propos de son cousin homosexuel, dans le film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz), etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Un certain nombre (non négligeable) d’individus homosexuels ont été témoins de meurtres ou de viols qu’ils taisent (cf. je vous renvoie aux codes « Déni » et « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ils sont les premiers à ne pas être capables de s’expliquer le pourquoi de leur silence. « Je n’en ai jamais parlé à personne, je n’ai pas porté plainte, et j’ai encore honte de m’être laissé faire. » (Brahim Naït-Balk évoquant la succession de viols qu’il a subis de la part du groupe de jeunes hommes qu’il encadrait, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 8) ; « Je ne me suis jamais dit : ‘Il est dégueulasse celui qui m’a contaminé. ’ J’ai pris mes responsabilités. » (Romain, homosexuel et séropositif, dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon) ; etc.

 

Le plus étonnant, c’est la passivité et la complicité de certaines personnes homosexuelles vis à vis du meurtrier qu’elles ont surpris ou du violeur qu’elles adorent secrètement. Par exemple, Truman Capote a pris la défense du prisonnier et criminel Perry Smith dont il raconte l’histoire dans son roman-réalité A Cold Blood (De sang-froid, 1966). Dans le documentaire « Stefan Sweig, histoire d’un Européen » (2015) de François Busnel, il est démontré que l’écrivain Stefan Sweig n’a pas dénoncé ouvertement le nazisme et « suit sa pente dominante qui est celle du compromis ».

 

Vidéo-clip de la chanson "Sans logique" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer


 

Quelquefois (étrange syndrome de Stockholm, par lequel la victime défend son agresseur ou bien celui qu’elle a vu agresser), le violé homosexuel a observé le plaisir de son violeur au moment du coït et y a cru tellement qu’il l’a pris pour une preuve d’amour à maintenir cachée. « Ils [les deux collégiens violeurs] sont revenus. Ils appréciaient la quiétude du lieu où ils étaient assurés de me trouver sans prendre le risque d’être surpris par la surveillante. Ils m’y attendaient chaque jour. Chaque jour je revenais, comme un rendez-vous que nous aurions fixé, un contrat silencieux. […] Uniquement cette idée : ici, personne ne nous verrait, personne ne saurait. […] Je ne sais pas si les garçons du couloir auraient qualifié leur comportement de violent. » (Eddy Bellegueule dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 38-42) ; « J’étais un efféminé qui méritait les coups. Je ne voulais pas que la surveillante me retrouve dans le même couloir, recroquevillé, le regard implorant – même si, je l’ai dit, la plupart du temps j’essayais, sans toujours y parvenir, de garder le sourire quand ils me frappaient. » (idem, p. 88) ; « Cette expérience m’était à tel point incroyable que, je préférais me taire, craignant sans doute de passer pour un être anormal et déséquilibré. Mais rien ne pouvait jamais m’ôter l’absolue certitude, que je n’avais pas rêvé ni été victime d’une hallucination. J’étais la victime et le témoin, c’est sûr, la cible d’un amour impossible. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du viol qu’il a subi, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 70) ; etc.

 

Beaucoup d’affaires criminelles impliquent les personnes homosexuelles (cf. je vous renvoie aux codes « Violeur homosexuel », « Viol », « Voleurs », « Milieu homosexuel infernal », « Homosexuel homophobe » et « Prostitution » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Mais comme en général, ces dernières ont collaboré de près ou de loin – par une pratique sexuelle, par un jeu de séduction ou par les sentiments – avec le bourreau qui a mal agit devant elles, elles préfèrent garder le silence : cf. je vous renvoie à deux articles : « Les homos taisent leurs agressions » et « Ils détroussaient des gays parce qu’ils portent moins plainte« . « Outre la mauvaise réputation qu’avait la Savane la nuit, je lui rapportais en détail certaines agressions dont j’avais été témoin. Sur la place, je rencontrais toutes sortes d’individus ; les ‘branchés’ étaient une population très hétéroclite. On était du même bord, mais on ne se fréquentait pas. Sans doute par manque de confiance, beaucoup se méfiaient de leur propre clan et jouaient à cache-cache en permanence, se dénigrant et se méprisant mutuellement. Impensable pour un groupe déjà victime du malheur de sa propre différence ! C’est quand même surprenant et regrettable d’en arriver là. » (Ednar parlant des lieux de drague antillais à sa mère, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, pp. 188-189) Par exemple, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans décrit précisément la succession des « générations de maîtres-chanteurs » (p. 39) qui se succèdent dans le cadre de la prostitution homosexuelle masculine : « Le grand point faible de l’homosexualité, c’est sa lâcheté : surpris en flagrant délit ‘d’outrage aux mœurs dans un lieu dit public’, le pédéraste ne peut chercher aucun secours chez son partenaire de rencontre ; il est seul. Personne n’est jamais homosexuel… sauf celui qui se fait pincer. Une ignoble loi de la jungle régit notre existence et nous vivons dans la perpétuelle attente de la catastrophe. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, idem, p. 103) Dans son autobiographie Retour à Reims (2010), Didier Éribon raconte (sans raconter vraiment) les « cassages de pédés » sur les lieux de drague homo : « Je dois mentionner aussi les innombrables agressions dont je fus, au fil des années, le témoin impuissant, réduit à ressasser ensuite pendant des jours, des semaines, le lâche soulagement d’avoir été épargné […]. Plus d’une fois il m’arriva de quitter précipitamment un de ces endroits, échappant de justesse au sort qui s’abattait sur d’autres. » (p. 220)

 

Le silence des personnes homosexuelles à propos du viol ou des actes d’homophobie indique la dualité homophobe de leur désir homosexuel, leur complicité avec l’homophobie à travers la pratique homosexuelle. « La question du chantage a été centrale dans toute l’histoire de l’homosexualité. Des hommes, pris au piège, étaient livrés à des voyous qui les tenaient à leur merci, et une seule rencontre malencontreuse pouvait briser une vie. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 69) Selon Himmler, « l’homosexuel » est « un objet idéal de pression, d’abord parce qu’il est lui-même passible de sanctions, deuxièmement parce que c’est un type malléable, et troisièmement parce qu’il est veule et dépourvu de toute volonté » (Himmler, cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 258)

 

Parfois, le viol ou le meurtre que la personne homosexuelle a vu ou a cru voir – et qu’elle tait, en gardant son amertume pour elle – est fantasmatique (même s’il peut reposer sur un substrat de réel) : elle a considéré la sexualité (entre un homme et une femme ; ou bien entre deux personnes de même sexe) comme sale, odieuse, violente, et a eu un contact prématuré avec l’intimité génitale des adultes. Elle interprètera son silence vis à vis du « viol » (et vis à vis de son fantasme de viol surtout !) comme une confirmation secrète de son homosexualité. « Une autre fois, ma mère dut s’absenter quelques jours pour se rendre au chevet de sa mère malade. J’ignorais tout à cette époque de la vie que pouvait mener mon père. Un soir, entrant dans la chambre de mes parents, que je croyais vide, j’eus la surprise d’y trouver mon père tenant dans ses bras notre cuisinière à demi dévêtue… Mon père m’administra un soufflet, pour me punir d’être entré sans frapper ; c’était la première fois qu’il me giflait… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 79)

 

Enfin, à plus grande échelle, le silence des personnes homos face aux crimes qu’elles voient (dans la vraie vie comme sur ses écrans de télé) peut dire chez elles une misanthropie désinvolte, une indifférence à l’horreur et aux souffrances des autres, un égoïsme. Par exemple, dans le documentaire « Chandelier » (2002) de Steven Cohen, le performer transgenre M to F, se balade dans les bidonvilles de Johannesburg où il regarde narcissiquement et passivement la destruction autour de lui, contemple les dégâts des « méchants humains » sans bouger le petit doigt. Certains critiques disent de Marcel Proust qu’il était un « auteur asthmatique et salonnard, décadent, narcissique, fermé aux dures réalités de la lutte des classes, ignorant tout de la dialectique et des problèmes économiques. » (cf. l’article « La France de Saint-André-des-Champs » de Jean Plumyène, dans le Magazine littéraire, n°350, janvier 1997, p. 51)

 
 

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Code n°171 – Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe

Tomber amoureux

Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

L’idolâtrie jalouse et sentimentale pour l’acteur convoité ou le Don Juan des cours de récré

 

Quand on voit toutes les fois (quasi toutes) où l’homosexualité est apparue rien qu’à cause de la vue d’un acteur excitant, ou par complexe/admiration jalouse par rapport au beau gosse du lycée, plutôt qu’elle serait venue par le Réel ou par un être de chair et de sang aimant (même si, après, bien évidemment, l’icône du bellâtre cinématographique a pu être projetée sur des personnes réelles proches), on se dit : « Si l’homosexualité ne repose principalement que sur ce stimulus de merde là, elle est ballote, quand même ! »

 

C’est peu de dire que les personnes homosexuelles aiment les images : littéralement, elles les adorent ! Ce n’est pas de l’amour, mais bien de l’adoration. Quelque chose de possessif, d’inconscient, d’hypnotique, de « ravissant » (dans tous les sens du terme !). La caractéristique de ces images qui ôtent aux sujets homosexuels leur désir sexuel et leur liberté, c’est que même si elles peuvent être portées ou incarnées par des êtres humains de chair et de sang, elles sont quand même éloignées/éloignantes du Réel, retouchées, sublimées/déformées par les spots, les montages, le souvenir.

 

Sur les écrans et dans les fictions littéraires, rares sont les protagonistes homosexuels qui ne sont pas tombés amoureux d’un personnage de fiction, un bel acteur, une grande chanteuse, ou un être humain connu dans l’enfance et qui attire à lui un grand nombre de regards, genre le meilleur élève de la classe, le Don Juan sur qui toute l’attention se concentre. Ils disent eux-mêmes maintenir « des relations très intimes avec leur magnétoscope » (l’ami gay de Charlie dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear) et tomber amoureux des figurines de leurs livres, de leur télévision et de leurs magazines.

 

Ça n’arrive pas qu’au cinéma. Parfois, ça arrive par le cinéma au réel, et aux individus homosexuels bien existants ! Il semblerait que ce sont prioritairement les icônes cinématographiques qui ont fait l’effet d’électrochoc du désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles ont voulu coucher avec l’archétype de la beauté défini par leur époque et les médias… même les moins midinettes d’entre elles. L’homosexualité masculine, par exemple, a souvent émergé d’un sentiment de non-conformité par rapport à l’image masculine imposée par les médias, d’une peur fondée avant tout sur certaines images faussées de l’homme réel : « J’avais l’impression que d’être homosexuel faisait de moi un sous-homme. C’est pour ça que j’ai longtemps été mal parce que je courais après une espèce d’image masculine, qui est un archétype social, mais qui n’est pas une réalité en définitive. Je courais après ça… et moi, je suis pas comme ça. » (Olivier, témoin homosexuel interviewé dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) La même chose semble s’être produite pour l’homosexualité féminine : la comparaison excessive à la femme-objet a certainement été décisive. « Je n’étais pas bien belle. Je n’étais pas une pin-up. J’étais toujours un peu rondouillarde… » (Micheline, femme lesbienne citée dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 50) L’homosexualité est le nom donné à une crainte d’incarner une anormalité sexuelle personnifiée. Elle procède très certainement d’une peur d’être un adulte, un homme, une femme, un individu unique, différent et libre, de côtoyer le mystère de l’autre et son propre mystère, d’aimer et d’être aimé, d’être vivant ou objet. Le désir homosexuel paraît être motivé à la fois par un éloignement du Réel (donc le devenir-objet, la mort), et surtout la peur d’être unique (donc la jalousie et la non-acceptation de soi).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Télévore et Cinévore », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Super-héros », « Défense du tyran », « Fan de feuilletons », « Élève/Prof », « Don Juan », « Musique comme instrument de torture », « Bergère », « Éternelle jeunesse », « Actrice-Traîtresse », « Pygmalion », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Substitut d’identité », « Peinture », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Amant modèle photographique », « Amant narcissique », « Solitude », à la partie « Fixette sur un amant perdu et déifié » du code « Clonage », à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », et à la partie « Nécrophagie » du code « Cannibalisme », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Acteur, mon amour :

Opéra-Rock La Légende de Jimmy de Michel Berger

Opéra-Rock La Légende de Jimmy de Michel Berger


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel tombe souvent amoureux d’un être de papier, d’un chanteur, ou d’un acteur (même si intellectuellement, il se rend compte de sa chimère) : cf. le film « Dottie Gets Spanked » (1993) de Todd Haynes, le film « Emporte-moi » (1998) de Léa Pool, le film « Irma Vep » (1996) d’Olivier Assayas, la chanson « Corto » de David Jean, la B.D. Journal (1) (1996) de Fabrice Neaud, la chanson « La Fan de sa vie » de Zazie, le vidéo-clip de la chanson « Outta Love », le film « Toto Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (dans le rapport de Fefe à Pietrino), le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (avec Francis, le héros homo portant une photo de James Dean dans sa main), etc.

 

« Bobby la science, c’était mon premier vrai p’tit copain. » (Hugo parlant d’un personnage de revue scientifique d’adolescence à son futur amant Patrick, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills) ; « Je n’ai pas encore aimé – j’ai failli mourir d’amour quand Marlon Brando s’est déchiré le t-shirt sale en hurlant : ‘Stella ! Stella !’ et j’ai eu une flambée pour Burst Lancaster dans ‘Trapeze’, mais je n’ai pas encore vraiment aimé – et je me demande souvent, sourcils froncés et le trac au cœur, quand ça va se déclencher, où est-ce que je serai, avec qui ce sera et comment ça va se passer… » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18) ; « C’est beau de sublimer, mais je commence à être pas mal vieux pour rêver que Jean Besré se meurt d’amour pour moi ou que Guy Provost m’enterre sous des tonnes de fleurs coupées parmi les plus rares et les plus odorantes. Ce petit théâtre ne suffit pas à remplir ma vie ni à combler mon besoin d’amour. » (idem, p. 19) ; « Comment j’ai su que j’étais gay ? Par exemple, je faisais sans arrêt le même rêve avec Daniel Radcliffe. » (Simon s’adressant à son amant Bram, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Moi, j’ai compris que j’aimais les mecs en regardant ‘Games of Thrones’. Je kiffais grave John Snow. » (Bram à Simon, idem) ; « Je suis déçu : t’es pas Ryan Gosling… » (Victor, le héros gay, ironique, s’adressant à son amant Raul qu’il désir beaucoup, dans le film « Plus on est de fous », « Donde caben dos » (2021) de Paco Caballero) ; etc.

 

C’est en général cet acteur qui lui apprend qu’il est homo : « Nous commencerons par cet acteur pornographique. Ça commence toujours par là… » (Samuel Ganes dans son one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle, 2009) ; « Je l’ai aimé. C’était une grande vedette de cinéma. […] Tant qu’il y a de la pellicule, y’a de l’espoir. J’la manipule tous les soirs. » (Charlène Duval, le comédien travesti M to F parlant d’un de ses amants, dans son one-(wo)men-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Je suis sorti avec un chanteur… et il travaille à Disney maintenant. » (Matthieu dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « C’est pas facile, le plaisir. Apprivoiser ton corps glacé. » (cf. la chanson « Que mon cœur lâche » de Mylène Farmer) ; « Merci La Redoute et Les 3 Suisses ! » (Nathalie, lesbienne, en train de se branler avec son gode, dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa) ; « Vous me faites penser aux gens qui regardent des photos d’art de modèles nus en ayant la gaule. Tous ces gens qui n’ont pas encore compris que l’art ne servait pas à bander lamentablement. » (Polly, l’héroïne lesbienne s’adressant à ses deux potes homos Mike et Simon, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 36) ; « Le grand secret de ta vie… Le seul homme que t’as aimé en photo : Rudolph Valentino. » (Charlène Duval, le travesti M to F, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « J’adore Mimi Mathy. Elle a tout d’une grande. […] J’adore Jean-Paul Belmondo. » (le coiffeur homosexuel du one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Bois-Rouge respire le fin d’un monde et ce n’est pas fait pour me déplaire. On y oscille entre un aujourd’hui naufragé et un hier mythique ou pour le moins littéraire dont vous êtes à mes yeux le personnage central. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 143) ; « C’est ce jour-là que j’ai rencontré le premier amour de ma vie, il s’appelait David Bowie. Sa musique a changé ma vie. Moi j’ai changé mon nom pour lui. » (cf. « La Chanson de Ziggy » de Marie-Jeanne et Ziggy, dans l’opéra-rock Starmania de Michel) ; « Quand Brad Pitt est rentré, j’me suis transformé en gonzesse. » (un des comédiens parlant de l’acteur Brad Pitt débarquant dans un bar où il se trouvait, dans le spectacle « stand-up » Desperate Housemen (2010) de Stéphane Murat) ; « Depuis que je t’ai vu sur scène, j’en avais le souffle coupé. » (Un spectateur faisant sa déclaration en chanson à Paul, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Faudrait pas me pousser pour me marier avec KD Lang. » (Stella, une des héroïnes lesbiennes du film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « J’ai passé une nuit de folie, les garçons ! Faut que je vous raconte ! Anna l’actrice, elle s’appelle Anna et pas Vanessa, elle est folle ! » (Polly, l’héroïne lesbienne du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 34) ; « On se parle par écrans interposés. » (Daniel s’adressant à son amant-internaute adoré, Luther, qui vit à l’autre bout du planisphère, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Fluffer » (2001), Sean, étudiant en cinéma, tombe amoureux d’une star du porno gay. Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, tous les personnages, homos ou hétéros, fantasment sur le film « Ben-Hur » : « Charlton Heston est trop craquant… » s’extasie Mirko, l’amant de Radmilo. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane, romancier célèbre, et Stéphane, celui qui fut son jeune amant, racontent leur première rencontre : Vincent accompagnait un ami qui venait faire signer son livre auprès de Stéphane à une séance de dédicaces. Dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, Bruno tombe amoureux du fameux joueur de tennis Guy Haines qu’il rencontre dans un train. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam, le prêtre homo, danse la valse, complètement bourré, avec le portrait de Benoît XVI, son pape chéri qu’il est sur le point de tromper. Dans le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, King succombe au charme de Victor quand il le/la voit interpréter la chanson « The Jazz Hot » sur scène. Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la voix narrative tombe amoureuse de Mathilde, une star de la chanson. Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, « M. », un des héros homos, dit « qu’il est amoureux d’Audrey Hepburn, l’actrice de ‘Breakfast At Tiffany’s » et « fan de Lio » (p. 39). Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, Claude regarde avec envie à la TV le patineur artistique. Dans le film « Amour et mort à Long Island » (1996) de Richard Kwietniowski, un romancier s’amourache d’un jeune acteur qu’il va poursuivre. Dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, l’un des deux amants avoue à son copain que durant son enfance, il est tombé amoureux du personnage fantastique « le Mounime » dans le livre de contes qu’ils sont en train de feuilleter amoureusement. Dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, Loïc tombe amoureux d’un joueur de football, Rui, dont il a seulement vu la photo dans le journal. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Patou, un des « ex » de Bernard, adorait le chanteur Étienne Daho. Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Bea, Alex s’amourache de la star Mitchell Green. Dans le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, Sébastien change de nom et se fait appeler Zack en référence à un héros de série télé qu’il a adulé dans son adolescence (Zack de Sauvez par le Gong). Dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, Dean est amoureux de Luc Alphin, un comédien de la série Flipper le Dauphin. Dans le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler, Beni, un adolescent, vit une histoire d’amour avec Fugi, un chanteur de rock. Dans son one-woman-show La Lesbienne invisible (2009), Océane Rose Marie dit en plaisantant qu’elle a eu le coup de cœur pour Hélène Rolles, l’héroïne de la série Hélène et les garçons. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Sébastien est attiré par Filip du groupe des 2BE3, et par ailleurs, appelle son petit copain « J.R. » (= Jean-René), comme le personnage de Dallas ; quant à Marcy, sa meilleure amie lesbienne, elle tombe amoureuse d’Anne-Lise, l’ex-Miss-Tee-Shirt-Mouillé de son camping de vacances. Dans le film « Backstage » (2005) d’Emmanuelle Bercot, on observe une réelle fascination de la part de Lucie pour la chanteuse de variétés Lauren Waks. Même processus dans le film « Le Rôle de sa vie » (2004) de François Favrat, dans lequel Claire Rocher, pigiste dans la mode, rencontre Élisabeth Becker, une actrice connue dont elle devient l’assistante personnelle. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, dit avoir eu son premier émoi homosexuel à 4 ans, quand sa mère l’a amené voir le ballet Casse-Noisette (1892) de Tchaïkovski, et qu’il a été fasciné par le danseur. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Kévin, le héros homosexuel, a des posters de 2BE3 au mur de sa chambre d’adolescent. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glenn avoue qu’adolescent, il « se branlait » devant son poste de télévisuel face à l’acteur Rupert Graves. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel post-pubère, est attiré par les hommes poilus et matures : il commence à se masturber avec des photos d’hommes dans les magazines. Dans le film « Fotostar » (2004) de Michèle Andina, Konrad travaille dans un magasin de développement de photos, et « flashe » sur un inconnu posant sur l’une d’elles, qu’il va chercher à draguer (… déjà, au tout début de l’histoire, on l’avait vu, « se rincer l’œil » devant des photos de magazines de lutteurs olympiques qu’il matait dans les cabinets, en cachette…). Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, la jeune Sibylle Ashby passe son temps à consulter ou à lire des ouvrages érotiques qu’elle vole dans la librairie genevoise d’Axel Thorpe. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’un des deux héroïnes lesbiennes, regarde régulièrement des films pornos lesbiens pour s’exciter toute seule. Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria découvre sa partenaire de scène Jo-Ann (avec qui elle doit jouer une liaison lesbienne) à travers internet et le cinéma, et ça vire à l’obsession par écrans interposés. Jo-Ann produit la même fascination chez Valentine, l’assistante de Maria, qui est fan de la jeune actrice depuis bien plus longtemps encore que sa patronne. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris, le blond, tombe amoureux d’une star du football, Ruzy Dagneau, joueur noir. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona, l’héroïne lesbienne, s’entraîne à danser la danse orientale devant une danseuse du ventre, Samia Kamaal (la plus grande danseuse d’Égypte), diffusée à la télé. Dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil, Arnaud, le fan de Johnny Hallyday, regrette que son chanteur-fétiche ne s’offre à lui comme il le voudrait : « Avec Johnny, je suis pas sûr que je pourrais avoir des relations sexuelles. » Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, héros homo de 10 ans, anglais, maintient avec John F. Donovan, un acteur de série B nord-américain, trentenaire homosexuel, une relation épistolaire passionnelle à distance pendant 5 années. Rupert idolâtre sa star fétiche, et regarde tous les épisodes de la série (Hellsome High) où joue John, vit sa vie par procuration à travers lui : « C’était mon seul lien avec la vie dont je rêvais. ». Ils échangent une centaine de lettres… et John finit par trahir le garçonnet pour que son homosexualité ne soit pas dévoilée au grand jour. Suite à ce « drame », Rupert déchire tous les posters de son acteur vedette qu’il avait accrochés dans sa chambre.

 

Film "House Of Boys" de Jean-Claude Schlim

Film « House Of Boys » de Jean-Claude Schlim


 

Le référent fantasmatique, le prisme à travers lequel le héros homosexuel envisage les personnes réelles qui l’entourent, et notamment son partenaire amoureux, est en général une créature mythique, littéraire, télévisuelle : « J’avais lu La Citadelle de A.J. Cronin, qui décrivait l’héroïne sous les traits d’une femme particulièrement belle. J’imaginai un moment que c’était elle. » (Anamika face à Linde, sa future amante, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 10) ; « Mourad [l’un des deux héros homosexuels] finit par s’emparer d’un mensuel culturiste acheté à la gare, cacha la tête d’un modèle herculéen et s’efforça de la remplacer imaginairement par celle de Jason. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 244) ; « J’ai adoré les photos de vacances que tu m’as envoyées. Les poissons que tu as capturés sont énormes ! On distingue ton torse à travers le vêtement mouillé : tu deviens un une homme charmant. Si tu as d’autres photos après une baignade nudiste… je suis preneur ! » (Randall s’adressant à Ernest, le copain de son fils, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « Tu ressemblais à un acteur de bollywood. » (un des protagonistes homos à son amant, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Ronit était là. Telle qu’Esti en avait gardé le souvenir, et plus encore. Dès le premier coup d’œil, on voyait qu’elle ne vivait plus ici ; elle ressemblait à une fleur exotique qui aurait poussé de façon inopinée entre les pavés. Rose et somptueuse, elle était habillée comme les femmes des magazines ou sur les affiches. » (Ronit, l’héroïne lesbienne observant goulûment son amante Esti, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 85) ; « Il y a entre eux [Denis et son amant Luther] une intimité sensuelle comparable, à la relation entre un spectateur et son chanteur. » (la voix-off du film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; etc. Par exemple, dans la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, le narrateur homosexuel rencontre un joli garçon pendant qu’il visite Le Louvre, et s’imagine qu’il « baise » avec lui comme s’il copulait avec un des personnages du tableau qu’ils observent : « J’entrepris de comparer ostensiblement la paire de fesses de marbre noir du Cupidon qui patinait Psyché à celle de jean noir du garçon figé par l’admiration. » (p. 108)

 

La passion violente pour l’homme-objet ou la femme-objet hétérosexuel(-le) a tout l’air d’une idolâtrie, une traversée de miroir qui rend amnésique : « Alors je l’ai vu. J’en avais entendu parler à la télévision comme tout le monde et j’avais suivi ses exploits. Il est apparu. […] Écran noir. Plus rien ne passe. C’est comme si le stade s’était habillé d’un voile noir mais un peu transparent. » (le narrateur homosexuel du roman Comment j’ai couché avec Roger Federer (2012) de Philippe Roi, p. 4) Elle est proche du fanatisme, de la folie, de la fusion-rupture, car bien évidemment, elle instaure un rapport relationnel inégalitaire dominé/dominant. Par exemple, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo, l’un des héros homos refoulés, après sa tentative de kidnapping de Carla Bruni dont il dit être amoureux, manque de peu d’être interné dans un hôpital psychiatrique, et est activement recherché par la police. Dans l’incipit de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges regarde à la télévision son « mec » Édouard faire sa campagne électorale, en le critiquant sévèrement comme s’il était un spectateur lambda, parce qu’il n’épouse pas du tout les mêmes opinions politiques que lui (… mais le public n’apprend qu’après-coup la nature amoureuse, ou plutôt passionnelle, de leur relation… une relation vouée à l’échec).

 

Parfois, l’homme télévisuel occupe une place plus importante dans le cœur du héros homosexuel que l’amant réel : « Je te préviens : le home-cinéma, c’est moi qui me le garde. » (Claude à son copain François, au moment de leur rupture, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « C’était comme au cinéma. C’était au bord de la plage. C’est alors qu’il m’est apparu. Un petit air de Ryan Goslin… avec le corps d’Élie Sémoun. » (Benjamin racontant sa première rencontre avec Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 
 

b) Le beau gosse du lycée :

Je vous renvoie également à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Vidéo-clip de la chanson "Popular" de Nada Surf

Vidéo-clip de la chanson « Popular » de Nada Surf


 

Dans le même registre, mais à une échelle un peu plus accessible, le héros homosexuel se choisit un autre écran humain sur lequel projeter ses fantasmes sexuels naissants. En général, l’heureux élu est le garçon le plus populaire du lycée, celui qui a toutes les filles à ses pieds, qui est super bon en sport, qui a tous les copains qu’il veut, bref, l’homme qui représente la « coolitude » hétérosexuelle la plus naturelle : cf. le film « To Play Or To Die » (1990) de Frank Krom, le film « Little Black Boot » (2004) de Colette Burson, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le vidéo-clip de la chanson « Popular » du groupe Nada Surf, le film « Le Grand Alibi » (2007) de Pascal Bonitzer, le film « Winter Kept Us Warm » (1965) de David Secter, le film « Oi ! Warning ! » (1999) de Dominik et Benjamin Reding, le film « Venner For Altid » (« Amis pour toujours », 1986) de Stefan Christian Henszelman, la pièce Missing (2008) de Nick Hamm, etc.

 

C’est quand même assez flagrant comme dans beaucoup de cas fictionnels, les réalisateurs ou les romanciers projettent leurs fantasmes inassouvis et adolescents de midinette se faisant courtiser par l’inaccessible Don Juan de leur lycée d’adolescence. Par exemple, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay adulte, retrouve Patrick un ancien camarade de lycée (de 2 ans son aîné) dont il tombe amoureux : « Il est toujours aussi mignon. Voire encore plus qu’avant. Tout le monde adorait Patrick. En plus d’être super intelligent, il était ultra populaire et sûr de lui. Les profs disaient qu’ils seraient président. » (Hugo). ans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, Suzanne tombe amoureuse de la fille la plus convoitée du lycée, Jacqueline : « Elle était populaire et n’avait évidemment pas besoin de moi. » (p. 37) Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, scotche sur Sonia, une jeune chanteuse bisexuelle qui prépare un disque et qui a un franc succès avec les garçons : « Attends, Sonia, elle peut pas être lesbienne. Elle est trop belle. Tous les garçons, ils craquent sur elle. […] T’as une de ces cotes avec les mecs, toi. » Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo tombe sous le charme du beau Gabriel, le beau gosse du lycée : « Le nouveau est super mignon. » (Giovanna, la « fille à pédés » s’adressant à son meilleur ami homo Léo) Au début de la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes, Hitler tombe amoureux du premier de la classe, Ludwig. Dans le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair, Ernest a le béguin pour Raoul, le Don Juan de son école. Dans le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, Texor, à 7 ans, est fasciné par Franck, le garçon le plus beau de sa classe. Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Ernst tombe amoureux de la photo de son correspondant allemand Rolf avant de le rencontrer en vrai. Dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, la jeune Juliette, secrètement amoureuse de sa prof de français, est jalouse du Don Juan de son collège, le bel Antoine : elle a peur qu’il lui fasse concurrence. Dans le film « Basket et Maths » (2007) de Rodolphe Marconi, Jérôme tombe amoureux de Cédric, le leader de la classe. Dans le roman Avec Bastien (2010) de Mathieu Riboulet, Bastien tombe amoureux à 8 ans de Nicolas, un de ses camarades de classe, qui disparaît peu après dans un accident de voiture. Dans le film « Cappuccino » (2010) de Tamer Ruggli, Jérémie s’éprend de Damien, le leader de sa classe, et s’imagine, parce que celui-ci accepte de se faire sucer par lui, que c’est le « grand amour ». Dans le film « Contra-corriente » (2011 de Javier Fuentes-León, Santiago craque totalement pour son amant Miguel qu’il voit diriger une célébration funéraire, et qu’il photographie de loin : « Tu avais tout d’un leader ! » Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau se dit, dans son adolescence, captivé par « Pierre et Stanislas, les premiers de la classe ». Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, essuie son premier râteau avec Jeremy, le beau gosse de sa High School en Angleterre, qu’il a cru aimer et qu’il a attendu comme une femme attend un homme. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie est fascinée par Floriane, le capitaine de l’équipe de natation synchronisée… et sa future amante. Dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, Amy et Karma essaient absolument d’être populaires dans leur lycée en faisant courir la rumeur qu’elles sont lesbiennes. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène tombe amoureuse de Sarah, la Don Juane du lycée. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), la langue de Laurent Spielvogel, le héros homosexuel, est fasciné par un camarade de lycée, le beau Stanislas : « Il est super chic. » Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, lors d’une intervention en milieu scolaire de l’association Act-Up, un élève de terminale, sans doute homo en herbe, flashe sur le beau Nathan, militant venu faire de la prévention. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, voit débarquer (au ralenti) le beau Nicholas dans sa salle de classe, et c’est tout de suite le coup de foudre. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies), Ritchie tombe amoureux de Ash, le beau gosse musclé de la fac.

 
Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, tous les héros de la bande de potes gays évoquent en fin de soirée leur premier grand coup de cœur homosexuel. Emory, par exemple, a vécu sa plus forte (et plus décevante) histoire d’amour au collège, quand il est tombé en amour pour un élève plus âgé que lui, Peter : « Il est absolument beau. » dit-il, les yeux fixés dans le vide ; « Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. […] Peter était fiancé à cette conne de Loraine, dont la mère était une vraie salope. »

 

Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il s’est lié d’amitié à l’école avec un certain Julien, un gars avec qui il a vécu ses premières expériences sexuelles dans les cabinets de toilettes (ils se sont comparés les zizis), et qui ressemblait au chanteur Steeven du groupe de Boys Band Alliage. Jefferey dit être attiré toujours par le même type d’hommes : des grands blonds aux yeux bleus. Et Julien correspond à cet archétype, même s’il est africain : « Un Africain blond aux yeux bleus, c’est bizarre, je vous l’accorde. »
 

« Je lui montrais comment faire une explication pour le bac en français. On avait un groupement de textes tiré des Fleurs du mal. Quand je relisais avec lui Parfum exotique, j’avais des frissons des pieds à la tête. J’avais l’impression que ça parlait de lui, de nous. » (Mourad, l’un des personnages homosexuels, parlant d’Esteban, un camarade de classe, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 339) ; « Je suis sûr qu’adolescent, tu étais élu élève le plus populaire. » (Denis en extase devant son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « À 17 ans, j’me rendais pas compte. J’le trouvais beau, brillant, talentueux, intelligent. J’crois qu’on était toutes amoureuses de lui. » (Sandrine, pourtant lesbienne, parlant de Raphaël, dans l’épisode 261 de la série Demain Nous Appartient, diffusé sur TF1 le 3 août 2018) ; « C’était le plus beau mec de la ville. » (Sandrine Lazzari, pourtant lesbienne, se justifiant d’être tombée amoureuse de son amour de jeunesse Guillaume, dans l’épisode 509 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 17 juillet 2019 sur TF1) ; etc.

 

En remontant le fil d’Ariane, on découvre que c’est souvent la comparaison auto-dévalorisante aux autres et surrévaluante par rapport à une exception d’entre eux, qui construit la fascination idolâtre du héros homosexuel. Par exemple, dans le roman Papa a tort (1999) de Frédéric Huet, Julien tombe amoureux de son voisin de pupitre, le bel et sculptural Antoine : « J’ai remarqué qu’Antoine, il est beaucoup plus musclé que moi. […] Il est drôlement bien foutu. » Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis, le personnage homosexuel, avoue, tout admiratif, à Tom, un ancien ami d’enfance du club de foot qu’ils fréquentaient ensemble, qu’il était à l’époque déjà amoureux de lui : « Avec ton âme de leader… »

 

À la base, c’est la jalousie qui explique l’adulation pour le chef de la classe. Par exemple, dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, Lukas, l’héroïne trans F to M, tombe amoureuse de Fabio, le beau gosse le plus populaire du lycée ; mais cet amour n’est en réalité qu’un désir de fusion égoïste : « Je suis jaloux de sa dégaine ! » Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Laurent scotche complètement sur Patrick, l’homme le mieux « gaulé » de sa salle de sport, parce qu’il rêve de fusionner avec lui : « Envie de lui… envie de lui ressembler, tout simplement. » Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar tombe amoureux de Khalid, le meilleur élève de la classe, qui aura le privilège de rencontrer le Roi Hassan II du Maroc à sa place (c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il assassinera son amant plus tard).

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Acteur, mon amour :

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel tombe souvent amoureux d’un être de papier, d’un chanteur, ou d’un acteur. Je vous renvoie aux documentaires « Amoureuse de Greta Garbo » (2000) de Lena Einhorn, « Jodie : An Icon » (1996) de Pratibha Parmar, aux nombreux calendriers des Dieux du Stade achetés par un public LGBT, aux couvertures de la presse gay, à « l’excitation de groupies attardées » des journalistes de Têtu pour les beaux gosses de la planète (David Beyckam, Enrique Iglesias, Brad Pitt, George Clooney, etc.) et pour les coming out surprise des célébrités (Zakary Quinto, Jim Parsons, Ricky Martin, Jodie Foster, M. Pokora, etc.). Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar, le personnage homosexuel, est amoureusement fasciné par le Roi Hassan II du Maroc qu’il voit à la télé… ce qui se trouve être une réalité autobiographique de l’auteur lui-même. Dans l’émission Ça se discute consacrée le 18 février 2004 à l’homosexualité féminine, Sophie dit être amoureuse de Céline Dion. Le film « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath retrace l’histoire vraie de Truman Capote qui, en lisant les journaux, tomba amoureux d’un serial killer. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte comment son ami Ernestino aime admirer la musculature des sportifs.

 

Je connais dans mon entourage énormément d’amis homosexuels qui ont vécu leurs premiers émois homosexuels par le biais d’un mannequin, d’un acteur, d’un beau chanteur, ou d’un sportif. Par exemple, une de mes amies me dit qu’elle a su qu’elle était lesbienne en regardant la patineuse Katarina Witt.

 

« Je fantasme souvent sur des gars… souvent inaccessibles. […] Je tombe amoureux des hétéros et des stars (ex : M. Pokora depuis son nouvel album et depuis que je suis ses interviews). » (Galopeur, internaute s’exprimant sur le site Doctissimo, le 11 mai 2008) ; « L’impact de la fiction sur un jeune homosexuel, il est colossal. C’est rompre la solitude. Et celui qui n’a que le film homo pour s’identifier, il partage ce secret. Et ce secret, c’est un personnage de fiction. » (Céline Sciamma, réalisatrice lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « Ce garçon est Cinéma. » (Christophe Honoré, parlant d’un acteur dont il est amoureux, dans son autobiographie Le Livre pour enfants (2005), p. 97) ; « J’aime vous lire à peu près comme on aime un amant. […] J’ai voulu vous écrire quand je suis tombé amoureux de Stéphane, le vôtre, en lisant La Vie sans lui. » (cf. un extrait d’une lettre de Florian, un fan lecteur de Pascal Sevran, dans l’autobiographie de ce dernier, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 85) ; « Quand on regarde une série, on se dit : ‘Celle-là, elle est mignonne…’, ‘Celle-là, elle est mignonne…’, etc. » (Fanny, une femme lesbienne s’exprimant dans l’émission Dans les yeux d’Olivier, « Les Femmes entre elles » d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011) ; « Un beau jour, mon regard croisa celui d’un garçon qui ne cessait de cocher, je ne sais quoi, dans son journal. […] Tantôt souriant, tantôt faisant la moue, ses mimiques très drôles lui donnaient cette familiarité, si sympathique, des personnages de bandes dessinées. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 99) ; etc.

 

Dans l’équipe de chroniqueurs de l’émission Homo Micro, sur Radio Paris Plurielle, Fabien, le spécialiste de la « Chronique Santé », avoue qu’il a flashé très jeune sur l’acteur de la série L’Homme de l’Atlantique, Patrick Duffy.

 

Patrick Duffy

Patrick Duffy


 

Les sentiments pour un acteur ou une actrice de cinéma pointe souvent en toile de fond une jalousie et une schizophrénie mal gérées : « J’étais en adoration devant un animateur d’Europe 1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. Europe 1 réalisait certaines de ses émissions en direct dans différentes villes de France, le fameux ‘Podium’. En prévision de son passage dans notre région, je me préparais donc à cet événement en endossant le rôle de sa femme imaginaire dans mes jeux. J’avais choisi un prénom de fée : je m’appelais Viviane Lafont. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « À l’adolescence, j’ai commencé à regarder les films autrement. Je craquais pour les acteurs, mais au lieu de m’imaginer vivre une histoire très romantique avec eux, je m’imaginais dans leur peau, je m’imaginais eux. C’est un peu bizarre, mais je pense quand même que c’était bien du craquage adolescent. » (Isabelle dans son article « Tom Boy à l’affiche »); etc.

 

Dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), le bel Alexandre Delmar avoue être tombé amoureux du personnage d’Esteban dans le dessin animé franco-japonais Les Mystérieuses Cités d’Or : « Oui, on peut trouver un personnage de dessin animé infiniment beau ! Absolument ! Je ne trouve pas ce concept du tout surprenant. » Puis il le compare à l’acteur principal d’une série nord-américaine de son adolescence : « Bon, d’accord, je dois quand même reconnaître qu’il n’est pas aussi beau qu’un garçon de mon âge qui joue dans une autre série, Sauvés par le Gong, et qui répond au doux prénom de Zach. Tout me plaît chez lui. De la tête aux pieds, sans la moindre exception. Sa coupe de cheveux, sa blondeur, son visage fin, son teint hâlé, son look décontracté, sa popularité, son succès auprès des filles… Je voudrais tellement lui ressembler, même un tout petit peu. Mais il approche de la perfection faite ‘garçon’, ou du moins de l’image que je peux m’en faire, que je ne vois pas comment je pourrais lui arriver à la cheville. » (pp. 13-14) À l’âge adulte, Alexandre Delmar continue à se faire des films avec des acteurs de ses fictions : « Je tombe littéralement amoureux d’un acteur de film prénommé Johan et son image hante chacune de mes nuits. » (idem, p. 110)

 

En règle générale, cela vexe un peu les membres de la communauté homosexuelle de découvrir que leur premier émoi sexuel est d’abord télévisuel et non réel… car quoi de plus naïf, adolescent, et immature, que de prêter des sentiments à une idole de papier, à un écran de télé, ou à un chanteur inaccessible ? Quoi de plus obsessionnel, schizophrénique, et pathétique que de projeter sincèrement sur de beaux acteurs retouchés de partout ses propres fantasmes d’homosexualité (… pour, la plupart du temps, ne pas assumer la sienne…) ?

 

Dans mon parcours personnel, je peux attester que mon désir homosexuel n’est pas venu d’abord pour une personne de mon entourage réel (mon frère, mon grand-frère, mon père, mon cousin, un prof, un camarade de classe, un ami de la famille, que sais-je encore), mais m’a été annoncé par des êtres plus lisses : les illustrations de la Grèce Antique par le dessinateur homosexuel Roger Payne sur des livres pédagogiques, les catalogues par correspondance La Redoute ou Les 3 Suisses, les manuels de biologie du collège ou les livres d’éducation sexuelle de la maison, des acteurs – pas forcément dénudés d’ailleurs – des séries télévisées et des films que je regardais : Sean Connery, Alex Corretja, Pete Sempras, Alec Baldwin, les hommes des films de la Movida espagnole. Ce n’était même pas des images érotiques à proprement parler. Il suffit d’un bout de bras, d’une chemise échancrée, d’un beau visage, d’une publicité suggestive, un bidou qui dépasse, etc., pour que le charme agisse. Par conséquent, nul besoin de partir en croisade contre le porno, de traquer la moindre nudité, ou de s’offusquer des hommes-objets s’affichant en slip sur les affiches publicitaires urbaines ; pas de quoi jeter un voile pudique sur les photos de Gay Pride, les couvertures de Têtu, et d’enfermer ses enfants chez soi. Certes, plus les corps perdent de leur intimité, plus ils appellent à la pulsion homosexuelle, poétiquement appelée « sentiment » ou « amour ». Mais je crois qu’elle arrive aussi par des voies très innocentes, anodines, et belles.

 

Sean Connery

Sean Connery


 
 

b) Le beau gosse du lycée :

Pour pallier à un effondrement identitaire, à un manque d’assurance et de confiance en soi, ou plus fondamentalement à un complexe de vivre, certaines personnalités – qui se révèleront parfois homosexuelles à l’âge adulte –, choisissent de s’identifier à des supers-héros télévisuels, ou bien à des personnes de leur entourage (scolaire) présentées extérieurement comme fortes (fortes par la beauté, l’intellect, le charisme, la séduction, la direction, les attributs sexuels et physiques, etc.) : ce fut le cas de Yukio Mishima, d’Arturo Arnalte, et de tant d’autres. « Je crois bien me souvenir d’avoir envié, en mon for intérieur, ceux de mes camarades qui connaissaient des jeunes filles. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 78) ; « On a tous été traumatisés, à des degrés divers, par les cours de foot au collège. Ce moment cruel où les plus populaires de la classe, de gros beaufs hétéros que vous aimiez en secret, choisissaient un à un les membres de leur équipe, et durant lequel, évidemment, ils vous choisissaient en dernier… » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 107) ; « Il me fascinait et j’aspirais à lui ressembler. Et je me suis mis à parler, moi aussi, de Godard, dont je n’avais rien vu, et de Beckett, dont je n’avais rien lu. Il était évidemment bon élève et ne manquait jamais une occasion d’afficher une distance dilettante avec le monde scolaire. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 175) ; « En sixième, j’ai oublié mademoiselle Levreau pour tomber amoureuse de la première de la classe, moi qui n’étais que deuxième, une certaine Marie-Joëlle. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 47) ; « Déjà j’adorais Gabrielle, quand j’étais jeune, parce qu’elle était super brillante, brillante à l’école, brillante partout j’adorais Gabrielle. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, s’exprimant dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 58) ; « J’ai été traité de fille très jeune (6/8 ans) par un beau-frère assez tyrannique, avec le recul je m’aperçois que je ne m’en suis jamais vraiment remis… tout du moins ma construction en tant qu’homme a été très compliqué, j’ai toujours eu du mal à me sentir viril (pour résumer)… et avec du recul, je me rend compte que j’ai passé mon enfance à essayé de copier les mimique des gars que j’admirais (le profil hétéro, chef de bande, bagarreur, sportif, drôle, avec du succès avec les filles). Même si je ne suis pas devenu comme eux, j’essayai du moins de me faire accepter par eux, je voulais, en fait, être eux (en lisant les 1ères page de Confession d’un Masque de Mishima, j’ai vu que c’était le cas de certains homos)… Malgré tout cela, je ne me sentais jamais légitime dans ma virilité, toujours mal dans ma peau, et un peu escroc sur les bords… » (cf. le mail d’un de amis homosexuels, de 23 ans, qui m’a écrit en novembre 2011) ; « Je sens pourtant que Charles-Henri tend à m’échapper. Il s’amuse bien mieux avec les autres garçons, ceux qui font du sport eux aussi, depuis toujours, qui font de la musique, comme lui, qui parlent sûrement mieux des filles. C’est un combat pour garder son amitié. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 219) ; « C’est pour un ami de collège que j’ai éprouvé le premier sentiment. » (un témoin homo suisse dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; « Quelqu’un me plaît dans ma classe. Il est l’un des seuls à avoir pris ma défense face aux hyènes moqueuse qui déversent leur fiel sous le préau et dans la cour. Il s’appelle Fabien, je l’admire… Un peu mon héros. Il est fort en foot. Il a un joli sourire qui s’ouvre sur les dents du bonheur et le visage criblé de taches de rousseur. Il rigole tout le temps. C’est la première fois qu’un garçon est gentil avec moi. Grâce à lui, de la catégorie ‘innocente victime’, je passe à celle de petit favori du garçon le plus populaire de la classe. Lui, il me défend, il me protège. Il leur dit d’arrêter. Alors forcément, mon coeur lui est acquis ! » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, Éd. Broché, Paris, p. 20) ; etc.

 

J’ai connu dans mon entourage amical homosexuel des hommes qui, à l’école primaire ou dans leur enfance, m’ont avoué qu’ils avaient fortement admiré les chefs de bande de la cour. En filigrane derrière les sentiments, on peut lire une rivalité et une jalousie mal gérées : « Ayant cherché à comprendre vers la quarantaine ce qui pourrait être à l’origine de mon désir homosexuel – et éclairé alors, ou peut-être dirigé, par les pistes que donnait René Girard dans Des choses cachées depuis la fondation du monde – j’ai pensé repérer, en relisant mon histoire, un premier symptôme vers 8/10 ans dans une relation de rivalité dont l’objet était le ‘prestige intellectuel’ d’être le premier de la classe (bien que je sois loin d’être un intellectuel – je suis agriculteur – j’ai eu une scolarité facile, notamment à l’école primaire), et que le rival est devenu malignement objet du désir, pas encore réellement sexuel à cet âge, mais cela en avait l’avant-goût. Cette année-là donc, un autre Philippe me grillait la première place, et ma jalousie fut telle que j’en faisais ma tête de turc et ma victime allant jusqu’à des gestes obscènes sur sa personne. Tout de suite après – ou bien l’année suivante ? – je découvrais qu’il était mon meilleur et seul ami, bien que je doute aujourd’hui que la réciproque ait été vraie. Nous nous sommes perdus de vue, âgés de 12 ans, dans la dislocation de notre société (nous sommes des Français d’Algérie). Je l’ai revu 10 ans plus tard à l’occasion d’un mariage, et compris alors qu’il avait été mon premier amour. Tous mes désirs de garçons par la suite dans la pré-adolescence, l’adolescence et le début de l’âge adulte ont suivi le même schéma. Innommés d’abord, j’ai compris assez tard, vers 18 ans, qu’ils étaient un désir homosexuel exclusif. Mon hypothèse est-elle loufoque, ou avez-vous également rencontré ce type de construction ? » (cf. un mail d’un ami que j’ai reçu en décembre 2012)

 

Pour ma part, je dois avouer très franchement que je ne suis jamais tombé d’un camarade de classe ni même été attiré par les garçons populaires de mon lycée… mis à part peut-être une fascination pour un certain Bertrand, en terminale, mais je ne rêvais pas de lui la nuit pour autant, et n’avais pas de photo de lui cachée dans mon cahier de textes ^^.

 
 

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Code n°175 : « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau… » (sous-codes : Bas-haut / Horizontalité-verticalité / Adieux / Amour impossible)

Un Petit Poisson

« Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau… »

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

« Dieu dit : ‘Que les eaux grouillent de bestioles vivantes et que l’oiseau vole au-dessus de la terre face au firmament du ciel.’ Dieu créa les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remuants selon leur espèce, dont grouillèrent les eaux, et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon. » (Gen, 1, 20-22 ; extrait de la TOB, au quatrième jour de la Création)

 

« Vus d’en haut, nous sommes tous des nains. Vus d’en bas, tous des géants. Il nous faut retrouver un regard horizontal. » (Eduardo Galeano, dans le documentaire « L’Amérique latine, à la reconquête d’elle-même » de Gonzalo Arijón, diffusé sur la chaîne ARTE, en 2008)

 

 

La vie sans les trois dimensions (haut/bas/profondeur), sans la perspective, sans centre

 

Comme le désir homosexuel ne part pas prioritairement du Réel et n’est pas attiré par Lui, puisqu’il éjecte ou magnifie excessivement la différence des sexes (qui, je le rappelle, est LE socle du Réel sans lequel nous ne serions pas là pour en parler), il est logique que l’individu qui le ressent et qui s’y adonne n’ait pas une vision du monde et des Hommes en trois dimensions : le haut, le bas, et l’horizontal (… autrement dit le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, figurés par la croix de Jésus). Souvent, les personnes homosexuelles pratiquantes, dans leur manière de vivre et d’aimer, vivent les montagnes russes, passent cyclothymiquement d’un extrême à l’autre, expérimentent la violence oscillatoire d’un mouvement de balancier en dents de scie qui sépare excessivement le haut et le bas, ou, ce qui revient au même, qui les fait fusionner. Dans les deux cas, il n’y a pas de place pour la relation ni pour la matière, le volume, le relief, la perspective, la profondeur, le Sens, l’Amour.

 
 

L’Amour comme un écran plat ou un précipice

 

Leur folie des hauteurs homosexuelle (cf. je vous renvoie aux codes « Planeur », « Icare », « Femme au balcon », et « Se prendre pour Dieu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) traduit fantasmatiquement une focalisation sur une horizontalité niant toute verticalité, et vice versa. Au niveau du désir homosexuel, il semble que le haut et la bas aient du mal à se rencontrer : dans l’iconographie homosexuelle sont souvent mis en opposition (et en fusion !) le monde aérien de l’oiseau et le monde aquatique du poisson. C’est peut-être ce qui fait dire à Pierre Verdrager, dans son essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007), que « les homosexuels sont parfois dans le monde social comme des poissons dans l’air. » (p. 113) Le désir homosexuel tend vers les extrêmes pour empêcher l’individu de regarder les choses en face, à la bonne hauteur, et en profondeur. Dans les œuvres homo-érotiques, les êtres se déplaçant lentement à l’horizontal (par exemple le cygne glissant sur l’eau, la femme courant dans la forêt, le funambule marchant droit sur une corde raide, l’horizontalité du fleuve, le déplacement rectiligne de la reine du carnaval sur son char, etc.) sont constamment sous la menace de la chute (le cygne noyé chez les néo-baroques, la femme dans la forêt violée et tombant à terre, les chutes d’eau, l’intronisation-détronisation de la reine du carnaval, etc.). En désir, la majorité des personnes homosexuelles sont trop horizontales dans leur volonté de fusion à la terre ou à l’être aimé (c’est pour cette raison qu’elles craignent la chute et qu’elles ne la voient pas venir), et trop verticales (elles planent et ne considèrent plus la Réalité).

 

Au lieu de prendre réellement de la distance par rapport à l’objet d’amour, elles s’y identifient dans l’émotionnel et se soustraient au travail de détachement par la mise en scène parodiée du départ. Elles adorent les créations de la solitude, des adieux larmoyants, de l’amour impossible. C’est pourquoi, iconographiquement, beaucoup d’auteurs homosexuels mettent en scène deux créatures qui ne pourront jamais se rencontrer et s’aimer à cause de la différence radicale de leurs milieux naturels respectifs, sur le modèle de la chanson « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » de Juliette Gréco.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Fusion », « Animaux empaillés », « Manège », « Femme allongée », « Doubles schizophréniques », « Funambulisme et Somnambulisme », « Se prendre pour Dieu », « Liaisons dangereuses », « Désir désordonné », « Aigle noir », « Eau », « Amant narcissique », « Icare », « Femme au balcon », « Planeur », « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre », « Lune », « Mort = Épouse », « Sirène », « Voyage », et à la partie « Mélodrame » du code « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Nager comme un oiseau dans l’eau !

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Curieusement, dans les fictions traitant d’homosexualité, des fusions fantasmatiques hybrides se font entre animaux terrestres et animaux marins, entre volatiles et poissons (et pourtant, il ne s’agit pas uniquement de canards, je peux vous l’assurer !) : cf. le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (avec les oiseaux rasant l’eau de la mer), le film « Navidad » (2009) de Sebastián Campos (avec, en scène finale, l’image d’un personnage en plastique maintenu debout par l’air sortant d’une bouche d’aération urbaine, suivie d’un fondu enchaîné sur un torrent d’eau où nagent des poissons regardé par Aurora), etc. « Embrasse-moi la bouche encore encore encore comme ça. J’ai des plumes. Gentils poissons. » (cf. le poème « Lever le ventre » (1915-1917) de Gertrude Stein) ; « J’aime mon petit oiseau qui s’ébat dans l’eau. » (la voix narrative du poème « Minicamba » (2008) d’Aude Legrand-Berriot) ; « Je suis pas un poisson. Je suis pas un oiseau. » (Manu dans le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné) ; « Nage nage petit poisson. Vole vole le papillon. » (cf. la chanson finale du film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne) ; « I’m not a cat, I’m not a fish, I’m a catfish, I’m a dog. » (Stan dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Je m’appelle pas Canard, mais Rouge-Gorge. » (Mimile roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 70) ; « Aïe ! Une abeille dans la baignoire ! » (cf. une réplique de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « La mouette ! La mouette qui veut voler dans l’évier ! Elle est en pleine forme ! […] Regarde comme elle flotte ! On dirait un canard en celluloïd ! » (Luc, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Plus le poisson volant se prend pour un oiseau, moins il a de chances de bien nager. » (Joséphine à propos de Thierry, le héros homosexuel, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche ; épisode 8, « Une Famille pour Noël ») ; « Je veux juste flotter. […] Pourquoi elle m’envoie des photos de nuages ? » (Suki, l’héroïne lesbienne voulant rejoindre son amante Kanojo à la piscine, et recevant d’elle des photos en direct, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Qui donc que Dick baptiserait son bateau ‘Bird’ ? » (Marge, la compagne de Dick, le héros bisexuel, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; « Regarde les poissons volants ! » (Joe s’adressant à Jerry, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, le héros homosexuel efféminé, parle à un moment à ses amis de bains aquatiques et d’avion sans qu’on comprenne vraiment pourquoi : « Je prends les deux. Je vais sur la Côte Ouest. » Bernard ironise : « Tu pourras jamais te passer des bains. » Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Atos Pezzini, homosexuel, chaperonne des petits jeunes artistes qui veulent évoluer dans le monde du théâtre : par exemple, il définit Diego, son assistant (habillé en marin), comme « son poisson-pilote ». Dans le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte, on assiste à une histoire sentimentale lesbienne se déroulant dans un aéroport, avec un avion qui ne décolle pas. Dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, l’enfant-poisson est associé au « devenir ange ». Dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi, le héros travesti M to F accouche de poissons volants, ou parle à des mammifères semi-terrestres, semi-aquatiques : « Ah la saloperie de cacatoès qui me taillade le clitoris avec son bec ! » ; « Des poissons cacatoès volants ! » ; « J’ai quelqu’un sur ma ligne ! C’est un perroquet ! Dehors ! Dehors ! Rentre dans ta cage ! Dans ta cage ! Allô, allô, allô, allô ? C’était un poisson cacatoès, il y en a partout ! » Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, Line la bourgeoise travestie M to F, en feignant de se balader sur un marché de Lorient, compare chaque catégorie de poissons qu’elle voit sur les étalages des maraîchers à une catégorie d’homos, et à un moment, elle fait référence à des poissons volants. Le titre du roman Le froid modifie la trajectoire des poissons (2010) de Pierre Szalowski, traitant d’une intrigue homosexuelle sur fond de grand froid paralysant la ville de Montréal, induit que l’homosexualité est une déviation (pour ne pas dire péjorativement « déviance ») de la trajectoire de la sexualité incarnée, aquatique ou terrestre. Dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion, le couple homo Seb/Loïc défie Charles, l’hétérosexuel, en se présentant comme « juste une communauté qui nage à contre-courant dans votre océan ».

 

Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, les Rats (c’est-à-dire l’animalisation des homos et d’une société bisexuelle) et le Diable des Rats veulent d’un monde uniformisé où eux seuls décrèteraient la séparation entre les différents éléments de vie, autrement dit entre l’eau et l’air : « Ils opinèrent à l’unisson dans leurs langues que les eaux finiraient par baisser et qu’il se ferait encore une fois le partage entre terre, air, et mer. » (p. 114)

 

Le Dieu Poisson-Oiseau adoré par certains héros homosexuels ressemble au phallus ou au diable : « Oui, la bite est un oiseau ! Mais c’est un oiseau plongeur ! Il aime bien se baigner ! » (cf. une réplique de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Nous vîmes de notre cachette […] le Dieu des Hommes avec les deux têtes du caniche et du fox-terrier à la place de la sienne, et une queue de lézard, et j’en passe des plus bizarres, telle une tortue de mer à tête de queue de poisson. » (Gouri, le héros bisexuel du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 135)

 
 

b) La non-rencontre et la fusion entre le bas et le haut :

Si on regarde bien la plupart des créations homo-érotiques, on peut constater que le bas et le haut (ou la verticalité et l’horizontalité) soit fusionnent, soit ne se rencontrent pas : « Elle vole en parallèle. » (l’un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je descends à la verticale, pendant que mon sang se répand là-haut. » (la voix narrative de la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro) ; « La première fois, ça a été comme un shoot. Je suis monté jusqu’à la cime de cette descente. » (le héros homosexuel de la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Il faut que je me couche sous les hommes. Sinon, sans eux, j’ai pas de gravité. » (Franck dans la pièce Mon amour (2009) d’Emmanuel d’Adely) ; « Tu t’es créé un monde pour être la reine. Mais réveille-toi. Tu ne l’es pas ! T’es juste une lycéenne comme toutes les autres. Tu vas tomber de ton piédestal. Pour une fois, c’est moi qui te regarderai de haut. » (Juna, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Jane rêvait d’Anna. Elles étaient seules dans le noir, les doux cheveux de la fille retombaient sur le visage de Jane. Elle eut l’impression d’être au lit avec elle et se mit à paniquer ; ce n’était pas ce qu’elle voulait, tout allait de travers. Les lèvres de la fille se posèrent sur les siennes et elles s’embrassèrent, la langue d’Anna frémissante et insistante. Jane comprit à nouveau ce qu’elle était en train de faire et tenta de la repousser mais quelque force supérieure les collait l’une à l’autre. Elle sentait le poids du corps de la fille, la douceur de ses seins, et elle se tortilla pour se dégager, tentant désespérément de s’échapper, mais elle avait beau se tourner dans toutes les directions, elle était piégée. Elle repoussa Anna de toutes ses forces, mais sans résultat, elles étaient verrouillées l’une à l’autre, et brusquement Jane comprit ce qui les retenait là. Elles étaient scellées, l’une au-dessus de l’autre, sous le plancher de l’immeuble de derrière. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 222) ; « On a vécu comme dans un univers parallèle. » (Marie avouant qu’elle est tombée amoureuse d’Aysla, face à Bernd et Dom, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « C’est pas la hauteur qui compte. C’est le goût. » (Benjamin, homosexuel, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Restez vertical tant que vous le pouvez. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « S’aimer : résistance, dissonance. Balançoire dans l’Espace. » (cf. la chanson « Love Song » de Mylène Farmer) ; etc. Par exemple, la nouvelle Marcovaldo Tarsile De La Tour Montigny Xuclar I Fer Ampolles (1975) de Terenci Moix raconte l’histoire d’un homme dont l’obsession de sa vie est la « longitude ». Quant au Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig, il a une vision unilatérale du monde : son univers est plat comme un échiquier. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny a peur de s’abandonner, et donc son amant Romeo lui apprend à faire « la planche » sur la mer. Même scénario entre le père Adam et Lukasz dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony, le héros homosexuel s’adressant à son jeune filleul, Jim, aussi homosexuel, lui donne des conseils de natation similaires : « Il faudrait que tu t’arrêtes en faisant la planche. » Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, apprend à nager avec Juan, son protecteur. Ce dernier le soutient en lui faisant faire la planche.

 

Le vertical surgit alors inopinément de l’horizontal : c’est le cas par exemple dans le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger (la chute dans les graviers succède à la scène du miroir narcissique plat), dans la chanson « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer (« Je bascule à l’horizontal, démissionne ma vie verticale. »), dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, etc. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le couple lesbien Heïdi-Frédérique, de retour d’une soirée bien arrosée, nie toute verticalité, et vit donc une horizontalité qui ressemble au coma et à la vacuité : « C’était une soirée horizontale. » déclare Heïdi ; « J’ai tellement bu et mangé que j’ai peur de ne pas pouvoir rester verticale. » surenchérit Frédérique. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Rudolf, l’un des héros homosexuels, écrit un roman dans lequel il se met dans la peau de sa grand-mère, une jumelle narcissique planant tellement sur les hauteurs qu’à la fin elle finit par s’écraser : « Elle marche d’un pas régulier, calme et décidé à la fois. Elle regarde la vallée. Son village est minuscule vu d’ici. Elle décide de tout quitter : sa famille, son village, son pays. C’est agréable d’être seule. Pour la première fois de sa vie, elle est vraiment seule. Elle regarde les passants dans la rue. Leurs mouvements sont beaux. Brusquement, elle pleure. » Au même moment, le spectateur voit une succession de séquences de chutes : plongeon d’un baigneur, saut à ski, chute en tire-fesses… et Rudolf qui saute lui-même de sa fenêtre. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie, le héros homosexuel, a du mal à se tenir droit, et à rester droit… si bien qu’il se croit atteint de vertiges et de signes physiques montrant qu’il est malade du Sida.

 

Le haut et le bas correspondent parfois symboliquement à l’hétérosexualité et à l’homosexualité : « Tu ne peux pas être partout : en l’air avec le dentiste, sur terre avec Lola. » (Vera l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Nina, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Depuis le mariage pour tous, dès que tu vois une alliance sur la main d’un homme, tu ne sais pas sur quelle branche il grimpe. » (Marcel, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet).
 

Fatalement, quand ni l’horizontalité ni la verticalité ne sont reconnues, c’est le risque de chute probable (des corps et des sentiments) ! (cf. je vous renvoie à la partie « Chute » du code « Icare » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) « C’est des escaliers sans cage. » (Micheline dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Avec le cassoulet allégé, préparez-vous à décoller/vous dégongler. » (Jérémy Lorca dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « Embrasse-moi » (2017) d’Océane Rose-Marie et de Cyprien Vial, Cécile se tient en équilibre à la verticale, et hurle juste avant de s’écrouler, à la vue de Océane Rose-Marie qui l’espionne derrière un fourré.

 

Parfois, la confluence entre haut et bas peut être aussi, chez le héros homosexuel, le signe d’un écartèlement d’identité perturbant, d’une schizophrénie : « J’avais l’impression qu’une partie de moi était tombée par terre, et l’autre accrochée en haut de l’arbre. » (Damien, le héros transgenre M to F racontant la découverte de son homosexualité/de sa transidentité, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine)

 
 

c) Nous ne sommes pas du même monde… : la sacralisation homosexuelle des adieux et de l’amour impossible

UN PETIT POISSON Love in

Film « Love In Thoughts » d’Achim von Borries


 

Le héros homosexuel ne sait plus où et vers où il évolue, quelle profondeur et quel sens il vit, ni dans sa propre existence, ni dans son couple. « Où va ma vie guidée par l’oiseau, au fil de l’eau ? » (Claude dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado)

 

D’ailleurs, il arrive très souvent dans les fictions homo-érotiques que les amants homosexuels ne puissent pas se rencontrer car ils ne sont pas du même monde. L’un évolue dans les eaux ou sur terre, l’autre en l’air : cf. la chanson « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » de Juliette Greco, le roman Pájaro De Mar Por Tierra (1972) d’Isaac Chocrón, le film « Poisson Lune » (1999) de Jose Alvaro Morais, le film « De Frigjort » (« Un Poisson hors de l’eau », 1993) d’Erik Clausen, le film « Fish And Elephant » (2001) de Yu Li, le roman Un Poisson sur la balançoire (2000) d’Eyet-Chékib Djazari, le conte La Petite Sirène (1836) d’Andersen, la pièce Les Précieux Ridicules (2008) de Damien Poinsard, le tableau Le Diable au paradis d’Alain Burosse, le film « Au ras du sol » (2012) de Filippo Demarchi, la chanson « Mujer Contra Mujer » de Mecano, les romans Les Mouettes volent bas (1995) et En haut des marches (1999) de Joseph Hansen, le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini (avec la non-rencontre entre Carole, la fille de l’air et de Paris, et Delphine, la fille de l’eau), etc.

 
 

« Un petit poisson, un petit oiseau s’aimaient d’amour tendre.

Mais comment s’y prendre quand on est en haut ?

Un petit poisson, un petit oiseau s’aimaient d’amour tendre.

Mais comment s’y prendre quand on est dans l’eau ? »

(cf. la chanson très homosexuellement connotée « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » de Juliette Gréco)

 

Vidéo-clip de la chanson "Regrets" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Regrets » de Mylène Farmer


 

Les membres du couple homosexuel fictionnel sont trop proches ou trop éloignés pour s’aimer. Ils disent vivre dans des univers parallèles inconciliables. L’image de la différence entre deux saisons, deux planètes, deux hémisphères, ou deux êtres vivant dans des contrées diamétralement opposées, pour illustrer le décalage entre les deux amants est un cliché commun de beaucoup de créations artistiques homosexuelles : cf. la pièce Une Rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry, la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, la chanson « Pas le temps de vivre » de Mylène Farmer, la chanson « Le Soleil a rendez-vous avec la lune » de Charles Trénet, la « Chanson du coq et de l’âne » d’Étienne Daho et Arnold Turboust, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, La nouvelle « Le Potager » (2010) d’Essobal Lenoir (évoquant la distinction entre les homos citadins et les homos campagnards), etc. « Moi, je suis le haut. Et lui, c’est le bas. » (Philippe Mistral parlant de son « mari », dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Tu sais que l’hiver et l’automne n’ont pu s’aimer. » (cf. la chanson « Regrets » de Mylène Farmer) ; « Vous dans votre hiver, moi dans mon été. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 175) ; « Moi fille du soleil, toi qui venais du pays de la pluie, pas même une chance sur un million, quelque part au monde, qu’un jour nos deux vies se rencontrent. Moi, fille de la mer, et toi qui passais ta vie dans les airs, pas même une chance sur 100 millions, quelque part sur terre, qu’un jour nos chemins se confondent. […] Nos corps ne dansent pas la même danse. Moi fille du Sud, toi l’homme du Nord, c’était prédit qu’on se sépare. » (cf. la chanson « Fille du soleil » de Candela dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Il est la nuit, tu es le jour. […] Tout seuls dans nos vies. » (cf. la chanson « Réveille-toi » de Philippe Tailleferd) ; « Une société hétérosexuelle. Deux garçons. La France et la Floride. Des vies différentes. » (Chris s’adressant à son amant internaute Ernest, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 94) ; « Météo : divergence entre le froid et le chaud ! Le système planétaire hésite : quelle face faut-il montrer au soleil ? La rondeur des planètes rend le choix entre la face et le dos presque impossible, conséquence : les planètes tournent sur elles-mêmes. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Dans ce monde propre, je connaissais maintenant une villa. Celle de Khalid [amant d’Omar, le héros pauvre vivant au Sud]. Elle avait un nom. Villa du Nord. Le nord de quoi ? » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 43) ; « Je n’écoutais plus, au bout d’un moment, Khalid. Il était à la hauteur. Il était préparé pour être à la hauteur. Et moi, j’étais où ? » (idem, p. 91) ; « Ma chérie, je ne pourrais plus être au-dessous, je ne pourrais être de ces humbles gens qui doivent toujours vivre sous la surface et n’apparaissent que pour un instant, comme les poissons… » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 238) ; « Je ne sais pas ce que ma sexualité débordante rendrait sur terre. » (Felicity dans le film « Good Morning England » (2009) de Richard Curtis) ; etc. Par exemple, dans le recueil Le Maléfice de la phalène (1920), Federico García Lorca relate le malheur d’un cancrelat vainement amoureux d’un papillon. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Jenko (le grand beau gosse) et son collègue Schmidt (le gros petit) se disputent beaucoup, n’arrivent pas à s’ajuster, passent à leur temps à discuter leur différence de niveaux (soit trop haut, soit trop bas) : « Tu me tires vers le bas. » (Jenko) ; « Tu étais une petite fleur et je t’étouffais. » (Schmidt)

 

L’incompatibilité entre les deux amants homosexuels semble obéir davantage à une logique physico-désirante (comme les aimants qui s’attirent ou se repoussent), incarnée dans la sexuation, qu’à une logique de volontés, de sentiments, de sincérités, de valeur individuelle des personnes impliquées dans le couple (cf. je vous renvoie aux codes « Liaisons dangereuses », « Désir désordonné », « Manège » et « Fusion », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Nos vies ne sont simplement pas conciliables, ne l’ont jamais été. Pourquoi faut-il qu’aujourd’hui elles s’entrechoquent dans le grand fatras de ces années de fer et de feu ? » (Vincent à son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 37) ; « Je te brûle ton marche-pied de la salle de bain. » (François s’adressant à son amant Thomas, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy)

 

Navrés de ne pas avoir tenu compte du Réel et de la différence des sexes qui auraient permis leur union concrète, les héros homosexuels nous rejouent régulièrement la scène de « l’amour » sacralisé et solidifié par la mort ou l’adieu. Roméo et Juliette, bis repetita : cf. le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, le film « Sur le départ » (2011) de Michaël Dacheux, le film « Adieu ma concubine » (1993) de Chen Kaige, le film « Between Love And Goodbye » (2008) de Casper Andreas, le film « Potiche » (2010) de François Ozon, le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, la chanson « La Fin » d’Emmanuel Moire, la série Black Out (2010) de Rudee LaRue (Enrique a vu son mec mourir dans ses bras à l’hôpital), la reprise (2011) de la chanson « Ne me quitte pas » de Jacques Brel par la chanteuse Oshen (alias Océane Rose-Marie, la fameuse « lesbienne invisible »), la pièce musicale Confessions d’un Vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, le film « J’aimerais j’aimerais » (2007) de Jann Halexander (et l’amour impossible avec Philistin de Valence), la pièce L’Orféo (2009) d’Alessandro Striggio, le roman Pasión Y Muerte Del Cura Deusto (1924) d’Augusto d’Halmar, le film « Adieu je reste » (1977) d’Herbert Ross, le film « Adieu je t’aime » (1987) de Claude Bernard Aubert, le film « Goodbye Lover » (1999) de Roland Joffe, le film « Un clin d’œil pour un adieu » (1986) de Bill Sherwood, le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan (avec l’allusion au Chevalier à la rose de Strauss, opéra racontant l’histoire d’une vieille Maréchale qui consent à laisser son jeune amant la quitter pour une femme plus jeune), le roman La Symphonie des adieux (1997) d’Edmund White, la chanson « Des adieux très heureux » d’Étienne Daho, la chanson « The Power Of Goodbye » de Madonna, la chanson « Goodbye » de Céline Dion, la chanson « Au diable nos adieux » de Zazie, le film « Goodbye Gemini » (1970) d’Alan Gibson, le film « Adieu, Alexandra » (1969) d’Enzo Battaglia, le film « Bye Bye Love » (2003) de Peyton Reed, le film « Adieu forain » (1998) de Daoud Aoulad-Syad, le poème Le Condamné à mort (1942) de Jean Genet, le roman Adieu à Berlin (1939) de Christopher Isherwood, le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, le roman L’Heure des adieux (2000) de Jean-Noël Pancrazi, le roman Se résoudre aux adieux (2007) de Philippe Besson, le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, le film « Une dernière nuit au Mans » (2010) de Jeff Bonnenfant et Jann Halexander, le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre (relatant l’amour impossible mélodramatisé entre Rubén, un prostitué et son client Eloy), le film « Längs Vägen » (« Along The Road » (2011) de Jerry Carlsson (racontant la love story clandestine de deux routiers), etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack pointe un révolver sur son amant et l’embrasse une dernière fois sur la bouche, avant de retourner l’arme contre lui et de tirer. Dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, Vincent et Arthur sont cruellement séparés par la Première Guerre mondiale. Dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont, Léo raconte à son amant Rémi une métaphore de leur couple : celle d’un canard jaune (Rémi), plus beau que les autres, qui tombe amoureux d’un lézard (lui, en l’occurrence), et ensemble ils font du trempoline pour sauter jusqu’aux étoiles. Rémi finit par se suicider parce que Léo n’assume pas leur « couple ».

 

C’est la symphonie des adieux : « Dorita se donna à lui [Silvano] pour la première fois la nuit des adieux, dans la salle de classe, sur le bureau de Silvano, tandis que la pluie fouettait les carreaux. Dorita était vierge. L’expérience fut douloureuse pour tous les deux. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 12) ; « Tu sais très bien que c’est pas possible. » (François parlant de sa relation avec Thomas, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; « Après avoir subi une greffe cardiaque qui lui a sauvé la vie, Simon apprend que le donneur est en fait son compagnon François décédé dans un accident de voiture. […] Ils se sont mutuellement sauvés la vie et bien que séparés, ils vont finir leurs jours ensemble. » (cf. le résumé du film « La Dérade » (2011) de Pascal Latil, sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris du 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; « Jioseppe Campi peignait beaucoup de portraits pour des couples qui allaient se séparer. Je veux dire que, dans plus de la moitié des cas, les peintures étaient exécutées avant que le mari parte avant la guerre ou se rende dans une autre ville pour le commerce. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 82) ; « C’était une nuit d’hiver. C’était nous deux et le temps des adieux. » (le chanteur Stéphane Corbin, lors de son concert Les Murmures du temps (2011) au Théâtre de L’Île Saint-Louis Paul Rey, à Paris) ; « Je ne sais quand nous serons ensemble. » (Gabrielle s’adressant à son amante Émilie, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 16) ; « Que nous arrive-t-il ? Je sais à peine qui vous êtes, vous ne savez rien de moi. » (idem, p. 17) ; « Je te laisse parce que je t’aime. » (cf. la chanson « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer) ; « Je t’aime… mais c’est trop tard. » (Léa s’adressant à Chéri dans le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears) ; etc.

 

Les personnages homosexuels fictionnels ne semblent aimer de l’Amour que son impossibilité : « Il avait réalisé combien il aimait Malcolm, une fois ce dernier parti. » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 34) ; « Je ne me remettrai jamais de l’amour que je n’ai jamais vécu. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 64) ; « On s’aime jamais vraiment que lorsque tout se perd et se termine. » (idem, p. 157) ; « Malgré les bonheurs que Marie me donnait tous les jours, ce bel amour simple ne me suffisait déjà plus. Cette inclination que j’ai pour la conquête est sans doute le pire. Je me sens toujours amoureuse du plus difficile, de l’impossible même, et donc condamnée à n’être jamais comblée. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 204-205) ; « Pourquoi nous sommes-nous rencontrées si tard ? Nous avons tant d’années à rattraper… perdu cinquante ans à ne pas nous connaître… » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 27) ; « Mais mon amour, ça ne peut pas être la fin de notre histoire. Elle n’a même pas encore commencé. » (Marie suppliant son amante Aysla, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; etc.

 

D’ailleurs, certains auteurs homosexuels adorent scénariser/sublimer les inachèvements rageants, les amours empêchées par les circonstances, la fortune, ou « l’homophobie » : « Des milliers de mots doux sur des pare-brises envolés. » (cf. la chanson « Des Milliers de baisers » de Céline Dion) ; « La lettre est restée de longs jours dans l’entrée avant d’être envoyée. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 62) ; « Comme pour la première, je ne sais pas si je t’enverrai cette lettre, je ne sais pas si tu la liras… si tu riras… ou si tu pleureras. » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 313) ; etc.

 

Dans les fictions homo-érotiques, les héros – notamment copiens – se mettent souvent dans la peau de l’actrice Drama Queen qui feint de partir avec fracas mais qui ne part jamais (pour se faire désirer et prier), qui fait d’interminables adieux, qui meurt à répétition (de la mort lente du désir de fusion) : « Je voudrais mourir sur scène, sous les projecteurs. » (cf. la chanson « Mourir sur scène » de Dalida) ; « Un jour je dirai bye-bye à tout ce show-business. […] Laissez-moi, laissez-moi partir, laissez-moi, laissez-moi mourir avant de vieillir. » (cf. la chanson « Adieux d’une sex-symbol » de Stella Spotlight dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je m’éloigne de vous. Je suis loin de tout. » (cf. la chanson « Agnus Dei » de Mylène Farmer) ; « J’ai fait mes adieux à la ville. Pourtant, j’ai eu du mal à la quitter. » (l’un des protagonistes de la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou) ; « Tout le monde s’étais mis sur son trente et un pour cette soirée d’adieu. Les couleurs exaltant le bronzage étaient de sortie, environnées de parfums légers ou capiteux, boisés ou fruités. Mais Amande était à coup sûr la plus belle, une fois encore. […] Avec son turban cerise sur la tête, son débardeur assorti, sa minijupe noire et ses espadrilles à talon compensé, elle était ravageuse, et elle le savait. Une véritable reine. Mais ce qu’elle ignorait, c’est qu’elle venait en réalité de faire une toilette de condamnée à mort. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), pp. 418-419) ; « Restons ici, ma Fifi ! Moi je vais mourir aussi ! C’est mon dernier printemps ! » (Mimi à son acolyte travesti Fifi, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Miloud, ouvre-moi la porte, cette fois-ci je m’en vais pour de vrai et pour toujours ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Adieu, Jolie, mon train va partir. » (Silvano, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 23) ; « Nous n’allons pas sortir. Nous ne sortirons jamais d’ici. Jamais ! Jamais ! Jamais ! » (Goliatha s’adressant à « L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Je suis la septième à se suicider ce soir ? […] Quelle concurrence dans le métier ! Goliatha, venez dire adieu à la petite patronne ! Je rentre dans le frigo ! » (« L. », idem) ; « Assez de frigidaires pour aujourd’hui ! Je change d’éditeur ! » (« L. » à son éditeur par téléphone, idem) ; « Adieu, maître ! Je quitte l’Assistance, je rentre au foyer pour m’occuper de mon mari et faire beaucoup d’enfants. […] Adieu, monsieur Hubert. […] Adieu monsieur le journaliste. » (l’infirmière de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Au lieu de vous quitter, je préfère mettre fin à mes jours en votre présence. » (la cantatrice Regina Morti, idem) ; « Elle [Daphnée] est toujours en train de partir et elle ne part jamais. » (Jean, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Écoute, Evita, donne-moi le numéro du coffre-fort. Ou bien laisse-moi partir. Laisse-moi partir ? Tu n’as pas besoin de moi ! » (la mère parlant à sa fille dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Je ne suis pas mourante. J’ai la peau dure, je tiendrai encore le coup longtemps. » (Evita mourante d’un cancer généralisé, idem) ; etc.

 
 

Journaliste – « Au revoir, monsieur.

Hubert – C’est la deuxième fois que vous annoncez votre départ.

Journaliste – Excusez-moi, monsieur. »

(Copi, Une Visite inopportune, op. cit.)

 
 

Ces faux départs donnent l’illusion d’Amour ou de beauté. « Bizarrement, plus je me dis que je n’ai pas le droit de t’aimer, que c’est un amour impossible, et plus je sais que c’est vrai, plus tu deviens désirable ! Pourquoi sommes-nous aussi compliqués ? » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 211) ; « Après un moment, il se rhabille, je l’imite. Je lui demande son prénom, il répond ‘H.’ et j’ajoute ‘Tu vois, ce qui est important, c’est de vivre chaque instant. Peu importe quoi, peu importe avec qui.’ Puis il dit ‘Adieu’ et il s’en va sans se retourner. Je hurle le plus fort possible ‘Connard, gros connard, sale pédé de merde, va crever. » (Mike, le narrateur homo, en parlant d’un amant clandestin qu’il rencontre à la gare du Nord, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 61) ; etc. Mais concrètement, la mort, les limites des relations humaines, ou les vraies ruptures de la vie, sont des réalités peu affrontées.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Nager comme un oiseau dans l’eau !

Ce n’est pas un hasard que la chanson « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » fasse tacitement partie du répertoire caché du chansonnier LGBT, ni que la très bisexuelle Juliette Gréco lui ait prêté sa voix, ni qu’elle fut l’objet d’une reprise de l’humoriste lesbienne Muriel Robin au concert des Enfoirés en 2002.

 

Photo Le Festin des Barbares de Rancinan

Photo Le Festin des Barbares de Rancinan


 

Parfois, certaines personnes homosexuelles ont parlé de ce duo amoureux improbable entre un animal volatile et un poisson pour illustrer leurs amours ou leurs penchants homo-érotiques (et je souligne au passage que les canards sont désignés comme des animaux hermaphrodites) : « Fantôme figuratif : oiseau, poisson des îles » (cf. la légende d’un dessin de Roland Barthes fait le 24 juin 1971, illustrant son essai Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 84) ; « Je pense que les homosexuels éprouvent, peut-être inconsciemment, un tel poids d’opprobre sur leur être, au simple énoncé de ce mot, alors qu’il ne devrait s’agir que d’une lucidité sur leur vie, que la notion de péché est brouillée pour eux comme la surface d’une mare frôlée par les ailes d’un martin-pêcheur. » (Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel (2005), p. 69) ; etc.

 

Par exemple, le film d’animation pro-gay « Le Baiser de la Lune » (2010) de Sébastien Watel (qui a fait couler beaucoup d’encre parce qu’il était programmé dans certains établissements scolaires français du primaire) raconte une histoire d’amour homosexuel entre Félix (un poisson-chat) et Léon (un poisson-lune).

 

Film "Le Baiser de la Lune" de Sébastien Chatel

Film « Le Baiser de la Lune » de Sébastien Watel


 
 

c) Nous ne sommes pas du même monde… : la sacralisation homosexuelle des adieux et de l’amour impossible

L’amour difficile entre deux animaux que la Nature sépare est à l’image de la complexité et du manque d’incarnation des couples homosexuels.

 

Par exemple, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, Pierre Bergé décrit la non-rencontre qu’a été le « couple » qu’il a formé avec Yves Saint-Laurent : « Entre Yves et moi, les rôles ont toujours été bien définis, dans tous les domaines, y compris sexuel. Personne n’est rentré dans le domaine de l’autre. » L’imperméabilité quasi totale.

 

C’est la raison pour laquelle énormément de personnes homosexuelles chantent tout bas la beauté éphémère – mais, à leurs yeux, paradoxalement « éternelle » ! – de la mort, du plaisir, et des adieux. « Tout comme n’importe quel artiste, ils ne veulent pas quitter leur public et, de jour en jour, reculent leurs ‘adieux’. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 39) ; « Je me fais l’effet d’être ‘die alte Marschallin. » (Klaus Mann en référence à l’opéra de Strauss, dans son Journal, 1937-1949) ; « L’amour fantasmé vaut mieux que l’amour vécu. » (Andy Warhol)

 

Film "My Own Private Idaho" de Gus Van Sant

Film « My Own Private Idaho » de Gus Van Sant


 

Elles semblent préférer de l’Amour son impossibilité à sa concrétisation. Par exemple, lors de son entretien « Choix sexuel, acte sexuel » avec J. O’Higgins en 1982, Michel Foucault modifie la formule de Casanova « Le meilleur moment, dans l’amour, c’est quand on monte l’escalier », en disant que pour un sujet homosexuel, ce serait plutôt : « Le meilleur moment, dans l’amour, c’est quand l’amant s’éloigne dans le taxi. » Dans son essai Queer Critics (2002), François Cusset croque fort justement « ce goût d’impossible qui ravit les critiques queer » (p. 110).

 

Cette désincarnation de l’amour homosexuel (qui provient de la désertion du socle du Réel et du corps humain qu’est la différence des sexes), on l’observe aussi au niveau de ce qu’on appelle, pour simplifier, les cas d’« homoparentalité » : « Ma compagne, Sandrine, a 34 ans et elle ne veut plus attendre pour avoir un enfant. Moi, je n’envisageais pas vraiment d’être mère. Je décide alors de prendre ma caméra pour suivre ce parcours, notre parcours vers un enfant désiré mais aussi, pour moi, un chemin vers une maternité particulière qui ne m’a jamais semblé ‘naturelle’. Comment allons-nous faire ? Nos proches s’interrogent et nous aussi. Nous avons choisi l’insémination artificielle à l’étranger. Nous allons donc voyager, espérer et je vais profiter de ce temps pour trouver ma place de mère, car je vais devenir mère… sans porter notre enfant. » (cf. interview de Florence Mary à propos de son documentaire « Les Carpes remontent les fleuves avec courage et persévérance », 2012) Les « parents » homosexuels, en voulant un enfant à tout prix, jouent les poissons qui cherchent en vain à se rêver oiseaux.

 
 

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Code n°176 – Vampirisme

Vampirisme

Vampirisme

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

Homosexualité et vampirisme : signes d’une même passion dévorante pour l’Amour

 
 

Il est particulièrement fréquent que les films et les romans de vampire abordent la question de l’homosexualité. C’est étrange, et pourtant très logique. Le désir homosexuel étant par nature un désir de fusion avec l’être aimé, un élan né d’une dépréciation diabolisante de soi-même – diabolisation sublimée/camouflée par l’esthétique, par des intentions agressives de retour à la pureté (n’oublions que Dracula ne s’intéresse qu’aux hommes et aux femmes vierges !), il était logique qu’il trouve dans le vampirisme une de ses plus saillantes cristallisations.

 
VAMPIRISME 2 L'autre Dracula
 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Cannibalisme », « Se prendre pour le diable », « Inceste », « Fusion », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Adeptes des pratiques SM », « Morts-vivants », « Actrice-traîtresse », « Reine », « Femme-Araignée », « Obèses anorexiques », « Homosexualité noire et glorieuse », et à la partie « Sang » du code « Mariée », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

VAMPIRISME 3 Lesbian

Film « Lesbian Vampire Killers » de Phil Claydon


 

Dans les fictions, le vampirisme est extrêmement lié à l’homosexualité : cf. le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec la grande dame déguisée en Draculette), la nouvelle Carmilla (1872) de Sheridan Le Fanu, le film « Carmilla » (1963) de J. Sheridan, le film « Carmilla » (1989) de Gabrielle Beaumont, le film « Nosferatu » (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau, le film « Les Maîtresses de Dracula » (1960) de Terence Fisher, les films « Les Cicatrices de Dracula » (1960) et « The Vampire Lovers » (1970) de Roy Ward Baker, le vidéo-clip de la chanson « Ma Révolution » du groupe Cassandre, le film « Le Bal des vampires » (1967) de Roman Polanski, le film « Et mourir de plaisir » (1960) de Roger Vadim, le film « Dracula » (1992) de Francis Ford Coppola, le film « Persona » (1966) d’Ingmar Bergman, le film « Entretien avec un vampire » (1994) de Neil Jordan, le film « La Fille de Dracula » (1936) de Lambert Hillyer, le film « Mira Corpora » (2004) de Stéphane Marti, le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza (avec la place du sang dans le vidéo-clip de Shane), le film « La Tendresse des loups » (1973) d’Ulli Lommel, le film « Swashbuckler » (1976) de James Goldstone, le film « Les Prédateurs » (1983) de Tony Scott, le roman El Vampiro De La Colonia Roma (1981) de Luis Zapata, le film « Blacula » (1972) de William Crain, le film « Some Real Fangs » (2004) de Desiree Lim, la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le film « The Velvet Vampire » (1971) de Stephanie Rothman, le film « Les Lèvres rouges » (1971) d’Harry Kümel, le vidéo-clip de la chanson « Beyond My Control » de Mylène Farmer, le film « Bloody Mallory » (2001) de Julien Magnat, le roman Dracula (1897) de Bram Stoker, le film « Les Proies du vampire » (1957) de Fernando Méndez, le roman Lestat le Vampire (1988) d’Anne Rice, la pièce Los Amores criminales De Las Vampiras (1983) d’Hugo Argüelles, la pièce Confessions d’un vampire sud-africain : L’étrange histoire de Pretorius Malan (2008) de Jann Halexander (dans laquelle Prétorius tombe amoureux de Dracula), le film « Les Vampires » (1915) de Louis Feuillade, le film « Blood of Dracula » (1957) d’Herbert L. Strock, le film « La Danse macabre » (1964) d’Antonio Margheriti, le film « Les Sévices de Dracula » (1971) de John Hough, le film « Rage » (1976) de David Cronenberg, le film « Vampire Lovers » (1970) de Roy Ward Baker, le film « Lust For A Vampire » (1971) de Jimmy Sangster, le film « Comtesse Dracula » (1972) de Peter Sasdy, le film « Contes immoraux » (1973) de Walerian Borowczyk, le film « Vampyres » (1974) de Joseph Larraz, le film « Goodbye Gemini » (1970) d’Alan Gibson, le film « Une Messe pour Dracula » (1970) de Peter Sasdy, le film « Théâtre de sang » (1973) de Douglas Hickox, les films « Vampyros Lesbos » (1970) et « La Comtesse noire » (1973) de Jess Franco, le film « La Crypte du vampire » (1964) de Camillo Mastrocinque, le film « La Furie des vampires » (1972) de Leon Klimovsky, les films « La Vampire nue » (1969), « Le Viol du Vampire » (1967), « Le Frisson des vampires » (1970) de Jean Rollin, le film « Once Bitten » (1985) d’Howard Storm, le film « Leeches » (2003) de David DeCoteau, le film « Vampire… vous avez dit vampire ? » (1985) de Tom Hollan, le film « Étrange séduction » (1991) de Paul Schrader, le film « Scab » (2005) de Thomas Jason Davis, le film « Razor Blade Smile » (1998) de Jake West, le film « Bloodlust » (1995) de Jon Hewitt et Richard Wolstencroft, les séries nord-américaines Buffy contre les vampires et Torchwood, la chanson « Déclaration d’amour à un vampire » de Jann Halexander, le roman L’autre Dracula (2009) de Tony Mark, le film « Lesbian Vampire Killers » (2009) de Phil Claydon, le roman Boquitas Pintadas (Le plus beau tango du monde, 1969) de Manuel Puig, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec le personnage transsexuel du Dr Frank-N-Furter), la comédie musicale Dracula (2011) de Kamel Ouali, le film « Dracula : Dead And Loving It » (« Dracula, mort et heureux de l’être », 1995) de Mel Brooks, la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks (ou Dracula apparaît en grande tapette), la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham (avec Tangolita, la femme-vampire), la chanson « Tout est OK » de Bilal Hassani), l’Autobiographie transsexuelle (avec des vampires) (2022) de Lizzie Crowdagger, etc.

 

VAMPIRISME 4 série am

Série « Torchwood »


 

Quelquefois, le héros homosexuel se définit lui-même (ou définit son amant) comme un vampire, généralement par contamination, ou suite à un processus de fusion : « Prétorius, j’ai fait de vous un vampire. » (Dracula à Prétorius, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Quand j’étais petite, mon frère […] me gavait de sucreries. Mais ces souvenirs-là ne me sont d’aucune utilité, c’est de Chloé dont je me nourris, je suis un vampire. » (Cécile parlant de sa compagne Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 58) ; « On va mélanger le sang et la sauce ! » (Jean parlant des haricots, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi ; « Avec sa bouche d’anthropophage rouge carrosserie, ses cheveux façon perruque en nylon du Crazy Horse, elle aurait pu jouer dans une parodie porno de films de vampires. […] » (Jason, le héros homosexuel décrivant la vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 56) ; « La semaine suivante, Varia est arrivée en cours avant le professeur Gritchov, et accompagnée d’une camarade que je n’avais jamais vue. C’était une brune très maquillée, habillée tout en similicuir. Elle avait l’air encore plus diabolique que Varia. […] Je les aurais tuées. » (idem, p. 58) ; « La nuit, Varia revenait me hanter. Je la voyais marcher vers moi, depuis l’extrémité d’un couloir interminable, percé de portes plus noires que des trappes, perchée sur ses talons qui perforaient le carrelage. Elle avançait, un fouet à la main, toute de blanc vêtue, la chevelure souple et ondoyante, les lèvres rouges et serrées. À quelques pas de moi, elle ouvrait sa bouche pour me sourire. Je découvrais alors des canines de vampire, maculées de sang. » (idem, p. 59) ; « Je voyais son cou à quelques centimètres de mon visage, car elle avait relevé ses cheveux. Au-dessus de son chemisier en satin noir, il était d’une blancheur vraiment immaculée. J’ai eu envie d’y planter les crocs. » (idem, p. 63) ; « Oh putain, cette fille-là, elle marche pieds nus dans la rue. Elle mord les garçons. C’est là qu’elle m’a convaincu. » (cf. la chanson « Alertez Managua » d’Indochine) ; « Si seulement c’était un vampire, il serait parfait. » (Amy en parlant de Liam, le copain de son amante Karma, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « Je ne vous crois pas. J’ai vu la façon dont vous la regardez, comme un vampire. » (Karl Becker s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, à propos de la jeune Anna, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 220) ; etc.

 

VAMPIRISME 5 Cruise et Pitt

Film « Entretien avec un vampire » de Neil Jordan


 

Il arrive que les personnages homosexuels se mordent entre eux (cf. le code « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Code homosexuels), et cherchent à se sucer. « Je m’occupai du bout de ses seins, par petites morsures, en m’acharnant un peu pour qu’elle eût presque mal. Ils étaient devenus sensibles et rouges. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 66) ; « C’est toujours par ma bouche que s’exprime le meilleur de mon plaisir, et c’est par elle que, parfois, l’extase m’arrive. » (idem, p. 73) ; « J’ai envie de te mordre ! » (Cassie à son amante Anna dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « Tes dents sont belles. » (un amant de passage s’adressant à Henri dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Je suis tellement en manque que je t’embrasserais. Mais je ne veux pas avoir du sang sur moi. » (Harold s’adressant à Emory, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Y’avait des traces de morsure sur le cadavre ? » (Franck, le héros homosexuel parlant du cadavre d’un noyé qui a été retrouvé près de l’île qui est un lieu de drague homosexuelle, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Emma mord vraiment Adèle au lit, et celle-ci se laisse faire… ce qui étonne Emma : « Tu m’as fait peur. J’ai cru que tu allais crier. » Adèle lui répond avec malice : « Heureusement que tu t’es arrêtée. » Dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, Fabio fait un suçon à Lukas en boîte. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack, l’un des deux héros homosexuels, se décrit comme un « mec vampirisé » par son amant Paul. Dans le one-man-show Presque célèbre (2010) de Thomas VDB, Freddie Mercury a les « dents en avant parce qu’il suce des bites ».

 

En général, l’identification au vampire exprime chez le héros homosexuel une blessure d’amour, une errance désirante, une extériorisation excessive de soi, un (désir de) viol/mort : « Oh mon Dieu, je suis perdu ! Elvire, je suis devenu comment dire ! Un homme de nuit qui frotte les murs de Paris, pour autant dire un vampire. » (le personnage de Pédé dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je n’ai pas l’impression de jouer la comédie mais d’imiter une actrice de cinéma détestable, comment s’appelait-elle ? Elle ne jouait que dans les films de vampires. » (Vicky dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai dans la bouche le goût du sang. Je bois du sang. Je lèche mes lèvres. » (Omar parlant de son rouge à lèvres Chanel qu’il applique sur la bouche, juste après avoir assassiné son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 181) ; « Tu vis par les autres. Tu vis en vampirisant les gens. » (Jack à Paul son amant, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt) Par exemple, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Ruth, l’héroïne lesbienne, compare Léo, son frère homosexuel, à un « vampire ».

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Un nombre relatif de personnes homosexuelles se sent attiré par le vampirisme et les univers gothiques. « C’est avec le film de vampires que le cinéma exploite l’homosexualité féminine. » (la voix-off du documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) Par exemple, pendant sa carrière, le chanteur bisexuel Jann Halexander se met régulièrement dans la peau d’un vampire (qu’il a baptisé Prétorius). Quant à Rostam Batmanglij, le chanteur principal du groupe Vampire Weekend, il est ouvertement gay. Le metteur en scène Nabil Massad se confie ainsi : « Je voue une fascination de longue date à l’univers des vampires, aux BD et surtout aux films qui s’y rapportent. Cela va des œuvres de la Hammer avec Christopher Lee, aux comédies de Mel Brooks, Roman Polanski ou encore Édouard Molinaro avec son Dracula, père et fils, en passant par le Dracula de Coppola ou le récent Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch. Mais au-delà de l’aspect suceurs de sang au sens propre du terme, à quoi peut bien correspondre cette communauté de morts-vivants dans un monde tel que le nôtre ? C’est un peu cet aspect-là que j’ai eu le désir d’explorer tout en restant dans la légèreté la plus absolue, voire l’absurde tel que me l’inspirent les univers de Blake Edwards et des Monthy Python, sans négliger le théâtre dit ‘de boulevard’ à la française, dans le sens le plus noble du terme et avant que ce dernier ne soit galvaudé comme il peut l’être à notre époque. De tout cela et d’un peu plus, est né Lady Dracula… dont la mise en scène se voudra loufoque et cinématographique à souhait. » (Nabil Massad, l’auteur de la pièce Lady Dracula, 2014)

 

Lors de sa conférence « Vampirisme et homosexualité » au Centre LGBT de Paris le 12 mars 2012, l’écrivain homosexuel Tony Mark, auteur entre autres de l’anthologie Baiser de sang (2005), nous a expliqué sa fascination pour les vampires : « La première fois que je me suis intéressé aux vampires, ça a été à 14 ans. […] Je crois que je suis né au siècle dernier. » Il attribue son goût pour Dracula par l’esthétisme mystique du personnage : « Ce qui m’a plu chez lui, c’est sa théâtralité, le folklore visuel ». À l’entendre, il en a fait un ténébreux Christ universel, un dieu de la « mort éternelle » : « Toutes les minorités se retrouvent dans le personnage du vampires. C’est le symbole du marginal de toutes les époques. Il est toujours un contre-pouvoir. » Il associe volontiers homosexualité et vampirisme : « La sexualité est inhérente aux vampires. » (Tony Mark)

 

Certaines personnes homosexuelles s’identifient esthétiquement aux méchantes de dessins animés (cf. la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet). « J’ai défoncé mon placard, et maintenant je vais te détruire. » (par rapport au « mâle dominant ») (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla). Visuellement, il existe une proximité entre les personnes homosexuelles et le vampire, car le personnage de Dracula adopte en général un look androgyne (cf. les tenues de scène de Samuel Ganes ; Vampirella ou Cruella font l’unanimité quand il s’agit pour la population interlope de se déguiser à l’occasion d’un bal masqué ou d’Halloween). Je vous renvoie particulièrement aux codes « Actrice-traîtresse » et « Reine » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
VAMPIRISME 1 Ouali
 

Il arrive que les personnes homosexuelles se mordent entre elles (cf. le code « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Code homosexuels), et cherchent à se sucer. Dans certains pays comme le Canada ou l’Espagne, le verbe « manger » signifie « baiser » dans le jargon homosexuel. Et dans le discours des personnes homosexuelles (et parfois dans leurs pratiques génitales), la succion occupe une place non négligeable (suçons, fellation, tendresse et gestes absorbants…).

 

VAMPIRISME 6 Amitiés particulières

Film « Les Amitiés particulières » de Jean Delannoy


 

Horace – « Je suis devenu vampire, dit-il en suçant le sang.

Luisito – Vampirella, tu veux dire, protesta Luisito en arrangeant le bandage qui entourait sa tête. »

(Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 215)

 

Même si les vampires, bien évidemment, n’existent pas dans la réalité concrète, ces derniers peuvent tout à fait renvoyer à une réalité désirante bien présente dans l’inconscient collectif homosexuel : « Il y a du vampirisme dans la manœuvre comme dans n’importe quelle manifestation du désir. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 100)

 

VAMPIRISME 7 Thomas Jason Davis

Film « Scab » de Thomas Jason Davis


 

Dans le mythe du vampire, on décèle des traits particulièrement marqués du désir homosexuel : le fantasme de la pureté souillée, le souhait de se prendre pour un ange asexué, de fusionner avec l’être aimé, d’être absorbé et violer par lui, la croyance d’être le diable (d’ailleurs, « Dracula » signifie « diable »), la captation du désir par une idole, l’impression d’être un maudit d’Amour. « Vous avez réussi à absorber ma vie entière. » (Oscar Wilde à son amant Lord Douglas, dans sa lettre De Profundis, écrite en 1897)

 
 

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Code n°178 – Vierge (sous-codes : Vénus / Fée / Ève / Marie)

Vierge

Vierge

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Vierge mais pas trop

 

Tableau de Pierre et Gilles

Tableau de Pierre et Gilles


 
 

Les individus homosexuels laissent une grande place à la Vierge Marie dans leur vie, aussi bien iconographiquement que réellement. Pour les bonnes raisons (ils sont attirés par sa pureté, par l’idéal de continence qu’elle les aide à vivre, par sa douceur, par son réalisme, par sa miséricorde maternelle, par sa vie toute donnée à Jésus, par sa sagesse et sa constance, parce qu’elle est la Reine du Ciel et notre mère à tous), mais aussi pour les mauvaises raisons quand ils perdent leur pureté par des actes qui désavouent leur virginité d’Enfants de Dieu. Dès que les sujets homosexuels pratiquent leur homosexualité, ils s’écartent de l’Incarnation de Jésus et de Marie, s’en moquent et La parodient. Ils se mettent à considérer la virginité comme un mythe mensonger et inaccessible (vaguement kitsch : la fée, la Vénus, la madone meringuée), cherchent à détruire la Vierge pour se mettre à sa place et se prendre pour Dieu, la représentent en putain ou en déesse inaccessible (que la véritable Vierge n’est pas : c’est vraiment la plus accessible et la plus immaculée des femmes). Ils établissent avec Marie (et finalement avec toutes les femmes réelles qu’elle représente : filles, femmes et mères) un rapport idolâtre d’adoration/mépris : ils la mettent sur un piédestal pour la vider de Réel, la tenir à distance, s’en faire une caricature et une frustration qui les pousseront plus tard à la voir comme une méchante ennemie, une araignée tentaculaire, une figure hypocrite de la bonne société puritaine, une sainte-nitouche à violer. Mais ils se plantent en beauté : la Vierge Marie, loin de nous juger, est là pour restaurer en chacun de nous notre pureté perdue, et la contaminer de sa pureté éternelle à elle. On ne peut comprendre le mystère et la grandeur de la continence que si on accueille la Vérité de l’identité royale et de la virginité de la Vierge Marie.
 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Première fois », « Reine », « Attraction pour la ‘foi’ », « Curé gay », « Blasphème », « Bergère », « Innocence », « Putain béatifiée », « Bourgeoise », « Mère possessive », « Destruction des femmes », « Super-héros », « Focalisation sur le péché », « FAP la ‘fille à pédés’ », « Matricide », « Jardins synthétiques », « Voyante extra-lucide », « Viol », « Inceste », « Grand-mère », « Actrice-Traîtresse », « Femme fellinienne géante et Pantin », « Se prendre pour Dieu », « Femme allongée », « Mariée », « Sirène », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Mère gay friendly », « Carmen », « Tante-objet ou Mère-objet », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Regard féminin », à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », à la partie « Cendrillon » du code « Désert », à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de Mômes », à la partie « Enfant voyeur » du code « Espion homo », à la partie « Contes de fée » du code « Conteur homo », et à la partie « Continence » du code « Solitude », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) La Vierge adorée :

La Vierge est un leitmotiv des fictions homo-érotiques. Souvent, le personnage homosexuel vénère une femme aérienne, sans tache, magnifique, immaculée : cf. la chanson « Ave Maria » d’Esméralda dans la comédie musicale Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon, la chanson « Ave Maria » de David Jean, la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim (avec Marcy, l’héroïne lesbienne ayant une dévotion hystérique à la statue de la vierge de Lourdes), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec la Vierge Marie), le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, le roman La Sainte Vierge (1951) de Yukio Mishima, la chanson « Ave Maria » de Mylène Farmer, le roman Mauve le vierge (1988) d’Hervé Guibert, la sculpture Vierge de Tony Riga, la composition Litanies à la Vierge noire (1936) de Francis Poulenc, la chanson « Dans les rues de Londres » de Mylène Farmer (avec Virginia), le film « Immacolata et Concetta » (1979) de Salvatore Piscicelli, le film « The Virgin Larry » (2001) de Damion Dietz, le film « Dreams Of A Virgin » (1986) de Claudia Schillinger, le film « Casta Diva » (1983) d’Éric De Kuyper, le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest (avec la figure virginale d’Anne-Catherine), le film « Marie » (2007) de Pascal Lièvre, le film « Les Biches » (1967) de Claude Chabrol (avec Why, l’amante vierge), la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, la chanson « Siete Vírgenes » de Haze, le film « Le Décaméron » (1971) de Pier Paolo Pasolini, Le roman La Naissance d’une vierge (2015) de Gabriel Dia, etc.

 

Film "Le Décaméron" de Pier Paolo Pasolini

Film « Le Décaméron » de Pier Paolo Pasolini


 

L’innocence de la Vierge attire le héros homosexuel, surtout esthétiquement et émotionnellement : « Tout commence par une femme, et tout finit par une femme. » (le héros homosexuel dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) La Vierge lui permet de s’acheter une conscience, une grandeur et une pureté. Par exemple, dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, Lucie, l’une des héroïnes lesbiennes, chante « Like A Virgin » de Madonna. Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Chloé, l’héroïne lesbienne, caresse une sculpture de marbre blanc d’une vierge à l’enfant dans son hôpital psychiatrique. Dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays, la chanson « Like A Virgin » de Madonna sert à l’un des lascars à découvrir/révéler son homosexualité. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Joey, le jeune adolescent de 15 ans, sur qui pèse une suspicion d’homosexualité, dit qu’il a vécu son premier grand amour pour une fille sur les Îles Vierges. Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil comme Valmont se déguisent en vierges, avec un voile sur la tête. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas, le héros gay, chante l’Ave Maria avec sa voix de ténor. Dans le film « Glückskinder » (« Laissez faire les femmes ! », 1936) de Paul Martin, Frank, le héros homosexuel, aux côtés de son compagnon Stoddard, joue aux courses de chevaux et parie son argent sur une jument nommée Vierge Wendy : « Tout sur Vierge Wendy !! » Voyant qu’ils perdent, Stoddard se désespère : « Elle est où notre vierge ? ». Dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion, Loïc et Seb, couple gay, considèrent Marie, leur meilleur amie, comme une mère porteuse de leur enfant (sans avoir couché avec elle), et plus largement, comme une vierge (…en cloque). Ils se prennent donc pour Dieu : « Marie est celle qui porte ton enfant. » dit Seb à Loïc.

 

C’est souvent la mère biologique ou cinématographique qui est virginisée, et qui maintient le héros dans le cocon chaud de l’inceste : « Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as vu la Vierge ou quoi ? » (Cédric s’adressant en boutade à son amant Laurent en parlant de sa propre mère qu’il n’a pas vue débarquer dans la chambre, dans le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure) ; « Notre mère chantait l’Ave Maria. » (Jeanne dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Les fées le protègent. » (la Belle s’adressant à son père par rapport à la Bête, dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; etc. Par exemple, dans le roman Philippe Sauveur (1924) de Ramon Fernandez, Philippe, le héros homosexuel, voue une « adoration sans borne à sa mère, prénommée Maria : la Mère par excellence, l’idole chaste qui ôte l’envie d’approcher les femmes.
 

 

La vierge célébrée dans la fantasmagorie homosexuelle est plutôt une femme mythologique, sans corps, avec les pouvoirs magiques d’une fée ou d’une Vénus végétale : cf. la chanson « Les Liens d’Éros » d’Étienne Daho, la chanson « Venus » du groupe Bananarama, la chanson « Ma Vénus d’ébène » de David Jean, le film « Venus Boyz » (2001) de Gabriel Baur, le roman Patty Diphusa, la Vénus des lavabos (1985) de Pedro Almodóvar, la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec Philibert, fan de la déesse de l’amour), la pièce El Público (1930-1936) de Federico García Lorca, le roman Venus Plus X (1960) de Theodore Sturgeon, les romans Venus Bonaparte (1994) et Mujercísimas (1995) de Terenci Moix, le film « La Déesse » (1958) de John Cromwell, le film « Venus In Furs » (1969) de Jess Franco, le film « La Tentation de Vénus » (1990) d’Istvan Szabo, la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, les poèmes de Wystan Hugh Auden, le film « La Belle et la Bête » (1946) de Jean Cocteau, la pièce C’est bien fée pour moi (2014) de Réda Chéraitia, le film « The Blue Bird » (« L’Oiseau bleu », 1976) de George Cukor (avec la fée Lumière), la chanson « L’Histoire d’une fée, c’est… » de Mylène Farmer, le one-man-show Des Lear (2009) de Vincent Nadal (avec la bonne marraine Janine), le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec les fées), la pièce C’est bien fée pour moi (2014) de Réda Chéraitia, le vidéo-clip de la chanson « Viva Forever » des Spice Girls, la chanson « Doolididom » de Zazie, la chanson « La Nuit des fées » du groupe Indochine, le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha (avec Eva, la fille célibataire de Johanna, la mère, présentée à Rudolf, le héros gay), le film « Morgane et ses Nymphes » (1970) de Bruno Gantillon, le roman Ève (1987) de Guy Hocquenghem, le film « La Nouvelle Ève » (1999) de Catherine Corsini, la chanson « Ève » de Charles Trénet, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 Jours de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec Eva), le roman Julia (1970) d’Ana Maria Moix (avec Eva), la pièce Eva Perón (1970) de Copi, la pièce Eva Perón (2002) de Marcial Di Fonzo Bo, le film « All About Eve » (1950) de Joseph Mankiewicz (avec Ève la lesbienne), le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, le film « Sonate d’automne » (1978) d’Ingmar Bergman (avec Ève), le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion (avec le personnage d’Eva), le film « Una Mujer Como Eva » (1979) de Nouchka Van Brakel, le film « Golden Years » (2009) d’Aimee Knight (avec Ève), le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet (où Antoine, le protagoniste principal, tombe amoureux d’Eva), le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier (avec Eva), la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Adam est… Ève » (1954) de René Gaveau, le film « Cher Disparu » (1965) de Tony Richardson, le film « All About Alice » (1974) de Ray Harrison, le film « A Woman Like Eve » (1979) de Nouchka Van Brakel, le film « Adao E Eva » (1995) de Joaquim Leitao, etc.
 

« Votre nom à lui vaut de l’or. » (le Père O’Toiler s’adressant à la Tante Eva, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill)
 

Dans les fictions homo-érotiques, on constate que la Vierge est désincarnée et n’a pas tellement figure humaine. Elle est l’allégorie idéalisée d’une misogynie homosexuelle voilée : « Je n’ai pas dit femme. J’ai dit vierge. » (Dracula, le vampire homosexuel du film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey) ; « I need a real Virgin. » (Pierre Burger dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; « Son profil est celui des vierges mythiques. » (Maxence, le jeune peintre sensible dessinant les contours de sa femme idéale, dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy) ; « Ce que j’aime en une femme, en une vierge, c’est la modestie sainte ; ce qui me fait bondir d’amour, c’est la pudeur et la piété ; c’est ce que j’adorai en toi, jeune bergère ! » (Arthur Rimbaud, Un Cœur sous la soutane, 1870) ; « Quand le numéro se termine, la scène est plongée dans l’obscurité jusqu’à ce que, tout en haut, une lumière commence à se lever, comme un jour à travers la brume, et l’on voit dans son cercle se dessiner une silhouette de femme : divine, grande, parfaite, mais estompée, qui se profile chaque fois davantage, parce qu’en s’approchant elle traverse des rideaux de tulle, ce qui fait qu’on peut de mieux en mieux la distinguer, dans une robe de lamé argent qui ceint son corps comme une gaine. La femme la plus, la plus divine que tu puisses imaginer. Et elle chante une chanson, d’abord en français, puis en allemand. Elle se trouve en haut de la scène, et soudain s’allume à ses pieds, comme un éclair, une ligne horizontale de lampes. » (Molina, le héros homosexuel décrivant l’apparition de l’actrice Léni, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig, p. 53) ; « J’aime les filles, mais je ne les baise pas. » (Matt, le héros homosexuel du film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland) ; « La femme me paraissait au-delà de notre monde, comme une statue ou une apparition. Je n’arrivais pas à me figurer le contact de ma chair avec la sienne. Il me sembla que mon imagination était frappée d’impuissance de ce côté-là. » (Roger dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 21) ; « Je veux t’attendre au zénith dans le ciel de la pleine lune ! Je veux ta virginité. » (Ahmed s’adressant à Lou l’héroïne lesbienne Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « La Mylène, elle est pure ! Elle fait pas caca ! » (Tom, le fan de Mylène Farmer, dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Adrien, le héros homosexuel, veut qu’Eva (Fanny Ardant) reste éternellement vierge et ne fréquente pas d’autre homme que lui. Dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, même cas de figure : comme Marie, la « fille à pédé », a été « infidèle » à son meilleur ami homo Loïc (elle a osé sortir avec un autre homme que lui !), ce dernier la traite de « pute » et la pousse au suicide. Dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, Damien, l’un des héros homos, injurie Amélie de « salope » parce qu’elle a couché avec son frère Samuel. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homosexuel qui n’avait pas voulu de la jolie Franckie quand elle était célibataire, la jalouse quand elle revient avec son ex copain : il la voudrait éternellement vierge. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Romuald, le héros gay, s’inquiète de savoir si Frédérique, la lesbienne avec qui il va vivre une aventure sexuelle, est vraiment « vierge ». Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane, le héros homosexuel, qualifie sa meilleure amie lesbienne Florence de « Blanche-Neige » qui doit réserver sa virginité pour lui. Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil se dit attirée par le « derrière virginal » de Cécile Volanges, « cette vierge que le diable a recrutée contre elle ».

 

En virginisant son (ou sa) partenaire sexuel(-le), le personnage homosexuel désincarne et rend frigide l’amant(e) homosexuel(-le) avec qui il partage parfois sa vie, faisant preuve d’une homophobie inconsciente. « J’ai tourné la tête et j’ai vu qu’elle pleurait. Les larmes coulaient en silence, luisaient sur son visage pareil à un portrait médiéval de la Vierge Marie. Que faire ? » (Ronit parlant de son amante Esti, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 146) ; « T’as l’air d’une fée. » (Howard, le héros homo face à sa future femme en robe de mariée, Emily, avec qui finalement il ne se mariera pas puisqu’il va faire son coming out le jour de leurs noces, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « La fée vietnamienne m’allonge, pour des messages pas très catholiques. » (cf. la chanson lesbienne « Body Physical » de Buzy) ; « Elle me croit inoffensive… mais les fées aussi sont dangereuses. » (Rinn, l’une des héroïnes lesbiennes, par rapport à Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Vous êtes la nouvelle Vierge Marie ? » (Yoann, le héros homosexuel, s’adressant à l’ex-femme de son amant Julien, Zoé, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « La Sainte Vierge incarnée ! » (Azario, un ami homo de Davide tout content d’avoir peinturluré de maquillage son amie gothique, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; « Elle baise pas. C’est une sainte. » (Meri, le transsexuel M to F se moquant de la prudence de Davide, son jeune camarade homo de 14 ans, idem) ; etc.
 
 

b) La Vierge violée :

Parfois, le personnage homosexuel est tellement fasciné par la déesse virginale que son imaginaire a créée qu’il finit, par orgueil et jalousie, par s’y identifier et par se prendre pour Dieu : « Je suis pour vous une fée bienfaisante. » (Madame de Merteuil s’adressant au Vicomte de Valmont, Lettre LXXXV, dans le roman Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos) ; « Tu penses qu’on a pris leur place ? » (Sulky et Sulku, les deux artistes efféminés à propos des vierges du Musée, dans le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes) ; etc. Par exemple, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Sumter, le petit neveux de Michael (soupçonné d’être homo), dit qu’il veut devenir « une vierge imprévoyante » en s’identifiant à une marionnette biblique. Dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, Ken, l’un des héros homosexuels, considère Claudio comme la Sainte Vierge. Dans le roman The Rubyfruit Jungle (1973) de Rita Mae Brown, Molly, l’héroïne lesbienne, interprète la Vierge Marie lors de la kermesse scolaire. Dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, Mousse avoue qu’elle aimerait bien être la réincarnation de la Vierge Marie. Dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, Adam, l’un des héros homosexuels, demande à un ange efféminé, s’il « est une bonne ou une mauvaise fée ? » ; ce dernier lui répond : « Je ne suis pas une fée, je suis votre ange gardien : Dorothée. » Dans le film « Mon Arbre » (2011) de Bérénice André, la jeune héroïne, Marie, 10 ans, conçue par un projet de coparentalité (un « couple » d’hommes et un « couple » de femmes) est totalement perdue dans son identité : elle est au départ gagnée par la prière et par une piété pour la Vierge Marie (une statue qui lui parle, qui s’anime pendant ses oraisons, et de manière de plus en plus sévère et autoritaire), mais peu à peu, elle va s’identifier à Elle : « Marie se pose des questions sur sa venue au monde : serait-elle, comme ‘l’autre Marie’, l’Immaculée Conception ? » (cf. la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris du Forum des Images de Paris s’étalant du 7 au 16 octobre 2011). Le fillette finira par se moquer de la vraie Vierge Marie, en faisant même une bataille d’eau bénite avec l’eau de Lourdes en plein sanctuaire. Elle présente d’ailleurs avec décontraction la Vierge comme un arbre généalogique arachnéen difforme.

 

Roman La Vierge rouge de Fernando Arrabal

Roman La Vierge rouge de Fernando Arrabal


 

La Vierge ou la fée fantasmée par le héros homosexuel n’est d’ailleurs pas tellement une femme ni un être sexué. Elle devient l’androgyne dépossédé de sa féminité corporelle, voire carrément l’amant homosexuel : cf. la série radiophonique Biohomo Man de l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle (avec le personnage de la « Fée Lation » : subtil…) « L’Immaculée Conception, c’est vous ! » (Janine s’adressant à son amante Simone, dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) Par exemple, dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Petra compare sa compagne Jane à la Vierge : « Comme la Madone. ’ Petra désigna du menton le tableau de bord où était adossée une carte religieuse. Une Vierge parée de bijoux portait un enfant Jésus plein de vie entièrement nu hormis une couronne dorée surmontée d’un halo. » (p. 13) Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin se déguise en fée pour reconquérir Bryan. Et cela marche, car Bryan croit au mythe : « J’ai l’impression d’avoir rencontré une fée qui va tout changer ! Je peux faire un vœu ? » (p. 282) Dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud, Marina, le héros travesti M to F, se définit comme « la marraine la bonne fée » du bébé d’Anna.
 

La Vierge travestie par les fantasmes narcissiques du héros homosexuel, c’est la femme indépendante, la mère célibataire, la lesbienne qui ne sera pas salie par le contact d’un homme, c’est la femme libérée qui a fait un bébé toute seule et qui n’aura pas à collaborer avec la sexuation (différence des sexes) ni à communier avec la condition humaine, elle se réduit au costume de travelo ou de transsexuel : « Désexuez-moi ! » (Lady Macbeth dans la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare)
 

Pour le héros homosexuel, la virginité est synonyme de frustration et de refus de l’Amour : « J’avais dix-huit ans, j’étais vierge et j’en avais assez de sublimer en rêvant dans mon lit à des êtres inaccessibles ou en tripotant dans l’ombre des parcs publics des corps fugitifs qui n’étaient pas là pour l’amour mais pour la petite mort qui dure si peu longtemps et qui peut être triste quand elle n’est agrémentée d’aucun sentiment. » (le narrateur homosexuel du roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 25) ; « Ève, mère de toutes les mères, n’a-t-elle pas couché avec le premier venu ? » (Chris, l’un des héros homosexuels du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 64) ; « Définitivement, les Virilius, c’est un groupe de puceaux. » (Jean-Henri, l’un des Virilius, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Groupe de puceaux amateurs ! » (Jean-Marc, le héros homosexuel, idem) ; « Sa chasteté était pire que celle d’une vierge. » (Reinaldo Arenas dans le film « Avant la nuit » (2000) de Julian Schnabel) ; « Marilyn, qui était toujours vierge, la première. » (le narrateur homosexuel parlant de la « fille à pédés » dévergondée, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 32) ; « Mimile habilla Vidvn des frocs de la Vierge de l’autel de Notre-Dame tout poussiéreux et probablement infestés de microbes. » (Gouri, le héros bisexuel du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 125) ; « Onze mille vierges sous acide lysergique consolent des malabars tendus et mélancoliques. Fille de joie me fixe de ses yeux verts. Des claques ??? Jusqu’à l’Hôtel de l’Enfer. » (cf. la chanson « Onze mille vierges » d’Étienne Daho) ; « Il faut avoir vu le visage de la mère comme celui d’une madone sur les peintures religieuses, le teint cireux, comme si les années s’étaient emparées de ce visage pour l’affaisser, le dévaster. » (la figure de Marcel Proust dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 115) ; « Eva sortit des toilettes, effondrée, les yeux délavés de mascara. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p.116) ; etc.
 

Comme le héros homosexuel finit par se rendre compte de ses propres limites (il ne parvient pas à être la Vierge sainte), et que la Vierge toute-puissante (et les femmes réelles) n’est pas la super-héroïne qu’il avait imaginée (elle a le « défaut » d’être humble, servante, vulnérable et aimante : elle est toute-puissance d’Amour, et non toute-puissance du Bien et du mal), il se met à salir la virginité de celle-ci, à rêver la Vierge méchante. « J’aime pas les vierges. » (Stella, l’héroïne lesbienne du film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « Les vierges ne nous ont jamais intéressés. » (John, le héros homosexuel du film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; etc. Il se sent nargué par sa perfection. « La religieuse était pleine de vie et, bien qu’elle ne fût pas jolie, je fus attirée par elle. […] J’étais insensiblement attirée et sous le charme de la sœur. […] Je concentrai mon esprit sur les pensées choquantes qui me traversaient l’esprit. Je l’imaginais déshabillée et en situation de me donner ce que j’aurais voulu d’elle sur l’instant. […] J’avais souvent pensé que dans les couvents, parmi ces femmes enfermées, certaines devaient entre elles trouver un peu de satisfaction… […] Face à cette fille sans coquetterie, je me voyais dans la peau d’un diable venu pour la tenter. […]Sachant qu’elle allait partir, avec une énergie et une détermination qui m’étonnèrent moi-même, je me précipitai pour lui prendre un baiser. Elle n’en fut pas surprise et se laissa faire, mais sans participer en rien. Aussi furtif que fût ce baiser, je compris qu’elle n’avait jamais embrassé personne avant moi. J’en ressentis instantanément comme une sorte de tristesse et j’eus le sentiment qu’il émanait d’elle une pureté à jamais inaccessible. » (Alexandra, la narratrice lesbienne rencontrant une jeune religieuse dans un train, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 221-224)

 

Le motif de la Vierge violente, méchante, incestueuse ou prostituée revient extrêmement souvent dans les fictions homo-érotiques : cf. le film « The Virgin Soldiers » (1969) de John Dexter, le film « La Virgen De Los Sicarios » (« La Vierge des tueurs », 2000) de Barbet Schrœder, la chanson « Like A Virgin » de Madonna, le poème de la « Vierge Folle » d’Arthur Rimbaud, le one-woman-show Vierge et Rebelle (2008) de Camille Broquet, la B.D La Verdadera Historia Del Superguerrero Del Antifaz, La Superpura Condesita Y El Super Ali Kan (1971) de Nazario, le poème Howlin’ (1956) d’Allen Ginsberg, le film « La Sorcière vierge » (1972) de Ray Austin, le film « Mondo Trasho » (1970) de John Waters, le film « Virgin Machine » (1988) d’Elfi Mikesh, le film « Die Jungfrauen Maschine » (« Virgin Machine », 1988) de Monika Treut, le film « Uniform Masturbation : Virgin’s Underpanties » (1992) d’Hisayasu Satō, le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot (avec Aubépine, une réplique de la fée Carabosse), la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti (avec Ève, présentée comme l’origine d’un monde pécheur), le film « L’Annonciation Or The Conception Of A Little Gay Boy » (2011) d’Antony Hickling (avec la maman prostituée virginisée, ultra fusionnelle et castratrice avec son fils homosexuel adulte), le roman La Vierge rouge (1986) de Fernando Arrabal, la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim (avec la thématique de la vierge violée), etc.

 

Film "L’Annonciation Or The Conception Of A Little Gay Boy" d’Antony Hickling

Film « L’Annonciation Or The Conception Of A Little Gay Boy » d’Antony Hickling


 

« Mes parents ne croyaient pas aux fées. Elles les ont punis en ma personne. » (la Bête dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; « Jane jeta un regard à la Vierge, très haut dans une niche. Les yeux de la statue étaient baissés d’un air modeste, contemplant ses mains. Jane reporta son attention sur le prêtre, tentant de se débarrasser du sentiment que la Vierge allait lever la tête et lui lancer un regard noir dès que personne ne la regarderait. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 205) ; « De près, son visage évoquait celui d’une sorcière. » » (Jane regardant Maria la prostituée, idem, p. 157) ; « C’est un peu like a verge-in, chez nous. » (Rodolphe Sand imitant une femme hétéro ultra beauf se destinant à être mère porteuse pour un couple gay, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « La vierge devient pute. » (« X », le héros homo du film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka) ; etc.

 

En général, en dépeignant une Mater Dolorosa pleurnicharde et/ou cruelle, le héros homosexuel se venge sur la Vierge Marie de sa propre virginité perdue (à cause, parfois, d’un viol qu’il a subi, ou d’un acte d’impureté qu’il a posé) : cf. le roman Nuestra Virgen De Los Mártires (1983) de Terenci Moix, le film « Ludwig, requiem pour un roi vierge » (1972) d’Hans-Jurgen Syberberg, le film « West-Side Story » (1961) de Robert Wise (avec Maria), etc. « Un sourire, Blanche-Neige. La vie est belle ! » (Meri, le travesti M to F, s’adressant à Davide le héros homosexuel, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) Par exemple, dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (1985) de Bernard-Marie Koltès, le personnage homosexuel évoque l’existence d’« une petite vierge élevée pour être putain ». Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, Rob, le jour du mariage de Rachel l’héroïne lesbienne se forçant à se marier avec un homme qu’elle n’aime pas et cachant son homosexualité, fait une blague sur la fausse virginité de « l’heureuse mariée ».

 

Film "La Vierge des tueurs" de Barbet Schroeder

Film « La Vierge des tueurs » de Barbet Schroeder


 

La figure de la Vierge violée est très présente dans les œuvres artistiques homosexuelles : cf. le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta, le film « La Source ou la fontaine de la jeune fille » (1960) d’Ingmar Bergman (avec le viol de Karin), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé (avec la figure de Jean Cocteau qui encule un ange), la pièce L’Opération du Saint-Esprit (2007) de Michel Heim, le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set (avec Blanche-Neige se faisant poursuivre par le chasseur Rocco), le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan (avec Blanche en caricature de la féminité fatale), le film « Totò Che Visse Due volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresco (avec le viol de l’ange), le film « Little Gay Boy, Christ Is Dead » (2012) d’Antony Hickling (avec le viol du puceau, Jean-Christophe), la chanson « L’Annonciation » de Mylène Farmer (racontant un avortement ou une sodomie), la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier (avec la danseuse en tutu obèse, Marilyn Monroe, portant le prénom de « Lourdes »), le film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013) de Pedro Almodóvar (avec la voyante, vierge effarouchée qui n’a jamais couché), le film « Pride » de Matthew Warchus (avec Joe, le puceau dépucelé), le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque (avec la Schtroumpfette dans des films d’épouvante), la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks (avec le Dr Frankenstein Junior encore vierge), le film « Madre Amadísima » (2010) de Pilar Tavora (avec la statue d’une vierge noire, défouloir d’homophobie d’un sacristain), etc. Quelquefois, l’icône de la Vierge violée excite les pulsions sadiques, vengeresses ou mélancoliques, du héros homosexuel refusant de se reconnaître humblement coupable de ses défauts ou de sa pratique pécheresse : « C’est toujours la pucelle qui s’en sort le mieux à la fin. » (Jonathan, l’un des héros homosexuels, parlant des films d’horreur, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Malgré son côté sainte-nitouche, ça doit être une sacrée salope au lit ! » (Jonathan en parlant de son futur « plan cul » avec Matthieu, idem) ; « Et Marie est martyre. Blood and tears. » (cf. la chanson « Fuck Them All » de Mylène Farmer) ; « Nous ferons des jeunes filles vierges des cadavres exquis. » (Pretorius, le vampire homosexuel de la pièce musicale Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Dorita se donna à lui [Silvano] pour la première fois la nuit des adieux, dans la salle de classe, sur le bureau de Silvano, tandis que la pluie fouettait les carreaux. Dorita était vierge. L’expérience fut douloureuse pour tous les deux. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 12) ; « Je suis une vierge effarouchée, une pucelle en mal de sensations. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train, (2005) de Cy Jung, p. 141) ; etc.
 

Vidéo-clip de la chanson "Plus grandir" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer


 

Par exemple, dans le vidéo-clip de la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer, la statuette de la Vierge tombe au sol et vole en éclats. Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (épisode 3, saison 1), un jeune postulant séminariste décapite la statue de la patronne du séminaire, sainte Claire. On retrouve également la Vierge décapitée dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, une femme travestie en homme, « Virgo Fortis », est pourchassée par « des soldats qui veulent la violer ». Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, un couple lesbien (formé par une grande Allemande robuste et sa compagne petite) prend un malin plaisir à violer des vierges : « En plus de ravir leur innocence, comme le faisaient les hommes, elles prenaient aux jeunes filles presque de nouveau leur virginité. » (p. 109) Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, se fait sodomiser par Palomino : « Ça fait mal. Ça pique ! Je vais vomir. Je saigne ! ». Ce dernier le rassure un peu : « Une vierge est censée saigner. Tu es l’Ancien Monde. Je suis le Nouveau Monde. Je veux jouir de ton cul russe et virginal. » La désillusion est au bout du chemin : « Je suis arrivé au Mexique encore vierge. Je repars en Russie débauché. »
 

La Vierge violée n’est pas un cliché réaliste, nous sommes d’accord, puisque à la Fin des Temps, la Vierge Marie ne parviendra pas à être dévorée par le dragon, et même mieux, elle partira au désert puis vaincra définitivement la Bête qui avait déversé sur Elle ses torrents fluviaux. La Nouvelle Ève gardera sa pureté. Mais en tous cas, l’icône homosexuelle de la Vierge violée renvoie à une réalité fantasmée, à savoir l’existence du désir homosexuel qui est un élan devenant impur de rechercher la pureté sans Dieu et sans la différence des sexes que ce Dernier a créée.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La Vierge adorée :

On retrouve une fascination assez générale (comme chez toutes les catégories de personnes fragiles, blessées et pécheresses, d’ailleurs…) des personnes homosexuelles pratiquant leur désir homosexuel pour la virginité. Par exemple, j’ai eu la chance d’assister à la représentation de la pièce Ma première fois (2012) de Ken Davenport. Elle commençait fort puisqu’avant que les rideaux rouges se lèvent, les comédiens distribuaient déjà un questionnaire sur la virginité au public, et s’essayaient à la parthénologie, à savoir la science spécialisée dans l’étude de la virginité.
 

Et un certain nombre d’individus homosexuels s’intéressent à la charismatique Vierge Marie catholique. Mais ce n’est pas tellement une piété mariale profonde. C’est au mieux un fantasme esthétique, amoureux et humoristique, au pire ça frôle le délire angéliste schizophrène. Par exemple, le roi homosexuel Louis II de Bavière a fait construire une grotte dédiée à Vénus dans un de ses châteaux. Félix Sierra, quant à lui, porte un tatouage de la Vierge de la Macarena. Pour ma part, quand j’avais 5-7 ans, je dessinais déjà en maternelle de très jolies vierges. Je vous renvoie également à la passion du poète argentin homosexuel Néstor Perlongher pour Eva Perón (il a largement développé dans son œuvre poétique la dimension biblique du prénom de la présidente), à l’article « El Pez Doncella » (1998) de Manuel Rivas (sur la nouvelle théorie de l’évolution, dénonçant le transhumanisme contemporain). Certaines personnes homosexuelles se déguisent en anges ou en religieuses consacrées dans les soirées, ricanent de leur éloignement de la virginité véritable et de leur prétention à vouloir encore y prétendre.
 

« J’étais en adoration devant un animateur d’Europe 1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. Europe 1 réalisait certaines de ses émissions en direct dans différentes villes de France, le fameux ‘Podium’. En prévision de son passage dans notre région, je me préparais donc à cet événement en endossant le rôle de sa femme imaginaire dans mes jeux. J’avais choisi un prénom de fée : je m’appelais Viviane Lafont. Je n’avais aucune envie de me transformer en femme. Mais, si je veux jouer avec le prénom d’enchanteresse que j’avais choisi, j’espérais qu’un petit miracle allait se produire et me rétablir dans la normalité environnante. Car j’avais très vite saisi que seule une femme avait le droit d’être attirée par les garçons. Si, par magie, je me réveillais un beau matin en fille, tout serait rentré dans l’ordre. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29)
 

L’identification à la Vénus, à la fée mythologique, à l’Ève végétale, passe peut-être mieux que l’identification directe à la Vierge Marie. Par exemple, « La Fée » est le pseudonyme d’une journaliste lesbienne publiant quelques billets dans la revue Têtu. Et déjà, en 1895, en Angleterre et aux États-Unis, « fairy » figurait déjà dans la liste des sobriquets se rapportant aux personnes efféminées mâles homosexuelles.
 

José Julio Sarria

José Julio Sarria


 

Avant de devenir un personnage ironique propice à tous les détournements camp et kitsch, la Vierge est un idéal esthétique et sentimental très aimé par la communauté homosexuelle. Elle incarne la maternité, la douceur, la grâce, la puissance de la finesse, une sophistication épurée et extraordinaire à la fois : « Les icônes gays, ce sont des femmes sophistiquées. Elles semblent inaccessibles, elles ont quelque chose de divin. Elles sont des objets de fantasmes : elles font envie. Il n’y a pas de désir sexuel du gay envers son idole, mais il y a un grand désir de fantasme : cette femme, elle est forte, elle fait des choses impressionnantes, elle est glamour, tout ce que je ne serai jamais mais qu’on a envie d’être au fond de nous. » (Franck Cnuddle dans l’émission Plus vite que la musique, diffusée sur la chaîne M6, 2001) Certaines personnes homosexuelles, avant de se dire exclusivement homos et de se tourner radicalement vers les personnes de leur sexe, ont recherché, sur la cour d’école, pendant leur adolescence, voire même à l’âge adulte (quand leurs relations sentimentales dans le « milieu » se sont révélées désolantes), cette femme sans tache, parfaite, virginale comme porte de sortie à leur homosexualité. Celle qui réparerait tout. Celle qui les sortirait de l’enfer. Beaucoup, dans leur sublimation de la femme, pas toujours très réaliste, ont minoré le poids de leur désir homosexuel : « Je passai ma première d’études aux Beaux-Arts dans le labeur et la chasteté, avec l’idée fixe d’épouser, à l’issue de mes années d’études, une amie d’enfance, morte depuis et que j’aimais alors par-dessus tout au monde. Aujourd’hui, avec le recul du passé, je me rends compte que je l’aimais trop pour m’apercevoir que je ne la désirais pas. Je sais : certains esprits admettent difficilement l’un sans l’autre. Cependant, hormis cette jeune fille, aucune femme n’a habité mes rêves ni réussi à éveiller en moi quelque désir… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 94) ; « La femme est mise à la place de la mère : il l’aime mais ne la désire pas. » (Virginie Mouseler, Les Femmes et les Homosexuels (1996), p. 32) ; « L’égérie gay : une vierge maternelle […]puissante et vulnérable. […]L’égérie des homosexuels n’est pas la femme réelle : elle semble être plus déesse que femme. » (idem, pp. 157-160). Il est probable que la femme-objet médiatique, qui prétende accéder à une nature divine asexuée, ait encouragé les individus homosexuels à sacraliser l’Éternel Féminin tout en mettant peu à peu les femmes réelles à distance : « J’ai voulu être hors du commun. Je voulais dépasser la condition humaine. » (Jeanne Moreau, idem, p. 166) ; « Juger la femme par sa virginité signifie la considérer essentiellement comme un objet sexuel qui est respectable quand il appartient à un seul homme légitime et répugnant quand il s’offre par amour ou désir. C’est une façon de refuser à la femme le droit à l’amour, au plaisir sexuel. » (Rennie Yotova, Écrire le viol (2007), p. 77) ; etc.
 

Frigide Barjot

Frigide Barjot : Elle est à môa!!


 

Pas étonnant non plus, dans les faits, que les femmes confondant virginité et frigidité – autrement dit une virginité libre et féconde et une virginité mal vécue, stérile, télévisuelle – et convoitant la Sainte Vierge, soient les « filles à pédés » autoproclamées sur nos écrans. « I believe in angels… » (cf. la chanson « I Have A Dream » du groupe ABBA). Je pense particulièrement à Mylène Farmer, Ophélie Winter ou encore Virginie Tellenne alias « Frigide Barjot ». La virginité se cristallisant en trophée est une tentation forte chez les personnalités blessées, en panne d’identité et voulant se racheter une innocence pour cacher leur passé douloureux.
 

Billy Porter interprétant la marraine-fée dans le film « Cendrillon » (2021) de Kay Cannon


 

Par ailleurs, il convient de souligner que le costume de fée est un déguisement particulièrement convoité par les personnes transgenres ou transsexuelles.
 
 

b) La Vierge violée :

Beaucoup plus sournoisement, chez les personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité, l’identification à la Vierge correspond à un fantasme d’être Dieu, et surtout à une peur panique de la génitalité, du corps, de la sexualité en général : « Lorsque j’ai rencontré la première femme avec qui j’ai eu ma première relation, je commençais à me dire que je devais être lesbienne et pas asexuée comme je pouvais le penser vers dix-sept ans probablement. » (Nicole, femme lesbienne de 42 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 56) ; « La Vierge, c’est un monstre par définition. Dans le sens de malformation. Elle a des pouvoirs. Au sens de créature.[…] L’autre paradoxe de Carravage, c’est que le modèle de la Vierge était une pute. » (Celia la conservatrice de musées face au tableau de Carravage où la Vierge Marie, toute habillée de rouge, est enterrée, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; « Elle fait sa vierge au possible, avec défiance du mâle et gêne de son corps. » (Simone de Beauvoir, parlant ironiquement de son amante Nathalie, dans une lettre rapportée dans la pièce-biopic Pour l’amour de Simone (2017) d’Anne-Marie Philipe) ; « J’avais sept ans, j’avais 10 ans. J’étais la virginité même. Une virginité coupable. Les questions sordides que posaient les curés et les pères capucins à l’enfant pieux que j’étais, et qui s’agenouillait régulièrement dans le confessionnal, me plongeaient dans une angoisse sans fond. On me demandait avec insistance si je n’avais pas ‘des gestes impurs’ des ‘pensées impures’, si je ne me touchais pas. […] On avait réussi à me faire vivre mon corps comme une malédiction. Je n’osais m’endormir, de peur de mourir dans le péché. D’un innocent on avait fait un criminel torturé par les remords à la moindre rêverie. Je suis un rescapé. Le rescapé d’un monstrueux chantage. » (Pierre Biner, homo, dans TVB Hebdo en 1980) ; etc.
 

Et comme fatalement, la Réalité, les limites humaines et aussi l’orgueil apparaissent, elles finissent par se moquer de leur prétention. Dans le « milieu homosexuel », la virginité de Marie ou de la fée fait très souvent les frais du détournement ironique camp, un peu politisé, un brin subversif et blasphématoire : je vous renvoie par exemple aux Sœurs de la Perpétuelle Indulgence (ces religieuses ultra-maquillées et faisant leur show surtout aux Gay Pride), ou encore aux Radical Faeries (les fées gays version bobo hippie). « Dans La Nouvelle Eve, j’avais entouré le personnage de Karine Viard d’une nuée de copines homos, des bonnes fées toujours prêtes à la sortir des situations difficiles. » (Catherine Corsini, la réalisatrice du film « La Nouvelle Ève », août 2015) Et concernant les lois comme le « mariage pour tous » (et donc la PMA et la GPA), certaines personnes homosexuelles, notamment lesbiennes, avouent à leur insu qu’elles se prennent pour la Vierge Marie étant donné qu’elles soutiennent très sérieusement que la Sainte Famille (Joseph/Marie/Jésus) est une famille adoptive, non-naturelle, et que la Vierge serait le meilleur exemple de mère porteuse de l’Histoire de l’Humanité. Manque de bol : dans les faits, l’insémination de la Vierge n’est pas artificielle, ni désincarnée ni aussi chère que la PMA puisque c’est l’Esprit Saint qui a fécondé Marie. Certes, Joseph est bien le père adoptif de Jésus. Mais là où la PMA et la GPA suppriment le lien d’amour dans la différence des sexes – lien dont tout être humain a besoin pour se construire et être heureux, et qui peut exister même dans les cas d’adoption par des couples femme-homme stériles aimants -, la Sainte Famille honore totalement ce lien d’amour entre l’homme et la femme donné à l’enfant. Donc même le cas de l’engendrement de Jésus par l’opération du Saint Esprit non seulement ne peut pas être mis sur le même plan que le « mariage pour tous » et ses conséquences, mais en plus, il prouve que beaucoup de personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité et souhaitant fabriquer égoïstement des enfants sans la différence des sexes – « Elle a fait un bébé toute seule » – se prennent pour la Vierge… donc c’est plutôt inquiétant…
 
VIERGE sainte_vierge_marie_salope_contre_le_mariage_gay
 
 

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Code n°181 – Violeur homosexuel (sous-codes : Psychopathe homosexuel / Victime du grand viol reproduisant un autre viol)

violeur homosexuel

Violeur homosexuel

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

Tous des violeurs ?

 
 

Sujet épineux qui ne manquera pas de choquer les gens qui se victimisent et qui diabolisent leurs ennemis ! Mais tant pis. Je ne suis pas là pour croire aux bonnes et mauvaises intentions, mais pour découvrir le Réel, reconnaître des faits (parfois dramatiques et violents) et défendre l’Amour en actes !

 

Ce n’est pas pour des prunes que dans tous mes écrits, je soutiens que le désir homosexuel est par nature le signe d’un viol parfois réel, ou en tous cas un fantasme de viol (dans le double sens de l’expression : fantasme de violer ou/et fantasme d’être violé)… même si, en disant cela, rien ni personne ne m’autorisé à penser que toutes les personnes homosexuelles sont des violeurs en puissance. Elles sont bien plus violées que violentes (cf. je vous renvoie au code « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels)… mais à force de croire qu’elles ne sont que violées, une part d’entre elles assouvit son plan secret de vengeance plus régulièrement que prévu !

 

Le visage du violeur homosexuel n’est pas nécessairement porté par celui qu’on attend. On se trompe en beauté si on pense que le violeur homosexuel ne peut être que l’individu adulte (à partir de la quarantaine, environ), masculin, bear ou butch, « actif » sexuellement, adepte des pratiques sado-maso, 100% méchant et malveillant. J’ai vu des hommes et des femmes homosexuels, en apparence innocents, conformes physiquement aux canons de la mode de leur sexuation biologique originelle, jeunes, jouant les fragiles, homosexuels dits « assumés », sincères et « amoureux », frapper quand on s’y attendait le moins ! N’oublions jamais que tout être humain est profondément libre, donc ni « victime à vie », ni « bourreau à vie »… Autant nous pouvons assurer que tout bourreau a été victime, autant on ne pourra jamais dire que toute victime sera plus tard bourreau… et heureusement ! (Merci la résilience !) Or ceux qui l’oublient, afin de diaboliser les violeurs et béatifier les victimes de viol, sont en général des gens qui violent aussi, qui suppriment la liberté humaine en causalisant/personnifiant le viol.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Destruction des femmes », « Milieu homosexuel infernal », « « Première fois » », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Pédophilie », « Cannibalisme », « Vampirisme », « Homosexualité noire et glorieuse », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Liaisons dangereuses », « Coït homosexuel = viol », « Milieu psychiatrique », « Viol », « Inceste », « Humour-poignard », « Douceur-poignard », « Parricide la bonne soupe », « Méchant pauvre », « Voleurs », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », « Se prendre pour Dieu« , « Se prendre pour le diable », « Super-héros », « Couple criminel », « Homosexuels psychorigides », « Amant diabolique », « Androgynie bouffon/tyran », « Homosexuel homophobe », « Voyeur vu », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », à la partie « Voyeur » du code « Espion », et à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

a) Le violeur homosexuel : légende ou réalité ?

VIOLEUR 1 psychose

Film « Psychose » d’Alfred Hitchcock


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, une rumeur causalisant le lien entre homosexualité et viol circule autour du héros homosexuel ou de l’homosexualité en général : « Ok, les gars… j’ai peut-être un p’tit problème de violence. » (Océane Rose-Marie parlant de son adolescence, dans son one-woman-show Châtons violents, 2015) ; « Tu sais ce qu’il a fait, monsieur ton fils ? Il a violé le Rovo. » (la Bouchère à Barbara, la mère d’Abram, le héros homosexuel qui a fait de la prison, dans le film « Jagdszenen Aus Niederbayern », « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann) ; « Si je me fais violer, ce sera de votre faute. » (Patrik, le jeune adolescent hétérosexuel, en s’adressant à l’agent qui le laisse partir avec ses deux pères homosexuels adoptifs, dans le film « Patrik, 1.5 », « Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen) ; « T’es tellement fou que tu pourrais tous nous violer ! » (Pénélope au protagoniste principal du one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur) ; « Je parie que toi et Peggy, vous faites des trucs aux gosses… » (Santiago s’adressant à Doris la lesbienne, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « Peut-être qu’elle est folle, qu’elle va nous assassiner ! » (Fanny s’adressant à son mari Jean-Pierre par rapport à Catherine, l’héroïne lesbienne dont elle va tomber amoureuse, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; « Chaque homme tue celui qu’il aime. » (le maquereau de Davide le jeune héros homosexuel de 14 ans, pendant qu’il se désape avant de le violer, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; « Mais t’es qu’un connard de psychopathe ! » (Damien insultant Rémi qui lui a donné un coup de serpillère sur la tête en croyant assommer un rat, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; « Le psycho ! Le psycho !! » (Chanelle en panique au moment de voir l’ombre de Louison la lesbienne dans la grotte, dans l’épisode 86 « Le Mystère des pierres qui chantent » de la série Joséphine Ange-gardien, diffusée sur la chaîne TF1 le 23 octobre 2017) ; « Tu l’as violée, c’est tout ! » (Marcel s’adressant à son « mari » Dominique par rapport à Mireille, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; « La victime est belle et le crime est si gay ! » (c.f. la chanson « Coeur de loup » de Philippe Lafontaine) ; etc.

 

Il n’y a pas que les personnages dits « hétéros » qui présentent les homosexuels fictionnels comme des « obsédés sexuels » et des « pervers ». La mauvaise réputation provient aussi et surtout des héros homos eux-mêmes, même si elle prend le visage sexiste de la misandrie (beaucoup d’héroïnes lesbiennes prennent les hommes gays pour des violeurs, parce qu’ils ont le malheur d’être nés « mâles »…), de la misogynie (beaucoup de héros gays voient les femmes comme des tigresses et des prédatrices sublimes), de la peur de la sexualité, de la phobie de la génitalité, de l’auto-parodie cynique, voire de l’effroi amoureux (cf. je vous renvoie aux codes « Liaisons dangereuses », « Viol », « Prostitution » et « Femme-Araignée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

« J’ai échappé au viol ! » (Mimil, le héros homosexuel parlant des avances de son ami Jeff, dans la pièce Les Babas cadres (2008) de Christian Dob) ; « Pas elle ! Elle va me violer !! » (Camille, l’héroïne lesbienne face à sa nouvelle camarade de cellule carcérale Caroline, avec qui elle formera finalement un couple après sa conversion au lesbianisme, dans le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Pfu, vous êtes pareils tous les deux, Simon et toi, complètement obsédés. Je vais finir par croire que c’est un syndrome homosexuel… Non, en fait j’en suis convaincue ! Un jour, tu vas voir, j’en aurais marre que les pédés parlent que de cul, on dirait que chez vous, si y avait pas le cul, y aurait rien. Vous êtes complètement obsédés, tous. Bande de freaks ! » (Polly, l’héroïne lesbienne s’adressant à ses deux amis gays Simon et Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 25) ; « Coucher avec des filles, c’est un truc de pédés. » (cf. une réplique du film (2004) de Matthew Vaughn) ; « Il y a un tueur en liberté dans cette maison. Et vous avez le profil requis ! » (Giles Ralston s’adressant à Christopher Wren, le héros homosexuel, dans la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; etc.

 

Quelquefois, le héros homosexuel voit en son amant un violeur : « Je n’avais jamais voulu voir la vraie nature de Jan. […] Maintenant que j’ai vu Jan menacer Gordon, depuis cet instant où il a braqué son automatique vers moi, je sais aussi comment leur empire, leur business s’est édifié… » (Bjorn à propos de son propre amant Jan, dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 159) ; « Ton amant gay est un voleur et un assassin. » (Combs au héros homosexuel Price, dans le film « Somefarwhere » (2011) d’Everett Lewis) ; « Non, je n’ai jamais été violé et abandonné comme par ce regard en une seconde et en pleine rue, subtil, sagace, sûr de son harpon et sans remords… Cet homme… s’est retourné tout d’un coup et, me dévoilant son visage d’Archange, m’adressa face à face ce message d’une langueur, d’une ferveur et à la fin d’une férocité qui n’avaient plus rien d’humain… » (Marcel Jouhandeau, Carnets de Don Juan (1947), p. 96)

 

Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, c’est au moment où les deux héroïnes (Ronit et Esti) se retrouvent toutes les deux dans un bosquet pour se dire leur amour que Ronit dit à Esti qu’elle « a l’air d’un tueur en série » (p. 139) Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Mélodie arrive chez son amante Charlotte avec une robe de soirée assez sexy. Elle qui passe ses journées à gérer des affaires de viol en cour d’assise, elle n’en revient pas de voir Charlotte se transformer en violeuse à son encontre, hors d’un contexte professionnel. « C’est un vrai appel au viol, ton truc… » s’en amuse au départ Charlotte, qui devient de plus en plus insistante (« En fait, t’as fait ça pour me rendre dingue ! »), au point d’inquiéter Mélodie : « Mais arrête ! ». Finalement, Mélodie se laisse faire : « Alors c’est que ça ? Faut que je te fuis pour que tu me rattrapes ? ». Dans l’épisode 1 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Adam, le héros homosexuel, est présenté comme un psychopathe, un monstre (Aimee le surnomme « Bitzilla »). Éric, son futur amant, avertit Otis qu’ « Adam va le tuer dans sa propre maison ».

 

Par peur ou fantasme de donner crédit à cette croyance populaire au lien de causalité viol/homosexualité (pas totalement infondée non plus, car le désir homosexuel et les actes qu’il implique sont par nature semi-sincères semi-violents), certains personnages homosexuels prennent l’image du violeur homosexuel pour une vérité sur eux-mêmes, pour un ordre et un modèle. Ils intériorisent alors le fantasme de violer vraiment : « Je l’aurais violée sur-le-champ, si j’avais pu. » (Suzanne à propos de son amante Héloïse, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 305) ; « Déshabille-toi et j’arriverai. Comme l’homme du rêve… » (Léopold, le héros homosexuel s’adressant à son amant Franz qui vient de lui raconter le rêve incestueux et effrayant qu’il faisait étant jeune à propos de son beau-père, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Je vais t’égorger, tu le sais, ça ? » (Guen, le héros homosexuel, parlant à Stan, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder, Holmes (très homosexualisé dans le film) s’amuse à passer pour le violeur de Gabrielle. Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont, le protagoniste principal part à la recherche de son violeur (« Quand j’étais enfant, j’ai été violé. Franchement, c’était génial. Et ce site m’a permis de retrouver la trace de mon violeur. Et je suis drôlement content d’avoir retrouvé mon grand-père. ») et incite les membres du public à devenir violeurs eux-mêmes (notamment en répondant à un questionnaire sur le site fictionnel « syndromedestockholm.com » : « Quel genre de psychopathe êtes-vous ? »). Dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, il est fait référence à « l’obsession de violence » chez les personnages homosexuels. Dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien, Dallas, l’assistant-couturier homo de la créatrice Cecilia, veut mettre hors d’état de nuire Hélène, la première d’atelier concurrençant Cecilia, et décrit sa stratégie arachnéenne pour s’en débarrasser proprement : « Je sais ! Je l’intimide avec mes ciseaux crantés, je la saucissonne à la dentelle de Calais, et je la planque dans un rouleau de taffetas noir. Tout ça avec des gants : pour ne pas laisser d’empreintes. »

 

Le violeur homosexuel commence par s’auto-persuader qu’il ne viole pas quand il essaie d’exercer son emprise psychologiquement sur son amant. « N’ayez crainte, je n’ai pas l’intention de vous violer, mais seulement de vous interroger. » (Cyrille, le héros homosexuel s’adressant au journaliste, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) Il fait souvent porter à sa victime son propre discours de l’évidence, une évidence en général infondée et qui n’est le signe que de son attachement à ses pulsions, à ses projections identitaires et amoureuses. Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, il est très souvent question de la défense de la « prédestination » dans les rencontres amoureuses. Celles-ci seraient déjà écrites d’avance, ne se choisiraient pas, et devraient obligatoirement se vivre. Ce film offre une vision totalement déterministe et peu libre de l’amour : « Il n’y a pas de hasards. » dit Emma à son amant Adèle qu’elle vampirise. Le violeur homosexuel voit des « signes » et des « confirmations » de ses désirs partout.

 
 

b) Le violeur homosexuel passe effectivement à l’action :

Dans certaines créations homo-érotiques, il arrive que le personnage homosexuel viole des femmes (cf. je vous renvoie avec insistance au code « Destruction des femmes » et à la partie « Prostituée tuée » du code « Prostitution », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2011) de Stéphane Druet (avec Pedro, le héros homosexuel, infligeant une séance de torture à Claudia avec sa guitare), le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville (avec la figure lesbianisé d’Angelina Jolie en violeuse), le film « Frankenstein Junior » (1974) de Mel Brooks (avec Dracula, le vampire efféminé), le film « Hécate, maîtresse de la nuit » (1982) de Daniel Schmid (avec Julien, le jeune ambassadeur qui violente Clotilde), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec la violeuse lesbienne Lorelei), le film « Je suis une nymphomane » (1970) de Max Pécas, le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, le film « Kill Your Darlings » (2014) de John Krokidas, etc.

 

« Je te fends la chatte ! » (Venceslao parlant à Mechita dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Comme j’utilise le mot ‘chatte’, j’passe par un violeur en puissance. » (Max dans la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « Ayez pitié d’une pauvre femme par-dessus vieille ! J’allume la boule. Vous la voyez votre petite Delphine pendue ? Monsieur, me dit-elle, je me sens mal. Mes sels ! Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. En bas on entend le bruit régulier de la caisse, je regarde par la fenêtre, le boulevard Magenta est toujours le même. La vieille continue de râler, je l’étrangle, elle meurt assise. Je me recoiffe de mon peigne de poche, j’enfile mon imperméable. » (le narrateur homosexuel parlant de Mme Audieu, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 89) ; « Il paraît que c’est un truc de pédés, d’homos refoulés, les mecs qui niquent des gonzesses dans tous les coins. » (Fred à son futur copain Greg, dans le film « Les Infidèles » (2011) de Jean Dujardin) ; etc.

 

VIOLEUR 2 Parle avec elle

Film « Hable Con Ella » de Pedro Almodovar


 

Par exemple, dans « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, on découvre avec étonnement à la fin du film que l’infirmier homosexuel Benigno a violé la patiente dans le coma qu’il veillait pourtant jour et nuit à l’hôpital avec une sollicitude quasi maternelle. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Didier, le héros homosexuel qui était jadis en couple avec sa copine Yvette, avoue qu’il « a eu le malheur de l’aimer à outrance ». Dans la pièce Le Choc d’Icare (2013) de Muriel Montossey, Romain, le héros homosexuel, séquestre Ariane. Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, Mr Alouette est le violeur de « Madame ». Dans le film « Maigret tend un piège » (1958) de Jean Delannoy, Marcel Maurin, le personnage homosexuel (doté d’une mère castratrice), tue des femmes. Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, Roberto, l’un des héros homosexuels, ne supportant pas d’être dragué par Alejandra, la maltraite violemment et la fout sous la douche ; plus tard, il dira à la jeune femme : « Moi, je t’aurais déjà tuée ! » Dans la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, Charlène accuse Jean-Louis, le héros homosexuel, de l’avoir violée. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo, l’un des héros homos refoulés, après sa tentative de kidnapping de Carla Bruni dont il dit être fou amoureux, est activement recherché par la police. Dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, Bruno, le héros homosexuel, va essayer d’étrangler une vieille femme bourgeoise désirant connaître la sensation d’étouffement. Dans le film « I Love You Baby » (2001) d’Alfonso Albacete et David Menkes, Daniel montre à son amant Marcos la scène d’un film de merde où il a joué un petit rôle secondaire d’un homme cagoulé qui agresse une femme dans une ruelle urbaine ; il commente la scène en prenant un malin plaisir à rentrer dans la peau de son personnage (« Ici, c’est moi, cagoulé. […] T’as vu comme je sors mon couteau. […] Bouge pas, salope, ou je te bute ! »). Dans le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, Angel (Antonio Banderas) suit en filature une fille dans une rue pendant la nuit et la viole sur le capot d’une voiture, en écoutant intérieurement la voix de son professeur de corrida : « Les filles, c’est comme les taureaux. Faut les choper quand elles s’y attendent le moins. » Dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, Stan, le personnage homosexuel, enfonce un tisonnier dans le sexe de la femme bourgeoise qu’il tue au moment de lui faire l’amour. Dans le roman Journal d’Adam (1978) de Knut Faldbakken, une femme est battue par le héros homosexuel. Dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, Paul Esménard tue Berthe par strangulation : « Il saisit le cou de Berthe dans ses doigts. Pendant une seconde, elle eut le temps de crier, mais d’une simple pression de pouce il la fit taire. […] Paul avança, posa la femme sur le lit et reconnut alors qu’elle était morte. Un peignoir blanc et mauve recouvrait son petit corps potelé qui semblait presque celui d’une enfant. » (pp. 115-116) Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, tous les personnages sont des violeurs : par exemple Bacchus a « abusé de plein de pauvres filles », les bacchantes se ruent sur Penthée et le dévorent, la naïade viole le bel Hermaphrodite, Jupiter viole Europe, etc. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le héros homosexuel sur le point de se marier avec Sophie, passe son temps à la frapper et à lui gueuler dessus. Il était tout aussi violent avec son ex-amant Stéphane : « Mes coups, parfois, je les retenais pas. Mes mots, oui. » Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Alban Mann traite sa propre fille de « pute » (p. 18), et finira par la tuer, comme il a assassiné sa femme Greta, elle-même prostituée « professionnelle ». Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah harcèle son amante Charlène, au point que celle-ci en vient au main et l’étouffe avec un coussin. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, le skinhead gay tente d’agresser sexuellement Jane la lesbienne : « Le rire de ce skinhead éméché résonna contre les murs, aigu et efféminé » (p. 95) Dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas, Maryline, l’héroïne bisexuelle, est inculpée pour homicide involontaire sur son mari Gérard qui l’a violée et harcelée. Dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion, Seb et Loïc, couple homo, harcèlent leur meilleure amie Marie et l’empêchent d’être heureuse et d’avoir une vie amoureuse avec un homme, Charles. Dans l’épisode 5 « Circé » (saison 2) de la série Astrid et Raphaëlle (2020), Cécile Maignant se fait violer par le Dr Lavandier, un médecin super maniéré et efféminé.

 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, s’en prend aux femmes de son entourage, et surtout à sa mère, qu’il bat, tente de draguer, tripote à sa guise et embrasse de force sur la bouche : « T’aimes bien quand j’te chope comme ça, hein ? ». Celle-ci se rend compte que « Steve, c’est un violent. » Steve ne maltraite pas que sa maman : il tente de s’attaquer à Kyla, la voisine, mère au foyer qui se défend violemment : « Tu ne me touches plus ! »
 

Dans le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie, Armand, le héros de 43 ans, vit une relation pédophile avec Curly, une fillette de 16 ans alors qu’il était pourtant exclusivement homosexuel. Ils sont arrêtés par les flics sur un lieu de drague homosexuelle pour cause d’exhibitionnisme. Et lorsque Armand essaie de se valoir qu’il ne peut pas être pédophile puisqu’en temps normal il est homosexuel et seulement attiré par les hommes plus âgés que lui, le chef de la police lui laisse entendre que ce n’est absolument pas contradictoire, et que la pédophilie fait imparfaitement miroir à l’homosexualité et au goût incestuel de la vieillesse : « Le fait que vous aimiez les vieux m’incite à penser que vous aimez aussi les jeunes filles. » À la fin du film, la nature violente de l’amour exceptionnel qu’Armand porte à Curly se déclare. Lors de leur fugue amoureuse notamment, il la force à la sodomie, et Curly le prend très mal (« Arrête !!! T’es vraiment un connard ! […] Ça te fait quoi de me faire des coups comme ça ? »). Une fois que le père de la fillette retrouve le couple en cavale, Armand nie le viol : « Ça va, c’est bon, j’l’ai pas violée ! » Un peu plus tard, les amoureux prennent à nouveau la fuite. Curly se met à croire au grand Amour. Mais lassé de son idylle hétérosexuelle, Armand a un comportement très surprenant à l’égard de son amoureuse : à la fin du film, pour se débarrasser d’elle, il la ligote de force et l’abandonne dans la forêt. Il retourne à sa vie d’homo d’avant, en couchant avec des vieillards…

 

Dans la série 13 Reasons why (2018), Montgomery de la Cruz (alias Monty) viole Tyler avec un balai dans les toilettes dans le dernier épisode de la saison 2 (ce qui a fait grand bruit parmi les fans car la scène était extrêmement choquante). Dans l’épisode 5 de la saison 3, Winston fait une fellation en secret au même Monty à l’occasion d’une fête lycéenne et ce dernier finit par le tabasser quand son jeune amant lui demande s’ils peuvent se revoir en public : une fois arrêté pour le viol de Winston dans l’épisode 13 de la saison 3, Monty finit par avouer qu’il a une attirance pour les hommes face à son père au parloir de la prison.
 

Le viol des protagonistes féminines n’est pas uniquement le fait des héros homosexuels mâles. Il est aussi opéré parfois par des personnages lesbiens qui fantasment de se comporter en hommes violents : cf. le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan (avec Chloé, l’amante intrusive), le film « Haute Tension » (2003) d’Alexandre Aja (avec Cécile de France en lesbienne psychopathe), le film « Intrusion » (2003) d’Artemio Benki (avec l’auto-stoppeuse dangereuse), etc. Par exemple, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, la bourgeoise, viole sa petite voisine de 14 ans : « J’avais imaginé un moment demander à la petite voisine de passer me voir afin de faire ensemble ce que je l’avais obligée à faire seule devant moi, sachant combien j’aimais à outrepasser la pudeur des autres, pour le plaisir que son viol me donnait. Cette envie ne me quittait pas, mais je devais résister, c’était trop risqué. J’avais peur de moi. Quand je sentais monter ce besoin de chair, peu m’importaient les moyens et la figure de celle qui me donnerait ce qu’il me fallait. » (p. 57) Elle renouvelle l’expérience sur une cousine de son âge, adulte comme elle : « Je me rappelle qu’avant son départ, le matin, pratiquement contre sa volonté, par la faim que j’avais encore d’elle, je l’ai presque forcée, ainsi que le ferait un homme, allant au plus près du désir, comme un mari brutal. Moi qui pourtant ne voulait que sa tendresse. » (p. 72) L’héroïne lesbienne de ce roman ne s’intéresse pas à l’identité de ses amantes, mais plutôt à sa propre jouissance : « J’étais presque exclusivement intéressée par la fente des filles […] à tel point d’ailleurs que leurs visages ou leurs corps m’indiffèrent. » (p. 76) ; « Je me dis : ‘Il m’en faut une, et peu importe la figure qu’elle aura.’ » (p. 79) Elle prend également pour modèle un couple de femmes allemandes (amies de sa cousine) qui pratiquaient elles aussi le viol sur des vierges « hétérosexuelles » : « Ayant fait, si l’on peut dire, le tour des plaisirs les plus ordinaires, elles se mirent en tête que le viol tel que les hommes le pratiquent parfois leur permettrait une beaucoup plus grande liberté quant à leur choix. L’opportunité d’un voyage en Grèce les amena à passer à l’action. Elles voulaient absolument vivre cette sensation de puissance que l’on doit ressentir dans le viol, y prenant comme un plaisir supplémentaire du fait qu’il soit considéré partout comme un crime. » (p. 108) Son but est de voler l’amour et la tendresse à ses amantes, en faisant passer sa violence impatiente pour de la fougue belle, spontanée et accidentelle : « Sachant qu’elle allait partir, avec une énergie et une détermination qui m’étonnèrent moi-même, je me précipitai pour lui prendre un baiser. » (Alexandra face à une jeune religieuse, op. cit., p. 223) ; « Elle m’a prise à nouveau. » (Mathurine, la servante violée par son patron, « Monsieur », qu’elle féminise – « Madame, c’est Monsieur. » – dans la pièce Viol (2014) de Louis Lefèbvre) ; etc.

 

Au départ, comme certains héros homosexuels fictionnels n’assument pas l’existence du désir homosexuel en eux, il arrive qu’ils cherchent à se prouver à eux-mêmes ou à prouver à leur société leur hétérosexualité en couchant avec leur meilleure amie, en violant la « fille à pédés » ou la prostituée : cf. le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon (avec Paul se forçant à coucher avec Mousse, ou plutôt la forçant à coucher avec lui), le film « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve (où Vincent, le héros homo, fait l’amour avec Noémie, sa meilleure amie, pour savoir s’il est vraiment homo), le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (avec Laurent qui se force à coucher avec Carole, sa meilleure amie, un soir d’ivresse, pour se prouver qu’il peut être « hétéro », et qui la viole pendant son sommeil), etc. Par exemple, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc, pour essayer de se persuader qu’il n’est pas homo, tente de violer sa femme Bettina, de la forcer à la sodomie.

 

VIOLEUR 3 Spiderman

Spiderman et Psyché


 

Le personnage homosexuel viole aussi des hommes, et très souvent des amants (cf. je vous renvoie avec insistance aux codes « Parricide la bonne soupe » et « Amant diabolique » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès, le film « J’ai pas sommeil » (1993) de Claire Denis (avec le tueur en série Thierry Paulin), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears (avec Fred, le violeur homosexuel), le film « Frisk » (1995) de Todd Verow (avec le psychopathe homosexuel), le film « Notre paradis » (2011) de Gaël Morel (avec un serial killer gay), la série britannique Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald (avec Mia, le tueur en série transsexuel M to F), le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec Emmanuel, le héros homosexuel qui a pour habitude de violer ses amants), le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne, le roman Querelle de Brest (1947) de Jean Genet (avec les violeurs Nono et Querelle), le film « Le Dernier train du Katanga » (1967) de Jack Cardiff, le film « Furenchi Doressingu » (1997) d’Hisashi Saito, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, le film « Speeters » (2000) de Paul Verhoeven (avec Eef, l’homosexuel refoulé et « casseur de pédés »), le film « Irréversible » (2002) de Gaspar Noé (avec le Ténia, violeur homosexuel), le film « Sixième Sens » (1986) de Michael Mann, le film « Toute nudité sera châtiée » (1973) d’Arnaldo Jabor, le film « Mad Max » (1979) de George Miller, le film « Midnight Express » (1978) d’Alan Parker, le film « Brubaker » (1980) de Stuart Rosenberg, le film « The Sweet Smell Of Death » (1995) de Wong Ying Git, le film « Gazoline » (2003) de Monica Strambini, le film « L’Épouvantail » (1973) de Jerry Schatzberg, le film « The Glass House » (1972) de Tom Gries, le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol (avec le personnage de Cyril), le film « Él Y Él » (1980) d’Eduardo Manzanos, la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti (avec le personnage de Louis), le film « Tremblement de terre » (1974) de Mark Robson, le film « Grégoire Moulin contre l’Humanité » (2002) d’Artus de Penguern (avec Jean-François, le violeur joué par Didier Bénureau), le film « Lonesome Cowboys » (1968) d’Andy Warhol, le film « Sans rémission » (1992) d’Edward James Olmos, le film « Chute libre » (1993) de Joel Schumacher, le film « Amours mortelles » (2001) de Damian Harris, le film « Moon 44 » (1990) de Roland Emmerich, le film « Lucifer-Sensommer : Gul Og Sort » (1990) de Roar Skolmen, le film « Cold Light Of Day » (1990) de Fhiona Louise, le film « All Night Long 2 » (1994) de Katsuya Matsumara, le film « Sac de nœuds » (1984) de Josiane Balasko, le film « Le Dénommé » (1988) de Jean-Claude Dague, le film « Okoge » (1992) de Nakajima Takehiro, le film « Huangjin Daotian » (1993) de Chou Tan, le film « Impasse des vertus » (1955) de Pierre Méré (avec le jeune pompiste truand), le film « Le Grand Pardon » (1984) d’Alexandre Arcady (avec le truand joué par Bernard Giraudeau et tué dans le lit de son amant), la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin (avec Lacenaire, le criminel), le film « Cannibal » (2005) de Marian Dora, le film « My Night With Andrew Cunanan » (« Ma nuit avec Andrew Cunanan », 2012) de Devin Kordt-Thomas (sur un jeune tueur en série), etc.

 

Par exemple, dans le film « Camionero » (2013) de Sebastián Miló, Randy se fait violer et pisser dessus par un camarade de classe au lycée. Dans la pièce Hors-piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis, le seul personnage homosexuel de l’intrigue, tente de violer Stan, l’un des protagonistes hétéros, en profitant chez lui d’un état de faiblesse. Dans la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson, les « penetrators » homosexuels exercent des viols à la chaîne. Dans le film « Female Trouble » (1974) de John Waters, Divine joue le rôle d’un violeur homosexuel. Dans le roman Moravagine (1926) de Blaise Cendrars, le personnage de Moravagine incarne la figure du violeur homosexuel androgyne. Dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, le héros homosexuel, le jeune Joaquín, âgé seulement de 8 ans, impose le silence à son camarade qu’il a attouché sous la tente en camp scout : « S’il te plaît, ne le dis à personne. » Dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le héros homosexuel finit par tuer l’homme qui l’a excité sous la douche à la piscine.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, le prédateur homo, sans doute client du bar Boys Paradise, emmène de force en voiture le couple Nathan-Jonas dans un établissement gay, La Dolce Vita qui en réalité n’existe pas, pour finalement ne pas les faire descendre et pour tuer Nathan en le frappant. Et pourtant, ce violeur n’avait pas l’air du tout dangereux puisqu’il écoutait à fond dans sa voiture « T’en va pas » d’Elsa, une chanson pour midinette. Nathan, quant à lui, n’avait pas le profil de la parfaite victime, puisqu’il mentait sur son viol, et manipulait Jonas comme un prédateur lui aussi : « T’y avais quand même pas cru à cette histoire de curé ? » (Nathan ayant fait croire à Jonas qu’il a été violé par un prêtre pédophile à 14 ans… pour cacher qu’il a été violé par un groupe de jeunes aux autos tamponneuses à l’âge de 9 ans). Survivant du drame qui a frappé son compagnon Nathan, dix-ans après, Jonas, pourtant chétif à l’adolescence, présente le même profil criminel. Il déclenche une baston au Boys. Et lorsqu’il pénètre dans un hôtel de luxe, L’Arthémis, le standardiste, Léonard, le prend pour un faux doux, un criminel armé, et préfère lui fouiller son sac : « Je sais pas. Je vérifie que t’aies pas d’arme, de couteau. J’en sais rien. Si je reviens et que tout le monde est mort, et que t’as buté tout le monde, on fait comment ? ».
 

« Y yo / pillaba yo » (cf. le poème « Anales » de Néstor Perlongher) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of LonelinessLe Puits de solitude (1928), pp. 38-39)

 

Hubert – « De toute façon vous m’aviez déshonoré bien avant d’avoir déshonoré ma famille. Quant à ma sœur Adeline, ne vous en formalisez pas, je l’avais déshonorée bien avant vous.

Cyrille (le héros homosexuel) – Vous êtes diabolique, Hubert. »

(Copi, Une Visite inopportune, 1988)

 

Certains personnages homosexuels violeurs s’en prennent à des êtres fragiles (cf. je vous renvoie aux codes « Pédophilie », « Vierge » et « Petits morveux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Tu violes des p’tits handicapés de 10 ans : le commun du p’tit pédé. » (Jonathan s’adressant cyniquement à son amant Frank, dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes) ; « Elle était d’une grande beauté, les larmes qu’elle versait donnaient à son visage une expression et un charme extraordinaires. J’avais l’envie presque irrépressible d’abuser d’elle. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du romanLes Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 116), etc. Par exemple, dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, Veronika, comme un aigle prédateur, « déniaise » sa camarade de danse Nina, fébrile comme de la porcelaine. Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, le père de Christian est un homme impuissant avec les femmes, et qui a violé son fils (qui deviendra plus tard homosexuel). Dans le film « La Caduta Degli Dei » (« Les Damnés », 1969) de Luchino Visconti, Martin Essenbeck viole une fillette juive. Dans le film « Antibodies » (2005) de Christian Alvart, Jürgen Bartsch, 15 ans, assassine et viole des garçons encore plus jeunes que lui. Dans le roman Try (1994) de Dennis Cooper, un couple homosexuel composé de deux pères adoptifs violent leur petit Ziggy.

 

D’autres personnages homosexuels violent en se cherchant un partenaire sexuel plus « fort » qu’eux. Ils deviennent violeurs par omission en quelque sorte, par amant interposé, en se plaçant en victimes, parce qu’ils appellent leur pair « actif » à les pénétrer et qu’ils l’engagent à obéir à leur mise en scène de viol dont ils sont les héros « passifs » : « Pendant un apéro au Boobs’bourg, en attendant les autres, Cody m’avoue qu’à New York il met des petites annonces sur craiglist.org en se faisant passer pour une fille : ‘Comme ça, quand les hommes ils veulent ma chatte, je dis à eux je suis un pédé mais je peux te sucer bien ta bite à fond et avaler ton jus. Ça marche, quoi, les hommes ils ont envie d’une fille parce qu’ils pensent que c’est la seule chose qui les fait bander mais un jour où ils sont en manque ils goûtent à la bouche ou le cul d’un pédé et d’un coup ils se rendent compte que ce qui les fait bander c’est le sexe, et pas une fille, quoi. Je suis comme une sorte de terroriste queer comme j’oblige les hommes hétéros de se rendre compte que tout le monde est pédé, quoi, parce que tout le monde bande pour n’importe qui. » (Cody, le héros homosexuel nord-américain très efféminé du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 98-99) ; « Il consent à une rencontre, chez moi, mais il ajoute ‘Les yeux bandés. Tu ne dois jamais voir ma laideur repoussante.’ J’accepte. Les jours qui précèdent la rencontre, je les passe dans un état de surexcitation incroyable. Le jour prévu, à l’heure prévue, il frappe trois coups contre la porte, notre code secret. Je place mon bandeau, et j’ouvre en me demandant si je n’ouvre pas ma porte à un voleur, un tueur de sang froid ou un violeur. Peut-être que j’en aurais envie… […] Je referme la porte et tout de suite nous portons nos mains sur le visages de l’autre, pour sentir le bandeau, pour être sûr que le contact est respecté. Il sourit, je sens sous mes doigts sa bouche tendue. Moi aussi je souris. On se prend dans les bras l’un de l’autre et on cherche nos bouches, qu’on s’embrasse voracement, qu’on viole avec la langue. Après un instant, en reprenant notre souffle, il dit ‘Ouhaou, c’est chaud !’ Je le prends par la main. Je me glisse devant lui, et ensemble nous marchons comme un seul homme dans l’appartement, Vianney parfaitement collé à ma nuque, mon dos, mes fesses, mes jambes. » (Mike, le narrateur homosexuel racontant son aventure avec un certain Vianney, op. cit., p. 84) Le viol n’est jamais effectué par une seule personne (= le bourreau), mais bien le produit d’une relation, d’un consentement mutuel, où la victime et son bourreau jouent tous les deux un rôle (même un rôle réduit parfois à celui d’objets qu’ils ne seront jamais) : « Dans le sexe, c’est surtout Claude qui parle, qui dit ‘Maintenant je suis un mec, je viens de te voir passer devant moi dans la rue, je te chope dans un coin sombre et je te baise comme la belle salope que tu es…’ Polly aime bien être passive, ça l’arrange que Claude veuille toujours être dominante. » (Mike parlant du couple lesbien Claude-Polly, op. cit., p. 74)

 

Dans son obsession pour le corps et la beauté de son amant, le personnage homosexuel montre parfois l’impatience cannibale du violeur, ses pulsions de possession : « Je veux sa bouche. Je veux son cul. Il est à moi ! » (Lennon parlant de Martin dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti)

 
 

c) Comment le héros homosexuel en arrive-t-il à passer à l’acte odieux ?

VIOLEUR 3 Lit

Film « Jeanne Dielman » de Chantal Akerman


 

Le violé devient parfois violeur. Par exemple, dans le roman Radcliffe (1963) de David Storey, Léonard Radcliffe, soumis au joug de son amant Vic, avoue son propre despotisme sous-jacent : « Le pire dans tout ça, c’est qu’une partie de moi l’aime et l’autre partie de moi ne lui sera jamais soumise. » D’ailleurs, à la fin de l’histoire, lui qui était jadis homosexuel soumis et passif, finit par tuer Vic et par devenir l’homosexuel actif et prédateur une fois incarcéré. Dans le roman Baise-moi (2002) de Virginie Despentes, Nadine et Manu, les deux héros transsexuels M to F violés, deviennent aussi violents que leurs agresseurs. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, se retrouve embarqué dans une série de meurtres en cascade parce qu’il a découvert l’ambiguïté homosexuelle du jeu de son premier amant, Dick, qu’il a tué accidentellement et par légitime défense. Il tue au moins trois hommes et se comporte comme un parfait manipulateur.

 

Dans les œuvres traitant d’homosexualité, il existe très souvent un ambigu rapport idolâtre d’attraction-répulsion, d’imitation (involontaire ?), d’amour, entre la victime et son agresseur. « De ma vie, je ne m’étais jamais fait baiser sans le vouloir. Je sais maintenant que tout peut arriver. Et que, même sans le vouloir, on peut aimer cela. » (Bjorn, l’un des personnages homosexuels, dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 154) ; « J’adore qu’on profite de moi. […] Personne ne me force. » (Matthew Ferguson, le gigolo du film « Eclipse » (1995) de Jeremy Podeswa) ; « Je ne criais jamais, j’étais tellement heureuse d’être ton objet, d’exister. » (Cécile à son amante Chloé dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, pp. 39-40) ; « J’ai envie d’être l’outil de sa jouissance. » (la narratrice lesbienne parlant de son amante, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 65) ; « ’Tu désires l’abomination.’ Il ne pouvait y croire au début. Lui qui avait souffert des attentions de Goudron se transformait maintenant en Goudron ! Cela ne pouvait pas être vrai. Pourtant, c’était vrai ! » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, parlant de son élan homosexuel pour le jeune David, suite à l’attachement pédophile de Goudron, un écrivain bien plus âgé que lui et qui l’avait courtisé, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 177) ; « Ce que j’aurais fait à cette époque de ténèbres, d’autres me l’avaient fait. » (idem, p. 441) ; etc. Par exemple, dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, le Dr Labrosse fantasme de se faire violer par un jeune Sénégalais de 16-17 ans appelé « Babacar ». Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, plus Antionetta, la femme au foyer, rêve d’être violée par son voisin de pallier homosexuel Gabriele, plus elle joue la saint-nitouche persécutée qui se fait des gros films : « Allez-vous-en ! Allez-vous-en, je vous en supplie ! » Elle embrasse de force Gabriele sur la bouche quand celui-ci lui avoue qu’il est homosexuel. Vexé d’avoir été pris pour un macho qui allait satisfaire une femme mariée désireuse de « se faire sauter sur la terrasse » de l’immeuble, et aussi pour se venger de son double jeu, il finit par la violenter vraiment : « Je ne suis pas le Superman viril que tu attendais !! »

 

Le basculement de rôles violé/violeur est symbolisée d’une manière très particulière dans les fictions homo-érotiques. La victime homosexuelle d’un viol se voit généralement inculpée d’un meurtre qu’elle n’a pas voulu commettre et auquel elle a été poussée par son tortionnaire. Par « légitime défense », elle reproduit le viol : cf. le film « Légitime violence » (1982) de Serge Leroy, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, les films « Dial M For Murder » (« Le Crime était presque parfait », 1954), « Torn Curtain » (« Le Rideau déchiré », 1966), « Psycho » (« Psychose », 1960), et « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock, le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1943) de Luchino Visconti, le film « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Bas fond » (1957) de Palle Kjoerulff-Schmidt, le film « Les Voleurs » (1996) d’André Téchiné, le film « La Triche » (1984) de Yannick Bellon, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, le film « Flying With One Wing » (2002) d’Asoka Handagama, le film « Le Roi et le clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « La Victime » (1961) de Basil Dearden, le film « Pouvoir intime » (1987) d’Yves Simoneau, l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli (avec Kamel), etc.

 

Par exemple, dans son roman Le Conformiste (1951), l’écrivain Alberto Moravia décrit l’évolution de Marcel, une jeune victime d’attouchements sexuels qui tue par accident son agresseur. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, pour se venger des attaques homophobes de Terell, un camarade de lycée, débarque en classe et lui casse une chaise sur le dos, laissant ce dernier inconscient. Il est embarqué par la police. Dans le film « Chaînes » (1928) de Wilhelm Dieterle, Franz tue sans le vouloir un inconnu qui dérangeait sa femme. Dans le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, Théron est responsable d’un crime involontaire. Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, Daventry a tué ses deux agresseurs en opérant un assassinat de légitime défense. Dans le roman Adrienne Mesurat (1927) de Julien Green, Adrienne tue son dictateur de père en le poussant accidentellement dans les escaliers. Dans le film « Prisonnier » (2004) d’Étienne Faure, le petit viol est presque excusé par l’existence d’un plus grand viol dont le protagoniste n’est pas responsable : en effet, Julien séquestre son amant Tom dans son grenier afin de le protéger de la police, « par amour ». Dans le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, les deux amantes provoquent l’attaque cardiaque accidentelle du despotique botaniste. Dans le film « Les Diaboliques » (1955) d’Henri-Georges Clouzot, le couple de lesbiennes est à la fois victime et bourreau de l’homme qu’il veut éliminer. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo Nathan euthanasie son amant Sean, puis ensuite pleurer son geste.

 

Le héros homosexuel décide d’imiter son violeur, et de le violer à son tour, en baptisant leur relation d’« amoureuse ». Comme s’ils étaient tous les deux quitte ! Leur union serait « égalitaire dans la violence », ré-équilibrée par le viol : « Entre la baffe qu’elle m’a donnée et ce titre de transport que je n’ai pas payé, qui de nous deux est la débitrice ? » (la narratrice lesbienne dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 49)

 

Par exemple, dans le roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, Ednar, le héros homosexuel faisant son service militaire, décide volontairement de coucher trois fois avec Octave, son violeur d’adolescence, pour réparer une ancienne souillure par une domination inédite sur ce dernier : « Je ressentais ce désir comme une sorte de revanche pour satisfaire égoïstement ma propre libido. » (p. 92)

 

Et quand son amant ne lui a rien fait, le violeur homosexuel décide de le punir de sa fragilité, de sa complicité à se laisser dominer par lui. Le pire, c’est que dans toute sa schizophrénie, il trouve le moyen de s’auto-victimiser pour nier qu’il fait le mal. Il ne viole pas par gaieté de cœur, vous comprenez… Il fait ça par « sacrifice d’amour », parce que c’est sa victime qui le lui aurait demandé… : « Cette folle perverse rêve depuis des années d’être tuée, elle est à la recherche d’un assassin, voilà : elle l’a trouvé : c’est moi. » (le narrateur homosexuel parlant de Mme Audieu, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 110) ; « Tu m’as forcé à faire ça ! » (Steeve juste avant de poignarder mortellement Vincent, son amant d’un soir, dans le film « Cruising », « La Chasse » (1980) de William Friedkin) Ou bien il survalorise l’individu qu’il a violé, en lui inventant une liberté, une maturité, un consentement, un désir, une liberté et des sentiments qu’il n’a vraisemblablement pas (genre : « Il n’ose pas me le dire, mais je suis persuadé qu’il a aimé ça ! Je suis sûre qu’il est fou de moi… » ou « Il est très mûr pour son âge ; et puis en plus, il était d’accord ! ») : « Contre toute attente, la bergère se prit entièrement à ce qu’elles [= le couple lesbien violeur] faisaient et devint, selon ce que disaient les amies de ma cousine, une partenaire aussi réceptive qu’audacieuse. […] À leur grande surprise, elles la virent, alors qu’elles étaient déjà très loin, faire de gentils gestes de la main pour leur dire au revoir. […] Les deux amies considéraient par ailleurs leur action comme une initiation et nourrissaient le souhait caché que les autres femmes se convertissent, espérant ouvrir leur esprit, les libérer des conventions et des contraintes qui trop longtemps les avaient enfermées. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 108-110)

 

Par exemple, dans la pièce Ma première fois (2012) de Ken Davenport, l’héroïne lesbienne dit que les cris de résistance de sa copine (« Arrête, lâche-moi !!! ») quand elle la viole amplifient son désir et l’encouragent à poursuivre : « Ça, ça me fait bander comme un cheval ! » Elle finit par projeter sur son amante son propre désir/amour éjecté : « J’suis sûre qu’elle a adoré sa première fois même si elle prétend le contraire. »

 

La « correction » du violeur homosexuel se pare souvent des meilleures intentions (solidarité, lutte contre l’homophobie, défense de l’amour homosexuel, etc.). C’est la raison pour laquelle il ne se voit même pas déraper. Par exemple, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, les amants Georges et William tapent sur Pierre l’hétérosexuel, et essaient de l’approcher, de le provoquer physiquement (par rapport à une homosexualité supposée latente chez lui). Georges lui fout une baffe, et ça finit en bagarre que les lamentations théâtrales d’Adèle, la « fille à pédé » pleureuse internationale, viennent miraculeusement éteindre en jetant tout de même toute la faute sur la soi-disant « homophobie » de Pierre.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le violeur homosexuel : légende ou réalité ?

Dans nos civilisations contemporaines, une rumeur causalisant le lien entre homosexualité et viol circule autour des personnes homosexuelles ou de l’homosexualité en général. Il suffit d’écouter le mythe des violeurs d’enfants (les « enculeurs d’adolescents », comme diraient Jacques de Guillebon et Falk Van Gaver, dans leur article « Voie sans issue » de la revue Nouvelles de France, en août 2012) développés par quelques tribuns du FN, réac’ gauchistes et autres ecclésiastiques de la droite évangélique américaine : « Que faisons-nous contre ces hommes qui violent nos enfants ? » (le parlementaire David Baati dans le documentaire Ouganda : au nom de Dieu (2010) de Dominique Mesmin)

 

Il n’y a pas que les personnes hétérosexuelles qui présentent les personnes homosexuelles comme des « obsédés sexuels » et des « pervers ». La mauvaise réputation provient aussi et surtout des individus homos eux-mêmes, même si elle prend tantôt le visage sexiste de la misandrie (beaucoup de femmes lesbiennes prennent les hommes gays pour des violeurs, parce qu’ils ont le malheur d’être nés « mâles »…), tantôt celui de la misogynie (beaucoup d’hommes gays voient les femmes comme des tigresses et des prédatrices sublimes), tantôt celui de la peur de la sexualité, de la phobie de la génitalité, de l’effroi amoureux, voire de l’auto-parodie cynique. Je ne citerai à ce titre qu’un seul exemple parlant : l’ouvrage Trois milliards de pervers : grande encyclopédie des homosexualités (1973) de Félix Guattari et Guy Hocquenghem. Dans la programmation du festival de cinéma gay & queer Chéries-Chéris édition 2013 au Forum des Images de Paris, il y a une nuit consacrée aux « serial killers et killeuses ». Et je vous renvoie aux codes « Liaisons dangereuses », « Viol », « Prostitution » et « Femme-Araignée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

J’ai entendu par exemple des amis homosexuels/bisexuels qui m’ont avoué que lorsqu’ils avaient couché avec des femmes, ils avaient eu l’impression de les violer. On retrouve cette idée dans l’autobiographie Un Homo dans la cité (2009) de l’animateur radio homosexuel Brahim Naït-Balk : « Alors que j’avais déjà 25 ans et que j’étais toujours vierge, plus par désespoir que par désir j’ai répondu aux avances d’une collègue éducatrice. Elle me draguait depuis un moment et je la fuyais. Un soir de réveillon du jour de l’An, nous nous sommes retrouvés dans une chambre du foyer et je me suis lancé. C’était horrible, je me suis forcé à la pénétrer, sans préliminaires. J’ai eu l’impression de la violer. Tout de suite après, je l’ai fuie comme un voleur. » (pp. 40-41)

 

En amour homosexuel aussi, j’ai entendu à de nombreuses reprises mes amis me décrire en privé leur initiation sexuelle ou leur propre partenaire amoureux comme un violeur (cf. je vous renvoie aux codes « « Première fois » », « Viol » et « Amant diabolique » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Par peur ou fantasme de donner crédit à cette croyance populaire au lien de causalité viol/homosexualité (pas totalement infondée non plus, car le désir homosexuel et les actes qu’il implique sont par nature semi-sincères semi-violents), certains individus homosexuels prennent l’image du violeur homosexuel pour une vérité sur eux-mêmes, pour un ordre et un modèle. Ils intériorisent alors le fantasme de violer vraiment : « Pour moi, le viol, avant tout, a cette particularité : il est obsédant. J’y reviens tout le temps. […] J’imagine toujours pouvoir un jour en finir avec ça. […] Impossible. Il est fondateur. De ce que je suis en tant qu’écrivain, en tant que femme qui n’en est plus une. C’est en même temps ce qui me défigure, et ce qui me constitue. » (Virginie Despentes, King Kong Théorie (2006), p. 53) ; « Étant donné qu’il m’arrivait de m’occuper d’enfants, j’étais obsédé par la crainte qu’ils me soupçonnent de pédophilie. C’était absurde, mais je ne pouvais m’empêcher d’y penser. » (Brahim Naït-Balk, l’animateur radio qui ne cache absolument pas son attirance pour les jeunes garçons, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 65) ; « Je veux faire des films qui rendent les spectateurs fous, qui les poussent à commettre un meurtre. » (le réalisateur Hisayasu Sato) ; « J’y suis allé pour avoir du sexe avec les hommes. C’est la première chose que j’ai faite. Donc ce gars avec qui j’avais chatté un temps sur Internet était de Flint, dans le Michigan. C’est là-bas que j’ai perdu ma virginité. La capitale mondiale des assassinats, c’est de notoriété publique [rires] [. [ » (Dan, homme homosexuel, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check) ; etc. Par exemple, en 1971, la féministe Susan Griffin frappe l’opinion publique en déclarant qu’elle « n’a jamais pu se débarrasser de la peur du viol ».

 

Certains auteurs homosexuels, par leur sacralisation des méchants de dessins animés, des dictateurs et des Grands Hommes, montrent, certainement à leur insu, une fascination pour le violeur (cf. je vous renvoie aux codes « Se prendre pour Dieu », « Se prendre pour le diable », « Homosexualité noire et glorieuse », « Liaisons dangereuses », « Homosexuel homophobe », « Couple criminel », « Super-héros », et à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Je suis un chasseur ! Pas un gratte-papier. J’aimerais être de ceux qui visitent les appartements des opposants politiques et s’emparent de leur contenu, des livres au courrier et aux meubles, et les envoient vers Berlin. » (Heinrich, figure par excellence du voleur/violeur, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 103) Par exemple, dans son recueil de poésie Le Condamné à mort (1942), Jean Genet met le « tueur à la lourde braguette » sur un piédestal.

 
 

b) Le violeur homosexuel passe parfois effectivement à l’action :

Par malheur, il arrive que certains individus homosexuels violent vraiment. Par exemple, en 1869, l’affaire Zastrow fait la « une » des journaux. Carl Ernest Wilhelm von Zastrow (1821-1877), ancien militaire, peintre, est arrêté pour viol homosexuel. Je pense également à ce jeune violeur nantais de 18 ans (2 novembre 2016) qui ne s’attaquait qu’à des hommes. On trouve sur le garçon qui a été sa victime un anus si élargi qu’il ne peut plus retenir ses excréments. Le 5 juillet 1869, Zastrow, dans le box des accusés : « J’appartiens à ces malheureux qui à cause d’un défaut de leur nature ne ressentent aucune inclination pour le sexe féminin. J’ai souvent parlé de ça avec des hommes, qui alors m’ont traité froidement et inamicalement, de telle sorte que je me suis retrouvé seul au monde. » Le film « Darkroom – Tödliche Tropfen » (« Backroom – Drogue mortelle », 2019) de Rosa von Praunheim retrace la vie réelle de Lars, un serial killer homosexuel qui a tué cinq de ses amants, et qui avait défrayé la chronique en Allemagne en 2012. Le cas de l’Ougandais homo de 37 ans Emanuel G., qui a violé en septembre 2016 une femme dans la rue à Freising en Bavière, laisse également perplexe. Tout comme le meurtre de la petite Lola (12 ans) qu’une femme (Dahbia, 24 ans) a violée puis mise dans une malle après avoir obtenu son orgasme lesbien/pédophile, le 14 octobre 2022.

 

Cela peut commencer par la société toute entière et l’État, sous prétexte de lutte politique contre le monstre « Homophobie ». Je pense par exemple dans toutes les Gay Pride à la simulation de viol par l’exhibitionnisme agressif. Je pense aussi aux méthodes musclées et agressives d’associations comme Act Up, ou bien à des coups de folie isolés (Dernièrement, un certain Floyd Corkins, 28 ans, ancien bénévole homo au Centre LGBT de Washington, a ouvert le feu au siège d’une organisation chrétienne conservatrice, le 16 août 2012).

 

Le grand viol social peut-être précédé du petit viol homosexuel. Autre exemple : dans ce fait divers daté du 22 décembre 2016, on voit bien que l’agression homophobe s’origine sur le petit délit de larcin homosexuel.
 

Le viol se poursuit aussi sur des femmes (cf. je vous renvoie avec insistance au code « Destruction des femmes » et à la partie « Prostituée tuée » du code « Prostitution » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Le garagiste [Nacho], agenouillé près d’Ernestito, demandait pardon, pardon pour ses péchés. Il avait tué la femme, la seule qui aurait pu l’éloigner de son secret, des hommes, de son désir des hommes. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 314) Ce viol est en général exercé par deux profils de personnes homosexuelles : soit les individus homosexuels refoulés, soit à l’opposé les individus homosexuels soi-disant « homosexuellement assumés ». Et là encore, le sexe de ces agresseurs homosexuels importe peu.

 

VIOLEUR 4 Favorites

« Favorites »


 

Au départ, comme certains individus homosexuels n’assument pas l’existence du désir homosexuel en eux, il arrive qu’ils cherchent à se prouver à eux-mêmes ou à prouver à leur société leur hétérosexualité en couchant avec leur meilleure amie, en violant la « fille à pédés » ou la prostituée. Le violeur endossera alors le déguisement du faux bisexuel ou de l’hétérosexuel surfait (pléonasme). Et pour ce qui est de l’individu homosexuel qui cherche à prouver à sa société qu’il est « 100% homosexuel » et que « ça se passe très bien », l’obstination à rester conforme à son masque du coming out ou à son étiquette de « parfait mec casé en couple homosexuel » a tendance à se traduire sur la durée par une agression vis à vis des femmes, des hommes mariés et des personnes homosexuelles en général.

 

Par exemple, dans le roman Manigances (2011) de Denis-Martin Chabot, il y a le personnage du « prédateur », Julien, à l’identité sexuelle trouble, qui viole les hommes qu’il rencontre, et qui leur laisse des séquelles (l’histoire est basée sur des faits réels). Autre exemple parlant, c’est celui de Jonathann Daval, le soi-disant gendre idéal, qui a assassiné et calciné sa femme Alexia en 2017 en France, en jouant ensuite le veuf épleuré pendant la Marche blanche et l’enterrement. Il se trouve que Jonathann est homosexuel et qu’il a refait sa vie avec un codétenu en prison… nouvelle qui ne ravit évidemment pas la presse gay qui hurle à l’amalgame « homophobe » entre monstruosité et homosexualité.

 

N’en déplaise à la communauté homosexuelle, les loups sont dans la bergerie (même s’ils passent leur temps à se dire « hors milieu » !). Certains hommes et certaines femmes homosexuels violent non seulement des femmes mais aussi des hommes, et particulièrement des amants de passe ou des compagnons de vie qu’ils harcèlent parfois pendant des mois (cf. je vous renvoie avec insistance aux codes « Milieu homosexuel infernal », « Parricide la bonne soupe », « Homosexuel homophobe », « Liaisons dangereuses » et  « Amant diabolique » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). On citera ici le nom d’hommes homosexuel serial killer, funestement passés à la postérité parce qu’ils tuaient successivement leurs compagnons d’un soir (ils sévissaient dans et à l’extérieur du « milieu gay » stricto sensu) : Jeffrey Dahmer, Andrew Cunanan, Gilles de Rais, Luis Alfredo Garavito, Randy Steven Kraft, Luka Magnotta (présenté comme le « premier web killer » de notre époque), etc. Allez faire un tour sur cette page pour ceux parmi vous qui veulent frémir…

 

Le violeur des personnes homosexuels, loin d’avoir une sexualité stable et non-homosexuelle, cache son homosexualité derrière la violence d’une hétérosexualité excessivement prouvée en actes, trop assurée et travaillée : « Je connais leur rapport tordu à leur propre sexualité. […] À moins qu’ils n’aient eu eux-mêmes des tendances homosexuelles qu’ils n’osaient s’avouer. […] Ce qui, pour moi, reste un mystère absolu, c’est pourquoi ces garçons, malgré leur haine féroce pour les homos, voulaient avoir des relations sexuelles avec un gay comme moi. » (Brahim Naït-Balk parlant de ses violeurs, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), pp. 78-81)

 

Certains individus homosexuels violeurs s’en prennent à des êtres fragiles (cf. je vous renvoie aux codes « Méchant pauvre », « Prostitution », « Pédophilie », « Vierge » et « Petits morveux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) et qui donnent par leur faiblesse l’illusion d’un consentement : je pense par exemple à ce fait-divers du couple lesbien de Verdun, ainsi qu’au témoignage d’Alfred, homosexuel, qui a « violé un tapin » et que relate cet acte dans l’essai Le Viol au masculin (1988) de Daniel Welzer-Lang (cet ouvrage a beaucoup d’intérêt dans la mesure où l’auteur a eu l’intelligence de choisir d’interviewer non seulement des victimes masculines de viol mais aussi des agresseurs, jadis victimes).

 

Je vous signale au passage cet article destiné à ceux qui me soutiennent que l’homosexualité n’a rien à voir avec ce que nous vivons (crise, terrorisme, islamisme, transhumanisme, attentats d’Orlando ou de Nice, etc.), qu’ « il n’y a pas que ça dans la vie », et que le fait que j’en fasse le centre des débats sociétaux serait le signe de ma « monomanie narcissique homosexuelle »… D’aucun vont se servir de ce qu’ils identifient comme une bizarrerie paradoxale ou minoritaire, pour affirmer haut et fort qu’il faut encore plus faire son coming out et encore plus pratiquer son homosexualité. Quand tout le monde la réduit à un refoulement d’homosexualité, moi, je dis que l’homophobie est à la fois refoulement et surtout pratique et identité « assumées » d’homosexualité.
 

Pourquoi les personnes homosexuelles ont tellement de mal à reconnaître l’existence du lien non-causal entre homosexualité et pédophilie, par exemple ? Parce qu’il les renvoie parfois au douloureux (et enjolivé… par stratégie de survie !) souvenir de leur initiation au plaisir (homo)sexuel par leur violeur, qui s’est présenté à eux comme un guide, un père bienveillant, un amant protecteur.

 

Le violeur tient exactement le même refrain d’indifférence de la sacralisation du « consentement mutuel » et de l’absence de bien ou de mal : « Pour ma part, je me suis fait une règle de ne pas juger la sexualité des autres ; tant que ça se passe entre adultes conscients et consentants, je pense que rien de mal ne peut se faire. » (Voir sur ce lien)

 

D’autres personnes homosexuelles violent en se cherchant un partenaire sexuel plus « fort » qu’elles. Elles deviennent violeurs par omission en quelque sorte, par amant interposé, en se plaçant en victimes, parce qu’elles appellent leur pair « actif » à les pénétrer et qu’elles l’engagent à obéir à leur mise en scène de viol dont elles seraient les héros « passifs ». J’ai en tête plein de récits d’amis homosexuels qui ont forcé leur partenaire sexuel à les violer au lit parce que « ça les excitait ». « Je rêve d’être kidnappé, attaché, offert, je rêve d’être à la merci. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 55) Oui, détrompez-vous si vous doutez de ce que j’écris là. Le violeur homosexuel n’est pas forcément le « dominant » !

 

Le rôle du violeur homosexuel n’est pas nécessairement porté par celui qu’on attend. On se trompe en beauté si on pense que le violeur homosexuel ne peut être que l’individu adulte (à partir de la quarantaine, environ), masculin, bear ou butch, « actif » sexuellement, adepte des pratiques sado-maso, 100% méchant et malveillant. J’ai vu des hommes et des femmes homosexuels, en apparence innocents, conformes physiquement aux canons de la mode de leur sexuation biologique originelle, parfois jeunes et pimpants, jouant les fragiles, homosexuels dits « assumés », sincères et « amoureux », frapper quand on s’y attendait le moins ! N’oublions jamais que tout être humain est profondément libre, donc ni « victime à vie », ni « bourreau à vie »… Autant nous pouvons assurer que tout bourreau a été victime, autant on ne pourra jamais dire que toute victime sera plus tard bourreau… et heureusement ! (Merci la résilience !) Or ceux qui l’oublient, afin de diaboliser les violeurs et béatifier les victimes de viol, sont en général des gens qui violent aussi, qui suppriment la liberté humaine en causalisant/per le viol.

 

Pour vous donner un exemple très parlant, je me trouvais un jour aux studios de la radio RFPP à Paris, pour animer, comme chaque lundi, l’émission Homo Micro aux côtés de Brahim Naït-Balk et de quelques chroniqueurs. C’était le 20 décembre 2010. Fabien, le « chroniqueur santé » (jeune, beau gosse, raffiné, en couple assumé et discret, visiblement plutôt passif sexuellement), a avoué ouvertement à l’antenne que l’un de ses fantasmes sexuels secrets était de « violer une femme ». Quand il a prononcé cette phrase hallucinante (que personne n’a relevée, sauf moi évidemment… et Sylvain, le chroniqueur de la « revue de presse », qui m’a instantanément fixé droit dans les yeux, bouche bée, en étant sur le point de dire en me pointant du doigt : « C’est fou… Ce fantasme de viol chez les homos, c’est exactement ce qu’a décrit Philippe dans des émissions précédentes ! Avait-il finalement raison ?!? »). Je pense, connaissant Fabien, que ce n’était de sa part que l’expression d’un fantasme non-actualisé (j’ose espérer, et je n’en doute pas, car ce garçon est l’exemple même de la mesure et de l’homosexualité clean). Mais en revanche, ce fantasme doit être certainement actualisé par des personnalités moins équilibrées que Fabien, et de manière beaucoup plus répandue qu’on ne le croit dans la communauté homosexuelle. Ce n’est pas pour des prunes que j’écris noir sur blanc dans mes essais que le désir homosexuel est par nature le signe d’un viol parfois réel ou en tous cas un fantasme de viol (dans le double sens de l’expression : fantasme de violer ou/et fantasme de violer).

 

J’ai remarqué que les vrais violeurs homosexuels pouvaient être aussi bien sur-virils qu’hyper efféminés (Récemment, j’en ai croisés trois parmi mes connaissances homosexuelles lointaines – des hommes entre 25 et 35 ans – qui peuvent se montrer non seulement menteurs et langues de vipère, mais aussi menaçants et incontrôlables). Ils ont le visage crispé du sadomasochiste. Et je ne souhaite à personne de se retrouver nez à nez avec leur hystérie schizophrène inattendue…

 
 

c) Comment le sujet homosexuel en arrive-t-il à passer à l’acte odieux ?

VIOLEUR 5 Inconnu Nord

Film « Strangers On A Train » d’Alfred Hitchcock


 

Triste et désarçonnant constat : le violé devient parfois violeur. Par exemple, Diane de Margerie évoque le « désir d’agression » inhérent à la personnalité du romancier japonais Yukio Mishima (Correspondance 1945-1970 (1997), p. 22).

 

De récentes études canadiennes de criminologie prouvent qu’un des grands facteurs aggravants de récidive des viols est l’agression entre personnes de même sexe ; par exemple, les incarcérations en cas d’inceste ou de pédophilie entre personnes des sexes différents sont plus rarement répétées (sources données par le pédo-psychiatre Vincent Rouyer).

 

Force est de reconnaître qu’il existe très souvent un ambigu rapport idolâtre d’attraction-répulsion, d’imitation (involontaire ?), d’amour, entre la victime et son agresseur. Le désir d’être violeur a pu être précédé par le désir d’être violé (cf. je vous renvoie évidemment la partie « Désir de viol » du code « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) :

 

« Coco [travesti M to F], à la sortie de la gare, indiqua une pissotière.

– ‘Celle-là fonctionne très bien. Des mecs à perdre la tête. Maintenant, une fois sur deux, on te vole ou on te tue.

Mais on te viole d’abord au moins ? s’inquiéta Paquito.

Oui, parfois », le rassura Coco en souriant avec sa dentition canine impeccable. »

(Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 94)

 

Pourquoi ne parle-t-on quasiment jamais des violeurs homosexuels réels ? Parce qu’en cas d’agression, en général, le violeur, pour jouer au dur, cache son orientation bisexuelle ou homosexuelle qui le désignerait comme faible, blessé ou semblable à sa proie : « La plupart des agresseurs auraient tendance à se définir comme hétérosexuels exclusifs et s’avèreraient, de surcroît, homophobes » (p. 108) explique Michel Dorais dans son essai Ça arrive aussi aux garçons (1997). Et dans leur naïveté, la plupart de leurs victime croient leurs violeurs sur parole, validant intérieurement ainsi la possibilité de s’affirmer elles-mêmes homosexuelles par réaction d’opposition, par réflexe de survie : « La plupart des agresseurs sont décrits par leurs victimes comme étant ou s’affirmant d’orientation hétérosexuelle, quelquefois bisexuelle, très rarement homosexuelle. » (idem, p. 73)

 

Aussi incompréhensible que cela puisse paraître, certaines personnes homosexuelles sont fascinées par leur violeur et justifient le viol : « Les violeurs, loin d’être des monstres ou des fous mus par une pulsion sexuelle irrépressible, sont des hommes normaux ayant parfaitement intégré les modèles érotiques. » (Daniel Welzer-Lang, Le Viol au masculin (1988), p. 23) ; « Il croyait que j’avais peur. Ce qu’il me proposait m’allait très bien. […] Je me sentais bien, bizarrement bien, et je ne luttais pas contre ce bien-être. » (Abdellah Taïa parlant de son violeur, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), pp. 15-17) ; « J’aimais Chouaïb. À présent, je l’admirais. » (idem, p. 26) ; « Il ne faut pas punir J. » (Gilles justifiant son violeur, dans l’essai Le Viol au masculin (1988) de Daniel Welzer-Lang, p. 177) ; « J’ai été victime d’un viol à Marseille, tard dans la nuit. Je n’aime pas le simplisme d’un certain féminisme qui déclare que tout viol est une chose atterrante… Je serai même assez affreux pour dire que je l’ai bien vécu… C’est-à-dire que j’ai compris de quelle misère était fait cet Arabe qui m’a coincé dans un coin. C’est comme si c’était une mauvaise drague qui avait mal tourné. Je n’ai pas porté plainte contre lui. Non, j’ai causé avec lui. On est même allé boire un verre après (rire)… J’ai offert une bière à mon violeur. » (idem, pp. 182-183)

 

Il arrive que l’individu homosexuel cherche à imiter son violeur, et qu’il décide de le violer à son tour, en baptisant leur relation d’« amoureuse ». Comme s’ils étaient tous les deux quitte ! Leur union serait « égalitaire dans la violence », ré-équilibrée par le viol et une « bonne correction », en commémoration du passé : « Il fallait, à tout prix, que je me persuade, que j’étais l’homme au même titre que le père Basile [le prêtre pédophile qui l’a violé] ou mon initiateur et que, partant de ce principe, je pouvais jouer le rôle du preneur. » (Berthrand Nguyen Matoko, très longtemps strictement « passif » sexuellement, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 119) Il y a comme une conjuration trouvée dans la reproduction du viol : « Je suis arrivée au pensionnat à l’âge de 14 ans. J’étais très naïve. Et je me suis retrouvée très tôt face à ces problèmes. Et j’ai été choquée. Il ne se passait que ça autour de moi, et je ne voulais pas le voir. Et j’en étais choquée. Depuis la surveillante qui couchait avec la surintendante, jusqu’aux élèves qui partageaient ma chambre, il n’y avait que ça autour de moi. J’étais la seule à ne pas être informée et à ne pas trouver que c’était épouvantable. Je me suis d’autant plus braquée que je sentais confusément en moi une attirance. Mais je voulais absolument la nier. » (Germaine, femme lesbienne suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta)

 

On retrouve à ce titre la reproduction du schéma violeur/violé chez beaucoup de couples homosexuels existants (la tapette/le moustachu ou l’actif/le passif du côté des hommes gays ; la fem/la butch du côté des femmes lesbiennes) : « masculin = actif = violeur = pénétrer = appropriant = dominant ; féminin = passive = violée = dominée = trou = appropriée » (Daniel Welzer-Lang, Le Viol au masculin (1988, p. 196)

 

Même si ce n’est absolument pas systématique, certaines personnes homosexuelles peuvent parfois reproduire le viol qu’elles ont jadis subi. Par exemple, dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, de nombreux témoignages (qui par ailleurs remettent en cause l’adage « Qui a été abusé abusera ») illustrent que des jeunes hommes jadis violés ont violé à leur tour : « Dès qu’ils sentent qu’ils peuvent être les plus forts, certains garçons victimes d’agressions physiques ou sexuelles vont tenter de rejouer la même scène traumatique à leur tour, en inversant les rôles. » (pp. 57-58) C’est parfois avec horreur que certains individus homosexuels découvrent qu’ils peuvent reproduire inconsciemment ce que pourtant ils ont détesté chez leur agresseur, comme c’est le cas de Denis, 31 ans, victime d’abus à l’âge de 8 ans, et qui a abusé de son petit cousin une fois arrivé à l’âge adulte : « D’avoir abusé de quelqu’un, c’est encore ça le plus gros, même aujourd’hui. Plus que l’abus que j’ai subi. » (Denis, idem, p. 160). Un autre témoin homosexuel, Paul parle d’« imaginer, fantasmer le viol, quand il prend quelqu’un en stop. Des fois. La discussion sur les dangers du stop… » (idem, p. 186).

 

À Liège (Belgique), en juillet 2012, Raphaël Wargnies, 35 ans, a assassiné à coups de marteau un homme dans un jardin public. Interpellé aussitôt, il a reconnu les faits, et a expliqué avoir été violé par un homosexuel dans le même parc un an plus tôt, à l’été 2011. Aux États-Unis, le 26 août 2015, Vester Flanagan, 41 ans, a tué la journaliste Alison Parker, 24 ans, et son caméraman Adam Ward, 27 ans, alors qu’ils intervenaient en direct dans le cadre d’une émission matinale de la chaîne WDBJ7. Flanagan a lui-même filmé la tuerie avant d’en poster des extraits sur les réseaux sociaux, en soutenant qu’il avait été discriminé en raison de sa couleur de peau et de son orientation homosexuelle. Poursuivi par la police, il s’est suicidé quelques heures plus tard.

 

Et quand son amant ne lui a rien fait, le violeur homosexuel décide parfois de le punir de sa/leur fragilité, de sa complicité à se laisser dominer par lui. Le pire, c’est que dans toute sa schizophrénie, il trouve souvent le moyen de s’auto-victimiser pour nier qu’il fait le mal. Il ne viole pas par gaieté de cœur, vous comprenez… Il fait ça par « sacrifice d’amour », parce que c’est sa victime qui le lui aurait demandé… Ou bien il survalorise l’individu qu’il a violé, en lui inventant une liberté, une maturité, un consentement, un désir, une liberté et des sentiments qu’il n’a vraisemblablement pas (genre : « Il n’ose pas me le dire, mais je suis persuadé qu’il a aimé ça ! Je suis sûre qu’il est fou de moi… » ou « Il est très mûr pour son âge ; et puis en plus, il était d’accord ! ») : « Les despotes n’exigent pas seulement qu’on leur obéisse corps et âme. Ils exigent aussi d’être aimés de ceux qu’ils brisent. » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), p. 160) L’enfer est pavé de bonnes intentions amoureuses. N’oublions jamais.

 
 

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Code n°182 – Voleurs

voleurs

Voleurs

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

Entre voleur et violeur, qu’une lettre de différence…

 

C’est très curieux, cette propension des personnages fictionnels homosexuels à se définir comme des « voleurs » juste après avoir découvert en eux une homosexualité, ou bien suite à leur tout premier « passage à l’acte homosexuel ». En apparence, ils n’ont rien volé de matériel. Du moins, avec leur amant, ils essaient d’être un minimum honnêtes et gratuits… même si le vol – très proche phonétiquement du viol… et pour cause ! –  arrive aussi au sein de « l’amour » homosexuel dit « classique » (amants se laissant entretenir/corrompre l’un l’autre, vol dans le contexte trouble mais très répandu de la prostitution, consommation mutuelle légitimée par le cadre de la conjugale…). En fait, ils lui ont volé plus que cela : sa beauté, son corps, son âme, sa joie de vivre, sa liberté.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Coït homosexuel = viol », « Violeur homosexuel », « Viol », « Méchant pauvre », « Amour ambigu de l’étranger », « Prostitution », « Liaisons dangereuses », « Témoin silencieux d’un crime », « Substitut d’identité », « Espion », « Couple criminel », « Voyeur vu », « Homosexualité noire et glorieuse », et à la partie sur les gigolos tueurs du code « Homosexuel homophobe », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

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FICTION

 

VOLEURS 1 ombre main

Film « Marnie » d’Alfred Hitchcock


 

On retrouve le vol dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques : cf. le film « Au voleur » (2009) de Sarah Leonor (avec Jacques Nolot notamment), le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, la pièce Betty Speaks (2009) de Louis de Ville, le film « Unveiled » (2007) d’Angelina Maccarone (avec Fariba, l’amante-voleuse iranienne), la nouvelle « Kleptophile » (2010) d’Essobal Lenoir, la B.D. En Italie, il n’y a que des vrais hommes (2008) de Luca de Santis et Sara Colaone, la chanson « Je t’aime comme je t’ai fait » de Frédéric François, la nouvelle « Le Cahier volé » (1978) de Régine Desforges, le film « Chop-Shop » (2009) de Ramin Bahrani, le roman Alí Babá Y Los Cuarenta Maricones (1993) de Nazario Luque (le terme « maricón » signifie « homo » en espagnol), le film « Dirty Love » (2009) de Michael Tringe, le film « Les Voleurs » (1996) d’André Téchiné (avec les vols de voitures organisés), le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti, le film « Hold-up à Londres » (1960) de Basil Dearden, le film « Love Is The Devil » de John Maybury, le roman Voleurs (1948) de Yukio Mishima, le film « Deathwatch » (1966) de Vic Morrow, le film « Pouvoir intime » (1987) d’Yves Simoneau, la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy (avec Sébastien l’homosexuel menteur et voleur), le film « Rien ne va plus » (1979) de Jean-Michel Ribes, le film « Un petit cas de conscience » (2001) de Marie-Claude Treilhou, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le film « Touki-Bouki » (1972) de Djibril Diop Mambéty, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec le mystérieux vol de petite cuillère en or qui est un leitmotiv de l’intrigue), le film « La Victime » (1961) de Basil Dearden, le film « Imposters » (1979) de Mark Rappaport, le film « L’Enfer d’Ethan » (2004) de Quentin Lee, le film « Gonin » (1995) de Takashi Ishii, le film « Le Chat croque les diamants » (1968) de Bryan Forbes, le roman Les Tricheurs (1959) de Françoise d’Eaubonne, le film « Cop Image » (1994) d’Herman Yau, le film « La Malédiction de la Panthère rose » (1978) de Blake Edwards, la pièce 1h que de nous (2014) de Maxime Daniel et Muriel Renaud (avec Maxime, le héros homo, voleur de tableau), le film « Jeff » (1968) de Jean Herman, le roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide (avec le vol de livre dans la librairie), le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz (avec le prostitué qui détrousse son client), la pièce Une Nuit au poste (2007) d’Éric Rouquette (avec Diane la voleuse de colliers), le film « Les Tricheurs » (1958) de Marcel Carné, le film « La Vengeance d’un acteur » (1963) de Kon Ichikawa, le film « Le Magot » (1972) de Silvio Narizzano, le film « Le Canardeur » (1974) de Michael Cimino, le film « Yolanda et le Voleur » (1945) de Vicente Minnelli, le roman Les Gangsters (1988) d’Hervé Guibert, la pièce Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig (avec le vol de livre), le film « They Made Me A Fugitive » (1947) d’Alberto Cavalcanti, le film « Le Voleur de Bagdad » (1940) de Powell et Pressburger, le film « Premières Neiges » (1999) de Gaël Morel (avec le vol à l’étalage dans le supermarché), le film « L’Homme de désir » (1969) de Dominique Delouche, le film « Les Anges du péché » (1943) de Robert Bresson, le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, le film « Taxiboy » (2001) de Veronica Chen, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, le film « Les Voleurs de chevaux » (2007) de Micha Wald, le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui (avec la lesbienne qui fait du vol à la tire), le film « La Croix du Sud » (2003) de Pablo Reyero, le film « Contradictions » (2002) de Cyril Rota, le film « Best Men » (1997) de Tamra Davis, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec le vol de portefeuille au tout début du film), le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « Le Garçon d’orage » (1997) de Jérôme Foulon, le film « Figli De Annibale » (1998) de Davide Ferrario, la chanson « L’Enfant de chœur et le Voleur » de Joan Baez, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec le vol de lettre), le film « Les Garçons » (1959) de Mauro Bolognini, le film « Tenue de soirée » (1986) de Bertrand Blier, le film « Long Island Expressway » (2001) de Michael Cuesta, le vidéo-clip de la chanson « Timebomb » de Kylie Minogue (qui vole le portable des passants) ; le film « Michael » (1924) de Carl Theodor Dreyer, le film « Chill Out » (1999) d’Andreas Struck, le film « Le Poison » (1945) de Billy Wilder, le film « Alles Moet Weg » (1996) de Jan Verheyen, le film « Alem Da Paixao » (1985) de Bruno Barreto, le film « Pasajes » (1995) de Daniel Calparsoro, le film « Le Troisième Homme » (1949) de Carol Reed, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock (avec Marnie – Tippi Hedren – la femme cleptomane… et violée), le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, le film « Gespenster » (2005) de Christian Petzold (avec la jolie voleuse), la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg, le film « Le Lézard noir » (1968) de Kinji Fukasaku, le film « Une Après-midi de chien » (1975) de Sidney Lumet, le film « Mikael » (1923) de Carl Theodor Dreyer, le début du Journal (1) (1997) de Fabrice Neaud (commençant par un vol), le film « Parisian Love » (1925) de Louis Gasnier, le film « Avant le déluge » (1953) d’André Cayatte, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland (avec le vol de voiture), le film « Le Prix à payer » (1997) de F. Gary Gray, le film « Trio » (1997) d’Hermine Huntgeburth, le film « Il était une fois dans l’Est » (1974) d’André Brassard (avec le vol de timbres), le film « Bowser Makes A Movie » (2005) de Toby Ross, etc.

 

VOLEURS 2 Roseaux sauvages

Film « Les Roseaux sauvages » d’André Téchinet


 

Il est étonnant de voir que dans certaines fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel se définit comme un « voleur » pour ne pas employer le mot fatidique « homosexuel » : « Faire comprendre à Édouard que je ne suis pas un voleur, se disait-il, voilà le hic. » (Bernard dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, p. 98) ; « Non, mais, des fois… que vous me prendriez pour un voleur ?… » (idem, p. 102) ; « Il est peut-être venu nous cambrioler. » (Giles Ralston s’adressant à sa femme Mollie à propos de Christopher Wren, le héros homo, dans la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; « Je peux pas toujours prendre sans donner. » (Louise, le personnage trans M to F, dans le téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier) ; « Je viens de Harlem. J’pourrais vous voler… » (Arthur, le personnage homosexuel, s’adressant à Dorothy qui le drague, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; « Je suis un VOLEUR ! Chuis pas un assassin ! » (Hugo, le cambrioleur gay de la série Demain Nous Appartient, dans l’épisode 274 diffusé le 22 août 2018 sur TF1) ; « Chaque jour vers l’enfer nous descendons d’un pas, sans horreur, à travers des ténèbres qui puent. Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange le sein martyrisé d’une antique catin, nous volons au passage un plaisir clandestin. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; etc. Dans le film « Les Roseaux sauvages » (1994) d’André Téchiné, François s’imagine « être un voleur » après avoir vécu sa première expérience homosexuelle. Dans le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, Tanguy est traité par son père et sa belle-mère de « voleur » (p. 255). Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antonietta accueille dans son appartement le temps d’une journée Gabriele, son voisin de pallier homosexuel. Ce dernier lui pique un bonbon quand elle a le dos tourné. Un peu plus tard, la concierge de l’immeuble, qui a vu Gabriele pénétrer dans la maison d’Antonietta, la met garde : « J’ai connu un voleur qui venait dans l’immeuble… » Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, après leur vol à l’étalage et de retour chez eux, Élisabeth et Paul, le frère et la sœur incestueux, s’entendent dire par leur gouvernante Mariette : « Quelle belle mine ! Vous êtes tout noirs ! » Dans le film « Let My People Go ! » (2011) de Mikael Buch, Ruben est qualifié de « voleur malgré lui » (cf. la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, du 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris). À la fin de son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon aborde la thématique des vols dans les hôtels : « Le cleptomane me fascine. » L’homosexualité et le vol sont fréquemment synonymes et mis sur le même plan (grammatical, sémantique, symbolique). Le personnage homosexuel semble craindre autant d’être pris la main dans le sac que d’être suspecté d’homosexualité. Dans la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1, Hugo, le héros homo de 25 ans, dit qu’il ne peut pas se passer de voler : « Le cambriolage, j’y suis accro ! » (c.f. l’épisode 260, diffusé le 2 août 2018). Il cambriole les luxueuses villas de Sète, en laissant à chaque forfait, un bouquet de fleurs en souvenir. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, le jeune héros homo de 10 ans, est arrêté pour vol de (ses propres !) lettres, lesquelles révèlent l’homosexualité de l’acteur John J. Donovan.

 
voleur dessin
 

Par exemple, dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, en même temps qu’ils entament une relation amicale renforcée qui les fait passer pour homos, les deux adolescents Vlad et Joey se font comme par hasard suspecter de vol de livres en français dans leur bahut. On découvrira qu’en réalité, c’est Ben le grand-oncle homo de Joey, qui est l’auteur du larcin. Il se dénonce bien tard, après que le pauvre Joey se soit fait engueuler sévèrement par son père et presque suspecter d’homosexualité, le temps d’un dîner tendu.
 

Dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), le Comte Smokrev, bourgeois homosexuel d’une grande perversité, vénère une sculpture, L’Hermès de Praxitèle, représentant un homme caressant un jeune homme. Il identifie d’ailleurs Pawel Tarnowski à celle-ci : « Savez-vous ce que vous êtes ? Vous êtes comme une belle et grande sculpture grecque. Un Hermès. Magnifique… mais froid comme la pierre. » (p. 302) Pawel finit par le voir comme un voleur : « Pawel lutta continuellement avec des sentiments de haine contre Smokrev, convaincu qu’il avait été volé et violé. » (Pawel Tarnowski, idem, p. 308)
 

Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, vole des fourchettes dans l’hôtel mexicain où il séjourne. Il demande malicieusement à son amant et guide Palomino : « Le vol est pire que le voyeurisme ? » Il finit par les rendre : les fourchettes lui fournissent « une excuse pour être arrêté ».
 

Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès que Rana, chauffeuse de taxi, découvre la transsexualité de sa passagère intersexe F to M Adineh, ainsi que l’argent dérobé qu’elle porte sur elle, elle l’accuse comme par hasard de vol : « T’es une voleuse ! » Plus tard, quand Rana héberge Adineh chez elle, Akram, la belle-mère de Rana prend Adineh pour un voleur : « Appelle le 110 ! Un voleur !! »
 

Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, dans la maison familiale bourgeoise des deux frères homosexuels Tommaso et Antonio, c’est l’obsession du cambriolage : les servantes, leurs parents et tous les habitants crient constamment « Au voleur ! » et vivent dans la hantise de son retour :« Le voleur est revenu ! »… sans s’imaginer que le voleur qui viendra frapper à la porte de leur famille s’appelle « double coming out ».
 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, chippe dans les magazins, s’en va des supermarchés avec des caddies. Il vole des cadeaux, et notamment un collier en bijou avec l’inscription « Mommy » dessus. Sa mère n’accepte pas ce présent (« Mon fils est un voleur. »), et son fils ne supporte ni de se voir inculpé ni de s’entendre défini ainsi (il nie, avec une mauvaise foi très violente : « Je l’ai pas volé !! »). On constate également que Steve ne se contente pas de dérober des objets : il s’attaque aussi aux personnes, et notamment à sa génitrice. « T’aimes bien quand je te chope comme ça, hein ? »
 

Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, un homme du village est flagellé pour avoir volé les vaches de Hermelinda… et ce vol est mis en parallèle avec le futur lynchage de Noé, le héros homo. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Marie décrit le « milieu homo » comme « la secte des tricheurs ».
 

Cette réputation peut correspondre à une réalité cinématographique/littéraire. Dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage (homosexuel ou pas) pratique régulièrement des vols et a la main leste. « La servante a installé une crèche sur la table de la salle à manger, avec des petits personnages en plomb dont elle avait volé près d’un millier au supermarché. » (cf. la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi, p. 68) ; « Les curieux commencent à s’agglomérer dans la boulangerie, je profite pour voler un pain au chocolat et m’éclipser. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 91) ; « Un jour je me suis décidé à voler le tricycle de ma petite voisine Lili. » (le Professeur Vertudeau dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « À l’occasion, je pique aussi… à la machine. » (cf. la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour) ; « Tu t’es déjà fait voler ? » (Steeve s’adressant à Vincent juste avant de l’assassiner, dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin) ; etc.

 

Dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, Aílin, le personnage bisexuel, est une voleuse. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, dit qu’il s’amuse à « piquer des fruits » avec sa meilleure amie Katja. Quant à l’amant de Phil, il lui vole sa boule à neige en verre quand ils étaient adolescents. Dans le film « La Maison vide » (2012) de Matthieu Hippeau, Vincent, homosexuel, pénètre dans une maison vide pour la cambrioler. Dans le film « Pigalle » (1993) de Karim Dridi, Fifi, pickpocket aux désirs troubles, vit une passion amoureuse avec Divine, transsexuel. Dans la pièce Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet, Nina la lesbienne, avant de faire partie du gang des potiches qui organise des hold-up, a exercé du piratage internet. Dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, Phillip est voleur de voitures. Dans le roman Le Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, Cyril est un dangereux pirate informatique. Dans le film « Circumstance » (2011) de Maryam Keshavarz, le couple lesbien Shirin/Atefeh vole un objet dans une voiture, puis après s’échange un baiser. Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, Sibylle Ashby vole dans la librairie genevoise d’Axel Thorpe. Dans le film « Masala Mama » (2010) de Michael Kam, le jeune fils d’un pauvre chiffonnier vole une B.D. de super-héros dans une épicerie indienne. Dans la pièce Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, Valjean vole un chandelier, un pain, des couverts de vaisselle. Dans le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler, Mary vole un bouquet de fleurs. Dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971), Irina a volé une vache au Maroc. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, presque tous les personnages sont des voleurs : Arlette vole des bouteilles d’éther, la bonne de Silvano dérobe de l’argent dans la poche de la veste de son chef, les gamins du quartier de Paranà volent les fruits du jardin de Silvano (et même son épouvantail). Dans la nouvelle « La Baraka » (1983) de Copi, Mme Ada est la voleuse de diamants et des bijoux de la Couronne d’Angleterre. Dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, le héros vole une saucisse à l’âne au café-épicerie, une cousette de luxe chez le teinturier, une pastèque au marché, une batterie et la roue d’une bicyclette dans la rue, un bidon de sardines, de la confiture de lait, et son détergent-mains-douces à doña Celestina. Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, la bonne vole les bas de soie de China. Dans La Pyramide ! (1975) de Copi, la Princesse vole l’arbre des Jésuites, la voiture du Rat, et tous les personnages de la pièce tentent en vain de voler la Vache sacrée. Dans le roman La Cité des Rats (1979), Emilio Draconi aurait, selon les journaux, « étranglé sa mère pour lui voler sa pension de divorcée » (p. 71). Dans le one-woman-show de Mado fait son show (2010) de Noëlle Perna, le personnage du gay dépressif vole du sparadrap à Mado la Niçoise. Dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, Fabio vole son blouson à Miriam/Lukas, l’héroïne transsexuelle F to M, qu’il cherche à draguer en pensant que c’est un homme. Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire décrit « l’aplomb qu’il a depuis qu’il a commencé à voler » : « le fait d’être voleur, poète, assassin » semble lui donner des ailes ! Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne, la fille à pédés, avale un bracelet pour passer le contrôle de la bijouterie sans se faire repérer. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, chipe dans les supermarchés. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Jean et Henri, le couple homo criminel, détrousse un client-amant de Jean dans les toilettes de la gare. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, tous les personnages homosexuels volent dans les magasins : même Davide, le jeune héros gay, apprend vite, en piquant des disques. Meri, voyant un Davide réticent dans le supermarché, lui demande : « Pourquoi tu fais cette tête ? Tu n’as jamais volé ?? » Et pour le chef du gang gay des prostitués voleurs, Wonder, ça tombe sous le sens : « Pourquoi tu ne vas pas voler, comme tout le monde ? » Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François propose à son amant Thomas de « voyager cet été avec la carte bleue [de ce dernier] » et chante la chanson de Desireless « Voyage voyage ». Sans l’en avertir, il leur a acheté un voyage à Bali. Dans la série Demain nous appartient (2017) de Frédéric Chansel diffusée sur la chaîne TF1, les héros homosexuels lesbiens sont fréquemment voleurs ou suspectés de vol : Joachim reproche à Séverine, qui lui a fait un enfant dans le dos pour son couple lesbien, de lui avoir « volé sa paternité » ; quant à la jeune Sara, lesbienne, elle vole des moteurs de bateau.

 

Le vol est un acte qui rapproche l’Homme de la bestialité. Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, par exemple, le rat vole un timbre vert à la dame du tabac, une boucle d’oreille volée au super-market ; les abeilles volent des gouttes de nectar du saule. Dans le roman La Cité des Rats (1979), le perroquet vole les alliances des amiraux Smutchenko et Smith (p. 113), et les boutons de manchette de l’archevêque. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Nono et Stef ont braqué un supermarché… Vivi veut y retourner avec eux. Norbert aussi. Par ailleurs, le rapport sexuelle sado-maso entre Vivi et Norbert se transforme en simulation de hold-up.

 

Il est d’usage que le personnage homosexuel se qualifie fièrement de voleur. Il agit sans faire de distinction sociale ni de personne : qu’il soit riche ou pauvre, il déleste n’importe qui de plus fortuné ou de plus pauvre que lui. « Moi, le voleur, moi le traître. » (la voix narrative du roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, p. 111) ; « Petit voleur par nécessité, assassin par vocation, ma route est toute tracée. » (Lacenaire à Garance, dans le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné) ; « Je suis cleptomane. » (Marcel, un des héros homos de la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Je suis un chasseur ! Pas un gratte-papier. J’aimerais être de ceux qui visitent les appartements des opposants politiques et s’emparent de leur contenu, des livres au courrier et aux meubles, et les envoient vers Berlin. » (Heinrich dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 103) ; « Ce saucisson, je l’ai volé aux domestiques. » (Micheline dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Va falloir que je vole une poule ! » (Largui dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi) ; « Essaie de voler quelques légumes ! » (la Reine à la Princesse dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Mais un jour viendra, je n’escroquerai plus. » (Kévin dans le spectacle musical Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte) Bob, le gourou de la cour des miracles du film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, déclare que « le vol est sa vocation ».

 

Il est curieux de voir que très souvent, le personnage homosexuel s’identifie au dieu des commerçants, des voyageurs, et des voleurs : le dieu Mercure (ou Hermès). « Un jet de semence issu de la verge du mari fusa en une parabole lactée au pied de la pauvre épouse, tel un Mercure ailé dont le message était transparent. » (cf. la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 61) ; « Hermès aux tendres pieds ! » (cf. le poème « Le Condamné à mort » (1942) de Jean Genet) ; « Il fixa des yeux une tache sur son buvard. […] C’était une tache d’une forme bizarre qui fait songer à l’ombre d’une main sans pouce. […] Cela ressemblait à une main de voleur, mais de voleur qui eût volé autre chose que de l’or. ‘Un voleur de vent’, murmura Fabien. Et plus haut il répéta : ‘Voleur de vent, voleur de vent. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 29) ; etc. Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Jules, un des héros homos, avoue sa passion pour Mercure (Hermès) : « Je l’aime, ce dieu-là. Tu sais, c’est aussi le patron des marchands et des voleurs. » Dans la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou, Érik Satie affirme qu’il a le projet d’écrire un nouveau ballet appelé Mercure. Le roman Heraclés (1955) de Juan Gil-Albert traite également d’homosexualité. À ce propos, pour la petite histoire mythique, il n’est pas anodin, concernant le lien entre homosexualité et viol, que le fils d’Hermès et d’Aphrodite se prénomme « Hermaphrodite » !

 

Hermès, le dieu d’amour aérien, « volant » dans tous les sens du verbe, apparaît dans le film « Victor Victoria » (1982) de Blake Edwards. Après la nuit d’amour avec Toddy le héros homosexuel, le jeune et beau Richard se lève discrètement du lit « conjugal » pour s’habiller et dérober quelques billets dans le portefeuille de son amant. Toddy se réveille juste à ce moment-là, et le voit faire sans résister :

Toddy – « C’est pour le taxi ?

Richard – Non, c’est pour régler des factures.

Toddy – Laisse-m’en pour le petit-déjeuner.

Richard – Toddy, tu me crois vénal ?

Toddy – Non. Sans scrupules.

Richard – Tu en as eu pour ton argent.

Toddy – On en a eu tous les deux pour mon argent.

Richard – Écoute, Toddy, si t’es pas content…

Toddy – Je ne le suis pas… Mais je citerai Shakespeare : ‘L’amour ne voit pas avec les yeux mais avec l’imagination… Aussi le dieu ailé est-il aveugle’. »

 

Le verbe « voler » prend un double sens : planer dans les airs et dérober un objet. Comme si on essayait inconsciemment de nous parler de la violence de l’irréel, de la violence potentielle des fantasmes. « Que les voleurs volent » (l’un des deux héros de la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès) ; « Ce serait bien que mon nouveau voisin me fasse voler comme dans Titanic… » (Bernard, l’un des héros homos de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; etc. Par exemple, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi, quand le Vrai Facteur dit à Jeanne qu’il « va voler un peu », celle-ci lui répond « Chacun ses tendances ». On retrouve la polysémie du verbe « voler » dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi. Dans le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné, on fait comprendre implicitement au spectateur qu’aller voler ensemble, c’est s’unir en amour homosexuel : « Ça te dirait de voler ? » (Medim à Manu) Dans le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine, l’amour homosexuel est toujours placé sous le signe du vol : la première fois que Bruno rencontre Fabrice, c’est dans une église, quand il l’aperçoit en train de voler des cierges ; plus tard, il le pourchasse avec insistance car Fabrice lui a volé son portefeuille. Et on finit par les voir tous les deux suspendus en l’air par une grue (cf. le titre du film).

 

Il arrive aussi que le personnage homosexuel soit qualifié de voleur. « Tu m’as appris à voler, à tuer. » (Scarlett au très homosexuel Baron Lovejoy de la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « Ça va pas, l’or est à moi ! Ah, la voleuse ! » (Loretta Strong à Linda dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi) ; « Vous, les gouines, et les femmes toutes, qui venez mettre le nez dans les affaires du quartier, vous êtes des vrais gangsters ! […]Vous nous chantez des chansons pour met’ les pauvres à l’Hospice, les voleurs dans les prisons, les Arabes en Arabie et garder tout le pognon ! » (Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Vous êtes tous des voleurs ! » (Don Cristóbal dans la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1935) de Federico García Lorca) Dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, doña Celestina surnomme Raulito « la voleuse », en le féminisant ; et le couple homo Raulito et Cachafaz sont sans cesse traités de « pillos » (= coquins, voleurs) par leur entourage. Dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, Steven, le héros homo, fait de l’arnaque sa spécialité, au point que son ex-femme Deborah ironise : « Être homo et arnaquer les gens, ça va ensemble, ou… » Dans le film « Piano Forest » (2009) de Masayuki Kojima, Kimpira traite Kai de « voleur ». Dans le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier, François est accusé de « vol » (autrement dit de plagiat) des articles de la revue Travelling. Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy efféminé avec son monocle, vole des cadres chez Marguerite.

 

Souvent, c’est plutôt le personnage travesti ou transsexuel, qui vole. « Gigi lui [Le prince Koulotô] prit le portefeuille dans sa poche intérieure; une liasse de billets de 500 francs roula sur le trottoir. Les deux vieux travelos se précipitèrent pour la ramasser, la mirent dans un de leurs sacs et coururent jusqu’à l’angle de la rue des Martyrs. » (cf. la nouvelle « Les vieux travelos » (1978) de Copi, pp. 88-89) ; « On les [les folles] invite chez Régine où elles voleront un manteau de vison et rosseront le videur. Et Marilyn règne sur tout ce monde. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 36) ; etc. Par exemple, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, ce sont les deux travestis clochards Mimi et Fifi qui effectuent la plupart des larcins. Dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud, le vol semble être la spécialité de Marina, le personnage travesti : il vole le portable du gardien, puis son ordi, et chipe le briquet de François. Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Strella le trans, avec la complicité de son camarade gay Alex, vole des fringues chez Zara et des objets dans les grands magasins. Dans la comédie musicale Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stephan Druet, Zulma, la grand-mère travesti, vole à l’étalage pour sustenter son petit-fils transsexuel Roberto et sa fille Alba : « Je volais tout. » Dans le film Gun Hill Road (2011) de Rashaad Ernesto Green, les vols et les crimes du père, Enrique, font miroir à la transsexualité de son fils M to F Michael.

 

Il arrive par ailleurs que le personnage homosexuel se fasse voler un objet et soit victime d’un vol : « Mon mouchoir, on me l’a volé. » (Cherry dans la pièce La Star des Oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « J’ai jamais eu de chance avec les p’tits copains. J’ai toujours été spolié. […] Fabrice s’est tiré avec la caisse. Plus rien. Une princesse déchue. » (Jeanfi, le steward homo, racontant comment il est sorti avec un certain Fabrice, un « escroc qui l’a ruiné après lui avoir fait vivre une vie de « princesse » dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; etc. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Silvano se fait piquer son revolver ; la tireuse de sorts se fait prendre ses poules ; Arlette se fait voler son sac au théâtre (… ce qui ne l’empêchera pas de voler à son tour). Dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971) de Copi, le dossier d’Irina Simpson est volé. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, l’un des héros bisexuels, se fait voler sa bicyclette. Dans la pièce Le Frigo (1983), « L. » se fait voler son chéquier par sa mère. Dans le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie, Armand, homo, s’est fait piquer 200 euros par 4 jeunes. Dans le film « Consentement » (2012) de Cyril Legann, Anthony, le garçon d’hôtel, se venge du client qui a voulu le torturer sexuellement : il le vole, lui prend son code de carte : « J’pense que pour le prix, tu mérites au moins de te faire enculer. » Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Greg, le héros homo, s’est fait vider son compte en banque par Igor, son amant qui lui a piqué sa carte de crédit : « Qu’est-ce que tu veux… J’crois en la sincérité et la fidélité. »

 

Le vol est même parfois désigné comme le révélateur de l’homosexualité : par exemple, dans le film « Glee » (2009) de Ian Brennan, un jeune gay prénommé Trenton s’est vu obligé de faire son coming out au collège après que ses camarades lui aient volé son journal intime, sur lequel était inscrit le nom du garçon de qui il était amoureux.

 

Il s’agit parfois d’un vol qui n’a pas eu lieu mais qui est fantasmé par le personnage homosexuel, soit parce qu’il est craint, soit parce qu’il finit par être désiré et attendu. « Ferme la porte à clé, il y a tellement de voleurs à Buenos Aires… » (China à Rogelio dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi) ; « Y’a des baisers volés dans les trains de tsarine. » (cf. la chanson « Gourmandises » d’Alizée) ; « Cody dit ‘Je m’a suis fait voler. Nourdine il a tout volé, l’argent et la caméra de New York University que j’avais empruntée. Oh my god, on habitait ensemble, et cette matin, je m’est levé et tout avait disparu dans l’appartement.’ Je l’accompagne pour porter plainte. Je lui dis ‘Ça te plaît, hein, que ce mec t’ait volé ? C’est la preuve que tu avais raison d’avoir peur. Maintenant ça te fait jouir d’avoir été une femme violée et volée, c’est comme si ton rêve magique d’être une femme avait été poussé au maximum.’ Cody, pris en faute, me regarde de travers. […] ‘Il a venu pour s’excuser […] ‘Il a été obligé de ma voler, mais il a dit désolé, quoi et on a fait l’amour ensemble. » (Mike le héros homosexuel racontant comment son pote gay nord-américain Cody a accepté de se faire détrousser par son amant de passage, Nourdine, et qu’il ose encore croire à la belle idylle malgré cela, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 111-112) ; « Méfie-toi, il est dans ta cuisine. Il te cambriole. » (Jérémy Lorca parlant d’un amant GrindR dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. Par exemple, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, Marcel fait croire à ses amants successifs qu’il s’est fait violer et voler à Toronto par un couple de garçons. Dans le film « Once More (« Encore », 1987) de Paul Vecchiali, Louis, en enfilant une capote, a « l’impression de faire un hold-up ». Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, fait croire qu’il s’est fait voler 9000 livres alors qu’en réalité, c’est une manigance qu’il a échafaudée avec son complice Carter pour détourner l’argent de la police du Canton.

 

Le vol peut également être un acte fictionnel réel du fait d’avoir été d’abord fantasmé. Il agit comme une technique de drague, ou un moyen de s’embellir en poussant le cri esthétique du viol : « Au voleur ! Au voleur ! » (le Marquis dans la pièce Les Précieux Ridicules (2008) de Damien Poinsard et Guido Reyna) ; « Allez, hop, j’te kidnappe ! » (Sonia s’adressant à son amante Clara, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret) ; « Il consent à une rencontre, chez moi, mais il ajoute ‘Les yeux bandés. Tu ne dois jamais voir ma laideur repoussante.’ J’accepte. Les jours qui précèdent la rencontre, je les passe dans un état de surexcitation incroyable. Le jour prévu, à l’heure prévue, il frappe trois coups contre la porte, notre code secret. Je place mon bandeau, et j’ouvre en me demandant si je n’ouvre pas ma porte à un voleur, un tueur de sang froid ou un violeur. Peut-être que j’en aurais envie… » (Mike, le héros homo racontant son « plan cul » via un chat internet avec un certain Vianney, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 84) ; « Oui, je suis obligée de voler. » (David Forgit, le travesti M to F du one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; etc. Par exemple, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno a fait exprès de dérober son portefeuille à Pablo pour qu’il vienne le rechercher. Dans le film « New York, I Love You » (2009) de Mira Nair, Ben (Hayden Christensen) vole l’alliance de Gary (Andy Garcia), un homme marié. Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Philippe, le héros homosexuel, croit qu’il s’est fait cambrioler. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Romeo, le héros homosexuel noir, fait d’abord croire (en boutade ?) qu’il va braquer son futur amant blanc Johnny, pour le tester et aussi illustrer que leur amour va transcender le racisme ambiant et les clichés de l’île des Bahamas : « Donne-moi ton porte-feuille ! » Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, l’amour est considéré par les deux amants Léo et Gabriel comme une marchandise, un objet qu’il serait possible de se dérober réciproquement : « Léo, si tu avais volé un baiser à quelqu’un, tu le lui rendrais ? » (Gabriel juste avant de recevoir le baiser qu’il avait donné sans crier gare à Léo auparavant)

 

VOLEURS 3 bougies

Film « Unveiled » d’Angelina Maccarone


 

Le vol (supposé ou réel) a lieu le plus souvent entre amants d’un même couple. « Il m’a tout volé. » (Tonia à propos de son amant Rosário dans le film « Morrer Como Um Hommen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues) ; « J’ai pris ce que tu m’as donné, de mon plein gré. Ce n’est pas de ta faute, Thérèse. » (Carol, l’héroïne lesbienne consolant son amante Thérèse en pleurs, culpabilisant d’avoir couché avec elle, dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes) ; etc. Dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi, Louise avoue qu’elle volait ses porte-plume à Jeanne quand elles étaient petites. Dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi, Linda a volé l’anorak de Loretta Strong. Dans le film « L’Immeuble Yacoubian » (2006) de Marwan Hamedn, l’homo cultivé se fait assassiner puis cambrioler par un de ses amants. Dans le film « Un Flic » (1971) de Jean-Pierre Melville, le « Monsieur distingué » homo se fait voler une statuette par un jeune tapin qu’il a amené chez lui. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel vole de l’argent à son petit copain Omar. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin est arrêté par la police parce qu’il est pris pour un cambrioleur alors qu’il tentait de pénétrer discrètement dans la maison de son amant Bryan. L’amour homosexuel est en général annoncé par un vol d’objet. Autre exemple : le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch commence par le vol à l’étalage d’une carotte par Laura, l’héroïne lesbienne. Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing a appelé la police pour cambriolage : en réalité, il s’est fait voler par un jeune amant, Murray, dans son domicile. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie, le héros homosexuel, vole dans la salle de bain de son amant de passage Walt une assiette en porcelaine accrochée au mur, assiette qui le fascine car elle représente un homme triste. Il finit par dénoncer son larcin : « Merci pour l’assiette avec le garçon triste. »

 

Le « milieu homosexuel » fictionnel est très souvent désigné comme un repaire de banditisme et de pickpockets : « On peut toujours se promener aux Tuileries, mais j’ai peur de me faire voler mon portefeuille. » (Hubert dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Dire qu’il y a des folles qui ont peur de draguer dans la rue et se font voler ou massacrer par des gigolos qu’ils ont dragué dans les boîtes de nuit ! » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 44) Dans le film « L’Arbre et la Forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Frédérick s’est fait voler sa montre dans un jardin public de drague homosexuelle qu’il fréquentait. Le vol homosexuel ne se fait pas que dans un sens. Cela peut être le client fortuné qui prend le rôle du voleur de son gigolo : « Redevenir gendarme, chasser le voleur, consoler la victime. Subitement, je voudrais pratiquer l’abus de pouvoir par personne ayant autorité. » (la voix narrative du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 44) Dans le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot, par exemple, un travelo reconnaît au guichet du cinéma porno un de ses anciens clients : « Jean ? C’est ça, hein, Jean ? Je te reconnais. Il m’a fauché mon fric. Au sex shop. Tu m’as fauché 1000 balles ! Que tu te fasses sauter, ça ne me dérange pas, mais que tu me fauches mon fric, ça, ça me dérange ! Non mais c’est vrai ! Ça se fait sauter et ça te fauche ton fric ! Ces mecs-là, ils viennent chez toi, ils te sucent, ils se font baiser comme des reines, et ça te fauche ton fric ?!? »

 

Au sein du couple homo fictionnel, ce n’est pas nécessairement un objet qui est volé. Cela peut être une identité ou une personne, autrement dit quelque chose d’unique et qui ne se possède pas. « Je suis amoureux de celui qui détient ma pièce perdue, et que je veux te voler. » (Denis s’adressant à son amant Luther dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Qu’est-ce que je vous ai fait ? […] Je vous ai peut-être volé un rôle sans le savoir. Ou un amant. » (la Comédienne à Vicky, avant de comprendre qu’elle est sa sœur jumelle, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « On va la prendre comme otage ! » (Fougère à propos de Leïla dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Il est à moi, cet Arabe. Voleuse ! » (Daphnée à Micheline dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Elle [Micheline] ne vient que pour nous piquer nos mecs ! » (Daphnée, idem) ; « Tu sais que tu as tué la femme de l’attaché culturel du Sénégal pour lui voler sa mouflette ! » (le chef des CRS à Mimile dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 70) ; « J’aimerais que Léonard m’autorise à vous enlever. » (Vita Sackville-West, lesbienne, s’adressant à son amante Virginia Woolf, à propos du mari de cette dernière, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc. Je pense aussi à l’enlèvement de Graciela dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi. Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, les reines incas ont été volées par les Espagnols. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, Daphnée a « volé » sa/leur fille à son mari John. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, les lesbiennes essaient de rapter un enfant nommé Ali ; le Vicomte est également enlevé. Dans le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, on assiste également au vol de mari entre Libertine et sa rivale (Sophie Tellier). Dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, une secte secrète opère une série d’enlèvements de personnes.

 

Il est intrigant de voir parfois que le voleur homosexuel, en enlevant l’identité ou l’objet des autres, en perd sa propre identité de voleur, la conscience de son acte/de l’acte qui lui est fait, et le but de son geste : l’objet volé n’a plus, à ses yeux, tellement d’importance, ou bien le vol devient un geste artistique banal (« l’art pour l’art ») : « Y yo/pillaba yo » (cf. le poème « Anales » de Néstor Perlongher ; traduction : « Et moi/C’était moi qui pillais ! ») ; « On avait volé le vélomoteur de Solange, mais elle s’en fichait. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 144) ; « Je lui ai volé ses journaux pendant qu’il faisait une sieste » (la voix narrative dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 43) ; « Le vendeur de journaux croit toujours que je lui ai volé ses journaux. » (idem, p. 44) ; « Pour lui je suis pour l’éternité (si j’ose dire) le mot ‘journaux’ ou bien celui qui lui a volé ses journaux (ce qui pour lui revient au même). » (idem, p. 44) « Ces vols n’avaient que le vol pour mobile. Il ne s’y mêlait ni lucre ni goût du fruit défendu. Il suffisait de mourir de peur. La règle interdisait la prise d’objets utiles. » (la voix-off de Jean Cocteau dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) Dans le film « Un Fils » (2004) d’Amal Bedjaoui, Selim, le jeune prostitué, vole un sachet de poudre chez Max, un client plus âgé, sans même savoir ce qu’il va en faire. Le vol homosexuel des fictions ne semble pas motivé par une volonté de mal agir : il est la métaphore d’un désir inconscient, d’un mal déguisé en ami innocent, en amant ensorcelé et « ravi » (dans tous les sens du terme). Par exemple, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, quand Stéphane, le quinquagénaire homosexuel, demande à Vincent son jeune amant trentenaire s’il lui est déjà arrivé de voler des objets, ce dernier lui répond, amusé : « Ben oui. Évidemment. Comme ça. Pour le frisson. »

 

VOLEURS 5 Gigolo rouge

Film « Un Fils » d’Amal Bedjaoui


 

L’objet volé entre les personnages homosexuels est lié très souvent à un contexte amoureux et conjugal. Le vol se rapporte « juste » à un baiser, une beauté, une parole, un désir, une liberté. C’est pour cette simple raison qu’on peut dire que le vol n’apparaît pas toujours comme un acte mauvais ou un délit à dénoncer absolument. « Vous êtes un voleur trop étrange. » (l’un des deux héros de la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès) Le vol peut prendre la force de l’amour passionnel, de la bonne intention diabolique qui subtilise l’âme : « Cette nuit, je te l’ai pris, ce baiser que tu n’as pas voulu me donner. […] Je suis encore troublé par ce baiser volé. » (Kévin à Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 207) ; « Mon cœur, tu l’as volé, et sans détour. » (Benji s’adressant à son amant Maxence qui lui a fait perdre sa virginité, dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot) ; « Les papous ne s’embrassent jamais, ils ont peur qu’on leur vole leur âme… Moi je me sens papou bizarrement certains matins… » (le comédien de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, p. 92) ; « Le jeudi, j’ai fait quelque chose de mal. […] J’ai senti la culpabilité me brûler le visage tandis que je demandais la chose en question, et dans ma tête une petite voix disait : ‘Celle-là, elle n’est pas pour toi. […] Tu essaies de voler ce que tu ne désires même pas.’ Parce que tu t’y connais, en désir ? Ça, au moins, c’est notre domaine, pas le tien. Et pourquoi tu parles de voler ? Je l’ai trouvée la première. » (Ronit la lesbienne entend une voix maléfique avec qui elle dialogue, au moment où elle prétend voler le cœur d’Esti, une femme mariée, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 223-224) ; « Un désir se vole, mais il ne s’invente pas. » (l’un des deux héros de la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès) ; « On lui a volé son âme ! » (Fifi et Mimi en parlant de Pédé, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Cette fleur, il me l’a volée. » (l’ange chantant la perte de l’innocence quand il se fait sodomiser, dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto)

 

Parfois, dans les termes (mais aussi symboliquement !), le vol est frère du viol. Ces deux mots se ressemblent déjà au niveau de l’orthographe, et sont souvent juxtaposés par le héros homo : « Marcel envoie un message dans lequel il reprend son histoire de fugue à Toronto, son viol et son vol, la même qu’il avait inventée pour Frédéric. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 39) ; « Toutes ces lopettes allaient l’attaquer, lui voler son bébé ou le violer pendant qu’il dormait. » (cf. « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 30-31) ; « Vous êtes des voleurs ? Des violeurs ?!? » (le personnage de la mémé s’adressant au public, dans le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011) de Karine Dubernet) ; « Y’a qu’des violeurs, y’a qu’des voleurs ! » (François dans la pièce Frères du Bled (2010) de Christophe Botti) ; « La dernière fois, paraît que j’avais tué un vioque pour lui voler ses sous, la fois d’avant c’était un bambin pour le violer. » (Mimile parlant de ses passages en taule, dans le roman La Cité des Rats (1979), pp. 62-63)

 

Ce qui empêche le personnage homosexuel de comprendre qu’il y a eu objectivement vol, c’est que ce dernier prend la forme de l’échange, du consentement mutuel vécu en couple. Les deux parties semblent apparemment gagner quelque chose en même temps qu’elles en perdent chacune une autre, un cadeau qu’en plus elles n’ont ni donné ni reçu totalement librement. Par conséquent, l’échange est trop équitable, trop millimétré, les objets échangés trop quantitativement et financièrement gémellaires, pour être véritablement aimants : on est loin du don gratuit, abondant, surprenant, personnalisé, libre, naturel, reçu/donné dans le cadre de l’Amour vrai. Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, les deux amants troquent comme ils aiment : « On échange ? Tu me prends un truc et je te prends un truc » (p. 11) suggère Kévin à Bryan. Ce dernier semble intérieurement ravi de la proposition : « L’idée était géniale ! J’allais posséder quelque chose de lui ! » (idem). Un peu plus tard dans le roman, les deux garçons ne se demandent toujours pas l’autorisation pour se voler réciproquement : Bryan pour blaguer, prétend avoir volé la moto de Kévin ; Kévin en retour lui dit qu’il lui a volé également sa sculpture d’ours fétiche (p. 72). Tout semble synchro, mais l’amour n’y est pas. Ce n’est pas parce qu’il y a commerce, ou deal consenti à deux, qu’il y a forcément liberté. Pareil pour la dissimulation de la violence du vol dans le mimétisme entre amants. Par exemple, dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, le jeune Juliette dérobe le roman La Dentellière (1974) de Pascal Lainé au supermarché, par « amour » pour sa prof de français qui aime aussi ce livre. Mais son geste n’est beau et risqué que dans le monde des intentions. Une fois confronté au réel, il s’agit d’un simple copiage égoïste et fanatique, un « film » intérieur que se fait l’adolescente avec son égérie.

Comme le personnage homo habille parfois ses pulsions sexuelles en sentiments, et qu’il pense qu’aimer c’est se soumettre et tout donner sans compter/s’engager, il lui arrive de qualifier de « voleur » son amant, qui en vient effectivement à le voler parfois, sans reconnaître que, par son manque d’exigence et son amour intéressé, il l’a aidé voire appelé au vol (parce qu’il a lui-même tenté de posséder son compagnon comme un objet !). Le vol fictionnel homosexuel est donc envisagé par certains héros gay comme une preuve d’amour… même s’ils concluront que « l’Amour est cruel ». Ces imbéciles ne lui retireront pas pour autant son statut d’« Amour ». Ils n’en démordront pas ! La victimisation est plus confortable…

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

VOLEURS 7 Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Les coïncidences entre vol et homosexualité sont très nombreuses dans la réalité. Comme dans les fictions, l’adjectif substantivé de « voleur » peut parfois remplacer verbalement celui d’« homosexuel ». C’est en tout cas comme cela que le ressent un écrivain comme Jean Genet. Ce mot « voleur » résonne en lui telle une condamnation lumineuse, un outing odieux et essentiel à la fois : « Je crois que le mot de voleur me blessa profondément. » (Jean Genet dans un extrait non publié du Journal du Voleur, Magazine littéraire, n°313, Paris, septembre 1993, p. 16) Jean-Paul Sartre, tout au long de son Saint Genet (1952), revient précisément sur l’étiologie du lien entre vol et homosexualité : « La honte du petit Genet lui découvre l’éternité : il est voleur de naissance, il le demeurera jusqu’à sa mort. » (p. 28) Jean Genet ne nie pas que le voleur et l’homosexuel sont deux créatures qui fusionnent parfaitement d’un point de vue fantasmatique, et partiellement dans la réalité : « La trahison, le vol et l’homosexualité sont les sujets essentiels de ce livre. Un rapport existe entre eux, sinon apparent toujours, du moins me semble-t-il reconnaître une sorte d’échange vasculaire entre mon goût pour la trahison, le vol et mes amours. » (Jean Genet, Journal du Voleur (1949), cité dans l’étude La Longue Marche des Gays (2002) de Frédéric Martel, p. 100) Jean-Pierre Lauzel va dans ce sens quand il décrit, dans son essai L’Enfant voleur (1966), « la structure fondamentalement homosexuelle du vol d’enfant » (p. 118).

 

Il arrive aussi que certaines personnes homosexuelles se qualifient elles-mêmes de voleurs (je l’ai beaucoup entendu chez mes amis et interlocuteurs homos !) : « J’aime tricher, jouer, tout avoir sans faire de choix. Et alors ? » (Catherine, lesbienne, dans l’autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, p. 175) ; « On cherche deux voleurs pour mettre à côté du bébé. » (Brüno à propos du couple gay, dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles) ; « Je suis dans une salle de cinéma. Je vais voir pour la première fois Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 109) ; « La présidente a la main leste. » (la Mère supérieure des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, dans le documentaire Et ta sœur (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin) ; « C’est l’occasion qui fait le larron. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, parlant du caractère occasionnel, aléatoire et possible de l’expérience homosexuelle pour « les » hétéros, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « J’ai toujours l’impression qu’on va croire que j’ai volé l’identité de quelqu’un. » (Laura, homme M to F, passant le contrôle de l’aéroport, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc.

 

Par exemple, dans le docu-fiction « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, On lit une inscription « PICK-POCKET » sur les murs des docks où les hommes new-yorkais vivent clandestinement leurs ébats sexuels. Dans la pièce-biopic Pour l’amour de Simone (2017) d’Anne-Marie Philipe, il est raconté par Simone de Beauvoir elle-même qu’elle est sortie avec Nathalie, une voleuse d’étoffe à l’Uniprix du magasin parisien Le Printemps, et qui revendait plus cher après sa marchandise.

 

La mention du vol n’est pas toujours un jeu. C’est exactement ce que décrit Jean-Paul Sartre quand il parle des Bonnes (1947) de Jean Genet : « À leurs propres yeux, ce n’est qu’un jeu. Mais qu’une tache souille la robe, qu’une cendre la brûle, l’usage imaginaire s’achève en consommation réelle : elles emporteront la robe roulée en boule, elles la détruiront : les voilà voleuses. Genet passe avec la même fatalité du jeu au vol. » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet, comédien et martyr (1952), p. 21) Giovanni Gandini raconte dans les années 1970 à Milan le vol de manteau (une fourrure de breitschwanz) effectué par Copi, le dramaturge argentin. Lacenaire, homme homosexuel immortalisé par Marcel Carné dans « Les Enfants du Paradis » (1945), fut un voleur qui vécut au XIXe siècle : il tuait et volait en province, en Italie, en Suisse. Félix Sierra exécute un vol avec un complice à San Juan de Vilasar (Barcelone) en août 1967 ; en parlant de ses rencontres dans le « milieu homosexuel », il dit ceci : « Ce sont eux qui m’ont incité à voler et à me prostituer ; je suis passé par toutes les pratiques propres à l’homosexualité. » (Félix Sierra, cité dans l’ouvrage collectif El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 186) D’autres personnes homosexuelles sont connues pour avoir été d’authentiques voleurs : Juan Soto, saint Augustin, Jean Genet, Jean Cocteau, etc. Jean Genet sera arrêté 8 fois entre 1938 et 1941 pour vol de livres, quand même ! Entre amants homosexuels, les vols sont extrêmement fréquents : « Dimanche 30 mars 1919. Ai oublié hier par fatigue de noter que ce jeune élégant qui ressemble à Hermès et qui m’avait fait une si forte impression il y a quelques semaines assistait à la conférence [au club] . Son visage, allié à sa légère silhouette de jeune homme, à par sa joliesse et sa folie quelque chose d’antique, de « divin ». Je ne sais comment il s’appelle, et ça n’a pas d’importance. » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 122)

 

VOLEURS 6 Genet

Jean Genet, adolescent

 

Autre exemple : dans ce fait divers daté du 22 décembre 2016, on voit bien que l’agression homophobe s’origine sur le petit délit de larcin homosexuel (vol du fromage de chèvre sur les étalages d’un supermarché).

 

Par ailleurs, de nombreux sujets homosexuels ne se gênent pas pour décrire le « milieu homosexuel » comme un repaire de bandits, ou bien un système prostitutif parfaitement bien organisé. « Parfois, il m’arrive de penser qu’ils [les homosexuels] sont tous une bande de gangsters… Parfois. » (José Mantero, « Doce Días De Febrero », dans l’ouvrage collectif Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 193) ; « Le lendemain, bien sûr, la disparition de quelques menus objets : portefeuilles, petits bronzes, etc., aurait dû nous donner l’éveil. Mais ce ne fut que huit jours plus tard, derrière les barreaux du commissariat central de Clermont, que nous eûmes le fin mot de l’aventure : nos éphèbes étaient de vulgaires voleurs. Arrêtés pour un cambriolage, ils avaient tout raconté, pensant ainsi améliorer leur cas (ils étaient tous mineurs). » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, racontant des « parties » libertines de ses cercles amicaux homosexuels avec des gigolos, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 100) ; etc.

 

Par exemple, dans le docu-fiction « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, Allen Ginsberg déclare être entouré dans sa vie de drogués et de voleurs. Le journal Le Parisien relate le 5 juillet 2016 l’arrestation d’un agresseur de 18 ans et voleur en série à Lyon, spécialisé dans l’agression au couteau de ses amants qu’il détroussait après avoir couché avec eux.

 

Le vol est un acte qui a lieu très souvent entre amants, au sein d’un couple homo. Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » (diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), Jacques Vialatte, le romancier de 61 ans, raconte comment « il a fait l’assaut » de son premier amour homosexuel « tous les jours pendant un mois ».

 

Mais une fois noyé dans le quotidien, la proximité, et le sentiment, le vol entre amants homos semble invisible, tout comme dans certains couples femme-homme le mariage servira de prétexte discret au viol. « Arrivé chez ta mère, sentiras-tu encore sur tes lèvres le baiser que je t’ai donné comme un voleur ? Ah… voleurs tous les deux ! » (Pier Paolo Pasolini dans le documentaire « Les Fioretti de Pier Paolo Pasolini, 1922-1975 » (1997) d’Alain Bergada) ; « Slimane ne m’avait donc rendu que quelques pages de notre journal. Il avait gardé le reste pour lui, l’avait peut-être détruit. Brûlé. Tout ce que nous avions écrit ensemble, corps contre corps, mains jointes presque, il l’avait pris pour lui, volé pour lui. La mémoire écrite de notre histoire lui appartenait désormais. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 110) ; « Je ne sais pas d’où il a sorti les capotes, mais il nous les enfile en un clin d’œil et avec une dextérité de voleur à la tire. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 320) ; « Je fis la connaissance d’une sorte de gitan (c’est d’ailleurs moi qui l’abordai et l’enlevai, littéralement). Il était grand et je le trouvais beau, mais dans un triste état vestimentaire que venait encore renforcer une réticence marquée à l’égard de tous les principes d’hygiène élémentaire. Tandis que, comme l’aurait fait une ‘fille’, je l’invitais à monter dans ma voiture et à s’y installer avec son baluchon, je ne cessais de me répéter : ‘Tu es fou… Tout cela finira mal…’. […] Le lendemain, après m’avoir tapé de quatre mille francs et ‘emprunté’ ma montre, il disparut de lui-même. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 108) ; etc.

 

Par exemple, dans le meurtre de Matthew Shepard, un étudiant américain, torturé et assassiné par deux jeunes gens, à l’âge de 21 ans, en raison de son homosexualité, le 12 octobre 1998 à Fort Collins (États-Unis), nous en avons une illustration. Il est étonnant, dans cette affaire, de voir d’une part l’ambiguïté sexuelle des deux agresseurs Aaron McKinney et Russell Henderson (qui se sont fait passer pour au couple homo auprès de Matthew, pour l’embarquer dans leur camionnette) et d’autre part le lien entre homosexualité et vol : en effet, les assassins s’étaient déjà attaqués avant à d’autres personnes non-homosexuelles mais riches pour leur dérober des objets ; et concernant la victime, elle attisait la jalousie et le désir d’Aaron (qui disait que « Matthew, c’était une pute pétée de tune ! », qu’il était toujours bien habillé). D’ailleurs, le soir du meurtre, ils lui ont piqué sa carte bancaire, ses fringues, ses chaussures, et avaient l’intention de le cambrioler.

 

Dans mon entourage amical, j’ai des amis, généralement âgés, ou bien des jeunes fortunés, qui prennent visiblement un plaisir inavouable à se faire voler : par exemple, ils se font vider leur compte en banque par leur petit copain du moment qui joue les assistés, ou bien ils sont prêts à satisfaire tous les caprices matériels et les folles dépenses de leur amant. Et que je te paye un voyage ! et un resto ! et des vêtements ! et que je te regarde avec un air énamouré ! Les amants ont parfois la malchance d’être riches tous les deux. Dans ce cas-là, ils se sortent mutuellement le grand jeu des cadeaux et des voyages tous les jours. Évidemment, comme c’est un donné pour un rendu, les vols-corruption sont très nombreux et portent le doux nom d’« équilibre ». C’est une « affaire qui tourne », comme on dit. Mais quelle lassitude lourde à porter sur la durée !

 

Un jour, un ami quinquagénaire à moi, qui se faisait mener en bourrique par un jeune amant qui l’exploitait, mais avec qui il n’arrivait pas à rompre le lien, m’écrivait en 2003 : « Y’a deux clandestins, y’a deux tricheurs dans cette relation…mais on n’est pas les seuls… »). C’est ce même ami qui, pour se venger de sa propre lâcheté et de sa complaisance dans la soumission, me soutenait qu’il n’y avait dans le « milieu homosexuel » que des « tricheurs, des voleurs, et des menteurs ». Seul le vrai voleur peut croire une chose pareille… On peut très bien être voleur en étant donateur !

 

Le vol est une action qui symbolise parfaitement le désir homosexuel dans la mesure où, à l’image du désir homosexuel qui est un fantasme de viol consenti, le vol est à la fois ce qui fait objectivement violence et qui ne peut pas être dénoncé parce qu’il est vécu dans une situation amoureuse qui laisse croire à sa victime qu’elle l’a un peu cherché, désiré, voire aimé. « C’est avenue Gabriel que pullulent les truqueurs avides d’innocents étrangers. Ces opportunistes profitent du ‘moment’ d’égarement sentimental du partenaire pour subtiliser portefeuille ou argent. Travail facile, car le volé se trouve généralement, ou croit se trouver dans une situation qui l’empêche de porter plainte. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 26) Étant donné la gravité de la pratique homosexuelle, les agresseurs ou voleurs des personnes homos actives avouent qu’il est « plus facile » (cf. le voleur de Bobigny, le 2 décembre 2016) de s’attaquer à elles qu’aux personnes non-homos.

 

En amour homosexuel, souvent, « rapt et ravissement se confondent » (Dominique Fernandez, L’Amour qui ose dire son nom (2000), p. 51). La lecture enchanteresse que beaucoup de personnes homosexuelles font de l’assemblage des corps entre semblables sexués n’efface pas la violence des fantasmes et des réalités qu’ils peuvent impliquer. En désir, bon nombre d’individus homosexuels veulent voler leur partenaire amoureux. « Lorsque je fais l’amour avec lui, je ne fais que reproduire un rite cannibale qui consiste à m’emparer de sa jeunesse, à me l’approprier et je me donne ainsi l’illusion de rattraper le temps perdu. Je lui vole cette fraîcheur que je n’ai pas eu le temps de savourer lorsque j’avais son âge. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 137) J’ai déjà entendu de mes propres oreilles certains amis homosexuels m’affirmer très sérieusement qu’ils couchaient avec de beaux garçons rien que pour leur « voler leur beauté » et se l’appliquer à eux-mêmes. Cette expression en dit long sur ce qu’est l’acte homosexuel dans son essence : un fantasme de vol motivé par un désir non pas seulement d’aimer l’autre pour ce qu’il est, mais aussi d’être lui et de se dérober à soi. C’est sûrement ce qui explique que dans beaucoup d’œuvres de fiction, les protagonistes gays se définissent comme des « voleurs » après avoir vécu leur première expérience homosexuelle, même s’ils n’ont objectivement dérober aucun objet.

 

Le choc du vol au sein du couple homo est amorti en partie parce que je crois que le vol est très souvent esthétisé en secret par les personnes homosexuelles, intérieurement appréhendé comme une œuvre d’art, un acte d’amour « stylé ». Dans les romans comme dans les films, le vol d’objet est desservi par tout un univers fantasmagorique qui le magnifie. Il faut bien comprendre que c’est le vol cinématographique (sublimé par une agile Cat’s Eyes, une Madonna dans son vidéo-clip « Die Another Day », un gentleman cambrioleur aux gants de velours comme Arsène Lupin, une Mélanie Doutey dans le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe, une James Bond Girls aérienne qui esquive les rayons X rouges, une Charlie’s Angel qui va voler des microfilms dans le bureau du Dr No, etc.) qui va ensuite donner le goût du vrai vol à des personnes homosensibles en panne d’identité et de désir. « La jeune voleuse sait exactement où elle doit se placer pour trouver la bonne bouche d’égout. […] Experte, elle arrive à entrer sans trop de difficultés au royaume des rats. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 164)

 

Par ailleurs, ce qualificatif de voleur renvoie en général chez les personnes homosexuelles à une peur (plus ou moins légitime) de la sexualité : « Alors que j’avais déjà 25 ans et que j’étais toujours vierge, plus par désespoir que par désir j’ai répondu aux avances d’une collègue éducatrice. Elle me draguait depuis un moment et je la fuyais. Un soir de réveillon du jour de l’An, nous nous sommes retrouvés dans une chambre du foyer et je me suis lancé. C’était horrible, je me suis forcé à la pénétrer, sans préliminaires. J’ai eu l’impression de la violer. Tout de suite après, je l’ai fuie comme un voleur. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 40-41)

 

Le vol est à la différence des espaces ce que le viol est à la différence des générations ou des sexes. C’est pour cela qu’ils sont pour moi si proches l’un de l’autre, aussi bien phonétiquement que symboliquement. « Partir comme des voleurs. C’était la seule solution. […] Il fallait arriver à voler. » (Christine Angot, Quitter la ville (2000), p. 99) ; « Celle-là fonctionne très bien. Des mecs à perdre la tête. Maintenant, une fois sur deux, on te vole ou on te tue. » (Coco indiquant une pissotière, dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 94) En général, les personnes homosexuelles qui ont été violées ont aussi été volées. Il existe une forte corrélation entre vol et viol. Dans les deux cas, cela relève d’un refus (plus souvent que d’une incapacité) à voir l’autre comme une personne c’est à dire comme un possible autre soi-même.

 

C’est pourquoi, dans mon travail sur l’homosexualité, je continue de développer la thèse selon laquelle l’omniprésence du motif du voleur dans les œuvres de fiction parlant d’homosexualité nous révèle que le désir homosexuel est par nature un fantasme de viol, et parfois le signe d’un viol réel.

 

Enfin, pour conclure sur un sujet indirectement lié au vol, et très actuel dans le monde, j’aimerais qu’on aborde aussi les nouvelles lois qui mettent les personnes homosexuelles dans la position inconfortable et honteuse du voleur. On aura beau dire ce qu’on veut (cf. je vous renvoie au code « Petits morveux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), la permission légale donnée aux couples homosexuels d’exercer des PMA et GPA cautionne, en pratique, le vol d’enfants. D’ailleurs, lors de sa conférence sur « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris le 7 décembre 2011, Darren Rosenblum, qui avec son compagnon, a acheté sa petite fille pour qu’elle soit portée par une femme payée 5000 dollars pour l’enfantement, a tout à fait conscience d’avoir posé un acte honteux, même si par ailleurs il s’en justifie et banalise l’affaire. Après avoir habité à New York, il vit maintenant dans le quartier du Marais à Paris. Mais à l’écouter, on voit bien qu’il n’est pas fier de ce qu’il a fait. Il a avoué à l’auditoire qui l’écoutait qu’il rasait les murs : « J’ai un peu peur d’être maltraité par les gens au moment où je suis avec ma fille. »

 

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Code n°183 – Voyage (sous-codes : Nomadisme dans l’immobilité / Route)

Voyage le bon

Voyage

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Ce n’est pas un hasard si les road movies sont choisis par beaucoup de réalisateurs gay friendly comme toiles de fond pour le récit des histoires d’amour homosexuel. Souvent, le personnage homosexuel se définit lui-même comme un voyageur, soit parce qu’en effet il ne tient pas en place et vit avec un sac à dos greffé sur le dos (n’entend-on pas parfois l’expression « être pédé comme un sac à dos » ?), soit parce qu’il éprouve ses évasions imaginaires intérieures comme des voyages réels. Il a la satisfaction d’être un dénicheur de terres inconnues, un explorateur audacieux qui verrait ce que les autres ne voient pas ; il défierait, par son destin de nomade-artiste, la maison et l’immobilisme « des hétéros ».

 

Mais quand le voyage et la figure du voyageur sont traités dans les œuvres artistiques parlant d’homosexualité, en général, ils ne recouvrent pas la réalité positive de l’évasion et de la rencontre concrète des peuples : ils symbolisent l’errance, l’abandon du Réel, la fuite de soi, la peur, le « nomadisme dans l’immobilité » (expression que j’emprunte à Gilles Deleuze), l’extase planante permise notamment par les drogues, la schizophrénie, une projection sentimentalo-fantasmato-spirituelle, la luxure (cf. le tourisme sexuel), et la mort, plutôt qu’un voyage où le cœur se déplace en même temps que le corps.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Femme étrangère », « Extase », « Fresques historiques », « Drogues », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Bobo », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Dilettante homo », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Planeur », « Amour ambigu de l’étranger », à la partie « Aventurier » du code « Super-héros », et à la partie « Mappemonde » du code « Homosexuels psychorigides », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le voyageur homosexuel globe-trotteur :

Film "Hannah Free" de Wendy Jo Carlton

Film « Hannah Free » de Wendy Jo Carlton


 

Régulièrement dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel est un vagabond, vivant un destin d’éternel exilé ou d’électron libre : cf. le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le roman La Voyageuse (1999) d’Andrea H. Japp, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné (avec le personnage de Steve), le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, le film « La Fuga » (1964) de Paolo Spinola, le film « Road Movie » (2002) d’In-Shik Kim, le roman L’Exil (1929) d’Henry de Montherlant, le film « Extravagances » (1995) de Beeban Kidron, le roman El Misántropo (1972) de Llorenç Villalonga, le film « El Extraño Viaje » (1964) de Fernando Fernán Gómez, les films « The Living End » (1992) et « The Doom Generation » (1995) de Gregg Araki, le film « Mon voyage d’hiver » (2002) de Vincent Dieutre, le film « Homo Faber » (« Voyager », 1991) de Volker Schlöndorff, le roman Die Reise In Die Vergangenheit (Le Voyage dans le passé, 1929) de Stefan Sweig, la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy (dont la trame narrative est un tour du monde), le roman Les nouveaux nouveaux mystères de Paris (2011) de Cécile Vargaftig (avec le voyage dans une machine à remonter le temps), le one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009) de Samuel Ganes, le film « Pusinky » (2007) de Karin Babinska, le film « Dans le village » (2009) de Patricia Godal, le film « Haijiao Tianya » (« Incidental Journey », 2001) de Jofei Chen, le film « Brown Bunny » (2004) de Vincent Gallo, le film « Gerry » (2002) de Gus Van Sant, la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner, le film « Blind Spot » (2001) de Stephan Woloszczuk, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, le film « Another Country » (1984) de Marek Kanievska, le roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig (se déroulant lors d’un voyage en bateau), le roman Mi Novia Y Mi Novio (1923) d’Álvaro Retana, le film « Il Giovane Normale » (1969) de Dino Risi, le roman Le Voyageur sur la terre (1924) de Julien Green, le roman Mon premier voyage (1937) de Jean Cocteau, la pièce Rêve d’Égypte (1907) et le roman La Vagabonde (1910) de Colette, le film « La Croix du Sud » (2003) de Pablo Reyero, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le film « Le Voyage au Kafiristan » (2001) de Fosco et Donatello Dubini, le roman Le Voyage secret (1949) de Marcel Jouhandeau, le roman L’Exilé de Capri (1959) de Roger Peyrefitte, le ballet Chant du compagnon errant (1971) de Maurice Béjart, le film « Plus fort que le diable » (1954) de John Huston, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « Clandestino Destino » (1987) de Jaime Humberto Hermosillo, le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne, le film « Boat Trip » (2003) de Mort Nathan, le roman Un Voyage ennuyeux (1949) de Yukio Mishima, le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol (avec Daniel, le globe-trotteur), le roman Yo No Tengo La Culpa De Haber Nacido Tan Sexy (1997) d’Eduardo Mendicutti, le film « Tueurs fous » (1972) de Boris Szulzinger, le film « PuPu No Monogatari » (1998) de Kensaku Watanabe, le film « Fast Trip, Long Drop » (1993) de Gregg Bordowitz, le film « Hubo Un Tiempo En Que Los Sueños Dieron Paso A Largas Noches De Insomnio » (1998) de Julián Hernández, le film « Butterfly Kiss » (1995) de Michael Winterbottom, la chanson « Cap Falcon » d’Étienne Daho, le film « Pasajero » (2010) de Miguel Gabaldón, le film « La Traversée » (2001) de Sébastien Lifshitz, le film « Holiday » (2005) d’Agathe Dreyfus et Aurélia Barbe, le film « Tourist » (2008) de Tor Iben, le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, etc.

 

Film "My Own Private Idaho" de Gus Van Sant

Film « My Own Private Idaho » de Gus Van Sant


 

La route est un motif qui revient très souvent dans les œuvres homo-érotiques : cf. le film « L’Un dans l’autre » (1999) de Laurent Larivière, le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne, le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume, le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, le film « Contact » (2002) de Kieran Galvin, le film « En route » (2004) de Jan Krüger, le film « Boys Don’t Cry » de Kimberly Peirce, le film « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, les films « Dream Kitchen » (1999) et « Chicken » (2001) de Barry Dignam, le film « Les Amants diaboliques » (1942) de Luchino Visconti, le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne, le film « Quels adultes savent » (2003) de Jonathan Wald, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Browny Bunny » (2002) de Vincent Gallo, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Happy Together » (1997) de Wong Far-Wai, le film « Muerte En La Carretera » (« Mort sur la route », 1977) de Pedro Almodóvar, le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le film « La Route » (1934) de Sun Yu, le film « Läns Vägen » (« Along The Road », 2011) de Jerry Carlsson et Anette Gunnarsson (racontant l’amour impossible entre deux routiers camionneurs), le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, etc.
 

En célibataire ou en couple, le héros homosexuel semble avoir le virus des voyages : « On a beaucoup voyagé ensemble. » (Konrad parlant de son amant disparu Heiko, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « J’adore ça les voyages. J’en ai fait ma vie. » (Jeanfi, le steward homo dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; « On nous appelle les forains. La route est notre domicile. » (Bill et Étienne dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy) ; « C’est bien de voyager : ça ouvre l’esprit. » (la phrase « profonde » de Samir, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; « Il faut partir. Il est temps. Les plus beaux jours de ma vie, c’était l’an dernier, quand je me suis enfui de chez moi. Je ne savais pas où aller. Je continuais à avancer. Je n’ai jamais vu des jours si longs et si colorés. Mais je n’allais jamais assez loin. Je n’ai jamais vu la mer. Je veux marcher jusqu’en Afrique et traverser le désert. Je veux du soleil. » (Rimbaud dans le film « Rimbaud Verlaine » (1995) d’Agnieszka Holland) ; « Irina, il faut te laver. Nous allons entreprendre un long voyage. » (Madame Garbo dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Je suis habituée à une vie de nomade. » (Helena s’adressant à sa future compagne Lisa, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? » (2010), de Malu de Martino) ; « Depuis toute petite je suis sur les routes. Dans l’errance. Je me suis habituée à cette vie sans lieu fixe, sans un cœur tendre, sans frère, sans sœur. Je suis ma propre mère. Mon propre frère. Ma propre sœur. Je suis la famille entière, éclatée, réunie. » (Hadda dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 199) ; « Je vais comme les gens de rien vers le destin. […] une brindille dans le vent, une goutte d’eau dans l’océan. […] Je vais par les chemins. Un peu bohème. Je ne m’attache à rien. » (cf. la chanson « Boulevard des rêves » de Stéphane Corbin) ; « Les deux amantes s’aimaient tant, elles qui avaient tellement de projets : maison de campagne, jardin, chalet, voyages. » (Lucie et Ginette, les deux lesbiennes du roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 28) ; « C’est un caméléon, un voyageur, un vagabond. » (cf. la chanson « Caméléon » de Véronique Rivière) ; « Je suis très souvent sur les routes. » (Léopold, le héros homosexuel de la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Il ne se considérait pas comme un touriste, mais comme un voyageur. La différence tenait, entre autres, au facteur temps, expliquait-il. Alors que le touriste se hâte, en général, de rentrer chez lui au bout de quelques semaines ou de quelques mois, le voyageur, toujours étranger à ses lieux de séjour successifs, se déplace lentement, sur des périodes de plusieurs années, d’une contrée de la terre à une autre. » (le narrateur homosexuel du roman Un Thé au Sahara (1952) de Paul Bowles, p. 13) ; « Elle n’a jamais été capable de tenir en place plus de 10 minutes. » (Alain Richepin parlant de sa fille lesbienne à Romane sa fille dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « C’est dingue comme ce voyage nous apprend sur nous-mêmes. » (Cédric, homo, s’adressant à ses amis gay de son équipe de water-polo avec qui il part aux Gay Games en Croatie, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Somefarwhere » (2011) d’Everett Lewis, Price se définit comme un « voyageur », un touriste en Irak. Dans le film « To The Marriage Of True Minds » (« Au mariage de nos âmes loyales », 2010) d’Andrew Steggal, deux jeunes Irakiens embarquent illégalement sur un bateau qui les mène de Bagdad à Londres ; enfermés, Falah réconforte Hayder en lui murmurant en arabe les vers des sonnets amoureux de Shakespeare. Dans le roman Para Doxa (2011) de Laure Migliore, Ambre et Helena se rencontrent en voyage humanitaire en Namibie. Dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose-Marie, Nathalie, la lesbienne, dit « sa passion pour les voyages ». Dans le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki, les personnages sont des voyageurs invétérés : Klara raconte que dans son enfance elle déménageait tout le temps ; Florence, elle, est auto-stoppeuse. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Bernard, le héros homosexuel, est l’archétype du bobo qui aime voyager parce que ça le rend esthétiquement beau : il travaille dans la mode et pour la télé, vit aux couleurs du Japon, mange dans les restos japonais, puis projette de vivre à la campagne. Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire se donne pour métier « commis voyageur ». Dans le film « A Love You » (2015) de Paul Lefèvre, Manu et son pote Fred sont pris pour un couple de gays parce qu’ils font du stop ensemble. Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay, s’identifie à un certain Monsieur Carroll, constructeur d’une gare éponyme, et de 150 ans son aîné, dont il découvre l’homosexualité savamment gardée secrète, sur des photos d’époque : « Carroll a parcouru le Monde avec cet homme. » (Hugo)
 

Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, le voyage est considéré comme un rite d’initiation obligatoire pour se retrouver soi-même et pour vivre l’amour : « Le voyage est un face-à-face avec soi-même. » (Anna Ross, la conseillère d’orientation s’adressant à Johnny, le héros homosexuel) C’est pendant le voyage en bateau vers l’île des Bahamas que nos deux amants Johnny et Romeo vont d’ailleurs se rencontrer.

 

La direction prise par les personnages homos libertaires est en général atlantiste, donc vers l’Ouest (cf. la chanson « Go West » des Pet Shop Boys, la comédie musicale Il était une fois complètement à l’ouest (2016) des Caramels Fous, etc.). Par exemple, dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol et Thérèse partent en voyage « vers l’Ouest » pour vivre follement leur amour, en quittant leur famille respective : « Je partirais bien toute seule. Juste quelques jours. » (Carol)

 
 

b) L’homosexualité contre la maison de l’hétérosexualité :

Généralement, l’homosexualité est associée au voyage, et mise en opposition à la vie conjugale dans le mariage, vie jugée ennuyeuse, et allégorisée par l’espace soi-disant « confiné » de la maison : « Qu’est-ce que papa et maman sont allés faire dans ce trou ? » (Riley par rapport à la ville gay de San Francisco, dans le film d’animation « Inside Out », « Vice-versa » (2015) de Peter Docter) ; « Ma maison, c’est la route ! » (Hedwig, le héros homosexuel du film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell) ; « Elle revint sur ses pas, jusqu’à se retrouver devant chez elle. De nouveau, elle s’immobilisa. Prise d’une envie de partir en courant, comme si la maison risquait de l’avaler. » (Esti, l’héroïne lesbienne face à sa vie de femme mariée, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 84) ; « La première fois que je l’ai fait, c’était pendant la grossesse de ma femme.  Il y avait une réunion de professeurs, à New York. Ma femme ne se sentant pas bien, j’y suis allé seul. Et dans le train, j’y ai pensé. J’y pensais, j’y pensais pendant tout le voyage. Et peu après mon arrivée, j’avais emballé un mec dans les toilettes de la gare. » (Hank, le héros bisexuel parlant de son initiation à l’homosexualité, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin) ; « À la maison, c’est l’enfer. Et tellement bien avec toi. » (Phil s’adressant à son amant Nicholas, au lit, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; etc. Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago, le peintre homo, invite en vain son petit copain Miguel à entreprendre « leur voyage », pour que ce dernier quitte sa vie rangée d’« hétéro ». Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Georges est un notaire, marié avec une femme, homosexuel caché, et sans cesse en voyage : William, son copain, ne supporte plus ses absences ; et c’est lorsque Georges va assumer pleinement son homosexualité qu’il quitte définitivement le domicile familial de sa femme. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc, l’homosexuel refoulé, a l’impression de « manquer d’air », d’« être à l’étroit » dans sa nouvelle maison avec sa femme enceinte Bettina ; et son amant Engel l’incite à partir : « T’as déjà pensé à te casser ? » Marc finit, face à sa mère, de donner raison à l’homosexualité : « Bettina avait raison : une foutue idée, cette maison. » Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon se moque de l’absurdité de la démarche de « Julie et Laurent », un couple hétéro lambda cherchant un appartement. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, on voit tout le temps Adèle dans les transports en commun, pile au moment où elle « se lesbianise ». À la fin du film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, le voyage de Lukasz en train, en direction de là où habite Adam, signe la pratique et l’identité homosexuelles assumées. Dans la pièce Les Amours de Fanchette (2012) d’Imago, Agathe tanne Fanchette pour qu’elles partent vivre leur amour secret dans un lieu complètement isolé du monde : « Il faut que nous partions ! Il faut que nous quittions la maison tout de suite ! » Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, les deux protagonistes lesbiennes, au moment de découvrir leur amour, parlent sans arrêt de leur rêve de partir à Dubaï et de quitter l’enfer de Téhéran : « On se tire à l’étranger. » ; l’histoire termine par l’impossibilité du départ (« On pourrait partir. »), et donc de l’amour homosexuel : Shirin, une fois soumise à un mariage arrangé, ne pourra plus quitter la maison à laquelle Atefeh cherche à l’arracher. Dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, au moment où Sandre tombe amoureux d’une femme, Charlotte, il affirme vouloir arrêter de vivoter, de voyager, pour aimer vraiment (ce changement semble le bouleverser : « Pour quelle raison est-ce que je veux arrêter de voyager ? »). Dans le film « Les Amants diaboliques » (1942) de Luchino Visconti, l’association entre homosexualité et voyage est clairement faite. Quand Giuseppe vient chercher Gino pour vivre avec lui et courir le monde, Gino se retrouve face à un cruel dilemme : doit-il choisir le vagabondage (l’homosexualité) ou la maison (l’« hétérosexualité ») ? La phrase « Je ne veux plus voyager ! » répétée à trois reprises avec violence par Gino signe son refus catégorique du mode de vie homosexuel. Dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, l’acquisition d’une maison et les plans de construction sont montrés comme le summum de la soumission. Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Charlotte, Mélodie et Charles, le « couple à trois », n’arrêtent pas de voyager, sans être capables de se fixer, ni amoureusement ni géographiquement ni socialement. D’ailleurs, Charlotte et Michel se sont engagés dans l’achat d’une maison… et Charles regrette déjà : « Je sais pas si c’était le bon moment pour s’acheter une maison et de s’endetter sur 30 piges… » ; « J’ai l’impression qu’elle nous porte malheur, cette baraque. » Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine se voit menacée d’immobilisme hétérosexuel si elle ne va pas vivre son homosexualité à Paris : « T’as envie de rester ici toute ta vie ? » lui demande l’une de ses ex.

 

Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Ziki, l’héroïne lesbienne, dit vouloir échapper à sa « condition de femme kényane » et « voyager partout dans le monde ». Pour elle, le summum de l’esclavage, c’est d’être « une Kényane classique » et de « rester à la maison ».
 

Quand le héros homo confie à la personne qui l’intéresse sexuellement qu’il aime les voyages, dans sa bouche, c’est comme s’il lui faisait une énorme déclaration d’amour. Il le lui déclare avec un regard tellement transperçant (genre « Je viens de te dire un splendide ‘je t’aime’ ! Je te propose d’être mon compagnon de voyages. ») que sa proie se sens obligée de fuir son regard pour ne pas alimenter le feu de ce voyage qui ressemble à une demande en mariage ! « J’adorerais voyager. Aller avec quelqu’un dans plusieurs endroits du monde. » (Jonathan parlant à Matthieu pour le draguer, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « C’est notre histoire d’amour musicale. Nous l’écrivons scène après scène et notre amour grandit pendant ce voyage vers la liberté ! » (Adam et Steve dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Je ferais pour votre Majesté de bien plus longs voyages. » (Sidonie, l’héroïne lesbienne s’adressant à la reine Marie-Antoinette, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « Tu vois, moi, c’est comme si je voyageais dans un pays merveilleux. » (Sidonie, l’héroïne lesbienne face à la broderie pour la Reine Marie-Antoinette, idem) ; « J’ai toujours rêvé de me faire une nana. Mais c’est comme faire un voyage en Laponie ou en Norvège. C’est du rêve. Ça n’arrivera jamais. » (Une collègue hétéro de Rachel, l’héroïne lesbienne, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Vous échapperiez-vous pour voyager avec moi ? » (Vita Sackville-West s’adressant à son amante Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc. Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Glen essaie de draguer Russell en parlant voyages.

 

Les histoires d’amour homosexuel fictionnelles semblent surtout reposer sur le goût commun des jolis voyages, et non sur un engagement durable : « Simon raconte avec pudeur que le matin-même, il est allé dans l’appartement de Gilberto détruire chacune de ses affaires. Il a déchiré les chemises de Gilberto, consciencieusement, les unes après les autres, il a brisé le joli cendrier chiné ensemble contre la table du salon (Gilberto ne fume pas). IL a aussi déchiqueté les billets d’avion des vacances qu’ils avaient passés ensemble en Hollande, et tout un tas de papiers officiels. Simon dit ‘J’ai déchiqueté ces billets parce que c’est une manière de lui dire qu’il ne peut rien garder, même pas le souvenir heureux de ce voyage.» (Mike Nietomertz, Des chiens (2011), p. 109)

 
 

c) Un vrai voyage ?

Quand bien même le corps du héros homo semble se mouvoir dans l’espace, son voyage ne semble pas habité par un vrai désir. On dirait que celui-ci s’est vidé de liberté et de Réel. « Moi, quand je déprime, je pars en voyage. » (Guillaume, le héros bisexuel du film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) Il s’agit du voyage bourgeois opéré par l’aristocrate qui trouve tout « trrrrès typique » et « trrrrès exotique » parce qu’il ne veut surtout pas bouger de son siège : « Oh, mes enfants, quel voyage ! » (Solitaire dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Ce fut un voyage épouvantable. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 88) ; etc.

 

La tribulation en question n’est pas un voyage dans le sens noble du terme, c’est-à-dire d’ouverture au monde et aux autres. Il mérite d’autres noms : « école buissonnière », « fuite », « fugue », « exil forcé », « errance », « vagabondage », « absorption de drogues », « déterritorialisation littéraire », « mort », « imaginaire », etc. « Ta vie passe forcément par la fuite. » (cf. la chanson « Small-town Boy » de Bronski Beat) ; « En tout cas, ce soir, c’est moi qui voyage. » (Catherine, l’héroïne lesbienne qui en réalité évoque ses « aventures » amoureuses, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; « Nous, les gays, on adore voyager ! On adore les visites cul…turelles. » (le narrateur homosexuel dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Tu as disparu mystérieusement il y a un mois. Mon seul point de chute, c’est le rendez-vous que tu m’as fixé hier sur ton message. Dans une quinzaine de jours devant la cathédrale de Cologne, en Allemagne. Les lettres des villes clignotent, se figent en même temps que les horaires. Il faut que je choisisse vite, que je m’arrache d’ici. C’est mon tour. Que je mange des kilomètres et des kilomètres, que je change de territoire. Dans quinze jours je veux avoir un autre regard. Berlin. Je pourrais y rester, pousser plus loin en Europe avant de te rejoindre à Cologne. Je trace des lignes de fuites sur une carte imaginaire. Un flot de voyageurs déboule, se déploie dans le vaste hall. Tous ces gens qui arrivent, l’air concentré qu’ils ont tous, là et pas là en même temps. Pleins de leur mystère. L’urgence de déguerpir m’a cueilli ce matin à l’aube. Quel contraste avec la mollesse subie de ces dernières semaines, j’avais renoncé à pas mal de choses. Une femme me bouscule, puis un homme. Un autre flot de voyageurs déboule. Ils croisent ceux qui avancent à contre-sens, se dépêchent. C’est donc à ça que je vais ressembler quand je descendrai du train, sur le quai à Berlin : un homme/automate perdu, qui veut avoir l’air crédible dans son rôle de touriste, pour oublier qu’il est parti à force de tourner en rond à t’attendre, parce qu’il n’est pas capable d’inventer grand chose tout seul ? » (cf. l’incipit du narrateur homosexuel du roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc) Par exemple, le voyage est qualifié d’« absence » dans le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard. Dans le roman Jours de mûres et de papillons (2014) de Marie Evkine, c’est une grande peine de cœur après une passion amoureuse vouée à la rupture qui motive le voyage en Italie, en Amérique, à Paris, de l’héroïne lesbienne. Il arrive d’ailleurs que la destination de ce voyage homosexuel soit parfois fictive. C’est comme la « Canary Bay » du groupe Indochine ou le pays imaginaire de Peter Pan : « Personne ne peut y aller. » Ce voyage ne rentre pas dans l’espace-temps réel : il va « plus loin que la nuit et le jour » (cf. la chanson « Voyage, voyage » de Desireless). Symboliquement, le personnage homosexuel met la tête dans un décor pour se donner l’illusion qu’il a un destin de nain « à la Amélie Poulain », ou bien feuillette un beau livre d’images qu’il voit défiler passivement devant lui. On le balade en gondole, comme le personnage figé d’Aschenbach dans le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti. Autres exemples : dans le film « Absences répétées » (1972) de Guy Gilles (titre ô combien signifiant), François décide de « faire un long voyage ». La pièce La Fuite à cheval très loin dans la ville (1976) de Bernard-Marie Koltès, qui a priori suggère le voyage par son intitulé, ne traite pas dans la trame narrative d’un voyage réel, puisque le narrateur ne quitte pas la ville : il s’agit d’une simple errance de la pensée. Dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, le « voyage » n’est que l’autre nom du transfert schizophrénique de personnalité, de l’extase pour se substituer aux autres. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo, le héros homosexuel aveugle, rêve de partir loin, de déménager, de suivre un programme d’échange à l’étranger, mais on voit que son voyage n’est pas concret : il veut rejoindre un pays imaginaire que personne ne connaîtrait, là où « tu peux t’inventer ta propre personnalité ». Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Donato, le héros homo, a abandonné sa famille brésilienne pour aller s’exiler en Allemagne, sans donner de nouvelles. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, on assiste à l’errance nocturne de Davide, le jeune héros homosexuel, dans le monde de la prostitution homosexuelle de Catano. Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, les « déplacements à l’étranger » de Lola étaient en réalité des bobards pour masquer ses infidélités « extraconjugales » à Vera.

 

Le voyage dont il est question dans les fictions homosexuelles est plutôt une fuite de soi qu’un don de sa personne : « Moi, j’ai l’art de la fugue. » (Mimile dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 63) ; « Je suis en errance, passagère clandestine d’une vie qui n’est pas la mienne. » (la narratrice lesbienne dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 31) ; « Quand je pars avec lui tout au bout de la nuit, je ne sais plus qui je suis, si je suis moi ou lui. » (cf. la chanson « Mon Démon » du Teenager dans la comédie musicale La Légende de Jimmy de Michel Berger) ; « J’ai voyagé de Mexico à Tokyo sans savoir dans quel pays j’étais. » (cf. la chanson « Disco Queen d’un soir » de la Palma dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Je peux quitter n’importe qui, n’importe où. » (Hannah, lesbienne qui ne sait pas s’engager et qui s’auto-définit par l’infidélité, dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini) ; etc. Par exemple, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, c’est suite à sa rupture amoureuse avec son amant Pierre que Rudolf décide de tout larguer (appartement, job, amis) pour aller s’installer dans la montagne autrichienne : ses deux potes gays Nicolas et Gabriel, eux aussi dégoûtés de la vie, le suivent dans sa fuite en avant, dans ce voyage sans but. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, tous les personnages, en particuliers transsexuels, voyagent : que ce soit le voyage vers Kojoor en taxi entre Adineh l’héroïne transsexuelle F to M et Rana la femme mariée, ou encore l’exil d’Adineh en Allemagne pour se faire opérer et changer de sexe. Le père d’Adineh veut empêcher que sa fille parte et qu’elle « devienne une vagabonde qui vit à l’étranger ».

 

Le voyage homosexuel ressemble à la pulsion : « Instant présent tu es l’essence du voyage. » (cf. la chanson « Vertige » de Mylène Farmer) Il n’a pas de but ou de sens apparent : « Je suis un expert en routes. J’ai goûté des routes toute ma vie. Cette route-ci n’a pas de fin. Elle fait sans doute le tour du monde. » (Mike, le héros homosexuel du film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant) Il ne semble pas avoir d’assise sur le Réel : il est davantage dicté par l’imaginaire que par la réalité concrète : « Tout au fond de ma mémoire, je le sens se réveiller, l’ancestral désir de toi : c’est le désir de monter sur un beau tapis magique pour survoler toute l’Afrique dans un dessin-animé. » (Lou à Ahmed, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je visite le monde, je veux devenir voyageur, errer. […] Je découvre des pays, je les aime littéraires, je lis des livres… » (Louis dans la pièce Juste la fin du monde (1999) de Jean-Luc Lagarce) ; « Dans un voyage imaginé, j’ai glissé ma liberté entre les pages d’un cahier. » (cf. la chanson « Les Romantiques » dans la comédie musicale George Sand et les Romantiques (1992) de Catherine Lara) ; « Nous sommes constitués de choses molles et façonnables. Nous sommes des êtres poreux. Nous sommes des bouts de bois flotté, des pierres polies par les courants. Nous sommes des grands voyageurs. Il n’y a pas de petits déplacements. » (le narrateur du film « Anu » (2012) de Lola Peuch) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, les voix-off, quand elles abordent la thématique du voyage, se réfèrent toujours au monde virtuel d’Internet, à l’espace éthéré de la rêverie et de la sensation : « Le corps cassé. Toujours vivant. Je traverse l’été. » ; « Partir aussi est un art. » On retrouve le jargon queer du déplacement : il s’agit de « rêver la géographie », de reconstituer mentalement une « cartographie du souvenir ».

 

Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, les deux amantes lesbiennes, Marilyn et Mona, fuient leur quotidien respectif parce qu’elles sont soit malheureuses dans leur travail et dans leur couple, soit inculpées d’homicide involontaire (Mona a tué accidentellement sa belle-mère en lui administrant les mauvais médicaments). « Je suis partie. » déclare Mona en pleurs. « T’as eu raison. » lui répond Marilyn.
 
 

d) Le nomadisme dans l’immobilité :

Film "Priscilla folle du désert" de Stephan Elliott

Film « Priscilla folle du désert » de Stephan Elliott


 

En général, le voyage figuré dans les fictions homo-érotiques n’est pas réel : le personnage homosexuel effectue un voyage intérieur, et vit une forme de « nomadisme dans l’immobilité », en parcourant une contrée immatérielle qu’il a du mal à identifier : cf. le roman La Gare des faux départs (2002) d’Hugo Marsan, l’album « Voyages immobiles » d’Étienne Daho, le roman Le Vagabond solitaire (1960) de Jack Kerouac, la pièce Ici et ailleurs (1981) de Jean-Luc Lagarce, le film « Permanent Residence » (2009) de Danny Cheng Wan-Cheung, le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram, la chanson « J’veux voyager » d’Olympe, etc. « Solution en vue : l’immobilisme. » (la Comédienne à propos du mouvement gravitationnel des planètes, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je me déplace lentement, presque immobilement. » (l’un des héros homosexuels de la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès) ; « Moi je planais comme un dingue. […] Mais cette vie-là ça m’a fatigué vite. Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous. » (l’un des personnages de la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Il ne sait pas partir, il n’a jamais su. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 460) ; « J’ai jamais pu partir. J’ai essayé dix fois. J’y suis pas arrivé. » (Stéphane s’adressant à son ex-amant Vincent, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Si j’avais une machine à remonter le temps, j’irais nulle part. » (Shirley Souagnon disant qu’à aucune époque elle aurait été acceptée telle qu’elle est, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, les jumeaux Quentin et Antoine s’en vont en voyage vers l’Espagne pour assister à l’enterrement de leur mère. Mais celui-ci se révèle être finalement un prétexte : « On va en Espagne à l’enterrement de notre maman. On ne l’a jamais connue. » Dans le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, Hennis affirme que le plus long voyage qu’il a effectué dans sa vie est celui qui l’a conduit à la poignée de sa cafetière. Dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi, les deux amantes lesbiennes Ada et Cherry feignent d’aimer les voyages (Cherry, par exemple, exerce le métier d’hôtesse de l’air : « J’ai beaucoup voyagé, alors partout c’est chez moi. » ; Finalement, on découvre que ce ne sont que des mots : Ada déclare qu’« elle ne voyage jamais » et Cherry lui répond qu’« elle non plus »). Dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, les protagonistes cherchent une Alaska mythique où elles n’arriveront jamais. Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa dit qu’elle « a beaucoup voyagé… énormément… en regardant sa télé ».

 

Le voyage homosexuel, bien qu’étant davantage un sur-place ennuyeux qu’un élan de vie accomplissant, donne parfois aux amants homosexuels fictionnels l’illusion temporaire de toute-puissance de l’éclatement narcissique : certains artistes homosexuels versent dans la carte postale et l’esthétisme cinématographique pour cristalliser leurs pulsions sexuelles éphémères en « voyage transportant » et romantique : « Nous demeurons longtemps, vraiment, dans cette immobilité. Nous sommes au centre de ma chambre, au centre du monde. Nous sommes immobiles et vivants. Nous sommes au plus près du vivant. » (Vincent à propos de son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 40) ; « Tu te rends compte de la chance qu’on a. On s’aime et on est en haut de la Tour Eiffel ! […] Nous ne sommes pas en haut de la Tour Eiffel mais dans la nacelle d’une montgolfière. Nous ne survolons pas Paris, nous dominons le monde. » (Kévin s’adressant à son amant Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pp. 142-144) ; « Khalid était à moi. Il s’enfonçait dans ma bouche. Je continuais de voyager dans la sienne. Des voies. Des ruelles. De l’obscurité. Des lumières, rares. » (Omar, l’un des héros homosexuels du roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 141) ; « Tout n’est qu’une vaine mise en scène : tes faux départs sont toujours les mêmes. » (cf. la chanson « Pas de doute » de Mylène Farmer, où il est question de l’éjaculation précoce) ; « J’ai toujours pensé que fuir serait la plus belle des sorties. » (c.f. la chanson « Comme ça » d’Eddy de Pretto) ; etc. Par exemple, dans le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, le voyage de Paul et sa découverte de la ville de New York ne se résument, dans les faits, qu’à un désinvolte tourisme sexuel. Dans la pièce Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, le travesti Zulma sous-entend dans le verbe « voyager » = « avoir des relations sexuelles ». Le « voyage » dans les créations homosexuelles s’apparente donc au vagabondage sexuel de l’individu volage et infidèle, à un prétexte excessivement poétisé pour une vulgaire partie de jambes en l’air ou pour l’exercice de la prostitution : cf. le film porno « Le Voyage à Venise » (1986) de Jean-Daniel Cadinot, le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie, etc. « Dis au voyageur qui est avec toi qu’il a laissé son sac à dos sur le canapé. » (Rodney s’adressant à Paul, son amant, à propos de George l’amant caché de Paul, dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner)

 
 

e) Le dernier voyage :

Film "Una Noche" de Lucy Molloy

Film « Una Noche » de Lucy Molloy


 

Plus gravement, le voyage dont parlent les œuvres homosexuelles est très souvent synonyme de mort, de mensonge, et d’accident : cf. le film « Muerte En La Carretera » (1977) de Pedro Almodóvar, le film « Zombie L.A. » (2011) de Bruce LaBruce, le film « Thelma et Louise » (1991) de Ridley Scott, le film « Monster » (2004) de Patty Jenkins, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann, la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman (fonctionnant sur le modèle de « Bonnie & Clyde »), le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald (avec le couple lesbien Stella/Dotty en cavale et en fuite de la maison de retraite : Dotty ne survivra pas à ce voyage), le film « Una Noche » (2012) de Lucy Molloy (racontant un voyage de trois personnages recherchés par la police sur un radeau minuscule), la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le film « Scène de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann (racontant une dramatique chasse à l’homme), le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (où le « voyage » effectué par le héros homosexuel cloné n’est que le nom euphémisé de sa mort), etc. « Une robe noire… Il me faut une robe noire pour le voyage. » (Octavia dans la pièce Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « Tu évoques les années de l’enfance, quand les autres à l’école se moquaient de toi, quand il fallait inventer l’histoire d’un père aventurier, voyageur, disparu ou mort au cours de je ne sais quel hasardeux combat […] » (Vincent à la figure de Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 99) ; « Alors, Dieu, vous avez fait un bon voyage ? Pas trop d’encombrements dans les trous noirs ? » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Loin très loin du monde où rien ne meurt jamais, j’ai fait ce long ce doux voyage. » (cf. la chanson « Regrets » de Mylène Farmer) ; « Vois la pénombre qui éclaire mon visage. On s’est dit ‘ensemble si c’est là ton voyage’. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; « Bon voyage. » (la mère de Franz, le héros homo, quand ce dernier lui annonce par téléphone qu’il vient de s’empoisonner, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; etc. Par exemple, dans le film « Les Astres noirs » (2009) de Yann Gonzalez, la mort est définie par le personnage interprété par Julien Doré comme « le plus beau des voyages ». Dans la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, Paul, le héros homosexuel, voyage au camp de concentration d’Auschwitz. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, raconte son « affreux voyage » de Marseille à la capitale parisienne, pendant lequel sa voisine de train meurt de vieillesse. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François propose à son amant Thomas de « voyager cet été avec la carte bleue [de ce dernier] » et chante la chanson de Desireless « Voyage voyage ». Sans l’en avertir, il leur a acheté un voyage à Bali pour aller voler un enfant adoptable. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018, Arthur, le héros homo, décrit son chemin du comptoir du bar aux toilettes comme le « voyage le plus long de sa vie »… et ce voyage est la mort étant donné que son cœur cesse de battre.

 

La fièvre voyageuse peut indiquer chez le héros homosexuel un viol ou une pression homophobe qu’il a subis. « Je pars en exil. » (Luca, le héros homosexuel, focalisé sur l’homophobie dont il se présente comme éternelle victime, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; « Un voyage onirique au cœur de l’inconscient et de ses mécanismes de défense, tel que le déni, ici, celui du viol dont Anne a été victime dès son plus jeune âge. À la recherche d’elle-même, mais aussi de l’autre, lui, qu’elle prend pour ce qu’elle croit être un ange. » (cf. un résumé du film « Incidences » (2012) d’Andromak) ; etc. Par exemple, dans le film « Camionero » (2013) de Sebastián Miló, Raidel raconte que son ami homosexuel Randy voulait devenir camionneur juste pour fuir sa réalité scolaire de maltraitance.

 

En conclusion, le « voyage » proposé par le désir homosexuel, à force d’être trop déconnecté du Réel, excessivement romantisé et esthétisé, finit par se transformer en cauchemar, en balade vide, en expédition dénuée de liberté et de désir. Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, les deux héros (Dany, homosexuel, et son grand frère hétéro Odysseas… nom mythique invitant au voyage) ont la bougeotte : ils cherchent à quitter leur Albanie natale pour rejoindre la Grèce (et le « succès », l’argent, leur père), fuient après avoir opéré des larcins et des tentatives de meurtre (suite à des agressions homophobes) ; et dans ses fantaisies, Dany se rêve toujours ailleurs que les lieux où il se trouve (il se voit dans un bateau de croisière sur la mer, veut partir vivre en Amérique).

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le voyageur homosexuel globe-trotteur :

Dessin caricatural de Paul Verlaine

Dessin caricatural de Paul Verlaine


 

La communauté homosexuelle est peuplée de pigeons voyageurs. Je vous renvoie à l’article « Copi le Voyageur » (1974) de Colette Godard, le docu-fiction « Love And Words » (2008) de Sylvie Ballyot (relatant un voyage au Yémen), l’autobiographie Mémoires d’un nomade (1972) de Paul Bowles, le documentaire « Too Much Pussy ! » (2010) d’Émilie Jouvet, le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz (avec la route filmée à travers un pare-brise), etc. Par exemple, le film « Queens » (2012) de Catherine Corringer est intégralement tourné en caméra subjective, par un personnage qui marche, qui voyage. La biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert montre les voyages du « couple » Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé, barbus, en scooter aux États-Unis, ou bien en virée au Maroc.

 

Il suffit de faire un tour sur les sites de rencontres Internet, d’observer l’étalage de photos de vacances et de clichés des nombreuses destinations exotiques qu’un certain nombre de personnes homosexuelles ont suivies, pour en avoir le cœur net. Cette frénésie homosexuelle pour les voyages s’explique en partie par leur train de vie (en général ennuyeux et oisif), par leur goût quasi obsessionnel pour l’esthétisme, par leur statut de célibataires, et par leur pouvoir d’achat globalement plus important que des couples femme-homme avec enfants à charge, qui ne peuvent pas se payer de voyages tous les ans. La grande majorité des personnes homosexuelles sacralisent les voyages (cf. les clubs de randonnée « gays », les croisières « gays », les agences de voyages « gays »…). On rencontre beaucoup de globe-trotteurs parmi les célébrités homosexuelles : pour ne citer qu’elles, Edmund White, Annemarie Schwarzenbach, Pierre Loti, Néstor Perlongher, Bruce Chatwin, Klaus Mann, Luis Cernuda, Edward Morgan Forster, Marguerite Yourcenar, Jean Cocteau (qui a même entrepris un tour du monde en 80 jours), etc. « Marguerite Yourcenar ne revendiquait d’autre patrie que celle de sa langue, et s’affirmait citoyenne du monde. […] Le voyage est au cœur de son œuvre. » (cf. l’article « Les Derniers Voyages » de Valérie Cadet, dans le Magazine littéraire, n°283, décembre 1990, p. 40)

 
 

b) L’homosexualité contre la maison de l’hétérosexualité :

Généralement, dans les discours, l’homosexualité est associée au voyage, et mise en opposition à la vie conjugale dans le mariage, vie jugée ennuyeuse, étriquée, cloisonnante, et allégorisée par l’espace soi-disant « confiné » de la maison : « Familles, je vous hais. Foyers clos ; portes refermées ; possession jalouse du bonheur. » (André Gide, Les Nourritures terrestres (1897), p. 76) Très tôt, un certain nombre de personnes homosexuelles n’ont pas eu de maison, c’est-à-dire de famille unie, ce qui les a parfois mises dans une situation d’errance propice à l’installation du désir homosexuel. C’est le cas de l’écrivain britannique Bruce Chatwin qui raconte que dans son enfance, il était ballotté de maison en maison, sans attache. « Nous étions livrés à nous-mêmes, abandonnés. Mon père était en mer, ma mère et moi allions d’un lieu à un autre. […] Les lieux de nos songes avaient plus de consistance que les voyages qui les séparaient. Les maisons étaient irréelles. J’ai toujours eu horreur d’habiter une maison. » (cf. l’article « Apuntes Biográficos » sur la vie de Bruce Chatwin, dans le site www.islaternura.com) Le divorce de ses parents, en plus de l’avoir écartelé, l’a transformé en électron libre. Une fois arrivé à l’âge adulte, sa perte de repères se traduira par une homosexualité et une passion obsessionnelle pour les voyages. « Le fait de voyager et d’aller au bout de la terre m’a permis de couper les ponts avec la famille et de revenir en me montrant au monde telle que je suis. » (une femme trentenaire lesbienne dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre)

 

c) Un vrai voyage ?

Le voyage dont il est question dans les discours des personnes homosexuelles est plutôt une fuite de soi schizophrénique qu’un don concret et unifié de sa personne. « Je me regarde dans cet appartement, comme si j’étais ailleurs. Ailleurs ! J’ai toujours vécu en quelque sorte ailleurs, pays que connaissent tous ceux pour qui c’est l’appel d’un monde au-delà des apparences. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, 13 juin 1981, p. 40) ; « Ne trouvant pas ma place dans cette société, je largue les amarres régulièrement. Je voyage. Quand la culture est différente, j’oublie. » (Jean-Pierre, homme homosexuel de 68 ans, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « Personne à la maison ne comprenait cette volonté de partir qui m’animait en permanence. » (Ednar, le héros homosexuel du roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 70) ; « Qui n’a pas fait ce rêve de changer d’identité, d’être ailleurs ? […] Alors, l’étrange voyage commence […] en passant de corps en corps. […] Mes difficultés commencèrent quand j’essayai de mettre par écrit cette randonnée fantastique. […] Je fus vite arrêté par mon ignorance des êtres : mon tour du monde se révélait trop petit. » (Julien Green dans la préface de son roman Si j’étais vous (1947), à propos de la schizophrénie de son héros) ; « Ce film emmène le spectateur à travers le voyage physique et émotionnel qu’un jeune homme trans subit pendant sa transition. » (cf. un résumé du film « XWHY » (2012) de Jake Graf) ; « J’aimerais partir. Ne rien faire. Pour tout oublier. Devenir sage. » (Yves Saint-Laurent, déprimé par les drogues et ses frasques sexuelles, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton) ; etc. Par exemple, l’artiste « performer » transgenre F to M Orlan considère son corps comme un média, un instrument de son désir de nomadisme.

 

Il ressemble à l’état vaporeux et éphémère que donne la pulsion ou le sentiment amoureux. Il n’a pas de but ou de sens précis. « J’étais maintenant un hayèm, un errant dans le désert, comme dans les poèmes d’Ibn Arabi. Vagabond. Sans le sens. Sans Dieu. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 92) Il repose davantage sur l’imaginaire et les fantasmes que sur le Réel. D’ailleurs, la déterritorialisation est l’un de leurs procédés stylistiques littéraires favoris des romanciers et dramaturges homosexuels. « La littérature du XXe siècle écrite par les homosexuels présente souvent le thème de l’exil, bien que ça ne soit que l’exil intérieur. » (Gregory Woods, Historia De La Literatura Gay (1998), p. 227) Par exemple, Alfred Jarry, lors de son discours prononcé à la première représentation d’Ubu Roi le 10 décembre 1896, affirmait que sa pièce se déroulait « en Pologne, c’est-à-dire Nulle Part ».

 

À l’heure actuelle, les promoteurs homosexuels du voyage, très nettement influencés par l’idéologie désincarnée et asexualisante de la Queer & Gender Theory nord-américaine, ne se réfèrent pas à des voyages réels : ils défendent plutôt des mouvements spatiaux artistiques, sensoriels, intellectuels proches des fantasmes violents anti-Réel : « Nous ne sommes pas instables, nous sommes mouvants. Aucune envie de s’ancrer, dérivons… » (Guy Hocquenghem dans la revue Recherches, mars 1973) ; « La vie est un voyage expérimental, effectué involontairement. » (l’écrivain Paul Bowles cité dans l’article « Apuntes Biográficos De Paul Bowles », sur le site www.islaternura.com); « Ma compagne, Sandrine, a 34 ans et elle ne veut plus attendre pour avoir un enfant. Moi, je n’envisageais pas vraiment d’être mère. Je décide alors de prendre ma caméra pour suivre ce parcours, notre parcours vers un enfant désiré mais aussi, pour moi, un chemin vers une maternité particulière qui ne m’a jamais semblé ‘naturelle’. Comment allons-nous faire ? Nos proches s’interrogent et nous aussi. Nous avons choisi l’insémination artificielle à l’étranger. Nous allons donc voyager, espérer et je vais profiter de ce temps pour trouver ma place de mère, car je vais devenir mère… sans porter notre enfant. » (Florence Mary, la réalisatrice du documentaire « Les Carpes remontent les fleuves avec courage et persévérance », 2012) ; etc.

 

Par exemple, dans son essai Théorie Queer et cultures populaires de Foucault à Cronenberg (2007), Teresa de Lauretis présente la pensée queer comme une idéologie du « déplacement » (p. 69), un « processus de déplacement » (idem, p. 19 et p. 88), une « traversée des frontières de la différence sexuelle » (idem, p. 91). En réalité, ce mouvement se dirige vers un « ailleurs » qui se trouve être plutôt un « nulle part » : « Le mouvement dont je parle est plutôt un mouvement qui part de l’espace représenté par/dans une représentation, par/dans un discours, par/dans un système sexe/genre et va vers un espace qui n’est pas représenté mais qui lui est implicite (invisible). » (idem, p. 92) Comme l’explique brillamment François Cusset dans son essai Queer Critics (2002), la Queer & Gender Theory, principalement portée par les membres bobos de la communauté homosexuelle, développe une conception floue, non-désirante, et donc non-libre, du voyage et de notre espace spacio-temporel réel : « Queer est plus généralement cet art même du déplacement, touristique ou zoophilique, stylistique ou corporel, l’art d’être où rien ne vous attend. » (p. 15)

 
 

d) Le nomadisme dans l’immobilité :

Au bout du compte, on découvre que le « puissant voyage » vanté par de nombreux sujets homosexuels se résume à une virée égocentrique (séduisante intellectuellement, ressemblant même à une masturbation) plutôt qu’altruiste, à un voyage de la pensée plutôt qu’à un voyage réel. Par exemple, pendant son concert Les Murmures du temps au théâtre parisien de L’île Saint-Louis Paul Rey en février 2011, le chanteur Stéphane Corbin dit avoir « un esprit voyageur ». Le désir homosexuel encourage l’individu qui s’y adonne à pratiquer le fameux « nomadisme dans l’immobilité » que prônent les farfelus Gilles Deleuze et Félix Guattari dans leur essai L’Anti-Œdipe (1972). D’ailleurs, dans son article « Deseo De Pie » (1986), le poète argentin Néstor Perlongher, fidèle disciple de Deleuze, se définit lui-même comme un « errant qui se désire sédentaire » (p. 108)

 

Le voyage homosexuel, bien qu’étant davantage un sur-place « tue l’ennui » qu’un élan de vie accomplissant, donne parfois aux personnes homosexuelles qui le chantent l’illusion temporaire de toute-puissance de l’éclatement narcissique : certaines versent même dans la carte postale et l’esthétisme cinématographique pour cristalliser leurs pulsions sexuelles éphémères en « voyage transportant » et romantique : « En 2004, j’ai entrepris un voyage inouï : j’ai décidé de passer du monde des hommes à celui des femmes. […] Une main invisible semblait abattre les uns après les autres les obstacles qui se trouvaient devant moi ; je n’étais pas sûre que cette main ne soit pas celle du démon. » (Patricia, femme lesbienne citée dans l’autobiographie Libre : De la honte à la lumière (2011) de Jean-Michel Dunand, p. 150) Par exemple, dans la biographie Copi (1990), Jorge Damonte affirme que son frère se définissait lui-même comme « voyageur et voyeur » (p. 81) : « Nos vies étaient des vies d’étrangers. Notre pays d’origine nous était interdit. Nous avons vécu des jeunesses nomades. » (p. 7) La conception du « voyage » défendue par la population interlope s’apparente donc au vagabondage sexuel de l’individu volage, à un prétexte excessivement poétisé pour une vulgaire partie de jambes en l’air ou pour l’exercice de la prostitution et de la drague : « À l’allure de ces contacts qui foisonnaient de partout, surgit ma rencontre avec un fils de riche monégasque qui m’initia aux joies du mannequinat et des voyages à l’étranger. Cette formule de voyages à l’étranger, appelée ‘Escort’ dans le milieu, n’était autre qu’un accompagnement auprès des hommes d’affaires dans leurs déplacements. Bien sûr, avec le sexe à l’appui ! » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 115) ; « Ces hommes, vautrés dans la culture, qui, à travers promenades et conversations érudites sur les pièces de théâtre, l’opéra, les musées ou les voyages, parlant le plus souvent deux à trois langues, vous font faire un marathon culturel en s’affirmant intellectuels et appartenant à une autre catégorie de gens. Entre eux et moi, l’argent s’imposait c’est vrai. Mais leurs convictions également. » (idem, p. 122) ; « Je n’avais pas beaucoup voyagé dans ma vie. Face à Karabiino, je me rendais compte que l’Humanité est une espèce qui m’était en grande partie inconnue. Ce garçon n’était pas comme moi. Ne pouvait pas avoir les mêmes origines que moi. Les mêmes racines. Impossible. Évidemment, je le savais, mais je ne pouvais pas m’empêcher de le remarquer, de me le répéter. Après tout, j’étais africain moi aussi, comme lui. Il avait l’air encore pur, encore frais, encore précieux, loin de la banalité des autres hommes. Ce garçon de 17 ans réinventait l’homme pour moi et révolutionnait du même coup l’idée que je me faisais de la grâce. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 72-73) ; etc.

 

À ce propos, j’ai remarqué que le voyage était un thème de prédilection de la grande majorité des communautaires homosexuels, une technique de drague facile et très courue chez les plus bobos d’entre eux… comme s’ils pensaient acheter notre cœur avec un simple billet d’avion. En général, quand un dragueur homosexuel nous dit qu’il aime les voyages, dans sa bouche, c’est comme s’il faisait une splendide déclaration d’amour, d’une sincérité et d’une originalité censées nous désarmer totalement. En plus, il nous avoue son amour des voyages avec un regard mielleux tellement sincère et cet air de ne pas y toucher si faussement pudique (genre « Je viens de te formuler un splendide ‘je t’aime’ en me définissant comme un féru des voyages : tu n’as pas vu ? ») qu’on se sent obligé soit d’éclater de rire, soit de fuir un peu ses yeux de crooner pour ne pas alimenter le feu de ce voyage qui ressemble à une mauvaise brochure publicitaire du Club Med.

 
 

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