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Code n°53 – Drogues (sous-code : Tendresse / Lesbienne alcoolique / Obsédés sexuels)

drogues

Drogues

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

DROGUES 12 Kang seringue

B.D. « Kang » de Copi


 

Les drogues dans les œuvres fictionnelles homo-érotiques sont régulièrement présentées des comme stimuli du désir homosexuel, surtout par les héros qui vivent une phase de dépression et de mépris d’eux-mêmes, par les personnages bisexuels qui ne veulent assumer leur passage à l’acte homosexuel autrement que par l’excuse de l’accident dû à l’ivresse, mais également par les personnes homosexuelles « assumées » qui comparent leur avenir amoureux à un doux alcool qui les conduit à la fois au nirvana et à la mort. La figure du drogué homosexuel, et notamment de la lesbienne alcoolique, est un archétype de l’« homosexualité noire », queer, décontractée, décomplexée, déproblématisée, et « sans prise de tête », bref, bobo et homophobe.

 

Ceci n’est pas éloigné de la réalité. La consommation de drogues dans le « milieu homo » est particulièrement élevée, voire en général plus élevée qu’ailleurs (je tiens ces informations de buveurs invétérés, de fidèles clients de bar gay, et autres consommateurs de poppers et cocaïne). Que cela soit l’illustration d’un rejet et d’un isolement qu’ont subi les personnes homos, que cela soit le reflet d’une stratégie de survie face à une oppression homophobe/homosexuelle, ne fait à mes yeux aucun doute ! Celui qui se drogue est toujours quelqu’un qui a manqué d’amour. Et la drogue appelle en particulier les personnes qui ne s’aiment pas assez elles-mêmes, qu’on a poussé à la consommation, qui sont fragiles… et les personnes homosexuels sont fragilisés quand elles décident d’actualiser leur désir homosexuel par le couple.

 

Le point commun entre le désir homosexuel et l’abus de drogue, c’est qu’ils ne s’appuient pas sur le Réel, le premier parce qu’il a éjecté le socle le plus fondamental du Réel qu’est la différence des sexes, le second parce qu’il cherche à fuir les limites du corps individuel et social. Et chacun sait que lorsque nous quittons le Réel, même au nom de bonnes choses à la bases (l’amour, la tendresse, le plaisir, l’art, la « communion spirituelle », l’évitement de la souffrance, etc.), nous rejoignons tôt ou tard la violence, et nous nous soumettons à ce que nous consommons plus passivement qu’activement/librement.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Bonbons », « Bobo », « Homosexualité noire et glorieuse », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Morts-vivants », « Attraction pour la foi », « Scatologie », « Extase », « Main coupée », « Fan de feuilletons », « Télévore et cinévore », « Tout », « Peinture », « Jeu », « Bovarysme », « Voyage », « Planeur », « Douceur-poignard », « Symboles phalliques », « Milieu homosexuel infernal », à la partie « Matérialiste » du code « Collectionneur homo », et à la partie « Nourriture comme métaphore du viol » dans le code « Obèses anorexiques », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

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FICTION

a) Le héros homosexuel drogué :

DROGUES 1

Film « Le Festin nu » de David Cronenberg


 

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel consomme de la drogue (cigarettes, alcool, cocaïne, etc.) : cf. le film « Poppers » (1984) de José María Castellvi, le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, la pièce La Carne De Tablado (1918) d’Álvaro Retana, le roman L’Ange impur (2012) de Samy Kossan, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Into It » (2006) de Jeff Maccubbin, la peinture La Blanche et la Noire (1904) de Félix Valotton, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland, le film « Mandragora » (1997) de Wiktor Grodecki, le film « L’Affaire Crazy Capo » (1973) de Patrick Jamain, la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez, la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon, le film « Opium » (2012) d’Arielle Dombasle, le film « Little Lies » (2012) de Keith Adam Johnson (Phillip, le héros homo, boit beaucoup), le film « My Brother The Devil » (2012) de Sally El Hosaini, le film « Sugar » (2004) de John Palmer, le film « Blow » (2000) de Ted Demme, le film « Mondo Trasho » (1970) de John Waters, le film « Good As You » (2012) de Mariano Lamberti, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Tony Rome est dangereux » (1967) de Gordon Douglas, le film « Une si jolie petite plage » (1948) d’Yves Allégret, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, le film « Absences répétées » (1972) de Guy Gilles, le film « La Jeunesse de la bête » (1965) de Seijun Suzuki, le film « Traffic » (2000) de Steven Soderbergh, le film « Nowhere » (1997) de Gregg Araki, le film « Sin Destino » (1999) de Leopoldo Laborde, le film « Prinz In Hölleland » (« Prince en enfer », 1992) de Michael Stock, le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler, le film « Morirás En Chafarinas » (1995) de Pedro Olea, le film « Pasajes » (1995) de Daniel Calparsoro, le film « 15 » (2003) de Royston Tan, le film « J’ai rêvé sous l’eau » (2012) d’Hormoz, la chanson « Voyage sans retour » de Jack dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson (avec Max, le héros homosexuel drogué), le film « Yiss – J’arrête » (2008) de Mercure & Malin, le film « Absences répétées » (1972) de Guy Gilles, la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter, le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker, le roman Boquitas Pintadas (La Vie est un tango, 1979) de Copi (avec la cocaïne), le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras (Strella, le héros transsexuel, se shoote tout le temps), le film « Holding Trevor » (2007) de Rosser Goodman, le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau (avec Jules, l’écrivain homosexuel alcoolique ; sa camarade de soirée, Michèle, s’étonne qu’il ne fasse pas partie, comme elle, du monde du spectacle : « Drogué, alcoolique et gay… Et t’es pas comédien ??? »), le film « Les Amants passagers » (2013) de Pedro Almodóvar (avec certains membres de l’équipage qui se shootent dans les cabines de l’avion), le film « La Garçonne » (1936) de Jean de Limur (avec la fumerie d’opium), le one-man-show Bon à marier (2015) de Jérémy Lorca, le film « Darkroom – Tödliche Tropfen » (« Backroom – Drogue mortelle », 2019) de Rosa von Praunheim, etc.

 

Par exemple, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, le héros-vampire Pretorius boit autant de sang que de vin rouge. Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Tom, le chanteur homosexuel, se sniffe sa coke poudrée en cachette… et sa mère est une alcoolique mondaine (« T’as pas encore bu, maman, quand même ? »). Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, boit comme un trou. Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Rayon, le héros transsexuel M to F, est toxicomane. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, le père Adam sombre dans l’alcool en même temps qu’il découvre son homosexualité. Et en confession, il reçoit un jeune, Rudy, qui lui avoue qu’il a taillé une pipe à un type après une fête alors qu’il était bourré. Plus tard, Rudy tombera vraiment dans la pratique homo et dans les filets d’un autre jeune délinquant du centre, Adrian, décrit comme « toujours camé ». Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, tous les personnages homosexuels fument des clopes. Dans le film « Pigalle » (1993) de Karim Dridi, Jésus, surnommé le Gitan, est un petit trafiquant de son quartier. Dans la série Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald, Mia, le héros transsexuel M to F se drogue aux hormones et à l’alcool. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne se drogue à la cocaïne. Dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, le narrateur homosexuel se retrouve à maintes reprises « complètement camé et saoul » (p. 26) : « Je fume du hasch comme un dingue. » (idem, p. 63) ; etc. Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, la Comédienne se fume un joint. Dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays, Steeve fait un trafic de poppers, « la » drogue associée par définition au « milieu homo ». Dans le roman La Cité des Rats (1979), Copi-Traducteur fait allusion à « son passé d’alcoolique » (p. 155) ; et le personnage de Gouri fume son cigare de haschisch. Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, « L. » prend des champignons hallucinogènes. Dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, le Baron Lovejoy, ouvertement homosexuel, se drogue. Dans le film « Forty Deuce » (« Quarante partout », 1982) de Paul Morrissey, un prostitué (interprété par Kevin Bacon) essaie de couvrir la mort par surdose d’un autre gamin. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès que Rana, chauffeuse de taxi, découvre la transsexualité de sa passagère intersexe F to M Adineh, elle l’accuse comme par hasard de trafic de drogue : « T’es un toxicomane ! » Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, vivait une relation amoureuse cachée avec Charles, un homme décrit comme un alcoolique suicidaire. Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy mariéré avec son monocle, se rend dans une fumerie d’opium. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018, Arthur, le personnage homosexuel, se drogue et meurt car son cœur s’est arrêté. Dans le téléfilm Fiertés (épisode 1) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018, la clope occupe une grande place dans le jeu de séduction homosexuelle : « Je fumais, je buvais, j’faisais le mur pour aller dans les bars gays. » (Victor, le héros homo). Par ailleurs, lors d’une soirée arrosée, Noémie est sur le point de se lesbianiser parce qu’elle a ingurgité sans le savoir du AMD. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, John, le héros homo, meurt d’une overdose.

 

La drogue est souvent liée à l’homosexualité et au monde homo, gay comme lesbien : « En Australie j’avais eu l’impression que les gays buvaient plutôt moins que leur compatriotes ; je me trompais. » (Ashe, l’un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 37) ; « Les nouvelles de l’école diront que j’suis pédé, que mes yeux puent l’alcool, que j’ferais bien d’arrêter. » (cf. la chanson « Le Chanteur » de Daniel Balavoine) ; « Je préfère fumer mon opium. » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Si tu es un alcoolique, sois pédé ! » (cf. la chanson « Sois pédé ! » de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Pour avoir du poison blanc, on ferait tout. » (Charlène Duval dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Avec des si, je n’aurais jamais rencontré l’alcool. » (cf. la chanson « Paradis imaginé » de Monis) ; « Silvano pensa : ce n’est pas possible, je suis en train de vivre une hallucination provoquée par la cocaïne que j’ai prise ce matin. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 88) ; « Allez ! On va se bourrer la gueule ! » (Nicolas, le héros homos entraînant ses deux potes gays Gabriel et Rudolf en boîte, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « Je n’aimais pas son haleine à l’odeur de bière et de cigarette. […] Quand j’ai été dans sa bouche, j’ai trouvé ça divin. J’ai oublié qui j’étais. » (le jeune Mathan parlant de sa première fois homosexuelle, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Vodka, ma meilleure amie. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc.

 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, un groupe de potes gays se retrouve le temps d’une soirée sex & drogs et passe le plus clair de leur sauterie à s’autoparodier en alcooliques pour se justifier de consommer avec excès : « Ça se voit toujours quand tu es bourré. » (Donald à Michael) ; « Certains boivent, d’autres se droguent. » (Larry) ; « Je suis moche, juif, pédé. Je fume de l’herbe pour avoir le courage de me regarder en face. » (Harold) ; « Je mangerais à en devenir malade. J’ai très faim. Je goûterais bien tes lasagnes à l’opium. » (Harold à Michael) ; « Harold fait une collection de barbituriques qu’il prépare pour anticiper le long hiver qu’est la mort. » (Michael à Harold) ; « Folle saoule ! » (Michael à Emory) ; etc.

 

La consommation de drogues est associée à la nature même ou à l’origine du désir homosexuel. « Ta mère est une alcoolique. » (la mère d’Howard – le héros homosexuel – s’adressant à une petite demoiselle d’honneur, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz). Par exemple, dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, notamment, le Dr Apsey parlant de l’homosexualité de son patient Frank, dit qu’il y a « trop d’alcool dans sa personnalité ». Dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval, l’alcool est à la fois l’écran et le révélateur de l’homosexualité : les adjectifs « bourré » et « homos » sont synonymes dans la bouche de la mère de Fred (« C’est une ville de bourrés ici ! »). Dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, la clope est le symbole phallique par excellence dès qu’Hannah use pour draguer une nouvelle fille. Le roman A Glance away (1961) de John Edgar Wideman entrelace les monologues intérieurs d’un ex-drogué noir et d’un professeur de littérature blanc et homosexuel. Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, c’est juste après que Konrad ait demandé à son secouriste Donato à l’hôpital s’il avait une cigarette pour lui (Donato lui répond « non ») qu’il l’encule juste après dans une voiture : c’est la séquence filmique juxtaposée. Dans le thriller religieux Father Elijah : An Apocalypse (Père Elijah : une Apocalypse, 1996) de Michael D. O’Brien, le héros, le Père Elijah, moine découvre Rome et sa décadence croissante : « L’autre côté du panneau d’affichage était une publicité pour du cognac. Deux hommes nus y apparaissaient, allongés sur le dos dans un lit, bras dessus, bras dessous, les yeux dans les yeux, buvant avec deux pailles dans un unique verre. » (p. 29)

 

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B.D. « Kang » de Copi


 

Dans l’épisode 430 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 28 mars 2019, Flore Vallorta suspecte son fils Bart de couvrir son pote Hugo pour empêcher ce dernier d’être incarcéré pour trafic de drogues (« Si ça se trouve, Bart est dealer et il livre de la drogue à Hugo. »)… alors qu’en réalité, Bart cache leur liaison homosexuelle.
 

Parfois, le héros homosexuel se drogue parce que ses parents l’ont initié très tôt aux drogues : « C’est à cause de ça que ses enfants sont morts de façon accidentelle, ils devaient expier le péché de leur père noir qui était par ailleurs trafiquant de drogue. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 88) Par exemple, dans le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne, Barney, le héros homo, est fils de deux « soixante-huitards attardés » qui l’ont abandonné et l’ont rendu dépendant à la drogue. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, Daphnée est le prototype de la mère indigne et droguée : « Oh, mon Dieu ! que c’est dur de descendre après l’acide. J’ai le cerveau en marmelade ! » (p. 156) Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, est entouré de drogués et de dealers : sa propre mère, Juan son protecteur, Kevin son amant, etc. Il finit lui-même par dealer.

 
 

b) Drogue comme moteur et symbole de l’homosexualité de circonstance ou de la bisexualité homophobe :

DROGUES 2 OSS117

Film « OSS 117 : Rio ne répond plus » de Michel Hazanavicius


 

C’est parfois l’alcool ou la drogue qui révèle au héros son homosexualité et qui à la fois la gomme. Ce comportement sera alors appelé « homosexualité de circonstance » ou « bisexualité » ou « homosexualité latente et refoulée », voire même « homophobie » (dans le cas où l’acte homosexuel, ou le désir homosexuel ne seront pas assumés) Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael, l’un des héros homosexuels, avant son coming out, simulait qu’il était saoul pour cacher son homosexualité : « C’était le syndrome : ‘Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai bu ! » Dans le one-man-show Pareil… mais en mieux (2010) d’Arnaud Ducret, c’est l’alcool qui rend homo en boîte. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, sort avec son ami Kevin sur la plage après avoir fumé ensemble des pétards. Plus tard, à l’âge adulte, ils se retrouvent et s’unissent en corps également à cause de l’alcool : cette fois, ils s’enfilent 3 bouteilles d’alcool.

 

Dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, sous les effets de l’alcool, deux adolescents islandais Gabriel et Markus sortent ensemble pendant un voyage scolaire en Angleterre. Quand la mère de Gabriel constate, inquiète, le changement d’attitude de son fils à son retour, elle associe inconsciemment l’homosexualité de Gabriel à l’absorption de stupéfiants : « Tu as essayé des drogues en Angleterre, c’est ça ?? » Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, comme Romeo n’est pas en état de rentrer chez lui tellement il est saoul, Johnny (son futur amant) le ramène dormir chez lui. Un peu plus tard, après la nuit d’amour des deux garçons, la mère de Romeo suspecte chez son fils un changement qu’elle attribue à la drogue… alors qu’en réalité, Romeo lui cache son couple homosexuel : « J’ai pas besoin de cette saloperie. » lui dit-il (en laissant entendre que l’amour d’un homme lui suffit…). Dans le film « Lifeboat » (1944) d’Alfred Hitchcock, Gus drague le capitaine Rittenhouse quand il est bourré. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, c’est au moment où Rémi et Damien se bourrent la gueule que Rémi crache le morceau et avoue ses sentiments à son ami. Il s’est d’ailleurs volontairement murgé pour que ça sorte sans esclandres. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, c’est en fumant des joints que Stan, le héros qu’on croyait irréductiblement hétéro, s’homosexualise et fait des avances à Guen, homosexuel. Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Mardonio, dans un moment d’ivresse, pelote son pote Segundo comme si ce dernier était une femme. Dans le film « Le Bal des 41 » (« El Baile de los 41 », 2020) de David Pablos, Evaristo fume une cigarette au moment où Ignacio lui frôle la main pour lui faire comprendre qu’il est intéressé.

 

Dans beaucoup de fictions homo-érotiques, la drogue est l’instrument de l’initiation homosexuelle, une initiation plus forcée que libre, voulue involontaire. Par exemple, dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, Elliot découvre son homosexualité lors des soirées alcoolisées et planantes autour des concerts hippies de Woodstock. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Didier a une aventure d’un soir avec son voisin de pallier, Bernard, après un apéritif bien alcoolisé ; d’ailleurs, Bernard est un homosexuel notoire, et Didier lui fait cette drôle de remarque : « Vous avez de l’alcool dans le cerveau. » Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Jonathan, le héros homo, boit beaucoup et arrive souvent bourré dans l’appart qu’il partage avec son copain. D’ailleurs, tout au long de la pièce, le vin est présenté comme un moyen de déstabilisation, de gaieté et de désinhibition amoureuse homosexuelle. Dans le film « The Morning After » (2011) de Bruno Collins, c’est après avoir enfilé plusieurs bières que Harry, le héros hétéro, s’engage vers l’homosexualité : il se voit embrasser Thom pendant qu’en réalité il « roulait une pelle » à sa copine. Dans le film « Humpday » (2010) de Lynn Shelton, deux copains soi-disant « hétéros » se retrouvent, après une beuverie, dans le même lit (ils tourneront un film porno gay ensemble). Dans le film « Les Infidèles » (2011) de Jean Dujardin, Fred et Greg, meilleurs amis de toujours, finissent par coucher ensemble à l’hôtel de Las Vegas après une soirée bien arrosée. Dans la pièce Three Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty, l’alcool sert d’excuse pour maquiller l’homosexualité latente de Rachel. Dans le film « Walk A Mile In My Pradas » (2012) de Joey Sylvester, Tony, hétéro convaincu, va découvrir, notamment dans l’ambiance très alcoolisée d’un club gay, sa double nature. Dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos, François, le héros homo, et Jérôme, pourtant présenté comme un hétéro, ont eu une liaison après une nuit alcoolisée. Dans le film « 30° Couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, l’alcoolémie pousse Patrick à un (exceptionnel ?) travestissement. Dans le film « OSS 117 : Rio ne répond plus » (2009) de Michel Hazanavicius, les étreintes collectives sur la plage glissent tout doucement vers les gestes homosexuels. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas et François, les deux amants, reviennent de la « Soirée Mousse » organisée par leur ami Paul complètement bourrés. Plus tard, ils racontent leur première fois, quand ils sont sortis ensemble. Thomas, jadis hétéro, est sorti avec François après avoir regardé avec lui un match de foot à la télé : « C’est à cause de la défaite ou de l’alcool. »
 

Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, c’est lorsque Oliver et Elio (jeune de 17 ans) commencent à sortir ensemble qu’ils fument… tout en le niant : « Je croyais que tu fumais pas ? » demande Elio. « Mais je ne fume pas. » lui répond Oliver, la clope allumée au bec. Pour préparer le passage à l’acte homo, Oliver met une cigarette dans la bouche d’Elio.
 

Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, les héros fument tous des drogues pour se draguer : « On fume un truc ? » (Jacques s’adressant à son ex, Mathieu). Lors de leur première rencontre, au cinéma, Arthur drague Jacques à distance en maniant une cigarette dans ses doigts au moment de la projection. Et au moment de sodomiser Jacques, Arthur, en boutade, dit qu’il « écrase sa cigarette » (preuve que la cigarette symbolise le sexe anatomique).
 

Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine et Carole commencent à sortir ensemble parce qu’elles ont fumé : « T’as refumé ? » demande Delphine. Carole lui répond, après avoir résisté à Delphine : « C’est pas grave. On a trop bu de toute façon. » Plus tard, on voit que Carole abuse de la bouteille : « Moi, j’ai envie de picoler, ce soir. »
 

Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Bill, l’étrange voisin de Frankie, qui lui fait des avances et lui taille une pipe, le manipule en le faisant fumer un joint. Plus tard, lorsque Frankie pose à son futur amant Todd une question intéressée (« Tu fais quelque chose ce soir ? »), ce dernier lui répond : « On se défonce ? ». Au départ, Frankie croit que Todd lui parle de drogue, et finit par comprendre qu’il parle de sodomie. Double sens du verbe « se défoncer »…

 

La drogue pousse le héros homosexuel à s’oublier lui-même, à se laisser aller à la pulsion, à ne pas assumer ses actes homosexuels pour paradoxalement faciliter leur actualisation muette : « Avec un peu d’amour, beaucoup d’alcool, tout passe toujours. » (Jeanfi, le steward homo dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; « Je ne me souviens pas qui c’était. J’étais saoul. » (Nathan, le héros homo, n’assumant pas son baiser à Louis, dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel) ; « Le bon vin et la bonne musique excitent la curiosité. » (Larry, l’un des personnages homos du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Le vin que nous avions bu me rendait moins maîtresse de mon actes, et bientôt, en dépit de mes résolutions, mes gestes devinrent plus caressants. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 62) ; « On était tellement bourrés [pendant notre première relation sexuelle] qu’on s’en souvient même pas. » (Benji à Hugo, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; « Elles avaient échangé un baiser une fois alors qu’elles étaient ivres pendant un réveillon de la Saint-Sylvestre, leurs langues se touchant jusqu’à ce que l’une d’elles – Jane ne se rappelait pas laquelle – se dérobe. » (Jane, l’héroïne lesbienne, et Ute, la femme mariée hétéro, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 32) ; etc. Par exemple, dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, Alfonso couche avec Joaquín, mais cache son homosexualité derrière l’excuse de la « beuverie qui dérape entre potes ». Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Bernard a vécu son premier grand amour avec Peter, un gars hétéro. Ils ont couché ensemble « un soir, après une soirée arrosée autour d’une piscine », mais le problème, c’est que le lendemain, Peter a nié leur acte. Michael ironise l’idylle en disant que Peter devait être « tellement saoul qu’il ne se souvenait de rien ». Le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs retrace l’histoire d’un couple gay qui, au bout de 9 ans de vie commune, est détruit par la drogue (la drogue ici sert d’excuse pour occulter les faiblesses objectives du couple homo, qui n’ont rien à voir spécifiquement avec les drogues).

 

La consommation de drogues sert de préliminaire à l’union homosexuelle des corps, comme si les héros cherchaient à se voiler la face sur la violence des actes homosexuels qu’ils vont poser : « Je consomme une forte dose d’éther et je couche avec des hommes. » (Max Jacob dans le film « Monsieur Max » (2007) de Gabriel Aghion) Par exemple, dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Steeve est euphorisé sur la piste de danse du club par des drogues pour danser ; le fait de fumer est considéré comme une « régression anale ». Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent et Stéphane, les deux anciens amants, boivent comme des trous pour célébrer leurs retrouvailles (ils coucheront à nouveau ensemble, même sans s’aimer). Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi et son amant Tareq boivent énormément de bières avant de sortir ensemble.

 
 

c) Le drogué homosexuel : nouveau prince charmant des artistes bobos

DROGUES 3 Gazon

Film « Donne-moi la main » de Pascal-Alex Vincent


 

Même si la drogue détruit quand on en abuse, il est pourtant étonnant de voir bon nombre de créateurs homosexuels lui dérouler le tapis rouge, comme si elle était un filtre d’amour à elle seule, comme si elle avait le pouvoir de sublimer le marginal homosexuel (celui-ci deviendrait soudain grâce à elle « révolutionnaire », « sublime dans l’auto-destruction et la chute », « corrosif », « gênant », « original », « artiste d’avant-garde »), de créer/décupler son désir amoureux, sa créativité, ses sensations, de fortifier son couple. Comme si elle était l’amant parfait même ! « Je suis addict. C’est pire qu’une drogue. » (William parlant de son amant Georges, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « J’ai fait connaissance avec les mecs sans filtre. » (Jérémy Lorca parlant de ses amants, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.

 

Elle est présentée comme le symbole de l’insouciance et de la candeur adolescente, comme un amour underground original et chaviré, emprunt de nostalgie vintage : cf. le film « Des Jeunes gens mödernes » (2011) de Jérôme de Missolz, le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, le film « Plan B » (2008) de Marco Berger, le film « Heavenly Creatures » (« Créatures célestes », 1995) de Peter Jackson, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le roman Beatriz Y Los Cuerpos Celestes (1998) de Lucía Etxebarría, etc. « Je déteste tout ce monde d’attardés qui ne parlent que du cours des drogues et des chemises indiennes. Je les supporte parce que ça amuse Pierre, il essaie des drogues nouvelles et passe toute la journée assis à côté de la piscine en position de lotus à regarder fixement le soleil pendant que je dessine à côté de lui. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 65) ; « L’autre jour, il faisait gris comme le jour où Gilberto m’a quitté, mais ça allait. Je suis allé chez un mec pour baiser, on a fumé et avant de baiser, d’un coup tout est remonté. Je me suis mis à pleurer, je ne pouvais plus m’arrêter.’ En riant, il ajoute ‘Le pauvre garçon ne savait pas quoi faire ! » (Simon, le héros homosexuel, s’adressant à Mike dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 113) ; etc. Par exemple, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Lou et Ahmed fument du hasch ensemble.

 

Certains réalisateurs font passer l’alchimie éphémère des drogues pour un coup de foudre puissant et « évident ». Ça se passerait même de commentaires ! Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh (le stéréotype du film bobo, à mon avis), Russell et Glenn sortent ensemble après une soirée en boîte gay bien arrosée, et pendant toute leur courte liaison (qui se résume à une banale histoire de fesses, matinée d’un échange de goûts et de sensations narcissiques façon « roman photo »), ils boivent, fument la clope à la fenêtre, reboivent, refument leur clope, dorment ensemble (oh la la, c’est trop « fort » et trop « beau », la tendresse…). Leur vie semble caractérisée par la consommation de drogues (« Trop de drogue… » dira à un moment Becky à Glenn). Comme leur histoire d’amour accidentelle finit par durer plus de temps qu’une cigarette… ça y est ! elle nous est présentée comme encore plus « vraie » que si elle avait été décidée et s’était faite naturellement, sans artifice ! D’ailleurs, les deux protagonistes incarnent la parfaite vision chavirée (et non-moins cucul… quoiqu’en disent les bears homos jouant les hétéros) de l’« Amour » défendue par les artistes LGBT bobos.

 

DROGUES 4 Week-End blouson

Film « Week-End » d’Andrew Haigh


 

DROGUES 6 Week-End Divan

Film « Week-End » d’Andrew Haigh


 

Les drogues permettent d’affaiblir et de posséder l’autre. « Beaucoup de mecs se saoulent pour pouvoir baiser. » (Larry, l’un des personnages homos du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) Par exemple, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Engel s’embrasse pour la première fois Marc en lui transférant sa bouffée de cigarette dans la bouche. Plus tard, ils feront l’amour dans les toilettes d’une boîte gay, en prenant chacun leurs pilules. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Léopold fait boire le jeune Franz pour qu’il lui tombe dans les bras ; et ça marche puisque Franz enchaîne les verres et les cigarettes. Dans le film « La Partida » (« Le dernier match », 2013) d’Antonio Hens, Reinier rencontre Juan, un quadragénaire espagnol et voit en lui son passeport pour quitter Cuba et la misère ; les deux amants sont tombés dans les bras l’un de l’autre, sous ecstasy, lors d’une sortie en boîte.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Nathan, pour embrasser Jonas sur la bouche, le fait fumer dans la salle de sport du collège (ce qui deviendra une dépendance pour Jonas à l’âge adulte). : « Tiens, fume. Ça va te détendre. Une taffe. ». Jonas ne s’en trouve pas bien : « Oh… j’ai la tête qui tourne. ». Un peu plus tard, sur la cour du collège, Jonas en redemande : « Tu me fais tirer ? »… et Nathan lui met ironiquement le holà : « Mollo, Gainsbourg ! ». Pour se venger d’un camarade de classe homophobe qui lui taxe toujours des clopes, Nathan les empoisonne pour le rendre malade… et ça marche. Dans ce film, fumer, c’est comme s’homosexualiser. D’ailleurs, la maman de Nathan, qui fume comme un pompier et file des clopes à son fils, découvre que Jonas, le copain de Nathan, fume aussi, et lui pose une question qui pourrait se rapprocher d’une demande de coming out : « Ta mère, elle sait aussi que tu fumes ? Ce sera notre petit secret, alors… ». Dix-huit ans plus tard, Jonas plonge dans la drogue. Il fait boire Léonard (le petit frère de Nathan), pour s’attirer ses faveurs. Il déclenche des alarmes incendie dans les hôtels de luxe. Il consomme des hommes comme il consomme des clopes. À haute dose.
 
 

d) L’abus de drogues comme miroir de l’ascétisme du frustré mal dans sa peau :

DROGUES 13 Kang télé

B.D. « Kang » de Copi


 

Comme pour mieux dire l’abus de drogues chez les personnages homosexuels, ou bien leur homosexualité refoulée, ou même leur cyclothymie, on trouve parmi eux quelques ascètes anti-alcool et anti-plaisir (cf. je vous renvoie à la partie « Paradoxe du libertin » du code « Liaisons dangereuses », ainsi qu’au code « Obèses anorexiques », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Sana, j’ai arrêté la drogue. Je ne prends plus de poppers. » (Kévin, le héros homo de la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Elle me dit : Qu’est-ce que t’as, t’as l’air coincé. T’es défoncé ou t’es gay. Tu finiras comme ton frère. » (cf. la chanson « Elle me dit » de Mika) Mais cette aversion ne dure généralement pas longtemps. Certains héros homosexuels s’engouffrent d’autant plus excessivement dans la conduite addictive à l’âge adulte qu’ils se sont jadis réprimés de boire et de fumer. Le cours de leur désir homosexuel suit la courbe en dents de scie des effets « looping » de la drogue. Par exemple, dans le film « L’Un dans l’autre » (1999) de Laurent Larivière, Antoine, stressé d’entendre son ami Matthieu lui faire une déclaration d’amour (et surtout « titiller » sa propre homosexualité refoulée !), fume nerveusement une cigarette pour « digérer » la nouvelle !

 
 

e) Drogue et lesbianisme :

DROGUES 7 L World

Série « The L World »


 

Iconographie extrêmement peu étudiée, et pourtant tellement signifiante : le lien entre drogue et lesbianisme ! On retrouve beaucoup la figure de la lesbienne droguée dans les œuvres homo-érotiques (cf. la pièce Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet – avec Camille, la lesbienne trafiquante de drogue –, le film « Gasoline » (2001) de Monia Stambrini, le film « Tan De Repente » (2002) de Diego Lerman, le roman Beatriz Y Los Cuerpos Celestes (1998) de Lucía Etxebarría, le roman Héroïnes (1922-1925) de Claude Cahun, etc.), et surtout de la lesbienne alcoolique (cf. le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder – avec Karin et Petra –, le film « Joe + Belle » (2011) de Veronica Kedar, la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau – avec Léonore –, la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim – avec Marcy –, la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer, le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch – avec Laura –, le film « Edge Of Seventeen » (1998) de David Moreton – avec Frieda –, la pièce Ma Première Fois (2012) de Ken Davenport – avec la lesbienne camionneuse –, le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald – avec Stella –, le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas – avec Maria -, le film « Perruche » (2014) de Roxanne Gaucherand, etc.).

 

Par exemple, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, le cliché de la lesbienne alcoolique revient à travers le personnage d’Hélène : « Hélène était addict à l’alcool. » Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Emma, l’une des deux héroïnes lesbiennes, boit beaucoup de bières, et elle dit qu’elle les « adore » : elle rebaptise même la célèbre marque « Gulden : la Bière des Goudous ! ». Dans le film « Bye Bye Blondie » (2011) de Virginie Despentes, Gloria et France se sont rencontrées dans un hôpital psychiatrique dans les années 1980. « Elles se sont aimées comme on s’aime à 16 ans : drogue, sexe et rock & roll. » (cf. la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) La pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen (vous remarquerez la signifiance du titre) prend l’homosexualité pour thème central ; d’ailleurs, Wanda, la « fille à pédés » alcoolique, est bisexuelle. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon se présente comme « une meuf qui boit de l’alcool » et se plaît à se montrer en train de se siffler des bières avec ses trois potes mecs musiciens. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah et Charlène, les deux amantes, boivent beaucoup, sont souvent bourrées et fument du shit, s’entraînant ainsi dans un cercle vicieux : « J’en ai marre : je fume trop avec toi. » riposte à un moment Sarah, celle qui a de qui tenir puisque sa propre mère est alcoolique et la bat. Dans son one-woman-show Chatons violents (2015) d’Océane Rose-Marie, Océane se murge au vin blanc en soirée. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol, l’héroïne lesbienne, provoque et envoûte sa future amante Thérèse, vendeuse de jouets, en s’autorisant à fumer des cigarettes même dans son magasin. Elle fume comme un pompier : « Quand on pense avoir atteint le fond, on tombe évidemment en panne de cigarettes. » C’est en buvant de l’alcool que Thérèse et Carol finissent par coucher ensemble. À la fin du film, Thérèse se rend à une fête hétéro. Du bas de l’immeuble, elle pousse le cri du cœur : « J’espère qu’il y a à boire ! »

 

« La gouine branchée, elle connaît toutes les drogues. » (Océane Rose-Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Elle parle beaucoup, mais je ne l’écoute pas. Je la regarde intensément, essayant de lui faire comprendre la nature des sentiments qu’elle m’inspire, aidée par le vin qui me rend plus entreprenante. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 18) ; « L’alcool, dont j’avais sans doute abusé, me donnait autant d’audace qu’il me cassait les jambes. » (idem, p. 40) ; « Lucie savait que sa Ginette, dont le courage s’est souvent échoué par le passé au fond d’une bouteille, avait probablement fait une rechute et pris une bonne brosse ou deux. Comme quoi l’appel de l’alcool peut être plus fort que celui de l’amour. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 30) ; « Je ne dis pas que toutes les lesbiennes boivent. » (Anthony Kavanagh dans le one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out, 2010) ; « C’est ma boisson journalière ! » (Solitaire en parlant du whisky, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’ai trop bu. » (Cassie l’héroïne lesbienne dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « J’reviens. J’suis complètement alcoolique. » (Suze acceptant tous les apéros sur son lieu de vacances, l’Ardèche, dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa) ; « Vous savez, c’est la politesse qui m’a rendue alcoolique. » (idem) ; « J’ai le vin gai.» (idem) ; « J’suis une grosse fumeuse. » (idem) ; « Tatiana, tu as trop bu. » (Nathalie s’adressant à Tatiana qui l’embrasse, idem) ; « Continue à te saouler avec du vin. Ça te rend divinement gaie/gay. » (Tatiana la lesbienne s’adressant à Nathalie, idem) ;« J’ai pas de thunes et j’ai envie de me bourrer la gueule. » (Polly, l’héroïne lesbienne dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 77) ; « Wanda, avec la flamme de l’enfer dans ses yeux, en proie aussi à une humeur infernale, buvait du cognac. Elle s’était de nouveau mise à boire beaucoup. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 497) ; « Depuis la mort de son mari, elle [Gabrielle, l’héroïne lesbienne] est consciente d’avoir sensiblement augmenté la consommation de cet ‘élixir de jouvence’ préconisé par Marc [= le whisky], son ami de longue date et médecin traitant. Elle n’est pas dupe. Qu’a-t-elle à perdre à quatre-vingt ans ? » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 15) ; « Je croyais que ces conversations nocturnes prendraient fin quand tu as arrêté de boire. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 81) ; « Tu es une buveuse invétérée. » (Tielo s’adressant à sa « belle-sœur » Jane, idem, p. 128) ; « Les petites pingouines préfèrent le gros rouge. » (la chanson « Les Pingouins » de Juliette Gréco) ; etc.

 

La dépendance lesbienne à la drogue s’explique assez bien. La drogue non seulement éloigne du Réel, mais durcit les tempéraments, rend macho et violent (filles comme garçons), « masculinise » quelque part (dans le sens d’hyper-virilité cinématographique ; pas de sexuation garçon). Elle est le refuge de celui qui veut nier ses limites et ses faiblesses humaines pour devenir Superman. Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M boit de la bière pour « faire mec ».

 
 

f) La drogue : le masque et le révélateur du viol

Si le héros homosexuel cherche autant à fuir sa Réalité, son corps, et à acquérir une valeur grâce aux drogues, c’est souvent parce qu’il cache qu’il a été violé, qu’il souffre, ou qu’il cherche à violer pour se venger de son viol passé. « Attention au pédé agressif. Sobre, il est dangereux… Saoul, il est mortel. » (Harold, l’un des personnages homos du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) Dans les fictions traitant d’homosexualité, la drogue est toujours le paravent du manque d’amour, de la haine de soi (homophobie), du divorce, du viol, de l’inceste, de la mutilation corporelle (particulièrement chez les héros transsexuels), d’une guerre, de la prostitution, d’une épidémie ou d’une catastrophe. « J’les connais depuis mon enfance, j’ai été leur jouet […] Y a juste l’alcool dont ils sont absolument incapables, tous, de se passer. C’est ça qui les tient debout. Quand le sida est arrivé, y se sont réfugiés dans l’alcool, toute leur génération, puis y ont commencé à regarder le monde s’écrouler autour d’eux, sans plus jamais y toucher. » (Michael à propos de sa bande d’amis homos, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, pp. 239-240) ; « Pendant un apéro au Boobs’bourg, en attendant les autres, Cody m’avoue qu’à New York il met des petites annonces sur craiglist.org en se faisant passer pour une fille : ‘Comme ça, quand les hommes ils veulent ma chatte, je dis à eux je suis un pédé mais je peux te sucer bien ta bite à fond et avaler ton jus. Ça marche, quoi, les hommes ils ont envie d’une fille parce qu’ils pensent que c’est la seule chose qui les fait bander mais un jour où ils sont en manque ils goûtent à la bouche ou le cul d’un pédé et d’un coup ils se rendent compte que ce qui les fait bander c’est le sexe, et pas une fille, quoi. Je suis comme une sorte de terroriste queer comme j’oblige les hommes hétéros de se rendre compte que tout le monde est pédé, quoi, parce que tout le monde bande pour n’importe qui.’ » (Cody, l’homosexuel américain s’adressant à son pote gay Mike dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 98-99) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, Miriam se pique à la testostérone pour devenir Lukas. Dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green, Michael se pique aux hormones dans les toilettes. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Stef, l’un des héros homos, décrit son pote gay Nono comme un véritable alcoolique, un homme malheureux en amour : « Il a vraiment un problème avec l’alcool. […] Quand il se fait larguer, il picole. Et comme il se fait souvent larguer… » Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, George, le héros homosexuel, et son jeune élève Kenny, d’au moins 20 ans son cadet, partagent des drogues avant de vivre leur liaison incestuelle interdite. Dans le film « La Caduta Degli Dei » (« Les Damnés », 1969) de Luchino Visconti, la beuverie homosexuelle des soldats SS travestis cache (et pourtant illustre aussi) les débordements de la Seconde Guerre mondiale. Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque avoue sa peur du GHB, la « drogue du violeur », mais semble pourtant la demander : « Si quelqu’un veut mettre du GHB dans mon verre, allez-y ! » Dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, la réalité violente de la prostitution est camouflée par la monnaie d’échange invisible qu’est la tendresse : Adrien rencontre son amant Malcolm qui se prostitue, et leur créateur essaie de nous faire croire à une inattendue gratuité entre eux (Malcolm dit à Adrien : « T’as raison, on n’achète pas la tendresse, presque machinalement. » et celui-ci lui répond : « T’inquiète, j’te ferai rien payer. », p. 28).

 

Dans le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie, les héros homos couchent les uns avec les autres sous l’effet de drogues : « Pourtant, j’en ai pris des trucs. » dira Jean-Jacques. Par exemple, Armand finit par coucher avec Paul, son patron, sous l’effet de drogues : « Vous voulez vraiment que je vous dise ? J’veux coucher avec vous. On a quand même le droit d’avoir envie de son patron ! » Et il cède aussi aux propositions de son chef parce que ce dernier lui a mis de la drogue dans son café.

 

Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, c’est parce qu’il est drogué (avec une pilule) par Shane que Danny sort avec lui lors d’une fête : Danny est complètement défoncé. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), tous les personnages incarnés par le travesti M to F David Forgit sont des junkies qui n’attendent qu’une chose : se faire violer et défoncer (dans tous les sens du terme) ! « Ah, qu’est-ce que j’ai fait de ma coke ? […] On m’a encore drogué au GHB ! J’attire cette drogue ! » Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Benjamin raconte à son psy sa première rencontre homosexuelle avec son amant Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, alors que le tableau est idyllique. De son côté, Arnaud donne une autre version des faits au psychanalyste, en partant sur le quiproquo incestueux que le thérapeute lui parlait de sa première cuite : « Ma première fois, c’était avec mon oncle dans sa cave. » « Je comprends le traumatisme… » interrompt le psy. Arnaud poursuit : « J’avais 12 ans. J’étais consentant. […] C’était un Cabernet d’Anjou. Ma première cuite. »

 
 

g) Trois drogues plus dangereuses encore que les drogues connues : la tendresse, le sentiment et la bonne intention

 

Plus encore que les drogues dites « classiques » (tabac, alcool, héroïne, cocaïne, loisirs, musique, télé, Internet, cinéma, etc.), ce sont les choses qui restent bonnes quand on n’en abuse pas (sexe, tendresse, massage, boisson, nourriture, sincérité, etc.) mais qui deviennent terriblement oppressantes et enfermantes quand on en abuse et qu’on les utilise pour gommer le Réel, qui rendent le héros homosexuel le plus esclave des autres (ses amants) et surtout de lui-même.

 

Beaucoup de personnages homosexuels consomment de la tendresse comme ils se masturb(erai)ent : de manière trop compulsive, avide, puérile, et frénétique pour être tendre et libre, finalement (cf. je vous renvoie au code « Douceur-poignard » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Je vais t’inonder de ma tendresse. Je vais t’envelopper dans la chaude intimité de mon désir. » (Lola s’adressant à son amante Vera, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « De nouveau un dimanche d’une écrasante chaleur estivale, De nouveau mes regrets, ma tendresse, mes inquiétudes, mes interrogations de vous, vers vous, pour vous. De nouveau des mots, des phrases que je ne peux réprimer, des pensées nostalgiques : traces dérisoires, cendres laissées par le grand brasier qui m’enflamme depuis notre rencontre […]. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 25) ; « J’ai relu vos lettres à défaut d’en recevoir de récentes. Qu’ils sont doux ‘les baisers de la Dame’ qui chavire avec moi et parle avec délices de ‘la révolution’ causée par notre rencontre. » (idem, p. 137) ; « J’éprouvai un élan de tendresse protectrice envers Rani. […] Cette nuit-là, je rêvai que dans un doux murmure je l’appelais Rani et lui demandais de partir avec moi dans un endroit où elle ne serait plus bonne à tout faire. » (Anamika parlant de sa domestique/amante, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 25) ; « La solution, c’est de la douceur, de la douceur, de la douceur. » (un des héros homos du film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré) ; « Tous ces Slaves trouvaient ma petite chambre tellement grande, et ils avaient tant besoin de tendresse… » (cf. la dernière phrase de la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 61) ; « Affamées de tendresse, elles se parlent se regardent. » (cf. le poème « El Pueblo » d’Aude Legrand-Berriot (2008), p. 25) ; « Dans ce que je suis, il y a un immense désir de tendresse » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 38) ; « « Il [Adrien] considérait d’ailleurs la fidélité sous un jour nouveau. La sexualité masculine conservait toujours quelque chose d’animal. Ni la tendresse ni l’amour – ce que transmettent les femmes – ne parvenaient totalement à dompter la puissance d’un désir brut, primitif, captivant. Ce désir de pénétrer et d’envahir la différence de l’autre ; de ne pas laisser la proie s’échapper. » (idem, p. 51) ; « Surtout pas de bisou ! Sinon, on va être en manque ! » (Fred, le héros homo ne voulant surtout pas que son copain Max l’embrasse devant sa mère pour que celle-ci découvre son homosexualité, dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « J’en ai profité pour faire ce que font certains hommes avec les femmes. Je les frôlais ou les touchais. Dans les moments d’affluence, cela passe inaperçu. Portée par mes réussites, j’osai davantage. Je me pressais contre elles et me frottais presque la fente. Les parfums mêlés provoquaient en moi des sensations enivrantes. J’eus des chaleurs et des poussées d’une intensité terrible. J’avais besoin d’un soulagement rapide. Trop nerveuse pour me maîtriser, en pleine crise, j’étais à l’affût du moindre sourire me permettant d’espérer le corps d’une femme qui, comme moi, serait dans cette quasi douleur du manque de chair et prête à s’offrir sur l’instant. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 44) ; « À ce moment, il m’apparut que seule la force – ou plutôt le chantage – me permettrait d’obtenir ce que maintenant j’en voulais : du plaisir. » (idem, p. 49) ; « Je veux préserver la relation particulière que je construis avec elle, n’étant pourtant dupe de rien et sans illusion sur mon attitude, sachant très bien que la tendresse que je manifeste à son égard n’est due qu’au plaisir que j’en espère et qu’un jour elle me donnera. Je sais trop qu’en ce qui concerne les femmes mon vice est mon seul ‘maître’. Dans le fond, et malgré les bons sentiments que j’ai souvent pour elle, je suis comme l’on est à la campagne, seulement guidée par l’intérêt. » (idem, p. 102) ; « J’attends que vienne en elle un désir assez fort pour l’avoir dans mon lit. Un peu triste comme elle est, je pense que sa tendresse n’en sera que plus intense quand le moment sera venu. Est-ce cruauté que ce calcul ? Sans doute, mais mon désir, qui est tout, me fait raisonner ainsi. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne parlant de Marie sa bonne, op. cit., p. 193) ; « La jeunesse est une drogue. Et je vois pas comment je pourrais m’en passer. » (Anne/Muriel Robin dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan) ; « On s’assied sur le lit, on se caresse, on s’embrasse avec fureur ou grande tendresse, alternativement. Il s’allonge et je le caresse doucement, je découvre son corps avec mes doigts devenus beaucoup plus sensibles. J’arrive à son visage, il murmure ‘J’ai envie de pleurer. C’est comme un rêve, un truc trop beau pour être vrai. Je me demande quand la tuile va nous tomber dessus. » (Vianney s’adressant à son amant Mike dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 85) ; « Si ton père a pu faire un bel enfant comme toi, tendre, croquant, c’est qu’il doit y avoir à l’intérieur de lui beaucoup de tendresse. » (Ruzy s’adressant à son amant Chris, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Le droit d’accoucher de toutes les tendresses. » (c.f. la chanson « Tous les droits sont dans la nature » de Catherine Ribeiro) ; etc.

 

Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent demande à son ex-amant Stéphane s’il l’aime encore, ce à quoi il lui répond : « Ce n’est plus de l’amour. C’est de la tendresse. De la nostalgie. » Vincent enchaîne immédiatement après par l’expression de son trouble à propos de la possessivité de Stéphane : « C’était étrange, ta dépendance. »
 

On entend souvent chez le personnage homosexuel une obsession pour le sexe (dans le sens de coït). Le sexe est l’autre drogue dure des héros homosexuels : « Tu dois comprendre que ‘ça’ […] est très important pour une lesbienne ! » (Peyton cherchant à expliquer à son amante Elena qui n’assume pas leur amour lesbien que sa proposition d’un amour platonique ne tient pas, dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; « Si tu me prends par les sentiments… » (Maxence quand Benji lui touche le « paquet », dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot) ; « Pfu, vous êtes pareils tous les deux, Simon et toi, complètement obsédés. Je vais finir par croire que c’est un syndrome homosexuel… Non, en fait j’en suis convaincue ! Un jour, tu vas voir, j’en aurais marre que les pédés parlent que de cul, on dirait que chez vous, si y avait pas le cul, y aurait rien. Vous êtes complètement obsédés, tous. Bande de freaks ! » (Polly, l’héroïne lesbienne à ses deux amis gay Simon et Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 25) ; « Non seulement j’suis fou… mais en plus, je ne pense qu’à ça. » (Hervé Nahel lors de son concert au Sentier des Halles à Paris le 20 novembre 2011) ; « Un garçon pense au sexe toutes les 30 secondes. Alors vous en mettez deux ensemble… » (Matthieu se justifiant de coucher le premier soir avec Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Comme quoi… un garçon ça ne pense qu’au sexe. » (idem) ; « Stephen apercevait leurs faces ravagées et pleines de reproches, aux yeux mélancoliques et obsédés d’invertis […] Des fusées de douleur, de brûlantes fusées de douleur… leur douleur, sa douleur, soudées ensemble en une immense et dévorante agonie. […] toute la misère de chez Alec. Et l’envahissement et les clameurs de ces autres êtres innombrables… » (Stephen, l’héroïne lesbienne racontant l’ambiance d’un établissement homo, Chez Alec, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 571) ; etc.

 

Par exemple, dans « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch, Michel, le héros homosexuel, ne pense qu’à tirer son coup avec des mecs de passage et enchaîne les « plans cul » à l’appart. Dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, Antoine, le héros homosexuel, trompe son copain Adar avec Alexis : « C’est que pour le sexe. » Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Mélodie, l’héroïne bisexuelle, avoue qu’elle a des élans nymphomanes « tellement elle fait l’amour comme elle respire ».

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Homosexualité et drogue :

DROGUES 14 Femme assise héroïne

B.D. « Femme assise » de Copi


 

La drogue est souvent liée à l’homosexualité et au monde homo, gay comme lesbien. En ce moment, en France, on nous parle beaucoup du développement du « Chemsex » (ça se prononce « Kèmsexe ») dans le milieu homo, c’est-à-dire du sexe sous emprise de drogues. Ça se démocratise beaucoup. En général, les communautaires LGBT n’aiment pas trop aborder le sujet, de peur que ce lien renvoie à leur carence affective, au manque de sens de leur mode de vie, et leur donne une image de junkie névrosé et dépressif : « Le rapport entre drogue et homosexualité est rarement étudié. […] Si les poppers et l’ectasy restent associés à la culture gay, leur usage n’est pourtant pas confiné dans cet espace. » (cf. l’article « Drogues » de Marie Jauffret-Roustide, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 161) ; « C’est bien connu. Je fais tout le temps la fête et je me drogue. » (Peter Gehardt, ironique, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015) ; « C’est comme la nécrophilie : c’est un péché. Tout comme l’alcoolisme ou la toxicomanie. L’homosexualité, c’est la même chose. L’homosexualité ne conduit pas seulement à la pédophilie. Mais aussi au meurtre, à la dépression et à la toxicomanie. Les statistiques le prouvent. » (Petras Gražulis, président du groupe politique lituanien d’extrême droite Ordre et Justice, idem) ; « Si Pierre n’avait pas été là, j’aurais fini alcoolique au dernier degré à Paris. » (Bertrand parlant de son amant Pierre dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; etc. Et pourtant ! Même si les individus qui se droguent minimisent presque systématiquement leur souffrance et leurs actes, faut-il pour autant croire en leur sincérité « optimiste », nier les faits et la dignité des personnes ? Certainement pas.

 

DROGUES 9 Poppers

Poppers


 

Concernant la consommation de drogues dans la communauté homosexuelle (tabac, alcool, stupéfiants, poppers, etc.), difficile d’avoir des statistiques. C’est mon vécu et mes observations de terrain qui m’ont permis de constater la forte tendance des individus homosexuels à se fuir dans l’alcool, la drogue et le sexe. Je vous renvoie à l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager (p. 240 et p. 254), au documentaire « Mr Angel » (2013) de Dan Hun. Voir aussi Brigitte Lhomond, « Attirance et pratiques homosexuelles », dans L’Entrée dans la sexualité. Le Comportement des jeunes dans le contexte du Sida (1997), pp. 183-226. Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, le milieu dans lequel Linn et Jup, deux compères travestis, gravitent, est sclérosé par la drogue, le LSD, drogues et l’alcool.

 

« J’étais bien dans un milieu de garçons, rien que des garçons. La boisson coulait à flots. Boisson d’entrée à répétition pour celui qui fait la tournée des bars ; boisson d’attente pour celui qui reste de l’ouverture à la fermeture. Mes yeux hagards dévisageaient ces hommes dans ce lieu qui semblait être leur propriété. Complice, la nuit enrichissait la fuite des mensonges familiaux et leur permettait de vivre dans l’anonymat protecteur de cet environnement si confidentiel… » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 133) ; « Arrive pour Stéphane le service militaire, il déserte, disparaît pendant des mois dans les bas-fonds de Paris où j’ai fini par le retrouver, est repris, mis en asile psychiatrique militaire, et est gracié sur intervention de Mme Mitterrand, à la prière d’un haut fonctionnaire qui, épris de son charme, désirait avoir avec lui une liaison durable, une union. Cet amoureux malheureux téléphonait nuitamment à Estelle, la mère de Stéphane, en la suppliant, en vain, d’obtenir de son fils que ce fils adopte pour cela une conduite plus « cohérente » (c’était son mot) : ne plus se prostituer, cesser d’être dealer. » (Paul Veyne, Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014), pp. 236-237) ; « La plupart des lieux de prédilection fréquentés par les homosexuels étaient urbains, civils, sophistiqués. Le scénariste américain Ben Hecht, à l’époque correspondant à Berlin pour une multitude de journaux des États-Unis, se souviendra longtemps d’y avoir croisé un groupe d’aviateurs, élégants, parfumés, monocle à l’œil, bourrés à l’héroïne ou à la cocaïne. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30) ; etc.

 

Un jour, j’ai un ami homosexuel angevin, alcoolique notoire et client régulier des bars, qui m’a assuré que dans le « milieu homosexuel », on y buvait plus et on s’y droguait beaucoup plus facilement que dans des établissements dit « hétéros ».

 

DROGUES 8 Verlaine

Paul Verlaine


 

Ce sont aussi les récits et les vécus des personnalités homosexuelles connues qui nous informent que l’homosexualité et la drogue se tiennent très souvent la main. Nombre d’entre elles sont tombées dans le monde de la drogue (alcool, cocaïne, alcool, marihuana, absinthe, substances hallucinogènes, etc.) : Ángel Vázquez, Alain Pacadis, Paul Verlaine, Serguei Esenin, Graham Chapman, Malcolm Lowry, John Cheever, Michel Foucault, Alfred Jarry, Jack Kerouac, Ramon Novarro, Charles R. Jackson, Neal Cassady, Elton John, Jacques Adelsward, Raymond Roussel, Christopher Wood, Roland Barthes, Olivier Larronde, Thierry Le Luron, Eloy de la Iglesia, Raúl Gómez Jattin, Néstor Perlongher, William Burroughs, Hal Chase, Andy Warhol, Antoine Barraud, Truman Capote, Laurent Tailhade, Arthur Rimbaud, Jean Lorrain, John Cage, Leslie Cheung, la grande majorité des artistes homosexuels de la Movida madrilène (dans les années 1980 en Espagne), George Michael, Buck Angel, Jacques de Basher, etc.

 

Par exemple, en 1923 Jean Cocteau rencontra Louis Laloy qui l’a initié à la drogue ; toute sa vie, le poète deviendra dépendant des drogues (il se fait arrêter à Toulon en possession de stupéfiants), et fera une cure de désintoxication à cause de sa consommation d’opium. Marcel Proust était asthmatique, et pourtant, il fumait beaucoup. En juillet 2014, l’acteur de porno gay Bruno Knight est arrêté à l’aéroport de Lax en Californie (USA) avec du crystal meth caché dans le rectum.

 

Yves Saint-Laurent se prend lui-même pour une drogue (pensez à la publicité de son parfum « OPIUM : pour celles qui s’adonnent à Yves Saint-Laurent. ») et a à la fin de sa vie été très lucide sur son état de dépendance : « Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers. J’ai connu la peur et la terrible solitude, les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants, la prison de la dépression et de la Maison de la Santé. » (Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton)

 

La consommation de drogues est parfois associée à la nature même du désir homosexuel : un désir lâche et déréalisant par essence, qui n’ose pas dire son nom, artistiquement abyssal, libertaire mais non libre, qui se veut spontané et décomplexé, mais qui en réalité ne s’assume qu’en ne s’assumant pas. « À cette époque [années 1965-1966], se souvient Christian Bourgeois, Copi était un personnage complètement lunaire qui flottait dans le monde. Il se défonçait beaucoup, il fumait des pétards énormes. C’était avant 1968, c’était l’homosexualité ‘naturelle’. » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (1996), p. 158) ; « Il [Don José] se faufila derrière un paravent et nous entendîmes une profonde inspiration. Quelques secondes plus tard, il sortit de sa cachette, les narines toutes barbouillées de blanc. » (Alfredo Arias dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 293) ; « Ces invertis évoluent dans des milieux très particuliers, dans la société snob des intellectuels drogués ou malades. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 9) ; « Si l’Occupation avait radicalement supprimé la progression de la drogue en France, elle y avait en revanche développé l’homosexualité. » (André Larue, Les Flics, 1969) ; etc. Le chemin de la drogue croise également celui de la transsexualité et de l’asexuation des intersexes : « Ce que je redoute le plus avec ce syndrome XXY, c’est que si je prends pas d’hormones, je deviens fou, un danger envers les autres et moi-même. » (Vincent Guillot, militant intersexe, dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018). Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, passe son temps à ingérer des hormones ou bien à se faire piquer par les médecins. Il veut d’ailleurs augmenter les doses mais c’est trop dangereux pour sa santé.

 
 

b) Drogue comme moteur et symbole de l’homosexualité de circonstance ou de la bisexualité homophobe :

C’est parfois l’alcool ou la drogue qui révèlent une homosexualité. Celle-ci sera alors appelée « homosexualité de circonstance » ou « bisexualité » ou « homosexualité latente et refoulée », voire même « homophobie » (dans le cas où l’acte homosexuel, ou le désir homosexuel ne seront pas assumés). « Le camp, pour la plupart, dit Flaubert en parlant des mercenaires au service du général carthaginois Amilcar, remplaçait la patrie. Vivant sans famille, ils reportaient sur un compagnon leur besoin de tendresse, et l’on s’endormait côte à côte sous le même manteau, à la clarté des étoiles… » (Gustave Flaubert, Salammbô (1862), cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 230) ; « J’ai décidé il y a trois ans que je souffrais d’une maladie. On peut appeler ça l’alcoolisme, on peut appeler ça l’addiction sexuelle, comme vous voulez, mais j’ai cessé de nommer ça la fête. » (Pierre Palmade, le 16 août 2005) ; « Devant mon représentant, mes absences commencèrent à faire désordre. Je donnais l’impression de ne rien faire et d’être immensément riche. Ce qui, mal s’en fut, suscita d’énormes questions. Il pensait, en effet, que j’étais tombé dans une histoire de drogue. Le moyen le plus sûr était de l’ignorer totalement, lorsqu’il souhaitait faire ma chambre de fond en comble. Mais s’avouer homosexuel et, par-dessus le marché, se faire entretenir, n’était pas mieux non plus. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 115) ; « Ma mère passait la soirée chez la voisine. Elle rentrait ivre avec la voisine, elles se faisaient des blagues de lesbiennes ‘Je vais te bouffer la chatte ma salope. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 66) ; etc.

 

Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, un des témoins homosexuels, un papy fermier de 83 ans, compare le fait d’aimer le vin avec l’homosexualité. Allen Ginsberg, comme il le disait lui-même, a été entouré toute sa vie de drogués et de voleurs. Le dramaturge Jérôme Savary raconte les « Hasch and Acid Parties » qu’il a partagées l’été à Ibiza avec Copi, Hilcia, Martine Barrat. Pierre Bergé, quant à lui, a maintenu bien des amants sous sa coupe rien qu’en les entraînant dans l’alcool (le couturier Yves Saint-Laurent, le peintre Bernard Buffet, etc.).

 

Dans beaucoup de contextes sociaux, la drogue est l’instrument de l’initiation homosexuelle, une initiation plus forcée que libre, voulue involontaire. Elle pousse l’individu qui s’y adonne à s’oublier lui-même, à se laisser aller à la pulsion, à ne pas assumer ses actes homosexuels pour paradoxalement faciliter leur actualisation muette : « En ingurgitant whisky sur whisky, il tenait tant du désir ardent de me faire danser sur des pas de salsa ou de rumba. » (Berthrand Nguyen Matoko racontant comment il s’est fait draguer par celui qui le violera, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 65) ; « Je vais te fumer. » (un jeune homophobe de Gennevilliers s’adressant à Lyes, homosexuel, en menaçant de « le baiser », dans le reportage « Homo en banlieue : le combat de Lyes » de l’émission Envoyé Spécial, diffusé sur France 2, le 7 février 2019).

 
 

c) Le drogué homosexuel : nouveau prince charmant des artistes bobos

DROGUES 10 Winston

 

Même si la drogue détruit quand on en abuse, il est pourtant étonnant de voir bon nombre de créateurs homosexuels lui dérouler le tapis rouge, comme si elle était un filtre d’amour à elle seule, comme si elle avait le pouvoir de sublimer le marginal homosexuel (celui-ci deviendrait soudain grâce à elle « révolutionnaire », « sublime dans l’auto-destruction et la chute », « corrosif », « gênant », « original », « artiste d’avant-garde »), de créer/décupler son désir amoureux, sa créativité, ses sensations, de fortifier son couple. Ce n’est pas un hasard si le poppers a été élu universellement « Drogue homosexuelle » par excellence. Jadis énormément vendu dans les clubs et les établissements gay, il paraît qu’elle dilaterait l’anus et faciliterait donc la sodomie…

 

La drogue est présentée comme le symbole de l’insouciance et de la candeur adolescente, comme un amour underground original et chaviré, emprunt de nostalgie vintage. C’est pourquoi elle est ouvertement défendue par certains intellectuels homosexuels. « Certaines drogues sont vraiment importantes pour moi, parce qu’elles me permettent d’avoir accès à ces joies terriblement intenses que je recherche, et que je ne suis pas capable d’atteindre seul. » (Michel Foucault dans son interview avec Stephen Riggins, 1983) Par exemple, le poète argentin Néstor Perlongher écrivait souvent complètement défoncé.

 

Aux yeux de beaucoup de personnes droguées ou alcooliques, la tentation « facile » de la drogue est souvent innocentée ou idéalisée parce que, ce que celui qui lui cède sa liberté refuse de comprendre dans son cœur, c’est le possible mariage entre mal et plaisir. Il croit naïvement que là où il y a plaisir, forcément il y a bonté ! Bercé par ses bonnes intentions, il butte systématiquement sur ce syllogisme fallacieux dont il refuse de voir la vanité : « Le pouvoir de jouissance d’une perversion (en l’occurrence celle des deux H : homosexualité et haschisch) est toujours sous-estimé. La Loi, la Doxa, la Science ne veulent pas comprendre que la perversion, tout simplement, rend heureux ; ou, pour préciser davantage, elle produit un plus : je suis plus sensible, je suis plus perceptif, plus loquace, moins distrait, etc. – et dans ce plus vient se loger la différence… Dès lors, c’est une déesse, une figure invocable, une voie d’intercession… » (Roland Barthes parlant de sa « Déesse H », c’est-à-dire Homosexualité et Haschisch, dans son autobiographie Roland Barthes par Roland Barthes, 1975) Or, intellectuellement, tout le monde peut comprendre que le problème des drogues n’est que celui de la liberté humaine mal utilisée. Tout le monde peut rationnaliser que la conduite addictive a aussi son confort et ses bénéfices. L’enfer offre ses maigres compensations et ses délices aussi ; sinon, personne ne serait tenté d’y aller ! La débauche, la luxure, et la perversion fournissent la petite dose d’illusion de bonheur et d’amour qui aide à faire oublier un temps le malheur vers lequel elles nous entraînent. Mais reconnaître que ce ne sont pas en soi les drogues qui sont mauvaises, mais leur usage humain abusif, voire reconnaître que l’abus peut aussi « faire du bien », cela ne doit pas nous faire oublier que globalement et sur la durée, la perversion et la consommation de drogues ne rendent pas heureux, font plus de mal que de bien, et ce, universellement. La fin ne justifie pas l’abus des moyens.

 
 

d) L’abus de drogues comme miroir de l’ascétisme du frustré mal dans sa peau :

Comme pour mieux dire l’abus de drogues chez les personnes homosexuelles, ou bien leur homosexualité refoulée, ou même leur cyclothymie, on trouve parmi elles quelques ascètes anti-alcool et anti-plaisir (cf. je vous renvoie à la partie « Paradoxe du libertin » du code « Liaisons dangereuses », ainsi qu’au code « Obèses anorexiques », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Un autre trait frappant des mœurs de cette génération des moins-de-vingt-ans était son goût prononcé, presque exclusif, pour les jus de fruits. […] Ils réclamaient au bar des verres d’eau, comme si l’ivresse leur était désagréable. […] Ils ne buvaient pas. Ils ne fumaient pas. Ils incarnaient l’image de l’homosexualité heureuse. » (Benoît Duteurtre, Gaieté parisienne (1996), pp. 55) ; « Je n’ai jamais été attiré par le tabac et jamais fumé. Cet aspect m’excluait inconsciemment du groupe. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 94) Mais cette aversion ne dure généralement pas longtemps. Certaines s’engouffrent d’autant plus excessivement dans la conduite addictive à l’âge adulte qu’elles se sont jadis réprimées de boire, de fumer, et de baiser. Le cours de leur désir homosexuel suit la courbe en dents de scie des effets « looping » de la drogue. Entre déni et consommation, on se sait pas lequel encourage le plus l’autre. Par exemple, Yves Saint-Laurent était très sobre question boisson (il ne buvait pas une goutte d’alcool) avant de devenir alcoolique.

 
 

e) Drogue et lesbianisme :

DROGUES 15 Lesbienne alco

 

Phénomène extrêmement peu étudié, et pourtant tellement signifiant : le lien entre drogue et lesbianisme ! Si on ouvre un peu les yeux, on retrouve dans notre entourage social beaucoup de femmes lesbiennes droguées, qui, pour certaines, se diront volontiers « bisexuelles », « hors milieu », ou « lesbiennes occasionnelles » : ce fut le cas de Gribouille, Yvonne George, Violette Leduc, Virgina Woolf, etc. « Je vis de drogue. Chaque soir, une prise. […] Ne méprise pas la drogue. » (Anne-Marie Schwarzenbach, La Vallée heureuse, 1939) Par exemple, l’écrivaine nord-américaine Carson McCullers buvait à certaines périodes de sa vie une bouteille de cognac par jour ! Lors de la présentation de son roman Le Contenu du silence le 12 juin 2012 à la Galerie Dazelle à Paris, la romancière espagnole bisexuelle Lucía Etxebarría avoue qu’elle a énormément bu à une période de sa vie. Le monde lesbien s’inspire à foison des drogues pour se nommer lui-même : cf. le groupe musical Lesbians On Ecstasy, la revue lesbienne Barbiturik, etc.

 

Un certain nombre de mes amies lesbiennes reconnaissent que le phénomène de l’alcoolisme est particulièrement accru dans leurs cercles relationnels spécifiquement saphiques. Cela n’est pas démenti par l’essayiste Paula Dumont : « Certaines femmes auraient trop bu et le climat du séjour s’en serait ressenti. » (Caroline dans l’autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, p. 241) Par exemple, l’établissement Le Pulp (boîte de nuit lesbienne à Paris) a connu des soirées avec « de mémorables tabassages entre lesbiennes soûles » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 110). Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, on découvre que la Reine Christine, pseudo « lesbienne », a bu une fois toutes les gouttes de rosée cachées par sa mère.

 
 

f) La drogue : le masque et le révélateur du viol

Même s’il n’y a aucun lien de causalité, ni de liens essentialistes, à faire entre homosexualité et drogues (toutes les personnes homosexuelles ne sont pas alcooliques ni toxicos ni dépendantes des drogues ; moi, par exemple, je n’aime pas boire de vins ni d’alcool, et je n’ai jamais touché à une cigarette de ma vie !), force est pourtant de constater que l’Histoire humaine les a parfois réunis, et que cela a un sens (Quand on est drogué, on est plus susceptible d’être violé ou de violer). Par exemple, les premières personnes touchées par le Sida dans les années 1980 ont été les personnes homosexuelles, prostituées et droguées. Cela s’explique. Le mode de vie homosexuelle a tendance à s’orienter vers les conduites à risque et à la fuite de soi et du Réel, généralement parce qu’il y a un évitement de souffrance et une violence recherchée. Le désir homosexuel, par le manque de désir et la haine de soi dont il est signe, par sa faiblesse, invite, quand il s’actualise, à la mauvaise compensation, donc notamment à la consommation de drogues. Homosexualité et abus de drogue ont un point commun : ils se manifestent dans des contextes où la liberté humaine est mise à mal, où l’homophobie et la peur de soi/des autres battent leur plein. « Par peur d’être catalogués, les homosexuels [antillais] sortaient uniquement à la tombée de la nuit (pareil à des chauves-souris) pendant que les voyous et les drogués squattaient en permanence les lieux. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, Un Fils différent (2011), p. 188)

 

Qu’on le veuille ou non, l’abus de drogues est toujours le paravent et le signe, dans la vie de quelqu’un, d’un cruel manque d’amour, du mépris de soi, du divorce, du viol, de l’inceste, de la mutilation corporelle (particulièrement chez les personnes transsexuelles qui s’obligent à se piquer aux hormones régulièrement), d’une guerre, d’une épidémie ou d’une catastrophe. La drogue, censé désinhiber, a parfois poussé certaines personnes homosexuelles à violer ou à être violées parce qu’elles se trouvaient en faiblesse après avoir consommé de l’alcool ou des stupéfiants : « Me déshabillant avec une lenteur provoquée par les effets de l’alcool qui ne m’avantageaient guère, je me demandais ce que je faisais là. » (Berthrand Nguyen Matoko racontant comment il s’est fait violer, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 67)

 
 

g) Trois drogues plus dangereuses encore que les drogues connues : la tendresse, le sentiment et la bonne intention

DROGUES 11 Loverdose

 

Plus encore que les drogues dites « classiques » (tabac, alcool, héroïne, cocaïne, loisirs, musique, télé, Internet, cinéma, etc.), ce sont les choses qui restent bonnes quand on n’en abuse pas (sexe, tendresse, massage, boisson, nourriture, sincérité, etc.) mais qui deviennent terriblement oppressantes et enfermantes quand on en abuse et qu’on les utilise pour gommer le Réel, qui rendent l’individu homosexuel le plus esclave des autres (ses amants) et surtout de lui-même.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles consomment de la tendresse comme elles se masturb(erai)ent : de manière trop compulsive, avide, puérile, et frénétique pour être tendre et libre, finalement (cf. je vous renvoie au code « Douceur-poignard » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Elles veulent compenser le manque d’amour reçu durant leur enfance par une quête désespérée de tendresse à l’âge adulte : « Mon maître d’école fit remarquer à mes parents que je souffrais d’un manque d’affection et de tendresse qui démontrait à ses yeux, l’évolution d’une personnalité renfermée, amère, et presque sauvage. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 21) ; « Des liens de rivalité et de dépendance, des uns par rapport aux autres, s’installèrent par la suite. Nous étions en fait des assoiffés du renouveau et du sexe, même si nos mœurs nous obligeaient à une pseudo convivialité. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de ses « potes de sexe », op. cit., p. 141) ; etc.

 

L’obsession pour le sexe (dans le sens de « coït génital ») et la compulsion semblent des caractéristiques des désirs homosexuels (et hétérosexuels !). « Et surtout, je ne pense qu’au sexe. » (Peter Gehardt, ironique, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015) Le sexe sert d’opium de beaucoup de couples homos : « Tais-toi et baisons. » (Laurent s’adressant à son copain André dans le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; « Le sexe, c’était une jolie compensation. » (idem) ; « Je veux de la douceur, j’veux de la tendresse. » (cf. Liane Foly envisageant ponctuellement une relation lesbienne, dans le medley « La Lampe magique » du concert des Enfoirés 2009) ; « Vivre sans tendresse on ne le pourrait pas. Non non non non, on ne le pourrait pas. » (personne intersexe qui se fait appeler « M », et chantant une chanson à la guitare, dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018) ; etc.

 

Assurément, selon moi, la tendresse a toujours été et restera la drogue la plus consommée par le public homosexuel. Elle cache en général des pratiques beaucoup moins poétiques : consommation, domination-soumission, prostitution, viol (pardon… « réconciliations forcées sur l’oreiller »…), dépression, chantage aux sentiments, abnégation, oubli de soi, etc. Comme l’écrit à juste raison Tony Anatrella dans son essai Le Règne de Narcisse (2005), « la drogue est la négation de son corps et la fuite de son espace intérieur. » (p. 19) Quand on n’a plus de désir et qu’on fuit son corps, quand on ne trouve plus le Sens à son existence, il est logique qu’on se rue sur leurs caricatures : les bonnes intentions, les sens, les massages, la recherche de tendresse. J’ai appris par exemple que dans certaines « Universités d’été » LGBT organisées en France, avait été aménagé un « Coin spécial câlins » pour les vacanciers qui voulaient recevoir de l’affection, de la sensation, des papouilles… à défaut d’Amour (C’est moi, ou c’est la grosse misère… ?). Une grande majorité de personnes homosexuelles cèdent à leurs pulsions homosexuelles, s’enchaînent à une vie de couple confortable-mais-fade, ou « se casent » avec leur partenaire sexuel par défaillance, uniquement par peur d’être « en manque » de tendresse : « On ne peut pas être héroïque tous les jours et moi aussi j’avais trop besoin de ce que je trouvais auprès d’elle, tendresse, douceur, sensualité. » (Paula Dumont dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 161) ; « Pour être claire, tout au long de mon existence, j’ai rêvé avant tout d’une amie, c’est-à-dire une femme avec qui j’ai des affinités, auprès de qui je me sens dans un climat de confiance, de réconfort et de tendresse. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 101) ; « Malgré moi, j’ai éprouvé le besoin irrépressible de retourner au sauna […]. Ces rapports glauques m’attiraient et m’excitaient. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 46); « Julien a dormi avec moi la nuit dernière, dans mon lit. J’ai cédé. Il me l’a demandé avec tant d’insistance, de câlinerie, que j’ai cédé, comme on cède à un enfant gâté. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 14) ; « Je dois te préciser, chère amie, que ce genre de recherche hasardeuse et de fougue ne me plaisait guère. La ‘drague’ n’était pas une drogue pour moi, mais une nécessité. » (Denis Daniel, Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 81) Les désastres de la sincérité asexualisante et désincarnée (je dis « asexualisante » car les premières personnes à succomber à la drogue de la tendresse sont celles qui justement soutiendront que dans l’amour homosexuel, le sexe a très peu d’importance par rapport à la beauté des sentiments et de la sensualité platonique !) sont énormes parmi les personnes homosexuelles. Le seul remède que je leur propose pour sortir de ce pétrin, c’est le retour au Réel.

 
 

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Code n°54 – Duo totalitaire lesbienne/gay

duo totalitaire

Duo totalitaire lesbienne/gay

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La relation explosive entre mecs gays et femmes lesbiennes, et l’émouvante gestion de la différence des sexes à l’intérieur de la cage aux barreaux transparents qu’est ledit « milieu homosexuel »…

 

B.D. "P'tite Blan" de Galou et Blan

B.D. « P’tite Blan » de Galou et Blan


 

Pourquoi l’amitié entre femmes lesbiennes et hommes gays reste logiquement problématique et explosive (même si personne n’en parle) ? Parce que les uns comme les autres, tant qu’ils pratiquent homosexuellement, expulsent la différence des sexes, aussi bien en amour qu’en amitié !

 

En général, l’amitié – ou mieux dit, « la collaboration » – entre l’homme gay et la femme lesbienne a tout l’air d’un petit arrangement entre potes intéressés par un même butin : la conquête amoureuse de l’Homme invisible tout-puissant (dans le cas des fictions), et la possession d’un maximum de droits légaux pour légitimer leur identité homo crue « éternelle » et la force de l’« amour » homo (dans le cas de la réalité). Au-delà de ça, il ne reste plus beaucoup de gratuité et d’amour entre eux. C’est pour cette raison que le duo fictionnel gay/lesbienne se présente souvent dans les romans et les films homosexuels comme un couple despotique ou associé dans le crime ; et dans le cas des amitiés lesbiano-gays réelles, on constate que l’absence de séduction entre les hommes gays et les femmes lesbiennes influe aussi négativement sur l’envie même toute simple d’être amis et de passer du temps ensemble. Derrière l’auto-injonction publicitaire et militante à la mixité, à la parité, et à la fraternité homosexuelle, les deux camps se séparent de plus en plus, ne font plus la fête ensemble, ne se rejoignent que dans les centres LGBT et pour les Gay Pride, s’utilisent comme bouche-trous aux soirées, se détestent en secret (puisque l’autre « camp » leur rappelle la différence des sexes qu’ils ont unanimement rejetée dans leurs amours).

 

Pourquoi est-ce si explosif entre les personnes gays et les personnes lesbiennes ? Parce que chacun renvoie à l’autre qu’il n’est pas physiquement désirable (dès qu’il commence à rentrer dans la comédie vestimentaire et comportementale du rejet de la différence des sexes et de son identité sexuée). Nouvelle pas si facile à encaisser, c’est sûr. Par exemple, je crois que je dois doublement rebuter une femme comme Caroline Fourest : parce que je suis un homme, et parce qu’extérieurement je suis un homme qui ne s’assume pas en tant que tel. Et c’est réciproque. Seul l’arrêt de la pratique homo ou de la croyance en l’identité homo (concrètement, seule l’amitié) esquissera l’horizon d’une trêve.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « FAP la ‘fille à pédé(s)’ », « Mère gay friendly », « Destruction des femmes », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Androgynie Bouffon/Tyran », « Parricide la bonne soupe », « Doubles schizophréniques », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Solitude », « Milieu homosexuel infernal », « Liaisons dangereuses », « Grand-mère », et à la partie « Prostituée lesbienne » du code « Putain béatifiée », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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PETIT « CONDENSÉ »

 

DUO sale pédé

 

Pour camoufler leur machisme/misandrie et leur misogynie, beaucoup de femmes lesbiennes et d’hommes gays font diversion en cultivant entre eux une amitié artificielle censée prouvée à la face du monde qu’ils sont tous deux absolument capables d’intégrer avec succès la différence des sexes au sein de leurs relations interpersonnelles. Dans le « milieu homo », cette contrefaçon porte le doux nom de « mixité » (sa jumelle « parité » est partie faire de la politique…). S’il pouvait y avoir une légende derrière ce mot, on lirait ce genre de discours : « Je t’aime tant que je ne crains rien de toi. Je m’approche de l’autre sexe à condition qu’il ne me demande pas de me donner entièrement à lui ». Selon cette logique, l’autre est considéré comme un parfait « collègue ». « Pour moi, les hommes, ce sont des camarades et je suis leur égale » entendons-nous de la part de certaines femmes lesbiennes (cf. le documentaire « La Vie à vif » (1982), dans La Nuit gay sur Canal +, diffusé le 23 juin 1995).

 

La mixité au sein de la communauté homosexuelle est malheureusement plus un beau principe bien intentionné qu’une pratique. Nous le constatons quand, par exemple, nous voyons qu’au fil des années, les bars mixtes se transforment en établissements uniquement lesbiens ou strictement gays dans les petites villes de province. Même à San Francisco (États-Unis), le « Centre du monde homosexuel », les personnes lesbiennes et gays ne se côtoient pas vraiment : il y a d’un côté le quartier de Castro (pour les garçons) et de l’autre le quartier de Mission (pour les filles). Au fond, il n’existe pas vraiment de ville homosexuelle même quand celle-ci est souhaitée sur le papier. Actuellement, le processus de séparation entre les femmes lesbiennes et les hommes gays est tellement avancé que la plupart des femmes lesbiennes voyant un homme gay lire des ouvrages sur le lesbianisme le regardent avec des yeux ronds, comme s’il n’était pas logique qu’il puisse s’intéresser à « leur » culture à elles.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Nous pourrions nous dire que les hommes gays et les femmes lesbiennes ont peu de chance de se retrouver esthétiquement et éthiquement, d’autant plus que dans leur système de pensée, leurs affinités relationnelles obéissent d’abord à leurs goûts et préférences sexuelles. Les femmes lesbiennes ont souvent pour idéal d’identification esthétique ce que les hommes gays prétendent détester : l’homme macho. Et inversement, les hommes gays ont un goût spécial pour les femmes-objets très féminines, que les femmes lesbiennes refusent d’être et rejettent violemment. Beaucoup de femmes lesbiennes adorent les sports collectifs, les travaux manuels réservés aux hommes… tout ce que les garçons gays haïssent !

 

Cependant, les hommes homosexuels ont un rapport ambigu avec les femmes lesbiennes, car ces dernières sont la transposition dans la réalité concrète de la femme forte et guerrière que tous deux convoitent (la seule différence, c’est que les femmes lesbiennes vont s’y identifier et la désirer sexuellement, alors que les hommes gays se contenteront simplement de s’y identifier). Ils aiment esthétiquement l’icône que les femmes lesbiennes ont voulu imiter, mais pas son actualisation homosexuelle, celle-ci les dégoûtant plus qu’autre chose. Le libertin garde pour la « femme plus que femme » un intérêt méprisant, tout comme la libertine voue à Don Juan et à la gent masculine qu’il représente une haine viscérale maquillée généralement en indifférence.

 

Les femmes lesbiennes se plaignent très souvent du manque de mixité dans les associations. Pourtant, elles font autant bande à part que leurs homologues masculins. Minorité dans la minorité, elles jouent de leur double statut d’exclues (en tant que femmes et en tant que lesbiennes) pour s’isoler encore plus des hommes gays. Beaucoup d’entre elles n’ont aucune sympathie pour les « folles », ni pour les hommes que les personnes gays représentent, tout comme de nombreux hommes gays méprisent les femmes lesbiennes. Certains ne gardent de la femme lesbienne que l’image d’une Josiane Balasko qui les bouscule dans les bars sans même s’excuser, qui ne leur adresse pas la parole quand elle débarque dans leur groupe d’amis, et qui ne fait la bise qu’aux filles… (je l’ai vu de mes propres yeux !)

 

Heureusement, femmes lesbiennes et hommes gays ont en commun leur humanité, ce qui leur permet parfois de tisser de vrais liens d’amitié. Mais n’idéalisons pas le tableau. Beaucoup d’hommes gays ont l’impression désagréable que leurs relations avec les femmes lesbiennes ne se construisent que par intérêt, et réciproquement pour les femmes lesbiennes. Cela s’explique assez bien : l’attirance amicale qu’aurait créée l’attraction sexuelle n’est plus là. On se rend vite compte qu’entre femmes lesbiennes et hommes gays, ce manque de complémentarité symbolique des désirs sexuels influe même dans la qualité des relations simplement amicales. Chacune des parties a l’impression de passer bien après la recherche d’amant(e)s de l’autre, et de servir de « bouche-trou » lors des soirées. Pour le coup, la déférence gay envers les femmes lesbiennes vire souvent à une parodie de galanterie ou de copinage, qui indique parfois l’existence des braises d’un incendie qui ne demande qu’à s’étendre. Il n’est pas étonnant de voir que le binôme « amical » que forment l’homme gay et la femme lesbienne est très souvent totalitaire ou sado-maso – donc hétérosexuel – dans les fictions et parfois dans la réalité concrète, comme l’illustre la description du binôme Mylène Farmer/Laurent Boutonnat faite par le chanteur Jean-Louis Murat : « Sur le tournage du clip, j’étais un peu en observateur, je trouvais ça assez formidable, je voyais bien que c’était un vrai fonctionnement de couple où l’extrême rigueur demandée par l’un était comprise et acceptée entièrement par l’autre. Une vraie complémentarité, une intensité dans le désir de faire quelque chose de qualité, sur la même longueur d’onde. Quand on travaille avec eux, c’est toujours assez bluffant de voir jusqu’à quel point ils peuvent aller dans le commandement, dans la soumission aussi… » (Jean-Louis Murat en parlant du tournage du vidéo-clip de la chanson « Regrets », dans la biographie Mylène Farmer : de chair et de sang (2005) d’Annie et Bernard Réval) La femme lesbienne et l’homme homosexuel simulent l’harmonie parfaite. En réalité, ils ne font que différer le moment de leur affrontement réel. Tant que leurs conquêtes pour les « droits sociaux des homos » ne cesseront de s’accumuler, ils joueront la comédie de l’amitié. Une fois qu’ils n’auront plus besoin l’un de l’autre et qu’ils auront souri ensemble pour la photo, ils risquent de se jeter/s’anéantir mutuellement s’ils ne travaillent pas ensemble à démasquer les ambiguïtés violentes de leur désir homosexuel.

 

Le paradoxe, c’est que tandis que les hommes gays rejettent les femmes lesbiennes, ils les attendent. La présence de celles-ci leur fait un bien fou. Il suffit qu’il y ait une seule femme lesbienne dans leurs rencontres majoritairement masculines pour qu’ils soient plus respectueux entre eux et qu’ils se tiennent mieux. Les femmes manquent véritablement aux hommes gays. Ils ne l’avouent pas souvent car leur désir le plus profond est encore trop encombré de fantasmes en tout genre pour qu’ils s’autorisent à en parler. Les femmes lesbiennes, quant à elles, expriment aussi le besoin d’avoir une bande d’amis garçons, même si elles soupirent à chaque fois qu’elles voient arriver les groupes de « mâles » dans « leurs » bars. En réalité, la désertion progressive des femmes lesbiennes dans le « milieu gay », ainsi que la séparation toujours plus marquée des sexes, sont peu profitables à l’ensemble des personnes homosexuelles… mais nous y tendons malheureusement, puisque de plus en plus, nous constatons un phénomène de compartimentation des minorités au sein même de la communauté homosexuelle. Le « narcissisme des petites différences » suit sa route… Qui l’arrêtera ?

 
 

GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

 

a) L’union de misères et d’amertume misandre :

 
 

Comme nous l’avons étudié dans les codes « FAP la ‘fille à pédé(s)’ » et « Putain béatifiée » (la partie sur les prostituées lesbiennes), il est fréquent que la « fille à pédé(s) » fictionnelle ou celle qui se présente comme la meilleure amie « des » homos et de « leurs » droits (beaucoup de guillemets, désolé : on parle de gens qui sont dans le paraître), se rabatte par dépit (identitaire et amoureux) sur les femmes, le lesbianisme, la prostitution et le despotisme militant LGBT : cf. Lucy dans le film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka, la maman de Jamie dans le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, Mrs Hunter la maman de Nico dans le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, Lola dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Marcy dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Nancy dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, etc.

 

Par exemple, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Florence, l’héroïne lesbienne avoue avoir été initialement amoureuse de Stéphane, son meilleur ami gay. Dans la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare, Lady Macbeth et Macbeth sont des répliques du couple libertin Merteuil/Valmont : Macbeth est décrit comme un « tyran » ; Lady Macbeth, quant à elle, méprise celles qu’elle appelle les « bonnes femmes », et demande aux esprits maléfiques qu’ils lui « rendent son sexe viril ». Dans la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, la femme-objet est lesbienne. Dans le spectacle La folle parenthèse (2008) de Liane Foly, Jeanne Moreau est imitée en femme lesbienne. Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Tom, le chanteur à succès ouvertement hétérosexuel (et secrètement homosexuel) se choisit comme couverture médiatique Cindy, le prototype de l’hétérosexuelle blonde et superficielle… qui finalement est aussi homosexuelle quand ça l’arrange : elle a joué pour les bienfaits de l’émission de télé-réalité voyeuriste Secret Story le rôle d’une lesbienne portant le secret suivant : « Je suis sortie avec une ancienne lesbienne bodybuildée et j’ai quatre orteils. » Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, un jeune Kenyan est la risée de la bande masculine de Blacksta et Waireri, parce qu’il est coiffeur : « Il a encore plus une démarche de tapette ». Il est constamment traité de « tapette », et cela insupporte Kena, l’héroïne lesbienne, spontanément solidaire de son frère de condition homosexuelle : elle quitte même la table pour marquer son agacement.

 

On entend souvent dans la bouche des héroïnes lesbiennes leur haine des hommes, bref, leur misandrie (cf. je vous renvoie au code « Parricide la bonne soupe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels, qui traite plus à fond la question de la misandrie lesbienne) : « Les mecs me font peur. » (Marie, la FAP violée, dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow). Par exemple, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, Sylvie traite son meilleur ami gay Pierre d’« enculé » parce qu’il ne veut plus qu’elle soit la mère de leur enfant et qu’il a trouvé une autre mère qu’elle. Et du côté des héros gays, ils déversent parfois leur misogynie sur leurs copines lesbiennes : « Vous êtes deux diablesses. » (Greg, le porte homo s’adressant au couple lesbien Jézabel-Erika dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco)

 

Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, la rencontre entre la communauté gay et la communauté lesbienne est saignante. L’équipe des Crevettes pailletées, composée d’hommes gays et trans, est opposée lors d’un match à une équipe de water-polo de femmes lesbiennes appelées Les Déménageuses… ce qui suscite chez les gars de la peur (« Ça fait un peu peur… » avoue Damien) autant que du dégoût (« Dans ‘lesbiennes’, y’a ‘hyènes’… » dit Joël). Les deux équipes s’insultent. L’entraîneuse des Déménageuses traite Mathias Le Goff, l’entraîneur des Crevettes, de « baltringue, et son équipe féminine les insulte de « tarlouzes », de « tapettes », et même de « racistes » (alors qu’Alex est noir). En riposte, Mathias enjoint ses joueurs à faire leur fête aux Déménageuses : « Vous allez les défoncer ! ». Il fait un doigt d’honneur à l’entraîneuse. Sympa, l’homophobie excusée par la différence des sexes…
 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros gay rejoint très souvent l’héroïne lesbienne dans son désespoir sentimental et dans sa haine jalouse des hommes, quitte à anéantir ces derniers dans la tentative de séduction et de conquête (fusion identitaire ou fusion corporelle amoureuse) : cf. Rhonda et Adam dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, Marc et Gaby dans la pièce Faim d’année (2007) de Franck Arrondeau et Xaviéra Marchetti, Marcy et Sébastien dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, l’union de misères gay/lesbienne pour « compenser le divorce » dans le film « Señora De Nadie » (1982) de Maria Luisa Bemerg, etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner, l’homo (Prior) et la FAP (Harper) prétendent vivre une « triste complicité » ensemble. Dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino, Hugo, le héros homosexuel, vit un douloureux chagrin d’amour à cause son amant Pedro ; en parallèle, sa meilleure amie lesbienne, Julia, pleure aussi sa rupture avec Antonia, son ex-compagne. Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Marc et Mumu, lors d’un casting de film porno où Mumu et Max se voient obligés de coucher ensemble (« Qu’est-ce qu’il vous prend, Palmade et Moresmo ? On n’est pas sur un char ! » leur crie le régisseur-plateau), ils s’engueulent et se traitent de « sorcière ».

 

Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, l’un des héros homos, découvre que son amant Benjamin a eu, dans son parcours amoureux, une aventure avec une femme. Il lui pique une crise de jalousie : « Quoi ?!? Tu t’es tapé une meuf pour de vrai ?!? Mais c’est dégueulasse !! C’était une lesbienne, c’est ça ?!? »
 

Dans le film « Saint Valentin » (2012) de Philippe Landoulsi, c’est l’amitié-vache entre Naïma et Valentin (le héros homosexuel) travaillant ensemble à une caisse de supermarché. Valentin ne s’intéresse pas à elle… sauf pour lui piquer une clope en faisant mine de lui offrir un bouquet… de poireaux. Naïma est navrée de leur vie sentimentale catastrophique commune (« Mais si t’arrêtais de te mettre dans des histoires impossibles, on n’en serait pas là. ») ; et Valentin semble blasé de l’amour en général. La vue d’un couple qui s’embrasse lui soulève le cœur : « Tu vas pas me dire que tout ce bonheur, c’est pas insoutenable ? »

 

La FAP et l’homosexuel se complaisent dans leur misère affective, dans l’adoration d’un Homme invisible qu’ils ont aimé et perdu. « Tu sais, je me demande si ta fréquentation me fait du bien ou me tire irrémédiablement vers le bas. » (Kathy s’adressant à Manu, dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq) ; « On n’est pas vraiment les champions de l’amitié. […] Pour toi, je suis juste la solution de simplicité. » (Franckie s’adressant à Hugo le héros homosexuel, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; « Elle a l’aigreur des femmes qui n’auront pas de petits garçons, qui n’accapareront pas le sperme des mâles pour se faire croire qu’elles créent la vie, elles qui créent la mort. […] Ce sont des mères d’amertume. Elles sont tristes. » (Willie décrivant sa meilleure amie Liz, dans le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 176) ; « Femme, j’ai eu tant d’ami hommes qui n’aimaient que les hommes que j’ai appris à me sentir inutile. Je n’avais pas de mari, pas d’enfants, c’est la vérité. » (Liz, idem, pp. 180-181) ; « Toi et moi on est pareils. On a tellement peur de nous […]. » (Damien à sa meilleure amie Agathe, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi) ; « Quelque part, je crois qu’on se ressemble un peu trop. » (Laurent l’homo à sa meilleure amie Lola, dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau) ; « C’est vrai que je n’aime personne, pas même vous, Garance. Et pourtant, mon ange, vous êtes la seule femme que j’aie jamais approchée sans haine ni mépris. » (Lacenaire à Garance, dans le film « Les Enfants du Paradis » (1943-1945) de Marcel Carné) ; « Moi aussi je me suis sentie humiliée, considérée comme moins que zéro. » (Antonietta à Gabriele dans la pièce Une Journée particulière (2007) d’Ettore Scola) ; « Je la [Marilyn la FAP] détestai, mais je me gardai bien de le lui montrer ; j’étais jaloux et je le cachais. Et elle adorait Pierre. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, pp. 29-30) ; « Ils [Pietro l’amant homosexuel du narrateur + Marilyn] portent tous les deux des imperméables blancs qu’ils ne quittent même pas à table, ils ont adopté la même coiffure à la garçonne, ils s’embrassent sur la bouche entre deux bouchées d’hamburger, ils se regardent les yeux dans les yeux, tristes, fatigués de leur soirée de travail. Ils mettent de l’argent de côté pour s’acheter une ferme à Ibiza qui coûte trois fois rien, ils rajoutent une chambre pour les enfants, lui plante des tomates pendant qu’elle s’occupe des mômes, c’est le bonheur. » (idem, p. 56) ; « À présent elle [Marilyn, la FAP] me force à faire chambre commune quoique je n’aie rien à craindre : cette fille de trente-cinq ans est toujours vierge. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 94) ; « Au fil des années, entre Marc [homosexuel] et elle [Gabrielle, l’héroïne lesbienne], la passion s’était lentement transformée en une charmante amitié amoureuse. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 54) ; « Brusquement, il se lève, la regarde là, assise, petite et ronde et tassée. Sa Gabrielle narquoise et conquérante d’autrefois. Il veut dire quelque chose. Elle ne veut pas qu’il parle. Elle ne lui passerait aucune erreur, aucune faute de goût. Le cruel refrain d’une chanson de Trenet lui revient en mémoire : ‘Que reste-il de nos amours…’ Elle en ricane intérieurement. Toute seule. Il est temps pour eux de se quitter. » (idem, p. 95) ; etc.

 

Par exemple, dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Élisabeth (la veuve noire calculatrice) et Brahim (son bras-droit homosexuel) partagent un secret : la mort par suicide du fils d’Élisabeth. Dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, le binôme JP/Clara fait pitié : « Ma vie sentimentale est aussi nulle que la tienne. » remarque JP (cf. l’épisode 1 « À la recherche du prince charmant »). À eux deux, ils forment le « couple ‘homo hystérique/fille paumée’ » (Clara dans l’épisode 4 « 14 juillet »). En réalité, la FAP et l’homo souffrent d’aimer et de se disputer le même homme. Clara et Jean-Philippe sont tous deux amoureux de Gilles, le bisexuel (cf. l’épisode 5 « Oublier Paris »). Le même schéma se reproduit dans le film « Paddy » (1998) de Gérard Mordillat. À la fin du film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, on assiste à un face à face diabolique, sur fond rouge, entre Francis, le héros homosexuel, et Marie, la « fille à pédé » prise pour une lesbienne, se déchirant pour un homme, Nicolas : c’est le combat de l’ange et du diable, qui se termine par les convulsions et les cris de Francis.

 

Dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, Greg le héros gay et Hannah sa meilleure amie lesbienne, sont colocataires et simulent la parfaite entente : « On vit ensemble comme deux jumeaux. » En réalité, on découvre peu à peu leur contentieux : « Comment as-tu trouvé cet endroit ? » demande Hannah à Greg ; Greg lui répond en boutade (?) : « Une nuit que tu m’as laissé pour une fille… »

 

Homo comme lesbienne s’enferment dans le mythe identitaire et amoureux de « l’homosexualité ». « C’est vous qui avez raison. » (Catherine, la prof de maths lesbienne, face à Nathan, son élève homo, dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel) Par exemple, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1), Shane, le héros homo, fait tout pour outer, ou plutôt forcer Amy et Karma à être homosexuelles comme lui : « Je suis tellement fier de mes petites ! […] J’ai toujours voulu avoir des copines lesbiennes. Elles sont parfaites. » Ils font inconsciemment preuve d’homophobie l’un par rapport à l’autre.

 

Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, maintient une relation de couple avec sa meilleure amie lesbienne Camille : « Tu as l’air très impliqué dans sa vie. » remarque Stan. Guen confirme : « Avec Camille, c’est vraiment la rencontre d’un binôme. » On découvre qu’il profite d’elle financièrement. De plus, Camille sort avec Ninon, et donc Guen se met en concurrence avec cette nouvelle rivale. Il méprise Ninon en la décrivant comme une junkie bisexuelle névrosée qui n’a jamais rien construit de sa vie et qui n’arrivera à vivre longuement avec Camille : « Ta vie est une période transitoire. » Guen se fait rembarrer : « Arrête de faire semblant d’être ce que tu n’es pas. » (Ninon) Quand Guen crée un jeu improvisé « le Jeu des Favoris », Ninon fait preuve de misandrie homophobe et ne mâche pas ses mots : « C’est scolaire, homo, nul. »
 
 

b) S’unir pour détruire :

Sophie Tellier et Mylène Farmer, concert 1989

Sophie Tellier et Mylène Farmer concert 1989


 

Pour faire diversion et ne pas régler leurs contentieux personnels et leur souffrance identitaire/amoureuse, le héros gay et l’héroïne lesbienne s’unissent pour un temps ensemble (la plupart du temps pas génitalement ! c’est juste une collaboration ascétique… même si certains sont d’anciens amants) pour mener leur combat commun contre la différence des sexes (ils ne font que reporter leur propre affrontement final) : Onoko et Watanuki dans le film « Passion » (1964) de Yasuzo Masumara, le duo libertin Don José/Carmen dans le roman Carmen (1845) de Prosper Mérimée, le duo explosif Pierre Palmade/Michèle Laroque dans leur spectacle Ils s’aiment, Eddie Sparks et Dixie Leonard dans le film « For The Boys » (1991) de Mark Rydell (« Un numéro, toi et moi. »), le Vicomte de Valmont et la Marquise de Merteuil dans le roman Les Liaisons dangereuses (1792) de Choderlos de Laclos, Osmond et Serena dans le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion, les deux nazis Bergmann et Ingrid dans le film « Rome Ville ouverte » (1945) de Roberto Rossellini, Sophie et son cousin nazi dans le film « Les Damnés » (1969) de Luchino Visconti, le film « Le Bal du vaudou » (1972) d’Eloy de la Iglesia, Nathalie et Julien dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, le binôme tyrannique gay/lesbienne dans le film « Flesh » (1968) de Paul Morrissey, le film « Amours mortelles » (2001) de Damian Harris, le film « I Shot Andy Warhol » (1996) de Mary Harron (racontant l’épisode de Solanas et Warhol), le film « Delirium » (1987) de Lamberto Bava, le duo lesbienne/gay fomentant la prostitution dans le film « La Punition » (1972) de Pierre-Alain Jolivet et dans le tableau Les Complices (2002) de Narcisse Davim, Ksawert (gay et dragqueen) et Karolina son agent dans le film « Sekret » (2012) de Prezemyslaw Wodcieszek (leur union cache la shoah), Kévin (gay) et Sana (lesbienne) dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone (ils vivent en colocation, médisent à tout va, et camouflent un mort dans la chambre de Kévin), Adelaïde la lesbienne et Bernard le gay (fasciné par les militaires) dans la pièce Les Z’Héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys, etc.

 

« Être homos, ça nous oblige à tout détruire. » (Stéphane, le héros homosexuel s’adressant à sa meilleure amie lesbienne Florence, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Le Fou chantant et la Sorcière, ça ferait un beau couple ! » (cf. l’association entre Charles Trénet et Marie Besnard dans le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure) ; « Nous ficelons nos mensonges en un tour de langue – nous avons tellement l’habitude – et entre deux éclats de rire. » (Dominique en parlant de sa mère, dans le roman Françoise Dorin, Les Julottes (2001), p. 25) ; « Nous sommes vraiment, ma mère et moi, sur un pédalo en train de savourer un esquimau géant… » (idem, p. 36) ; « Meurtriers sataniques et violents ils étaient. » (Bernard décrivant Jeanne l’héroïne lesbienne et Philippe le héros homo, dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier) ; « Tu sais que c’est un copain ? » (Laurent Spielvogel imitant André, un homme gay d’un certain âge, parlant de Marguerite Yourcenar, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, Pascal l’homosexuel et Julia le garçon manqué s’affairent à maquiller un meurtre. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand balance sur le faible sens de l’humour des lesbiennes camionneuses pas commodes, notamment avec le personnage de Joyce, la femme en cuir insensible qui se révèle être un vrai monstre : Joyce dit d’un air très pince-sans-rire qu’« elle adore les enfants » et qu’elle « en a déjà mangés 4 »… pour conclure hyper sérieusement « Non, j’déconne. Humour lesbien. C’est particulier. Je sais, je n’en ai pas. » Elle compte même couper en deux l’enfant que le couple Rodolphe/Claudio comptaient faire avec elle dans leur projet de coparentalité : « On fait 50/50 avec l’enfant ?Je prends la tête et vous les jambes ?»

 

Le duo que composent le héros homosexuel et sa meilleure amie lesbienne est parfois tellement fusionnel/séparé/séparateur (il semble composé de deux moitiés androgyniques qui se détestent tout en ne pouvant pas se détacher l’une de l’autre ! Je vous renvoie aux codes « Doubles schizophréniques » et « Androgynie Bouffon/Tyran » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) qu’il fait peur. Se dégage de lui un totalitarisme, une unité suffisante et misanthrope : « C’est comme cela que je rencontre Polly, que tout de suite je tombe amoureux d’elle. Peut-être parce qu’elle est un peu brute, ce que je ne suis pas du tout. » (Simon, le héros homosexuel parlant de sa meilleure amie lesbienne, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 12) ; « Polly et Simon se connaissent bien et cette complicité qui les anime me dérange presque. » (Mike, le narrateur homosexuel, idem, p. 22) ; « Alors que le discours de Fabien se terminait, juste avant les applaudissements, deux spectateurs ont quitté la salle. […] La femme est coiffée d’un large chapeau, l’homme porte un costume noir et tous les deux arborent des lunettes de soleil. » (cf. la description du Maître de la secte, au visage à moitié caché, et de sa mystérieuse guichetière, dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, p. 331) ; etc.

 

Dans la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, des couples étranges se forment : d’abord entre le poète Boulgakov et sa femme – qui se met dans la peau de Staline – (« Tu es la femme que j’aime. Comment puis-je imaginer que tu es Staline ? »), et ensuite entre Boulgakov et un Staline homosexuel (« C’est toi le poète et moi le lutteur » dit le dictateur). Ce n’est que lorsque ces duos apparaissent que les enjeux de pouvoir se modifient entre les personnages. Les combinaisons par binôme indiquent deux choses : l’émergence du désir sexuel d’une part, et de la violence de l’hétérosexualité comme de l’homosexualité pratiquées d’autre part.

 

Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Ingrid, femme lesbienne, a couché avec Mathan, homme gay, avant de devenir sa meilleure amie.

 

Dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, l’association machiavélique entre le président Mérovinge et son associée Nathalie, anciens amants dirigeant en bons despotes cruels et froids un Empire économique impitoyable broyant l’humain, a tout du binôme asexué androgynique formé de deux moitiés d’homme sadomasochiste : l’homme doucereux + la femme masculine (Nathalie est une blonde grande et mince, porte un smoking noir Saint Laurent, est surnommée « la balafrée de luxe ») : « Nathalie pense comme moi. Tu sais qu’elle ne se trompe jamais, il lui suffit de voir une personne quelques minutes… Même si elle juge un peu à la cravache. » (Mérovinge, p. 214) ; « Leur obscure et défunte relation le hantait toujours. Il désirait lui plaire encore, non pour la conquérir, mais par désir enfantin de ne pas décevoir cette ancienne et violente maîtresse. » (p. 215) ; « Antoine s’attarda sur la fraîche balafre qui barrait la joue de Nathalie Stevenson. » (p. 240) ; etc.

 
 

c) Une collaboration qui se referme comme un piège autodestructeur :

Le lien PD/FAP (ou gay/lesbienne) est fébrile et dangereux pour eux car il est principalement pécuniaire, intéressé et fondé sur la haine de soi (cf. le film « Flesh » (1968) de Paul Morrissey, le film « Queer Things I Hate About You » (2000) de Nickolaos Stagias, etc.). « Les hommes, je les utilise. Un peu de plaisir et puis c’est tout. » (Karin, l’héroïne lesbienne du film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Détends-toi. Ce mec a l’air pas mal, il est sexy et sûrement intelligent, alors détends-toi, profite, ne te pose pas trop de questions. Arrête de flipper. » (Polly, l’héroïne lesbienne encourageant son ami gay Mike à sortir avec un certain « Léo » qu’ils ne connaissent ni l’un ni l’autre, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 94) ; etc. Par exemple, dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, la FAP (Severin) marque un prix sur la photo qu’elle fait de son ami homo Jamie. Dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, Sébastien l’homosexuel utilise et manipule son amie lesbienne Dadou. Dans le film « La Manière forte » (2003) de Ronan Burke, les hommes homos sont considérés comme des vaches à sperme par les lesbiennes qui veulent à tout prix un bébé.

 

Il arrive aussi que la FAP lesbienne se serve de son meilleur ami homo comme couverture, comme c’est le cas dans le film « My Father is Coming » (1991) d’Elfi Mikesh. Dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, Sylvia se prend en photo avec un homme inconnu dans un zoo pour ensuite le présenter à sa mère comme son fiancé et faire illusion sur son homosexualité. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Marcy fait passer son meilleur ami gay Sébastien pour son futur mari afin de leur cacher qu’elle est homosexuelle, ce à quoi Sébastien proteste : « Je suis la couverture de Madame ! » Dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura la lesbienne se sert de son ami Freddy comme alibi pour lui faire endosser la responsabilité de son vol (au lieu de citer son propre nom au marchand qu’elle a volé, elle lui donne celui du jeune homme) : « Freddy Hoenderdos était dans ma classe au cours moyen. Pourquoi avais-je donné son nom plutôt qu’un autre au marchand de légumes qui marqua le terme de mon escapade ? Ce n’était pas parce que je le détestais ; je le détestais bel et bien, mais ma réponse avait fusé trop vite pour être réfléchie. Son nom m’était venu à la bouche naturellement, comme si c’était vraiment le mien. » (p. 18) Dans la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, Joséphine se sert de son fils gay Kevin pour appâter les clients du bateau et leur soutirer de l’argent. Dans le roman Los Ambiguos (1922) d’Álvaro Retana, le gay et la lesbienne se servent mutuellement d’appât. Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, Diane, la FAP lesbienne, empêche son ami Mitchell de s’unir à Alex. Dans le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland, Paula, la FAP, veut que son copain homo Matt reste vierge : elle se montre jalouse envers Craig, le compagnon de celui-ci. Dans le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, Lina, la mère de Nino, accepte avec enthousiasme l’homosexualité de son fils… à partir du moment où il reste tout à elle et qu’il ne ramène pas de copain à la maison. Elle lui fait une crise de jalousie quand son fiston lui présente Angelo. Dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, la FAP Clara utilise son meilleur ami homo Jean-Philippe comme un objet : selon elle, il est pratique d’avoir à ses côtés « un type qui vous protège de la pluie » (cf l’épisode 1 « À la recherche du prince charmant »). Dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Lola, avant de se découvrir lesbienne, paie des prostitués pour se donner l’illusion qu’elle peut avoir des amants (Luc, homosexuel, sera l’un d’eux). Dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier est filmé le manque de solidarité et les luttes d’intérêts différents entre le couple lesbien Kim/Alexandra et leurs « potes » homosexuels, refusant de collaborer à leur projet de co-parentalité puis d’adoption (César, le héros hétéro, sera textuellement utilisé par elles comme une « roue de secours » pour le vol d’enfant dans l’orphelinat).

 

Film "Reflets dans un oeil d'or" de John Huston

Film « Reflets dans un oeil d’or » de John Huston


 

Cette exploitation mutuelle, même si elle passe par un consentement qui ne heurte pas au départ les deux intéressés, finit par se retourner contre eux. Ils sont l’un pour l’autre le témoin gênant de l’identité homophobe de « l’homosexuel » qu’ils croient partagée (ils sont donc en droit de traîner leur amitié en procès d’outing ! elle le conforte dans leur haine d’eux-mêmes !), le miroir de la violence de leur pratique séparée de l’homosexualité. Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Adèle découvre son homosexualité et commence à sortir dans les bars avec Valentin, homo comme elle. Mais on finit par comprendre qu’ils s’exploitent l’un l’autre car à la fin des soirées, ils draguent chacun de leur côté. Leur relation s’envenimera définitivement lorsqu’au lycée, la relation amoureuse entre Adèle et Emma est démasquée (Adèle engueule Valentin d’avoir cafté qu’ils étaient allés dans des établissements LGBT, le traite de traître). Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’héroïne lesbienne antipathique et follophobe, traite Prentice, son autostoppeur hétéro, de « Sissy » parce qu’il fait des mouvements de danse sur la plage et qu’elle les juge ridicules.

 

Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, le skinhead gay tente d’agresser sexuellement Jane la lesbienne : « Le rire de ce skinhead éméché résonna contre les murs, aigu et efféminé » (p. 95) Plus tard, à une soirée organisée par sa compagne Petra, Jane se fait lourdement draguer par un collègue de travail de Petra, Jurgen, pourtant homosexuel, qui profite du fait que Jane soit lesbienne et la seule personne homosexuelle du dîner mondain auquel ils participent pour avoir un surprenant geste déplacé : « Il glissa la main sous la table. Jane lui prit la main et la repose sur la table en se disant qu’il était dommage que la première personne qu’elle trouvait sympathique depuis son arrivée à Berlin ait été un tel connard. […] Jurgen Tilmann était dans les affaires, comme les autres invités de Petra, pas un hors-la-loi en quête d’une alliée. » (p. 114 et p. 116)
 

Le héros homo et son amie lesbienne se haïssent et cherchent souvent à se fuir ou à s’entretuer, à se disputer un pouvoir ou un mythe. « Je te tuerai. » (Weldon menaçant face à Leonora dans le film « Reflection In A Goldeneye », « Reflets dans un œil d’or » (1967) de John Huston) ; « Cette fille est en train de me bouffer… » (Fred, le héros homosexuel parlant d’Alice, sa meilleure amie, une femme-cowboy, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis) ; « Elle [Marilyn, la FAP] me hait seulement, elle n’agit que par la haine de moi. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 78) ; « Tu me pèses. T’es toujours là à tourner autour de moi. » (Stéphane, le héros homo s’adressant à sa meilleure amie lesbienne Florence, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « J’te déteste ! » (Florence à Stéphane, idem) ; « Vous vous étiez compromis entre vous, pédés et gouines, à ventiler vos problèmes sans venir nous emmerder ! […] Allah, les gouines me poignardent ! […] Ah, race de femmes maudites, vous êtes toutes des putes ignorant tout de la bite ! » (Ahmed dans la pièce Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Elle m’aime pas, Polly, je crois que j’aimerais quand même l’avoir comme fille de pédés, c’est comme ça qu’on dit fag hag, pour lui coiffer ses cheveux et tout ça, mais quand même, elle est très méchante avec moi, hein ? Les fag hags françaises sont toutes comme ça, méchantes ? Moi la mienne, à New York, Emma, elle fait tout ce que je dis à elle, comme de montrer ses seins pour que je souce des mecs. Ta fag hag à toi elle est pas gentille comme ça. » (Cody, le personnage homo nord-américain efféminé s’adressant à son pote gay Mike à propos de Polly, l’amie lesbienne de Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 116-117) ; « Polly ferait mieux de devenir hétéro et coucher avec un boxeur italien qui la mettrait sur le trottoir et la tabasserait de temps en temps, chuis sûr que là, et là seulement, elle prendrait son pied ! » (Simon, idem, p. 46) ; « De toute façon, en matière de prévention, dès que tu fais un truc t’as des tonnes d’associations dont t’avais jamais entendu parler qui te tombent dessus. Faut pas faire ci, faut pas faire ça… Tsss… Il ne faut pas mettre que des pédés, mais quand même. » (Claude, lesbienne, idem, p. 63) ; « Je me demande si on est encore amis. » (Ine, la FAP lesbienne, à Miriam, l’héroïne transsexuelle F to M, dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi) ; « Ah, race de femmes maudites, vous êtes toutes des putes ignorant tout de la bite ! » (Ahmed s’adressant à des femmes lesbiennes, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’ai passé une petite annonce à la radio, doctoresse, pour me trouver un moustachu maso comme moi et fonder un couple ! J’ai obtenu une réponse. Une lesbienne, doctoresse. » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « C’est mal fichu, une fille. Il manque l’essentiel ! C’est à se demander comment les lesbiennes font pour se reproduire ! Vous imaginez ? Passer de la saucisse à la moule : bonjour l’indigestion ! » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, on retrouve le couple haineux gay/lesbienne : « Je vais te détruire » dit Hervé, le héros homosexuel à sa femme Choupette qu’il imagine, le temps d’un cauchemar, en lesbienne. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, l’amitié Jean-Marc/Mélène est parfois liée à la terreur. « J’avais presque sursauté. Elle a une façon de lire en moi qui me surprend toujours. Sa perspicacité est confondante. […] Elle atterrit souvent au milieu de mes pensées comme si elles étaient les siennes. » (Jean-Marc, p. 28) D’ailleurs, Jean-Marc n’hésite pas à traiter sa meilleure amie lesbienne de « sorcière » (idem, p. 53) et à désirer la tuer : « Pourquoi est-ce qu’on voudrait étrangler ses amis parfois ? » (idem, p. 48) Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Sidney (gay) et Doris (lesbienne) se traitent comme des merdes : il pique à Doris son projet d’émission, à cause d’un malencontreux échange d’enveloppes. Dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, Sylvie a tout de la goudou-FAP : elle est flic et débarque à l’appartement du « couple » Benjamin/Pierre en feignant de les menacer au flingue « d’être trop heureux » ; elle exige également de son meilleur ami gay Pierre qu’il la choisisse comme mère porteuse de leur futur enfant. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., lorsque, pour tuer l’ennui, Jonathan et Matthieu expriment le désir d’avoir un chien, Jonathan pose une condition : éviter le bulldog, montré comme le « chien de gouine ». Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Franck, le héros homosexuel, dit qu’il « ne peut pas saquer les lesbiennes ». Dans son one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier, homosexuel, utilise sa cousine-FAP comme faire-valoir : « Tu es mon public ! » Mais il finit par la renier : « Je refuse de porter le poids de ton mal de vivre permanent ! » La cousine est comparée à un monstrueux poisson mort. Elle a tout de la femme lesbienne : Didier la trouve « beaucoup trop sportive ». Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, c’est carrément la guerre ouverte entre Romuald, homosexuel (en couple gay), et Frédérique, lesbienne (en couple avec une femme). Il la traite plusieurs fois de « salope », de « femme hystérique mal baisée », et l’enferme dans son orientation sexuelle (« J’suis sûr, c’est une lesbienne ! »). Frédérique n’est pas en reste dans la calomnie homophobe à l’égard de Romuald (avec qui elle finira par coucher) : « Le Roi des crétins, la Crème des nuls » ; « J’suis sûr qu’c’est un pédé ! » ; « Misogyne en plus… Enfin, ça, c’est pas un scoop… ». Dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, on voit toute la misogynie des mecs homos envers Anne, une femme lesbienne qui essaie de s’intégrer à leurs premières associations LGBT. Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo (le héros homo) et Garance (l’héroïne lesbienne) se disputent : il la traite de « sorcière », de « pute », de « goudou ! », et elle de « vampire », de « pédale ! ». « Tu me hais. » rajoute Léo. « À la guerre comme à la guerre ! » finissent-ils par se lancer ensemble.

 

Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, la relation amicale entre Jonathan Brockett (homosexuel) et Stephen (lesbienne) est à une machiavélique exploitation mutuelle, apparemment consentie par les deux parties : « Inconsciemment, Stephen était un jouet entre ses mains. » (p. 316) ; « Que restait-il à Stephen alors ? Jonathan Brockett ? Qui se ressemble s’assemble. Non, non, pensée intolérable ! […] Il était intolérable de penser que ses seuls compagnons seraient des hommes et des femmes comme Jonathan Brockett… et pourtant… quoi d’autre, après tout ? Que restait-il ? » (idem, p. 319) ; « Stephen le regarda froidement, se demandant comment elle pouvait tolérer ce jeune homme… comment, vraiment, elle parvenait à le souffrir. » (idem, p. 320) ; etc. Jonathan Brockett dit à Stephen qu’il « la déteste positivement » (p. 430). Et cette dernière le présente à son entourage comme un « compagnon » avec qui elle a établi un pacte de non-agression qui ressemble à une Guerre froide : « Voici Jonathan Brockett, un vieil ami à moi, nous sommes des confrères. » (p. 430)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’union de misères et d’amertume misandre :

Vivien Leigh et Laurence Olivier

Vivien Leigh et Laurence Olivier


 

Comme nous l’avons étudié dans les codes « FAP la ‘fille à pédé(s)’ » et « Putain béatifiée » (la partie sur les prostituées lesbiennes), il est fréquent que la « fille à pédé(s) » ou celle qui se présente comme la meilleure amie « des » homos et de « leurs » droits (beaucoup de guillemets, désolé : on parle de gens qui sont dans le paraître), se rabatte par dépit (identitaire et amoureux) sur les femmes, le lesbianisme, la prostitution et le despotisme militant LGBT : cf. je vous renvoie à la lettre de Charlotte dans la rubrique « Courrier des lecteurs », lue dans Têtu, novembre 2001 (cette lectrice se met dans la peau de la lesbienne, à la fois par provocation, par jeu, mais aussi par identification inconsciente… une identification qui a pu déboucher quelques années après sur un coming out) : « Chers tous ! Je suis une hétérosexuelle qui lutte contre l’homophobie. Vous allez vous dire : ‘Mais qu’est-ce que c’est que cette fille ?’ Eh bien, je suis une fille qui vous aime et vous embrasse très fort, et, surtout, qui crache à la gueule des homophobes (c’est clair ?) ! Non, franchement, je ne tolère ni les propos racistes ni les propos antigays. Je ne comprends pas comment on peut avoir de la haine envers les gens qui aiment, tout simplement ! Aussi, je n’aime pas trop utiliser les appellations ‘homo’, ‘hétéro’, ‘bi’, etc. Nous sommes tous des gens qui avons envie d’aimer et d’être aimés ! Il ne faut pas classer les individus, sinon les cons pointent leur doigt vers ‘ceux-là’. Il y a des gens qui aiment les patates et pas les carottes, ou l’inverse, ou les deux. Chacun son truc ! Un jour, mes poufs de copines ont insulté un homo dans la rue (honte à moi d’avoir été leur amie !) Je les aurais massacrées une par une ! Je mourrais d’envie de leur crier : ‘Hé, bande de connes, j’suis lesbienne !’ J’achète Têtu tous les mois parce que c’est un mag que j’aime et qui est très intéressant. Je suis fan de Mylène Farmer aussi. C’est Simon, mon meilleur ami homo, qui m’a fait découvrir tout cela, et je l’en remercie du fond du cœur. Parce que grâce à lui, j’aime vivre, j’aime aider les autres. J’ai découvert ma voie et je me suis fait de vrais amis, et, même s’ils sont homos pour la plupart, je les aime infiniment. Grâce à eux, je sors dans le milieu gay de temps en temps. J’aime un homme ; il est homo. C’est le plus beau de la terre à mes yeux. Que celui qui le touche pour lui faire du mal meure sur-le-champ. Ou alors je lui pète la gueule (je fais de la boxe depuis deux ans) ! J’aimerais que cette lettre fasse le tour du monde et mette en colère tous les gros cons de la planète – j’ai nommé les homophobes, qui ont un esprit aussi large qu’un cheveu et dont le QI est semblable à celui d’une huître (mais je n’ai rien contre les huîtres !). Charlotte. »

 

Autres exemples : Fanny Ardant, Jeanne Moreau, Mylène Farmer, Jeanne Mas, Michèle Laroque, Catherine Deneuve, et bien d’autres, à force de jouer les filles à pédé(s), ont fini par tourner des scènes lesbiennes dans des films ou par se lancer « pour expérience » dans une aventure lesbienne épisodique. « J’ai dû être gay dans une autre vie ! Je n’ai toujours eu que des amis gays. J’avais même un homme de ménage, c’est pour dire ! Je ne sais pas, j’ai dû être gay dans une autre vie ! Et jusqu’ici, je n’ai toujours travaillé qu’avec des gays. » (la chanteuse Anggun dans un article du journaliste Jordan Grevet, pour la revue Têtu, publié le samedi 31 mars 2012)

 

On entend souvent dans la bouche des actrices, des femmes-objets, et des femmes lesbiennes leur haine des hommes, bref, leur misandrie (cf. je vous renvoie au code « Parricide la bonne soupe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels, qui traite plus à fond la question de la misandrie lesbienne). Elles les apprécient comme de sympathiques et fidèles « camarades » exploitables de leur plein gré, aux petits soins avec elles. Par exemple, pendant son passage télé à l’émission le Jeu de la Vérité dans les années 1980, on demande à Alice Sapritch « pourquoi elle ne fréquente que des homos ». Elle répond : « Dans nos métiers, il y a beaucoup d’homosexuels. En plus de cela, je suis une femme seule. Les homosexuels sont des gens charmants, qui sont drôles, qui ont des métiers très amusants, et qui sont célibataires, et qui ont une voiture ! Vous comprenez, c’est mon péché mignon. Je n’ai pas de chauffeur. »

 

Un certain nombre d’individus gays rejoignent les filles lesbiennes dans leur désespoir sentimental et dans leur haine jalouse des hommes, quitte à anéantir ces derniers dans la tentative de séduction et de conquête (fusion identitaire ou fusion corporelle amoureuse). La FAP et l’homme homosexuel se complaisent dans leur misère affective, dans cet idolâtrie commune pour un Homme invisible perdu ou disparu : « J’ai également eu la chance de rencontrer Marc qui était aussi seul que moi. À partir du jour où nous sommes devenus amis, ma solitude a été moins lourde. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 172) ; « Ce n’est pratiquement jamais par hasard qu’une femme épouse un homosexuel. » (Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne (1985), p. 61) ; « Le monde de mon enfance était un monde peuplé de femmes abandonnées. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), p. 20) ; « Oui, c’était une sorte de dieu pour nous. » (Gore Vidal en parlant de Jimmie, l’amour de sa vie, qu’il a partagé avec une femme, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 426) ; « Le Sida a permis aux lesbiennes et aux gays de se rassembler. » (Deborah Glick, activiste lesbienne, dans le documentaire « Lesbiennes, gays et trans : une histoire de combats » (2019) de Benoît Masocco) ; etc. Par exemple, Dalida et Charles Trénet chantant ensemble « Que reste-t-il de nos amours ? », c’est certainement l’alliance de deux maux de vivre qui se sont compris.

 

Dans son autobiographie La Mauvaise Vie (2005), Frédéric Mitterrand dévoile le fin mot de l’histoire de l’amitié entre l’homme gay et la femme lesbienne quand il évoque la nature du lien qu’il entretient avec une des nombreuses « filles à pédés » de son existence, Carmen : « Nous savons très bien où nous en sommes avec Carmen : nous aimons le même homme et il nous a dévastés, l’un et l’autre. » (p. 132) Il fait ce constat amer sur les femmes célibataires ou mal mariées qui l’ont fortement entouré à certains moments de sa vie : « C’est étrange, au fond je n’ai pas tant compté pour elles. » (idem, p. 126)

 
 

b) S’unir pour détruire :

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Pour faire diversion et ne pas régler leurs contentieux personnels et leur souffrance identitaire/amoureuse, certains sujets gays et lesbiennes s’unissent pour un temps ensemble (certainement pas génitalement ! c’est juste une collaboration ascétique) pour mener leur combat commun contre la différence des sexes (ils ne font que reporter leur propre affrontement final). « Jean Genet avait en commun avec Violette Leduc ce goût du massacre, ce besoin de démolir. Pour des gens comme eux, il fallait que tout aille mal, c’était une stimulation. » (Jacques Guérin, cité par Valérie Marin La Meslée, « Genet, Violette Leduc », dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 72) ; « Tout le travail idéologique des féministes et des militants homosexuels a consisté à ‘dénaturaliser’ la différence des sexes, à montrer le caractère exclusivement culturel, et donc artificiel, des attributs traditionnellement virils et féminins. La déconstruction sexuelle a sapé toutes les certitudes des uns et des autres. C’était le but recherché. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 24) ; « Oui, le nouveau diable et le nouveau bon Dieu, l’homophobe imbécile et le bien-pensant gay, le machiste et la féministe, etc., s’entendent très bien désormais pour étrangler toute rationalité et souffler les dernières Lumières. C’est ce que j’appelle le nouvel état de possession dans lequel se trouve la société. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 454) ; « Nous sommes arrivés à la plage pour nudistes si bien que Marc a pu se rincer l’œil tout à son aise. Il est notamment resté un bon moment en extase devant des éphèbes qui jouaient au volley sans un fil sur le corps. Pour un voyeur, le spectacle ne devait pas manquer d’être saisissant. Quant à moi, qui n’ai jamais éprouvé le moindre plaisir à contempler des anatomies, à quelque sexe qu’elles appartiennent, je m’amusais plus de son émerveillement que de ce qui en faisait l’objet. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 146) ; etc.

 

Par exemple, dans l’autobiographie Recto/Verso (2007) de Gaël-Laurent Tilium, Morgane, la châtelaine dominatrice, et Gaël, le libertin homo faible, forme un couple ascétique et pervers à la fois : « Morgane avait réussi le mélange des genres, le paradoxe, toute sa vie était faite de cela : notre complicité était scellée. » (pp. 140-141) Dans un registre similaire, le plasticien homo Andy Warhol s’est uni au lesbianisme pour la défense de la provocation et du scandale : il a mis en scène des baisers lesbiens.

 

L’union entre l’homme gay et la femme lesbienne est basée sur la schizophrénie et l’inversion identitaire sexuée : elle n’est absolument une rencontre. Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, on nous montre en parallèle sur un écran un homme efféminé se maquiller en femme, et la narratrice transgenre F to M sur scène se travestissant en homme, en se posant un faux bouc. Les deux comédiens habitent dans des mondes juxtaposés mais ne sont pas ensemble.
 

Le duo que composent le sujet homosexuel et sa meilleure amie lesbienne est parfois tellement fusionnel/séparé/séparateur (il semble composé de deux moitiés androgyniques qui se détestent tout en ne pouvant pas se détacher l’une de l’autre ! Je vous renvoie aux codes « Doubles schizophréniques » et « Androgynie Bouffon/Tyran » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) qu’il fait peur. Se dégage de lui un totalitarisme, une unité suffisante et misanthrope, où personne ne sait se positionner ni aimer pleinement : « Dans quelle mesure suis-je Paula, la sœur jumelle de Marc, lui-même et tout comme moi homosexuel exclusif ? » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 16) ; « Il [Marc, le meilleur ami gay de Paula] est comme moi, homo à cent pour cent. On fait tout deux partie d’une espèce rare. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 40) ; etc. Par exemple, dans l’essai Le Rose et le Brun (2015), il est dit que Klaus Mann, homosexuel, « adorait sa sœur Erika [lesbienne] d’un amour jaloux » (p. 117).

 
 

c) Une collaboration qui se referme comme un piège autodestructeur :

Le lien homme gay/FAP lesbienne est presque toujours fébrile et dangereux pour eux car il est principalement pécuniaire, intéressé et fondé sur la haine de soi. « Au fil du temps, les femmes sont devenues les otages des homosexuels. Elles ont lié leur sort à celui de leurs ennemis. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 24) On peut penser à tous les projets de co-parentalité et à toutes les féroces actions coup-de-poing du militantisme LGBT qui unissent dangereusement la communauté gay et la communauté lesbienne.

 

DUO rainbow

 

Il arrive aussi que la FAP lesbienne se serve de son meilleur ami homo comme couverture. L’homme gay n’est que le voisin de vitrine de la femme lesbienne : « Moi je suis devant elle, de l’autre côté de la vitre. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 266)

 

Cette exploitation mutuelle, même si elle passe par un consentement qui ne heurte pas au départ les deux intéressés, finit par se retourner contre eux. Ils se haïssent et cherchent souvent à se fuir ou à s’entretuer. « Anaïs Nin et moi étions incompatibles – oiseau prédateur contre oiseau prédateur. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 350) ; « Il faut admettre que les études gays et lesbiennes ont souffert d’un manque de communication entre les sexes, les femmes s’intéressant toujours aux auteures, les hommes presque exclusivement aux hommes. » (cf. l’article « Critique littéraire » d’Élisabeth Ladenson et Brigitte Mahusier, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 136) ; « J’ai pu aller voir ‘Another Country’. […] Je n’avais pas envie, pendant ce moment privilégié, de me soucier d’histoires d’hommes, fussent-ils homosexuels. Comme c’était la première fois que je voyais ce film, je l’ai regardé jusqu’au bout malgré la très forte envie que j’éprouvais d’aller retrouver mes semblables dehors. J’ai surmonté le malaise qui m’envahissait à devoir me conforter aux valeurs viriles, et qui me donnait à réfléchir sur toutes les distorsions que nous impose le fait de vivre cachées dans un monde phallocentré. Et je me disais que je faisais un effort de curiosité en m’ouvrant au monde de l’homosexualité masculine alors que la plupart des gays se désintéressent de la culture lesbienne en toute bonne conscience. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne 2010, p. 238) ; etc. Les « couples » formés de la femme lesbienne et de l’homme gay, s’ils n’ont pas éclairci ensemble les ambiguïtés des désirs homosexuel et hétérosexuel, sont en général violents : pensons aux binômes Evita/Juan Domingo Perón, Leduc/Genet, Mylène Farmer/Laurent Boutonnat, Salvador Dalí/Gala, Marcel Jouhandeau/Élise, etc.

 

Par exemple, la relation de couple entre l’écrivaine lesbienne Carson McCullers et son mari homosexuel Reeves, « ces deux enfants malades de détresse et d’alcool » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 279), s’est révélée à la fois narcissique et destructrice : « Carson avait rencontré son double, et le double lui déclara son amour comme on profère une menace. » (Linda Lê, idem, p. 65) ; « Il y a entre ces deux jeunes gens un lien plus profond et plus irrationnel, une bizarre ‘gémellité’ que personne ne comprendra jamais vraiment, chacun s’acharnant à chercher qui porte la responsabilité de leur désastre commun, voulant trouver des fautes, de la méchanceté, du désir de destruction, de la volonté de nuire. » (idem, p. 65) ; « Chacun d’eux étaient le ‘mauvais jumeau’ de l’autre, à la fois destructeur et peut-être indispensable. » (idem, p. 129) ; « Ces deux-là ne parviendront jamais vraiment à vivre ensemble, mais sont incapables de se séparer. » (idem, p. 283)

 

Les relations entre hommes gays et femmes lesbiennes ne sont en général pas tendres… car évidemment, ce qui les réunit (le désir homosexuel), c’est le rejet de la différence des sexes, donc les membres de l’autre sexe (homos ou pas, ça ne change rien à la donne). « Je me reconnais dans beaucoup de points que tu cites comme par exemple sur les agressions homosexuelles qui sont commises par des homos refoulés, et c’est vrai que pour mon cas, non pas que j’aie eu fait des agressions ni physique ni verbale, loin de là, mais dès que je croise des hommes qui ont un regard empli d’attention à mon égard ça me fout la rage, sûrement de voir son propre miroir ne fait pas plaisir à voir mais c’est idem pour les lesbiennes ça m’énerve encore plus car j’ai l’impression qu’elles me rejettent dans mon intégrité en tant qu’individu et que je me dis qu’elles sont heureuse sans nous, et que elles se font du bien entre elles alors que moi je voudrais aussi en faire partie. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, juin 2014) Par exemple, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont raconte un épisode concret de sa vie : le jour où son groupe d’amies lesbiennes n’a pas supporté que l’une d’entre elles, Élise, ramène un ami homo à elle, Thierry : elles la suspectent de lâcheté (p. 210).

 

 

La coalition entre la femme lesbienne et l’homme gay peut même se révéler, contre toute attente, homophobe, comme on a pu le constater lors de l’émission On n’est pas couchés de Laurent Ruquier diffusée le 20 octobre 2018 sur la chaîne France 2, pendant laquelle Muriel Robin et Marc-Olivier Fogiel se sont ligués contre le jeune chroniqueur Charles Consigny, pour défendre avec hargne la GPA (Gestation Pour Autrui).
 

 

J’ai le souvenir personnel de beaucoup de prises de tête et de conflits des sexes dans les associations LGBT que j’ai fréquentées, y compris celles qui, de l’extérieur, affichent une parfaite mise en application du principe de mixité. Je vous renvoie à deux articles du « Phil de l’Araignée » que j’ai écrits sur ce site de l’Araignée du Désert, dont le fameux tollé que j’ai soulevé à la soirée à l’Hôtel Millénium le 8 juin 2010 quand l’association L’Autre Cercle m’a demandé de parler de la gestion interne de la différence des sexes dans la « communauté homosexuelle » (le premier sur la misandrie lesbienne, le second sur l’antipathie lesbienne). Le malaise collectif dans cette minorité sexuelle s’applique également au quotidien et par rapport aux rencontres interpersonnelles. Je connais même un ami homo qui s’est fait insulter de « sale pédé » dans une rue de Marseille par une femme qui pénétrait plus loin dans un bar homosexuel (anecdote incroyable mais véridique !). Pour ma part, j’avoue que mes relations avec des filles lesbiennes, même si elles sont maintenant nombreuses, ont du mal à durer (mais quand elles durent, elles sont inattendues et très fortes).

 

Entre les femmes lesbiennes et les hommes gays, ça se crêpe souvent le chignon, et ça peut même se terminer dans le sang. Par exemple, Valery Solanas (femme lesbienne) tire un coup de feu sur Andy Warhol en 1968 dans sa Factory. Pensons également aux conflits violents entre Carson McCullers et Truman Capote.

 

Ce n’est pas rien de virer la différence des sexes, y compris entre personnes homosexuelles. L’attrait pour les personnes du même sexe ne fait pas le tout ! Elle ne fait même rien sur la durée, quand on y pense.

 
 

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Code n°59 – Entre-deux-guerres (sous-codes : Armée / Prison / Homosexualité de circonstance)

Entre-deux-guerres

Entre-deux-guerres

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La guerre, cet obscur objet de désir

 

Il est souvent fait explicitement référence à l’homosexualité en tant que passerelle entre deux conflits… arc-en-ciel rainbow de l’entre-deux-guerres. Cela s’explique. La pratique homosexuelle et le désir homosexuel sont signes de conflit. Ni cause ni conséquence de guerre, pourtant. Juste signe. C’est pourquoi ils peuvent précéder ou succéder une guerre, ou apparaître en sandwich entre deux guerres. Ce qui les symbolise le mieux, c’est donc l’entre-deux-guerres. « Des hommes et des femmes, nés dans l’entre-deux-guerres, ils n’ont aucun point commun sinon d’être homosexuels et d’avoir choisi de le choisir au grand jour, à une époque où la société les rejetait. Ils ont aimé, lutté, désiré, fait l’amour. Aujourd’hui, ils racontent ce que fut cette vie insoumise, partagée entre la volonté de rester des gens comme les autres et l’obligation de s’inventer une liberté pour s’épanouir. Ils n’ont eu peur de rien… » (cf. résumé de présentation du documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, dans le programme du 18e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2012, p. 70)

 

Existe-t-il un lien entre homosexualité et guerre ? entre homosexualité et contexte social de décadence ? Bien sûr que oui, même si cette relation n’est pas causale. « L’environnement social à lui seul ne suffit pas à rendre compte de la mise en place des tendances homosexuelles. » (Xavier Thévenot, Mon fils est homosexuel ! (2001), p. 30) Le désir homosexuel et la pratique homosexuelle semblent être une sexualité par défaut, imposés par les événements, et en général par des événements violents, où la liberté humaine a été amoindrie et bafouée, comme par exemple les guerres ou les grands conflits mondiaux, les situations de captivité, les sociétés où la différence des sexes est soit banalisée soit trop marquée. C’est pour cela qu’on les appelle souvent « homosexualité de circonstance ».

 
 

Je vous renvoie également aux codes « Passion pour les catastrophes », « Homosexuels psychorigides », « L’homosexuel riche / L’homosexuel pauvre », « Amour ambigu de l’étranger », « Homosexualité noire et glorieuse », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Hitler gay », « Femme au balcon », « Témoin silencieux d’un crime », « Coït homosexuel = viol », « Voleurs », « Scatologie », et à la partie « Marin gay » du code « Eau », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Personnes homosexuelles : témoins d’une guerre ? Causes ou conséquences d’un viol mondial de la différence des espaces, ou juste signes de ce dernier ?

 

ENTRE 2

 

A – L’homosexualité de circonstance

Il est difficile de nier que certains facteurs autres que personnels et familiaux influent sur l’affirmation d’un désir homosexuel. « Selon Krafft-Ebing, la masturbation est le grand boulevard qui mène à cette perversion. Peut jouer aussi le confinement ou l’enfermement dans des prisons, navires, casernes, pensionnats, bagnes, etc. Si ces individus n’ont pas été abrutis par l’onanisme, ils reprennent les rapports sexuels normaux aussitôt que les obstacles qui les empêchaient cessent d’exister. Mais le danger peut naître surtout de l’influence de la masturbation. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 101 puis p. 104) L’explication de l’homosexualité par des faits sociaux réside principalement autour de la notion d’« homosexualité de circonstance ». Celle-ci apparaît lors de contextes politiques particuliers, souvent déshumanisés, misérables et dictatoriaux, forçant aux rapprochements des corps : une guerre, une incarcération, une abstinence sexuelle imposée, une vie cloîtrée dans un pensionnat ou une caserne, une soirée trop arrosée, une société permissive ouverte à la pornographie et imposant la tyrannie de l’hédonisme, de l’orgasme, et de l’euphorie perpétuelle, etc. Elle est généralement temporaire, proche de l’animalité et de la bisexualité, commanditée dans une large mesure par la pulsion, pratiquée entre semblables sexués dans un moment de promiscuité sexuelle où les membres du sexe complémentaire sont mis socialement à l’écart. Les récits d’incarcération de certains prisonniers homosexuels (Kouznetsov, Reinaldo Arenas, Jean Genet, Aimé Spitz, etc.) s’accordent pour montrer l’existence d’une pratique accrue des relations homosexuelles dans les prisons, les casernes, et les camps de concentration.

 

L’homosexualité de circonstance est généralement considérée comme moins noble que l’homosexualité classique, cette dernière étant vécue dans des contextes plus pacifiés où les individus ont l’impression de choisir davantage ce qu’ils font et le partenaire qu’ils décident d’aimer. Même si dans les faits, la pratique des rapports sexuels entre individus de même sexe est assez répandue sous les régimes non-démocratiques et pourrait être qualifiée d’« homosexuelle », l’homosexualité de circonstance, loin d’être validée socialement, ne semble pas en effet revêtir le caractère positif et durable de l’homosexualité en tant qu’engagement d’amour entre deux adultes consentants et s’affichant clairement comme « homos » dans des sociétés où elle est davantage reconnue. Concernant les pays arabes par exemple, Robert Aldrich souligne que « les pratiques homosexuelles sont plutôt le résultat de la misère sexuelle existant dans le Maghreb que de vrais désirs homosexuels : c’est une sexualité de substitution » (cf. l’article « Maghreb » de Robert Aldrich, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 306. Concernant les liens entre homosexualité et Islam, voir également les travaux de A. Boudhiba).

 

L’explication de l’homosexualité par le biais de la circonstance n’est donc pas appréciée de la plupart des membres de la communauté homosexuelle, car d’une part il discrédite la pureté du lien d’amour homosexuel (si l’homosexualité se réduit à un accident de parcours, à une situation désagréable et imposée, elle en vient à perdre son caractère désirant, aimant, libre), d’autre part parce qu’il appartient aussi au discours bisexuel par excellence. En effet, la conduite homosexuelle passagère d’un homme incarcéré ou ivre le temps d’une nuit en boîte semble se dissocier totalement de l’orientation sexuelle ressentie précocement et durablement par un adolescent qui se sait depuis toujours attiré par les garçons. C’est pourquoi la majorité des personnes homosexuelles refusent que leur sexualité soit le signe d’un contexte social précis (d’autant plus que celui-ci est en général répressif). Cela conforterait le préjugé homophobe associant homosexualité et décadence des mœurs/monstruosité.

 
 

B) L’influence indirecte des crises sociales

Mais entre une homosexualité « purement choisie » et une homosexualité de circonstance, comment établir clairement la frontière ? Faut-il le faire ? D’un point de vue uniquement causal, je pense que non ; du point de vue de la coïncidence, cela semble indiqué, car ce lien entre dictature et désir homosexuel, s’il n’est pas reconnu, alors qu’à l’évidence il existe parfois, peut s’actualiser violemment. La question ici n’est pas de savoir si l’homosexualité, parce qu’elle apparaît plus ou moins exceptionnellement dans des lieux et des contextes sordides, est une orientation sexuelle mauvaise ou non. Il s’agit simplement de constater qu’elle est parfois signe de conflits où l’Homme a perdu sa dignité et a subi une dictature sociale (à l’école, au collège, au travail, dans sa communauté religieuse, dans son pays, etc.). Le fait que, dans les fictions homo-érotiques, beaucoup d’auteurs homosexuels mettent en scène des situations dans lesquelles la frontière entre espace public et espace privé est systématiquement violée paraît à cet égard très signifiant.

 

Plus encore que d’avoir véritablement subi un viol planétaire, la majorité des personnes homosexuelles (mais on pourrait dire la même chose des personnes hétérosexuelles) ont désiré avec angoisse se faire violer mondialement, exactement comme la vedette de cinéma. Ce désir de viol, c’est par exemple la « première grande peur de la mort » ressentie par Michel Foucault à l’âge de huit ans quand il apprend l’assassinat du chancelier Dolfuss par les Nazis autrichiens en 1934 (Michel Foucault, Dits et écrits I, 1954-1988 (2001), p. 14). Ce sont les expériences de Jean Cocteau, de Suzy Solidor ou bien de Julien Green en tant qu’ambulanciers pendant la Première Guerre mondiale. C’est en somme l’euphorie angoissée de l’entre-deux-guerres. Pensez aux poètes homosexuels de la « Génération de 1927 » dans une Espagne coincée entre le « Désastre de 1898 » et la Guerre civile espagnole de 1936, à la surprenante mode de l’efféminement à la cour impériale de Napoléon Bonaparte alors que la France se trouve sur plusieurs fronts à la fois, à Reinaldo Arenas qui aime à dire qu’il a passé toute sa vie entre deux dictatures (celle de Batista puis de Castro), à l’Allemagne homosexuelle des « années folles » prise en sandwich entre la Première Guerre mondiale et la Seconde, à l’Espagne de la transition « démocratique » décrite par Manuel Vázquez Montalbán dans son roman Los Alegres Muchachos de Atzavará (1988), etc. Le désir homosexuel témoigne de la « nostalgie ironique d’une perte » (cf. l’article Néstor Perlongher, « Cuba, El Sexo Y El Puente De Plata » (1986), dans Prosa Plebeya, Ensayos 1980-1992 (1997), p. 120), d’une fascination-dégoût pour un régime totalitaire finissant et une société à venir qui n’annonce pas des jours meilleurs.

 

Les personnes homosexuelles sont les enfants improbables de la bombe (beaucoup d’auteurs homosexuels s’attachent à décrire des cataclysmes planétaires dans leurs créations), les fils artificiels de l’insouciance nationale cachant les pires soifs de vengeance, la possible concrétisation hasardeuse d’un matriarcat de transition entre deux conflits patristes fantasmés. « Le record absolu de personnages féminins est détenu par ‘Viols gratuits entre deux guerres’ […] » (Amélie Nothomb, Hygiène de l’assassin (1992), p. 120) L’homosexualité marque la présence d’un désir de l’avènement ou de l’éradication totale d’un avant ou d’un après-drame fantasmé (cf. la photo Quelques instants avant le crime de Duane Michals, le roman Celestino avant la nuit (1967) de Reinaldo Arenas, la chanson « Avant que l’ombre » de Mylène Farmer, le roman Avant la nuit (1893) de Marcel Proust, le film « Avant le déluge » (1953) d’André Cayatte, le film « Avant qu’il ne soit trop tard » (2004) de Laurent Dussaux, etc.).

 

La forte visibilité homosexuelle juste avant la Deuxième Guerre mondiale (par exemple, rien que si nous regardons la ville de Berlin en 1933, nous y dénombrons 130 bars homosexuels, … c’est-à-dire plus qu’aujourd’hui à Paris !) n’est évidemment pas à analyser comme le détonateur du conflit mondial et de la folie nazie. Si cette proximité ne semble absolument pas être le fruit du hasard, elle n’est pas à mettre du côté de l’identité ni de la causalité, mais simplement de l’illustration, des désirs de réalités fantasmées, et des coïncidences. Elle met en lumière que ce qui est monté du peuple allemand – la haine et la violence généralisées – était prêt à éclore. Au milieu du noir, les personnes homosexuelles sont de bons voyants roses pour indiquer que le peuple est sur le point d’installer un dictateur à sa tête et de vivre des utopies les plus obsolètes qu’il proposera.

 

L’essor actuel de l’homosexualité est également signe d’un malaise mondial important. Aujourd’hui, nous, Occidentaux, avons plus ou moins conscience d’être les héritiers d’un v(i)ol exécuté impunément par nous et nos ancêtres à échelle planétaire, et qui nous paraît irrécupérable. Nous osons à peine regarder l’Afrique en face tellement nous avons honte de ce qu’elle est devenue à cause de nous, puis sans nous. Nous portons sur nos consciences un lourd tribu que notre raison refuse de porter mais que notre cœur continue de connaître. Nous vivons largement au-dessus de nos moyens, avec de l’argent qui oscille entre le fruit de notre travail concret et la courbe virtuelle de la Bourse. Nous coulons des jours heureux avec des biens immatériels qui nous semblent pourtant réels puisque nous pouvons les toucher du bout des doigts, mais que nous ne possédons que temporairement. Nous savons qu’à l’autre bout du monde, d’autres personnes meurent de faim parce que nous ne savons pas partager. Et nous regardons l’écart grandissant entre pays riches et pays pauvres avec angoisse. Comment est-ce possible qu’une telle injustice mondiale ne laisse pas dans nos subconscients, dans notre sexualité, dans nos comportements, des séquelles ? C’est aussi ce malaise-là que pointe du doigt l’homosexualité. « Le grand drame de l’Humanité, explique Jean Vanier, c’est l’écart grandissant entre les riches et les pauvres. Nous avons des semences de guerre à l’intérieur de nous. » (Jean Vanier, lors d’une conférence de l’Arche à la Maison de l’Olivier, à Rennes, le 13 février 2006) Cette plaie planétaire béante est ouverte en chacun, et peut se manifester en orientation homosexuelle chez les personnes qui la nient/la désirent.

 
 

C) Je suis catastrophique

Le lien entre le désir homosexuel et la catastrophe mondiale sera toujours uniquement de coïncidence. Jamais de causalité. J’ai beau constater que l’arc-en-ciel anticipe et précède la pluie, je suis au moins sûr d’une chose : il n’est pas la pluie. Il n’est que signe de pluie. Généralement, la coïncidence unissant les systèmes politiques répressifs et l’homosexualité fait peur aux personnes homosexuelles car d’elles-mêmes, elles la rangent dans la causalité par la diabolisation – elles ont alors tendance à se désolidariser des horreurs du passé et à les attribuer systématiquement aux autres – ou par la sacralisation – elles s’identifient à l’excès aux grands cataclysmes humains et aiment à penser par exemple qu’elles ont vécu et vivent encore à leur manière l’enfer des camps d’extermination. Certaines considèrent le lien entre génocides et homosexualité comme le summum de l’horreur calomnieuse. Par exemple, en commentant l’épisode intitulé « La Loi du Talion » de la série nord-américaine New York, Unité Spéciale (2002), la romancière lesbienne Cy Jung met en exergue l’existence du lien de coïncidence sans l’analyser, pour finalement le diaboliser en le transformant en lien causal : « Ce scénario me gêne dans cette juxtaposition de sujet : l’homosexualité masculine et l’épuration ethnique en Bosnie. Je crois peu au hasard. […] Homosexuels, criminel serbe… Qu’est-ce à dire, qu’ils ont quelque chose en commun ? Pardon, je ne me sens pas très bien. Je m’éclipse. » (cf. la phrase de conclusion de l’article « Liaisons dangereuses » de Cy Jung (Zap’cyung n° 56), 12 mars 2002, sur le site www.media-g.net consulté en mai 2005)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles sont tétanisées par l’idée d’une possible correspondance entre homosexualité et crises mondiales. Leur peur de la causalité s’explique puisqu’elle a souvent précédé leur désir homosexuel, ou bien été stimulée par lui. Il y a très longtemps que le mot « homosexualité » rime dans l’inconscient populaire avec décadence des mœurs. La plupart des sujets homosexuels ne sont pas étrangers à cette superstition, car de tout temps, la communauté homosexuelle a défendu son identité de femme décadente et jouissivement infréquentable. Alors, qui a commencé la vieille lutte entre la civilisation (homosexuel/hétérosexuelle) et la barbarie (homosexuelle/hétérosexuelle) ? Les partisans de la civilisation ou ceux de la barbarie ? À mon avis, ce sont les deux à la fois, puisque les « civilisateurs » et les « barbares » sont les personnages mythiques d’une même idéologie réactionnaire qui associe causalement l’homosexualité à la mort et à la vie, au mal et au bien suprêmes. Pour les barbares, l’incorrection homosexuelle est un absolu, un facteur de désordre nécessaire, un idéal de vie à défendre. Pour les civilisateurs, l’homosexualité annonce la fin des temps : ils tirent la sonnette d’alarme, brandissent leurs bibles, crient « Save Our Children ! », prédisent l’extinction de la famille, parlent de fléau social, s’inquiètent du dépeuplement planétaire, brodent un scénario-catastrophe absurde. On ne peut raisonnablement valider aucun des deux camps. S’il existe un lien entre désir homosexuel et crises sociales, il n’est que de coïncidence. La seule chose que nous sommes habilités à dire, c’est que le désir homosexuel émerge souvent dans un contexte social troublé, et parfois troublant (l’érosion du statut des classes moyennes, la fragilité des cellules familiales, le cosmopolitisme désincarné, la peur collective de l’altérité des sexes, l’évolution extrêmement rapide et incontrôlée de la science, la précarité sociale et professionnelle, les crises économiques et institutionnelles, les failles dans la transmission des repères moraux et religieux, l’influence croissante des media sur notre quotidien, le matérialisme mettant en avant les hommes-objets asexués et l’hédonisme bisexuel, etc.).

 

Pourquoi donc un certain nombre de personnes homosexuelles servent d’exutoire aux milles frustrations que crée une situation économique catastrophique ou une guerre fratricide ? Probablement parce qu’elles révèlent, par leur désir plus que par leur existence réelle, un viol ou un désir de viol de la dignité humaine que les Hommes politiques et le peuple dont elles font partie ne veulent surtout pas voir en face. Si l’association décadence-homosexualité visant avant tout à prouver que l’homosexualité corrompt systématiquement la société est clairement homophobe/homosexuelle, le rejet systématique de l’existence de cette association l’est tout autant. Car dire que le lien de coïncidence existe, ce n’est pas discréditer l’homosexualité : c’est précisément la reconnaître telle qu’elle est vraiment. Plus nous nierons le fait que les familles éclatées sont des terrains porteurs de l’émergence du désir homosexuel, plus il y aura de personnes qui se diront homosexuelles. Plus nous accepterons sans broncher de vivre dans un monde d’images violentes, plus nous serons nombreux à ressentir un désir homosexuel et un écartèlement entre ce que nous voulons et qui nous sommes.

 

Comme beaucoup de personnes homosexuelles savent que la catastrophe que leur désir représente est majoritairement fantasmée, elles jouent, pour se faire rire elles-mêmes, les dilettantes qui soufflent sur la mousse de leur bain d’actrices pendant que le monde entier s’écroule(rait) autour d’elles. Elles sont les premières à prendre trop au sérieux ou trop à la rigolade leur rôle de « rêveurs en temps de guerre » (Je vous renvoie au site www.ppp.fr.st (perso.wanadoo.fr/ppp/archives/990515-2.htm), publié le 15 mai 1999), de signes de décadence fantasmée, de vrais/faux symptômes d’une catastrophe annoncée (mais des symptômes quand même !). Elles sont des mauvaises consciences qui s’ignorent, le rideau à fleurs pudique chutant précipitamment sur scène pendant qu’en coulisses peut se dérouler un viol réel, la musique d’attente kitsch cachant un conflit violent fantasmé ou sous-jacent, le sourire de la speakerine qui, pour détendre l’atmosphère, va « tout vous expliquer » sans dire un mot, les paravents humains qui signalent la proximité du drame en le masquant (cf. Je vous renvoie également la partie « Paravent » du code « Maquillage » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels, et surtout l’explication du kitsch – en tant que paravent dissimulant la merde – dans le chapitre II de mon essai Homosexualité intime, 2008).

 

Mais à trop se mettre devant les écrans cinématographiques pour cacher les supposés drames terrestres qui y sont projetés, beaucoup de personnes homosexuelles finissent par se rendre responsables de toute la misère du monde, et cela bien plus souvent qu’elles ne le croient. Dans le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell notamment, Hedwig, le héros transsexuel M to F, est né l’année de la construction du Mur de Berlin et se prend pour ce dernier : « Je suis le nouveau Mur de Berlin. » Un certain nombre de personnes homosexuelles portent sur elles une Apocalypse iconographique et la proclament. Elles se veulent victimes de la cruauté mondiale des Hommes, se revendiquent d’une « génération désenchantée », se disent intérieurement qu’elles sont la catastrophe, même si à d’autres moments, elles sauront reconnaître qu’elles exagèrent ou diront que ce sont les autres qui les diabolisent (Je vous renvoie au grossier procès d’intention que la psychanalyste Élisabeth Roudinesco a fait au théologien moraliste Xavier Lacroix pendant l’émission Culture et Dépendances diffusée sur la chaîne France 3 le 9 juin 2004, quand elle a entendu dans le discours du théologien un « alarmisme apocalyptique catholique » dont il n’a pas fait preuve et qu’elle a en réalité créé de toutes pièces et projeté sur lui dans sa volonté de caricaturer le discours ecclésial et de nier toute gravité aux phénomènes sociaux les plus importants tels que le mariage gay). Par exemple, dans les œuvres homo-érotiques, nombreux sont les personnages homosexuels témoins d’un viol ou d’un vol qu’ils ne dénoncent pas parce qu’ils s’y identifient à l’excès (cf. Je vous renvoie au code « Témoin silencieux d’un crime » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : Félix, le « témoins de Rouen » dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, symbolise tout à fait ce paradoxe. Vous pensiez qu’il n’y avait que les personnes homophobes pour hurler à l’Apocalypse dès qu’il s’agissait d’homosexualité ? Détrompez-vous ! Beaucoup de personnes homosexuelles le font aussi en dépeignant souvent des personnages homosexuels au milieu de décombres apocalyptiques ou en se passionnant pour les grandes catastrophes humaines. Par exemple, avec l’arrivée du VIH, certains individus homosexuels ont eu l’impression d’avoir enclenché un cataclysme mondial à eux seuls. Sur le moment déjà, quand la maladie est apparue, même s’ils essayaient de dédramatiser, la probabilité qu’ils soient l’incarnation humaine de l’épidémie la plus terrible de la fin du XXe siècle a traversé l’esprit de bon nombre d’entre eux. « Il y avait conspiration d’astres. Une année entière où nous pensions qu’un baiser donnait la mort. » (Olivier Py, L’Inachevé (2003), p. 34)

 

Les événements catastrophiques mondiaux, cinématographiques ou réels, ont pu influer sur leur subconscient, leurs désirs humains, leurs identifications, et ceci de manière très profonde. Beaucoup de personnes homosexuelles s’attribuent en identité ce qu’elles voient de monstrueux autour d’elles, comme le montrent les propos de Cathy Bernheim dans son autobiographie L’Amour presque parfait (2003) : « Jeune adulte, je dessine mes douleurs. […] Visions de guerre : les traces de la guerre que j’ai dû traverser pour arriver jusque-là. Cris muets d’horreur. Des dessins horribles, pour qu’au moins, les belles âmes aient des raisons de s’effrayer, d’avoir peur de moi. Pour en finir avec l’harmonie obligatoire. » (p. 118) Influencée par le discours médiatique actuel braqué sur le sensationnel cataclysmique, la majorité des personnes homosexuelles que nous sommes amenés à rencontrer assurent que le monde va de mal en pis, qu’il court à sa perte, qu’il y a plus de catastrophes qu’avant, et cela par leur faute, ou uniquement à cause des autres.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Homosexualité de circonstance (dans les pensionnats, les internats, les prisons) :

 

Vidéo-clip de la chanson "Désenchantée" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, on peut observer que le désir homosexuel des héros homosexuels survient davantage par des événements et un contexte social particulier (souvent un contexte d’enfermement, privant de liberté) que par la Nature et la liberté : « La bonne aimait l’amour des femmes seulement par circonstance, mais elle n’était pas déterminée dans ce sens. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 177)

 

D’ailleurs, les lieux de la pratique homosexuelle sont souvent des espaces clos (casernes, pensionnats, prisons, armée) : « Ah la pension… j’ai que des bons souvenirs là-bas. J’ai rencontré Johnny là-bas. » (Maxime, le héros homosexuel de la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « Cette nuit, j’ai rêvé de deux filles qui se rendaient leurs caresses dans un dortoir de pensionnat… Enfin, je pense à toutes ces situations que la plupart des femmes ne connaîtront jamais, par ce manque de courage qu’elles ressentent pour assumer leurs goûts au regard des conventions imposées. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 71) ; « En prison, y’a pas Pousse-Mousse… mais y’a des savonnettes ! » (Romain, le coiffeur homosexuel de la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « De toute façon tu as l’habitude des cellules et des dortoirs ! » (la Comédienne s’adressant à sa sœur Vicky, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « C’est l’histoire de deux nouveaux d’Erzy [centre pénitencier]. La trentaine chacun. Mariés, tous les deux. On les flanque dans le même trou. Et les voilà en moins d’une dizaine de jours qui gazouillent du regard l’un pour l’autre. » (Julien Brévaille parlant de deux détenus, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 131) ; « Attends qu’une de tes compagnes de cellule te mette une bonne main au derrière. » (Louise parlant à Sophie, dans la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd) ; « Elle me montre la première page d’Ici-Paris : une imitatrice de Marilyn Monroe s’est pendue dans sa cellule dans la prison de Regina Celi à Rome : c’est Marilyn, la mienne ! » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 51) ; « Nous décidâmes de passer la nuit à Notre-Dame […]car nous craignions dans la nuit une attaque de l’ONU. Nous ne pûmes fermer l’œil de la nuit vu le vacarme général qui régnait à Notre-Dame et sur le parvis. Les prisonniers ayant fait sauter les verrous des caves de l’archevêché, ils organisèrent une fête au champagne dans la nef de la cathédrale. Les folles de Sainte-Anne jouaient de l’orgue à dix-huit mains et les autres buvaient et forniquaient partout, hommes et rats ensemble. » (Gouri dans le roman La Cité des Rats (1979), p. 95) ; « Depuis l’armée, j’ai toujours pensé qu’il avait été un peu fiottasse. » (la grand-mère gay friendly de Rodolphe, le héros homo, parlant du père de ce dernier, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand) ; « J’aimerais bien vivre avec celle que j’aime, même s’il y a des barreaux entre nous. » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M s’adressant à Rana la femme mariée, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; « Y’a que des pédés ici ! » (Grand-Guy s’adressant à Marco dans un parloir carcéral, dans le film « Le Français » (2015) de Diastème) ; « Écoute, tu connais pas Julien. Il est maton. Tu sais ce qu’on fait aux homos en prison ? Sans lui, ça aurait été un enfer ! » (Hugo Quéméré, le héros homo se justifiant d’avoir trompé Barthélémy, dans l’épisode 440 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 11 avril 2019 sur TF1) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz, le héros homosexuel, a vécu ses premières expériences homos dans un foyer de jeunes garçons : « Je me suis senti très mal. » dit-il en racontant son premier baiser avec Joachim, un de ses camarades. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, essaie de se faire réformer du service militaire (qu’il surnomme ironiquement « Sévice militaire ») parce qu’il « a peur [de l’armée] » et qu’il prétend avoir vécu une véritable calvaire en pension chez les frères des Écoles Chrétiennes, un calvaire proche du viol : « Ils étaient 119 sur moi ! » narre-t-il au médecin militaire, en rentrant dans les détails de ses crises de tachycardie dans le dortoir du pensionnat. À la fois il a conscience de noircir légèrement le tableau et il croit en sa comédie.

 

Film "Un Chant d'amour" de Jean Genet

Film « Un Chant d’amour » de Jean Genet


 

Il est extrêmement fréquent que les amours homosexuelles fictionnelles ou les actes homosexuels soient vécus en milieu carcéral : cf. le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (dans un pensionnat), le film « Sous les verrous » (2003) de Jörg Andreas, le film « Deathwatch » (1966) de Vic Morrow, le film « Zhizn-Zhenshchina » (« La Vie est une femme », 1991) de Zhanna Serikbayeva, le film « La Femme Scorpion » (1972) de Shunya Ito, le film « Mutinerie » (1968) de Buzz Kulik, le film « Edmond » (2005) de Stuart Gordon, le film « Vive la République » (1996) d’Éric Rochant, le film « Zonzon » (1997) de Laurent Bouhnik, le film « La Taule » (1998) d’Alain Robak, le film « Boys Of Cell Block Q » (1992) d’Alan Daniels, le film « Plein la gueule » (1974) de Robert Aldrich, la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas, le film « The Company Of Strangers » (1990) de Cynthia Scott, le film « Prisonnières » (1988) de Charlotte Silvera, le film « Évadés » (1994) de Frank Darabont, le film « Bad Boys » (1983) de Rick Rosenthal, le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, le film « Tianshi Xin » (1995) de Lee Fu, le film « Karmen » (2001) de Joseph Gaï Ramada, le film « Short Eyes » (1977) de Robert M. Young, le film « Sleepers » (1996) de Barry Levinson, le film « Brubaker » (1980) de Stuart Rosenberg, le film « Midnight Express » (1978) d’Alan Parker, le film « Scrubbers » (1982) de Mai Zetterling, le film « Prisonniers d’Abashiri » (1965) de Teruo Ishii, le film « Women prison – Lynching » (1978) de Banmei Takahashi, le film « La Conséquence » (1977) de Wolfgang Petersen, le film « Des Prisons et des Hommes » (1971) d’Harvey Hart, le film « Memorias De La Cárcel » (1983) de Nelson Pereira dos Santos, le film « Papillon » (1973) de Franklin J. Schaffner, le film « Switchblade Sisters » (1975) de Jack Hill, le film « Proteus » (2003) de Jack Lewis, le film « Scum » (1979) d’Alan Clarke, le film « Stir Crazy » (1980) de Sidney Poitier, le film « Immacolata et Concetta » (1979) de Salvatore Piscicelli, la pièce Une Nuit au poste (2007) d’Éric Rouquette, le film « Borstal Boy » (2000) de Peter Sheridan, la pièce Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, le film « American History X » (1998) de Tony Kaye, le film « Hell’s Highway » (1932) de Rowland Brown, les romans La Invasión (1967) et Prisión Perpetua (1988) de Ricardo Piglia, le film « Beau Travail » (1999) de Claire Denis, le roman Le Prisonnier (1928) de Rachilde, le film « Uroki V Kontse Vesnoy » (1989) d’Oleg Kavun, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, le film « I’m Going To Get you… Elliot Boy » (1971) d’Edward J. Forsyth, le roman Prisons de femmes (1936) de Francis Carco, le film « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen, les romans Haute Surveillance (1949) et Miracle de la Rose (1946) de Jean Genet, le roman L’Amour dans les prisons (1930) de Maryse Choisy, le film « Hors d’atteinte » (1998) de Steven Soderbergh, le film « Femmes en cage » (1950) de John Cromwell, le roman Cast The First Stone (1952) de Chester Himes, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (racontant la relation homosexuelle entre deux détenus emprisonnés en Argentine), le film « Animal Factory » (2000) de Steve Buscemi, les romans Le Pourrissoir Saint-Lazare. Choses vues, entendues et vécues (1932) et Sous la cagoule. À Fresnes, Prison modèle (1934) de Jeanne Humbert, le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, le film « Chaînes » (1928) de Wilhelm Dieterle, le film « Ladies They Talk About » (1932) d’Howard Bretherton et William Keighley, le film « Selon la Loi » (1957) de Peter Weiss, le film « Prison Without Bars » (1938) de Brian Desmond Hurst, le film « The Weak And The Wicked » (1953) de J. Lee Thompson, le film « Caged Fury » (1990) de Bill Milling, le film « Under Lock And Key » (1995) d’Henri Charr, le film « Women’s Prison » (1955) de Lewis Seiler, le film « Girls In Prison » (1956) de Edward L. Cahn, le film « Reform School Girl » (1957) d’Edward Bernds, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le film « House Of Women » (1962) de Walter Doniger et Crane Wilbur, le film « La Vie sexuelle dans les prisons de femmes » (1972) de Rino Di Silvestro, le film « Pénitencier de femmes perverses » (1974) de Brunello Rondi, les films « Les Brûlantes » (1968), « Quartier de femmes » (1972), « Pénitencier pour femmes » (1975), et « Le Cabaret des filles perverses » (1977) de Jess Franco, le film « L’Astragale » (1968) de Guy Casaril, le film « La Cavale » (1971) de Michel Mitrani, le film « The Big Doll House » (1971) de Jack Hill, le film « Khroustaliov, ma voiture ! » (1997) d’Alexei Guerman, le film « Révolte au pénitencier de filles » (1983) de Bruno Mattei, le film « QHS, Quartier Haute Sécurité pour femmes » (1992) de Leandro Luchetti, le film « Vito E Gli Altri » (1992) d’Antonio Capuano, le one-man show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur, la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters, la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud, le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, la pièce Le Gang des Potiches (2010) de Karine Dubernet, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, le film « Le Trou » (1960) de Jacques Becker, le film « Prison sans barreaux » (1938) de Léonide Moguy, le film « Au Royaume des Cieux » (1949) de Julien Duvivier, le film « Prison de femmes » (1958) de Maurice Cloche, le film « Prisonnières » (1988) de Charlotte Silvera, le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le film « Brute Force » (« Démons de la liberté », 1947) de Jules Dassin, la série Oz (1997-2003) de Tom Fontana, la série Charlie’s Angels (Drôles de Dames, 1976) d’Ivan Goff et Ben Roberts (avec la geôlière lesbienne, dans l’épisode « Angels In Chains »), le film « Grégoire Moulin contre l’Humanité » (2001) d’Artus de Penguern (avec la scène carcérale homosexuelle finale), le film « Partisane » (2012) de Jule Japher Chiari (se déroulant dans une prison de camps de section en Inde), le vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer, la série Orange Is The New Black (2013) de Jenji Kohan, etc.

 

Par exemple, dans la pièce Claude Gueux (1834) de Victor Hugo, Claude le héros est condamné à plusieurs années de prison : il y aime un autre détenu, passion qui le conduira finalement à l’échafaud. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, Sean, l’un des héros homo, est responsable de la commission « Prison » à Act-Up. Dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann, Abram, le héros homosexuel, a fait de la prison. Dans la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, Marcel, le chauffeur de taxi homosexuel de Maria-José (transsexuel M to F), a été incarcéré, et son compagnon de cellule s’est révélé lui aussi homosexuel. Dans la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou, deux gardiens enculent le prisonnier/détenu. Dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, Antoine se passionne pour les prisons. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Eric et son geôlier musclé Mr Walter (qui, depuis qu’il s’est fait détruire l’appareil génital par Schmidt, porte un vagin artificiel) sont en couple dans leur cellule : « Je suis ta pute ! » ricane graveleusement Mr Walter. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony fait des travaux forcés pendant deux ans pour pédérastie sur mineurs.

 
 

b) Corrélation entre homosexualité et guerres ? Don’t ask, don’t tell !

 

Film "Die Frau" de Régina Demina

Film « Die Frau » de Régina Demina


 

Il est fréquent que les héros homosexuels des fictions découvrent leur homosexualité, ou vivent une histoire d’amour homo, dans l’armée, pendant leur service militaire, dans un contexte de guerre : cf. le film « Don’t Ask, I Won’t Tell » (2000) d’April Wilson, le roman L’Armée du Salut (2006) d’Abdellah Taïa, les romans Tombeau pour 500 000 soldats (1967) et Éden, Éden, Éden (1970) de Pierre Guyotat (se déroulant tous pendant la guerre d’Algérie), le film « Tchernobyl » (2009) de Pascal-Alex Vincent, la chanson « Mon Légionnaire » (1987) de Serge Gainsbourg, le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin (avec l’inscription « SUMMER 1918 » sur le mur de la terrasse de l’appartement new-yorkais de Michael et Harold), la chanson « Sirocco » de Jean Guidoni, la chanson « Les petits soldats de Guillaume » d’Émile Soubeiran, le film « Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? » (1966) de Blake Edwards, le roman Una Mujer En La Guerra De España (2003) de Carlota O’Neill, le roman Paisajes Después De La Batalla (1983) de Juan Goytisolo, le roman Alf (1933) de Bruno Vogel, le roman Loving In The War Years : Lo Que Nunca Pasó Por Sus Labios (1983) de Cherrié Moraga, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « We Dive At Dawn » (1943) d’Anthony Asquith, le film « The Wooden Horse » (1950) de Jack Lee, le film « The Cruel Sea » (1953) de Charles Frend, le film « Avant le déluge » (1953) d’André Cayatte, le film « Ararat » (2001) d’Atom Egoyan (avec le génocide arménien), le film « Lilies » (1996) de John Greyson, le film « Yongseobatji Mothan Ja » (2005) de Yoon Jong-bin, le roman Le Chant d’Achille (2014) de Madeline Miller (sur fond de Guerre de Troie), le film « Grande Parade » (1985) de Chen Kaige, les films « La Perm » (1990), « Yossi et Jagger » (2002) et « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox (centrés sur le conflit israélo-palestinien), le film « Zero Degrees Of Separation » (2005) d’Ellen Flanders, le sketch « La Lettre du Front » (2012) de Pierre Palmade, cf. la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander (racontant un amour homosexuel vécu sous le régime d’Apartheid), la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel (sur fond de conflit israélo-palestinien), la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter (avec le viol comme arme de guerre), le film « The World Unseen » (2007) de Shamin Sarif, la B.D. Muchacho (2006) d’Emmanuel Lepage (se déroulant sous la dictature de Somoza au Nicaragua), la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset (Paul, le héros homosexuel, voyage au camp de concentration d’Auschwitz), le film « Somefarwhere » (2011) d’Everett Lewis (se passant pendant la guerre en Irak), le film « Glosniej Od Bomb » (« Louder Than Bombs », 2001) de Prezemyslaw Wodcieszek, le film « Bent » (1997) de Sean Mathias, le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec une étreinte lesbienne entre deux femmes portant la burka), le spectacle musical Luca, l’Évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès (avec des images de dictatures, de camps de concentration, d’Iran, diffusées sur grand écran), le concert Free : The One Woman Funky Show (2014) de Shirley Souagnon (avec le Commerce triangulaire et la traite des Noirs), le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill (avec l’éloge des « amours de Sparte » entre soldats), le film « Foot For Love » (2014) d’Élise Lobry et Veronica Noseda, le film « Love In The Time Of Civil War » (« L’Amour au temps de la guerre civile », 2015) de Rodrigue Jean, le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin (se déroulant pendant la Guerre de Corée), etc.

 

Par exemple, dans le roman Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, Ednar couche 3 fois avec Octave, son violeur d’adolescence, à l’armée. Dans le film « Morrer Como Um Homem » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, le héros transgenre M to F Zé María (dont le maquillage travesti est textuellement assimilé au maquillage de guerre pour le camouflage) tue son compagnon d’armée après que celui-ci l’ait pénétré. Dans le roman Ta Mère (2010) de Bernard Carvalho, lors de la guerre en Tchétchénie, Andreï est poussé à se prostituer par ses camarades soldats de l’armée russe. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M s’imagine en pleine guerre de Vendée, dans la peau d’un soldat royaliste. Dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, Steven tombe amoureux de Phillip au moment où il observe une baston entre prisonniers. Dans le film « Private Romeo » (« Soldat Roméo », 2011) d’Alan Brown, huit cadets sont livrés à eux-mêmes dans un camp d’entraînement militaire. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le couple homosexuel est figuré par un homme en costard et son « fiancé » portant une burka féminine sur le visage. Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus pointe du doigt toutes les confessions religieuses comme autant de fondamentalistes du capitalisme spirituel mondialisé. L’ennemi, c’est clairement les religions, qui créeraient des guerres et qui agressent le narrateur par leur diversité. La pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand démarre sur des bruitages de Seconde Guerre mondiale : « Les carottes sont cuites. Les carottes sont cuites. Les carottes sont cuites. » Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, les deux amantes lesbiennes, Marilyn et Mona, « s’aiment » en plein climat de conflit islamophobe. Leur « amour » est mis sur le même plan que les mariages mixtes entre musulmans et chrétiens. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol et Thérèse, les deux amantes lesbiennes, s’arrêtent dans un hôtel en chemin, où elles font pour la première fois « l’amour », dans une bourgade qui s’appelle Waterloo. Ironie du sort qui amuse Carol. Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, Finlandais, tombe amoureux de Tareq, un bel ouvrier syrien qui ne peut pas vivre son homosexualité dans son pays et qui a fui la guerre.

 

Certains personnages homosexuels disent explicitement qu’ils sont la guerre, ou que la guerre est leur mère, leur Moi profond : « Madame Lucienne était votre mère. Elle a accouché de vous dans ce théâtre, pendant la guerre, une nuit de bombardement. » (Vicky s’adressant à l’Auteur, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « C’est la guerre. » (cf. le premier mot de Robbie, le héros homosexuel du film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Je veux devenir un playboy professionnel. […] J’entrerai dans l’armée. […] Ce sera que pour fréquenter l’école militaire. Pour m’entraîner et avoir un corps magnifique. Je veux dire un corps rude et robuste comme le vôtre. » (Anamika, l’héroïne lesbienne parlant à Adit, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 206) ; « Y’a eu la Troisième Guerre mondiale dans notre jardin ? » (Phil, le héros homo se baladant dans le jardin familial dévasté par une tempête, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; « Je suis un homme qui a cette idée qu’il reviendra après la guerre. » (Jacques, le héros homo, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, Robbie, le héros homosexuel, se définit lui-même comme « une veuve de guerre ». Dans le film « Sekret » (2012) de Prezemyslaw Wodcieszek, Jan garde en lui un sombre secret de l’époque de l’Holocauste : sa famille juive a été déportée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Jim Mack et Doyler Doyle, les deux amants, se sont rencontrés car leurs pères respectifs ont fait la Seconde Guerre mondiale ensemble. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Elio fait sa déclaration d’amour à Oliver à distance, avec entre eux deux un monument au mort où trône une statue d’un soldat italien inconnu de la Première Guerre mondiale.

 

Déjà, à l’école, la découverte de l’homosexualité chez le héros homosexuel enfant a pu être le signe d’un climat tendu ou d’une ambiance de guerre civile dans la cour de récré (cf. la bataille de boule de neige dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) : « Les garçons me balançaient des pommes de pin ou m’arrachaient mon sac pour le vider par terre, quand je traversais la cour. Même certaines filles, celles qui jouaient aux gros bras pour pas se faire traiter de putes, elles rigolaient sur mon passage, me traitaient de sale théière, en mettant une main sur la taille et l’autre à côté du visage, en forme de bec verseur. » (Mourad, l’un des héros homosexuels du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 336) ; « Je détestais indifféremment tous les sports d’équipe. Ils n’évoquaient à mon esprit d’enfant trop sage que des idées de guerre, de loi du plus fort, de bêtise grégaire. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 18) ; « Je pense être gay parce que je suis persuadé que la justice n’est pas de ce monde. » (Joseph Cohen, Je pense être gay parce que… (2000), p. 21) ; etc.

 

On découvre que les « guerres » dont il est question dans la fantasmagorie homosexuelle sont surtout les conflits internes au « milieu homosexuel », survenant de la violence de la pratique homosexuelle et du couple homosexuel (elles ne viennent pas que de l’extérieur) : cf. le roman La Guerre des Pédés (1982) de Copi, etc. « Les bars gays sont des prisons aussi. » (l’un des héros homos de la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) Par exemple, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène, en pleine tourmente avec son amante Sarah qui la maltraite, étudie pour le baccalauréat, la Guerre Froide, cette « période de tension idéologique… ». Dans la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi, des travestis cubains et pro-lesbiens s’attaquent à une boîte homosexuelle à Pigalle, à des homos dans les backroom : « Une guerre entre hommes, comme d’habitude. Une guerre tribale » (p. 91)

 

Le « milieu homosexuel » est un entre-deux-guerres dans la mesure où il est à la fois subi et choisi, victime et agresseur : « J’ai le cœur entre-deux-guerres. » (c.f. la chanson « Tu me divises en 2 » de Marc Lavoine) ; « Hier soir j’étais sorti de mon œuf… Je crois bien que c’était un œuf, alors ils m’ont dit : tu iras à la guerre ! […] Moi, la guerre, je n’en connaissais rien. Je ne savais même pas où ça se passait ! […] Alors je me suis mis à voler. J’y prends un plaisir fou […] moi je planais comme un dingue. […] Mais cette vie-là ça m’a fatigué vite. Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous. » (Copi, La Journée d’une rêveuse (1968), pp. 62-63)

 

Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antonietta est la femme au foyer malheureuse, vivant au crochet de sa brute de mari, et de ses enfants fascistes. Elle trouve, le temps d’une journée, le réconfort dans la compagnie de Gabriel, son voisin de pallier homosexuel, qui allait se tirer une balle dans la tête avant qu’elle ne débarque chez lui pour retrouver son oiseau échappé de sa cage. Leur relation est très ambiguë : c’est une complicité de misère, confinant à l’adultère et à la déprime, et sur fond de rencontre au sommet à Rome entre Mussolini et Hitler (la musique des fanfares est omniprésente).
 

Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, toutes les intrigues amoureuses homosexuelles sont associées à un contexte de guerre : Ginette partie en guerre en Afghanistan et laissant sa compagne Lucie seule aux États-Unis, l’amour d’Ahmed et son amant Saïd dans la tourmente des groupes religieux fondamentalistes en Algérie, Patrick le grand frère homosexuel de Lucie mort tragiquement dans l’attentat contre les tours du World Trade Center, etc. Dans le film « Bóbó » (2012) de Bardi Gudmunsson, au lendemain de la guerre du Vietnam, un jeune homme tombe amoureux d’un soldat américain dans un village du sud de l’Islande. La série nord-américaine Grey’s Anatomy (2005-2011) de Shonda Rhimes consacre plusieurs épisodes à la romance homosexuelle entre deux anciens soldats (Darren et Todd) ayant combattus ensemble d’Afghanistan et s’étant rencontrés là-bas. Dans la pièce Journal d’une autre (2008) de Lydia Tchoukovskaïa, c’est en plein cœur de la dictature stalinienne qu’émerge l’amour lesbien. Dans le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le transsexuel est celui par qui le scandale arrive, le signe de la folie meurtrière de la dictature : plus le dictateur tombe amoureux de lui, plus le premier détruit tout son entourage. À la toute fin du film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo et Gabriel, dont le « couple » s’est enfin fondé, font un exposé en classe sur l’Histoire de Spartes et la relation entre soldats. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Jim sort avec un soldat sur la jetée. Scrotes et Anthony, le couple homo qui parraine le jeune couple Jim/Doyler, initient ces derniers à la vénération de la Phalange sacrée de Thèbes, mythe qu’Anthony raconte à Jim.

 

La guerre est présentée comme un viol, un dépucelage, qui a pu dégoûter de l’alter-sexualité et rendre homosexuel : « Tout ça, c’est de la faute de la guerre ! » (la Bouchère à propos de l’homosexualité de Rovo, dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann)

 

Beaucoup de couples homosexuels fictionnels se forment pendant (à cause d’ ?) une guerre : « Ce n’est pas très bien, cela a été fait au front. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, en parlant de sa relation physique avec Mary, pendant la Première Guerre mondiale, dans le roman The Well Of Lonelyness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 397) ; « Dans le combat, il y avait un compagnon que j’aimais. » (Didier Bénureau en parlant de Morales, un camarade soldat de 20 ans, dans son one-man-show Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Le camp, pour la plupart, remplaçait la patrie. Vivant sans famille, ils reportaient sur un compagnon leur besoin de tendresse, et l’on s’endormait côte à côte sous le même manteau, à la clarté des étoiles… » (Gustave Flaubert parlant des mercenaires au service du général carthaginois Amilcar, dans son roman Salammbô, 1862) ; « Pendant la guerre, moi aussi je l’ai fait. Et à ton avis, y’en a combien qui ont fait ça pendant la guerre ? » (Volker s’adressant à sa future femme, en parlant de l’homosexualité et en la banalisant, dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann) ; « Dany, quand tu dis que tu m’aimes, tu m’aimes un peu comme un pote, c’est ça ? Alors comme un frangin ? Comme un cousin ? Comme deux mecs en prison ? » (Billy Stevens, le personnage du film postiche « Servir et protéger », s’adressant à son futur amant Dany en pleine guerre du Vietnam, en faisant mine de ne pas comprendre les sentiments que son camarade de tranchée qu’il porte sur le dos lui exprime, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; etc. Par exemple, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Konrad raconte qu’il a connu son amant Heiko pendant un conflit armé : « On s’est connus en Afghanistan. »

 

L’amour homosexuel apparaît comme un champ de bataille. À la guerre comme au lit ! « À la guerre comme à la guerre ! » (Fred feignant la corvée de dormir avec son homme pour dissimuler son homosexualité à sa mère et lui laisser le clic-clac du salon, dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « L’heure de la vengeance avait sonné. La forêt n’était plus la forêt. Je n’étais plus dans la forêt. Khalid devait payer un jour à l’autre. […] Nous étions toujours frères, lui et moi, plus frères que jamais, mais cela n’empêchait pas la guerre d’être à un moment ou l’autre déclarée, d’être menée jusqu’au bout. […] Ce qui allait suivre était justifié. Logique. C’est la loi, il y a toujours qu’un seul gagnant. Ce qui allait venir, c’était de l’amour. L’amour aveugle, sans dieu ni mère pour le protéger. C’était de la guerre. Sans paroles. En dehors du monde. Au tout début. Au-delà de moi. Au-delà de Khalid. À travers nous deux, le combat primitif, innocent, sauvage, libre, recommençait. » (Omar parlant à son amant Khalid qu’il est sur le point d’assassiner, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 128 puis pp. 163-164) ; « Je n’ai jamais laissé personne d’autre que toi me dévaster. » (Peyton, l’héroïne lesbienne à son amante Elena, dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; « Pour moi, l’amour est un peu comme le conflit Israélo-Palestinien, tu vois. T’as deux peuples sur la même terre qui doivent s’entendre malgré tout. C’est ça l’amour, cet amour-haine très violent entre deux personnes que rien n’aurait assemblé, si ce n’est la même recherche de légitimité. » (Polly l’héroïne lesbienne dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 24) ; « Oh mon chéri ! Oh mon bazooka ! » (Chris s’adressant à son amant Ruzy au moment du coït, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; etc.

 

Par exemple, dans le one-man-show Pareil… mais en mieux (2010) d’Arnaud Ducret, il est question de la pratique homosexuelle entre soldats par manque de femmes. Dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, l’intrigue amoureuse homosexuelle se déroule en pleine Première Guerre mondiale. Vincent et Arthur finiront par être séparés par la guerre : Arthur meurt sur le front. Mais c’est la guerre qui à la fois permet l’amour homosexuel et qui l’empêche, le détruit : « La guerre est là. Elle a ton visage, Arthur. […] Mon désir de toi est né avec la guerre, le jour de mon départ pour la guerre. […] La guerre, pour moi, c’est, avant tout le reste, et tu ne peux pas concevoir comme le reste est énorme, c’est mon amour pour toi. […] Je serre la guerre contre moi, l’odeur de la guerre, sa raideur, un bloc de granit froid, un cadavre. […] Entre mes seize ans et tes vingt et un ans, entre mon torse frêle et ton poitrail dur, il y a l’étendue d’une guerre. […] Au matin, tu es recroquevillé dans les draps. Je songe que c’est dans cette position-là que les soldats s’endorment et se réveillent dans les tranchées. […] Je n’ose pas t’arracher au sommeil, au repos. » (Vincent parlant à son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 35-42)

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, la relation entre les deux amants est décrite en des termes belligérants, comme un bras de fer fatal : « Je suis né à Paris à la fin du siècle dernier… Curieuse phrase et cette impression d’ancien combattant qui va raconter sa guerre ! Finalement, ça me va bien. Je ne l’ai pas toujours été. Je n’en avais pas très envie. Combattant. Je le suis devenu contraint et forcé le jour où j’ai décidé que je ne me laisserai plus faire, ni influencer ni modeler comme je ne voulais pas, comme je ne pouvais pas. » (le jeune Bryan, 16 ans, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 18) ; « J’adore te voir en colère, on aurait dit… Jules César… ou Alexandre le grand… Ouais c’est ça… plutôt Alexandre, partant en guerre. J’ai cru que t’allais me frapper ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, idem, p. 158) Par exemple, quand Bryan dit à Kévin qu’il a « envahi sa vie », ce dernier lui fait remarquer que le verbe « envahir » est quand même « un terme barbare », ce à quoi Bryan lui réplique : « Pas forcément, il y a toutes sortes d’invasions, brutales, par la force, par des mecs virils, d’autres en douceur, par l’amour. » (p. 168) La méthode de drague de Bryan pour aborder Kévin pour la première fois, ça a été quand même de lui poser une question sur la guerre en Afghanistan (p. 32) ! So romantic…

 

Dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le coït entre Hélène et Suzanne est comparé par la seconde à la Blitzkrieg : « La nuit a été un combat […] Ce contraste entre la guerre que nous menions, au lit et ailleurs, et les trop rares moments d’affection pure qu’elle avait manifestés étaient presque douloureux. […] Cette guerre entre nous, commencée il y a cinq ans, n’a jamais vraiment cessé. » (pp. 306-308)

 

Dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, un parallèle est fait entre le 11 septembre et la rencontre amoureuse entre Chris et Ernest : « Ça va peut-être te choquer, mais cet attentat me rassure. À cause de son caractère exceptionnel. Parce que le hasard ne choisit pas que les drames. Je suis persuadé que nous nous rencontrerons, que dans très peu de temps. […] Nous oublierons que les tours tombent et que le temps passe. » (Christ à son amant virtuel Ernest, pp. 133-134)

 
 

c) La guerre inconsciemment désirée : l’entre-deux-guerres ou le fantasme d’Apocalypse

La pratique de l’homosexualité, même si elle alimente parfois les conflits ou semble être une conséquence des guerres (en tous cas, ce qui est sûr, c’est qu’elle en est l’un des signes humains), est en théorie et en intentions, au contraire une démarche de paix, de rapprochement des Peuples, une union originale et fusionnelle entre les Nations (cf. je vous renvoie au code « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Le Prince moderne y veut épouser son copain le prince du royaume d’à côté que les deux rois y sont ennemis mortels, et que ça serait la plus grande réconciliation, la paix pour toujours. » (le fils ré-écrivant le conte que lui lit son père, dans la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 7) ; « Je maudis cette guerre, bien sûr, et je la bénis dans le même mouvement, car c’est elle qui te donne à moi, c’est elle qui t’a précipité entre mes bras. » (Vincent parlant à son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 67) ; « Sans la guerre, sans ce magnifique été de l’absence des hommes, nous serions-nous rencontrés ? » (Vincent s’adressant à la figure de Marcel Proust, op. cit., p. 24) ; etc. Par exemple, dans le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, le narrateur couche avec « l’ennemi » pour se faire pardonner des meurtres d’Arabes perpétrés par son père pendant la guerre d’Algérie : « La dette sans fin, la dette infinie qu’il me faudrait payer en me livrant à des Arabes, en livrant mon cul à des Arabes, pour déshonorer mon sang, ma race, la dette contractée à travers mon père à travers la Guerre d’Indépendance, à travers le renoncement au sol arabe, à travers ce supplice du sexe violé. »

 

C’est pour cette raison que l’homosexualité est décrite comme un entre-deux-guerres : « Nous étions au bout du pont, là où il s’arrêtait, là où on l’avait cassé. Nous étions au milieu du fleuve. Au sens propre, entre deux mondes, deux villes, deux collines. Deux guerres. Deux civilisations. Deux Maroc. Deux corps suspendus, bientôt aspirés par le vide, par l’eau. » (Omar parlant à son amant Khalid qu’il est sur le point d’assassiner, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 161-162) ; « J’ai grandi avec l’idée que la guerre était une expérience qui séparait l’humanité en deux fractions bien distinctes et que je n’étais pas du bon côté. » (Madeleine, l’héroïne du roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 26) ; « Je suis né dans un pays occupé. Une nation coupée en deux, comme l’était la sienne autrefois. » (Théo, le narrateur semi allemand, parlant de sa grand-mère, op. cit., p. 178) ; « Mon père est américain. Ma mère est irakienne. » (le protagoniste homosexuel du one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte) ; « Les solstices, c’est une expression à moi. C’est tous les gens entre deux saisons. Ils n’existent pas. Alors ils condamnent. » (Julien Brévaille dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 176) ; « T’es Albanais et pédé ! » (Ody s’adressant à son jeune frère homosexuel Dany qui n’assume pas d’être albanais et qui dit qu’il est Albanais « à moitié » car il veut être Grec, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras) ; etc.

 

Dany, déchiré entre l'Albanie et la Grèce, dans le film "Xenia" de Panos H. Koutras

Dany, déchiré entre l’Albanie et la Grèce, dans le film « Xenia » de Panos H. Koutras

 

Dans les créations artistiques traitant du désir homosexuel, il est souvent fait explicitement référence à l’homosexualité en tant que passerelle entre deux conflits… arc-en-ciel rainbow de l’entre-deux-guerres : cf. le film « The Other War » (2008) de Tamar Glezerman (dans le contexte de la seconde guerre du Liban), la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado (avec la diffusion sur écran géant d’images de guerres et du tsunami au Japon, sur un air de gospel), le film « Bulldog In The White House » (« Bulldog à la Maison Blanche », 2006) de Todd Verow (avec la chanson militante du transsexuel M to F, pendant laquelle sont intercalées des paroles relatant des cataclysmes), etc. Il existe un lien indirect entre le monde fantasmagorique des Hommes-objets (de la pornographie hétéro et homosexuelle), adulés par le personnage homosexuel, et les guerres : « Après la guerre, comme vous, je devins ingénieur chimiste, et me spécialisai, comme vous, dans les matières plastiques et le caoutchouc. » (Bob s’adressant à Félix, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 222) Par exemple, dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, l’image des corps masculins des tennismen jouant nus se superposent au discours sur les bombes atomiques russes. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Jim, le héros homo irlandais, est pris entre deux feux : « J’ai pas de haine pour les Anglais. J’sais pas si j’aime les Irlandais… » D’ailleurs, l’éclatement du soulèvement insurrectionnel à Dublin entre Irlandais et Anglais en 1916 (la Guerre de Boers) correspond chronologiquement pile au coït entre Doyler et Jim. Dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, les images des tours jumelles en feu à la télévision en 2001 sont mises en parallèle avec l’enlacement amoureux du couple homosexuel Vincent/Boris. Lors de son concert Météor Tour à Paris-Bercy le 16 septembre 2010, le groupe de rock français Indochine a intercalé des images de guerre avec des films-documentaires sur des majorettes, des reines de beauté ; à la fin du show, des images de décombres de guerre sont combinées avec des feux d’artifice au lointain. Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, la Gay Pride se vit violemment sur fond de conflit serbo-croate : « Il y a deux Serbies ! » (Mirko, un des héros gays)

 

L’apparition de l’entre-deux-guerres dans les fictions homo-érotiques traduit l’indifférence/distance cynique et « optimiste » du héros homosexuel vis-à-vis des grands malheurs humains (cf. je vous renvoie au code « Femme au balcon » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « La guerre me rend lyrique. » (Heinrich, le Nazi du roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, pp. 46-47) ; « Je désirai plus que tout être ‘réformé’ pour éviter d’aller à l’armée. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 111) ; « J’ai seize ans. Je suis né avec le siècle. Je sais qu’il y a la guerre, que des soldats meurent sur le front de cette guerre. […] Et pourtant, je ne sais pas ce que c’est la guerre. Je vis à Paris. Je suis élève au lycée Louis-le-Grand. J’ai seize ans. […] J’échappe à la guerre. » (Vincent, le héros homosexuel, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 13-14) ; « Vous dites : cet été est si beau. On s’en veut de l’aimer tellement. Je dis : on oublie la guerre avec ce merveilleux soleil. La guerre, on ne sait plus ce que c’est. Vous dites : ce sont des choses épouvantables, les choses que vous dites, vous ne devriez pas dire de pareilles choses. Vous pensez comme moi. Vous oubliez la guerre. » (Vincent s’adressant à la figure de Marcel Proust, op. cit., p. 19) ; « Je ne suis ni un pacifiste ni un belliciste. Je crois que j’aimerais simplement ne pas avoir d’opinion à propos de cette guerre, comme à propos de toutes les guerres. J’aurais aimé que cette guerre ne changeât rien à ma vie, qu’elle n’en affectât point le cours. J’aurais aimé demeurer à l’écart. Et, bien sûr, cela n’a pas été possible. » (la figure de Marcel Proust décrivant comme il vit la Première Guerre mondiale à distance, au Ritz, op. cit., p. 75) ; « Tricoter pour nos soldats sera-t-il jugé capital pour l’effort de guerre ? Je suis un vieux pédé respectable aux moyens modestes, j’adore le couvre-feu. Que de rencontres exaltantes… » (Lytton Strachey dans le film « Portrait Of A Marriage » (1990) de Stephen Whittaker) ; « La politique n’est pas mon fort. » (le mathématicien asocial homosexuel Alan Turing, dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum) ; « Quand je pense qu’il y a quatre millions de chômeurs… et moi qui fais du yoyo… » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; etc. Par exemple, dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, Claude Hupper, pour ne pas aller à l’armée, a dit qu’ « il était pédé ».

 

Il existe dans le personnage homosexuel une division schizophrénique qui lui fait vivre une guerre intérieure violente et ambiguë. En lui se disputent deux nations, deux entités, deux intentions : une de paix, une de guerre. Il est pris entre deux feux, deux guerres, littéralement parlant ! Par exemple, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti, les deux jumeaux Jasmine et François représentent la guerre d’Algérie, l’Algérie et la France. Dans le film « Le Naufragé » (2012) de Pierre Folliot, la mort mystérieuse d’Adrien, le jeune héros homosexuel, est indirectement mise en relation avec deux grands conflits mondiaux : les massacres en Afghanistan et la guerre de Corée (à la télé, le père d’Adrien regarde un débat politique sur la réunification impossible entre Corée du Nord et Corée du Sud). Dans le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell, Hedwig, le héros transsexuel M to F, est né l’année de la construction du Mur de Berlin et se prend pour le Mur, pour le responsable de la division entre Ouest et Est. C’est l’enfant du viol, qui gît nu et orphelin dans les décombres : « Je suis née de l’autre côté d’une ville déchirée en deux. J’ai beau essayer de toutes mes forces. Je finis toujours meurtrie et déprimée. »

 

La pratique homosexuelle traduit aussi une illusion de transition démocratique suite à une guerre/dictature. Par exemple, dans le roman Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988) de Manuel Vázquez Montalbán, l’émergence de l’homosexualité est annoncée par la fin de la dictature franquiste et l’arrivée d’une nouvelle forme de dictature, celle de l’oligarchie des nouveaux riches de la société consumériste et matérialiste actuelle, celle des bobos bisexuels.

 

Aussi bizarre que celui puisse paraître, la guerre est désirée par le héros homosexuel. « S’ils pouvaient se remettre à bombarder, on aurait au moins quelque chose de décent à regarder. » (Max, l’un des personnages homosexuels de la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « C’est chouette la guerre. J’en redemande. » (l’héroïne lesbienne dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 108) ; « Les pages suivantes sont consacrées à la guerre, que j’appelais silencieusement de mes vœux, parce que j’étais tellement mal dans ma peau qu’il me semblait qu’une catastrophe internationale était ce qu’il me fallait : une bonne guerre, comme on dit. ‘Levez-vous, orages désirés…’, ai-je cyniquement écrit. » (Suzanne parlant de la Seconde Guerre mondiale dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 63) La guerre est envisagée comme une manière de supplanter la guerre hétérosexuelle, voire de gommer cette dernière. L’entre-deux-guerres, c’est finalement l’écartèlement de la bisexualité, coincée entre la guerre hétérosexuelle et la guerre homosexuelle : « Une guerre amère et des plus curieuses était maintenant engagée entre Martin et Stephen [l’héroïne lesbienne], mais une guerre secrète, de crainte que l’être qu’ils aimaient [Mary, la compagne secrète de Stephen et la femme de Martin] ne fût amené à en souffrir. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Lonelyness, Le Puits de solitude (1928) de p. 559) Par exemple, dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, la différence (des sexes) est envisagée comme une source de conflit, comme le montre le syllogisme de l’héroïne Lourdes : « Les différences = les conflits ; les conflits = les injustices ; les injustices = les guerres. » La pratique homosexuelle agit alors comme une imitation inconsciente et réparatrice de l’ancienne guerre femme-homme, une discrète collaboration : « Pendant la guerre, on a souffert. Enfin… surtout à la Libération. Moi, j’ai été tondue. Moi qui ai connu les Allemands de près, je peux vous dire que je les connus de près, de très très près. Surtout Hans. Des Allemands, des aristocrates… d’une classe foooolle. Des gens qui gagnaient à être connus. […] On dit ‘la guerre ! la guerre !’… mais c’est surtout à la Libération qu’on en a bavé ! » (Didier Bénureau dans la peau d’une femme collabo, dans son one-man-show Bénureau en best-of avec des cochons, 2012)

 

Le personnage homo vit (une histoire d’amour pendant) l’entre-deux-guerres, est nostalgique de la guerre passée, et reste dans l’expectative d’un conflit imminent. « Dieu merci, la guerre est arrivée ! » (Mémé Huguette, le héros transgenre du one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) Il existe un grand fantasme de guerre mondiale dans les œuvres homo-érotiques, un mélange de peur et d’attraction pour la disparition cataclysmique de la Planète : « Il vient de nous tomber une dépêche. Guerre interplanétaire ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « La survie de notre espèce m’importe bien peu et, oserais-je le confesser ? il m’arrive même parfois de rêver de l’écroulement des empires. » (le narrateur homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 96-97) ; « Vous avez vu la dernière ? La Terre a explosé ! » (Loretta Strong dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi) ; « Je m’échine à expliquer aux autres […] à quel point ce monde est à l’envers, […] à quel point je voudrais tout bousiller, réduire en cendres. » (la narratrice lesbienne du roman Camille en octobre (1988) de Mireille Best, pp. 206-207) ; « C’est le déluge ! » (l’Albatros parlant à Gouri, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 98) ; « C’est la fin du monde ! » (le Rat dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Vous avez vu la dernière ? La terre a explosé ! » (Loretta Strong dans la pièce éponyme (1974) de Copi) ; « Le monde touche à sa fin. » (Harper dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « Le monde est un pervers, et je continuerai de le braver parce que le monde est un enfer. » (cf. la chanson « Dunkerque » du groupe Indochine) ; « Enfants de la bombe, des catastrophes, de la menace qui gronde » (cf. la chanson « Ils s’aiment » de Daniel Lavoie) ; « C’est l’Apocalypse ! » (Sabu, le héros homosexuel du film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick) ; « Autour de lui, une atmosphère d’Apocalypse. » (Omar en parlant de son père, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 39) ; etc.

 

Bien souvent, il est question de la fin du monde (cf. je vous renvoie au code « Passion pour les catastrophes » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), de l’Apocalypse : cf. la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « Apocalypse Now » (1979) de Francis Ford Coppola, le film « Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse » (1921) de Rex Ingram, le film « Teenage Apocalypse » (1995) de Gregg Araki, le film « Un Homme d’exception » (2002) de Ron Howard (avec l’imminence d’une attaque nucléaire), le vidéo-clip de la chanson « L’Instant X » de Mylène Farmer (figurant un tsunami moussant sur la ville de New York), la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg (avec une vision apocalyptique du monde), la série de toiles Apocalypse (1988) de Keith Haring et William Burroughs, le film « Jour du Fléau » (1975) de John Schlesinger, le film « Rote Ohren Fetzen Durch Asche » (1992) d’Hans A. Scheirl et Ursula Pürrer, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, la pièce Juste la fin du monde (1990) de Jean-Luc Lagarce, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, la pièce Missing (2008) de Nick Hamm (avec le groupe des « Prosélytes du Cataclysme »), le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache (avec la boîte homo L’Apocalypse), la chanson « Les Rails » de Zazie, le film « The Return Of Post Apocalyptic Cowgirls » (2010) de Maria Beatty, le roman « L’Apocalypse des gérontes » (2010) d’Essobal Lenoir, etc.

 

Par exemple, dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, le narrateur homosexuel erre dans une ville-fantôme uruguayenne après l’Apocalypse : « Là je commençai à me poser des questions, plutôt une seule question : pourquoi étais-je le seul survivant de l’Uruguay ? » (p. 35) La pièce L’Ombre de Venceslao (1991) de Copi commence par un déluge. Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Khalid vit les volets fermés, dans la peur de l’Apocalypse. « Le soleil était devenu, année après année, une grande obsession morbide pour Khalid. Il en parlait tout le temps. Il en avait une connaissance scientifique, intime, amoureuse. Il voyait le soleil comme une menace sérieuse, certaine. » Pour lui, la fin du monde va arriver avec l’approche du soleil : « Le soleil et la mort se regardent fixement. Le soleil gagne. Il va bientôt triompher. Exploser. Tout deviendra ombre. […] J’imagine le soleil qui vient vers moi. […] Il me noircit. Il me transforme. En cendres ? En quoi exactement ? Je me demande si, juste à la toute fin, je serai complètement noir. Noir de brûlures. » (pp. 69-71) Dans le film « Le Placard » (2001) de Francis Veber, Vincent Pignon écoute la radio et vit le déferlement médiatique quotidien des mauvaises nouvelles comme une asphyxie : d’ailleurs, il ne tardera pas à faire son faux coming out

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Homosexualité de circonstance (dans les pensionnats, les internats, les prisons) :

ENTRE 5 Prison

 

Dans les discours de beaucoup de personnes homosexuelles, on peut observer que le désir homosexuel survient davantage par des événements et un contexte social particulier (souvent un contexte d’enfermement, privant de liberté) que par la Nature et la liberté (c’est la raison pour laquelle on parle souvent d’« homosexualité de circonstance ») : « Les circonstances m’avaient rendu homosexuel. » (Costas Taktsis à propos de son expérience carcérale, cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 424) ; « Si l’on en croit les statistiques de Kinsey, établies aux États-Unis, un très grand nombre de sujets (plus d’un tiers des sujets masculins) ont pu avoir des relations homosexuelles accidentelles ou temporaires. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 264) ; « Les pratiques homosexuelles sont plutôt le résultat de la misère sexuelle existant dans le Maghreb que de vrais désirs homosexuels : une sexualité de substitution. » (cf. l’article « Maghreb » de Robert Aldrich, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 306) ; etc.

 

D’ailleurs, les lieux de la pratique homosexuelle sont souvent des espaces clos (casernes, pensionnats, prisons), où la différence des sexes est soit trop marquée, soit banalisée : « Slimane ne parle que de lui depuis deux jours. Saâd… Saâd… Saâd… Il ne le dit pas, mais pour moi, c’est sûr, ils étaient amoureux l’un de l’autre. À l’internat du collège et du lycée, ils ont dormi longtemps dans le même lit. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 106) ; « L’homosexualité et la masturbation proviennent en partie des conditions de la captivité. […] On retrouve les mêmes réactions chez les bêtes à cornes parquées (béliers ou taureaux). » (Paul Guillaume, La Psychologie des singes, 1942) ; « Ces hommes que de longs séjours en prison semblaient avoir rendus tous pareils » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 108) ; « La masturbation paraît bénigne quand se posent des problèmes de viols et de relations homosexuelles. Sur ce point, c’est l’omerta, la loi du silence. » (Père Jean-Philippe Chauveau à propos du milieu carcéral, dans son autobiographie Que celui qui n’a jamais péché… (2012), p. 289) ; « Je suis arrivée au pensionnat à l’âge de 14 ans. J’étais très naïve. Et je me suis retrouvée très tôt face à ces problèmes. Et j’ai été choquée. Il ne se passait que ça autour de moi, et je ne voulais pas le voir. Et j’en étais choquée. Depuis la surveillante qui couchait avec la surintendante, jusqu’aux élèves qui partageaient ma chambre, il n’y avait que ça autour de moi. J’étais la seule à ne pas être informée et à ne pas trouver que c’était épouvantable. Je me suis d’autant plus braquée que je sentais confusément en moi une attirance. Mais je voulais absolument la nier. » (Germaine, femme lesbienne suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc.

 

Il est extrêmement fréquent que les amours homosexuelles ou les actes homosexuels soient vécus en milieu carcéral : cf. l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, le nom du groupe britannique de Marc Almond Soft Cell, le documentaire « P4W : Prison For Women » (1981) d’Holly Dale et Janis Cole, l’essai Sexualité et prison, désert affectif et désirs sous contrainte (2009) d’Arnaud Gaillard, etc. Par exemple, le film « I Love You Phillip Morris » (2008) de John Requa et Glenn Ficarra retrace l’histoire vraie de la liaison amoureuse de deux prisonniers Steven Russel et Phillip Morris dans une prison nord-américaine. Dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, Eddy Bellegueule évoque « les viols commis par les détenus sur les autres détenus, et, en l’occurrence » (p. 129) sur son cousin Sylvain. Michaël Kühnen (1955-1991), condamné en 1984 à trois ans de prison pour incitation à la violence et à la haine raciale, fait son coming out en 1986 alors qu’il est encore en prison. Il meurt du Sida en 1991. Je vous renvoie à cet article ainsi qu’à cet article.

 

En Russie, beaucoup de témoignages terribles révèlent l’ampleur de l’agressivité entre certaines femmes incarcérées, leurs relations lesbiennes ultra violentes.

 

Ce n’est pas un hasard si certains intellectuels homosexuels (tels que Michel Foucault, Maryse Choisy, ou Jean Genet) se sont intéressés de près à l’univers carcéral. Par exemple, le romancier nord-américain homosexuel Truman Capote découvre dans le New York Times du 16 novembre 1959 un fait divers qui, tout de suite, le passionne et l’inspire pour l’écriture de son roman De sang-froid (1966) : un quadruple meurtre frappant une famille de fermiers du Kansas. Il rentrera en relation étroite et amoureuse avec l’un des deux assassins, Perry Smith, qu’il visitera souvent en prison.

 

Cet intérêt homosexuel pour les prisons s’origine parfois par une expérience passée dans celles-ci. Juan Soto, par exemple, a vécu son homosexualité en prison sous l’Espagne franquiste. Jean Genet a connu ses premières expériences homosexuelles dans une prison pour mineurs à Mettray (le poème « Le Condamné à mort » qu’il a dédié à son ami carcéral Maurice Pilorge en est une des traces « vivantes »). L’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda raconte un viol dans la prison madrilène de Carabanchel (p. 199).

 

Paradoxe incroyable : c’est dans un lieu aussi homophobe que les prisons (chasse aux « pointeurs », viols correctifs, etc.) que pourtant se pratique et se refoule le plus l’homosexualité. « Quand il sort de prison, l’homosexuel est tout aussi homosexuel qu’auparavant. » (Himmler, cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 260) Par exemple, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), Brahim Naït-Balk explique que ses violeurs, qui sont homosexuels refoulés (selon son propre aveu), sont incarcérés : « Certains d’entre eux se sont retrouvés en prison à cause du deal. Pas à cause de ce qu’ils m’avaient fait… » (p. 79) En 1999, Aaron McKinney, l’un des assassins prétendument « hétéros » de Matthew Sheppard, homosexuel, est suspecté d’homosexualité refoulée par Andrew, un de ses compagnons de cellule : « Pourquoi t’as enculé cette putain de tante ? Parce que tu vas devenir une putain de tante aussi… » Et il a été révélé que lui et Matthew étaient amants. Il existe des cas recensés de viols et de cannibalisme dans les prisons du monde entier.

 
 

b) Corrélation entre homosexualité et guerres ? Don’t ask, don’t tell !

Il est fréquent que les personnes homosexuelles découvrent leur homosexualité, ou vivent une histoire d’amour homo, dans l’armée, pendant leur service militaire, dans un contexte de guerre : cf. le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, le fameux slogan « Don’t ask, don’t tell » du président Bill Clinton concernant le phénomène de l’homosexualité dans l’armée nord-américaine, l’enquête Dante n’avait rien vu (1924) d’Albert Londres (qui nous donne un panorama secret de la vie des « képis blancs » en 1934), etc. Je vous renvoie aussi à cet article.

 

« La pédérastie est chose fort courante dans l’armée et les universités. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 154) ; « En 1980, 102 cas de viol à l’armée étaient suivis de poursuites pénales. » (cf. le dossier « Viol » dans la revue Homophonie, n°54, avril 1985, cité dans l’essai Le Viol au masculin (1988) de Daniel Welzer-Lang, p. 178) ; « Dans un livre publié en 1925, Brand loue l’amour des amis comme le fondement d’une armée parfaite. L’homoérotisme est bénéfique pour la loyauté militaire et le sacrifice ; il est donc d’une grande valeur pour l’Allemagne. D’une manière générale, la guerre doit être considérée comme une bonne école de virilité mais aussi de vraie camaraderie et d’amitié érotique. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 171) ; « En réalité, de même que pour les cas d’homosexualité constatés dans les internats et dans certaines collectivités d’hommes, cet usage, qui fut pour les philosophes un thème de dissertations brillantes, provenait tout simplement de circonstances particulières, nées de conditions de vie anormales : à l’armée comme au gymnase, les hommes vivaient exclusivement entre eux (les femmes n’étaient même pas admises en qualité de spectatrices sur les stades.). » (Jean-Louis Chardans, op. cit., p. 124) ; « Dans aucune grande ville du début du XXe siècle, il n’y a autant de soldats prostitués qu’à Berlin. C’est que l’inversion sexuelle sévit dans l’armée allemande plus que partout ailleurs. Les soldats qui s’abandonnent ainsi à la passion des autres sont généralement des ‘normaux’. C’est une des révélations de l’affaire Eulenburg et des procès qui s’en suivirent : la pratique étendue de l’homosexualité dans l’armée. Au point que pour les étrennes de ses soldats, le Kaiser a offert aux officiers lors du Nouvel An, en 1908, une nouvelle ‘théorie’ qu’ils ont mission d’apprendre et d’expliquer à leurs subordonnées, et qui expose tous les dangers de l’homosexualité. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 63) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, raconte que la situation de la guerre de 1914 encourageait au lesbianisme : « Il n’y avait plus d’hommes. » Le scandale des cadets du collège militaire en Argentine en 1942 montre également la correspondance entre dictature militaire et homosexualité (cf. le roman La Ciudad Y Los Perros, La Ville et les Chiens (1963) de Mario Vargas-Llosa, et la nouvelle « El Marqués De Sebregondi Llega Y Retrocede » (1988) d’Osvaldo Lamborghini). Dans les années 1960-1990, on a découvert la pratique du viol homosexuel (appelé « dedovchtchina ») dans l’armée soviétique (cf. l’article « Armée » de Pierre Albertini, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 47).

 

ENTRE char rose

 

Certaines personnes homosexuelles disent explicitement qu’elles sont la guerre, ou que la guerre est leur mère, leur Moi profond : « Quand quelquefois, je vois à la télévision de belles âmes pleurer sur la misère sexuelle des malfaiteurs enfermés en prison, je ne peux me retenir d’évoquer ma jeunesse, tout aussi misérable, où je subissais une punition inhumaine pour des crimes que je n’avais pas commis. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 109) ; « J’étais né dans la guerre. » (Charles Trénet parlant de sa famille puis de son pays, dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata) ; etc. J’ai en tête par exemple les Autoportraits (1919-1928) de la photographe lesbienne Claude Cahun, au look de bagnard crâne rasé, ou encore à la fierté paradoxale de Jean Genet à se dire « voleur », homosexuel et guerrier : « Je choisis cette planète maudite, je l’habite avec les bagnards de ma race. » (Jean Genet, Journal du voleur (1949), p. 49)

 

Déjà, à l’école, la découverte de l’homosexualité chez l’individu homosexuel enfant a pu être le signe d’un climat tendu ou d’une ambiance de guerre civile dans la cour de récré. Par exemple, dans la publicité « Safer Sex Gay » de l’association AIDES, la guerre est montrée comme un moteur du désir homosexuel : des ados qui se castagnent pousse le jeune homosexuel à se penser gay. C’est cette tension de l’entre-deux-guerres qui définirait, selon Jean-Paul Sartre, le drame sacré homosexuel de Jean Genet. « Un accident l’a buté sur un souvenir d’enfance et ce souvenir est devenu sacré ; dans ses premières années, un drame liturgique s’est joué, dont il était l’officiant : il a connu le paradis et l’a perdu, il était enfant et on l’a chassé de son enfance. Sans doute cette ‘coupure’ n’est pas très aisément localisable. Peu importe : elle existe, il y croit ; sa vie se divise en deux parties hétérogènes : avant et après le drame sacré. » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet (1952), p. 9)

 

Et plus tard, à l’âge adulte, on découvre que les « guerres » dont certains individus homos parlent sont surtout les conflits internes au « milieu homosexuel », survenant de la violence de la pratique homosexuelle et du couple homosexuel (elles ne viennent pas que de l’extérieur) : « On est mardi. J’ai passé ces quatre derniers jours avec Slimane. On n’est pas sortis de l’appartement. J’ai passé quatre jours sur lui, et lui sur moi. À manger. À faire l’amour. À se disputer. À se réconcilier. À dormir. L’un dans l’autre au sens propre. Prisonniers. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 109) Le « milieu homosexuel » devient un entre-deux-guerres dans la mesure où il est à la fois subi et choisi, victime et agresseur (cf. je vous renvoie au code « Milieu homosexuel infernal » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

La guerre ou les crises se présentent comme des contextes favorables à l’émergence de l’homosexualité : « [Aux États-Unis] Il y avait une homosexualité motivée par la prostitution, elle-même encouragée par la crise de 1929. » (Jean Le Bitoux, Les Oubliés de la mémoire (2002), p. 27)

 

Il existe un lien indirect entre la justification sociale de la pratique homosexuelle et les guerres/le terrorisme : « Quelle différence en tout cas avec les Espagnols après les deux cents morts des attentats de Madrid en mars dernier ! Que ces électeurs espagnols aient puni Aznar et son Parti populaire de leur avoir menti, rien de plus logique. Mais ce qui m’étonne un peu plus c’est que Zapatero, à peine élu, et alors que les ruines de la gare d’Atocha fumaient encore, se soit héroïquement et principalement engagé en faveur du mariage gay ! C’est Ben Laden qui a dû être content de voir comment son message était reçu cinq sur cinq. Et en effet, il l’était… » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 450) ; « Si l’Occupation avait radicalement supprimé la progression de la drogue en France, elle y avait en revanche développé l’homosexualité. Assez répandue outre-Rhin, la pédérastie s’étendit à la suite du passage des soldats allemands dans notre pays. Jusqu’alors, elle était le fait de quelques intellectuels ou de quelques blasés qui constituaient une confrérie très fermée. Les véritables invertis physiologiques se montraient encore plus discrets. Bref, la pédérastie n’était pas descendue dans la rue. Par goût, par entraînement, par intérêt, par lâcheté, de nombreux jeunes gens, et des moins jeunes, subirent l’initiation germanique. À la Libération, l’arrivée des Nord-Africains, les difficultés économiques, la fermeture des bordels, encouragèrent cette vague d’homosexualité. Pour la première fois à Paris, il existait une prostitution masculine avouée sur les trottoirs de Saint-Germain-des-Prés. C’est pourquoi la loi d’avril 1946 sur la prostitution n’établit aucune distinction de sexe. » (André Larue, « Les Flics », 1969) ; « Ajoutons encore à cette catégorie [les homosexuels] les jeunes soldats ou marins ayant glissé vers les pratiques homosexuelles par suite des circonstances ou du milieu pendant la guerre ou leur service militaire qui, par la suite, se sont crus irrémédiablement pervertis. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48)

 

Pendant les grands conflits armés, il est important de rappeler que la torture sexuelle touche aussi bien les hommes que les femmes. Par exemple, les abus se sont multipliés après l’entrée des troupes russes en Tchétchénie, entre 2000 et 2003. Les hommes comme les femmes soupçonnés de complicité avec les rebelles tchétchènes ont été soumis à des sévices sexuels (application d’électrodes sur les parties génitales, viol avec des armes ou des bouteilles). Ils ont été violés dans les prisons illégales, les « camps de filtration », et lors des pillages des villages.

 

Beaucoup de couples homosexuels se forment pendant (à cause d’ ?) une guerre : « En prison et dans l’armée… Il est des lieux où l’homosexualité est pratiquement inévitable : les pénitenciers (prisons, maisons d’arrêt, de détention, compagnies de discipline, ateliers de travaux disciplinaires, grands chantiers publics, colonies pénitentiaires, bagnes). C’est dans ces lieux, où la continence est forcée, que naissent, dans l’internement ce que les administration d’État dénomment pudiquement ‘les succédanés pénitentiaires de l’amour’ semblables aux amitiés particulières chères aux collèges de Jésuites. […] Les murs, les portes, les montants des lits des prisons portent des milliers d’inscriptions qui trahissent les pensées exacerbées par l’homosexualité. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 229) ; « Là-bas [en Algérie], nous l’étions tous. Seul Changarnier l’est resté. » (Louis de Lamoricière parlant du Général Nicolas Changarnier (1793-1877)) ; « Au retour des Croisades, soldats et religieux dévoilèrent ce qu’ils avaient appris en Palestine. Au contact des Orientaux, ils apprirent l’art de forniquer avec leurs semblables. Jamais pareille ignoble requeste ne fut réservée à de pareils guerriers. » (Gauthier de Coincy, prieur de Saint-Médard de Soissons, parlant des Croisés) ; etc. Lors de sa rencontre-dédicace pour signer son essai L’Homosexualité dans la Bible (2010) à la Librairie Violette & Co à Paris le 22 avril 2010, Patrick Négrier explique la corrélation entre homosexualité et guerre, où l’amour homo est utilisé comme arme de guerre : il évoque Jonathan contre les Philistins, ou bien Judith coupant la tête d’Holopherne après l’avoir draguée.

 

L’expérience des tranchées pendant la Première Guerre mondiale a suscité des vocations homosexuelles (cf. Martin Taylor, Lads : Love Poetry Of The Trenches, 1989). Idem lors de la Seconde Guerre mondiale et d’autres conflits : cf. l’essai Wars I Have Seen (1945) de Gertrude Stein, le documentaire « Children Of The Regime » (1985) de Nick Deocampo, etc. « C’est déjà très étrange de penser que Parade était pendant Verdun. Paris avait une vie intense pendant qu’il y avait la vie intense des tranchées. C’est presque à l’heure actuelle incompréhensible. » (Jean Cocteau dans le documentaire « Cocteau et Compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier) ; « Les années 45 et 46 auront été l’âge d’or de l’homosexualité à Paris. » (Jean-Jacques Rinieri, cité dans l’autobiographie Parce que c’était lui (2005) de Roger Stéphane, p. 109)

 

La guerre est présentée par certains individus homosexuels comme un viol, un dépucelage, qui a pu les dégoûter de l’alter-sexualité et les rendre homos : « Cette fameuse perte de l’innocence que nous avons perdu ce 11 septembre 2001… » (le romancier homosexuel québécois Denis-Martin Chabot, à propos de son roman Innocence (2006), à l’émission Homo Micro au micro de Paris Plurielle, le 27 mars 2006)

 

L’amour homosexuel apparaît comme un champ de bataille. À la guerre comme au lit ! « Je haïssais Chouaïb. Il ne m’attirait plus. Mais je voulais rester ainsi pour toujours, nu, collé à lui tout aussi nu, peau contre peau, vivant dans le chaos de cette guerre intime, sexuelle. » (Abdellah Taïa parlant de son « cousin » Chouaïb, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 23)

 

Souvent, la juxtaposition de l’homosexualité avec les guerres est souhaitée par les créateurs homosexuels afin de justifier l’amour homosexuel. L’horreur de la guerre, empêchant à l’écran la formation et le bonheur du couple homosexuel fictionnel, est censée rehausser et prouver la solidité de l’amour homosexuel. Mais prouve-t-on l’amour par son contraire (à savoir la guerre) ? Pas longtemps, en tous cas !

 
 

c) La guerre inconsciemment désirée : l’entre-deux-guerres ou le fantasme d’Apocalypse

La pratique de l’homosexualité, même si elle alimente parfois les conflits ou semble être une conséquence des guerres (en tous cas, ce qui est sûr, c’est qu’elle en est l’un des signes humains), est en théorie et en intentions, au contraire une démarche de paix, de rapprochement des Peuples, une union originale et fusionnelle entre les Nations (cf. je vous renvoie au code « L’homosexuel riche / L’homosexuel pauvre » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Plus personne ne compte à leurs yeux. […] Roland et Olivier […] Tout se tait. Le temps s’est arrêté. Moment de silence et de bonheur dans le tumulte de la guerre. » (Louis-Georges Tin commentant la Chanson de Roland (fin du XIe siècle), dans son essai L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008), p. 21) C’est pour cette raison que l’homosexualité se vit et se voit particulièrement pendant l’entre-deux-guerres. La pratique de l’homosexualité semble être une passerelle entre deux conflits… l’arc-en-ciel rainbow de l’entre-deux-guerres.

 

D’ailleurs, si on regarde bien, beaucoup de personnalités du monde homosexuel appartiennent aux Années folles et à la fameuse période connue de « l’entre-deux-guerres » (1918-1939) : Panama Al Brown, Suzy Solidor, Joséphine Baker, Jean Cocteau, Jean Marais, etc. Dans les capitales comme Berlin, Paris, Londres ou New York, la pratique homosexuelle battait son plein. Berlin, par exemple, était une ville particulièrement homosexuelle ! « Il y a 30 bars homosexuels à Berlin en 1900. Il y en a 130 en 1933, soit davantage aujourd’hui qu’à Paris. » (Jean Le Bitoux, Les Oubliés de la mémoire (2002), p. 21) ; « Regardez-moi donc ! claironnait la capitale allemande, fanfaronne jusque dans son désespoir. Je suis Babel, la Pécheresse, la ville monstrueuse entre toutes les villes. Sodome et Gomorrhe tout ensemble n’étaient pas moitié aussi corrompues, moitié aussi misérables que moi ! » (Klaus Mann écrivant sur Berlin, la ville homosexuelle sodomite pendant les années 1920-1930, dans son journal, p. 169) ; etc.

 

ENTRE Vietnam

 

Même si le lien homosexualité-guerre ne peut pas être causalisé, je suis frappé de voir, rien qu’en Espagne et au Portugal (deux pays qui ont vécu des guerres civiles et des décennies de dictature), combien la pratique homosexuelle a explosé plus fort qu’ailleurs dans les années 1980-2000. Par ailleurs, Un ami d’origine yougoslave, la quarantaine, m’a assuré, par rapport au conflit serbo-croate (1991-1995) : « Avant la guerre, il n’y avait pas de pédés à Belgrade. Maintenant, on ne voit que ça ! »

 

L’entre-deux-guerres, cela peut être aussi les enfers choisis, les viols consentis : les milieux actuels du sport, de la prostitution, du show-business, des classes prépas (cf. le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, l’autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004) d’Alexandre Delmar, le film « Grande École » (2003) de Robert Salis, etc.). Beaucoup de personnes homosexuelles se victimisent et aiment se faire peur pour donner à leur pratique homosexuelle la valeur de l’héroïsme contre un climat homophobe qui les empêcherait d’aimer et d’être elles-mêmes. « À l’époque, il y avait de la discrimination partout. C’était affreux. » (Carmen Xtravaganza, le transsexuel M to F évoquant les années 1970 aux États-Unis, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte) Par exemple, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014, Emmanuelle, femme lesbienne de 26 ans, compare le sort des personnes homosexuelles « maltraitées par la Manif Pour Tous » à la « Seconde Guerre mondiale, à la Shoah, à l’histoire des Noirs ». « Où est-ce qu’ils vont s’arrêter ? Tout ce qu’ils veulent, c’est que je dégage. »

 

La recrudescence de l’homosexualité pendant l’entre-deux-guerres peut traduire l’indifférence/distance cynique et « optimiste » des personnes homosexuelles vis-à-vis des grands malheurs humains (cf. je vous renvoie au code « Femme au balcon » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Comme l’explique très bien Éric Zemmour dans son essai Le Premier Sexe (2006), la fuite sociale de la guerre, du pouvoir et de la mort, c’est la fuite de sa masculinité, donc un détonateur improbable d’homosexualité : « La guerre est l’ultime marqueur de l’identité masculine. » (p. 75) L’homme a été dévirilisé à partir de la guerre 1914-1918 (les femmes sont montrées comme capables de se passer des hommes) : « Cette génération veut abandonner la pulsion de mort qui est le propre de la virilité depuis des millénaires. Ils veulent être du côté de la vie, du côté des femmes. […] Le pouvoir, c’est le mal, la mort, le phallus, l’homme. Plus personne, dans les jeunes générations de nos pays, ne veut assumer ce fardeau. […] Le rêve féministe s’est substitué au rêve communiste. On sait comment ces rêves finissent. Dans le reste du monde, on n’en est pas là. Les Américains, les Chinois, les Indiens, les Arabes, les Russes assument la force, la violence, la guerre, la mort, la virilité. […] Ainsi, de part et d’autre des océans s’affrontent deux férocités : totalitarisme féministe contre tyrannie masculine. […] C’est aux États-Unis qu’est né l’homme féminisé. L’homme castré. Mais c’est aussi des États-Unis qu’est venue une vigoureuse réaction masculiniste, avec ces groupes d’hommes qui réapprennent leur virilité dans des forêts. […] Face à cette évolution, les sociétés européennes et américaines risquent de s’éloigner de plus en plus, une dérive des continents où l’Europ incarnerait la femme et l’Amérique l’homme. » (idem, p. 86 puis pp. 120-121) Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on découvre qu’Yves Saint-Laurent a essayé à tout prix d’échapper à son devoir d’État qui le nommait au conflit en Algérie. Il arriva, pour des raisons de santé, à être exempté (« Entre l’armée et toi… tu n’es pas allé plus loin que l’Hôpital du Val de Grâce. » commente mi-ému mi-amusé son amant Pierre Bergé). Le jeune couturier ne répondit pas à son appel d’incorporation à l’Armée française (il se fera critiquer et désigner comme déserteur par certains journaux parisiens) : « Mon seul combat, c’est d’habiller les femmes. » déclarera-t-il. On le voit plus tard regarder avec excitation auprès de ses potes artistes les images terrifiantes de la Guerre d’Algérie au Journal Télévisé : « Tu te rends compte, si ça bascule, on aura l’air malins… » laisse-t-il échapper ; et Betty de lui répondre en riant : « J’ai toujours rêvé d’une catastrophe financière ! »

 

Il existe dans l’individu homosexuel une division schizophrénique qui lui fait vivre une guerre intérieure violente et ambiguë. En lui se disputent deux nations, deux entités, deux intentions : une de paix, une de guerre. Il est pris entre deux feux, deux guerres, littéralement parlant ! « La Bretagne est mon décor. […] Rostrenen. Ni ville ni village. Deux maternelles, deux écoles primaires, deux collèges, les laïques et les catholiques, une guerre civile permanente. Face à l’église, la mairie. Deux terrains de foot, deux gymnases, deux boulangeries… qu’on fasse du sport ou qu’on achète une baguette, il faut toujours choisir son camp. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 37) ; « Gaulliste avec sa mère le jeudi et collabo avec son père le dimanche ? Non. Pas de schizophrénie. Le choix du garçon est fait depuis longtemps, depuis toujours. » (Dominique Fernandez parlant de lui à la troisième personne du singulier, dans la biographie Ramon (2008), p. 17) ; etc. Par exemple, Daniel Guérin parle de sa schizophrénie au niveau de la différence des espaces : « Pendant de longues années, je me suis senti coupé en deux. » (Daniel Guérin, Homosexualité et Révolution (1983), cité l’ouvrage collectif L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 531)

 

La pratique homosexuelle traduit aussi une illusion de transition démocratique suite à une guerre/dictature. « L’association Les panthères roses a lancé sa première action le 14 décembre 2002 à Paris, lors d’une manifestation contre la guerre en Irak. » (Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010), p. 44.)

 

ENTRE La Parade

Film « La Parade » de Srdjan Dragojevic


 

Aussi bizarre que celui puisse paraître, la guerre est désirée (autant que crainte et niée !) par beaucoup de sujets homosexuels. Elle est envisagée comme une manière de supplanter la guerre hétérosexuelle, voire de gommer cette dernière. « L’amour n’existe pas. L’homme n’est pas fait pour la femme. Tout finit dans les cendres de l’apocalypse. » (Oscar Wilde) ; « Le milieu paysan où j’ai passé mon enfance n’était pas seulement le monde des relations sexuelles, c’était aussi un monde menacé par une violence incessante. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), p. 41) ; etc.

 

Les personnes homosexuelles vivent (une histoire d’amour pendant) l’entre-deux-guerres, sont nostalgiques de la guerre passée, et restent dans l’expectative d’un conflit imminent. Il existe un grand fantasme de guerre mondiale chez elles, un mélange de peur et d’attraction pour la disparition cataclysmique de la Planète : « Je savais que j’étais le dernier survivant d’une civilisation détruite. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 40) ; « Mon premier livre seul, c’était un scénario, Hiroshima, mon amour. […] J’étais en sixième, je l’avais emprunté par hasard au CDI, était-ce pour plaire au documentaliste, ou pour la terreur délicieuse que m’inspirait le mot ‘Hiroshima’, et finalement je l’avais lu. » (idem, pp. 158-159) ; « J’ai envie de chaos, oui, de chaos. » (Élia Kazan cité dans l’essai Une Amérique du chaos (2004) de Florence Colombani) ; « Réfléchir aux catastrophes naturelles est toujours rassurant, pour peu qu’on ne les subisse pas. Mon imagination s’emballe souvent à la pensée de ce ‘et si’ qui mène à la fin du monde. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 262) ; etc. Par exemple, le collectif chilien Yeguas Del Apocalipsis a été créé par Francisco Casas et Pedro Lemebel en 1987. Certaines personnes homosexuelles adoptent une vision du monde totalement apocalyptique, comme c’est le cas dans la conclusion du documentaire « Regarde, elle a les yeux grand ouverts » (1978) de Yann Lemasson. Dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, le Collectif Grève du Ventre, groupe commando encourageant à « arrêter de faire des enfants », nous montre à maintes reprises le décompte du nombre d’humains qui augmente rapidement tous les jours dans la population mondiale, afin de terroriser le spectateur.

 

Évidemment, la pratique homosexuelle n’est ni une cause ni une conséquence de la fin des temps. Elle n’est qu’un signe parmi d’autres de celle-ci, un indice/symptôme de décadence, de chute de civilisation, de société qui se replie sur elle-même, qui s’autodétruit, qui banalise et rejette la différence des sexes, qui ne s’ouvre plus à la vie, qui déprime. Elle est le voyant rose des guerres (mondiales comme privées), l’indicateur social d’un repliement narcissique globalisé. Par le passé, toutes les civilisations ayant promu la pratique homosexuelle se sont écroulées et ont disparu : nul besoin de rappeler l’histoire de Sodome et Gomorrhe, de la Grèce et de la Rome Antiques… et il suffit de regarder dans quel état de crise grave se trouvent aujourd’hui les continents qui adoptent le « mariage homo » – l’Europe et les États-Unis – pour comprendre par quelle crise morale, économique, sexuelle, religieuse, nous sommes en train de passer. Et ça, nous ne pouvons pas le nier, même si ça n’enlève rien à la dignité des personnes homosexuelles, et que je ne me réfère qu’à l’acte homosexuel (et aux couples homosexuels en tant qu’actes) pour dire cela. Dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi, et plus précisément dans l’émission italienne Porta A Porta, la sociologue Maria Burano avance un constat que personne n’arrive à contre-carrer, même s’il est politiquement incorrect : en prenant exemple de la chute de l’Empire Romain, elle dit : « Une société d’homosexuels s’éteindrait. L’Histoire nous l’apprend : la période de déclin de différents peuples correspond à celle où l’homosexualité devient prépondérante. » En des termes cette fois plus alarmistes, je citerai pourtant aussi la prédiction de Chekib Tijani dans son essai 700 millions de GEIS (livre retiré de la vente, en 2010) : « Imaginons quelques instants le chaos dans lequel plongerait l’humanité si la moitié féminine de la population du monde se refusait à la moitié masculine. Ne serait-ce pas là un désordre fondamental pour la population masculine du monde entier ? C’est un tel désordre que vit la population gei face à la population hétérosexuelle qui se refuse à elle. » (p. 68) Oui. Ne faisons pas les autruches. La pratique de l’homosexualité ne provoquera pas la fin du monde, ne signera pas directement l’extinction de la race humaine (Nous, personnes homosexuelles, ne sommes pas les fossoyeurs de l’Humanité, je vous rassure), n’empêchera pas les Hommes de se perpétuer. Simplement, force est de constater qu’elle freine l’élan de vie de Celle-ci, et qu’elle est le signe – à défaut d’être la cause ou la conséquence – d’un monde qui se recroqueville sur lui-même (et sur le même !), qui rejette la différence (la différence des sexes en premier lieu : ce n’est pas la moindre !), qui broie du noir, qui s’entretue et qui ne vit pas en paix. L’entre-deux-guerres homosexuel qui a pondu le nazisme devrait nous rafraîchir la mémoire et nous alerter…

 
 

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Code n°60 – Espion homo (sous-code : Voyeur / Enfant spectateur du coït)

Espion

Espion homo

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Espionne, et t’es toi !

 

L’homosexualité, fruit et signe d’un voyeurisme social généralisé ? Assurément, mon capitaine !

 

Cela a déjà été remarqué depuis un moment dans l’œuvre de l’écrivain français Marcel Proust, cette tendance à espionner et à mettre en scène dans ses romans des personnages qui regardent par les trous de serrure, qui observent jalousement la vie intime des autres. Mais la figure de l’espion homosexuel n’est pas propre à l’univers proustien. On la retrouve dans énormément de créations artistiques homo-érotiques : la plupart des héros homosexuels jouent le rôle d’espion, écoutent aux portes, violent des secrets et des intimités, ont les yeux fixés sur l’assiette du voisin plutôt que sur la leur.

 

Ceci n’est pas qu’un cliché. Beaucoup de personnes homosexuelles réelles exercent le « métier » d’espion, ou usent et abusent des intrusions visuelles dans la vie privée des autres. Il suffit de nous remémorer les nombreux regards à la fois fuyants et girouette de tous ces individus homos qui, en bons paranos ou en pros de la curiosité malsaine, fouillent partout des yeux, trop inconscients qu’ils sont d’avoir l’impression d’être continuellement observés ; et je rajouterai à ces voyeurs réels le long cortège des photographes, cameramen, et journalistes homosexuels qui satisfont leur voyeurisme derrière un objectif de caméra et l’excuse de l’art. L’omniprésence du voyeur gay, en plus de nous indiquer l’existence d’un fantasme de viol/vol intrinsèque à l’homosexualité, nous montre que le désir homosexuel est né de la violation de la différence des espaces, une différence qui compose l’un des 3 rocs du Réel (avec la différence des générations et celle des sexes), et qui garantie la juste distance relationnelle entre vie publique et vie privée pour le « bien vivre » d’une société.

 

Pourquoi les personnes homosexuelles sont davantage utilisées comme espions que les autres ? (et l’Histoire humaine le prouve : rien qu’en temps de Guerre Froide, dans le milieu informatique, les Russes cherchaient des espions dans le « milieu homosexuel » pour infiltrer les États-Unis) Parce qu’elles ont appris l’art de la dissimulation depuis toutes petites. Parce qu’elles sont à la fois fragiles (donc facilement manipulables et discrètes) et rusées (elles glissent dans les interstices, mènent une double vie). En effet, qui se méfie de la personne blessée, ambiguë et séductrice ? Qui peut se douter que le coup de Trafalgar viendra d’elle et qu’elle se trahira elle-même « par amour » ? Un bon espion est quelqu’un qui à un moment donné est traître à lui-même. Les ressorts homophobes du désir homosexuel sont donc parfaits pour le rôle !

 

La phobie de la sexualité

 

Il est curieux de voir que la tendance au voyeurisme homosexuel vient généralement soit d’un viol connu dans l’enfance, soit d’une image blessée de la sexualité intime. Ce qui l’illustre le plus explicitement sont les scènes cinématographiques où sont montrés des enfants observant un viol, ou bien un adulte forcé d’être témoin d’un coït entre une femme et homme. Dans les films homo-érotiques, la figure du voyeur homosexuel regardant une scène de fornication revient très souvent. Et il finit par être pris à son propre jeu (le code « Espion » est éminemment lié à celui du « Voyeur vu », consultable aussi dans ce Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

L’enfant-voyeur se retrouve face au sexe (qu’il croit) violé. Il symbolise ce tiers exclu du spectacle coïtal, ce dernier s’organisant souvent comme une image de guerre dans le pire des cas (Bruce Chatwin, par exemple, affirme, concernant ses parents, que son « enfance fut la guerre et le sentiment de la guerre » ; cf. l’article « Apuntes biográficos » de Bruce Chatwin, sur le site www.islaternura.com), au mieux comme un fantasme de viol fascinant. Les personnes homosexuelles ont rarement résolu leur complexe d’Œdipe, et en veulent à leurs parents (réels et surtout symboliques/télévisuels) de les avoir trahies, abandonnées, ou de leur avoir imposées une intimité qui ne les regardait pas. Elles ont pu les surprendre en train de faire l’amour sans Amour, et sont repartis dégoûtées du sexe en croyant le connaître. « D’où naît l’angoisse devant la scène primitive ? De la démesure d’une sexualité incompréhensible à l’enfant, de l’excitation qui l’assaille, de ce que les parents s’en mêlent… L’exclusion de la scène signe l’amour trahi. Au commencement était la trahison. » (Dominique Scarfone, De la trahison, 1999) Leur désir homosexuel nous dit que les fantasmes de l’inceste et du viol n’ont pas été intégrés par elles. Or, comme l’écrit Jacques André, « pour être vraiment libre et heureux dans sa vie amoureuse, il faut s’être familiarisé avec la représentation de l’inceste » (Jacques André, « Le Lit de Jocaste », dans son ouvrage collectif Incestes (2001), p. 19) et la violence naturelle inhérente à toute sexualité humaine.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Voyeur vu », « Témoin silencieux d’un crime », « Voleurs », « Amant modèle photographique », « Lunettes d’or », « Femme et homme en statues de cire », « Homme invisible », « Fan de feuilletons », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Photographe », à la partie « Télé voyeuriste » du code « Passion pour les catastrophes », à la partie « Trahison » du code « Homosexualité noire et glorieuse », et à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le voyeur ou l’espion homosexuel :

Film "Hable Con Ella" de Pedro Almodovar

Film « Hable Con Ella » de Pedro Almodovar


 

Dans la production artistique homosexuelle, l’espion est véritablement un leitmotiv : cf. la chanson « L’Espionne lesbienne » d’Ange, le film « Secret Défense » (2008) de Philippe Haim (avec l’agence qui recrute des espions gays), le film « Les Espions » (1928) de Fritz Lang, le film « Le Fouineur » (1969) d’Ettore Scola, le film « Les Enfants de chœur » (1973) de Duccio Tessari, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec Omar regardant par le trou de la serrure, ou bien Emmanuel spectateur involontaire d’un couple qui nique juste à côté de lui), le film « Justine » (1968) de George Cukor, le film « Infernal Affairs » (2003) d’Andrew Lau et Alan Mak, le film « La Blonde défie le FBI » (1966) de Frank Tashlin, le film « Nisha, The Mark Of The Cow » (2008) de Lilium Leonard (avec l’espionne indienne), le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar (avec le personnage de Ramón, filmant y compris ses propres ébats sexuels), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar (avec le personnage d’Ángel), la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis (avec Jean-Marc, l’infiltré homosexuel), le film « Youchai » (« Le Facteur », 1994) d’He Jianjun, le roman La Mélancolie du voyeur (1985) de Conrad Detrez, le film « La Lettre du Kremlin » (1969) de John Huston, la mini-série Cambridge Spies (2003) de Tim Fywell (diffusée sur la chaîne BBC), le film « OSS 117, Le Caire nid d’espions » (2005) de Michel Hazanavicius, le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe (avec le duo de flics se déguisant en couple gay pour effectuer ses filatures « discrètement »), le film « Dirty Love » (2009) de Michael Tringe, le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp, le film « Gay Secret Agent » (2006) avec Brendan Fraser, Film « The Game Of Juan’s Life » de Joselito Altarejos, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le film « Je suis curieuse » (1967) de Vilgot Sjöman, le roman Piège pour un voyeur (1969) de Michel Journiac, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « Another Country » (1984) de Marek Kanievska, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Mes funérailles à Berlin » (1966) de Guy Hamilton, le roman Mes débuts dans l’espionnage (1996) de Christophe Donner, le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine (avec les amants homosexuels s’espionnant mutuellement dans l’église), la pièce Le Frigo (1083) de Copi (dans la mise en scène d’Érika Guillouzouic, en 2011, l’homosexuel est figuré comme un agent double), le film « She Must Be Seeing Things » (1987) de Sheila McLaughlin, le vidéo-clip de la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer (avec les naines religieuses curieuses et regardant par les trous de serrures), le film « La meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller (avec le personnage homo de Philippe), le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz (avec le personnage de Mathieu), le film « Les Terres froides » (1999) (toujours de Sébastien Lifshitz), le film « La Maison de la 92e rue » (1945) d’Henry Hathaway, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec le personnage de Paul, présenté comme un voyeur), le film « Le Conformiste » (1970) de Bernardo Bertolucci (avec le personnage de Marcello), le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar (traitant précisément sur le thème du voyeurisme), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les bourreaux homosexuels observant les tortures aux jumelles), le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec l’espionne Léni), le film « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock (avec Norman Bates regardant à travers les trous des murs, et observant Marion Crane dans sa chambre), le film « Friends And Family » (2001) de Kristen Coury, la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec Carmen, l’élève intrusive espionnant la vie de sa prof Julia), le film « Le Policier de Tanger » (1996) de Stephen Whittaker, le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, le film « Top Secret » (1952) de Mario Zampi, le film « Le Bal des espions » (1960) de Michel Clément, le film « Amours particulières » (1969) de Gérard Trembaciewicz, le film « Le Grand Blond avec une chaussure noire » (1972) d’Yves Robert, le film « Madame Wang’s » (1981) de Paul Morrissey, le film « Au-delà des lois » (1996) de John Schlesinger, le film « Zoolander » (2003) de Ben Stiller, le film « Spionage » (1955) de Franz Antel, le film « Espion, lève-toi » (1981) d’Yves Boisset, le film « Aishite Imasu 1941 » (2004) de Joel Lamangan, le film « La Croisière » (2011) de Pascale Pouzadoux (avec Raphaël, qui se travestit en femme, pour espionner sa femme à bord d’un bateau de croisière), le film « My Loving Trouble 7 » (1999) de James Yuen, la pièce Les Z’Héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys (avec Tamplethorn, l’espion gay), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec la figure d’Ilse, l’espionne allemande), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec Wilma, le travesti-espion), le film « Ghosted » (2009) de Monika Treut (où Mei-li est une mystérieuse journaliste qui suit Sophie Schmitt), le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec le personnage de Cal – interprété par James Dean – qui espionne par jalousie son frère Aron et sa future femme Abra), le film « Hard Focus : Eavesdrop » (1988) d’Hisayasu Sato, le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza (avec le personnage lesbien de Juliette, qui espionne sa prof Mme Solenska), la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (avec le personnage d’Archie), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Ernesto, la figure du voyeur), le film « Smooth » (2009) de Catherine Corringer (avec le photographe voyeuriste), le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec Robbie, le voyeur à la fenêtre), le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger (avec le geek matant son cousin), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand (avec Noémie, la femme-espionne en noir, qui à la fin conclut qu’« elle n’a plus le look d’espionne »), la chanson « L’Espionne lesbienne » d’Ange, la chanson « Espionne » de Catherine Lara, la série Cat’s Eyes (2024) de Michel Catz (avec Alexia, l’espionne lesbienne) ; etc.

 

Film "Garçon stupide" de Lionel Baier

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

Il est très fréquent que le héros homosexuel se présente comme un voleur d’images, un violeur oculaire : « Jess, t’es beaucoup trop curieuse. T’as pas le droit de faire ça. » (Jessica, le héros transsexuel M to F se parlant à lui-même tout en lisant le courrier de Jean-Louis, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Je suis un ancien Seigneur, je suis devenu voyeur ! » (Pédé, le héros homo de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je suis l’œil indiscret caché derrière vos enceintes […] j’arrache les vêtements, taillade la peau, je creuse jusqu’aux chairs, je dissèque, dépèce, sépare […]. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, pp. 15-16) ; « Qu’est-ce que j’ai pu t’espionner tout le temps qu’on était ensemble ! » (Luc s’adressant à son amant Jean-Marc, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; « L’amour est un luxe qu’une espionne ne peut s’offrir. » (Molina, le héros homosexuel du film « Le Baiser de la Femme-Araignée » (1985) d’Héctor Babenco) ; « Je vis avec 007. » (Stéphane, le héros homosexuel parlant à sa meilleure amie lesbienne Florence à la troisième personne du singulier, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Avant, on avait le Sida. Maintenant, on a des psychopathes ou des espions qui peuvent nous violer. » (Xav dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Je regarde dans l’œil de la porte. » (Zize, le travesti M to F du one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Par le trou de la serrure je ne peux zieuter que l’armoire à bouquins : je colle une oreille contre la porte. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 28) ; « Il en profitait pour dérober un regard, discrètement, lors des cours. Mais au vestiaire, lors des douches, il épiait de loin. » (Marcel, l’un des héros homos du roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 18) ; « À cette époque-là, dans les vestiaires, j’avais 10/10 à chaque œil. » (Benoît, l’homosexuel de la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Je mets mon œil au trou de la serrure, mais, placée comme elle est, je ne vois que ses joues d’un beau rose. » (Alexandra, la narratrice lesbienne parlant de sa servante et amante Marie, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 17) ; « Je venais encore de m’engueuler avec Will. Il passait son temps à mater. » (Matthieu en parlant de son « ex » Will, particulièrement infidèle, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « J’aime voir ce que font les gens qui se croient seuls. Parfois, j’espionne ma sœur dans sa chambre. Je la regarde dormir. » (Tommy dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Jane guettait surtout des bruits dans l’appartement voisin, mais il régnait chez les Mann un silence de mort, et même en collant son oreille aux murs au beau milieu de la nuit, elle n’avait rien perçu. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 103) ; « Je restais regarder mes camarades dans les vestiaires, se tripotant. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Le voyeur peut s’installer. » (Hugues, homosexuel, parlant de lui-même au sauna, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; etc.

 

Ce voyeurisme inquiète, bien sûr, l’entourage du protagoniste homo, voire même en premier lieu son/ses amant(s) : « Tu m’as suivie ?? T’es complètement tarée. » (Sarah s’adressant à son amante Charlène, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; « Est-ce que t’as une vague notion de la vie privée ? » (Julien s’adressant à son compagnon Yoann, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Pourquoi vous vous mêlez toujours de tout ? » (Antonietta s’adressant à son ami homosexuel Gabriele, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; « Je pense que j’étais destiné à me mêler des affaires des autres. » (Simon, le héros homo, s’adressant à Lyle qui lui dit qu’il « voit tout », dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Je sais jamais si t’aimes bien être avec moi ou si tu me fliques. » (Jean-Marie s’adressant à son ex-amant Jacques, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc. Dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, on nous signale par écrit que « le corbeau blanc » est une expression employée pour désigner « quelqu’un qui est différent des autres ».Vitaly Strizhevsky, l’agent du KGB, est un fac simile de Constantin Sergueïev, l’amant et mécène du danseur Rudolf Noureev ; et pour exercer son emprise, il le fait suivre en filature et le jalouse : « Surveillez-le ! » lance-t-il à ses agents.

 

Film "You Belong To Me" de Sam Zalutsky

Film « You Belong To Me » de Sam Zalutsky


 

Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur gay, a la manie d’écouter aux portes. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, le héros homo allemand, agit en espion venant s’introduire dans le quotidien de la famille de son amant décédé Oren, à Jérusalem. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homosexuel, pour élucider un meurtre homophobe, joue aux espions, secondé par son amant Vlad (qui finit par l’espionner aussi!). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Franck demande à sa femme Vanessa de « faire le guet. Comme elle ne comprend pas, il précise : « Le guet de ‘guetter’. Pas le gay de ‘Gay Pride’ ! » Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno, l’un des héros homosexuels, se compare à des jumelles de vue. Dans le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, l’héroïne observe par le trou de son mur sa voisine noire faisant sa toilette dans sa salle de bain. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Steeve espionne Stuart et le suit en filature. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Paul suit son copain Jack en filature, et le surveille sans arrêt. Dans le film « My Name Is Hallam Foe » (2008) de David Mackenzie, Hallam n’a de cesse d’espionner les autres avec ses jumelles. Dans le roman À la recherche du temps perdu (1913-1927) de Marcel Proust, le baron Charlus se fait passer pour un espion allemand souhaitant passionnément la victoire de l’Allemagne ; on peut également pensé à la scène où Marcel épie Charlus devant la maison Vinteuil. Dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud, Marina, le travesti, rêve de devenir « agent secret ». Dans le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné, Avril, le complice et l’amant de Lacenaire, devient voyeur d’un meurtre. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Sidney, homo, met un micro dans la culotte d’Elton John pour le surveiller ; et il possède des accessoires d’espionnage, comme par exemple un stylo-scanner. Dans le roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc, un comédien part en voyage à Cologne pour retrouver son amant disparu qu’il espionne derrière un masque. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, le capitaine Dickson appelle toujours ses deux agents Schmidt et Jenko « les filles » ou « les lopettes ». Et les autres personnages confirment leur homosexualité : « C’est Schmidt la pédale ! ». Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna suspecte Kanojo de mater ses fesses : « Je suis sûr que t’as fait ça pour regarder. » Kanojo n’assume pas : « Cette fois, c’est un hasard. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, suite à son mariage homo, Ben, qui a violé ainsi la différence des sexes, se retrouve à violer la différence des espaces en logeant chez la famille de son neveu Elliot, forçant celle-ci à se serrer et à perdre son intimité. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Il élabore une thérapie intrusive, le « Deep in your house », par laquelle il cherche à vivre un couple homosexuel à trois. Il finira même par coucher avec Arnaud à l’insu de Benjamin. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, vole des fourchettes dans l’hôtel mexicain où il séjourne. Il demande malicieusement à son amant et guide Palomino : « Le vol est pire que le voyeurisme ? » Dans le film « Embrasse-moi » (2017) d’Océane Rose-Marie et de Cyprien Vial, Cécile se tient en équilibre à la verticale, et hurle juste avant de s’écrouler, à la vue de Océane Rose-Marie qui l’espionne derrière un fourré. Dès les premières images du film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, on voit le protagoniste homosexuel, Davide, regarder par le trou des interstices de ses miroirs. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, est voyeur et regarde son amant Dick avec des jumelles. La première fois qu’il l’observe sur la plage, il laisse échapper sa schizophrénie : « C’est mon visage. », tout en apprenant l’italien avec une méthode assimile. Après avoir tué Dick, Tom se fait passer pour lui. Et Freddie, un très bon ami de Dick, flaire peu à peu l’identité de Tom et veut lui tirer les vers du nez : « Tommy, alors comme ça on aime bien matter ? » Dans le film « Les Douze Coups de Minuit » (« After The Ball », 2015) de Sean Garrity, Kate, l’héroïne, sollicite les talents d’espion informatique de Maurice, son ami styliste homosexuel, pour l’aider. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, suit Léonard partout : sur la plage, à son travail (hôtel), au bowling, au cinéma. Ce dernier finit par s’en rendre compte : « Tu dois connaître mon compte Facebook, vu que tu m’espionnes ? ». Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, André, l’un des héros homos, regarde aux jumelles depuis le bureau de son entreprise un de ses collègues hétéros, Cyril, sur lequel il fantasme.

 

Film "Secret Défense" de de Philippe Haïm

Film « Secret Défense » de de Philippe Haïm


 

Le héros homosexuel, obnubilé par l’originalité dissidente, semble avoir trouvé dans le viol visuel d’intimité la forme la plus raffinée et la plus esthétique de sa singularité : « C’est l’œil de judas qui cligne, le nouveau péché original. » (un des comédiens de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, le personnage homosexuel de Jonathan Brockett, le dandy paranoïaque et incisif, est dépeint « avec des yeux vifs qui se collaient aux serrures des autres » (p. 308). Dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint Pol, le personnage d’Heinrich représente tout à fait la figure de l’espion gay dandy, du gentleman-cambrioleur « classe », qui va justifier le vol par l’esthétisme : « Je veux le [le Traité de Versailles] prendre avec des gants blancs. […] Je suis sûr que n’importe quel autre espion lui [Madeleine] aurait arraché son triste bien par la force, mais je ne suis ni un simple sbire ni un voleur à la tire : Ich bin zivilisiert. » (pp. 46-47)

 

Film "The Fluffer" de Richard Glatzer

Film « The Fluffer » de Richard Glatzer


 

Dans les fictions homo-érotiques, on remarque qu’il y a autour de l’espionnage comme une excitation frétillante, un fantasme érotique puissant, une complaisance vicelarde : « C’est ce gosse [en moi] qui en a profité. » (le voisin de l’immeuble payant Emmanuel pour qu’il se dénude devant lui, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré) ; « Ah, Pietro […] J’aurais dû te regarder vivre de loin, avec des jumelles, rester seulement un bon ami. Mais j’avais besoin de ton odeur comme cible de mon regard, l’as-tu jamais compris ? » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, pp. 23-24) Le héros gay fait « son intéressante » en rentrant dans un rôle d’espionne, bref, en jouant « sa grande folle perdue » qui cache mal sa collaboration : « La jeune voleuse sait exactement où elle doit se placer pour trouver la bonne bouche d’égout. […] Experte, elle arrive à entrer sans trop de difficultés au royaume des rats. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 164) ; « Pour certains, je suis une espionne dont il faut se méfier. » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 105) ; « Je suis la maîtresse d’un espion, d’un traître, d’un ennemi ! » (Madeleine parlant de son amant allemand Heinrich, op. cit., p. 78) ; « J’étais en mission y’a pas longtemps, commanditée par la CIA. » (Charlène Duval, le travesti M to F dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval) ; « Fille de joie au bois… depuis 30 ans. Et le reste du temps, détective. » (David Forgit, le travesti M to F du one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; « Je suis comme un espion industriel. » (Jean-Marc, infiltré des Virilius, et l’un des héros homosexuels de la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; etc.

 

Derrière l’espionnage, il y a une grande peur d’être peu aimé, de perdre son amant, peur qui peut se traduire par un viol d’intimité et une agression réelle. Par exemple, dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Helena fouille dans les affaires de son amante Sigrid, par peur de la perdre et qu’elle lui échappe. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne a fait son caprice pour avoir comme jouet de Happy Meal au restaurant Mc Donald’s des jumelles pour scruter de près sa meilleure amie lesbienne Marie : « Trop bien ! Je vois les pores de ta peau ! » Ça saoule Marie : « J’en ai marre de tes conneries de gamine. » Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, le docteur Bosmans veut voir le couple Jean/Henri forniquer et leur prépare leur petit nid d’« amour » en anesthésiant Jean. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane suit en filature son amant Vincent qui lui fait des infidélités extra-conjugales : « Je vous ai suivis tous les deux. »

 

Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, a pour mission de « décrypter les messages allemands » diffusé par le programme de guerre nazi Enigma. Il fait partie du Top Secret Program de Bletchley. Mais il ne s’assume pourtant pas espion : « Je ne suis pas un espion ! » s’insurge-t-il contre Stewart Menzies qui ne le croit absolument pas : « Vous détenez plus de secrets que la plupart des espions. » Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès que Rana, chauffeuse de taxi, découvre la transsexualité de sa passagère intersexe F to M Adineh, elle l’accuse comme par hasard d’espionnage : « T’es un espion ?! » Plus tard, Adineh avoue avec ironie : « J’ai mes propres espions. Je suis la fille de mon père. »
 
 

b) L’enfant voyeur :

Film "Le Masseur" de Brillante Mendoza

Film « Le Masseur » de Brillante Mendoza


 

Il est fréquent de retrouver dans les fictions homo-érotiques la scène du personnage homosexuel (généralement un enfant) observant, en espion, un couple – ses parents réels ou pornographiques – en train de copuler : cf. le film « Knock At The Door » (2000) de Frédérique Joux, le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron, le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, les films « Mes parents un jour d’été » (1990), « X2000 » (2000), et « Swimming Pool » (2002) de François Ozon, le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, le film « L’Amour violé » (1978) de Yannick Bellon, le film « W » (1998) de Luc Freit, le film « Puta De Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria, le film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Faites comme si je n’étais pas lui » (2001) d’Olivier Jahan, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume, le roman El Martirio De San Sebastián (1917) d’Antonio de Hoyos (avec le personnage de Silverio), les dessins de Roger Payne (avec la figure récurrente du voyeur observant un coït), le film « Afrika » (1973) d’Alberto Cavallone, le film « Une femme, un jour… » (1974) de Leonard Keigel, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (avec Ernest), le tableau Voyeurs (2006) de Manuel Richard, le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne (avec l’enfant observant le meurtre sexuel dans la forêt), le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer, le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques » (1943) de Luchino Visconti (avec la gamine regardant par le trou de la serrure ce qui se passe dans la chambre de Gino), le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Freude » (2001) de Jan Krüger, le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa (avec le couple hétéro qui s’embrasse avec indécence devant le couple homosexuel dans l’ascenseur, avant de s’infliger une grosse trempe), le film « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, le film « Pas de printemps pour Marnie » (1964) d’Alfred Hitchcock, le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler (avec Mary, l’enfant-voyeur), le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari (avec le flic en train de suivre d’un œil le coït homo des protagonistes dans les docks new-yorkais), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo (avec Lala, l’enfant qui regarde un coït), etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, le père Raymond avoue, par rapport au beau couple de ses parents « qu’il s’en sentait exclu » : « Ils se sont embrassés sur la bouche devant moi. ». Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, Philibert regarde des films pornographiques. Dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Alice fait semblant de dormir et espionne Julien et Fred en train de coucher ensemble. Dans le téléfilm « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen, Alain symbolise tout à fait l’homosexuel accidentellement voyeur puisqu’au moment où Marc tente de violer Babette, il s’interpose et se retrouve pris en sandwich entre les deux hétéros, en devenant pour le coup le témoin privilégié du viol entre la femme-objet et l’homme-objet. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, rentre de force dans une boîte échangiste et tombe sur une femme qui se fait pénétrer par des hommes, et qui l’oblige à prendre part à la sauterie : « Viens participer au lieu de regarder ! » Dans la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, John, la femme lesbienne, se retrouve coincée également entre l’homme-objet (Elvis Presley) et la femme-objet (Marilyn Monroe). Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel, est hypnotisé par le corps nu de Jean, et regarde le couple Elisabeth et Jean nus. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène (l’héroïne lesbienne), blasée et dégoûtée, entend son père et sa mère forniquer, alors même que ces derniers sont en rupture. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le jeune héros homosexuel de 14 ans, pénètre dans un cinéma projetant des films pornos hétérosexuels… mais où il n’y a que des homos bisexuels qui matent. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homo, observe l’homme qu’il aime faire l’amour dans un bateau avec une femme, Marge, en forçant un peu la main à celle-ci. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, fait un cauchemar où il voit son amant Kevin sodomiser Samantha. Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo entend ses parents baiser non loin de lui pendant son sommeil.

 

Le personnage homosexuel, parce qu’il a vu les gestes de l’Amour pratiqués sans Amour, finit souvent par confondre la violence avec l’Amour : « Je me suis collée l’oreille contre leur porte. Je savais qu’il fallait pas que je regarde. Mais je les ai vus ! Je les ai vus ! Maman se débattait. Jamais j’oublierai leur face ! » (Manon racontant son douloureux souvenir d’enfance où elle a vu ses parents forniquer, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Je pensais que la fornication est la cause directe de la naissance et que la naissance est la cause directe de la souffrance et de la mort. J’en étais arrivé à un point où, sans mentir, je considérais la fornication comme une agression et même une cruauté. » (Ray Smith dans le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, p. 51)

 

Sa vision de l’Amour et de la Beauté de la sexualité en est en général durablement altérée et abîmée. « Quand j’étais petit, mes parents faisaient l’amour devant moi. J’ai même dormi nu sous ma mère. Alors avec ça, dans la vie, t’es bien barré. Je devais être prédisposé. Je regardais toujours mon père se déshabiller. Jamais ma mère. Heureusement. » (Jacques Nolot dans son propre film « La Chatte à deux têtes », 2002)

 

Par exemple, au début du film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, on voit Roberto, l’un des héros homosexuels, observer par la fenêtre des couples hétéros faire l’amour lors d’une beuverie… comme pour montrer que l’homosexuel fictionnel est l’enfant du porno, et du manque d’amour entre les couples femme-homme.

 

Dans le film « Le Français » (2015) de Diastème, c’est au moment où Marc rentre dans la chambre d’un de ses potes Marvin en train de « niquer » une fille et de les observer que celui-ci le suspecte comme par hasard d’homosexualité : « T’es pédé ou quoi ? »
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le voyeur ou l’espion homosexuel :

Film "Poltergay" d'Éric Lavaine

Film « Poltergay » d’Éric Lavaine


 

Il suffit de taper sur les moteurs de recherche Internet « espion gay » ou « espionne lesbienne » pour tomber sur une multitude de liens donnant accès à des sites pornos homos, et réaliser que la figure du « mateur » homosexuel ou de l’espion gay est omniprésente dans la fantasmagorie homo-érotique. Je vous renvoie également à l’essai Sodomitas (1956) de Mauricio Carlavilla, au Journal intime (2008) de Jean-Luc Lagarce, à l’essai L’Espion et l’enfant (2016) de Ian Brossat, au documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture, Inside » (2014) de Maxime Donzel (avec le dessin d’un voyeur homo regardant avec un téléscope), à toute l’imagerie homosexuelle rattachée aux films de James Bond (la James Bond Girl, l’ambiguïté et la préciosité des « méchants », le sex appeal ultra-masculinisé du héros, etc. ; par exemple, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, la sensuelle Varia Andreïevskaïa est présentée comme « une espionne russe digne d’un vieux James Bond », p. 66). Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Celia se déguise pour la soirée costumée en souris, mais ressemble finalement à Catwoman, « une espionne volant les bijoux des femmes des beaux quartiers ». Je rappelle, comme une anecdote signifiante, que le nom initial que s’était choisi le groupe de rock français Indochine était « Les Espions ».

 

Film "Antes Que Anochezca" de Julian Schnabel

Film « Antes Que Anochezca » de Julian Schnabel


 

Beaucoup de critiques (parfois homosexuels eux-mêmes) constatent le lien très proche entre voyeurisme/espionnage et homosexualité : « Wahrol, c’était LE voyeur type. » (Zouzou interviewé dans le documentaire « Sex’N’Pop, Part I » (2004) de Christian Bettges) ; « Sébastien a l’œil sur tout. » (la voix-off parlant de Sébastien, un homme homosexuel de 43 ans, interviewé dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013) ; etc. Par exemple, dans son essai A Lover’s Discourse (1979), Roland Barthes qualifie le roman Sodome et Gomorrhe (1921) de Marcel Proust de « roman voyeur » (p. 26) car le narrateur est un espion et regarde toujours à travers des trous de serrure. Dans ma propre expérience, je vois également combien les cancans, les « histoires », vont bon train dans les sphères relationnelles homosexuelles : sans exagérer, la communauté LGBTI me fait parfois penser à un repère de concierges facebookiennes, où la médisance et le ragot voyeuriste viennent nourrir les trois-quarts des discussions entre ami(e)s (pour pallier à la vanité des échanges !), où l’espionnage est même une pratique amoureuse très courue (certains sont les pros de la création de profils parallèles bidon pour surveiller leur amant !). Non seulement les adeptes homosexuels des potins people bon marché s’auto-proclament gossip girls, mais en plus, certains se soulagent la conscience en généralisant leur voyeurisme à la planète entière : « Vous voulez tout savoir, ne dites pas le contraire… » (cf. le slogan du site du chroniqueur radiophonique homosexuel Andreï Olariu)… genre : « Y’a pas que nous à aimer ça ! On va faire de vous tous des curieux et des voyeurs, de gré ou de force ! » Rien d’étonnant que beaucoup de personnes homosexuelles aient élu domicile dans le centre du voyeurisme démocratisé mondial qu’est Twitter !

 

Film "Le Sang d'un Poète" de Jean Cocteau

Film « Le Sang d’un Poète » de Jean Cocteau


 

Certains artistes homosexuels se valent de l’excuse de l’art pour, à travers les métiers de photographe ou de cinéaste, satisfaire discrètement leurs appétits voyeurs : « La caméra est l’œil le plus indiscret au monde. » (Jean Cocteau dans le documentaire « La Villa Santo Sospir », 1949) ; « Moi, en filmant, je suis un pervers polymorphe ! Je veux me mettre dans la peau et le désir de l’homme qui aime les petites filles… » (le cinéaste François Ozon dans l’entretien de Philippe Rouyer et Claire Vassé, « La Vérité des corps », pour la revue Positif, n°521/522, juillet/août 2004, p. 42) ; « Je suis un voyeur. » (le réalisateur Jean-Daniel Cadinot, cité dans l’article « L’Univers Cadinot » d’Olivier Varlet et Jean-Noël Segrestaa, sur la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 63) ; « Mec, je me sens comme un espion en milieu ennemi. » (la comédienne transgenre F to M dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems) ; etc.

 

Par exemple, en parlant de son film « Les Parents terribles » (1948), Jean Cocteau dit de ses acteurs qu’ils sont des « fauves » et qu’il « met son œil au trou de serrure » pour les surprendre avec le téléobjectif (cf. le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky). Dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, le dramaturge argentin Copi, en août 1984, se définit lui-même comme « voyageur et voyeur » (p. 81) : « Je me retrouvai [en 1957], à l’âge de 16 ans, débarrassé des uns et des autres dans l’immense ville de Buenos Aires. Ayant appris quelques finesses de petit parisien, je me dédiai beaucoup à l’aventure sentimentale et au voyeurisme social. » (idem, p. 87)

 

Si on réfléchit bien, on constate que la majorité des personnes homosexuelles sont venues à l’homosexualité et ont vécu leurs premiers émois homosexuels par le voyeurisme, par la jalousie optique. « Petit déjà… Je sais maintenant d’où vient cette curiosité excessive que j’avais de zieuter les autres garçons dans les vestiaires de la piscine x). Faut dire aussi que les seules fois où j’ai joué au docteur, c’était avec des garçons. La curiosité, bien sûr. » (cf. le témoignage d’Erwan dans la rubrique « Déjàtoutpetit » de Yagg, publié le 7 février 2012) ; « Le mur extérieur du dancing où se passait le bal du carnaval avait des trous minuscules pour laisser passer l’eau qui pouvait s’accumuler sur la piste les jours de pluie. Je me suis couché sur le trottoir et j’ai utilisé ces trous comme des longues-vues. Je ne voyais que les pieds des danseurs. Je les voyais agrandis et dans leurs moindres détails. Ce qui me permet d’affirmer que, oui, la coiffeuse avait des cors aux pieds. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 168) Le désir homosexuel étant par nature un désir faible, compulsif, honteux de lui-même, et peu courageux, il était logique qu’il s’exprime « à la dérobée », de manière non-frontale, qu’il empreinte le passage étroit d’un trou de serrure ou de l’interstice des bonnes intentions esthétisantes : « Nous sommes arrivés à la plage pour nudistes si bien que Marc a pu se rincer l’œil tout à son aise. Il est notamment resté un bon moment en extase devant des éphèbes qui jouaient au volley sans un fil sur le corps. Pour un voyeur, le spectacle ne devait pas manquer d’être saisissant. » (Paula Dumont parlant de Marc, son meilleur ami gay, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 146) ; « À 5 ans, il commence à épier son voisin, Urho, un garçon de ferme solide et musclé, le premier de ses héros. » (Lionel Povert à propos du dessinateur Tom of Finland, dans son Dictionnaire gay (1994), p. 435) ; etc.

 

Il y a autour de l’espionnage comme une excitation frétillante, un fantasme érotique intense (et potentiellement violent, pulsionnel) : « Le personnage de Carlos Sanchez en avait marre de rester dans le buisson à espionner Lola. Et il décide de la violer à l’intérieur de son camion, sur une moitié de vache, étalée par terre, comme lit. Lola Sola se débat. Mais on comprend tout de suite qu’elle aime ça. Qu’elle aime un homme puissant. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 253) Je vous renvoie au lesbianisme latent qu’on peut observer dans une pub (anodine ?) comme Implicite Lingerie.

 

 

L’espionnage est parfois une activité que des membres de la communauté homosexuelle pratiquent réellement. Par exemple, Christopher Marlowe (1564-1593) fut au service secret de la Reine d’Angleterre. Le fameux Chevalier d’Éon chanté par Mylène Farmer dans sa chanson « Sans contrefaçon » n’est autre que Charles Beaumont, un espion dont la méthode d’investigation était le travestissement : « Le chevalier d’Éon : Né à Tonnerre en 1728 (il mourut en 1810), il fut dès son plus jeune âge constamment vêtu en fille. La légende prétend qu’il fut de longues années ‘l’ami’ de Louis XV. Devenu son agent secret, il accomplit une foule de missions (plus légendaires les unes que les autres) sous son déguisement de femme. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 163) ; « Être gay en Tchétchénie, c’est comme être un agent infiltré dans la mafia, ou un agent secret à la guerre parmi les ennemis. » (Azamat, Tchétchène homosexuel, dans le reportage « Chasse à l’homme en Tchétchénie » d’Élise Menand, Philippe Maire et Benoît Sauvage, diffusé dans l’émission Envoyé spécial sur France 2 le 23 novembre 2017). En Grande Bretagne, le groupe d’espions intellectuels homosexuels baptisé « Homintern » (W. H. Auden, Stephen Spender, Christopher Isherwood, E. M. Forster, Brian Howard, J. R. Ackerley, etc.) a défrayé la chronique dans les années 1930. Maurice Sachs (1906-1945) se déplaça en Allemagne nazie. Pendant la Guerre Froide, Anthony Blunt, Donald Mac Lean, ou bien Guy Burgess (les « Espions de Cambridge »), travaillèrent pour les services secrets soviétiques ; du côté des services secrets nord-américains, Hoover et Maccarthy se trouvèrent à la tête du FBI. Plus proche de nous, en 2005, Anton K et son copain Murat A. (plus connu sous le nom d’« Afrim »), ont créé au Kosovo un réseau d’informateurs, et ont travaillé avec la police secrète albanaise et macédonienne. Sinon, en mai 2007, en Grande-Bretagne, les célèbres organismes MI5 et MI6 (en charge de la sécurité intérieure et extérieure en Grande-Bretagne) publia des annonces d’offre d’emploi pour recruter des espions homosexuels afin d’élargir leur champ d’action. Aux États-Unis, Bradley Manning, un homme transsexuel de 29 ans « devenu une femme » et se prénommant désormais « Chelsea Manning », qui avait été condamné à 35 ans de prison en 2013 pour avoir espionné et fourni des renseignements confidentiels sur la guerre en Irak, a reçu une remise de peine du président Barack Obama le 20 janvier 2017, juste avant le départ de ce dernier de la présidence. Un geste présidentiel « à la Jacqueline Sauvage », totalement idéologique et démagogique, qui devrait nous inquiéter sur la véritable (et sinistre) identité d’Obama, et que quasi personne ne dénoncera.

 
 

b) Beaucoup de personnes homosexuelles ont été des témoins trop précoces de la sexualité adulte violente :

Plus profondément, le voyeurisme est une activité qui dit un mal-être ou un effondrement identitaire caché (quand on est mal dans sa peau, on s’image que tout le monde est témoin de notre humiliation !), ou encore un désir incestueux mal digéré (l’enfant se sent exclu de l’amour parental, de la « scène primitive » de sa propre conception : son père ou sa mère lui apparaît comme un rival qui l’a trompé parce qu’il/elle a osé coucher avec quelqu’un d’autre que lui !) : « Au milieu de parents ou amis, je me suis senti extérieur. J’ai vécu parmi eux en espion. » (Fernando Pessoa dans le documentaire « Pessoa l’Inquiéteur » (1990) de Jean Lefaux) ; « Claudette est une jumelle, homosexuelle active. Elle a toujours regretté d’être une fille. Elle prenait les jouets délaissés par son frère jumeau. […] Les tendances voyeuristes ont chez elle une grande importance. » (René Zazzo, Les Jumeaux, le couple et la personne (1960), cité dans l’article « L’identité sexuelle : pour quoi faire ? » de Jean-Marc Alby, Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 520) ; « Je crois que tu as menti, ce soir d’été. On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 165) ; « Il [Ernestito] me raconta qu’un soir, en rentrant tard, il avait vu, dans ce même autobus, un couple assis face à lui. […] Le couple était en train de faire l’amour. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p.172) Dans son essai La Psychanalyse des enfants (1932), Melanie Klein évoque justement « les sentiments primaires de frustration, de jalousie et de haine qui entourent la scène primitive ». Par exemple, dans le film « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, regarde un couple homme-femme par la fenêtre de l’immeuble d’en face, et qui commence les préliminaires de l’union amoureuse totale. Ça ne lui fait ni chaud ni froid.

 

Le voyeurisme est la marque d’un accès prématuré et violent d’une grande majorité des personnes homosexuelles à la génitalité, à la sexualité adulte. Beaucoup d’entre elles ont vu, à travers les films pornos notamment, ou bien à travers le manque d’amour et l’indécence de leurs parents biologiques, un amour violé. « En raison, donc, non seulement de la télévision qui me dérangeait mais surtout de la peur de dormir seul, je me rendais plusieurs fois par semaine devant la chambre de mes parents, l’une des rares pièces de la maison dotée d’une porte. Je n’entrais pas tout de suite, j’attendais devant l’entrée qu’ils terminent. D’une manière générale, j’avais pris cette habitude (et cela jusqu’à dix ans ‘C’est pas normal’, disait ma mère, ‘il est pas normal ce gosse’) de suivre ma mère partout dans la maison. Quand elle entrait dans la salle de bains je l’attendais devant la porte. J’essayais d’en forcer l’ouverture, je donnais des coups de pied dans les murs, je hurlais, je pleurais. Quand elle se rendait aux toilettes, j’exigeais d’elle qu’elle laisse la porte ouverte pour la surveiller, comme par crainte qu’elle ne se volatilise. Elle gardera cette habitude de toujours laisser la porte des toilettes ouvertes quand elle fera ses besoins, habitude qui plus tard me révulsera. Elle ne cédait pas tout de suite. Mon comportement irritait mon grand frère, qui m’appelait ‘Fontaine’ à cause de mes larmes. Il ne souffrait pas qu’un garçon puisse pleurer autant. À force d’insistance, ma mère finissait toujours par céder. […] En me rendant devant la chambre de mes parents ces nuits où, tétanisé par la peur, je ne trouvais pas le sommeil, j’entendais leur respiration de plus en plus précipitée à travers la porte, les cris étouffés, leur souffle audible à cause des cloisons trop peu épaisses. (Je gravais des petits mots au couteau suisse sur les plaques de placoplâtre, ‘Chambre d’Ed’, et même cette phrase absurde – puisqu’il n’y avait pas de porte –, ‘Frappez au rideau avant d’entrer.’) Les gémissements de ma mère, ‘Putain c’est bon, encore, encore.’ J’attendais qu’ils aient terminé pour entrer. Je savais qu’à un moment ou à un autre mon père pousserait un cri puissant et sonore. Je savais que ce cri était une espèce de signal, la possibilité de pénétrer dans la chambre. Les ressorts du lit cessaient de grincer. Le silence qui suivait faisait partie du cri, alors je patientais encore quelques minutes, quelques secondes, je retardais l’ouverture de la porte. Dans la chambre flottait l’odeur du cri de mon père. Aujourd’hui encore quand je sens cette odeur je ne peux m’empêcher de penser à ces séquences répétées de mon enfance. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 80-82) ; « Je suis arrivée au pensionnat à l’âge de 14 ans. J’étais très naïve. Et je me suis retrouvée très tôt face à ces problèmes. Et j’ai été choquée. Il ne se passait que ça autour de moi, et je ne voulais pas le voir. Et j’en étais choquée. Depuis la surveillante qui couchait avec la surintendante, jusqu’aux élèves qui partageaient ma chambre, il n’y avait que ça autour de moi. J’étais la seule à ne pas être informée et à ne pas trouver que c’était épouvantable. Je me suis d’autant plus braquée que je sentais confusément en moi une attirance. Mais je voulais absolument la nier. » (Germaine, femme lesbienne suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc. Et cette vision brutale du détournement des gestes d’amour en consommation a abîmé durablement dans leur cœur l’image de pureté de l’Amour vrai. Ceci est particulière visible par exemple dans les dessins homo-érotiques de Roger Payne, dans lesquels la figure de l’enfant-voyeur, sur lequel les fantasmes des adultes libertins bisexuels (et parfois pédophiles) sont projetés (ce voyeur « accidentel » est montré comme consentant, complice, agréablement surpris, complaisant), est récurrente. Le désir homosexuel, c’est l’innocence de l’enfant violée.

 

ESPION Payne 2

Roger Payne

ESPION Payne 3

Roger Payne

Roger Payne

Roger Payne

 
 

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Code n°61 – Éternelle jeunesse (sous-code : Peur de vieillir)

éternelle jeu

Éternelle jeunesse

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Vidéo-clip de la chanson "Lonely Lisa" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer


 

Le culte de l’éternelle jeunesse, particulièrement palpable dans le « milieu homosexuel » tant la date de péremption semble avoir été fixée à 25 ans, montre l’élan incertainement et fantasmatiquement incestueux et pédophile du désir homosexuel, quand bien même un certain nombre de personnes homosexuelles sont sûres et certaines de n’être attirées que par des individus mûrs et adultes (cf. je vous renvoie aux codes « Pédophilie » et « Parodies de mômes » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Il traduit en négatif une angoisse de la vieillesse. On entend celle-ci exprimée par beaucoup de sujets homosexuels, y compris chez ceux qui n’ont que la vingtaine. Même s’ils savent bien qu’il leur faudra à un moment ou un autre renoncer à finir avec un petit jeune de vingt ans, ils ne se défont pas de cette utopie pour autant. Chaperonner un éphèbe pré-pubère, ou se trouver un père de substitution à travers un amant, c’est un moyen détourné de faire le bain de jouvence du Pygmalion, mais aussi de revivre une jeunesse perdue en se substituant aux enfants.

 

La communauté homosexuelle tend de plus en plus à parler au nom des enfants, à se placer en valeureuse gardienne de leurs droits, surtout depuis les débats sur l’homoparentalité. Sa soudaine passion pour le monde juvénile frise parfois l’angélisme. Certains de ses artistes affectionnent les chœurs d’enfants et les superposent souvent à leur propre voix. Ils emballent l’enfance de papier rose bonbon anti-choc (« Il n’y a pas de drame dans l’enfance » affirme tout sourire Arturo Carrera, dans son poème « Roturas, Chatarra De Juguetes ») alors qu’on sait pertinemment qu’elle constitue un moment où les êtres sont plus fragiles qu’à l’âge adulte parce qu’ils doivent apprendre à se construire. Ce camouflage indique généralement un éloignement du réel, mais plus gravement un traumatisme identitaire et personnel vécu précisément dans l’enfance.

 
 

N.B. : Je vois également aux codes « Parodies de mômes », « Eau », « Conteur homo », « Petits Morveux », « Amant diabolique », « Se prendre pour Dieu », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Pédophilie », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Innocence », « Vierge », « Planeur », « Scatologie », « « Première fois » », et à la partie « Fixette sur un amant perdu et déifié » du code « Clonage », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La jeunesse éternelle :

Film "Wild Side" de Sébastien Lifshitz

Film « Wild Side » de Sébastien Lifshitz


 

Très souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel refuse de grandir, ou vénère une jeunesse angélique : cf. la chanson « Est-ce que tu viens pour les vacances ? » de David et Jonathan, le roman Toutes les filles son belles à vingt ans (2014) d’Andromak, les chansons « Plus grandir », « Dessine-moi un mouton », et « Et si vieillir m’était conté » de Mylène Farmer, les films « J’embrasse pas » (1991) et « Les Roseaux sauvages » (1994) d’André Téchiné, le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy (avec l’idéalisation de l’amitié d’adolescence), le roman La Sombra Del Humo En El Espejo (1924) d’Augusto d’Halmar, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec la figure christique du jeune Tadzio), le film « David’s Birthday » (« Il Compleanno », 2009) de Marco Filiberti (le jeune et beau David séduit Mateo), le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon (avec des images récurrentes d’un jeune enfant… sans doute des réminiscences du héros, Romain), le film « Wild Side » (2004) de Sébastien Lifshitz (avec les perpétuels flash-back sur la jeunesse du héros transsexuel), le roman Agostino (1944) d’Alberto Moravia, le roman La Confusion des sentiments (1927) de Stefan Sweig, le film « L’Été de Kikujiro » (1999) de Kitano Takeshi, le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, la pièce El Público (1930-1936) de Federico García Lorca (avec l’expression de l’angoisse du vieillissement), le film « Meteorango Kid, Heroi Intergaláctico » (1969) d’Andrés Luis de Oliveira, le film « Billy Budd » (1962) de Peter Ustinov, le film « Violence et Passion » (1974) de Luchino Visconti, le film « Oublier Venise » (1979) de Franco Brusati, le film « Le Portrait de Doriana Gray » (1975) de Jess Franco, le film « Morgane et ses Nymphes » (1970) de Bruno Gantillon, le film « Chuck And Buck » (2000) de Miguel Artera, le film « Prick Up » (1987) de Stephen Frears, le film « Kids Return » (1996) de Takeshi Kitano, le film « Murmur Of Youth » (1997) de Lin Cheng-sheng, le film « Ricky » (2009) de François Ozon (avec Ricky, le bébé doté d’ailes), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (avec l’un des titres de chapitre : « L’Enfant surnuméraire »), les tableaux d’Hannes Steinert (2007) (célébrant un retour à l’enfance), le film « The Boy Next Door » (2008) d’un réalisateur inconnu, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec la scène des bulles de savon dans la prairie), etc.

 

Le jeune Alexandre dans le film "Les Amitiés particulières" de Jean Delannoy

Le jeune Alexandre dans le film « Les Amitiés particulières » de Jean Delannoy


 

En général, le héros homosexuel idéalise complètement l’enfance : « Je suis fou des enfants. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 68) ; « Notre théorie c’est de sauver les enfants ! » (Jean-Marc, le héros homosexuel de la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Il n’y a pas de drame dans l’enfance. » (cf. le poème « Roturas, Chatarra De Juguetes » (1985) d’Arturo Carrera) ; « Rien ne vaut la jeunesse ! […] Rien n’est plus cher que la jeunesse ! » (la « Voix » à Jeanne, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « J’ai seize ans et je sais parfaitement ça, que d’avoir seize ans, c’est un triomphe. » (Vincent, l’un des héros homosexuels du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 14-15) ; « C’était l’enfance, le temps de l’innocence. » (Stéphane Corbin, Les Murmures du temps, 2011) ; « Je suis pubère. Dieu me préfère. J’veux mourir blond, avec une tête de p’tit garçon. Je veux mourir mince, ne pas me nourrir avant de mourir. Je veux rester jeune. » (Jean-Ba, l’enfant de chœur de 14 ans interprété par Didier Bénureau, dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Tu sais ce que j’aimerais ? Que tu ne grandisses pas aussi vite. » (Tessa s’adressant à sa fille Hache, la petite sœur de Rachel l’héroïne lesbienne, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Charles et moi, nous nous connaissions depuis la plus tendre enfance… » (Thomas, le héros homosexuel parlant de manière ambigu d’un ami défunt, dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields) ; etc. Par exemple, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Jean raconte qu’il se déguisait en Marie Ingalls de la série La Petite Maison dans la prairie quand il était petit. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homosexuel (le plus jeune du couple homo formé avec Georges), veut rester en enfance : « Pourquoi faut-il grandir, Adèle ? c’est si bon, l’enfance. »

 

Il se crée son petit monde imaginaire, fait de poupées, de loisirs, de jeux, de vacances, de films et de dessins animés, de danse : cf. le film « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le roman Nicolas Pages (1999) de Guillaume Dustan (dans lequel les pulsations de la discothèque sont comparées aux sensations prénatales de l’enfant dans le ventre de sa mère), le film « Partisane » (2012) de Jule Japher Chiari (la protagoniste lesbienne, Mnesya, écoute une boîte à musique), etc.

 

Film "15" de Royston Tan

Film « 15 » de Royston Tan


 

Par exemple, le film « Queens » (2012) de Catherine Corringer dépeint un monde où la sexualité est proche de l’enfance : un jeune homme est un arbre nourricier, un autre une poupée, une femme âgée est aussi une enfant. Dans la pièce Un petit jeu sans conséquence (2012) de Jean Dell et Gérard Sibleyras, Patrick, le héros homosexuel, joue avec ses jeux de plages. Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque affiche sa nostalgie des dessins animés (Candy, les Schtroumpfs, etc.) et des chanteuses pour enfants (Dorothée, Chantal Goya, etc.).

 

Parfois, le héros homosexuel est fasciné par un mobile enfantin suspendu au plafond : cf. le film « Le bon coup » (2005) d’Arnault Labaronne, le film « Fast Forward » (« D’un trait », 2004) d’Alexis Van Stratum, le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, le film « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier (avec la boule à facettes annonçant l’amour lesbien), le lustre hypnotisant se balançant dans l’arrière-scène du concert (2008) d’Étienne Daho, le film « The Prom Queen » (« La Reine du bal » (2004) de John L’Écuyer, etc.

 

Le personnage homosexuel se présente comme un être exceptionnel, un enfant à la maturité d’adulte, et/ou un adulte à la pureté enfantine. « Le haut de mon corps a 27 ans, et le bas, 17 ans. » (Wang Ping dans le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye) ; « Vous savez que mes seize ans ont déjà dit adieu à l’enfance tout en continuant – ainsi, on gagne sur les deux tableaux – d’offrir l’image de l’enfance. » (Vincent, le héros homosexuel de 16 ans, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 23) ; « Je parle d’un petit garçon et je dis que c’est mon frère. » (Heiko, le héros homosexuel s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « Je ne suis pas un enfant. » (Davide, le héros homosexuel de 14 ans, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; etc. Par exemple, dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, Bill est décrit comme un « bébé géant ». Le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta se présente comme un conte philosophique raconter par un enfant adulte, surdoué, visionnaire.

 

Très souvent dans les œuvres homosexuelles, l’âge est une tromperie : cf. le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec les quatre nains du cimetière, décrits comme des « enfants au visage de vieillards »), le roman Les Vieux Enfants (2005) d’Élisabeth Brami, etc.

 

Ce jeu sérieux sur la confusion des générations est particulièrement bien illustré dans l’œuvre du dramaturge homosexuel argentin Copi. En effet, rares sont les fois où ses personnages ont une claire idée de l’âge qu’ils ont, ou qu’ont les gens qui les entourent :

 

Jeanne – « Quand est-ce que tu cesseras d’être vieille ?

Louise – Vieille ? Je ne m’en étais jamais aperçue.

Jeanne – […] Depuis que nous sommes petites j’ai rajeuni de jour en jour, tandis que toi tu es restée toujours aussi vieille ! »

(Copi, La Journée d’une rêveuse (1968), pp. 36-37)

 

« C’était une Indienne de 12 ans mais elle avait la poitrine d’une femme de 20 ans. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 156) ; « Son tailleur bleu-ciel qui lui faisait paraître plus jeune à La Rochelle disparaissait ici à côté de l’affublement baroque de Jolie, qui devait avoir pourtant trente ans de plus qu’elle. » (cf. la description de Solange, op. cit., p. 167) ; « [Le Maire] pensa que Jolie de Parma avait à peine 50 ans. Elle en avait 60. Quant à Solange Soubirous, il lui en donna à peine 40. » (idem, p. 177) ; « Et il [Silvano] partit en courant vers le théâtre Odéon avec une agilité qui lui fit penser qu’il avait un corps de vingt ans. » (idem, p. 139) ; « Silvano […] crut qu’Arlette était une gamine. Ce n’est que le jour où il se rendit à la mairie pour déclarer Didier qu’il sut qu’elle avait 36 ans. » (idem, p. 106) ; « Elle était bien plus vieille que je ne le croyais. » (Ahmed à propos de Madame Ada dans la nouvelle « La Baraka » (1983) de Copi, p. 42) ; etc.

 
 

b) Le refus de vieillir :

L’idéalisation de la jeunesse et de l’enfance s’accompagne pour le coup d’une angoisse très forte, chez le personnage homosexuel, du temps qui passe et de la vieillesse : « La jeunesse est une drogue. Et je vois pas comment je pourrais m’en passer. » (Anne – interprétée par Muriel Robin – dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan) ; « Si je m’aperçois que je vieillis, je me tue ! » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1891) d’Oscar Wilde) ; « J’ai une ride de stress ! » (le Schtroumpft Coquet dans le film d’animation « The Smurf », « Les Schtroumpfs » (2011) de Raja Gosnell) ; « La jeunesse est la seule chose qui compte en ce monde. […] Que c’est triste. Je vais devenir vieux. » (Lord Henry, idem) ; « Il s’avéra que même si j’étais destinée à vieillir et à mourir, je pourrais avoir une jumelle, installée dans un satellite se déplaçant à la vitesse de la lumière, qui ne vieillirait pas au même rythme que moi. » (Anamika, l’héroïne lesbienne qui prétend rechercher « l’immortalité », dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 219) ; « Je supporte pas l’idée de vieillir. » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Ça devrait être interdit de vieillir. » (Saint Loup, le couturier homosexuel du film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot) ; « Premièrement, je n’ai aucun ride !!! » (Fred, le héros homosexuel de la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis) ; « Quel malheur que tu sois devenu vieux ! » (la Mère à « L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, p. 31) ; « Vous, Oiseaux-Comédiens, aidez-moi à franchir le miroir… de l’enfance perdue. » (Camarade Constance dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias) ; « Les pédés sont pires que les femmes. À 30 ans, ils pensent que c’est fini. Il n’y a pas que la beauté ! » (Michael, le héros homosexuel du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Comment te dire ? Je suis un vieux pantin en lendemain de fête, un vieux pantin entre les mains d’un enfant bête. » (cf. la chanson « En miettes » d’Oshen, Océane Rose-Marie, la lesbienne invisible) ; « C’est vraiment dégueulasse de vieillir. » (Henry s’adressant à Jonas, le héros homosexuel, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; « Plus il vieillit, plus il est aigri. » (Jean, homo, parlant de son co-équipier Joël, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; « Tais-toi… Hier soir, je me suis arraché cinq cheveux blancs… » (André, homosexuel, se désespérant de voir le temps qui passe, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; etc. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Todd, l’un des héros homosexuels, n’a qu’une ambition dans la vie : « Mourir jeune et joli. »

 

Par exemple, dans le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, Aschenbach regarde l’écoulement du sablier avec amertume. Dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, Héloïse, en voyant son corps d’enfant devenir adulte, crie à la « malédiction » (p. 362). Dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, l’angoisse de la vieillesse homosexuelle est clairement abordée. Dans le film musical « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, la phrase « vieille pédale pathétique ! », dirigée contre Toddy, est présentée comme la pire des insultes qui puisse être entendue par une personne gay. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Silvano s’imagine qu’en 2009 il aura 70 ans alors qu’il en sera plutôt à 100. Dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, « Lukas » – initialement Miriam – passe son temps à se scruter dans le miroir, s’imposant l’angoisse éternel du Dorian Gray. Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa dit son angoisse de la quarantaine : « Qu’est-ce qu’on a comme avenir quand on a passé la quarantaine ? » Le film « Circuit » (2001) de Dirk Shafer raconte l’histoire d’un prostitué terrifié à l’idée de vieillir. Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria, pile au moment où elle doit se mettre au théâtre dans la peau d’une lesbienne, Helena, attirée par la « jeunesse » de Sigrid au point de se suicider, éprouve un vertige par rapport à son âge vieillissant réel. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show, (2014), Shirley Souagnon regrette sa jeunesse : « Chuis fracassée. Chuis adulte. Chuis vieille. » Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, présente l’inconvénient de son métier : « Y’a le revers de la médaille : tu vieillis plus vite que d’habitude. » Il se rend chez un chirurgien pratiquant la « médecine esthétique » pour rajeunir. Dans la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust, le narrateur adulte, qui vit pourtant hors de sa sphère de conscience, joue à être un fœtus qui n’est pas encore sorti du ventre de sa mère : « Voilà. Je suis un vieux fœtus à présent. »

 

Vivant douloureusement le passage des années, certains personnages homosexuels décident de se suicider : « J’aurais dix-huit ans à jamais. » (Kévin, s’exprimant après son suicide, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 461) Par exemple, dans le film « Traitement de choc » (1972) d’Alain Jessua, un quinquagénaire homosexuel obnubilé par la jeunesse rentre dans un établissement de cure censé lui redonner jouvence et santé : « Ce traitement, c’est toute ma vie : je peux continuer de plaire, d’aimer, de rester jeune. » Il mettra fin à ses jours après avoir été chassé, faute d’argent.

 
 

c) Derrière l’idéalisation, il y a… :

Cette idéalisation de la jeunesse bute à un moment donné contre sa propre inconsistance, contre le Réel ; ou alors on découvre chez le héros homosexuel que le rêve de l’enfance a été brisé par un choc, un viol, une accélération trop prématurée vers le monde adulte, l’adolescence angoissée de la chenille qui craint de devenir papillon. Par exemple, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, un des personnages, âgé de 16 ans, et écrivant à son père pour lui annoncer son homosexualité, se définit comme un « enfant qui a poussé trop vite », qui n’a pas vécu pleinement son temps de l’enfance. Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, c’est juste après avoir frôlé le viol par trois racailles qui voulaient vivre « un plan » avec lui que Guillaume s’éclipse en chantant la fameuse comptine enfantine « Il était un petit homme, pirouette cacahouète ».

 

En général, le héros gay feint l’innocence enfantine quand il ne veut pas assumer ses actes honteux d’adulte, ou bien parce qu’il veut masquer sa haine de lui-même par le vernis de suffisance de la jeunesse conquérante qu’il serait le seul à incarner. « Je suis comme un enfant qui aurait grandi trop vite. Un être hybride, mi-enfant, mi-adulte. » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 48) ; « Il est temps que tu grandisses maintenant. Et va voir à quoi ressemble le vrai monde. » (le père d’Éric s’adressant à son fils homo Éric, dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn).

 

Très souvent dans les œuvres homosexuelles, la différence des générations est gommée, les rapports parents/enfants sont inversés ou érotisés : « Il faut que je me rende à l’autre bout de la ville pour le baby-sitting : personne n’a encore compris que c’était plutôt moi qui avais besoin de me faire garder. » (la narratrice lesbienne dans le roman Apologie de la passivité (1999) de Karin Bernfeld, p. 24) ; « Et sa mère n’a pas d’âge ! » (Mimi à propos de Solitaire, la mère de Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Elle est une fille comme moi ! Comme moi, qui suis fille de femme comme elle sera mère d’une fille ! » (Solitaire en parlant de sa fille Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Anna ressemble tellement à Greta que ça pourrait presque être elle. » (Jane, l’héroïne lesbienne parlant de la mère et de la fille de 13 ans, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 177) ; « Si t’es un bon papa, alors tu fais qu’est-ce que je veux… » (l’enfant à son père, dans la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 5) ; etc. Par exemple, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, ce sont les enfants qui éduquent leurs parents : Félix apprend à son pseudo « père » à pêcher. Dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, Evita infantilise sa propre mère et la gronde comme si elle était une enfant. Dans la chanson « Lisa tu étais si petite » de Faby, il est question de ces « enfants qui grandissent plus vite que les parents »

 

Après « L’Amour n’a pas de sexe », place à « L’Amour n’a pas d’âge » ! En général, la séparation-rupture de la différence entre l’enfant et l’adulte préfigure ou illustre une violence, un inceste, une monstruosité, la pédophilie, le clonage : « Me voici : la Solitaire ! Je suis une fille-mère abandonnée par sa fille qui à moi quiconque préfère ! » (Solitaire dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’ai peur qu’il naisse anormal, avec la tête de ma mère et le corps d’un animal ! » (Lou accouchant de son bébé, idem) ; « La jeunesse qui rayonne à chaque instant de vous, voilà ce que la Reine aime chez Sidonie. » (cf. une réplique du film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « Vous me faites à chaque fois l’effet d’un bain de jouvence. » (la Reine Marie-Antoinette à son amante Madame de Polignac, idem) ; etc.

 

Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les héros homosexuels sont obnubilés par la procréation et leur descendance assurée par le clonage, parce qu’en réalité, ils font de l’horloge biologique et de la vieillesse des monstres.
 

Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane est bloqué par un idéal physique de jeune homme angélique qu’il recherche chez tous ses amants : « Malgré leurs impuretés, ces êtres restent très purs, sans taches, comme si rien ne pouvait les abîmer. » Vincent, son « ex », le lui fait remarquer : « T’as toujours été obsédé par l’éternelle jeunesse. » Et Stéphane confirme : « Oui, de jeunesse figée, fossilisée, je suis fasciné. »
 

Paradoxalement, ces mêmes réalisateurs homosexuels qui idéalisent l’enfance, pratiquent l’art iconoclaste du détournement parodique, pour se venger/se défendre inconsciemment (eux diront « ironiquement ») de leur attachement naïf à une jeunesse irréelle, télévisuelle, et avant tout plastique : « Mon lifting est de travers ! » (Solitaire dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) Par exemple, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), Charlène Duval, le travesti M to F, raconte qu’il lit encore du Enid Blyton et des Oui-Oui : il en fera une lecture détournée très sulfureuse, afin de prouver sa distance critique. Mais qui a dit que l’ironie était un gage de détachement ? Moi, je suis justement persuadé du contraire.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La jeunesse éternelle :

Si on les écoute bien, on découvre qu’un certain nombre de personnes homosexuelles idéalisent complètement l’enfance : « C’est merveilleux quand l’enfance et la grande personne sont mêlées. » (Jean Cocteau, dans le documentaire « Jean Cocteau, autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky) ; « La seule chose qui me différenciait des hommes ‘normaux’, c’est que j’adorais l’éclat de cette déesse : la jeunesse. » (Witold Gombrowicz, Journal, 1957-1966) ; « Quand on est jeune, on se sent immortel. On est beau. » (Jonathan, séropositif et homosexuel, dans le documentaire « Prends-moi » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « L’enfant triomphe, parce qu’il dit et parce qu’il ne dit pas. Il triomphe parce qu’il ne parle pas sérieusement : il trompe, il détrompe, il enchante. » (Roberto Echavarren, Medusario (1996), p. 149) ; « C’est l’insouciance, le bien-être, et le bonheur à l’état pur. Et on n’est pas encore égratigné par la vie. » (Denis parlant de l’enfance, dans le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël van Effenterre) ; « Jamais peut-être auparavant dans l’histoire, observe Klaus Mann, les jeunes gens n’avaient été jeunes de façon aussi consciente, éclatante et provocante que la génération allemande de ces années-là. On disait : ‘Je suis jeune’ et on avait formulé une philosophie, poussé un cri de guerre. La jeunesse était une conjuration un défi, un triomphe. » (Klaus Mann, Journal, p. 135) ; etc. Dans son essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010), Natacha Chetcuti définit le « paradis de l’asexuation » (recherché par beaucoup de femmes lesbiennes) comme « une masculinité qui doit rester dans le registre de l’enfance ou de l’adolescence » (p. 93).

 

Bien souvent, les individus homosexuels se présentent comme des grands enfants, et rentrent le plus sincèrement/ironiquement du monde dans la peau de ces gamins tout-puissants que la publicité et le cinéma ont déifiés puis diabolisés. « J’ai 12 ans à l’intérieur de moi. » (le peintre nord-américain Keith Haring, cité dans l’article « Keith Haring » d’Élisabeth Lebovici, sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 237) ; « L’adolescence, voilà mon territoire. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 32) ; « Je suis encore un prématuré quelque part. » (Axel, une femme transsexuelle F to M, dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan) ; « J’ai toujours voulu rester un enfant dans ma tête. » (le youtubeur Newtiteuf, en janvier 2017) ; etc. Le poète homosexuel français Jean Cocteau se définissait comme « un éternel adolescent » (cf. Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 91).

 

Par exemple, les concerts du chanteur Mika ressemble à des cours de récré géante, colorées et naïves. Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque fait chanter à son public des chansons de Chantal Goya. Dans le vidéo-clip de sa chanson « Je suis gay », Samy Messaoud joue avec son ourson en peluche. Les sketchs d’Anne Roumanoff, dans lesquels l’humoriste imite souvent des enfants, sont très appréciés de la communauté LGBT.

 

« Mon envie dans ce film est de faire apparaître la relation que j’ai eue avec Pêche. Parce qu’elle a été sans doute une soupape à mes questions. Parce que j’avais trouvé en lui quelqu’un à qui m’accrocher. À travers cette histoire intime avec Pêche, mais aussi à travers les failles et les choses du monde normées et non normées assimilées, ressortira le cheminement d’un enfant, de sa construction, de ses peurs anciennes face à son homosexualité, mais aussi de ses désirs et secrets les plus beaux qu’il n’ait imaginés. » (Thomas Riera parlant de son documentaire « Pêche, mon petit poney » (2012) sur sa figure-jouet)

 

Vidéo-clip de la chanson "Parler tout bas" d'Alizée

Vidéo-clip de la chanson « Parler tout bas » d’Alizée

 

Sous l’Allemagne nazie, les mouvements de jeunesse des Wandervögel (littéralement : Oiseaux migrateurs) étaient imprégnés d’homosexualité et apportèrent « leur idéalisme juvénile » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 13)
 

Les membres de la communauté homosexuelle sont parfois friands des chorales des petits chanteurs à la croix de bois. Les chœurs d’enfants dans les films « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, « La Mala Educación » (« La Mauvaise Éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, ainsi que dans les chansons « Heal The World » de Michael Jackson (avec, à la fin, la voix d’une gamine qui se superpose à celle du chanteur), « Where’s The Party » de Madonna, « Tomber 7 fois » et « Libertine » de Mylène Farmer, « J’ai demandé à la Lune » du groupe Indochine, « Parler tout bas » d’Alizée, « Fallait pas commencer » de Lio, etc., montrent un attrait réel pour l’enfance folklorique. Par exemple, le compositeur homosexuel Benjamin Britten utilisait beaucoup les chorales d’enfants dans ses compositions musicales. Le compositeur Érik Satie a écrit des comptines pour les enfants.

 

Derrière cette idéalisation homosexuelle se cache un sentiment de ne pas avoir eu de vraie jeunesse, justement ! « Finalement, j’ai pas été jeune. C’est ce qui me manque beaucoup. » (Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton)

 
 

b) Le refus de vieillir :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

L’idéalisation de la jeunesse et de l’enfance s’accompagne pour le coup d’une angoisse très forte, chez les individus homosexuels, du temps qui passe et de la vieillesse : « Je ne veux pas vieillir. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 168) ; « Bien sûr, sur les dessins, je fais plus jeune que mon âge. » (Peter Gehardt, ironique, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015) ; « Et là, tu peux pas lutter. On ne pardonne pas à un gay de vieillir. » (Guillaume parlant de son amant Xavier qui l’a quitté pour un petit jeune, dans le documentaire « Cet homme-là est un mille-feuilles » (2011) de Patricia Mortagne) ; « J’avais honte de moi devant lui. Je me sentais vieux, blasé. Mais j’étais avec lui, je comprenais tout ce qu’il désirait, tout ce qu’il ne désirait pas. Il était dans le malheur avec une fraicheur miraculeuse. […] Je l’ai aimé. » (Abdellah Taïa racontant ses sentiments face à un jeune domestique noir, Karabiino, qu’il convoite, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), pp. 74-75) ; « Ça va être un mariage de vieux avec de la musique de vieux. » (Pierre se plaignant de la musique qu’il choisit avec Bertrand pour leur playlist de « mariage », dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; « La vieillesse est un naufrage. Elle me fait peur. Une espèce d’horreur physique. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « La puberté, ça a vraiment été un choc pour moi. » (Iris, homme M to F, qui s’appelle initialement Gabriel, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc. Par exemple, lors de son concert Les Murmures du temps (2011), le chanteur Stéphane Corbin exprime sa peur de vieillir. Dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Christian, le dandy homo de 50 ans, se lamente de vivre une « phase de vieillissement prématuré » ; quant à Thérèse, âgée de 70 ans, elle semble montrer la vieillesse comme une impasse terrible (« L’âge qui a été dur, c’est cinquante ans. L’âge où j’ai renoncé à séduire. ») de laquelle elle a tenté plusieurs fois de contourner en sortant avec des femmes qui avaient quasiment 30 ans de moins qu’elle (passions souvent dévorantes et destructrices) pour retrouver sa jeunesse perdue.

 

Alors vous allez me dire : « Ils ont peur de vieillir… mais c’est le cas de tout le monde ! Ce n’est pas propre aux homos ! » Et je vous répondrai : Oui et non. Même si bien évidemment ils n’ont pas le monopole du jeunisme, leur attachement au corps mortel et à la beauté plastique adolescente (donc celle qui passe) les expose particulièrement à la phobie idolâtre de la mort.

 

Dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), par exemple, Jean-Louis Chardans décrit – avec un ton défaitiste et misérabiliste qui ne serait pas le mien – « l’enfer de la vieillesse » pour les individus homosexuels, « car l’homosexualité n’a nulle pitié pour les individus décatis. Les derniers jours de ceux dont le nom n’est pas célèbre prennent souvent l’allure de l’agonie des insectes au seuil de l’hiver : délaissés de tous, sans famille, ils cherchent jusqu’au bout à demeurer la ‘jeune folle’ fardée de leur vingt ans. » (p. 14) Il est question, chez les personnes homosexuelles, de « l’attrait de la beauté angélique des éphèbes » (p. 346).

 

Vivant douloureusement le passage des années, il n’est pas rare que personnes homosexuelles décident même de se suicider. Le baron Adelswärd-Fersen, par exemple, ne supportant pas l’idée de vieillir, mit fin à ses jours en 1923 à l’âge de 43 ans. Il est certain que les enfants, dans la vie d’un Homme, aide à vieillir, à voir de l’avant, à mourir sereinement ; et que les personnes homosexuelles, ne pouvant pas procréer en couple homosexuel, ne s’assurent pas de vieux jours reposants et chantants. Celles qui ont eu des enfants d’un précédent mariage dit « hétéro » en conviennent sans discuter. Sachant que je ne dis pas par là qu’il suffit d’avoir engendré un enfant naturellement pour vivre une vieillesse heureuse.

 
 

c) Derrière l’idéalisation, il y a… :

L’idéalisation homosexuelle de la jeunesse bute à un moment donné contre sa propre inconsistance, contre son immatérialité, contre le Réel ; ou bien on finit par découvrir que le rêve de l’enfance a été brisé par un choc, un viol, une accélération trop prématurée vers le monde adulte, l’adolescence angoissée de la chenille qui craignait de devenir papillon : « J’ai vite pris la mesure de ce qu’était la vie d’adulte. » (Véronique, femme lesbienne interviewée dans l’essai Les Chrétiens et l’homosexualité (2004) de Claire Lesegretin, p. 259) ; « Mon enfance, elle a été éclipsée par des situations de famille, des choses compliquées, que je comprenais trop bien. » (le chanteur homosexuel Charles Trénet dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata) ; « Moi, je vois mon enfance comme une période qui ne nous a pas du tout armés. Je vais grandir moins vite que les autres. » (Christian, le dandy homo de 50 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Et pour dire clairement et exactement les choses en une phrase, j’ai le sentiment de ne jamais avoir eu d’enfance. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 42) ; « Là où les choses commencent à se corser, c’est effectivement en 4e. Il y a un truc terrible qui se passe chez les garçons à ce moment-là, c’est la puberté. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 21) ; « J’ai vécu dans la peur des métamorphoses. » (Jean Genet, Journal du voleur (1949), p. 39) ; « Un accident l’a buté sur un souvenir d’enfance et ce souvenir est devenu sacré ; dans ses premières années, un drame liturgique s’est joué, dont il était l’officiant : il a connu le paradis et l’a perdu, il était enfant et on l’a chassé de son enfance. Sans doute cette ‘coupure’ n’est pas très aisément localisable : elle se promène au gré de ses humeurs et de ses mythes entre sa dixième et sa quinzième année. Peu importe : elle existe, il y croit ; sa vie se divise en deux parties hétérogènes : avant et après le drame sacré. » (Jean-Paul Sartre à propos de Jean Genet, dans la biographie Saint Genet (1952), p. 9) ; « De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux. » (cf. la première phrase d’Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 13) ; etc. Le documentaire « Jenny Bel’Air » (2008) de Régine Abadia, tirant le portrait du fameux travesti M to F du mythique Palace à Paris, présente « l’histoire d’un petit garçon à qui on a volé une enfance » (cf. le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 80).

 

Par exemple, le shota est un genre de mangas représentant des gamins de 10 ans dans des scènes homosexuelles avec des adultes : cette réalité de la pédophilie est occultée dans les traductions.

 

En général, la séparation-rupture de la différence entre l’enfant et l’adulte préfigure ou illustre une violence, un inceste, une monstruosité : « Je savais que j’étais le seul à avoir une double vie. Une vie d’enfant et une vie d’adulte. (Et je ne comprenais rien à ces deux vies.) » (Christophe Tison racontant comment il a été abusé par un adulte à l’adolescence, dans son autobiographie Il m’aimait (2004), p. 63)

 

C’est la raison pour laquelle, concernant l’amour homosexuel de l’enfance, on constate que le « pas du tout » succède très vite au « passionnément » (cf. je vous renvoie au code « Petits Morveux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « La jeunesse de Proust se caractérise par un immense sentiment de bonheur. […] Mais à un moment donné de son existence, il comprit que le bonheur n’était pas pour lui, et il y a renoncé. » (cf. l’article « La Douleur pour destin » de Pietro Citati, dans le Magazine littéraire, n°350, janvier 1997, p. 24) Pour ma part, je sais que j’ai vécu une enfance très heureuse, mais aussi que mon cauchemar a commencé dès l’entrée en collège, à l’adolescence, donc à partir du moment où les camps garçons/filles se sont mieux dessinés, où la société m’a demandé de sortir de l’enfance…

 

Dans la communauté homo, la vénération toute récente de la jeunesse, des joies de la paternité, même si elle doit bien sûr être considérée, respectée, et entendue comme un besoin sincère et légitime de laisser une trace vivante et durable sur cette Terre, me semble être aussi un moyen de faire diversion sur les réels problèmes à l’intérieur des couples homosexuels. Au-delà des intentions, elle traduit des drames personnels vécus par chacun des deux partenaires (surtout dans l’enfance), et aussi un refus de s’ancrer dans le Réel, dans son corps sexué, dans la réalité de la famille naturelle, dans sa responsabilité et sa liberté d’adulte. Comme le dit si justement Pascal Bruckner dans son essai La Tentation de l’innocence (1995), « le bébé devient l’avenir de l’homme quand l’homme ne veut plus répondre ni du monde ni de soi. » (p. 100)

 
ÉTERNELLE tétine
 
 

(Je rappelle pour finir que ce code fonctionne en doublon avec le code « Parodies de Mômes » dans ce même Dictionnaire.)

 

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Code n°62 – Extase (sous-code : Frontière)

extase

Extase

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Extase : un « renoncement à soi » à doubles tranchants…

 

Extase vient du grec qui signifie « transport ». Il peut se définir comme : 1) un ravissement d’esprit qui, par une contemplation intense, transporte un être hors de la vie des sens ; 2) ou bien une vive exaltation qui suspend la sensibilité et la volonté ; 3) une vive admiration, un plaisir extrême qui absorbe tout autre sentiment.

 

L’extase est un leitmotiv des fictions homosexuelles. Elle est parfois recherchée par les personnes homosexuelles réelles. Un abandon et une sortie de soi qui s’apparentent à un don, à un magnifique cadeau, à un plaisir intense, mais qui ne le deviendra pas vu qu’ils ne sont pas vécus/donnés à l’amour dans la différence des sexes (sublimé par la naissance d’un enfant par exemple) ni dans l’Église.

 

Pourtant, la perte de sa liberté dans une excessive extériorisation de soi a quelque chose de grisant uniquement dans l’univers du fantasme imaginaire, des lettres, de l’instant (de consommation de drogues), du « politiquement incorrect » (« Mon corps m’appartient… ET je cherche à m’affranchir de mon esclavage corporel » disent dans un même mouvement les féministes lesbiennes qui haïssent la femme). En réalité, ce louvoiement extatique avec les limites imposées par notre condition humaine, s’il n’est pas connecté à notre Dieu (incarné en l’Église et en la différence des sexes aimante), entraîne paradoxalement vers un repliement sur soi, une schizophrénie, une perte de liberté, une tentative de suicide, un démarche de soumission à ses pulsions et à un amant qui nous domine, un sadomasochisme, une idolâtrie, un enchaînement à son imaginaire narcissique.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Miroir », « Substitut d’identité », « Icare », « Fusion », « Planeur », « Femme au balcon », « Ennemi de la Nature », « Voyage », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » », « Adeptes des pratiques SM », « « Plus que naturel » », « Mort », « Se prendre pour Dieu », « « Je suis différent ! » », « Voyeur vu », et « Espion homo », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La sortie du corps par le fantasme de l’« Être-pour-les-autres » et de la transgression des frontières :

Pochette de l'album "Malice Of Agony & Ecstasy" du groupe Ennui Breathes

Pochette de l’album « Malice » du groupe Agony & Ecstasy


 

Dans les fictions homo-érotiques, il est souvent question de l’extase et du désir de quitter son corps humain : cf. le film « Les Corps ouverts » (1998) de Sébastien Lifshitz, le roman Beatriz Y Los Cuerpos Celestes (Beatriz et les Corps célestes, 2005) de Lucía Etxebarria, le roman Mon corps et moi (1925) de René Crevel, les romans Chroniques des quais (2005) et Au bord du gouffre (2004) de David Wojnarowicz, le roman Mi Alma Era Cautiva d’Antonio de Hoyos, la pièce Transes… sexuelles (2007) de Rina Novi, la pochette de l’album « Sleeping With Ghosts » du groupe Placebo, la chanson « Outside » de George Michael, le poème « El Éxtasis » dans le recueil Vivir Sin Estar Viviendo (1944-1949) de Luis Cernuda, le roman Extase (1892) de Louis Couperus, le roman L’Extase (1909) de Jacques Adelsward, le film « L’Extase et l’agonie » (1964) de Carol Reed, la chanson « Sextonik » de Mylène Farmer, le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (avec la poésie lue), le film « Elle tuait en extase » (1970) de Jess Franco, la sculpture Extase de Roger Vène, le roman Oppiano Licario (1977) de José Lezama Lima, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, la chanson « Diamonds » de Rihanna (« vision of ecstasy »), la chanson « Orgasmique » de Monis, le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, le film « Out Film » (2011) de François Emmanuel Charles, le film « Couple(s) au bord de l’extase : Peace, Love, et plus si affinités » (2012) de David Wain, le films « Bondage Ecstasy » (« Ecstasy Game », 1989) d’Hisayasu Sato, le film « Knives Out » (2019) de Rian Johnson, etc. Par exemple, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, la camionnette LGBT porte une énorme inscription qui est bien signifiante « OUT LOUD : Theater Group ».

 

Pochette de l'album "Sleeping With Ghosts" du groupe Placebo

Pochette de l’album « Sleeping With Ghosts » du groupe Placebo


 

Les héros homosexuels cherchent à transgresser les quatre piliers du Réel que sont la différence des sexes, la différence des générations, la différence des espaces et la différence entre Créateur et créatures. C’est pour cette raison que leur rapport aux frontières est idolâtre : « Hier encore, nous étions trois à la frontière. » (la toute première de la voix-off dans le film « Partisane » (2012) de Jule Japher Chiari) ; « De quel côté du monde la frontière vous rassure ? » (cf. la dernière phrase dans le one-woman-show d’Océane Rose Marie, La Lesbienne invisible, 2009) ; « Tu as brisé plus de barrières que n’importe qui. » (Virginia Woolf s’adressant à son amante Vita Sackville-West juste après qu’elle l’a fait jouir au lit, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc. Ils sont fascinés autant qu’horripiler par elles : cf. le roman Borderline (1930) de Kenneth McPherson, le roman On The Frontier (1938) de Wystan Hugh Auden, le roman Reivindicación Del Conde Don Julián (1970) de Juan Goytisolo, la chanson « Borderline » de Madonna, la chanson « Je te rends mon amour » de Mylène Farmer, la nouvelle « El Marqués De Sebregondi Llega Y Retrocede » (1988) d’Osvaldo Lamborghini, le roman Borderlands/La Frontera : The New Mestiza (1987) de Gloria Anzaldúa, le roman El Lugar sin Límites (1966) de José Donoso, le film « Le Marginal » (1983) de Jacques Deray, le film « Frontière chinoise » (1965) de John Ford, le film « Ce Lieu sans limite » (1977) de Arturo Ripstein, le film « Varuh Meje » (« Garde Frontière », 2001) de Maja Weiss, le film « Peau neuve » (1998) d’Émilie Deleuze, le film « Segunda Piel » (1999) de Gerardo Verda, le roman Piiririik (Pays frontière, 1993) d’Emil Tode, le film « Hors les murs » (2012) de David Lambert, le film « Fronteras » (2016) de Mikel Rueda (avec Rafa et Ibrahim l’immigré), etc. Par exemple, dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón, le prénom du héros homo de l’histoire, Ander, signifie « ailleurs » en allemand. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, Rachel, l’héroïne lesbienne, mariée de force à Heck, commence à s’homosexualiser en louvoyant avec les frontières : le balcon (« Heck panique dès que je m’approche du bord. »), les sentiments (« Est-ce que tu as déjà franchi la ligne ? » demande-t-elle à Luce, sa future amante).

 

EXTASE Juventud

 

L’extase, facilitée par l’orgasme érotique, l’émotion visuelle « artistique », la tendresse et l’absorption de drogues, ça a l’air « fun » comme ça, dans l’instant. Ça « transporte ». « On se tire à l’étranger. » (le couple lesbien Shirin/Atefeh dans le film « Circumstance », « En secret » (2011) de Maryam Keshavarz) ; « On va rester en extase toute notre vie. » (Burger dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; etc. La sortie de sa sphère de conscience produit les effets euphorisants de la cocaïne : « L’extase est sacrée. » (cf. le poème « Howl » (1956) d’Allen Ginsberg) ; « Sublimé, magnifié, déifié, dédoublé, multiplié, détaché de ton corps qui n’était qu’un décor te voilà prêt à survivre aux hommes et à la mode. » (cf. la chanson « Silverscreen » du Teenager dans la comédie musicale La Légende de Jimmy) ; « Comme si j’étais quelqu’un d’autre et que j’observais tout ce que je faisais. » (Franz, le héros homosexuel dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Je me sens si différent. Comme si avant, j’avais un corps mais j’étais pas dedans. » (Didier, le héros qui croyait être hétéro, après avoir vécu son expérience homo, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Nous avons dû passer des heures à nous caresser. J’avais la sensation de vivre hors de mon corps, et hors du temps. » (Anamika, l’héroïne lesbienne racontant sa liaison avec Linde, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 30) ; « J’me sens tellement extérieur. Comme ces gens qui quittent leur corps. » (Martin dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « J’ai besoin de m’extérioriser. » (Jean-Paul dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor) ; « Mais l’extase aussi, c’est lumineux. » (Mario dans la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Monbardo) ; « J’adore toutes les expériences. Surtout les sorties de corps. » (Érik Satie dans la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Je vais me transférer moi-même. » (le père Adam, homosexuel, dans le film « W imie… », « Aime… et fais ce que tu veux » (2014) de Malgorzata Szumowska) ; « Le corps extase, envie, mon corps genre, sexe, orgasme, comme un médium de plaisir, le terrain des amours et des haines, de soi et des autres, le terrain de l’autre. Le corps autre. » (la voix narrative de la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « Dans sa chambre, isolés du monde, j’étais revenu tellement de fois, avec enthousiasme, extase, sur ce pont, sur ce mystère. » (Omar en parlant de la chambre de son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 170) ; « J’étais en extase devant toi. Tout ce que tu disais, tes regards malicieux, tes sourires moqueurs, tes mimiques… tout me fascinait ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 81) ; « L’extase a toujours lieu, toujours, ça n’est jamais arrivé que mon âme ne s’envole pas pendant que mon corps s’imprimait dans le faux cuir, mais chaque fois j’ai peur de ne rien ressentir, d’arriver à ce point de saturation où une seule écoute gâchera à tout jamais le plaisir que je trouve à écouter cette scène presque chaque jour depuis si longtemps. […] Je connais deux ou trois minutes de pure extase. Le miracle a encore eu lieu, merci monsieur Puccini. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, pp. 17-19) ; « Écrire ‘Orlando’ m’a procuré la plus grande extase que j’aie jamais connue. » (Virginia Woolf, l’écrivaine lesbienne parlant de son autobiographie, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Joachim, l’artiste bobo bisexuel, vante l’amour lesbien et soutient que l’extase orgasmique ne pourrait être véritablement atteint que par les femme : « Je suis persuadé que l’orgasme féminin est mystique. » Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, l’injonction « Dehors ! » est la formule magico-thérapeutique pour faire partir l’ennemi ou la moindre contrariété.

 
 

b) Une extériorisation dramatique :

Quand le désir s'emballe et se neutralise...

Quand le désir s’emballe et se neutralise…


 

Les contrecoups ou les moteurs de cette recherche d’un paradis hors de soi sont beaucoup moins poétiques : haine de soi et du monde, déception, dépression, réveil douloureux, schizophrénie, expérience du choc de ses limites par la souffrance ou la mort : « En prenant le plaisir que je voulais avec ma cousine, je fus envahie d’une extase aussi soudaine qu’étrange. […] C’est bien le curieux de la nature humaine qui porte souvent plus d’intérêt à la conquête qu’à ce qui pourtant déjà existe, si beau, dans sa maison. »  (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 65-70) ; « Comme je chéris ces larmes, bien plus douces, sachez-le, que celles de l’extase ! » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 178) ; « Plus de centre, tout m’est égal… Je vis hors de moi et je pars… » (cf. la chanson « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer) ; « Sans logique, je me quitte, aussi bien satanique qu’angélique. » (cf. la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer) ; « Où suis-je ? Où ? C’est chez moi ici ? C’est bien chez moi, voici mon corps à côté de celui de mon chien. » (« L. », le narrateur transgenre M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Ah ! n’être plus moi-même, murmura-t-il, cesser d’être moi-même pendant une heure ! » (Fabien dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 49) ; « Je voudrais être opium, me ferai narguilé, particule d’hélium, partir toute en fumée. » (cf. la chanson « Serais-tu là ? » de Mylène Farmer) ; « Fragile abîme, pâle horizon » (cf. la chanson « Réveiller le monde » de Mylène Farmer) ; « Voici la vie de pédé ! Étranglé et presque noyé pour mille misérables francs quand je ne faisais que chercher l’extase de l’aventure ! » (Pédé dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « C’est un peu ça. Des fois, j’ai l’impression d’être un étranger dans ce corps. Je ne sais pas si c’est le mot qui va bien. C’est plus l’impression de désaccord, de perte de contrôle, avec des envies, des pulsions et des idées que je préférerais ne pas avoir, dans lesquelles je ne me reconnais pas, qui me mettent mal à l’aise… Tu comprends ? » (Kévin parlant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 374) ; « Dalida est une fuite en avant vers nulle part. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Je n’ai jamais été à ma place. » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; « Je suis un enfant hors de chez lui. Mon corps est un étranger. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « On m’arrêtera à la frontière. » (Tareq, le héros homosexuel syrien, dans le film « A Moment in the Reeds », « Entre les roseaux » (2019) de Mikko Makela) ; etc.

 

Il n’est jamais bon de se fuir et de prétendre retrouver un « plus que soi-même » loin de soi, loin de ses frontières (corporelles, humaines, spirituelles) de créature divine !

 

Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar, dans la forêt, propose à son amant Khalid de s’échanger les identités avant de l’assassiner : « On sort de soi. » (p. 138) Dans la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust, le narrateur adulte, qui vit pourtant hors de sa sphère de conscience, joue à être un fœtus qui n’est pas encore sorti du ventre de sa mère, et parle de lui à la troisième personne : « Je suis pourtant dedans. Je vais le raconter par dedans. »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La sortie du corps par le fantasme de l’« Être-pour-les-autres » et de la transgression des frontières :

Le rejet de la Réalité chez la majorité des personnes homosexuelles commence par le désir d’échapper à son corps mortel. Cela serait rendu possible grâce à l’extase, c’est-à-dire la sortie de soi, la séparation de la corporalité naturelle et de l’âme , l’expérience impersonnelle de l’absence qui n’est pas la vraie mort – puisque la mort est toujours irréductiblement personnelle – mais une fuite de sa sphère de conscience. Énormément d’auteurs homosexuels s’inspirent de l’extase : cf. le docu-fiction « N’importe où hors du monde » (2012) de François Zabaleta, la maison éditoriale de films gays Out Play, le magazine homosexuel Out, le festival Cinémarges à Bordeaux, etc. (par exemple, Zo d’Axa est le fondateur de la revue L’En-Dehors en 1891). Ils parlent de la nécessité de « s’affranchir de l’esclavage corporel » (cf. l’article « Procréation Médicalement Assistée » de Marcela Iacub, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 380) : « Ma peau me dérange, il faudrait l’arracher ! » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 21)

 

L’extase est entendue comme « un désir de ne plus être, un désir de rupture avec l’identité » (Néstor Perlongher, « Poesía Y Éxtasis » (1990), dans le recueil d’articles Prosa Plebeya (1997), p. 150). Néstor Perlongher, le poète homosexuel argentin, définit « l’éclair de l’extase » comme « un instant de fusion, de sortie de soi » (idem, p. 20) : « Rien n’est plus réel que l’extase. » (Néstor Perlongher, « La Religión De La Ayahuasca » (1992), idem, p. 164)

 

Symboliquement, l’extase est souvent illustrée par la traversée d’un miroir. Grâce à elle, le marginal homosexuel passerait d’une rive à l’autre (« Il se trouve de l’autre côté. Le dos tourné. Il est les autres » nous dit Néstor Perlongher dans son article « Poesía Y Éxtasis » (1990), et procurerait à l’individu qui s’y identifie la satisfaction de « se sentir Dieu » (p. 153). Par exemple, Walt Whitman aime à se définir comme un « poète cosmique ».

 

Néstor Perlongher

Néstor Perlongher


 

Les individus homosexuels pratiquants cherchent à transgresser les quatre piliers du Réel que sont la différence des sexes, la différence des générations, la différence des espaces et la différence entre Créateur et créatures. C’est pour cette raison que leur rapport aux frontières est idolâtre : ils sont fascinés autant qu’horripiler par elles : « Le passage des frontières et cette émotion qu’il me cause devaient me permettre d’appréhender directement l’essence de la nation où j’entrais. » (Jean Genet, Journal du voleur (1949), p. 54) ; « Au début des années 1970, les frontières sexuelles s’estompent. » (la voix-off dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Je me regarde dans cet appartement, comme si j’étais ailleurs. Ailleurs ! J’ai toujours vécu en quelque sorte ailleurs, pays que connaissent tous ceux pour qui c’est l’appel d’un monde au-delà des apparences. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, 13 juin 1981, p. 40) ; etc. Par exemple, Néstor Perlongher revendique sa « passion pour les limites » et son irrésistible besoin de « se pencher au bord des abîmes » (Néstor Perlongher, Prosa Plebeya (1997), pp. 20-21). Il définit l’action du marginal homosexuel comme un « travail frontalier » (idem, p. 16).

 

A l’heure actuelle, le discours queer de l’idéologie du Gender utilise abondamment le lexique de la « frontière » à dépasser, à déconstruire, à travestir, à transcender, et en réalité à détruire. « La meilleure position sera alors peut-être celle que préconise Michel Foucault : ‘On doit échapper à l’alternative du dehors et du dehors, il faut être aux frontières.’ Aux frontières ? Oui, mais pour les abolir. » (Louis-Georges Tin, Homosexualités : Expression/Répression (2000), p. 16) ; « Tout l’enjeu de ce film est de savoir s’il faut ou non dépasser les frontières, tant bien géographiques que psychologiques. » (cf. le commentaire queer indigent du film « La Robe de mariée » (2009) de Viktoria Dzurenkova, dans la plaquette du 16e Festival Chéries/Chéris du Forum des Images, du 12 au 21 novembre 2010) ; etc. Selon Didier Roth-Bettoni, par exemple, l’amour homosexuel « transgresse toutes les barrières des genres » (Didier Roth-Bettoni, L’Homosexualité au cinéma (2007), p. 549). Ça ne veut rien dire, mais ça fait joli, combatif, élancé. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M se propose de « passer d’un camp à l’autre ».

 

Comment l’extase se traduit dans le vécu des personnes homosexuelles ? En clair, le coming out (littéralement « sortie du placard » = révélation de son homosexualité) renvoie à l’euphorie éphémère/excitante de l’extase identitaire (une extase matinée d’orgueil d’avoir l’impression d’être un facteur de déstabilisation politique). « Moi, je suis une artiste brute. J’ai besoin d’aller jusqu’au bout de moi-même. » (David Forgit, le travesti M to F, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; « Tu as encore ton extase ? » (Ernestito s’adressant à Alfredo Arias, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 229) ; « Ma vie est sur le bas-côtés. Je suis habitué à ce ton gris. Ça ne me gêne pas, c’est les autres que ça gêne. » (Florian dans l’autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006) de Pascal Sevran, p. 86) ; « Un homosexuel est un être aérien, sans attaches, sans lieu fixe qui lui soit propre […]. Nous sommes toujours suspendus en l’air, aux aguets. Notre condition aérienne est parfaite et c’est très bien que l’on nous ait affublés de noms d’oiseaux. Nous sommes des oiseaux parce que nous sommes toujours en l’air, un air qui n’est pas non plus à nous – rien n’est à nous, d’ailleurs – mais au moins il est sans frontières. » (Reinaldo Arenas, El Color Del Verano (1991), p. 480) ; etc.

 

D’ailleurs, l’homosexualité étant une sexualité plus extatique et anti-biologique, il est logique qu’elle concerne davantage les hommes : « Le sexe du garçon est très apparent, il est extérieur à lui-même et on le voit. Le sexe de la femme n’est pas très apparent, il est surtout intérieur à elle-même, et on n’en voit que l’entrée. […] Le mot ‘éjaculation’ veut dire lancer avec force, ‘lancer comme une flèche’. L’éjaculation procure un plaisir intense à l’homme, et à sa femme aussi s’il a su l’attendre. » (Inès Pélissié du Rausas, S’il te plaît, Maman, parle-moi de l’amour (2013), pp. 22-23)

 

Sur le terrain amoureux et de la pratique homosexuelle/homo-sensuelle, l’extase est rêvée comme une délectation de la luxure, des plaisirs interdits socialement, de la perversion (dans le sens de « non-contrôle des pulsions »), une jouissance de la transgression, un hommage à la sexualité spirituelle (cf. les liens entre homosexualité et tantrisme) : « Moi, l’homme du dehors, l’amoureux de la nature » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 69) ; « J’ai accueilli son sperme tiède dans ma bouche avec extase, comme une hostie. » (idem, p. 96) ; « Abdellah, mon ami, mon copain, qui se transformait pour moi en un corps qui n’existait que par et pour l’extase. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 12) ; « C’est très important et très rassurant quand on pratique le sexe à plusieurs. C’est comme si on faisait abstraction de nos corps et qu’il ne restait plus que notre amour ! » (cf. le dossier Têtu sur la fidélité dans la revue Têtu, n°65, mars 2002) ; « L’extase vespérale ! » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 62) ; « Nous sommes arrivés à la plage pour nudistes si bien que Marc a pu se rincer l’œil tout à son aise. Il est notamment resté un bon moment en extase devant des éphèbes qui jouaient au volley sans un fil sur le corps. » (Paula Dumont parlant de son meilleur ami gay, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 146) ; etc.

 

Mais « l’être à l’extérieur » n’est effectif que dans le monde de la représentation et des utopies. « On vous donne un corps, diffusez-le ! » (Fabrice Hybert cité dans l’article « Art » d’Élisabeth Lebovici, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 48) Le fantasme de la déterritorialisation, qui serait permise par la puissance désirante extatique, traduit une volonté de « dépassement des différences et des identités » (Roberto Echavarren, Performance, Género Y Transgénero (2000), pp. 20-24), non une reconnaissance exigeante et humble des différences, ni un ancrage dans la Réalité. « Le sens de la réalité leur échappe parce qu’ils ont fait pour ainsi dire l’économie de l’étape œdipienne et que la séparation entre Moi et non-Moi n’existe pas pour eux. Leur vision du monde est de type fusionnel. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 97) ; « La générosité de Coco [homme transgenre M to F] était légendaire. Il avait fondé des foyers pour personnes en détresse : à Rome, à Paris, et maintenant ici. Son âme de mamma juive n’avait pas de frontière et le malheur des autres était une source inépuisable d’affection. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 95) ; « À la longue, cet art du subterfuge m’est devenu aussi familier qu’une seconde peau. Je passais de mon monde intérieur au monde des autres sans même m’en apercevoir. Je finissais par croire que toute ma vie se déroulerait sous le signe du faux-semblant. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 23) ; etc.

 
 

b) Une extériorisation dramatique :

Soirées clubbing gay

Soirées clubbing gay


 

Dans l’idée, l’extase se veut ouverture généreuse à l’universelle Humanité, à la transcendance divine, aux rêves humanistes de communion fraternelle, au « Cosmos », au dépassement de soi sublimant le sacrifice d’amour. On serait tous des anges qui feraient l’amour ensemble, chastement et libertinement ! En réalité, cette extériorisation est majoritairement schizoïde et narcissique, jusque-boutiste, comme en témoigne le cri de Narcisse dans les Métamorphoses d’Ovide : « Pourvu que je puisse me détacher de mon corps ! » L’extase renvoie à la mort, plus psychique que réelle, et à la victoire supposée de l’individu sur celle-ci : cf. le documentaire « Frida Kahlo, entre l’extase et la douleur » (2002) d’Ana Vivas

 

Beaucoup de personnes homosexuelles n’apprécient pas d’entendre que leur désir puisse être narcissique parce que dans le langage courant, narcissisme égale égoïsme. Or le narcissisme ne signifie pas seulement l’amour excessif de soi, mais plus radicalement la division du Moi avec lui-même, un désir de disparition, tout autant que la perte dans le moi : Narcisse sombre dans son image (… en séries) et bute sur ses limites. « Nul centre, mais toujours des décentrements, des séries. » (Michel Foucault, Dits et Écrits I (2001), p. 944)

 

L’extase exige la fusion destructrice et la rupture radicale avec soi-même, la substitution ou la superposition aux autres. La perdition dans la consommation mutuelle. La chute et la mort, en gros : cf. l’essai Algérie, l’extase et le sang (2002) de Michel del Castillo. « Mon extase dura plus d’une demi-heure. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 170) ; « C’est que vous étiez au-dedans de moi, et, moi, j’étais en dehors de moi ! Et c’est là que je vous cherchais ; ma laideur se jetait sur tout ce que vous avez fait de beau. Vous étiez avec moi et je n’étais pas avec vous. » (Saint Augustin, Les Confessions, IVe siècle, pp. 231-232) ; « Je flairais un brin d’allégresse, lorsque la sensation de ses doigts pour me pousser à danser contre lui pénétrait sur ma chair, créant une vive douleur. Cependant, je désirais cette souffrance pour reprendre conscience de mon corps, comme emporté loin de moi par la vague de plaisir. […] Ruisselant de sueur, il me mordillait les fesses en cherchant à introduire d’une manière décidée, son majeur dans mon orifice anal. La douleur me pinçait. En dépit du retrait que désirait ma conscience, mon corps finit sa course, prisonnier comme ces vers de terre au bout d’un hameçon. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 66-68) ; « Un soir, un peu plus calme que d’habitude, par une douce fraîcheur d’hiver, une envie, une folie peut-être, je me transportais hors de chez moi. J’avais comme le sentiment qu’il me fallait à tout prix remuer mon corps, complètement excité, dans une des boîtes de nuit de Paris. » (idem, p. 131) ; « C’est ça, la mort. La vraie mort. La mort directe, consciemment. […] Se détacher de son corps, du monde, en vitesse, dans l’effarement. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 94) ; etc.

 

On comprend aisément pourquoi certaines personnes homosexuelles ou icônes gays montrent dans leurs clips qu’elles partent en fumée ou en poussière (cf. les chansons « Remember the Time » et « Ghosts » de Michael Jackson, « Fuck Them All » et « Serais-tu là ? » de Mylène Farmer, « Frozen » de Madonna, etc.).

 

Vidéo-clip de la chanson "Frozen" de Madonna

Vidéo-clip de la chanson « Frozen » de Madonna


 

La pratique homosexuelle est liée à un contexte d’effacement des limites, de crise identitaire et d’effondrement social : « Quand quelqu’un va s’attaquer à l’homosexualité sous l’Occupation, on va bien rigoler ! J’ai commencé à travailler sur l’homosexualité à Ravensbrück… Je peux vous dire… C’est une époque où il n’y a plus de frontières. Tout est décuplé. » (Marie-Jo Bonnet, en pleine conférence « Violette Morris, histoire d’une scandaleuse », le 10 octobre 2011, au Centre LGBT de Paris)

 

Et soit dit en passant, la violence du coming out (= caricature de soi-même par la réduction identitaire à ses pulsions sexuelles) et du outing (= révélation forcée d’une homosexualité) illustre bien les liens de coïncidence entre extase homosexuelle et viol.

 

Je vous renvoie, en lien avec ce code sur l’extase, au code « Adeptes des pratiques SM » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels, et notamment toute la partie dédiée à saint Sébastien.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°63 – Fan de feuilletons (sous-code : Kitsch)

fan de feuil

Fan de feuilletons

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Kitsch, Camp & Gay

 

Comme j’en avais ras-le-bol de voir toujours la même conclusion à la fin des très nombreux articles qui se proposent de décrire le phénomène de la visibilité homosexuelle dans les sitcoms (« Les séries sont des reflets significatifs de cette nouvelle évolution des mentalités et de nos sociétés ; l’apparition de héros gays montre une ouverture d’esprit et un changement de moeurs… » : reflets de quoi ? on n’a jamais la réponse, mis à part la guimauve ; on n’a droit à aucune interprétation après la citation des exemples), je me suis décidé à écrire cet article à propos des liens étroits entre homosexualité-séries télé-kitsch-totalitarisme.

 

 

Pour dire une sexualité insatisfaisante et un rapport au monde décorporalisé, beaucoup de personnes homosexuelles se réfugient dans le monde télévisuel des séries (telenovelas, séries B, sitcoms nord-américaines, soap opéras tels que les Feux de l’Amour, etc.) et élaborent une esthétique du mauvais goût appelée « kitsch ». Le kitsch procède de ce que j’appellerai un « baroque narcissique ». Bon nombre d’artistes homosexuels actuels ont tendance à se revendiquer du baroque pour conspuer le classicisme qu’ils jugent « mauvais » et d’arrière-garde. Ils s’éloignent à mon avis du vrai baroque, le « baroque humaniste », celui du métissage universel, prôné par un le romancier cubain Alejo Carpentier. Le baroque humaniste, contrairement au baroque narcissique, n’est pas un courant artistique créé pour s’opposer au classicisme et instaurer une élite néo-baroque, mais bien une maison universelle censée abriter aussi les soi-disant auteurs « classiques » : « Le baroque doit se voir comme une constante humaine. » (Alejo Carpentier, Razón De Ser (1980), pp. 38-65)

 

Conchita Wurst (transgenre M to F), le bon exemple du Camp, c’est-à-dire du kitsch rose qui se venge de sa propre naïveté en s’auto-détruisant, en se salissant, et en restaurant sa naïveté

Conchita Wurst (transgenre barbu M to F), le bon exemple du Camp, c’est-à-dire du kitsch rose qui se venge de sa propre naïveté en s’auto-détruisant, en se salissant, et en restaurant sa naïveté/médiocrité


 

Le kitsch fait partie du baroque narcissique étant donné qu’il mêle l’amour du beau et de la merde, de la démocratie et du totalitarisme. Tous les régimes politiques, religieux, artistiques, qui jadis se sont caractérisés par leur volonté de détruire l’Homme et sa liberté, en sont les plus gros producteurs. Comme le souligne José Amícola, « le kitsch relie tous les éléments les plus réactionnaires sous une forme artistique » (José Amícola, Manuel Puig Y La Tela De Araña Que Atrapa Al Lector (1992), p. 127)

 

Nos sociétés post-modernes attribuent à cet art « tape-à-l’œil » ou « pacotille » une légèreté qu’il n’a pourtant pas, puisque le kitsch est l’attrait pour le maquillage des systèmes despotiques. S’appuyant généralement sur le folklore et le divertissement bon marché pour amortir sa réelle violence, il est le vernis esthétique appliqué par les dictatures quand celles-ci cherchent à occulter l’absence totale de culture. Milan Kundera lui a probablement donné la meilleure définition qui soit : « Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde. […] Il est un paravent qui dissimule la mort. » (Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être (1984), pp. 357-367. Voir également la partie « paravent » du code « Maquillage » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Les défenseurs du kitsch se proposent de sauver ce qui est destiné à la poubelle, à la fois pour dire que tout est artistique et que rien ne l’est si l’élite bourgeoise qui définit le bon du mauvais goût ne décide pas d’y investir son argent et son idéal de vie.

 

La différence entre le kitsch et l’art de qualité a l’air très mince. Sur la photo instantanée, ils semblent quasiment identiques. C’est sur la durée que le kitsch jaunit, car il privilégie l’image (autrement dit l’intention) à la Réalité. Le kitsch surgit de ce qui est humain et du regard amer que portent les Hommes sur leurs propres actes (pensez aux réactions que nous pouvons parfois avoir face aux photos de mariés exposées dans les magasins des photographes, condamnées au kitsch ou sauvées de lui selon notre clémence et notre paix intérieure). Tout est kitsch. On pourrait même dire qu’il y a du « kitsch presque objectif », celui qui touche à la naïveté, à l’innocence touchante, à la bonté : il suscitera parfois le même rejet que les « bons sentiments ». Mais une chose devient « plus kitsch que les autres » quand l’Homme rentre à l’excès dans le paraître, le narcissisme, ou la jalousie.

 

Le kitsch est étroitement lié à la haine de la contrefaçon matérialiste, exprimée paradoxalement par un surinvestissement dans le paraître. En ce sens, « les filles et les garçons sans contrefaçon », autrement dit les personnes homosexuelles, méritent tout à fait leur titre d’« enfants du kitsch ». Ce n’est pas sans raison que Severo Sarduy allie homosexualité et kitsch quand il qualifie le mouvement artistique néo-baroque de « kitsch, camp et gay ». On retrouve le kitsch dans la naïveté paradisiaque des photos-peintures de Pierre et Gilles, dans l’accoutrement outrancier de Marianne James en cantatrice allemande, chez les artistes du Pop Art, dans les décors psychédéliques de Pedro Almodóvar, dans le dépouillement grunge et misanthrope du bobo underground, dans les « mises en scène-masturbation-intellectuelle » de Marcial Di Fonzo Bo, ou bien encore dans l’esthétique de Jean-Paul Gaultier. Les personnes homosexuelles sont souvent des grands amateurs de cet épate-bourgeois facile qu’est le kitsch. Arthur Rimbaud, par exemple, avoue sa passion pour les « peintures idiotes » et les « refrains niais » ; Paul Verlaine revendique les « images d’un sou » et les bibelots d’une culture de masse en désuétude (cf. l’article « Sentes buissonnières » de Daniel Grojnowski, dans le Magazine littéraire, n°321, mai 1994, p. 45). Beaucoup de sujets homosexuels se désignent eux-mêmes comme des consommateurs incultes, des « enfants gâtés du capitalisme » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (1996), p. 114), des « dandys déliquescents » (Jérôme Dahan dans la revue Platine, n°11, avril/mai 1994, p. 13) assumant avec fierté des goûts minables qui n’iraient pas avec leur rang. Leurs personnages (et parfois eux-mêmes) regardent les mauvais feuilletons de début d’après-midi pour mamies-gâteau, adulent les chanteurs-paillettes, et se montrent assez peu cultivés derrière leurs faux airs de premiers de la classe. Leurs goûts oscillent entre les extrêmes : elles peuvent aimer à la fois la mauvaise variet’ musicale et l’opéra classique, se forcer à consommer ce qui leur est présenté comme « de qualité » ou de se laisser aller à apprécier de la merde commerciale. Dans les deux cas, c’est souvent le paraître qui l’emporte sur le goût. Le kitsch attire l’œil et lui seulement, alors que l’art se prétend plus cérébral et veut aussi parler davantage au cœur.

 

Incroyable mais pourtant vrai : ce qui plaît à beaucoup de personnes homosexuelles dans la culture camelote, c’est (excusez l’expression) qu’on les prend pour des connes. Elles se rendent compte de l’hypocrisie sadique et souriante des media ou du monde bourgeois, mais elles aiment ce culot-là. Il les fascine et les attire : on ose « se foutre de la gueule » de personnes aussi intelligentes et importantes qu’elles, apparemment en toute innocence, dans l’indifférence générale… et elles trouvent cela scotchant ! Elles développent une réelle passion pour la nullité, pour la bêtise télévisuelle, mais pas n’importe laquelle : la bêtise très sincère, qui se prend au sérieux, qui n’a pas conscience d’elle-même, qui est énoncée par la bimbo blonde ou la bourgeoise ultra-sophistiquée qui souhaitent réellement le bonheur de l’Humanité tout entière (et des bébés phoques !). Qui, je vous le demande, a bien pu favoriser le surprenant come-back de Chantal Goya dans les années 1990 ? Qui attaque et défend encore les stars oubliées, si ce n’est la communauté homosexuelle ? Il s’agit de renverser certaines valeurs en remettant à la mode ce qui a été effacé. Ce n’est pas compliqué : à partir du moment où en apparence et à l’image on leur veut du bien, les personnes homosexuelles adorent qu’on les berce d’hypocrisie, qu’on leur fasse avaler des couleuvres qu’elles engloutissent volontairement pour montrer à l’infantilisation qui elle est, qu’on les traite comme des débiles ou des gamins qu’elles ne sont plus. Car elles prennent un malin plaisir à contenter ceux qu’elles détestent, en pensant se venger d’eux en leur obéissant exagérément.

 

Certes, elles adorent qu’on les prenne pour des connes, mais attention : elles seules se donnent le droit de l’avouer. En règle générale, elles gardent le secret sur leur passion. La dévoiler reviendrait à montrer au grand jour leur goût secret pour la soumission et l’infantilisation, et donc leur retirerait tout le prestige d’avoir été les seules à avoir su déceler le « second degré » du totalitarisme, ou le « bon goût du mauvais goût ».

 

Ne nous trompons pas. Le kitsch homosexuel n’est pas uniquement réductible au folklore Gay Pride, ni même à la surcharge que nous observons dans l’appartement d’un Renato de « Cage aux folles » : il peut être au contraire assez minimaliste et dépouillé. C’est alors l’excès de dépouillement qui évoque le charme ronflant du kitsch. Le rapport de distance des personnes homosexuelles avec le kitsch oscille entre proximité et rupture absolues. En général, elles aiment que leurs goûts de daube ne soient pas pris totalement au sérieux, que leur fausse distance par rapport à leur attrait pour la merde et le totalitarisme culturel soit tenue secrète. Elles vont alors se construire un écran ironique à leur passion du kitsch, appelé « camp ».

 

Ce courant « artistique » découle naturellement du rose du kitsch : il n’est que sa face cachée, noire et agressive. On compte beaucoup de représentants du camp parmi les personnes homosexuelles. Ceux-ci rêveraient que la frontière entre le kitsch et le camp soit infinie. En réalité, elle est dérisoire : ce sont encore une fois les deux marionnettes d’une même conscience qui simulent le duel, car finalement, le kitsch et le camp se rejoignent totalement dans les extrêmes, dans l’inversion.

 

Le soap opéra est particulièrement propice au détournement camp


 

La distinction entre eux serait d’abord chronologique : le camp est historiquement un néo-kitsch apparu dans les années 1960. Par ailleurs, le kitsch et le camp divergeraient quant à l’intention : le camp constituerait une forme de kitsch consciemment produit (contrairement au kitsch qui serait « naïf », « populaire », « bête », « commercial »), un « kitsch second degré », ou plus radicalement un « anti-kitsch ». La différence se ferait aussi dans la thématique : le camp se vengerait du kitsch par un goût de la laideur davantage marqué (pornographie, scatologie, films d’épouvante, drogues, apolitisme ou militantisme anti-« système », nihilisme seventies, etc.), un irrespect systématique pour tout ce qui est commun, un rejet de la naïveté, un humour beaucoup plus trash et décalé, ou une totale « neutralité ». En ce sens, un homme tel que Frédéric Sanchez, qui s’habille « classique », en noir, pour ne pas rentrer dans les « clichés homos », qui affirme haut et fort que « ni Sheila ni Dalida ne donneront de la voix dans son mange-disque », qu’« il déteste le kitsch » et qu’il est un « anti-DJay » (cf. l’article « Frédéric Sanchez, Illustrateur sonore », sur le site Ellico, consulté en juin 2005), est le prototype de l’Homme camp, donc kitsch, car l’anti-kitsch est aussi une attitude kitsch. « L’essence du Camp, c’est ça, non ? Ridiculiser, essayer de détruire quelque chose qu’on aime, pour démontrer que c’est indestructible » fait remarquer à juste raison Emir Rodríguez Monegal (cf. l’article « El Folletín Rescatado, Entrevista A Manuel Puig » (1972) de Emir Rodríguez Monegal, dans Revista De La Universidad De México, vol. XXVII, n°2, octobre 1975, pp. 25-35). Rien n’est totalement kitsch en soi, et tout est fatalement kitsch puisque tout ce qui est humain est kitsch. Se révolter contre l’humain, c’est être à nouveau humain. Le camp est contre lui-même et contre le kitsch, c’est-à-dire qu’il se nie et s’adore. Il gomme ses origines, fait un « kitsch du kitsch » en croyant s’en éloigner, croit qu’il ne copie pas parce que précisément il copie dans l’inversion. Voilà son paradoxe. La meilleure façon d’échapper au kitsch totalitaire, c’est finalement de ne pas le fuir à tout prix, de tolérer d’être un peu kitsch par la force des choses, non parce que nous l’aurions désiré mais à cause de notre (amour de la) condition humaine. Sinon, nous nous condamnons à y retomber sous une forme plus masquée en créant un kitsch ironiquement intentionné, totalitaire en somme.

 

Ce n’est pas par hasard que le monde intellectuel voit en général le kitsch et le camp comme des sous-genres artistiques gémellaires puisque ces derniers sont une atteinte à l’intelligence humaine alors qu’ils se prétendent justement « géniaux de subtilité (ou de nullité) », l’un par le rêve sucré, l’autre par l’horreur gore ou la pudibonderie intellectualisante. La dictature du camp est celle qui se place en grande ordonnatrice du bon et du mauvais goût. Ses promoteurs homosexuels pensent qu’ils peuvent se permettre, parce qu’ils possèdent à eux seuls la définition du bon goût, de franchir de temps en temps la frontière d’un mauvais goût qui auraient aussi la saveur d’un inédit et transcendant « bon goût » réservé à leur élite bobo. Pour eux, il y a un « mauvais ‘mauvais goût’ » et un bon « mauvais goût » (le « mauvais goût sain » comme dirait le Prétextat Tach d’Amélie Nothomb, dans Hygiène de l’Assassin) dont eux seuls connaîtraient la recette.

 

Série Once Upon A Time

Série Once Upon A Time


 

Du coup, ils ne voient pas qu’ils font de la merde à force de dire qu’ils la font. Ils se présentent comme des artistes d’avant-garde, ceux qui « sentent » le beau dans la laideur, qui trouvent, à l’image des décadents de la fin du XIXe siècle, la rédemption dans la médiocrité.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Télévore et Cinévore », « Tante-objet ou Maman-objet », « Bovarysme », « Patrons de l’audiovisuel », « Artiste raté », « Scatologie », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », « Obèses anorexiques », « Fresques historiques », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Humour-poignard », « Défense du tyran », « Planeur », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Faux intellectuels », à la partie « Matérialiste et consommateur gay » du code « Collectionneur homo », à la partie « Play-back » du code « Substitut d’identité », à la partie « Mélodrame » du code « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », à la partie « Camp » du code « Haine de la beauté », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) Absorbé par le kitsch des séries TV :

Dans les fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel est souvent fan de sitcom débiles de la télé : cf. la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, le film « Sitcom » (1998) de François Ozon, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen, la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick, le film « A Strange Love Affair » (1985) d’Éric De Kuyper et Paul Verstraten, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, le film « 50 façons de dire Fabuleux » (2005) de Stewart Main, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd (avec Arnold Wilcox, le fan homo d’une série-fleuve Paradis des chutes), la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy (avec Sébastien), la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays (avec Ryan), la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot (avec Benji, fan de séries débiles comme Les Filles d’à côté), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo (avec Ailín, fan de telenovelas), etc.

 

« On regardait Les Feux de l’Amour. » (Zize, le travesti M to F parlant de lui et de sa mère, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « C’est l’heure de son émission préférée du moment […]. Chloé adore regarder ce genre de programme, je pensais que ça ne serait pas du tout son genre, les trucs de starlette, mais c’est une drogue qui lui donne le sourire. » (Cécile en parlant de sa compagne Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 64) ; « Qui n’aime pas Glee et Sex & the City » (Jonathan, le héros homo de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « On était branchées, alors on regardait toutes les séries. » (Océane Rose-Marie et son amante Nathalie, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Je regardais Le Prince de Bel-Air, le Cosby Show. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc.

 

Film "The Bubble" d'Eytan Fox

Film « The Bubble » d’Eytan Fox


 

Par exemple, dans le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, Sébastien change de nom et se fait appeler Zack en référence à un héros de série télé qu’il a adulé dans son adolescence (Zack de Sauvez par le gong). Dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, Dean est amoureux de Luc Alphin, un comédien de la série Flipper le Dauphin. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, l’un des héros homos, est fan de comédies musicales, telles que Bananasplit. Dans son one-woman-show La Lesbienne invisible (2009), Océane Rose Marie dit en plaisantant qu’elle a eu le coup de cœur pour Hélène Rolles, l’héroïne de la série Hélène et les garçons. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Sébastien appelle son petit copain « J.R. » (= Jean-René), comme le personnage de Dallas. Dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, Lord Sanguinetto a une « pratique du visionnage à haute dose de Mission impossible et autres Charly et ses Drôles de Dames » (p. 39). Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Jean-René et Sébastien sont fans de Chantal Goya et de feuilletons indigents (cf. la parodie Les Flammes de l’Amour des Feux de l’Amour). Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo et Benji regardent la série Alf, et possèdent chez eux une impressionnante DVDthèque. Dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, le héros regarde la télé avec sa grand-mère (p. 12). Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca critique sa mère en lui reprochant de « l’avoir forcé à regarder la série Santa Barbara ». Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Michèle est l’actrice bimbo de série B La Vie est plus moche (parodie de Plus belle la vie) : Quentin, le personnage bisexuel, est d’ailleurs sorti avec elle. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, suit assidument Les Feux de l’Amour, Plus belle la vie, Desperate Housewifes, Derrick, Confessions intimes, etc. Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa fait plein de références aux séries et émissions télévisées : Top Chef, Six Feet Under, Une Femme d’honneur, Navarro, Le Commissaire Moulin, L’Amour est dans le pré et Kojak. Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, la grand-mère Mamita – jouée par le comédien lui-même – regarde Derrick, Dallas, Plus belle la vie. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, les parents d’Adèle passent leur temps devant la télé à scotcher sur des jeux télé (Questions pour un Champion par exemple)… et leur fille avec eux ! Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Pablo et Bruno nourrissent une passion commune pour la série télévisée Blind. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Benoît, le héros homo, a l’intégrale de Melrose Place. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Ody écoute des chansons mélancoliques de chanteuses italiennes plaintives des années 1960 avec son casque, et rêve de passer dans les émissions de télé-crochet style The Voice en Grèce. Dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, le narrateur homosexuel « se tape » le programme télé que sa mère regarde : une émission quotidienne pour les ménagères de plus de quarante ans, animée par Nicole Germain. Toute la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen est bourrée de références publicitaires ou télévisuelles (La Petite Maison dans la prairie, Dynastie, La Ferme Célébrités, Les Mystérieuses Cités d’or, Secret Story, etc.) : à un moment, l’intégralité des personnages participent à un grand jeu de télé-réalité (Stars chez eux) où le principe, pour gagner de l’argent, c’est de sortir un maximum de noms de marques. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, est scotché à sa télé devant Games Of Thrones, et se dit fan de Daenerys Targaryen, « la princesse exilée » : « Je l’adore. » Il se déguise même avec des costumes péplum chez lui. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), Fabien, le héros homosexuel, fait référence au dessin-animé Ken le Survivant, suit des séries telles que Mission Impossible ou encore Loft Story », chante des génériques publicitaires (L’ami Ricoré), et se prend pour WonderwomanTransformation ! Wonderwoman !! ») ou encore à Laura Ingals dans La Petite Maison dans la prairie : « Et là, je me voyais courir dans les champs, cheveux au vent, comme dans la Petite Maison dans la prairie, avec la petite fille qui se cassait la gueule. » Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, l’un des héros homosexuels, se découvre avec son psy secrètement gay également une passion commune pour la sitcom française Les Filles d’à côté : « C’est dingue. Vous êtes fan des ‘Filles d’à côté’, vous aussi ? » Arnaud connaît tous les épisodes par cœur. Il s’est abonné aussi au câble pour suivre Fashion TV.

 

Film "Beautiful Thing" d'Hettie McDonald

Film « Beautiful Thing » d’Hettie Macdonald


 

Le héros homosexuel des fictions est souvent une pétasse fashion victim au cerveau ramolli par les séries télé : cf. le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan (avec Steve), le film « Far West » (2002) de Pascal-Alex Vincent, le film « L’Homme d’à côté » (2001) d’Alexandros Loukos (avec Alkis, le héros homo lobotomisé par la série Elvira qu’il regarde, forcé au départ par sa grand-mère, puis y prenant goût), la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec Kevin), le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin (avec Tex, le prostitué déguisé en cowboy, et décrit comme « une cruche » qui « n’y connaît rien à l’art »), etc. Par exemple, dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, en tant qu’assistant à domicile de personnes âgées (ergothérapeute), va faire des ménages chez Olga, une grand-mère qui passe son temps devant la télé et l’initie aux jeux télévisés. Celle-ci veut absolument le caser avec une femme, et tente même de le séduire, en maintenant avec lui une relation fusionnelle (elle l’appelle « mon chéri »).

 

FEUILLETONS Garçon stupide

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

« J’ai la solution ! Toi et moi on va devenir la fille dans Sex And The City, et on vais rentrer avec des gros sacs de mode, ça sera la vraie Parisienne, quoi. Ohlalah, on doit être la plus belle, ma chérie, pour séduire plein de hommes. » (Cody, le héros homosexuel efféminé nord-américain s’adressant à son pote gay Mike qui vit une relation battant de l’aile avec Léo, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 101) ; « J’assume tous mes goûts variétoches. » (Damien, le héros bisexuel de la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; etc.

 

Parfois, le héros homosexuel est lui-même acteur dans une sitcom. Par exemple, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Luc joue dans une série B. Dans le film « I Love You Baby » (2001) de David Menkes et Alfonso Albacete, Marcos joue comme figurant dans des téléfilms où finalement ses scènes sont coupées au montage.

 

L’addiction du héros homosexuel pour ses séries n’est pas très bon signe dans la vie de ce dernier : elle dévoile un gros manque affectif, voire une dépression ou une schizophrénie. « Vous regardez trop la télé, Monsieur Canard. » (Olivier, le flic, s’adressant à Romain Canard, le coiffeur gay, fan de Plus belle la vie et de Julie Lescaut, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Aaaah !!! C’est Plus Belle la Vie !!! » (Raphaël Beaumont dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles, 2011) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Miguel, le héros bisexuel regarde des telenovelas avec sa femme… avant de la tromper plus tard avec un homme. Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert vit sous la coupe d’une mère possessive très superficielle, qui fait ses séances d’UV, qui s’achète des fringues tout le temps, qui regarde des feuilletons débiles à la télé… et qui l’entraîne dans sa vie ennuyeuse, superficielle, idolâtre et incestuelle.

 
 

b) Kitsch : le paravent qui dissimule (et indique la présence de) la merde :

Dans la fantasmagorie LGBT, les héros homosexuels sont souvent adeptes du kitsch, cet art-poubelle plein de « bons sentiments » et d’artifice forcé, doré, éphémère : Hervé fan de Claude François dans la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, Daniel le fan du concours-télé Eurovision dans la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez, le héros gay fan de l’Eurovision dans le film « Gotta Have Heart » (1998) d’Eytan Fox, Didier le téléphage attiré par le kitsch dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Yali le fan de la Star Academy israëlienne dans le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, etc.

 

« Cloclo, mon idole. » (Jean-Luc, l’un des héros homos de la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; « Jeanne aimait Céline Dion comme une matante. […] Elle achetait tous ses disques, malgré le contenu, s’empressait-elle d’ajouter parfois, et guettait toutes ses apparitions à la télévision. » (Jeanne, une des héroïnes lesbiennes du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 56) ; « Je n’ai aucune personnalité. J’ai un p’tit faible pour les chansons mineures qui vont droit au cœur des teenagers. » (cf. la chanson « Manque de personnalité » de Doriand) ; « David aime de la musique de tarlouze comme Johnny Mitchell ! » (Wayne dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper) ; « [Si nous les gays sommes doués pour l’art, ] c’est surtout pour danser sur de la musique de connasses, sur les musiques de pétasses comme on aime ! » (le narrateur homosexuel racontant son voyage vers New York, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David, l’un des héros homos, adore l’Eurovision et toutes les chanteuses icônes gays de seconde catégorie: Julie Piétri, Karen Cheryl, Chantal Goya, Nana Mouskouri, Mylène Farmer, etc. Dans le film « Le Père Noël est une ordure » (1982) de Jean-Marie Poiré, Katia, le gay inculte, est amateur de kitsch et fan de variété française. Par exemple, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, la mère d’Evita écoute la radio, lit des magazines people, des revues de cinéma.

 

Les personnages homosexuels semblent à la merci des modes : « Dans l’eau je baigne, c’est l’important, bien à mon aise, dans l’air du temps. » (cf. la chanson « J’en ai marre » d’Alizée) ; « Je déteste être à la traîne. » (l’ami homo de Charlie dans film « Urbania » (2004) de Jon Shear) ; etc. Par exemple, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, Max, la grande folle, ne veut porter que des vêtements moulants : « Et puis c’est la mode, merde ! »

 

Le kitsch auquel ils se soumettent annonce en toile de fond un manque de personnalité, une absence de liberté, un désir de mort (= le désir d’être objet est au fond un désir de mort), une souffrance non-identifiée.

 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 

En suivant l’excellente définition du kitsch donnée par Milan Kundera dans son roman L’Insoutenable légèreté de l’être (1984) (« Le kitsch est un paravent qui dissimule la mort », pp. 357-367), on se rend compte très souvent que, dans l’inconscient homo-érotique, noyé de kitsch, il est souvent fait référence à un mur ou à un paravent qui occulte le mal ou la mort ou les dictatures humaines. Par exemple, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, la scène finale représente Élisabeth qui s’est tirée dessus après avoir empoisonné son frère : elle s’écroule, faisant tomber ainsi le paravent qui dissimule la mort de Paul. Idem dans la pièce La Sonate des Spectres (1907) d’August Strindberg où il est question du « paravent de la mort », et dans bien d’autres œuvres crypto-gays : « Ce sont des gens à l’esprit pratique qui n’ont simplement pas envie de voir la mort en face ou plutôt à côté car une cloison nous en séparait. » (François, l’un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 125) ; « […] la lampe brillant derrière un paravent qui dissimulait à moitié le lit du jeune homme » (Fabien presque mort, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 303) ; « Je dissimulais les taches de moisissure [sur le mur de ma chambre] avec des posters de chanteuses de variétés ou d’héroïnes de séries télévisées découpés dans les magazines. » (Eddy Bellegueule dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 79) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Absorbées par le kitsch des séries TV :


 

Dans les séries, partout dans le monde depuis les années 1990, les personnages homosexuels (soit principaux, soit secondaires) ne manquent pas : Les Filles d’à côté, Les Mystères de l’Ouest, Starsky et Hutch, Queer As Folk, Six Feet Under, The L World, Buffy contre les vampires, Plus belle la vie, Grey’s Anatomy, Glee, Desperate Housewives, Once Upon A Time, Modern Family, Ugly Betty, Verbotene Liebe, Rizzoli And Isles, As The World Turns, Hotel Caesar, Des jours et des vies, Goede Tijden Slechte Tijden, Pretty Little Liars, etc.

 

 


 

Par exemple, en 2009, 18 personnages sur 106 (à savoir 3%) dans les séries américaines sont homos.

 

Même les anciennes séries « hétéros » virent maintenant leur cuti !

 

Le kitsch des Telenovelas latino-américaines et des soap opéras nord-américaines est un nid douillet idéal pour l’accueil des intrigues homosexuelles. Là où la sincérité (sans Réalité) abonde, l’homosexualité surabonde !

 

 

Et je ne peux pas le nier. Dans mon histoire personnelle, j’ai été bercé par les séries télés : Super Jaimie, Sherif fais-moi peur, Arnold et Willie, Derrick, Drôles de Dames, Ma Sorcière bien-aimée, K2000, L’Homme qui tombe à pic, L’Amour du risque, Les Deux font la paire, L’Agence tous risques, Amicalement vôtre, Mission Impossible, Sliders, Mac Gyver, Les Filles d’à côté, Wonder Woman, Loterie, Chips, Starsky et Hutch, La Petite Maison dans la Prairie, La Croisière s’amuse, Sauvés par le gong, Manimal, La Quatrième Dimension, Les Envahisseurs, La Grande Vallée, L’Homme qui valait 3 milliards, Chapeau melon et Botte de cuir, Matt Houston, Happy Days, Huit ça suffit, Columbo, Zorro, Flipper le Dauphin, etc. Elles ont façonné tout mon imaginaire.

 

 

Je suis loin d’être le seul dans ce cas. Par exemple, le réalisateur Alain Guiraudie se nourrit, adolescent, de culture populaire : B.D., séries télévisées, films de genre, etc. Beaucoup de créateurs homosexuels essaient de caser leurs goûts rétro-kitsch dans leurs oeuvres : Pedro Almodóvar, François Ozon, George Cukor, Gaël Morel, Pierre et Gilles, Panos K. Soutras, Xavier Dolan, Jean-Marc Vallée, Michel Tremblay, etc.

 

« Mes premières héroïnes étaient Catwoman – môme, je la dessinais brandissant son fouet –, Fantômette, Super Jaimie et Wonder Woman. Les ancêtres de Xena, quoi. » (le réalisateur français Julien Magnat dans la revueTêtu, n°69, juillet-août 2002, p. 20) ; « Tu n’étais pas contente de me voir pleurer, mais j’éprouvais une tendresse particulière pour la Princesse indienne de Patagonie. Le jour où on l’a fait prisonnière et où la sorcière de la tribu ennemie lui a arraché ses boucles d’oreilles, j’ai trouvé le monde injuste. J’aurais voulu pouvoir voler jusqu’à la Terre de Feu et la reprendre aux mains d’êtres aussi sauvages. Je sais : c’était un feuilleton radiophonique. Mais il me donnait un avant-goût des atrocités à venir. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), pp. 157-158) ; « Ce jour-là, je courais vers une image, une femme. L’actrice égyptienne. Une grande star. Une grande dame. Souad Hosni. Elle passait à la télévision dans un feuilleton que j’adorais. Houa et Hiya : Elle et Lui. Je courais vers elle pour l’embrasser. Être pendant une heure avec elle, amoureux en pleurs, danseur libre, comédien de ma propre vie. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 32) ; « Je n’ai jamais oublié Souad Hosni. Je n’avais pas oublié son feuilleton Houa et Hiya qui me faisait courir dans mon adolescence, à la sortie du collège. » (idem, p. 91) ; « Quand on a vu arriver L World, on était comme des dingues ! » (Fanny Corral, lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « Mamie Jeannine a divorcé lorsque mon père avait 3 ans. Elle a quitté son mari pour Jacques Larue, cet homme dont elle est tombée passionnément amoureuse. Mamie était d’une incroyable modernité ! À l’époque, ça ne se faisait pas de divorcer, ni de porter de pantalon, ou d’avoir les cheveux coupés court à la garçonne ! Mais mamie s’est toujours moquée du qu’en-dira-t-on. Elle était libre ! […] Avec mamie, on discute des heures, ‘on blague’, comme elle dit, et on rit. Des bavards invétérés ! Je l’ai convertie à la sitcom britannique hilarante ‘Absolutely Fabulous’. Une mamie branchée, croyez-moi ! D’une incroyable modernité. Parfois, on va au cinéma tous les deux. Je me souviens comme si c’était hier du jour où nous sommes allés ensemble au multiplex voir le film ‘Pourquoi pas moi’. Une comédie kitsch sur le coming out. […] Un nanar totalement oublié mais qui tient une place à part dans mon coeur tant il est lié à un moment crucial de ma vie. Mamie a adoré ! Évidemment, elle a tout compris, pas besoin de mettre des mots. Juste son regard, doux, malicieux et bienveillant, suffit à exprimer tout l’amour qu’elle me porte. Je sais qu’elle m’aime comme je suis. » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, Éd. Broché, Paris, pp.36-39) ; etc.

 

La plupart des personnes homosexuelles ont cru avoir vécu avec certains personnages de séries une véritable histoire d’amour. Par exemple, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), le romancier Alexandre Delmar avoue être tombé amoureux du personnage d’Esteban dans le dessin animé franco-japonais Les Mystérieuses Cités d’Or : « Oui, on peut trouver un personnage de dessin animé infiniment beau ! Absolument ! Je ne trouve pas ce concept du tout surprenant. » Puis il le compare à l’acteur principal d’une série nord-américaine de son adolescence : « Bon, d’accord, je dois quand même reconnaître qu’il n’est pas aussi beau qu’un garçon de mon âge qui joue dans une autre série, Sauvés par le gong, et qui répond au doux prénom de Zach. Tout me plaît chez lui. De la tête aux pieds, sans la moindre exception. Sa coupe de cheveux, sa blondeur, son visage fin, son teint hâlé, son look décontracté, sa popularité, son succès auprès des filles… Je voudrais tellement lui ressembler, même un tout petit peu. Mais il approche de la perfection faite ‘garçon’, ou du moins de l’image que je peux m’en faire, que je ne vois pas comment je pourrais lui arriver à la cheville. » (pp. 13-14)

 
 

b) Kitsch : le paravent qui dissimule (et indique la présence de) la merde :

Le kitsch applaudi par beaucoup de personnes homosexuelles s’est surtout choisi comme support la série télévisée musicale… donc les émissions de télé-réalité comme The Voice ou Glee, les comédies musicales, les concours comme l’Eurovision, les créations qui font du play-back nostalgique un zapping géant. Je pense par exemple au play-back de la chanson « Finally » de Cece Peniston dans le film « Priscilla, folle du désert » de Stephen Elliott, au play-back de la chanson « L’Amour à la plage » de Niagara dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, au play-back de la chanson « Rumore » de Patty Pravo dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, à la chanteuse de mariachi des années 1930 Lucha Reyes dans le film « La Reine de la nuit » (1994) d’Arturo Ripstein, aux reprises d’ABBA dans le film « Liv Og Dod » (« Vie ou mort », 1980) de Svend Wam et Peter Vennerod, au play-back final des « Magnolias » de Cloclo dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, à la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy,  etc.

 

 

Les séries musicales sont les lieux de tous les mélanges (fiction + clip), de toutes les hybridités (plaisir + risque du concours), de toutes les expérimentations inédites (jeu + bisexualité), de toutes les ironies sérieuses (kitsch + camp) : « Mes potes gays adorent l’Eurovision» (la chanteuse Amandine Bourgeois dans le journal Métro du 15 mai 2013, p. 12) ; « J’adore Claude François, car j’ai toujours aimé la variété. […] J’ai aussi aimé ‘pire’ : C. Jérôme, Dave, Gérard Lenorman… et alors ?!? J’assume tous mes goûts en bloc. » (Jérôme Dahan dans la revue Platine, n°11, avril/mai 1994, p. 13) ; « Moi, j’aime le music-hall. » (Charles Trénet) ; « Aristophane était un très bon metteur en scène de music-hall. » (Jacques Lacan, Séminaire, cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 524) ; etc. Je vous renvoie au documentaire « Porträt Marianne Rosenberg » (1976) de Rosa von Praunheim sur les stars du disco, ainsi qu’au docu-fiction très camp « Brüno » (2009) de Larry Charles.

 

 

Dans l’essai Para Enterdernos (1999), on retrouve dans les remarques d’Alberto Mira au sujet du kitsch et du camp l’idée que les désirs homosexuel et hétérosexuel émanent de la misère affective et culturelle d’Occident, reflet inversé de la misère du Tiers-Monde : « Le Festival de l’Eurovision est le ‘camp’ des pauvres. » (p. 287)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles sont fans – et parfois créatrices – de kitsch, cet art-poubelle plein de « bons sentiments » et d’artifice forcé : je pense aux nombreuses émissions de télé-réalité comme The Voice, Secret Story, La Nouvelle Star, l’Eurovision, et aux nombreuses sitcoms qui sont suivies par un public homosexuel. Par exemple, dans le documentaire Ouganda : au nom de Dieu (2010) de Dominique Mesmin, Joseph, le sorcier gay, a dans sa chambre un énorme poster des Spice Girls. Autre exemple : Jack Smith est amateur de séries B glamour. Bruce Benderson traduit une autobiographie de Céline Dion. Le couturier Jean-Paul Gaultier dit que pendant son adolescence, il a été nourri par les images et les séries qu’il voyait chez sa grand-mère chérie. Dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi, Luca pleure à chaudes larmes devant Nos plus belles années. On peut aisément qualifier de kitsch les tableaux bucoliques de Pierre et Gilles, les poésies pastorales de Luis Cernuda, etc.

 

Dans les pièces et les romans de Copi, il est fréquent de lire l’imprégnation de la sentimentalité exacerbée kitsch, des séries à l’eau de rose de la télé : « Je dis que je ne supporte plus qu’elle prennent toutes les décisions, je veux divorcer. Elle rit de son rire américain, tu n’oseras jamais, dit-elle, et elle continue de lire avec ses lunettes de contact. Je me sens sans force, je vais pleurer dans la cuisine […]. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977), p. 97) ; « Je me plonge dans la lecture des sous-titres des photos de Paris-Match. » (idem, p. 26) ; « Je veux parler d’abord avec mon avocat ! » (Daphnée dans la pièce La Tour de la Défense, 1974) ; « Hello, John ? Where is Katia ? She is there ? I want her back ! » (Daphnée au téléphone, idem) ; etc.

 

Il y a dans cet attachement homosexuel au kitsch à la fois de la distance (un second degré plus intellectuel qu’effectif) et aucune distance réelle (car les personnes homosexuelles ont tendance à confondre l’art avec l’amour, ou l’esthétique avec l’éthique) : « Aujourd’hui encore, je n’aime pas que l’on se moque de ce genre de films. » (Frédéric Mitterrand à propos de son attachement aux films de série B, La Mauvaise Vie (2005), p. 115)

 

Plus c’est (apparemment, médiatiquement) rejeté et destiné à la poubelle, plus la communauté homosexuelle défend (plus ou moins avec autodérision) telle ou telle vedette : c’était le cas de Chantal Goya, mise plus bas que terre après son passage catastrophique au Jeu de la vérité ; de Lady Di rejetée par la monarchie britannique ; c’est aussi le cas de Cindy Sander (qui fait l’objet d’une ovation générale plus qu’ambiguë et iconoclaste de la part du public gay lors de son apparition à la soirée dansante Follivores au Bataclan à l’occasion de la Marche des Fiertés de Paris le 28 juin 2008) ou encore de Vanessa Paradis. « Parce que quand tout le monde s’est mis à lui cracher dessus après le succès de ‘Joe le taxi’, les gays l’ont tout de suite adoptée. » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 101)

 

FEUILLETONS Mireille Matthieu

Le « charme » du désuet ou du rétro-laid clinquant…


 

Le kitsch, en même temps qu’il s’affiche, cherche à détruire sa propre naïveté avec le camp, ce kitsch soi-disant « second degré », un kitsch de destruction qui vise à prouver par l’acte iconoclaste que le kitsch naïf serait finalement vainqueur, tout-puissant et immortel. Par exemple, le romancier espagnol Terenci Moix revendique son goût pour le toc artistique face à la haute littérature, ce qui ne l’empêche pas de choisir pour cible privilégiée les revues people. Il est kitsch dans tous les sens du terme : à la fois kitsch et camp. « Parler du kitsch pour le dénoncer, c’est encore être dans le kitsch. » (Lionel Souquet, Le Kitsch de Manuel Puig (1996), p. 201)

 

Dans les spectacles travestis (passant mettre dans l’art du détournement parodique), ou encore dans les spectacles tels que la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (parodiant les soaps opéras, à la sauce gay) ou les comédies musicales avec Denis d’Archangelo (Le Cabaret des hommes perdus, puisant dans la culture music-hall), le kitsch est forcé, glorifié en même temps que détruit ; les séries télé sentimentales (soap opéras, telenovelas, sitcoms de maison de retraite de début d’après-midi) sont reprises abondamment et détournées ; les divas distinguées se mettent à roter, arrivent en béquilles sur scène, chantent l’amour déçu.

 

Comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus de Christian Siméon

Comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus de Christian Siméon


 

Dans leur cœur, une grande part des personnes homosexuelles n’ont pas renoncé à se prouver à elles-mêmes et à prouver au monde la profondeur de l’artifice, la beauté de leurs bons sentiments : « Tendre vers l’artifice, n’est-ce pas chez l’homme l’ambition la plus pure, la moins mensongère ? » (Yukio Mishima, Correspondance 1945-1970 (1997), p. 18) ; « Magnifiques, ces bijoux. Le toc, j’adore. » (Yves Saint-Laurent s’adressant à Loulou, une femme algérienne, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; « De la bêtise, je n’aurais le droit de dire, en somme, que ceci : qu’elle me fascine» (Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 56) ; « Rengaines, complaintes populaires, vieilles estampes, images d’un sou, spectacles de foires : autant de matériaux, réputés mineurs, qui fascinent Verlaine et nourrissent son inspiration. » (cf. l’article « Sentes buissonnières » de Daniel Grojnowski, dans le Magazine littéraire, n°321, mai 1994, p. 45)

 

Nous trouvons fréquemment une défense du « bon goût du mauvais goût » chez des critiques homos pourtant lettrés mais qui se laissent parfois aller à leurs élans « bobos » sentimentalo-esthétiques. Par exemple, Didier Roth-Bettoni, dans son essai L’Homosexualité au cinéma (2007), qualifie le film « Super 8 ½ » (1998) de Bruce LaBruce de « grand mauvais film ».

 

Kitsch et Camp jouent au ping-pong pour mieux, par leur concert, occulter l’absence de liberté et de Réalité que vit le créateur homosexuel qui les met en scène dans ses séries télé (et dans les détournements parodiques de celles-ci). La philosophe Susan Sontag a parfaitement bien analysé les pièges de la sincérité homosexuelle au niveau artistique avec ses essais sur le Camp (je crois qu’elle appelle « camp naïf » le kitsch) : « Il faut distinguer le Camp naïf et le Camp concerté. Le pur Camp est toujours naïf. Le Camp conscient (faire du Camp) paraît, en général, beaucoup moins bon. Le Camp à l’état pur est involontaire, d’un sérieux total. […] Il n’a pas la moindre intention d’être drôle. […] Le Camp intentionnel n’est sans doute jamais réussi. […] Le Camp spécule sur l’innocence : ce qui signifie qu’il la révèle, mais aussi, quand il le peut, qu’il la corrompt. […] L’élément essentiel du Camp, naïf ou pur, c’est le sérieux, un sérieux qui n’atteint pas son but. […] Le Camp, c’est un art qui se prend au sérieux, mais qui ne peut être pris tout à fait au sérieux, car il ‘en fait trop’. […] Une œuvre qui aurait pu être camp ne l’est pas du fait qu’elle atteint son but. […] N’est pas camp ce qui est extravagant d’une façon inconsistante et plate ; et jamais ne sera camp tout ce qui ne porte pas la marque d’une sensibilité aiguë, et en quelque façon déchaînée. Sans la passion, on ne saurait avoir que du ‘pseudocamp’, quelque chose de purement décoratif, inoffensif – du ‘chic’ en un mot. […] Une fois de plus, répétons-le, le Camp, c’est un effort pour faire de l’extraordinaire. Mais de l’extraordinaire dans un certain sens : le fascinant, le hors série. […] Le Camp vise à détrôner le sérieux. […] On peut se moquer du sérieux et prendre la frivolité au sérieux. […] Le Camp, c’est de la sensiblerie. » (Susan Sontag, « Le Style Camp », L’Œuvre parle (1968), pp. 432-449)

 

Même dans l’anti-conformisme, les personnes homosexuelles avouent elles-mêmes qu’elles sont à la merci des modes : « J’ai le Sida. J’attrape toutes les modes. » (Copi s’adressant à Facundo Bo, et cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 479) ; « J’ai souvent des idées qui sont assez ‘dans l’air du temps’. » (Klaus Mann, Journal (1937-1949), p. 326) ; « Piera suivait la mode avec ferveur : elle dévorait les pages des magazines, choisissant toujours les modèles les plus bourgeois. » (Alfredo Arias parlant d’un travesti M to F, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 14) ; « J’adorais suivre la mode. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 21) ; etc.

 

Pour ma part, comme je peux difficilement changer ce que j’aime, j’essaie d’assumer au mieux le côté kitsch (ou, mieux dit, « le côté misère » !) de mes goûts musicaux/cinématographiques/télévisuels/sexuels, et j’avoue qu’ainsi, ça apporte à ma personnalité un vrai capital sympathie, très décomplexant et convivial en groupe (à condition que je ne m’y installe pas trop…) !

 

 
 

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Code n°64 – Fantasmagorie de l’épouvante (sous-codes : Fan homo des films d’horreur / Peur / Gothique / « Psychose »)

fantasmagorie

Fantasmagorie de l’épouvante

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

Film "Poltergay" d'Éric Lavaine

Film « Poltergay » d’Éric Lavaine


 

Pourquoi les films d’horreur attirent autant le désir homosexuel ? D’un côté, on pourrait se dire qu’ils ne concernent essentiellement qu’un public masculin en quête de sensations fortes. Pour des raisons culturelles, les hommes seraient en effet prédisposés à relever des défis, à encaisser davantage les fortes montées d’adrénaline, à regarder des images insoutenables en face sans se dérober. De l’autre, à y regarder de plus près, les films d’épouvante les plus connus défendent l’émancipation de la femme, à travers la figure d’une héroïne courageuse qui sort de son rôle de femme-potiche pour endosser celui du guerrier. Ça peut être une des explications de l’engouement de beaucoup de personnes homosexuelles pour ce genre de films. Par rapport aux films d’action, l’identification aux femmes est facilitée et renforcée. Et comme par hasard, les personnages masculins (souvent très beaux gosses) de ces films gore passent rarement à la casserole avec la femme de leur rêve : ils ont plutôt tout du « pédé placardisé » comme dirait BBJane Hudson (dans le cas où ils sont assassinés par le scénario) ou à l’inverse ils ont le profil type de l’assassin (la bombe sexuelle, icône du danger sexuel : je pense par exemple au personnage du bellâtre Bosco dans l’excellent film « Tesis » d’Alejandro Amenábar). On retrouve dans les films d’horreur et chez les méchants tout le maniérisme qui plait aux personnes homosexuelles : les héros qui disparaissent un à un de manière différente, tous plus beaux et plus suspects les uns que les autres ; le tueur qui compose un personnage d’esthète névropathe sophistiqué, peaufinant avec art, minutie et humour, ses supplices : il cherche toujours à être plus original que les autres (ce qui n’est pas le cas des vrais violeurs et assassins qui se baladent dans la Nature). Il se délecte de sa démence (contrairement aux véritables fous qui parfois sont tristes et effrayés d’être esclaves d’eux-mêmes : je pense à Jeffrey Dahmer, qui s’effrayait lui-même tout en persistant à continuer ses crimes odieux).

 

Alors, finalement, plaisir de frémir (étrange autant que bien commun) ou de voir souffrir, ou autre chose ? Je dirais plutôt : une angoisse de vivre et une peur encore très infantile de la sexualité et de la différence des sexes (je précise « infantile » car il y a aussi quelque chose de la régression puérile dans ce souhait d’avoir peur, d’être croqué par le loup et d’être pourchassé par ses propres émotions). Je crois que, plus que du côté des intentions, il faut chercher les raisons de cette attraction homosexuelle pour l’horreur-cinéma davantage dans l’inconscient, dans la confusion entre éthique et esthétique (donc dans l’idolâtrie), ainsi que dans la défense quasi incontrôlée que mettront en place certaines personnes pour faire face à des peurs existentielles qui les assaillent et les submergent. Concernant la réalisation de ces films, pourquoi serait-elle plus spécifiquement objet de conquête, d’excitation chez des metteurs en scène homosexuels ? Parce qu’à défaut d’expier une pulsion sadique intrinsèque au désir homosexuel (cf. je vous renvoie aux codes « Adeptes des pratiques SM », « Désir désordonné » et « Coït homosexuel = viol » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), elle l’exprime et donne l’illusion à celui qui est « mort de peur » d’avoir la main sur sa peur. Le réalisateur de films gore se donne pour tache de devenir Dieu, c’est-à-dire d’imiter la réalité par l’artifice artistique, au point de la rendre repoussante (à ses yeux, « réelle ») … et finalement pour cacher que ce sont sa fuite du Réel, son orgueil, sa peur, sa haine de lui-même qui sont surtout repoussants. Pour lui, les apparences sont trompeuses ET pourtant, il misera tout là-dessus ! Ce paradoxe est typique de la croyance idolâtre selon laquelle l’image serait plus forte que le Réel et pourrait se supplanter à Lui, que les sens seraient plus forts que le Sens, que le mal serait plus fort que l’Homme, que les apparences seraient plus fortes que la Vérité, que la peur est créatrice. Dans les nanars de l’épouvante, tout est basé sur les effets, les impressions, le visible, l’auditif, l’humour noir, l’imaginaire. Très peu de psychologie, de profondeur, de rapprochement au Réel visible et invisible. Un désenchantement de l’Humanité et de la sexualité, de la vie (où tout ne serait qu’apparences trompeuses et déterminisme) est exprimé.

 

On a l’impression que les cinéastes homos de l’épouvante se délectent de la transcendance et du Réel visible (= ce qui se voit à l’œil nu) et invisible (= le monde du paranormal). En fin de compte, il n’en est rien. Tout comme les films érotiques ne célèbrent pas, malgré les apparences, la véritable sexualité, les films d’horreur ne célèbrent pas davantage le Réel (en accentuant les moindres bruits, les portes qui claquent, les robinets d’eau qui font « floc floc », bref, en forçant les vraisemblances). Les personnages de ces films de bas étage sont tous des objets, des jouets, des instruments d’un destin implacable. À la différence des films pornos qui mettent en avant la pulsion génitale, les films d’horreur insistent sur les sens, l’image (même l’image elliptique, quand l’horreur passe par sa propre suggestion) et toutes les pulsions. Ils célèbrent finalement le fantasme réaliste.

 

Le désir homosexuel, fuyant la différence des sexes qui est le socle du Réel, est par définition un désir pulsionnel. Il était logique que le genre filmique de l’épouvante l’appelle donc plus spécifiquement. Les productions gore sont, en somme, une confession angoissée de la peur – magnifiée et salie – de la sexualité chez leurs concepteurs. Plus simplement, ils sont une manière peu franche (ou, ce qui revient au même, trop franche !) d’attirer l’attention sur soi. Je me contenterai, pour me faire comprendre, de citer une réplique du personnage horrorifique de Vicky Fantômas dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi : « J’espère que je ne vous fais pas peur. Si, je vous fais peur. Alors c’est parce que je n’ai pas d’autre moyen d’attirer votre attention. »

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Mort », « Morts-vivants », « Milieu homosexuel infernal », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Frankenstein », « Reine », « Homosexualité noire et glorieuse », « Symboles phalliques », « Se prendre pour le diable », « Clown blanc et masques », « Main coupée », « Déni », « Télévore et Cinévore », « Violeur homosexuel », « Couple criminel », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Vampirisme », « Haine de la beauté », à la partie sur le « Cri d’épouvante » du code « Viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Des héros effrayés (par la sexualité) :

Beaucoup de personnages homosexuels se caractérisent par leur peur maladive (et pas toujours consciente) d’eux-mêmes et des autres : cf. la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier (avec « le Grand Concours de la Peur »).

 

« Parfois, je me fais peur toute seule. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 70) ; « Que s’est-il passé dans votre vie pour que vous soyez aussi soupçonneuse ? » » (le docteur Mann à Jane, idem, p. 174) ; « Ma vie me faisait peur, je ne faisais que jouer un rôle… et je ne redevenais que moi-même quand j’étais dans le noir. La solution c’était le noir éternel ou porter ne perruque sur une scène. […] J’ai suicidé la réalité, j’ai fait une apnée de moi même. […] Mais dès que le rideau tombe, dès que la vie reprend, j’ai peur. […] C’est agressif la vie. C’est agressif la vérité. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je reste presque seul, dans l’évident triomphe de mes seize ans, entouré de femmes qui prennent soin de moi, de leur affection excessive et peureuse. » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 14) ; « Tu es absolument paranoïaque. » (Michael, homosexuel s’adressant à son colocataire Harold, lui-même homo, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? Ça commence. L’angoisse. Je la sens. [Levant les yeux au ciel] Seigneur, je n’y arriverai pas !!! […] Je me sens si mal. J’en ai assez de vivre et j’ai peur de mourir. Si on pouvait ne pas tant se haïr. C’est tout. Si on essayait de ne pas tant nous détester. » (Michael, le héros homosexuel s’adressant à son ami Donald, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « La vie me fait peur. C’est grave, docteur ? » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Goliatha, le rat me regarde ! J’ai peur ! » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Mais vous ne dites rien ? Regardez-moi. Je vous fais peur ? » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Ça doit être une déformation professionnelle : j’angoisse pour un rien. » (Mélodie, l’héroïne bisexuelle du film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell) ; etc.

 

En réalité, leur peur est liée à la sexualité en général, à la différence des sexes. « Je n’ai jamais été actif. Simon dit : ‘Tous les pédés c’est pareil, ils sont passifs quand ils ont vingt ans, et en vieillissant, ils deviennent actifs pour pouvoir continuer à coucher avec des mecs de vingt ans, c’est pathétique. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 68) ; « Polly aime bien être passive, ça l’arrange que Claude veuille toujours être dominante. Dans le fond, elle sent bien qu’elle est complètement inhibée avec le cul. » (idem, p. 74) ; « J’ai peur d’avoir des enfants ! » (Lou, l’héroïne lesbienne dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je n’oserai pas regarder une femme en train d’accoucher ! » (Martin, idem) ; « Il a râlé comme une peine, comme une longue douleur, je crois qu’il a mal. Moi, je sais. Je n’aimerais jamais ça. Le vide devait rester vide, jamais plus aucun ne ferait sur moi l’expérience de sa virilité, jamais je ne ferais l’usage de la féminité. » (une héroïne racontant la douleur d’un homme après un acte sexuel avec une femme, dans la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « Il l’a peint en rouge et me l’a monté en pendentif… » (la femme à propos du sexe de son ex-compagnon Jean-Luc, converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Les papous ne s’embrassent jamais, ils ont peur qu’on leur vole leur âme… Moi je me sens papou bizarrement certains matins… » (le comédien dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Juan-Carlos savait-il la gravité de son mal ? » (Manuel Puig, Boquitas Pintadas, Le plus beau tango du monde (1972), p. 120) ; « J’ai peur des phallus… J’en ai un, là, dedans. Faut me l’enlever. » (une patiente dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Ainsi de jour-là, était-ce dû à la chaleur ? À une pression artérielle trop élevée ? À une faiblesse nasale ? Ou peut-être les trois à la fois… Je me mis à saigner du nez. Une vraie hémorragie ! N’ayant pas de mouchoir et sentant mon nez couler, je m’essuyai discrètement d’un revers de main. Le liquide rouge que j’en ramenais était sans équivoque. Laëtitia, qui avait toujours tout, me donna ses mouchoirs. Je saignais tant que je vidais le paquet. Lorsqu’enfin les vannes se fermèrent, je n’étais plus en état d’embrasser qui que ce soit. Fini la frime, je me sentais très piteux. J’eus souvent peur de récidiver les fois suivantes, mais non, ce fut la première mais aussi la dernière. » (Bryan, le héros homosexuel qui a peur d’embrasser sa meilleure amie Laëtitia sur la bouche, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pp. 27-28) ; « Je n’y arriverai jamais. » (Hugo, le héros homosexuel face à sa voisine Franckie avec qui il pourrait coucher, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Heïdi, l’une des deux héroïnes lesbiennes, ne supporte pas d’entendre le mot « zizi » : elle tombe dans les pommes dès qu’il est prononcé. Et lorsque Frédérique – l’amante d’Heïdi – est sur le point de passer au lit avec Romuald, le protagoniste homo – elle pousse un hurlement explicite : « J’ai peur !!! » ; et Romuald aussi : « Je vais porter plainte pour tentative de castration ! » Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, c’est la peur qui pousse Howard à se croire gay.

 

Film "Otto" de Bruce LaBruce

Film « Otto » de Bruce LaBruce


 

Parfois, le protagoniste homosexuel a peur de ne pas contrôler/réfréner ses pulsions sexuelles, et qu’elles se transforment en puissances violentes et mortelles : « Je n’aime pas ce mélange de rêve et de réalité, j’ai peur d’être encore amené à tuer comme dans mes précédents rêves. […] Je sais que même si je ne suis pas un criminel, mon emploi du temps de ces quatre derniers jours m’est complètement sorti de la tête, n’aurais-je pas pendant cette période tué pour de bon ? Est-ce que Marielle ne courra pas un danger restant seule avec moi ? Non, voyons, je suis la personne la plus pacifique du monde. Les gens violents dans leurs rêves sont dans la réalité incapables de tuer une mouche. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 134) ; « J’avais imaginé un moment demander à la petite voisine de passer me voir afin de faire ensemble ce que je l’avais obligée à faire seule devant moi, sachant combien j’aimais à outrepasser la pudeur des autres, pour le plaisir que son viol me donnait. Cette envie ne me quittait pas, mais je devais résister, c’était trop risqué. […] J’avais peur de moi. Quand je sentais monter ce besoin de chair, peu m’importaient les moyens et la figure de celle qui me donnerait ce qu’il me fallait. » (Alexandra, la narratrice lesbienne attirée par une mineure, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 56-57) ; etc.

 

Et plus encore : la peur des héros homosexuels est liée à l’homosexualité, à la pratique homosexuelle, et à la croyance en la vérité de l’identité homosexuelle et de l’amour homosexuel… même si, très vite, par auto-persuasion, ils vont se dire que c’est tout ce qui fait frein à celles-ci qui créerait leur angoisse (cf. je vous renvoie au code « Liaisons dangereuses » du Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Je n’avais jamais fait ça de ma vie auparavant. J’avais une trouille bleue. » (Hank parlant de sa première expérience homosexuelle, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Ça chassera peut-être mon angoisse. » (Michael, héros homosexuel se rendant à la messe de minuit pour oublier la misère de sa condition homosexuelle, idem) ; « Je croyais que l’amour était quelque chose d’agréable, qui nous grandissait. Mais celui que je ressens pour toi, me fait parfois l’effet inverse, il me détruit ! Pourquoi ? Puisque ça fait si mal, faut-il avoir peur d’aimer ? » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 417) ; « Je sentais que Marie était tétanisée par la peur que cela ne me déplaise. Dans un effort d’audace, pourtant, elle me prit par la taille. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 152) ; « Par peur d’être catalogués, les homosexuels sortaient uniquement à la tombée de la nuit (pareil à des chauves-souris) pendant que les voyous et les drogués squattaient en permanence les lieux. » (Ednar, le héros homosexuel parlant des Antilles, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 188) ; « Peut-être que ce qui fut jadis la Cour des Miracles saurait le guérir de sa peur, l’aider à s’affirmer auprès des siens. » (Ahmed, le héros homosexuel parlant du Marais, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 52) ; « Quand je l’ai pris dans mes bras, il était léger comme un gosse, j’avais presque peur de lui faire du mal. » (Martin en parlant de Lucas, dans le film « L’Homme que j’aime » (1997) de Stéphane Giusti) ; « Excuse-moi mais tout à coup j’ai peur de ce qui arrive […] peur de ne pas pouvoir te donner tout ce que tu veux, pas le temps, pas le désir. » (Lucas s’adressant à Martin, idem) ; « J’aime quand vous me faites peur. » (cf. la chanson « Consentement » de Mylène Farmer) ; « Je n’ai jamais peur. » (Roméo, le héros homo du film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer) ; etc.

 
 

Stephen – « J’ai peur maintenant… j’ai peur de vous.

Angela – Mais vous êtes plus forte que moi…

Stephen – Oui, c’est pourquoi j’ai si peur… vous me faites sentir ma force… »

(cf. un dialogue entre les deux héroïnes lesbiennes, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 189)

 
 

b) La caricature de cette peur homosexuelle de la sexualité : l’attrait-répulsion pour les univers d’épouvante

Les héros homosexuels sont effrayés et angoissés par ce qu’ils vivent en amour homo et en croyance identitaire homo, et se disent qu’en forçant le signe de leur honte (= la peur), en le grossissant, en le caricaturant et en l’esthétisant à la perfection, il se figera, ne se verra plus et sera hors d’état de nuire. Au-dessus de tout soupçon. Ou plutôt auréolé de soupçons !

 
 

Cyrille [le héros homosexuel] – « Comment me trouvez-vous, Hubert ?

Hubert – Effrayant, maître ?

Cyrille – Vous serez toujours mon meilleur public. »

(Copi, Une Visite inopportune, 1988)

 
 

Film "The Gay Bed & Breakfast Of Terror" de Jaymes Thompson

Film « The Gay Bed & Breakfast Of Terror » de Jaymes Thompson


 

Le film d’épouvante intéresse le personnage homosexuel, et beaucoup de créations traitant d’homosexualité sont des œuvres d’épouvante : cf. le film « À corps perdu » (1988) de Léa Pool, le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le film « Frisk » (1995) de Todd Verow (sur les snuff movies), le film « La Sentinelle des maudits » (1977) de Michael Winner, le film « Nouveaux Monstres » (1977) de Dino Risi, le film « Trois visages de la peur » (1963) de Mario Brava et Salvatore Billitteri, le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar (le personnage homo se masturbe devant des films d’épouvante), le film « Danse macabre » (1963) d’Antonio Margheriti, la comédie musicale Big Manoir (2007) d’Ida Gordon et d’Aurélien Berda, le film « House Of Horrors » (1946) de Jean Yarbrough, le film « La Maison du diable » (1963) de Robert Wise, le film « Les Monstres » (1963) de Dino Risi, la comédie musicale Créatures (2008) d’Alexandre Bonstein et Lee Maddeford, le film « Une poule, un train et quelques monstres » (1969) de Dino Risi, le film « Le Masque du démon » (1960) de Mario Bava, le film « L’Assassino Ha Riservato Nove Poltrone » (1974) de Giuseppe Bennati, les films « Besame Monstruo » (1969), « La Comtesse perverse » (1973), « Les Possédées du diable » (1974) de Jess Franco, le film « Sometimes Aunt Martha Does Dreadful Things » (1971) de Thomas Casey, le film « Thundercrack » (1975) de Curt McDowell, les films « The Brotherhood » (2000), « The Brotherhood 2 : Young Warlocks » (2001), « The Brotherhood : Young Demons » (2002) et « Final Stab » (2001) de David DeCoteau, le film « The Boy With The Sun In His Eyes » (2009) de Todd Verow (avec le héros homo fan de films d’horreur), le film « Le Fils de Chucky » (2004) de Don Mancini, le film « Troméo et Juliette » (1996) de Lloyd Kaufman, le film « Curse Of The Queerwolf » (1988) de Mark Pirro, les tableaux Autoportrait avec crâne (1977-1978) et Crâne d’Andy Warhol (1976-1977) d’Andy Warhol, la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar (avec Stéphane, le héros homosexuel adepte des films gore), le film d’épouvante « In The Blood » (« Dans le sang », 2006) de Lou Peterson, le film « Haute tension » (2003) d’Alexandre Aja (avec Cécile de France en lesbienne psychopathe), le film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton (avec le personnage homosexuel d’Otto), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, le film « Who’s Afraid Of Vagina Wolf ? » (« Qui a peur de Vagina Wolf ? », 2013) d’Anna Margarita Albelo, le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque (avec la Schtroumpfette qui fait des films d’épouvante), les films « Jeepers Creepers » (« Le Chant du diable », 2001) et « Jeepers Creepers 2 » de Victor Salva (avec un des personnages ouvertement gay), la série American Horror Story (2011) de Ryan Murphy et Brad Falchuk (avec un couple homo qui se fait enfoncer un tisonnier), le film « October Moon » (2005) de Jason Paul Collum, le film « Hellbent » (2004) de Paul Etheredge-Ouzts (racontant l’histoire d’un psychopathe qui tue ses victimes dans le milieu homo), le film « Lesbian Psycho » (2010) de Sharon Ferranti, le film « The Silence Of The Lambs » (« Le Silence des agneaux », 1991) de Jonathan Demme, le film « Sleepaway Camp » (« Massacre au camp d’été », 1983) de Robert Hiltzik (où le tueur est un trans M to F), le film « Curse Of The Queerwolf » (1988) de Mark Pirro (là encore, l’assassin est transsexuel), le film « Pulsion » (1980) de Brian De Palma (avec le trans M to F maniaque), le film « Maniac » (2012) d’Alexandre Aja, le film « The Descent » (2005) de Neil Marshall, le film « Miss Paramount » d’Indochine (avec le Jardin des Tortures), etc. « Était-ce à ce moment-là qu’elle s’était mise à fumer – des après-midi d’école volés passés chez d’autres gamins ; rideaux tirés et vidéos de films d’horreur ; cigarettes communes fumées aux fenêtres du premier. Jane sourit à ce souvenir. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 46) ; « Le clocher se dressait, haut et menaçant, au-dessus des tombes, tel un instrument de vengeance. Il ne manquait qu’une fille terrifiée courant dans l’allée en chemise de nuit pour la transformer en véritable affiche de film d’épouvante. » (idem, p. 72) ; « Je vois les films d’épouvante. Je m’en vante, je m’en vante. » (cf. la chanson « La Parisienne » de Marie-Paule Belle) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Chris, le héros homosexuel, est fan de films d’épouvante, et en réalisent : « Chris veut remettre à la mode le film d’horreur. » Quant à Toph, il a tourné un film d’épouvante intitulé « Blood In Barcelona ». Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas et son amant Nathan vont au cinéma voir le film d’épouvante sanguinolent « Nowhere » de Gregg Araki.

 

 

Dans le film « Scream 4 » (2011) de Wes Craven, il y a une référence explicite à l’homosexualité : « En fait, la plus sûre issue de secours pour survivre dans un film d’horreur moderne, c’est d’être gay. » D’où la scène cocasse qui suivra lorsqu’un des personnages est sur le point de se faire tuer : « Attendez, non, vous ne pouvez pas me tuer ! Vous ne pouvez pas ! Il y a des règles ! Je suis gay ! Je suis gay ! »

 

 
 

Dans Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar propose à son amant Khalid d’aller au cinéma voir le film d’horreur « Re-Animator » racontant l’histoire d’« un homme qui réveille les morts » (p. 111).

Khalid – « On pleurera cet après-midi alors… tous les deux… en regardant ton film d’horreur…

Omar – Sur l’affiche, l’acteur principal porte des lunettes.

Khalid – Et alors ?

Omar – Comme toi, avant. »

 
 
 

« C’est toujours la pucelle qui s’en sort le mieux à la fin. » (Jonathan, le héros homosexuel parlant des films d’horreur, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.)

 

 

Les univers folkoriquement « effrayants » apparaissent dans différentes créations : le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, le film « Elephant Man » (1981) de David Lynch (repris par Mylène Farmer dans sa chanson « Psychiatric »), le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, le film « The Halloween Parade » de Lou Reed, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Serial Mother » (1994) de John Waters, la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson, la pièce Amour, gore, et beauté (2009) de Marc Saez, la pièce La Belle et la Bière (2011) d’Emmanuel Pallas, la nouvelle « Les Garçons Danaïdes » (2010) d’Essobal Lenoir, le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, etc. Par exemple, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, Jason, le héros homosexuel, est un « grand admirateur d’Hitchcock » (p. 414). Dans le téléfilm « Prayers For Bobby » (« Bobby, seul contre tous », 2009) de Russel Mulcahy, Bobby, le héros homosexuel, connaît les trucages d’Alfred Hitchcock.

 

« La lumière de la lune se suffisait à elle-même, et les éléments du décor se recomposaient harmonieusement, lui révélant, sans plus de raison ni avec moins d’évidence, que l’horreur du monde a pour revers son inexprimable beauté. » (Jason, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 246.)

 

Film "Requiem For A Dream" de Darren Aronofsky

Film « Requiem For A Dream » de Darren Aronofsky


 

Le monde de la « peur de la mort » esthétisée entre en résonnance avec le monde gothique. On retrouve la confluence entre la culture gothique et l’homosexualité dans beaucoup de créations homo-érotiques : cf. le film « Gothic » (1986) de Ken Russell, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez (avec Juna, la lesbienne gothique), le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, le roman À ta place (2006) de Karine Reysset (avec Chloé la lesbienne gothique), le film « Occident (Statross le Magnifique 2) » (2008) de Jann Halexander, le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa (Nathalie parle à une gothique de 15 ans dans le magasin de chaussures qu’elle tient), le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson (où Stella, la FAP, est gothique), le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec Freddie, l’homme gothique), le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot (avec Corinne, l’amie gothique d’enfance de Jason), la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller (avec Schmidt en gothique efféminé), etc. Par exemple, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, se fait surnommer « Mercredi » (de la Famille Addams) par ses propres parents. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Henri allait à la messe avec ses costumes gothiques quand il était jeune.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Des êtres effrayés (par l’identité homo et la pratique homo qu’ils s’imposent, et par la sexualité en général) :

Beaucoup d’individus homosexuels se caractérisent par leur peur maladive (et pas toujours consciente) d’eux-mêmes et des autres : « Je me rends compte que j’ai toujours fait tout par peur. » (Guillaume Gallienne dans son film biographique « Les Garçons et Guillaume, à table ! », 2013) ; « Tous les matins se ressemblaient. Quand je me réveillais, la première image qui m’apparaissait était celle des deux garçons. Leurs visages se dessinaient dans mes pensées, et, inexorablement, plus je me concentrais sur ces visages, plus les détails – le nez, la bouche, le regard – m’échappaient. Je ne retenais d’eux que la peur. » (Eddy Bellegueule parlant de ses deux agresseurs au collège, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 63) ; « Je ne m’acceptais pas (jusqu’à mes 20 ans) parce que j’habite un petit village. C’est une chose dont on ne parle jamais. On se cache. On a peur. » (René, témoin homo suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc. Ils ont souvent une réputation de mauviettes et de froussards, de personnes facilement impressionnables et peu courageuses. Et un certain nombre d’entre eux s’installent dans cette réputation. « Mon envie dans ce film est de faire apparaître la relation que j’ai eue avec Pêche. Parce qu’elle a été sans doute une soupape à mes questions. Parce que j’avais trouvé en lui quelqu’un à qui m’accrocher. À travers cette histoire intime avec Pêche, mais aussi à travers les failles et les choses du monde normées et non normées assimilées, ressortira le cheminement d’un enfant, de sa construction, de ses peurs anciennes face à son homosexualité, mais aussi de ses désirs et secrets les plus beaux qu’il n’ait imaginés. » (le réalisateur Thomas Riera parlant de sa figure-cheval, dans le documentaire « Pêche, mon petit poney », 2012) ; « Le monde s’est mis alors à trembler autour de moi. La terre s’ouvrait sous mes pieds. L’abîme. J’y suis tombé. Le cycle de la mort aveugle, que j’avais déjà croisé enfant, jeune homme, recommençait. C’était le désert. Le désert et la panique. […] J’avais peur, peur, peur… Peur de partir. » (Abdellah Taïa parlant de la mort et de son enfance, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 93) ; « Tout m’inquiète. » (Bruno Wiel, jeune homme trentenaire homosexuel, agressé par quatre hommes qui l’ont laissé pour mort, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « J’ai peur d’à peu près tout dans la vie. » (Michel Govignon, candidat gay dans le jeu Une Famille en Or, diffusé le 30 novembre 2021 sur TF1) ; etc.

 

En réalité, leur peur est liée à la sexualité en général, à la différence des sexes. « Le sexe n’existait pas pour moi quand j’étais petite puisqu’il n’était jamais nommé. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 108) ; « Comme Chouaïb, je ne mélangeais pas Dieu et le sexe. Le pur et l’impur. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 26) ; « Je faisais croire que j’étais branché sur les filles ! En réalité, elles me faisaient très peur. Dès qu’elles étaient trop proches, je reculais. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 29-30) ; « La grande majorité des malades qui consultent le psychothérapiste ne sont pas vraiment des homosexuels, mais plutôt des jeunes gens souffrant d’un état d’anxiété. Ignorant le processus de développement de l’instinct sexuel, ne se rendant pas compte qu’ils traversent une étape normale d’homosexualité, truffés de complexes d’infériorité qui leur font redouter l’idée même des responsabilités du mariage, ils montent en épingle leurs tendances homosexuelles pour expliquer leur incapacité à se marier. […] Ce sont les impressions de l’enfance qui marquent l’individu au point de vue sexuel. Si elles ont été désastreuses, l’individu cherche souvent refuge dans l’homosexualité. C’est l’histoire banale des foyers désunis, où la mère, malheureuse et terrorisée par un père brutal, étouffe son enfant sous des manifestations d’affection anxieuse. Elle le retient dans son développement et tend à le conserver pour elle, comme un bébé. L’enfant, dans ces circonstances, témoin d’un rapport sexuel entre ses parents, l’interprète comme une attaque contre sa mère, une brutalité. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48)

 

 

Et plus encore : la peur des sujets homosexuels est liée à l’homosexualité, à la pratique homosexuelle, et à la croyance en la vérité de l’identité homosexuelle et de l’amour homosexuel… même si, très vite, par auto-persuasion, ils vont se dire que c’est tout ce qui fait frein à celles-ci qui créerait leur angoisse (cf. je vous renvoie au code « Liaisons dangereuses » du Dictionnaire des Codes homosexuels) : « J’étais heureux et j’avais peur. Tu étais l’homme, le roi. J’acceptais ton pouvoir. » (Abdellah Taïa s’adressant à son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 114) ; « C’est extrêmement difficile à vivre. […] J’ose à peine regarder les autres. […] Quand c’était intime, j’étais dans le malaise. » (Christian parlant de la découverte de son désir homosexuel pendant l’adolescence, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Catherine disait avoir peur : ‘Tu ne sais pas te protéger. Je ne veux pas te faire à nouveau souffrir. Il faut que tu saches qu’avec les femmes, je ne sais pas construire d’avenir. Avec un homme, c’est plus simple, je peux raisonner, ordonner, projeter, il n’y a pas à avoir peur de l’amour. Ne crois pas que tu pourras opérer de miracles. Dans ce domaine, je me sens infirme.’ Je n’arrivais pas à prendre au sérieux cette peur de l’amour et du désir sur laquelle Catherine revenait sans cesse et il me semblait, tant l’amour peut rendre présomptueux, que j’en viendrais facilement à bout. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 53) ; « Ce qu’il y avait entre nous [Martine et elle], c’était quelque chose de bien plus fort, à savoir la peur de la solitude. » (idem, p. 78) ; « Je nageais mais dans la peur. Je tremblais, à l’intérieur. Je ne voyais plus les garçons sauvages mais je les sentais venir, se rapprocher de mon corps, le renifler et le lécher. Dans un instant le violenter, l’un après l’autre le saigner. Le marquer. Lui retirer une de ses dernières fiertés. Le briser. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 25) ; etc.

 

Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko évoque sa peur de l’acte sexuel (« Mes yeux se fermaient à l’idée que le sexe était une combinaison du bon et du mauvais. », p. 63), puis son effroi d’avoir vécu l’acte homo : il raconte la vue de son violeur et de son « sexe brandissant sous ses yeux, écarquillés de peur » (p. 71)

 
 

b) La caricature de cette peur homosexuelle de la sexualité : l’attrait-répulsion pour les univers d’épouvante

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Comme pour avoir une main sur leurs peurs cachées (et ne surtout, pour les cacher et ne surtout pas les surmonter), certaines personnes homosexuelles vont, à l’âge adulte, rejoindre le monde de l’horreur cinématographique et donner à croire ainsi que plus rien ne leur fait peur. Quitte à singer la peur et s’illusionner elles-mêmes.

 

 

Il est fascinant de remarquer que beaucoup de réalisateurs de films d’épouvante sont homosexuels : James Whale (le créateur de Frankenstein), Friedrich Wilhem Murnau, Curtis Harrington, Ed Wood (pour son travestisme…), Victor Salva (attiré par l’homosexualité mais aussi la pédophilie), Kenneth Anger, Jack Smith (si on peut le classer comme réalisateur de films d’horreur – dans ce cas, le retenir comme personnalité, avec Andy Warhol et Susan Sontag), les frères Kuchar, Andy Milligan, David DeCoteau (initiateur du fantastique 100% et ouvertement gay), Paul Morrissey, Michael Armstrong (« Mark Of The Devil », « House Of The Long Shadows »), Zebedy Cold (porno fantastique ; il était bi), Tim Sullivan (le remake de « 2 000 Maniacs »), Alan Rowe Kelly, Todd Haynes, Joel Schumacher, Marc Pirro (« Curse Of The Queerwolf »), Tom DeSimone (porno + « Hell Night »), Bart Mastronardi (un jeune indépendant, auteur de très bons films underground), Jason Paul Collum, etc. Gros doute pour Jack Sholder, Philippe Mora et Tom Holland…

 

« Je veux faire qui rende les spectateurs fous, qui les pousse à commettre un meurtre. » (Hisayasu Sato) ; « Bien à l’âge de neuf ans, j’ai été abusée sexuellement par un adolescent et sa sœur. J’ai alors expérimenté une activité hétérosexuelle et homosexuelle affreuse à un très jeune âge et en même temps, j’étais élevée par la télévision – j’avais la permission de regarder des films réservés aux adultes, des films d’horreur, des films à contenu sexuel, donc mon éducation à l’amour et au sexe s’est faite par l’abus et en gros par la négligence parentale, puisqu’ils nous autorisaient à regarder ces choses. » (Shelley Lubben, ex-actrice porno) ; etc.

 

Un certain nombre de personnes homosexuelles (Clive Barker, Hervé Guibert, Gus Van Sant, etc.) s’inspirent du chef-d’œuvre d’Hitchcock « Psychose » (1960), un modèle du genre du film d’épouvante… et pour cause : Anthony Perkins (l’acteur qui joue Norman) était homosexuel (et très certainement Alfred Hitchcock aussi) ; d’ailleurs, le personnage de Norman Bates, dans le film, est soupçonné d’être inverti. Par exemple, Anne Heche, réalisatrice lesbienne du film « Sex Revelations » (2000), a joué dans le remake de « Psychose » (1998) de Gus Van Sant. Le réalisateur homosexuel espagnol Alejandro Amenábar est fan du film « Psychose », et dit qu’il « dévorait » les romans d’Agatha Christie quand il était adolescent. On retrouve des références à « Psychose » dans le film « Espacio 2 » (2001) de Lino Escalera, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton (avec la musique stridente de « Psychose » au moment où Peggy tue à coups de marteau le vieux Douglas), dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford (la rencontre entre George et le prostitué Carlos, avec derrière eux l’affiche du regard de Marion Crane dans « Psychose » d’Hitchcock), dans le one-woman-show Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, dans le film « Hitchcocked » (2006) d’Ed Slattery, etc. Dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Michael se compare à Norman Bates, le personnage principal du film « Psychose ».

 

« En revenant de la fête, en passant devant le Cinéma Odéon, j’ai remarqué qu’ils donnaient un film d’horreur. Déconseillé à tous les cardiaques. C’est l’histoire d’un dérangé mental qui s’habille comme sa mère et tue des pauvres innocentes qui passent la nuit dans un motel. » (une des 3 tantes d’Alfredo Arias, dans l’autobiographie de ce dernier Folies-Fantômes (1997), p. 131)

 

 

L’inversion de la peur en désir de créer/faire peur (et l’inversion en tant qu’homosexualité, finalement) est le propre du psychotique, de celui qui s’enchaîne à sa psychose/peur, précisément ! « Dans une psychose, les transformations ‘en contraire’ sont très fréquentes, le désir de battre devient envie d’être battu, le désir de dévorer devient la peur d’être dévoré, le plaisir de regarder du schizophrène se transforme en peur d’être épié (c’est la direction de la pulsion qui est transformée et aucunement la représentation de l’objet). L’exhibitionnisme lui-même peut nous proposer une solution acceptable, car il y a sans doute dans le travesti l’identification avec l’objet qu’on aimerait regarder, satisfaisant ainsi d’une façon narcissique un voyeurisme ‘retourné’. » (le docteur Hans Werner, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 306)

 

Mais revenons plus largement au cadre des films d’horreur. Il existe une forte proximité entre milieu homosexuel et genres cinématographiques de l’épouvante. Je vous renvoie à l’étude sur l’homosexualité dans les films d’horreur Monsters In The Closet : Homosexuality and the Horror Film (1997) de Harry M. Benshoff. Ainsi qu’aux blogs de référence Mein Camp et Fears For Queers, tenus par les très queer BBJane Hudson et Valentine de Luxe, bien documentés (d’ailleurs, on lit sous leur plume toute la jouissance et l’admiration – l’adoration ? – homosexuelles pour les films d’horreur : pour eux, l’horreur visuelle est chef-d’œuvre merdique, bijou de cruauté, suprême et inimitable élégance odieuse !)

 

On peut facilement constater que les univers terroristes et surnaturels d’Anne Rice, Jean Boulet, Clive Barker, Poppy Z. Brite, Jacques Tourneur, Val Lewton, Pedro Almodóvar, Ian McKellen, Copi, drainent une grande partie du public homosexuel : cf. le documentaire « Halloween Queen 1 » (1999) de S. Nhieim, etc.

 

 

Il n’est pas rare non plus que les personnes homosexuelles/bisexuelles rejoignent le courant artistico-spirituel du gothique, c’est-à-dire de l’esthétisme de la mort, de la mélancolie, du diable. Les gothiques sont particulièrement androgynes dans leur style (on y trouve beaucoup d’adolescents, de personnes en panne d’identité et en panne de modèles religieux ou sexués auxquels se raccrocher) : cheveux longs, ongles peints et capes-robes chez les gars ; tatouages, écrase-merde et parfois cheveux rasés pour les filles.

 

David Gerard alias "Red Drag Diva"

David Gerard alias « Red Drag Diva »


 

On retrouve la confluence entre la culture gothique et l’homosexualité dans les univers musicaux de Mylène Farmer, d’Indochine, de Placebo, de Kiss, de Marilyn Manson, de Gossip, de The Smashing Pumpkins, etc. On peut penser également aux auteurs homosexuels amateurs de Sade et du sensationnalisme gothique dixhuitièmiste comme les romans de William Beckford, Charles Maturin, Horace Walpole, Matthew Lewis, etc.

 

 

L’attrait d’un grand nombre de personnes homosexuelles pour les films d’horreur serait drôle s’il était uniquement second degré, s’il se limitait à un jeu collectif, à un folklore de Gay Pride ou d’Halloween. Mais il n’est pas que signe de cela. Il montre une peur de soi et des autres qui, si elle n’est pas identifiée ni donnée, peut se retourner en violence contre soi-même (suicide, mutilation) ou en dictature (cf. je vous renvoie au code « Homosexuel homophobe », au code « Milieu homosexuel infernal », à la partie « Circulez, y’a rien à voir » du code « Déni », ainsi qu’à la partie sur le « terrorisme transsexuel » du code « Homosexuels psychorigides » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Le monde de l’horreur visible permet à bien des personnes homosexuelles de transférer leur peur sur les autres, et notamment un public consentant, qui a soi-disant payé pour ce transfert. Par exemple, dans son article « Les Happenings : Art des confrontations radicales » (1968) traitant du mouvement artistique camp porté par les artistes homosexuels, Susan Sontag souligne l’usage des « techniques d’épouvante du surréalisme » (p. 415). Elle rappelle trois caractéristiques essentielles des happenings : « En premier lieu, l’objectivation ou la dépersonnalisation des personnages ; en second lieu, l’importance accordée au spectacle et au bruitage, au détriment de la parole ; enfin, une volonté délibérée d’éprouver durement le public. […] La technique de l’épouvante des surréalistes retrouve alors la source du meilleur comique : le sentiment d’invulnérabilité du personnage. L’absence de réactions émotionnelles profondes est l’élément essentiel de la comédie. Si nous pouvions rire de bon cœur au spectacle de scènes pénibles et grotesques, c’est que les personnes auxquelles de telles choses arrivent ne semblent pas en être profondément touchées. Peu importe que le public les voie gesticuler, et crier, et invoquer le ciel en se plaignant de leurs malheurs, il sait bien que tout cela demeure superficiel. […] Dans les Happenings, le bouc émissaire, c’est le public. » (pp. 417-420) Sontag souligne à juste raison toute la charge désirante et bien intentionnée (limite amoureuse) qu’investissent les personnes homosexuelles dans l’élaboration d’univers laids et odieux : « Le dernier mot du Camp : affreux à en être beau ! » (Susan Sontag, « Le Style Camp », L’Œuvre parle (1968), pp. 442-450)

 

Enfin, pour clore ce chapitre, j’aimerais vous livrer mon témoignage concernant mon propre rapport à la peur et aux films d’horreur… car j’ai un parcours étrange (très « queer », au sens originel du terme), qui va de l’excès de trouillardise vers un surprenant aguerrissement.

 

Je pourrais distinguer deux périodes de ma vie presque antagoniques. La première où j’étais, jusqu’à mes 20 ans, une vraie poule mouillée hyper impressionnable (quand j’étais petit, il m’arrivait de faire des cauchemars rien qu’avec les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie ou bien la vue de films avec des scènes violentes tels que « Les Dents de la mer », « Le Silence des agneaux » ou les épisodes de Matt Houston, qui pouvaient me traumatiser au point que je fermais les yeux pour ne pas les affronter ; par ailleurs, il était très facile de me faire hurler si on m’assaillait par surprise derrière une porte ou dans un couloir ; j’avais super peur du noir). La seconde période où je me vois maintenant vacciné et armé pour regarder la mort cinématographique en face, et même parfois la souffrance/la peur/la mort réelles. Je ne veux présager de rien, ni présumer de mes forces : le propre de la mort et de la peur, c’est quand même de nous prendre par surprise. Et n’ayant pas de boule de cristal, je ne sais pas comment je réagirai à chaque fois que la peur me prendra. Néanmoins, je peux quand même dire, au jour d’aujourd’hui, que peu de choses me font vraiment peur (c’est la communion des saints et ma foi en Jésus et Marie qui m’aident incroyablement contre les assauts de la peur), que j’ai acquis avec le temps un courage qui m’étonne moi-même tant j’étais mal parti. Il semblerait que j’ai acquis une insensibilité à l’horreur tout en conservant une vraie empathie pour ceux qui souffrent. Pourvu que ça dure ! De quelqu’un de fragile et d’impressionnable, qui faisait éponge avec toutes les images choquantes qu’il avait sous les yeux, peut parfois sortir un blindage et un courage insoupçonnés ! Ce qui ne nous tue pas nous renforce parfois. Il en est ainsi pour moi. Les images violentes ne m’atteignent plus ; les réalités violentes ne m’atteignent pas au point de m’ôter ma joie !

 

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Code n°65 – FAP la « Fille à pédé(s) »

FAP

FAP la « Fille à pédé(s) »

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

L’amitié « fille à pédé »/« l’homosexuel » : idolâtrie de l’« amour » désincarné

 

La rupture des personnes homosexuelles avec les femmes réelles ne se consomme pas forcément dans le tragique. Elle se fait la plupart du temps avec les dents blanches de l’amitié forcée. La « fille à pédé » apparaît comme la version souriante et télévisuelle de la misogynie impulsée par le désir homosexuel. Dans le jargon communautaire homosexuel, la « fille à pédé » (ou « FAP », « hétérote », « Fag Hag » en anglais) est le nom donné à la femme – plus mythique que réelle, autrement dit hétérosexuelle ou lesbienne – qui attire(rait) magiquement à elle tous les hommes gay de son entourage. En règle générale, la société médiatique lui a appris à défendre son titre, ce qu’elle fait ensuite toute seule spontanément.

 

Historiquement, elle est née sur nos écrans de cinéma. Ses prototypes les plus représentatifs sont les actrices (telles que Liza Minelli, Élizabeth Taylor, Julie Andrews, Vivien Leigh, Jeanne Moreau, etc.) qui jouèrent aux côtés des acteurs homosexuels planqués d’Hollywood, et qui maintenant se plaisent à se montrer comme des marraines idéales de la communauté LGBT (Madonna, Lady Gaga, Mylène Farmer, Lio, Christiane Taubira, Frigide Barjot, etc.). Elle possède toujours plus ou moins les mêmes masques : l’excentrique femme-enfant amoureuse de son meilleur ami homo, la menteuse, la fille boulotte ou ex-anorexique exploitée par les hommes, la prostituée courtisane habillée en mauve (la couleur des femmes lesbiennes… car la FAP est souvent un peu lesbienne quand elle s’actualise), l’actrice ratée, la bad girl infréquentable et un peu déséquilibrée, la femme libertaire mal mariée qui luttera ardemment dans la vie réelle pour la cause gay et « féministe », l’alcoolique qui ne s’attache pas sentimentalement et qui se fait avorter, la courtisane et la croqueuse d’hommes, la nymphomane hystérique et accaparante, etc.

 

Les personnages homosexuels singent avec elle une relation qu’on pourrait qualifier « de parfait collaborateur à parfaite collaboratrice ». Cette union a la force des amitiés d’adolescence : ils se jurent fidélité, mais la « fille à pédé » et « l’homosexuel » se servent mutuellement l’un de l’autre sans s’aimer véritablement, sans se détester non plus, comme les deux moitiés séparées d’une même conscience attachées ensemble par la force des choses, pour « se rassurer » comme disent Maïté et François dans le film « Les Roseaux sauvages » (1994) d’André Téchiné. L’« Homme de leur vie » qui les rassemble est en réalité l’androgyne, un personnage qui concrètement représente parfois leur blessure d’amour secrète commune : « Nous savons très bien où nous en sommes avec Carmen : nous aimons le même homme et il nous a dévastés, l’un et l’autre. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 132) La « fille à pédé » actualisée dissimule par son attrait pour « les homos » sa peur ou son mépris des hommes. En se barricadant dans les lieux d’homosociabilité, elle se prive d’amour et se saoule d’amitié. Ce qui la rattache à son copain homosexuel, c’est leur besoin commun de tendresse, leur désir d’enterrer un passé douloureux et de rattraper le temps perdu, l’oubli de la frustration du célibat et des déboires sentimentaux, l’entretien dans l’identique et l’homosexualité. Ils se tolèrent mais c’est une union de misères ou de kleenex, qui ne supporte que temporairement la consommation mutuelle. « En retrouvant Marine, au bout de deux ans de silence et de trahison, plusieurs pensées me traversent la tête : en profiter pour aller lui filer une beigne, ce qui me démange terriblement, ou l’embrasser avec douceur, ce qui me démange tout autant. » (Hervé Guibert, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), p. 133) La « fille à pédé » offre peu de perspectives. Son univers est « désespérant », comme le chante Maurane dans « Qui es-tu Marie-Jeanne ? » à propos de son personnage de la comédie musicale Starmania. Elle est rentrée un peu trop précipitamment dans la relation compassionnelle avec son ami homosexuel pour être honnête. Ce dernier la voit qui manigance pour le décourager de ses recherches fondamentales (recherche du père, quête de l’amour conjugal, engagement religieux, etc.). De son côté, il a tendance à se servir d’elle comme un « rempart » (Jean-Philippe, travesti M to F, concernant son personnage de Charlène, dans l’article « Charlène Duval » de David Lelait, dans le site www.e-llico.com, consulté en juillet 2005) pour fuir sa vie ou faire d’elle un « appât » (cf. le film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz) afin de faire venir à lui les soupirants. Il n’est pas rare qu’il ait la vulgarité de l’associer à son animal de compagnie, souvent un singe (cf. vous pouvez consulter les parties sur les « FAP-appâts » ou les « FAP-singes » du code « Destruction des femmes » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.).

 

FAP Suddenly

Elisabeth Taylor (Catherine) qui se fait utiliser comme « appât » à hommes par son cousin homo Sébastien


 

La « fille à pédé » cinématographique essaie de dire aux individus homosexuels réels qui se trouvent de l’autre côté de l’écran la violence symbolique de leur attitude, comme la jeune femme du film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat : « Vous ne savez pas le mal dont vous êtes capables… Au fond, vous n’avez rien compris de ce que nous sommes. Vous avez peur des femmes comme un enfant du noir. » Et le jour où les hommes gay la trahissent vraiment, que la réalité dépasse la fiction, ils n’en reviennent pas de la justesse de sa prédiction. Ils se répètent à eux-mêmes devant leur glace « J’ai trahi la fille à pédé, celle qui ne me voulait que du bien… J’ai trahi la fille à pédé… ». « De quel droit faisais-je de telles entailles à l’amitié ? Et vis-à-vis de quelqu’un que j’adorais de tout mon cœur ? » (Hervé Guibert, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), p. 106) Le mal est parfois commis et semble irréparable. Ils ne le voulaient pas, mais ils ont quand même utilisé leur amie pour ameuter les amants. Ils restent stoïques devant leur propre incompréhensible, dans la même posture hallucinée que Patrick Timsit (Adrien) au bord de sa piscine dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion. La « fille à pédé » actualisée, c’est la femme que les hommes gay trompent, celle qu’ils ne savent pas apprécier à sa juste valeur, celle qu’ils ne manquent pas de traiter devant leur groupe d’amis comme leur bon valet qui boulottera les restes – même s’ils se rattrapent après en ronronnant auprès d’elle, comme un bon chat à sa maîtresse –, celle à qui ils font parfois l’affront d’annoncer que s’ils n’étaient pas gay ils ne lui auraient sûrement pas dit non – alors qu’elle désespère souvent de son célibat ! –, celle à qui les hommes gay doivent parfois un éternel pardon car ils la mènent fantasmatiquement à la mort. Elle ne leur devait pourtant absolument rien. Ils ne lui imposent qu’un seul devoir – mais il est déjà en soi totalement injustifiable – : celui d’être une vierge malheureuse et inutile.

 

Pourtant, les hommes gays eux-mêmes étaient initialement amoureux d’elle. Follement amoureux. Aujourd’hui, ils n’y croient plus du tout : cela leur paraît surréaliste tellement cette passion a été précoce. Mais s’ils fouillent un peu dans leur mémoire, avant qu’ils se persuadent qu’ils étaient homos, ils se sont écrits des histoires d’amour incroyables avec les plus belles filles de leur classe, avec de singulières femmes mûres de leur entourage ou de leur monde télévisuel. Ils effeuillaient leurs pâquerettes afin de savoir avec laquelle ils allaient se marier. Mais comme elles n’étaient pas prêtes quand eux l’étaient (l’école primaire, ou bien les femmes déjà mariées et célèbres, c’est un peu tôt ou un peu tard…), comme ils se sont rués sur le gâteau avec frénésie, angoisse et maladresse, et qu’ils se sont/seraient cassé les dents, ils font ensuite mine de n’avoir rien désiré du tout une fois arrivés à l’âge adulte. « Entre la fin de l’été et l’âge du grand pas (16 ans), je suis obsédé par une seule chose. Les talons aiguilles. Dès que je croise une femme dans la rue qui en porte, je la poursuis dans l’espoir qu’elle me remarque, et que nous fassions l’amour. Inutile de vous dire que ça ne s’est jamais produit. […] Les filles ne m’ayant pas donné la satisfaction voulue, les femmes n’étant pas préoccupée par un adolescent de 16 ans, je fis le grand saut. J’enfilais les talons aiguilles de ma mère. » (cf. le texte d’un travesti M to F du Québec, consulté en juin 2005) Ils ont enfoui leur passion secrète pour la femme dans l’esthétique, comme celui qui avait commencé à tendre spontanément la main pour la serrer à son interlocuteur et qui, n’ayant pas eu instantanément de répondant, stylise son élan spontané en feignant d’avoir désiré se coiffer afin de ne pas passer pour un imbécile. La maladresse et l’amère déception se camouflent en s’esthétisant, et la rencontre des faiblesses ne se fait pas à cause d’un enchaînement de malentendus. Beaucoup d’hommes gays font porter à la femme réelle non-hétérosexuelle le prix fort de son aveuglement passager, de sa peur adolescente, de son indifférence, ou de leur propre maladresse impatiente, en la privant (à tout jamais ?) de leur désir pour elle et en l’empêchant de les désirer. L’annonce de leur homosexualité suffit généralement à refroidir les femmes actuelles. Celles-ci sont dans un premier temps rassurées par les hommes qui ne les regardent pas : elles ne risquent pas de se faire lourdement draguer ni d’être traitées comme des objets. Mais sur la durée, si l’attraction sexuelle n’est pas là, elles finissent en général par se sentir lésées, car le désir sexuel des hommes les honore toujours quand il est respectueux et capable de faire leur bonheur, bien plus qu’un pacte amical d’ignorance mutuelle ou de non-agression sexuelle.

 

Beaucoup d’hommes gays blessent réellement les femmes. Et certaines filles « hétéros » célibataires finissent par désespérer de penser que les seuls êtres doux qui feraient de bons maris se disent généralement gay. L’absence de désir pour les femmes chez les hommes gay dévalue non seulement leur féminité mais peut-être plus profondément – parce que ce n’est pas qu’une question de fierté féminine – l’amour en général. La « fille à pédé » actualisée est placée sur le banc de touche en tant que femme unique et en tant que femme universelle. Cette tristesse des femmes « hétérotes » est plus profonde qu’une blessure d’orgueil. C’est plutôt celle qu’on ressent face au gaspillage de richesses idiot, à une bêtise irrémédiable, à l’impossibilité d’une rencontre qui promettrait d’être magnifique si la plupart des personnes homosexuelles n’avaient pas le désir de se réifier et de posséder les femmes comme des objets enfermés dans une cloche de verre.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Obèses anorexiques », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Destruction des femmes », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Bergère », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Mère gay friendly », « Trio », « Vierge » et « Don Juan », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La bonne copine « délire » et secrètement amoureuse de son ami homosexuel :

Dans les fictions traitant d’homosexualité, la « fille à pédé » est souvent une femme qui traîne dans les bars et les boîtes gays, qui passe son temps à consoler son meilleur ami gay, qui refuse de vieillir, qui s’habille dans du 12 ans, qui jadis a croqué et séduit les hommes, qui boit comme un trou, qui a une vie de famille ou amoureuse compliquée et insatisfaisante, et qui cultive une bonne humeur suspecte qui confine à la vulgarité beauf. « Marilyn est une fille à pédales qui se coiffe, se maquille, s’habille comme Marilyn Monroe. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 29) ; « Star d’un jour elles sentait cruellement sa déchéance qu’elle noyait dans des vodka-orange dans les boîtes de folles où elle gardait encore quelques acolytes. » (idem, p. 29). Elle passe son temps à trouver ses amis gays extras : « Des amis gays, j’en ai plein. Ce sont des gens brillants et extrêmement raffinés. » (Elsa dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare). Elle est persuadée qu’elle a un rôle privilégié dans le « milieu homosexuel ». Elle ne se rend pas compte que sa place a l’ambiguïté du copinage alcoolisée et du foutage de gueule sincère : « Pour Xavier, je suis restée la femme idéale… » (Brigitte, la collègue hôtesse de l’air de Xav, le héros homosexuel, dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand)

 

L’amitié que vivent la FAP et son meilleur ami homo a le parfum éphémère des amitiés adolescentes, des p’tits délires narcissiques entre gamins qui ont peur d’eux-mêmes et des autres, des unions de misère : cf. Heïdi et Jean-Luc chantant la chanson des jumelles des Demoiselles de Rochefort dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Bernard le héros homo et Donatienne la FAP faisant du karaoké dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Rhonda et Adam dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, Marc et Gaby dans la pièce Faim d’année (2007) de Franck Arrondeau et Xaviéra Marchetti, Marcy et Sébastien dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, etc. « Toi et moi on est pareils. On a tellement peur de nous. » (Damien le héros homo à sa meilleure amie Agathe, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi)

 

Ces délires flattent leur superficialité commune. Ils s’aiment parce qu’ils détestent/pleurent/« ne croient plus en l’Amour » ensemble. « Nous ficelons nos mensonges en un tour de langue – nous avons tellement l’habitude – et entre deux éclats de rire. » (Dominique le héros homosexuel en parlant de sa mère, dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, p. 25) ; « Nous sommes vraiment, ma mère et moi, sur un pédalo en train de savourer un esquimau géant… » (idem, p. 36) ; « Typhanie avait toujours des théories lunaires. » (Jérémy Lorca parlant de sa fille-à-pédés, Typhanie, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.

 

Film "Get Real" de Simon Shore

Film « Get Real » de Simon Shore


 

La FAP a le chic pour se mettre dans des situations amoureuses compliquées : c’est une héroïne tragique version Bridget Jones boulimique, qui va préférer (ce qu’elle présente comme) l’inaccessible (homosexuel). Beaucoup de fois, elle avoue ses sentiments amoureux pour son meilleur ami homo : Bathilde amoureuse de son ami homo Jason dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, Sally dans le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, Amina et son ami Dany dans le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun, Wendy dans le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, Sarah dans le téléfilm « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure, Julie amoureuse de son ami homo Dominique dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, Gaby dans la pièce Faim d’année (2007) de Franck Arrondeau et Xaviéra Marcjetti, Stéphanie amoureuse de Laurent son ami homo dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Ana et son ami gay Franz dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Kathy dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq, Marie-Jeanne folle de son meilleur ami homo Ziggy dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger, Nina dans le film « Party Boys » (2001) de Dirk Shafer, Maggie dans le film « Edge Of Seventeen » (1998) de David Moreton, Nina dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, Lisa dans le film « Folle d’elle » (1998) de Jérôme Cornuau, la Groupie dans la comédie musicale La Légende de Jimmy (1992) de Michel Berger, Nina dans la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez, Tara dans le film « Relax… It’s Just Sex » (1998) de P. J. Castellaneta, Nina dans « Change-moi ma vie » (2001) de Liria Begeja, Rosalie dans le film « L’Homme est une femme comme les autres » (1998) de Jean-Jacques Zilbermann, Marga dans le film « Sobreviveré » (2000) d’Alfonso Albacete et David Menkes, Carole amoureuse de son ami homo Laurent dans le film « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, Antonietta amoureuse de son voisin Gabriele dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Hanna dans le film « El Verano De La Señora Forbes » (1988) de Jaime Humberto Hermosillo, Amy dans le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, Rhonda dans le film « Finding North » (1998) de Tanya Wexler, Gypsy dans le film « Gypsy 83 » (2001) de Todd Stephens, Catherine dans le film « Mon meilleur ami » (2005) de Patrice Leconte, Aihara dans le film « Grains de sable » (1995) de Ryosuke Hashiguchi, Astrid dans le film « Entre amis » (2015) d’Olivier Baroux (en pleine croisière, elle reçoit des coups de fil de son meilleur gay, et elle avoue à la fin qu’elle a couché avec Jean Franco, pourtant homo), etc. « Je ne parvenais pas à lui dire qu’elle n’avait aucune chance puisque je ne l’aimais pas. Je fus tour à tour, charmant, horrible et cruel avec elle. Je l’aimais à ma façon. » (Bryan parlant de Laëtitia, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 24) ; « Je t’aime, je suis folle de toi. » (Laëtitia à Bryan, op. cit., p. 25) ; « Mais oui mon chaton, je t’aime comme une folle. » (la femme à son mari homo, dans la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen) ; « J’aurais tellement voulu être la femme de ta vie. » (Solange parlant à son meilleur ami homo François, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « C’est un garçon pas comme les autres, mais moi je l’aime, c’est pas de ma faute, même si je sais qu’il ne m’aimera jamais. » (cf. la chanson « Un Garçon pas comme les autres » de Marie-Jeanne dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Pour une fois que je me trouve un hétéro ! » (Marie, étonné de sortir avec un homme pas homo, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc.

 

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

Par exemple, dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, Clara est amoureuse de son meilleur ami homo JP : elle le présente comme « l’homme de sa vie » (cf. l’épisode 6 « Un Cadeau de la vie »). Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Wanda est amoureuse de son meilleur ami homo Benoît et essaie en vain de le convertir à l’hétérosexualité : « Je suis amoureuse de Benoît. » ; « T’es pas la première à tomber amoureuse d’un homo. » (Wanda à Marie, idem) Dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Alice (FAP) attend que son meilleur ami homo Fred tombe amoureux d’elle : « J’ai tout fait pour te mettre dans mon lit ! » ; et en plus, Alice aime Julien qui se révèlera homosexuel aussi. Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Claire, au seuil de la quarantaine, veut un enfant de son meilleur ami homo Erik. Dans la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen, il est dit que Raphaëla, amoureuse de son meilleur ami homo, est atteinte du « syndrome Ziggy » (en référence à Starmania). Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Élisabeth, la FAP anglaise, vit (en coloc ?) avec Jean et tolère qu’il ramène de temps en temps chez eux ses amants. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Marilyn qui au départ devait simuler un couple avec Chris, le héros qui veut cacher son homosexualité à son père, finit par tomber amoureuse de lui. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Caroline retrouve à l’âge adulte Jonas, un ancien camarade de collège, aujourd’hui homo, dont elle était secrètement amoureuse, et qui à l’époque « n’avait pas voulu qu’elle s’asseye à côté de lui en cours ». Elle lui avoue qu’elle fut « triste qu’il quitte le collège ». Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Ingrid, la Suédoise, dit qu’« à chaque fois qu’elle tombait amoureuse à Stockholm, c’était d’un pédé ».

 

Certaines « filles à pédé » voient l’homosexualité de leur meilleur ami homo comme un défi, un interdit à braver, un enjeu de séduction. « Quand je quittais la scène, elles m’attendaient en coulisse par grappes ! Parfois elles montaient par le trou du souffleur ! […] Et plus je faisais la folle sur scène, plus elles m’adoraient. » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « À mon avis, ça t’excite, tout ça. » (Bernard, le héros homosexuel, à sa meilleur amie Donatienne, dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo) ; « Attention à toi, parce qu’elle est homophile ! » (Bernard parlant de Dona à son pote gay Duccio, idem) ; « Tu sais, pour une fille, sortir avec un pédé, c’est juste le rêve. » (Ana s’adressant à Jérémie le héros homo dont elle est amoureuse, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare) ; etc. Par exemple, dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, Alejandra essaie de coucher avec Raúl, l’amant de son frère Roberto. Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, Charlotte dont la vie sentimentale est un désastre (son ex-mari l’a quittée au bout de 8 ans), cherche à séduire son meilleur ami homo George : « Si t’étais pas une tante, on serait heureux ! » Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Lily, l’amie d’Éric le héros homo, est nymphomane.

 

Dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, Sylvie, la meilleure amie de Pierre, le héros homosexuel, est tellement dingue de lui qu’elle lui met une pression de malade pour qu’il lui fasse un enfant et pour concrétiser son rêve à lui d’être père. Elle a pourtant tout de la nana lesbienne, qui refuse de porter des robes de soirée, qui traite Pierre d’« enculé » parce qu’il a trouvé une autre mère porteuse qu’elle, qui exerce la profession très macho de flic. Et en même temps, elle se montre très soumise à Pierre : « Je serai gentille et utile. Et Pierre pourra rester un enfant aussi. Ça aussi, c’est prévu. » L’inconfort de l’amitié amoureuse lui permet de ne pas affronter leur peur commune de la différence des sexes et leur désillusion commune de l’amour : « Je m’accroche à la certitude que l’amour ne dure pas. »

 

Il n’est pas rare que le héros homosexuel sorte par dépit avec sa meilleure amie, qu’il « l’essaye » au lit pour exploiter les sentiments de celle-ci, ou pour refouler sa propre homosexualité : « Je n’arrivais pas à admettre mon homosexualité. C’est uniquement pour cela que je suis sorti avec Stéphanie, pour me prouver que je n’étais pas homo, que je pouvais fréquenter une fille, l’embrasser, l’aimer… » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été…(2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 113) ; « C’est mon rêve d’avoir un enfant de toi. Tu es la femme de ma vie, Eva ! Tu es la femme que je voudrais avoir et celle que je voudrais être ! » (Adrien s’adressant à sa meilleure amie avec qui il veut un enfant par fécondation in vitro, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; etc. Par exemple, dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, Paul le héros homo couche avec la FAP Mousse, pour ensuite l’abandonner. Dans la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton, Kevin veut se débarrasser de Jenny parce qu’il veut lui voler Joe (« Elle était là comme une barrière. ») ; il l’avait préalablement mise enceinte, avant de l’obliger à avorter. Dans les téléfilms « À cause d’un garçon » (2002) de Fabrice Cazeneuve et « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, le héros homosexuel couche avec sa meilleure amie « fille à pédé » juste pour tester son homosexualité, puis la jette. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, la jolie Alba est délaissée par Tommaso (il préfère les garçons, et sort avec Marco), qui au départ l’avait embrassée. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Laura, l’ex petite amie de Louis, finalement homosexuel, se sent niée dans sa féminité : « Tu m’as fait du mal, tu sais. » Dans l’épisode 86 « Le Mystère des pierres qui chantent » de la série Joséphine Ange-gardien, diffusée sur la chaîne TF1 le 23 octobre 2017, Louison, l’héroïne lesbienne, se force à coucher avec son pote Max, pendant la colonie de vacances, pour finalement renforcer son sentiment d’être homosexuelle : « Je voulais le faire pour être sûre que j’aimais pas les filles. » Elle le jette ensuite comme une vieille chaussette. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Elio se force à coucher avec Miarza, alors qu’il est homo. Celle-ci, avant de se faire larguer, avait flairé l’arnaque : « Je pense que les gens qui lisent sont un petit peu cachottiers. » ; « Je pense que tu vas me faire souffrir. Et je veux pas souffrir. » Dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018, Victor, 17 ans, homosexuel, se force à coucher avec sa meilleure amie Aurélie (qui a un vrai look de baby Butch lesbienne), et s’en sert comme couverture d’hétérosexualité pour cacher son homosexualité à ses parents et faire bonne figure. Aurélie finit par s’en rendre compte et par s’en révolter, en lui fichant une claque : « Plus jamais tu te sers de moi comme ça ! » Elle exprime plus d’empathie quand Victor revient à la charge pour ne pas perdre son amitié : « Tu dois me haïr ? » lui dit-il. Elle lui rétorque : « Non. Je t’en veux. Mais je sais pas ce que tu ressens vraiment. » Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, un Allemand, est en couple épisodique avec Oren, un Israëlien marié à une femme, Anat, et qui finit par se tuer dans un accident de voiture à Jérusalem. Tomas, pour retrouver Oren, couche avec la veuve. Anat est le seul témoin vivant et sensuel qui peut ramener à Tomas le souvenir d’Oren. Finalement, Anat se fait « sauter » (en décalé) par les deux amants homos. Tomas couche avec elle pour recoucher symboliquement avec Oren.

 

Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), Fabien, le héros homosexuel, raconte comment il a commencé à tomber amoureux d’une femme, Cécile, sur une « plage abandonnée, coquillages et crustacés » (« Je te kiffe grave. » lui a-t-il dit), puis à rejeter subitement son amour (« J’ai été obligé de la laisser étendue sur le sol. C’est pas grave, c’est qu’une fille. On s’en fiche. »). Plus tard, Fabien découvre que son meilleur ami Momo, même s’il est en couple avec une femme (Isabelle), se sert de celle-ci « pour faire genre ».
 

En général, la « fille à pédé » et l’individu homosexuel se servent de couverture l’un l’autre (soit d’homosexualité, soit de célibat mal porté) ou de rabatteuse d’hommes : cf. le film « Flesh » (1968) de Paul Morrissey, le film « Queer Things I Hate About You » (2000) de Nickolaos Stagias, le roman Los Ambiguos (1922) d’Álvaro Retana, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec Victoire, la godiche hétérosexuelle qui seconde Charlène, l’héroïne lesbienne, qui la laissera tomber), etc. « Elle m’aime pas, Polly, je crois que j’aimerais quand même l’avoir comme fille de pédés, c’est comme ça qu’on dit fag hag, pour lui coiffer ses cheveux et tout ça, mais quand même, elle est très méchante avec moi, hein ? Les fag hags françaises sont toutes comme ça, méchantes ? Moi la mienne, à New York, Emma, elle fait tout ce que je dis à elle, comme de montrer ses seins pour que je souce des mecs. Ta fag hag à toi elle est pas gentille comme ça. » (Cody le gay nord-américain parlant à Mike le héros homo à propos de Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 116-117) ; « Tu sais Bruno, ça ne me dérange pas que tu sois homosexuel ! » (Christiane se servant de la beauté de son pote pour s’attirer un mec à la boîte Number One, dans la pièce Célibataires (2012) de Rodolphe Sand et David Talbot) ; « Je n’avais pas l’intention de me faire passer pour un homme, mais tu connais Tielo, il adore plaisanter. Il trouvait hilarant que je puisse piéger une fille hétéro, sans parler du fait, bien sûr, que lui aussi cherchait à lever des filles hétéros. Alors au bout d’un moment, on s’est mis à aller dans des clubs hétéros et je faisais semblant d’être son frère Peter. » (Petra s’adressant à son amante Jane, à propos de son frère hétéro Tielo, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 82) ; « Vas-y fonce, tu verras bien ! » (Arielle, la fille à pédés découvrant que son collègue homo Antoine trompe son copain Adar avec un certain Alexis, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; « George, venez avec moi. J’ai besoin d’un joli garçon dans le salon. » (Constance s’adressant à George le héros homosexuel, dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner) ; etc. Par exemple, dans la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, Joséphine se sert de son fils gay Kevin pour appâter les clients du bateau et leur soutirer de l’argent. Dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier utilise sa cousine-FAP comme faire-valoir : « Tu es mon public ! » lui dit-il. Dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, la FAP Severin marque un prix sur la photo qu’elle fait de son ami homo Jamie. Dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, la FAP Clara utilise son meilleur ami homo Jean-Philippe comme un objet : selon elle, il est pratique d’avoir à ses côtés « un type qui vous protège de la pluie » (cf. l’épisode 1 « À la recherche du prince charmant »). Dans le docu-fiction « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, pendant que la « fille à pédé » se fait tatouer, elle discute avec Paul, le héros homo, et ne cache pas son opportunisme à son égard : « J’adore les pédés. […] Tu peux venir avec moi. Surtout que tu es très mignon. Tu feras sensation. » Dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Lola, avant de se découvrir lesbienne, paie des prostitués pour se donner l’illusion qu’elle peut avoir des amants (Luc, homosexuel, sera l’un d’eux). Dans le film « Indian Palace » (2011) de John Madden, Evelyn se sert de son amitié avec Graham, le héros homosexuel, pour surmonter son veuvage. Dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, Hannah, l’héroïne lesbienne, vit en coloc avec Greg, son pote gay, et s’allonge contre son dos quand il dort.

 

Il n’y a pas de réelle amitié entre le héros homosexuel et sa meilleure amie. Il s’agit plutôt d’une exploitation mutuelle ou d’attentes voilées non-réciproques. « On n’est pas vraiment les champions de l’amitié. […] Pour toi, je suis juste la solution de simplicité. » (Franckie parlant à Hugo son ami homo, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; « Quelque part, je crois qu’on se ressemble un peu trop. » (Laurent le héros homo à sa meilleure amie Lola, dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau) ; « Tu croyais que tu allais pouvoir garder ta super copine pour toi tout seul ? Ben non ! J’suis pas une fille à pédés ! » (Arielle s’adressant à son meilleur ami gay Antoine, et ayant trouvé chaussure à son pied avec le frère de ce dernier, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; etc.

 
 

Sur le flyer de la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, il est marqué concernant la relation entre Alice et son meilleur ami homo : « Ils s’adorent… mais ils ne se supportent plus. »

Alice – « Freeeed, tu m’aimes ?

Fred – Non.

Alice – Ben moi non plus ! »

 
 

La FAP et son meilleur ami homo se traitent mutuellement comme des objets. « Tu sers vraiment à rien, Marjan. » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M s’adressant à Marjan une de ses amies, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) Par exemple, dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Bernard l’homosexuel joue au couturier, au conseiller relooking avec sa FAP Donatienne… ils se rendent même ensemble au Musée Grévin ! Dans le film « Saint Valentin » (2011) de Philippe Landoulsi, Valentin le héros homosexuel fait semblant d’offrir à genoux à sa FAP Naima un bouquet de poireaux… pour finalement lui piquer sa clope. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, les camarades de classe d’Adèle, a priori gay friendly, la harcèlent pour qu’elle fasse son coming out  (« Juste assume ! »), pour ensuite le lui reprocher. Dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, Sébastien l’homosexuel utilise et manipule son amie lesbienne Dadou à ses propres fins amoureuses homosexuelles.

 

Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, maintient une relation fusionnelle avec Camille, sa meilleure amie (« On est amis de pallier, comme des friends. »), avec qui on apprend qu’il a couché une seule fois (« C’est arrivé un soir de blues. C’était tendre, complice. On s’est laissés porter par le vin. On s’est promis qu’on ne le referait plus. ») et dont on sait qu’elle finit lesbienne. Guen, on l’apprend un peu tard, n’a pas exploité Camille seulement sexuellement, mais également financièrement. Leur relation a le goût de l’adolescence bobo qui s’éternise (« On a fait une blind-test Années 80. Et puis le lendemain, on s’est fait un plateau sushis-bio. »)… qui se délite… et se détruit.
 
 

b) L’amitié de misère et de misandrie :

Film "Pôv' fille" de Jean-Luc Baraton

Film « Pôv’ fille » de Jean-Luc Baraton


 

Mais derrière la camaraderie singée, il y a de la tristesse et de la haine. C’est pour cela qu’elle se termine souvent mal, cette « amitié » ! La FAP et l’homosexuel sont associés dans le crime, le mensonge, dans la haine/déception des hommes et du genre humain : cf. Sally la fille célibataire qui s’est fait avorter dans le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, Abbey la « fille à pédé » qui aide son meilleur ami Danny à plagier un film à l’examen de la fac dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa, Jane Randolph la féministe qui se fait avorter dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, la séductrice vexée dans la chanson « Il aimait les garçons » de Kelly, etc. « De toute façon, les hommes, ça vaut rien ! » (Ana à son ami Marina le travesti M to F dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud) ; « Ma vie sentimentale est un fiasco. » (Claire dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat) ; « Les mecs me font peur. » (Marie, la FAP violée, dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow) ; « Toutes, on est seules. » (Marilou dans la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt) ; « Moi aussi je me suis sentie humiliée, considérée comme moins que zéro. » (Antonietta à son meilleur ami homo Gabriele dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; « C’est vrai que je n’aime personne, pas même vous, Garance. Et pourtant, mon ange, vous êtes la seule femme que j’aie jamais approchée sans haine ni mépris. » (Lacenaire à Garance, dans le film « Les Enfants du Paradis » (1943-1945) de Marcel Carné) ; « Je hais les mecs !! » (Emily, la femme bafouée par Howard son presque-mari homo, et qui passe de l’obésité d’adolescence à l’anorexie, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; etc. Par exemple, dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner, le protagoniste homosexuel (Prior) et la FAP (Harper) prétendent vivre une « triste complicité » ensemble. Dans le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch, Chloé, célibataire, vit en coloc avec un gay, Michel, qui ne pense qu’à tirer son coup avec des mecs à l’appart. Elle essaie de l’embrasser sur la bouche une nuit qu’elle ne voulait pas dormir esseulée dans son lit froid, mais en vain. Désespérée de ce nouveau râteau, elle lui demande : « Pourquoi je suis toute seule ? ». Et Michel lui répond : « Chais pas. T’as trop peur des mecs. Tu partages ton appart avec un pédé. » Dans son one-woman-show Chatons violents (2015), Océane Rose-Marie et son pote dépressif Jérôme (qui prend du Lexomil) quittent Paris pour aller vivre à Marseille… et surtout pour fuir leur situation amoureuse respectivement catastrophique : « On a fait partie de la diaspora des cœurs brisés. »

 

Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Eva est gérante d’une boîte gay portant son nom : Chez Eva. Elle est l’incarnation de la FAP qui refuse de grandir et qui se saoule de camaraderie homo pour éviter de se confronter à ses problèmes (notamment, elle avoue en fin de film s’être fait violer par son père quand elle était jeune…) et d’en sortir. « J’ai milité pour l’avortement. » dit-elle fièrement. C’est en rencontrant Alexandre, un homme marié hétéro, qu’elle se rend compte de la misère de sa situation : « À force de m’occuper des autres, j’oublie de m’occuper de moi. » Et Alexandre se jure de la tirer de cet enfer : « T’es seule, Eva, au milieu de toutes tes p’tites pédales. Tu t’es trompée de vie. » Plusieurs fois, Eva essaie de changer sa condition (« Il faudrait que je change de vie. ») mais elle est toujours tirée vers le bas par son meilleur ami gay Adrien qui la décrit comme la « femme de sa vie » et ne veut la garder que pour lui. Elle finit par reprocher à Alexandre sa complaisance et son manque de courage à tenir sa promesse : « C’est pas toi qui voulais m’arracher à tout ça ? ». Elle cherche à se faire avorter à l’issue de l’histoire, mais est raisonnée in extremis par Adrien.
 

Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antonietta est la femme au foyer malheureuse, vivant au crochet de sa brute de mari, et de ses enfants fascistes. Elle trouve, le temps d’une journée, le réconfort dans la compagnie de Gabriele, son voisin de pallier homosexuel, qui allait se tirer une balle dans la tête avant qu’elle ne débarque chez lui pour retrouver son oiseau échappé de sa cage. Leur relation est très ambiguë : c’est une complicité de misère, confinant à l’adultère et à la déprime, et sur fond de rencontre au sommet à Rome entre Mussollini et Hitler : « Moi aussi, je me sens humiliée, considérée comme moins que rien. » (Antonietta). Antonietta tombe amoureuse de Gabriele, l’embrasse sur la bouche. Au départ, celui-ci résiste violemment. Puis il finit par se laisser vaguement faire. Gabriele avoue à Antonietta qu’il s’est fiancé avec une femme, pour s’assurer une couverture : « C’est une bonne amie qui voulait m’aider à sa façon. Peut-être que je ne jouais pas bien mon rôle. Le plus grave dans tout ça, c’est qu’on essaie de paraître différent de ce que l’on est. » Gabriele et Antonietta finissent par se consoler vaguement dans les bras l’un de l’autre, dans une étreinte à peine corporelle, et éphémère. Antonietta, l’embrassant encore sur la bouche, est même prête à sacrifier son plaisir sexuel pour fuir sa vie de femme mariée bafouée : « Tu me plais, tu me plais, comme tu es. Ces choses [= l’homosexualité] que tu m’as dites, ça m’est égal. »
 

À maintes reprises, la « fille à pédé » fictionnelle et son ami gay se complaisent dans leur misère : « Ma vie sentimentale est aussi nulle que la tienne. » (JP le héros homo à sa meilleure amie Clara, dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, épisode 1 « À la recherche du prince charmant »). Ils forment le célèbre « couple ‘homo hystérique/fille paumée’ » (Clara, idem, dans l’épisode 4 « 14 juillet ») qui fait pitié. Par exemple, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Franckie pense à avorter : elle parle d’« expulser son chien ». Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Wanda se définit comme « une femme libérée » qui n’arrive pas à garder un mec. Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, s’entend bien avec une femme muette, Elisa, qui a tellement en dégoût les hommes qu’elle vit sa sexualité avec une Bête de l’espace.

 

La « fille à pédé » est souvent une femme malheureuse : cf. Li Jing dans le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye, Marie dans le film « Pièce montée » (2010) de Denys Granier-Deferre, Rachel la FAP alcoolique du film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, Marga la mère abandonnée du film « Sobreviveré » (2000) de Alfonso Albacete et David Menkes, Rhonda la FAP ex-obèse (alias « Maura Bid ») dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, Clémentine Célarié en Hélène alcoolique et folle dans le téléfilm « Sa Raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand, Lisa la FAP qui perd son enfant dans le film « Outrageous ! » (1977) de Richard Benner, la FAP obèse vivant avec ses deux mères lesbiennes dans le film « Fat Girls » (2006) d’Ash Christian, Victoria (Julie Andrews) la femme divorcée du film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, Micky/Martine/Annie les trois célibataires de la pièce Les Amazones, 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret (Micky se fait avorter), Natacha la FAP alcoolique et sœur du héros homosexuel François dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos, Marie-Ange la psy boulotte gay friendly dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Lena la femme bafouée homophobe et trompée par son mari gay dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Marie qui se prend des râteaux avec tous ses amants dans le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (elle sera même prise pour une lesbienne), etc. Par exemple, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, Sylvie est la FAP dépressive, désespérément célibataire, alcoolique, au chômage. « Elle a l’aigreur des femmes qui n’auront pas de petits garçons, qui n’accapareront pas le sperme des mâles pour se faire croire qu’elles créent la vie, elles qui créent la mort. […] Ce sont des mères d’amertume. Elles sont tristes. » (Willie le héros homo décrivant sa meilleure amie Liz, dans le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 176) ; « Femme, j’ai eu tant d’ami hommes qui n’aimaient que les hommes que j’ai appris à me sentir inutile. Je n’avais pas de mari, pas d’enfants, c’est la vérité. » (Liz, idem, pp. 180-181). Dans le film « Le Journal de Bridget Jones » (2001) de Sharon Maguire, Bridget, la célibattante endurcie qui se définit elle-même comme une « vieille fille cinglée » qui enchaîne les histoires d’amour compliquée, est l’archétype de la « Fille à pédés » rejetant les rassemblements bourgeois de couples mariés et ne fréquentant que les groupes de célibataires homosexuels. Lors d’un cocktail mondain hétérosexuel, elle annonce devant tout le monde qu’elle se casse : « Il faut que je vous laisse. J’ai une fête qui m’attend. Des tas de gens pas mariés. Beaucoup de pédés. »

 

Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel nous présente sa meilleure amie, Aurélie, en l’imitant avec un certain mépris : « Aurélie, c’est ma confidente, ma fille à pédé. Elle est toujours accompagnée d’une cigarette et d’un bon verre de vin… Oui, Aurélie est une saoulasse. C’est une fille-à-pédés. » Plus tard, elle change de nom (elle s’appelle Armelle) et finit par être maltraitée et virtualisée : « Pourquoi Armelle est là à toutes les soirées ? C’est de la schizo. »
 

La FAP est parfois une femme obèse ou peu gâtée par la Nature : cf. Donatienne complexée par sa morphologie de petite grosse dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, l’amie d’enfance obèse de Marco le héros homo du film « Footing » (2012) de Damien Gault, Linda la fille boulotte et mal aimée du film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, Agathe la FAP célibataire avec son pot de Nutella dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Lola la FAP obèse dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, etc. « Ça me fait la même chose quand je rencontre un homme qui me plaît. Mais vois-tu, je finis toujours seule, à m’empiffrer et à prendre des kilos. » (Carmen la FAP s’adressant à son meilleur ami homo Daniel, dans le film « I Love You Baby » (2001) d’Alfonso Albacete et David Menkes) ; « Tu vas voir comme c’est bon, ça, le Nutella, quand on a un manque d’affection ! » (Donatienne la FAP s’adressant à Bernard son meilleur ami homo, dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo) ; « J’avais été obèse pendant toute mon existence. » (Emily, la future femme d’Howard Brackett, le héros gay refoulé, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) Par exemple, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, à la « Soirée Mousse » de Paul, Thomas, l’un des héros homos, se fait draguer par celle qu’il prénomme « la grosse Mathilde ». Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, la copine actrice obèse de Jacques parle tout haut et sans gêne dans la rue de son état sérologique (VIH).

 

La « fille à pédé » est généralement une femme bafouée dans sa féminité et sa maternité. Par exemple, dans le film « Jagdszenen Aus Niederbayern » (« Scènes de chasse en Bavière », 1969) de Peter Fleischmann, tout le monde au village dit de la Tonka qu’elle est une putain parce qu’elle sort avec Abram, le héros homosexuel, et qu’elle attend un enfant de lui. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, se déroulant en Russie, lorsque Katya se rend compte que son pote gay Anton lui prête peu d’attention, elle soupire : « La galanterie française me manque… » Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Benoît était persuadé que Wanda, la FAP, au moment de leur première rencontre, était un travelo. Dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, Sophie, la meilleure amie d’Antoine, ressemble à Louise Brooks, la femme androgyne par excellence (p. 68) ; Antoine, pour ne pas être associé conjugalement à elle, la présente en société comme une femme morte : « Je sortais avec une fille mais… elle est morte. » (p. 15) ; « Sophie avait modérément apprécié qu’il la fasse passer pour morte. » (p. 21) Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Marge se met toujours en couple avec des hommes qui se révèlent être soit des Don Juan bisexuels (Dick), soit des homos (Peter). Le même sort est réservé à la pauvre Meredith, qui se fait des gros films pour rien avec Tom, le héros homo. D’ailleurs, Tom pique tous les amants de Marge : Dick puis Peter.

 

Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Leah et son meilleur ami homo Simon ont une relation amicale vieille de 13 ans et tellement fusionnelle qu’ils se surnomment « les jumeaux siamois ». Ils commentent ensemble le physique des mecs qui les attirent mutuellement, se sont déguisés en « Drôles de Dames » à certaines occasions au lycée. Mais en réalité, cette complicité cache une profonde déception amoureuse chez Leah, qui finit par déclarer ses sentiments à Simon : « J’étais amoureuse de toi. J’ai plusieurs fois essayé de te le dire. » Plus tard, Simon a essayé de caser Leah avec Nick, afin que son homosexualité ne soit pas révélée au grand jour par Martin… et Leah a été doublement blessée par cette trahison : « Tu m’as piégée pour me briser le cœur quand tu pensais que j’étais amoureuse de Nick, et ça, c’est vraiment trop cruel. »
 

Souvent, la FAP délaissée en amour (y compris par son ami homo) détruit les symboles de sa féminité et flirte avec le lesbianisme. Il n’est pas rare du tout qu’elle se rabatte par dépit sur les femmes : cf. Lucy dans le film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka, la maman de Jamie dans le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, Mrs Hunter la maman de Nico dans le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, Lola dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Marcy dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Nancy la FAP en mauve dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, Sarah la sœur d’Effi tout de mauve vêtue dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, etc. « La lesbienne refoulée qui ne comprend pas pourquoi elle se fait toujours draguer par des lesbiennes… » (Océane Rose Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « T’es pas très claire sur le sujet. » (Max s’adressant à sa meilleure amie Mumu, dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « Si on était normaux, on s’embrasserait, là. » (Stephany, l’héroïne lesbienne s’adressant à Joe son meilleur pote gay alors qu’ils partagent le même lit et se donnent la main, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; etc. Par exemple, dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Wanda, la FAP, fait cramer ses poupées dans la cheminée, s’alcoolise, est obèse. Dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, la cousine de Didier, le héros homo, a tout de la femme lesbienne : « Tu es beaucoup trop sportive ! » Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, la FAP de François, Gwendo, est sapeur-pompier lesbienne. Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, Simon, le héros homosexuel, découvre que sa meilleure amie Polly devient lesbienne : « Mais t’es lesbienne maintenant ? » (p. 12) lui demande-t-il ; et cette dernière lui répond d’un air évasif : « Non. Enfin chais pas, j’ai envie de ne pas savoir. » (p. 18) Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Florence la lesbienne avoue avoir été initialement amoureuse de Stéphane, son meilleur ami gay. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Zoé, la meilleure amie « hétéro » de Clara, l’a poussée à se penser lesbienne en l’embrassant sur la bouche. Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Ingrid, femme lesbienne, a couché avec Mathan, homme gay, avant de devenir sa meilleure amie. Dans l’épisode 268 de Demain Nous Appartient diffusé sur TF1 le 13 août 2018, Sara, prise en sandwich entre Bart (son copain) et Hugo qui se font la cour, s’est révélée lesbienne au tout début de la série. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Teresa est la confidente de Phil, homosexuel, et est également en couple avec Pascale.

 

Il arrive aussi que la FAP lesbienne se serve de son meilleur ami homo comme couverture d’homosexualité, comme c’est le cas dans le film « My Father Is Coming » (1991) d’Elfi Mikesh. Dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, Sylvia se prend en photo avec un homme inconnu dans un zoo pour ensuite le présenter à sa mère comme son fiancé et faire illusion sur son homosexualité. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Marcy fait passer son meilleur ami gay Sébastien pour son futur mari afin de leur cacher qu’elle est homosexuelle, ce à quoi Sébastien proteste : « Je suis la couverture de Madame ! » Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Cindy est l’archétype de la fille à pédé blonde ridiculisée en cruche décérébrée qui sert de couverture hétrosexuelle accompagnant le chanteur gay Tom. Ce dernier s’en défend : « Cindy est une couverture pour les médias. […] Pour Cindy… chui obligé. Mes fans, elles seraient déçues si elles me voyaient dans les bras d’un mec. » La mamie appelle Cindy « Miss Camping » et tous les personnages se moquent d’elle. Mais Cindy rentre complètement dans leur jeu, par opportunisme médiatique, car elle rêve de devenir célèbre dans les bras de Tom. À la fin, elle s’excuse auprès de Tom (alors que ce serait pourtant à lui de le faire !) pour son arrivisme : « Pardon, mais je suis obligée de jouer à ça… » Tom et Cindy s’exploitent mutuellement. Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Madelyn (« Maddy »), la meilleure amie d’Hugo (garçon gay avec qui elle maintient une relation fusionnelle), trahit publiquement le secret bien gardé de la future mutation professionnelle de ce dernier à Londres.

 

La FAP trouve dans son meilleur ami gay une relation sécuritaire, dans laquelle elle ne sera pas obligée de se donner entièrement en amour, où elle ne sera pas « lourdement draguée » ; et le héros homosexuel, pareil, ne prend pas beaucoup de risques en s’associant avec une fille qui chante cyniquement l’homosexualité et l’impossibilité de leur binôme ! Un lien-préservatif parfait ! « Toi au moins, tu ne me feras jamais de mal. » (Wanda s’adressant à Benoît dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « À présent elle [Marilyn] me force à faire chambre commune quoique je n’aie rien à craindre : cette fille de trente-cinq ans est toujours vierge. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 94) L’amitié FAP/homosexuel est en réalité un rempart à la sexualité et à l’Amour vrai.

 

Film "Garçon stupide" de Lionel Baier

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

Il existe parfois entre l’homosexuel fictionnel et sa meilleure amie un pacte de virginité mutuelle où chacun s’impose d’être célibataire, d’être la vestale de l’autre… et si l’un d’eux rompt ce pacte amical passionnel de stérilité, il est injurié ou mis à mort. « I need a real Virgin ! » (Pierre Burger dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; « Je veux t’attendre au zénith dans le ciel de la pleine lune ! Je veux ta virginité. » (Ahmed s’adressant à Lou dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Marilyn, qui était toujours vierge, la première. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 32) ; etc. Par exemple, dans le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, Lina, la mère de Nino, accepte avec enthousiasme l’homosexualité de son fils… à partir du moment où il reste tout à elle et qu’il ne ramène pas de copain à la maison ! ; elle lui fait une crise de jalousie quand il lui présente Angelo. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques, le héros homo, a eu une enfant avec un copine, Isabelle, qu’il n’hésite pas à traiter d’équipière : « On fait une belle équipe avec Isabelle. » Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Michèle, la cruche bimbo qui essaie de convertir Jules, le héros homosexuel, à l’hétérosexualité grâce à ses charmes se révèle « frigide » (après avoir couché avec lui) et vierge : tous deux commandent d’ailleurs comme boisson un « puceau à cheval ». Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane qualifie Florence de « Blanche-Neige » qui doit garder sa virginité pour lui. Dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, Marie, la « fille à pédé » virginale, a osé être « infidèle » à son meilleur ami homo Loïc en sortant avec un autre homme que lui ! : Loïc la traitera de « pute » et la poussera au suicide. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon drague une femme à son goût dans le public, pour finalement la traiter de « pute ». Dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, Damien injurie Amélie de « salope » parce qu’elle a couché avec son frère Samuel. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homo qui n’avait pas voulu de Franckie quand elle était célibataire, la jalouse quand elle revient avec son ex : il la voudrait éternellement vierge. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Marie reproche à Wanda la FAP d’empêcher Benoît de se trouver quelqu’un, d’être toujours avec lui, et de lui bouffer la vie. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Donatienne la FAP est frigide ; et son meilleur ami Bernard ne prétend pas y remédier « Tu sais, en ce moment, j’ai la libido d’une huître morte… » Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, Diane, la FAP lesbienne, empêche son ami homo Mitchell de s’unir à Alex. Dans le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland, Paula, la FAP, veut que son copain homo Matt reste vierge : elle se montre jalouse envers Craig, le compagnon de celui-ci. Dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, JP empêche Clara de fréquenter des hommes, d’avoir un enfant (cf. l’épisode 4 « 14 juillet ») et l’encourage même à se faire avorter (cf. l’épisode 5 « Oublier Paris »). Dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, Stella est le prototype de la « fille à pédé » dark : post-adolescente gothique bisexuelle, amoureuse de Gabriel son meilleur ami (« Tu es le seul homme de ma vie. » lui avouera-t-elle) finit par se suicider parce qu’elle découvre que ce dernier est homosexuel. Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, Dorian Gray pousse la comédienne Sibyl Vane au suicide parce qu’elle n’a pas été aussi parfaite, artistique et vierge qu’il l’aurait rêvé.

 

Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Giovanna a la panoplie de la parfaite « fille à pédés » : elle reste collée à son meilleur ami Léo sur la cour du lycée, essaie de se trouver (sans succès) un petit ami (le beau Gabriel finira dans les bras de Léo : la loose…), se présente ironiquement comme alcoolique pour noyer son chagrin (« Je suis alcoolique maintenant. »), ne comprend pas pourquoi Léo l’a « trahie » (« Comment ton meilleur ami peut t’abandonner comme ça ? »), et parachève la misère de sa situation en jouant le rôle de l’entremetteuse gay friendly entre Gabriel et Léo parce qu’elle est « trop heureuse pour eux » (« Vous feriez un beau couple. ») Le paroxysme de la victime consentante rêvée par les réalisateurs gays ! Sois frigide et souriante quand même !

 

La relation terne, ennuyeuse et mortifère que vivent la FAP et son ami homosexuel non seulement les frustre mais peut les rendre pour le coup insatisfaits et violents. « J’en ai marre de tes conneries de gamine. J’en ai marre de te traîner. T’es qu’un boulet. » (Marie, l’héroïne lesbienne, s’adressant à son amie bien en chair, Anne, qui n’a que des emmerdes avec les garçons, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma). Après avoir accepté pour un temps le jeu du « délire » au Banana Café, la FAP finit par en vouloir à son meilleur ami de son indifférence « amicale » à son égard. Tout en continuant de défendre orgueilleusement son titre de « fille à pédés » déjantée, elle se comporte à certains moments avec une réelle homophobie. C’est logique : N’oublions pas qu’en coulisses, la FAP n’a pas digéré la première peine de cœur que lui a infligée son meilleur homo qui a osé lui dire « Tu me dégoûtes » et qui l’a rendue frigide !

 

Par exemple, dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, Nina et son meilleur ami gay se persuadent dans un premier temps qu’ils vont pouvoir vivre un amour asexué où chacun y trouvera son compte et vivra même moins de contraintes que les couples femme-homme mariés : « Tu crois que la plupart des couples mariés sont aussi heureux que nous ? Je crois que le sexe, ce n’est pas si important que ça. » (George) Ils se font de grandes déclarations d’adoration : « Tu sais que je t’adore, Nina. » déclare George ; « Moi aussi, je t’adore. » lui répond Nina. Mais une fois que George accueille un garçon dans sa vie, Nina commence à faire une crise de jalousie : « C’est fou ce que les pédés ont de choses en commun ! » (Nina) « Je veux que tu m’aimes de la même façon que tu l’aimes. » (Nina). Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Arthur, le héros homo, couche avec Nadine, mais elle découvre plus tard l’homosexualité du jeune homme : « On a dit qu’on restait amis ? […] Pourquoi tu continues à sortir avec des gens comme moi ? […]T’es très cruel, tu sais. » Elle finit par le trahir, en l’outant à ses propres parents.
 

Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa), Katja, la meilleure amie de Phil, le héros homo, peinturlure ce dernier de moutarde et de confettis sucrés sur le visage, en disant qu’elle opère un « chef d’œuvre ». Elle le mène à la baguette : « Tu sais que j’ai une sacrée intuition. » (Katja) « Tu ne peux pas manipuler mes pensées. […] Bon, ok, tu peux. » (Phil, s’avouant vaincu). Phil est vraiment le paravent de la misandrie de « Kat » : « Les mecs, c’est des cons ! Avec toi, au moins, je suis sûre et certaine que tu seras toujours avec moi. » (Katja) Mais le jour où Phil trouve un petit ami, Nicholas, elle contient sa jalousie (car elle voudrait ne garder Phil que pour elle) en planifiant un tour machiavélique qui brisera à jamais leur relation : elle conquière Nicholas et couche avec lui.
 

Frigide Barjot

Frigide Barjot


 

Elle échafaude un plan de vengeance d’autant plus pernicieux qu’il prend l’apparence de la camaraderie souriante. « Ne m’appelez plus Marie-France ! La Marie-France, vous l’avez laissée tomber ! » (la bonne du curé à Mgr Miriel, dans la pièce Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy). La FAP confirme/enferme souvent son ami gay dans l’homosexualité, dans une caricature exotique et infantilisante : « T’es ma fofolle à moi ! » (Alice à son meilleur ami homo Fred, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis) Elle lui parle comme s’il était un animal de compagnie. Il lui rend bien son mépris, car parfois, par un humour vache, il la présente comme une pauvre fille, un boulet. « C’est ma voisine Ariane. Elle est folle. » (André le héros homosexuel du film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider)

 

Dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, la relation ambiguë et fusionnelle entre Guillaume, homosexuel, et Mathilde, sa meilleure amie amoureuse de lui, est dépeinte. « On est tellement proches, n’est-ce pas ? » (Mathilde) Guillaume se sert de Mathilde comme appât pour reconquérir son amour de jeunesse Michael à Dublin, sans trop savoir si ce dernier est toujours homo ou pas. Au départ, Mathilde n’en est pas enchantée, et demande à son ami plus de précision sur son rôle de « test d’homosexualité » pendant le voyage : « Si Michael est marié, tu es ma femme. S’il est célibataire, tu es ma meilleure amie. » (Guillaume) Mathilde et Guillaume ont vécu leurs années d’adolescence dans les paillettes… mais on découvre qu’ils se sont exploités l’un l’autre. Dans les bars, Mathilde était la bonne copine délaissée : « Question boîtes, on a connu l’Âge d’Or… mais je passais mon temps derrière un pilier à t’attendre. » (Mathilde) ; « Cette solitude à deux, ça devient… mon lot de fille à pédés. » (idem) ; « Moi aussi, j’me sens seule. » (idem) ; etc. Guillaume ne sort pas avec Mathilde, alors que celle-ci voudrait bien, et a le culot de la décrire comme une bonne copine (« Tu es ma compagnie. ») et de se marier avec une autre femme, Vanéa. Il la considère comme un bibelot : « Tu ferais la Madone de je ne sais quel tableau. » Il lui dédie pourtant toute sa vie : « Même pas ma mère ne me connaît mieux que toi. » Mathilde dit qu’ils vivent avec l’homosexualité « une fraternité devant la mort ». Elle essaie de transformer Guillaume en célibataire ou en homosexuel pratiquant, pour le garder toute à elle ou pour ne pas avoir de concurrence avec une femme : « Franchement, j’aimais quand tu étais avec des garçons ou seul. » Pire : par sa gay friendly attitude, elle veut avoir un ascendant sur son meilleur ami gay. Elle l’enferme dans son homosexualité pour garder le pouvoir : « Je me voyais régner sur ta vie. […] J’ai essayé de te trouver un nouveau mari. » ; « Toutes ces relations se sont passées sous mon règne. Toutes ces relations ont été commentées par moi. » Et elle a choisi de ne coucher qu’avec des potes conseillés par Guillaume, toujours pour lui plaire, vivre un simulacre de fidélité, et vivre sa vie par procuration avec lui (et à défaut de ne pas pouvoir coucher avec lui) : « Je ne couche avec Dirk que parce que Dirk a couché avec toi. » Guillaume a parfois des remords d’avoir laissé Mathilde envahir sa sexualité et sa vie : « Je n’aurais pas dû trop t’associer à mes activités » ; « Je t’en supplie. Sors-nous de cette impasse. » Mathilde finit par trahir Guillaume par délation en appelant au téléphone la femme de Michael, afin de lui annoncer que Guillaume et Michael se retrouvent dans une chambre d’hôtel. Guillaume ne lui en veut même pas : il se contente de chanter la chanson « La Garce ». Mathilde et Guillaume se dorlotent dans leur misère amoureuse commune, en passant « des nuits entières à écouter Barbara ». « Évidemment, maintenant, on est blasés. » (Mathilde) Le spectateur apprend que Guillaume et Mathilde ont essayé de coucher ensemble, mais que ça a été une « chose épouvantable ».
 

Le héros homosexuel finit lui aussi par haïr sa meilleure amie, qui le saoule d’amitié et d’une adoration adolescente. « Je refuse de porter le poids de ton mal de vivre permanent ! » (Didier le héros homosexuel s’adressant à sa cousine collante, dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé) ; « On part à la dérive. On n’a aucune emprise sur nos vies ! » (Cliff le romancier homosexuel à Sally la FAP, dans la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall) ; « Tu dois t’éloigner de moi. » (Alan Turing, le mathématicien homosexuel s’adressant à la femme qui l’aime, Joan Clarke, dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum) ; « Mon mépris pour cette fille [Marilyn] m’a fait sous-estimer ses forces. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 43) ; « Je la déteste. » (idem, p. 94) ; « Cette fille est en train de me bouffer… » (Fred le héros homo à propos de sa meilleure amie Alice dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis) ; « Je me demande si on est encore amis. » (Ine, la FAP lesbienne, à Miriam/Lukas, l’héroïne transsexuelle F to M, dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi) ; « Tu me pèses. T’es toujours là à tourner autour de moi. » (Stéphane le héros homosexuel s’adressant à sa meilleure amie lesbienne Florence dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « J’te déteste ! » (Florence à Stéphane, idem) ; « Je te tuerai. » (Weldon faussement menaçant face à Leonora dans le film « Reflections In A Goldeneye », « Reflets dans un œil d’or » (1967) de John Huston) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc n’hésite pas à traiter sa meilleure amie lesbienne Hélène de « sorcière » (idem, p. 53) ; il dit qu’il veut la tuer : « Pourquoi est-ce qu’on voudrait étrangler ses amis parfois ? » (idem, p. 48) Dans la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, on retrouve le couple haineux gay/lesbienne : « Je vais te détruire » déclare Hervé l’homosexuel à sa femme Choupette qu’il imagine, le temps d’un cauchemar, en lesbienne.

 

La FAP et son meilleur ami homo ont la violence des deux jumeaux spéculaires narcissiques, qui ne peuvent pas se passer l’un de l’autre… mais qui n’ont rien à faire ensemble et qui passent leur temps à se marcher sur les pieds, à « se les briser », à se tirer vers le bas : « Tu joues la meilleure amie, et puis après, tu joues la parfaite hystéro qui m’arrache la moitié du visage ! » (Fred le héros homo à sa meilleure amie, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis) ; « Arrête de me toucher ! J’vais finir en morceaux avec toi ! » (Fred) ; « Tu sais, je me demande si ta fréquentation me fait du bien ou me tire irrémédiablement vers le bas. » (Kathy parlant à son meilleur ami homo Manu, dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq)

 

La FAP et le héros homosexuel contemplent finalement dans leur union factice un être mort et stérile, l’androgyne, autrement dit l’incarnation de l’amour impossible sublimé. Ce n’est pas un hasard s’ils révèlent parfois qu’ils sont les amants d’un seul homme, et que c’est une jalousie inconsciente/idolâtre qui les unit. « Soudain, nous nous souvenons que ce qui nous rapproche, ce qui nous attache l’un à l’autre, c’est ce mort entre nous. Nous sentons la présence de ce disparu entre nous. Nous sommes à nouveau ensemble, elle et moi. » (Vincent et la mère d’Arthur, l’amant de Vincent, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 206) ; « Je la [Marilyn] détestai, mais je me gardai bien de le lui montrer ; j’étais jaloux et je le cachais. Et elle adorait Pierre. […] Elle tomba amoureuse de Pierre avec une violence extraordinaire, ce fut l’adversaire le plus rusé que j’aie jamais rencontré. » (le narrateur homosexuel parlant de Marilyn vis-à-vis de son amant Pierre, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 30) ; « Elle me saute dessus comme une hyène, me griffe le visage, nous nous rouons de coups, je lui serre la gorge, Pierre nous sépare. » (idem, p. 58) Par exemple, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Alice et son meilleur ami homo Fred aiment le même homme : Julien (qui se révèlera homo !). Dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander Hector et sa sœur Ariana sont chacun homos, et sont pourtant sortis avec le même homme, Arsène. Dans le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, Marie et Francis (le héros homosexuel) se disputent le beau Nicolas.

 

Oui, l’amitié entre la « fille à pédé » et le héros homosexuel ne tient principalement qu’à deux fils : la haine de soi (= désir de mort) et le machisme.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La bonne copine « délire » et secrètement amoureuse de son ami homosexuel :

Tori Spelling dans le film "Trick" de Jim Fall

Tori Spelling dans le film « Trick » de Jim Fall


 

La « fille à pédé », cette « célibattante » qui agace autant qu’elle amuse par son sens du ridicule assumé, est de plus en plus connue dans nos sociétés post-modernes et sur nos écrans car elle est un sous-produit de l’émancipation ratée des femmes, un signe des divorces, donc de la haine croissante des hommes pour le femmes, et de la haine croissante des femmes pour le hommes. On la voit arriver en troupeaux, puisqu’il y a de moins en moins de mariages réussis, de plus en plus de « célibataires et fiers de l’être », de plus en plus de garçons tentés par l’homosexualité et de bonnes copines seules les entourant de leur sollicitude et de leur désespoir de ne pas être aimées. « Étant une fille, Anaïs avait plus de facilités à m’accorder son amitié. On pardonne plus facilement les filles de parler aux pédés. À cette période, mes rares amis étaient en fait des amies. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 67)

 

Au départ, la « fille à pédé » est comédienne ou actrice. C’est la femme-objet (ou celle qui la copie) qui attire à elle tous les hommes don-juanesques qui, en cherchant eux aussi à devenir objet, s’asexualisent/s’homosexualisent. « Tout se passe comme si, dans le village, les femmes faisaient des enfants pour devenir des femmes, sinon elles n’en ont pas vraiment. Elles sont considérées comme des lesbiennes, des frigides. Les autres femmes s’interrogent à la sortie de l’école ‘L’autre elle a toujours pas fait de gosses à son âge, c’est qu’elle est pas normale. Ça doit être une gouinasse. Ou une frigide, une mal-baisée.’ Plus tard je comprendrai que, ailleurs, une femme accomplie est une femme qui s’occupe d’elle, d’elle-même, de sa carrière, qui ne fait pas d’enfants trop vite, trop jeune. Elle a même parfois le droit d’être lesbienne le temps de l’adolescence, pas trop longtemps mais quelques semaines, quelques jours, simplement pour s’amuser. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 59-60). La fille à pédés prend ses amis gays ou trans pour des objets. Par exemple, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Nubia dit à Linn, son meilleur pote travesti : « On dirait une statue. », à propos d’une photo qu’elle commente de lui.
 

Les FAP à l’écran le sont la plupart du temps dans la réalité concrète : Julie Andrews, Dalida, Liz Taylor, Liza Minelli, Marilyn Monroe, Clémentine Célarié, Lio, Mylène Farmer, Sylvie Joly, Fanny Ardant, Catherine Deneuve, Ophélie Winter, etc., sont entourées d’hommes homosexuels et semblent les attirer. Elles jouent le jeu de la fraternité (et celle-ci peut se révéler de sang) : « J’ai été élevée par mon frère homosexuel. » (Virginie Lemoine)

 

La « fille à pédé » est habituellement une femme qui refuse de vieillir, qui s’habille dans du 12 ans, qui jadis a croqué et séduit les hommes (mais qui a une sacrée revanche à prendre sur eux !), qui boit parfois comme un trou, qui a une vie de famille ou amoureuse compliquée et insatisfaisante, et qui cultive une bonne humeur suspecte qui confine à la vulgarité beauf. Elle est persuadée qu’elle a un rôle privilégié dans le « milieu homosexuel » (Roselyne Bachelot, Christiane Taubira, Najat Vallaud-Belkacem, Dominique Bertinotti, Frigide Barjot, etc.). Elle ne se rend pas compte que sa place a l’ambiguïté du copinage alcoolisée, du foutage de gueule sincère, ou de la guerre des sexes dont elle est pleinement complice !

 

Et dans des sphères beaucoup moins « people », l’amitié que vivent la FAP et son meilleur ami homo a le parfum éphémère des amitiés adolescentes, des p’tits délires narcissiques entre gamins qui ont peur d’eux-mêmes et des autres, des unions de misère, des règlements de compte larvés avec la gente masculine et avec la religion (avec le Réel en somme !). Leurs délires flattent leur superficialité commune. Ils s’aiment parce qu’ils détestent/pleurent/« ne croient plus en l’amour » ensemble. « En accordant dorénavant beaucoup de temps à mon entourage professionnel notamment féminin, je m’intronisais aussi plus que jamais en femme, au point que les conversations que je tenais ressemblaient aux leurs. En effet, lorsque j’arrivais le matin, c’était pour parler de vêtements ou de cuisine ; de même que pendant les heures de déjeuner, je traînais les magasins avec ce même entourage à la recherche de petits bibelots de décoration. Ma condition était l’archétype voulu d’une vie de femme, mes propos et mes réactions, ceux d’une fille vivant seule. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 130) ; « Les femmes et les gays ont ceci en commun qu’ils font partie d’une minorité d’un point de vue social. Ils n’ont pas les mêmes droits que les hommes hétéros. C’est pour ça qu’ils se sentent proches. » (Inga Humpe interviewée dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Les icônes gays ont souvent un destin tragique. Elles chantent des chansons impressionnantes, excessives, mais elles ont une existence difficiles parce qu’elles vivent constamment sous le regard du public. On entend sans cesse parler d’elles dans les médias. On sait que leur vie amoureuse est un fiasco. Ce sont des vies assez tragiques. Et c’est ce qui les rend attirantes à nos yeux. » (Steve Blame, idem) ; etc.

 

Film "L'Objet de mon affection" de Nicholas Hytner

Film « L’Objet de mon affection » de Nicholas Hytner


 

La FAP classique a le chic pour se mettre dans des situations amoureuses compliquées : c’est une héroïne tragique version Bridget Jones boulimique (voire nymphomane accaparante ou hystéro !), qui va préférer (ce qu’elle présente comme) l’inaccessible (homosexuel). Beaucoup de fois, elle révèle ses sentiments amoureux pour son meilleur ami homo : « Chers tous ! Je suis une hétérosexuelle qui lutte contre l’homophobie. Vous allez vous dire : ‘Mais qu’est-ce que c’est que cette fille ?’ Eh bien, je suis une fille qui vous aime et vous embrasse très fort, et, surtout, qui crache à la gueule des homophobes (c’est clair ?) ! Non, franchement, je ne tolère ni les propos racistes ni les propos antigays. Je ne comprends pas comment on peut avoir de la haine envers les gens qui aiment, tout simplement ! Aussi, je n’aime pas trop utiliser les appellations ‘homo’, ‘hétéro’, ‘bi’, etc. Nous sommes tous des gens qui avons envie d’aimer et d’être aimés ! Il ne faut pas classer les individus, sinon les cons pointent leur doigt vers ‘ceux-là’. Il y a des gens qui aiment les patates et pas les carottes, ou l’inverse, ou les deux. Chacun son truc ! Un jour, mes poufs de copines ont insulté un homo dans la rue (honte à moi d’avoir été leur amie ! Je les aurais massacrées une par une ! Je mourrais d’envie de leur crier : ‘Hé, bande de connes, j’suis lesbienne !’ J’achète Têtu tous les mois parce que c’est un mag que j’aime et qui est très intéressant. Je suis fan de Mylène Farmer aussi. C’est Simon, mon meilleur ami homo, qui m’a fait découvrir tout cela, et je l’en remercie du fond du cœur. Parce que grâce à lui, j’aime vivre, j’aime aider les autres. J’ai découvert ma voie et je me suis fait de vrais amis, et, même s’ils sont homos pour la plupart, je les aime infiniment. Grâce à eux, je sors dans le milieu gay de temps en temps. J’aime un homme ; il est homo. C’est le plus beau de la terre à mes yeux. Que celui qui le touche pour lui faire du mal meure sur-le-champ. Ou alors je lui pète la gueule (je fais de la boxe depuis deux ans) ! J’aimerais que cette lettre fasse le tour du monde et mette en colère tous les gros cons de la planète – j’ai nommé les homophobes, qui ont un esprit aussi large qu’un cheveu et dont le QI est semblable à celui d’une huître (mais je n’ai rien contre les huîtres !). Charlotte. » (c. la lettre de Charlotte, publiée dans la rubrique « Courrier des lecteurs », lue dans Têtu, novembre 2001)

 

Les FAP amoureuses de leur meilleur ami homo ne sont pas des cas isolés. Par exemple, Jeanne Moreau dit avoir été amoureuse de Pierre Cardin (cf. l’interview de Jeanne Moreau dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 18). Marguerite Yourcenar (lesbienne) a vécu à 32 ans une crise passionnelle pour André Fraigneau qui, lui, préféra les garçons.

 

Certaines « filles à pédés » voient l’homosexualité de leur meilleur ami homo comme un défi, un interdit à braver. « L’homosexualité l’intéressait en moi. » (Marcel Jouhandeau concernant sa femme Élise, dans l’émission Apostrophe, sur la chaîne Antenne 2, le 22 décembre 1978)

 

En général, la « fille à pédé » et l’individu homosexuel se servent de couverture l’un l’autre (soit d’homosexualité, soit de célibat mal porté) ou de rabatteuse d’hommes. En Espagne par exemple, les couples de façade fleurissent dans les journaux people (« revistas del corazón ») : Alaska et Marco ; Rocío Jurado et Ortega Cano ; Rafa et Natalia ; etc.

 

Il m’est déjà arrivé de tomber sur des femmes (en général dépassant la quarantaine, ou jouant les mères gay friendly fières de leur « gars homo » ; mais j’ai croisé aussi beaucoup de « filles à pédés » hystériques new generation chez les jeunes étudiantes tout juste sortie de lycée) qui se rapprochaient du cliché vivant de la FAP. Des piliers de bar occasionnels dans les boîtes et les assoc LGBT. Celles qui veulent te forcer à leur faire un « piou amical », qui t’adorent et disent n’être à l’aise qu’avec « les homos »… alors que tu ne les connais que depuis deux heures !, Celles qui viennent défiler aux manifs pour « nos » droits. La particularité de la « fille à pédé », c’est quand même qu’elle recherche son statut de « fille à pédé » (je ne mets donc pas dans cette catégorie les « filles à pédé » accidentelles, les femmes qui se seraient volontiers passées de tomber amoureuses d’un gars sensible qui leur a infligé le Râteau du Siècle, ni celles qui se sont retrouvées par hasard confidente de personnes homosexuelles : maintenant, beaucoup de femmes se trouvent involontairement au contact avec des mecs homosexuels… parce que tout simplement les hommes sont de plus en plus nombreux à ne pas jouer leur rôle : généralisation de la crise sociale de la masculinité et de la féminité oblige !).

 
 

b) L’amitié de misère et de misandrie :

Mais derrière la camaraderie singée, il y a de la tristesse et de la haine. C’est pour cela qu’elle se termine souvent mal, cette « amitié » ! La FAP et l’individu homosexuel sont associés dans le mensonge, dans la haine/déception des hommes et du genre humain : par exemple, Dalida et Charles Trénet chantant ensemble « Que reste-t-il de nos amours ? », c’est certainement l’alliance de deux maux de vivre qui se sont compris. « Sans elle [Philomène], je songeais parfois à m’enfuir, rien que pour éviter de ressembler aux autres garçons. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 48)

 

À y regarder attentivement, la « fille à pédé » est une femme malheureuse : « Le monde de mon enfance était un monde peuplé de femmes abandonnées. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), p. 20)

 

Les FAP que j’ai eu l’occasion de rencontrer sont souvent des charmeuses désespérées, ou au contraire des filles boulottes, mal mariées/mal casées, peu gâtées par la Nature, qui attendent peu de l’amour. On retrouve par exemple cette fille à pédé tristounette et déçue des hommes avec Sylvie dans le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre. Autre exemple : dans l’autobiographie La Mauvaise Vie (2005) de Frédéric Mitterrand, Simone est la FAP qui n’a jamais réussi à avoir d’enfants.

 

La « fille à pédé » est généralement une femme bafouée dans sa féminité et sa maternité. Rien d’étonnant que les femmes « libérées » post-modernes aient trouvé chez les personnes homosexuelles masculines les reflets idéaux qui dorloteront leur narcissisme déprimé/leur déni de souffrance en amour : « Les femmes sont ravies. Elles plébiscitent les hommes reconfigurés par la plastique, l’esthétique, le raffinement homosexuels. L’homme qui leur plaît est celui qui leur ressemble. La différence, physique, sociale ou psychologique, est désormais assimilée à l’inégalité, nouveau péché mortel de l’époque. À leur peur archaïque du phallus, du ‘viol de la pénétration’, les femmes d’aujourd’hui répondent par un malsain désir du même, une immense tentation lesbienne. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 22)

 

Dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta, Frank, un témoin homosexuel suisse, est interrogé sur sa relation intéressée avec sa meilleure amie : « Pour masquer mon homosexualité, j’ai une fille à Neuchâtel avec qui je sors très très souvent. On va manger. On va danser. C’est ça qui me donne une cachette. » Le journaliste lui demande : « Elle sait que vous êtes homo ? » Frank répond : « Oui. Elle est même de la famille, si j’ose l’expression. Elle est lesbienne, si vous préférez. C’est à cause de ça qu’on s’entend à merveille, sur ce plan-là. »
 

Souvent, la FAP détruit les symboles de sa féminité et flirte avec le lesbianisme. Fanny Ardant, Jeanne Moreau, Mylène Farmer, Jeanne Mas, Michèle Laroque, Lio, Greta Garbo, Shym, Madonna, Lisa Minelli et bien d’autres, à force de jouer les « filles à pédé » sur les écrans, ont fini par tourner des scènes lesbiennes dans des films ou par se lancer « pour expérience » dans une aventure lesbienne épisodique.

 

Après avoir accepté pour un temps le jeu du « délire » au Banana Café, la FAP finit par en vouloir à son meilleur ami de son indifférence « amicale » à son égard. Tout en continuant de défendre orgueilleusement son titre de « fille à pédés » déjantée, elle se comporte à certains moments avec une réelle homophobie. (J’ai déjà entendu des « filles à pédés de la première heure » insulter, hors du champ des caméras, les personnes homos avec une haine insoupçonnable de leur part !) C’est logique : N’oublions pas qu’en coulisses, la FAP n’a pas digéré la première peine de cœur que lui a infligée son meilleur homo qui a osé lui dire « Tu me dégoûtes » et qui l’a rendue frigide ! Elle qui est une séductrice « née », elle se retrouve avec les mecs homosexuels face à l’unique catégorie de personnes que ses charmes n’arriveront jamais à conquérir ! Quel affront ! « ‘On est toujours déçu par un homo, affirme Sandra, amère. On croit qu’il vous écoute, puis un garçon passe. Il tourne la tête et on n’existe plus.’ Pour Sandra, les femmes n’ont rien à faire avec des homosexuels. Une relation avec un homosexuel ne peut engendrer que de la frustration. L’absence de désir d’un homosexuel pour une femme dévalue sa féminité. » (Virginie Mouseler, Les Femmes et les Homosexuels (1996), p. 138) ; « Mes fans gays ne m’ont jamais laissé tomber. Même dans les moments difficiles. Les homos sont étranges. Ou ils t’adorent, ou ils ne savent même plus que tu existes. » (la chanteuse Cher interviewée dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; etc.

 

La « fille à pédé » échafaude en général un plan de vengeance d’autant plus pernicieux et homophobe qu’il prend l’apparence de la camaraderie souriante, ou qu’il est inconscient chez elle. Elle confirme/enferme souvent son ami gay dans l’homosexualité, dans une caricature exotique et infantilisante. Elle lui parle comme s’il était un animal de compagnie. Il le lui rend bien, car parfois, par un humour vache, il la présente comme une pauvre fille, un boulet, une femme seule, has been, vieillissante et qui a fait peur à tous les hommes de sa vie. L’individu homosexuel finit lui aussi par haïr sa meilleure amie, qui le saoule d’amitié et d’une adoration adolescente. « Anaïs Nin et moi étions incompatibles – oiseau prédateur contre oiseau prédateur. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 350)

 

Par exemple, la relation de couple entre l’écrivaine lesbienne Carson McCullers et son mari homosexuel Reeves, « ces deux enfants malades de détresse et d’alcool » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 279), s’est révélée à la fois narcissique et destructrice : « Carson avait rencontré son double, et le double lui déclara son amour comme on profère une menace. » (Linda Lê,idem, p. 65) ; « Il y a entre ces deux jeunes gens un lien plus profond et plus irrationnel, une bizarre ‘gémellité’ que personne ne comprendra jamais vraiment, chacun s’acharnant à chercher qui porte la responsabilité de leur désastre commun, voulant trouver des fautes, de la méchanceté, du désir de destruction, de la volonté de nuire. » (idem, p. 65) ; « Chacun d’eux étaient le ‘mauvais jumeau’ de l’autre, à la fois destructeur et peut-être indispensable. » (idem, p. 129) ; « Ces deux-là ne parviendront jamais vraiment à vivre ensemble, mais sont incapables de se séparer. » (idem, p. 283)

 

La FAP et son meilleur ami homo ont la violence des deux jumeaux spéculaires narcissiques, qui ne peuvent pas se passer l’un de l’autre… mais qui n’ont rien à faire ensemble et qui passent leur temps à se marcher sur les pieds, à « se les briser », à se tirer vers le bas. La chanteuse Maurane, dans sa chanson « Qui es-tu Marie-Jeanne ? » (écrite en hommage au personnage de la FAP de la comédie musicale Starmania de Michel Berger), décrit bien vers quelle impasse et quel abysse conduit le mode de vie de la « fille à pédé » : « Ton univers me désespère, m’attire dans le noir… »

 

La FAP et son double homosexuel contemplent finalement dans leur union factice un être mort et stérile, l’androgyne, autrement dit l’incarnation de l’amour impossible sublimé. « Oui, c’était une sorte de dieu pour nous. » (Gore Vidal en parlant de Jimmie, l’amour de sa vie, qu’il a partagé avec une femme, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 426) Ils disent parfois qu’ils sont les amants d’un seul homme, et que c’est une jalousie inconsciente/idolâtre qui les unit. Par exemple, dans son auto-biographie La Mauvaise Vie (2005), Frédéric Mitterrand dévoile le fin mot de l’histoire de l’amitié entre l’homme gay et la FAP quand il évoque la nature du lien qu’il entretient Carmen : « Nous savons très bien où nous en sommes avec Carmen : nous aimons le même homme et il nous a dévastés, l’un et l’autre. » (p. 132) Il fait ce constat amer sur les femmes célibataires ou mal mariées qui l’ont fortement entouré à certains moments de sa vie : « C’est étrange, au fond je n’ai pas tant compté pour elles… » (idem, p. 126)

 

Actuellement, on constate qu’avec l’adoption française du « mariage pour tous » en France, la « fille à pédé » a changé de visage et a endossé un masque plus incestueux/incestuel : c’est la fille biologique, ou l’ex-épouse, ou l’ex-partenaire, ou la fille adoptive, ou la fille obtenue par GPA, qui devient la confidente, la meilleure amie, voire la « femme de substitution » de son père. Cela nous permet de comprendre beaucoup mieux quelle est la nature et l’explication du lesbianisme chez certaines « filles à pédé(s) » : une passion idolâtre cachée. Par exemple, dans l’émission Toute une histoire (spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), des femmes témoignent du coming out de leur père biologique, et du tsunami identitaire que cela a produit dans leur vie, même si, par rapport à la seule homosexualité ou au seul événement du coming out, elles sauvent la face. « J’ai quelques séquelles de tout ça, même si je l’ai toujours bien pris et que ça se passe très bien… mais j’ai des séquelles dans ma vie de femme. Et ça, par contre, je peux pas vraiment en parler avec lui. Pour moi, tous les hommes sont un peu homosexuels, donc c’est un peu compliqué tous les jours. » (Amandine, la quarantaine, qui, à 19 ans, a appris que son père partait avec un homme) Pendant toute l’émission, on nous fait croire que la relation incestuelle, « fusionnelle » et de copinage entre père homo et fille biologique de ce dernier (ils discutent « mecs » ensemble, peuvent faire du shopping et se conseiller vestimentairement) peut très bien se substituer à l’union conjugale passée du père et de la mère biologiques, via le coming out, grâce à l’homosexualité, grâce à la fusion père homo-fille hétéro. La séparation ou la rupture conjugale est maquillée et surinvestie en fusion filiale. Par ailleurs, certaines filles de père homosexuel finissent par opter pour un mode de vie homosexuel. « Sans repères, j’ai tout essayé : les femmes comme les hommes. »  (Danny Morice, 54 ans, bisexuelle, fille d’un père homosexuel dont elle a découvert l’homosexualité à 24 ans) Ce mimétisme désirant n’a rien à voir, évidemment, avec une quelconque affaire de génétique. Je crois qu’il s’origine autour d’une blessure identitaire profonde et d’une passion secrète, incestuelle. En effet, Danny, après la découverte de l’homosexualité de son père, s’est masculinisée à 25 ans pour finalement devenir physiquement cet homme qui va plaire à son père, puis est sortie avec des femmes.

 

La FAP a cette folie, pour plaire absolument à « l’homme de sa vie » qui ne pourra pas se donner à elle sentimentalement et sexuellement, d’essayer d’incarner soit l’homme qui attire sexuellement son meilleur ami gay (ou son propre père gay), soit l’homosexuel version lesbienne, tout ça pour le reconquérir.

 

En guise de conclusion, je me permets de rajouter en annexe ce mail que j’ai reçu le 28 octobre 2016, d’une « fille à pédés » repentie, dans lequel les mots sont tellement justes, à leur place, que je ne peux m’empêcher de vous le livrer tel quel, en changeant le prénom de celle qui l’a écrit et avec son accord. Son discours peut faire tellement de bien aux femmes et aux hommes de notre temps ! :
 

Bonjour cher Philippe,

j’espère que tu vas bien et te remercie encore pour ce blog.

A propos du code du dictionnaire concernant les FAP, me sentant concernée, je te livre ici le résultat de mes réflexions à propos de ma jeunesse égarée : il y a plusieurs décennies, à la fin des années 80 quand j’avais autour de 20-25 ans (je suis née en 1967) je me suis sentie attirée par le milieu « gay » et ses boites, je suis devenue une FAP.

Souvent je réfléchis à cela maintenant que je me suis (re)convertie à la foi catholique. Cette période de ma vie a été la pire et la source de très profondes souffrances. Les péchés blessent d’abord Dieu et le prochain mais ils blessent aussi le pécheur.

Or notre époque encourage le péché et entretient des conditions de rencontres, des erreurs et des mensonges dans le couple homme-femme qui peuvent rapidement pousser une jeune fille vers la fréquentation de gays. J’ai cru y trouver une « solution » à un malaise qui est, je pense, un malaise de civilisation.

C’était mon cas, d’abord il y avait la sexualité « libérée » et la mixité qui n’arrangent vraiment pas les relations homme-femme. Des garçons du collège et du lycée j’ai surtout subi la grossièreté, le harcèlement, parfois la violence et surtout les remarques cruelles sur le physique des filles.

Plus tard, obligée de faire des études pour gagner ma vie toute seule (le féminisme était passé par là) je me suis vue confinée dans un univers très féminisé (classes prépas littéraires) et de par les troubles alimentaires graves que j’avais traversés un peu auparavant ‘anorexie puis boulimie et obésité) j’avais un corps peu attirant. La sexualité « libérée » ne me paraissait pas du tout propice à combler mes aspirations typiquement féminines (engagement, mariage, alliance entre amour et sexualité)dont toute une éducation féministe m’avait de toutes façons dissuadée.

De nos jours, notre société devenant de plus en plus féminisée, mixte au collège, encourageant la contraception et le salariat féminin (qui demande implicitement le contrôle de la fécondité, d’où aussi des critères de beauté féminine a-féconds, maigreur extrême, etc.) les jeunes filles et jeunes femmes sont dans un univers où il devient STATISTIQUEMENT rarissime de trouver à l’âge où la fécondité est hormonellement la plus forte (20 ans) un mari selon les piliers du mariage chrétien ( fidélité, indissolubilité du mariage, accueil de la vie, don total de soi…) c’est-à-dire l’homme qui va effectivement combler les aspirations féminines les plus profondes( mariage et engagement) . On trouve, au « mieux » un concubin provisoire ( qui peut vous larguer du jour au lendemain), au pire un séducteur ou carrément une aventure sans lendemain ou rien du tout. Le plus souvent c’est à la fin de ses études que la fille se met « sérieusement » en ménage après plusieurs liaisons qui se sont pour la plupart mal terminées. C’est lucratif pour les « psys », certes.
Bref, le bonheur c’est pour la fille d’aujourd’hui le parcours du combattant et des hommes « bien » il n’y en a pas pour toutes…

Il faut souvent galérer, passer par des régimes, des thérapies, des échecs. On ne nous éduque pas selon l’idéal chrétien, on ne nous donne plus ces repères-là qui sont pourtant une protection efficace contre l’amour faux et qui donneraient le moyen de discerner.

De leur côté, les jeunes hommes privés de figures paternelles et qui ont eu leur « overdose » de femmes durant l’enfance (féminisation des métiers de l’éducation, divorces des parents, mixité à l’école…) développent souvent une fois adulte une tiédeur et une désinvolture face à l’amour qui désespère les jeunes filles (d’où ce phénomène de la « femme qui aime trop » concomitant à la révolution sexuelle). Le taux de chômage, la précarisation, font reculer le moment où un jeune homme va envisager réalistement de pouvoir fonder une famille. Et souvent, ayant déjà été dans l’enfance et l’adolescence l’otage narcissique de sa mère (divorcée, délaissée…) il n’a plus rien de ce style à donner à la jeune fille qui, elle, attend au contraire écoute, compréhension, empathie.

De surcroît la banalisation de la contraception donne aux hommes un choix bien plus larges de femmes possibles et rend inutile la nécessité de convoler pour avoir accès au plaisir. Ceci fait stagner les jeunes hommes et les adolescents dans une vision de la sexualité déconnectée de l’amour : ils veulent surtout faire des expériences mais ne pas s’engager. Ce qui fait beaucoup souffrir les filles.

Aujourd’hui elles sont nombreuses à être, comme Bridget Jones, des célibataires actives professionnellement et toutes seules… La sociologue Eva Illouz analyse très bien ce phénomène post-moderne dans un essai remarquable « Pourquoi l’amour fait mal ».

Rien d’étonnant, donc, à ce qu’une partie des filles ( jeune, j’étais dans ce lot) soit tentée d’aller fréquenter les gays qui vont dans un premier temps leur donner l’illusion d’être intéressantes, l’accès à des relations respectueuses avec le sexe masculin ( pas la drague « lourde » au bal HEC, par exemple) courtisables, aimables, et l’illusion de relations profondes basées sur la communication entre hommes et femmes. Elles y trouvent souvent l’ami de coeur qu’elles ne trouvent plus dans l’homme post moderne.

Et ensuite elles se cassent les dents sur la frustration, évidemment.

Mais cela n’a rien d’étonnant dans un contexte comme le nôtre.
 

Si j’avais donc un essai à écrire à ce sujet (cela reste dans mes projets) je l’intitulerais « Pitié pour les FAP » (allusion au « Pitié pour les femmes » de Montherlant).

Je pense avoir été dans le péché à cette époque de Faperie.

Je me demande quelle est réellement ma part de faute et de responsabilité car toute une culture ( et ma famille gay-friendly militante aussi) m’avait poussée vers cela et m’entretenait dans l’ignorance. Notre civilisation laicisée et « libérée » entretient beaucoup d’idées fausses sur l’Eglise catholique et j’ai été pour beaucoup victime de ses mensonges. Mais c’est aussi parce que les mensonges de la post-modernité flattaient mes propres illusions.

La réalité m’a très cruellement appris ce que signifie la « sexualité libérée » et ce que c’est , réellement, que d’être une FAP.

Je me demande si un essai sur ce sujet trouverait des lecteurs. Pour ce qui me concerne, c’est seulement la lecture d’auteurs catholiques (Tony Anatrella, Georges Habra, Saint Jean-Paul 2…) qui m’a ouvert les yeux sur ce qu’est l’Amour en vérité (et même au début je me disais qu’au regard de ce qu’est devenue depuis 40 ans notre civilisation, c’était presque « trop beau pour être vrai » !!!).
 

Loué soit Dieu qui m’a sortie de ce péché.

Loué soit Son Amour !

Longue vie à ton blog et merci pour ta très grande lucidité.

Amitiés

Céline
 
 

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Code n°66 – Faux intellectuels

faux intel

Faux intellectuels

 

 


NOTICE EXPLICATIVE

 

« Forts sont ceux qui ont tort quand la mémoire s’endort, encore et encore. »

(la grande philosophe et intellectuelle Teri Moïse, dans sa chanson « Encore fou »)

 

« Seigneur, vers qui irions-nous ? Tu as les paroles de la Vie éternelle. »

(des pauvres gars décrits par saint Jean, dans Jn 6, 68)

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Artiste raté », « Inversion », « Bovarysme », « Pygmalion », « Promotion « canapédé » », « Folie », « Élève/Prof », « Bobo », « Déni », « Frankenstein », « Humour-poignard », « Médecin tué », « Fresques historiques », « Conteur homo », « Milieu homosexuel infernal », « Homosexuels psychorigides », « « Je suis différent » », « Différences culturelles », « Faux révolutionnaires », « Patrons de l’audiovisuel », la partie « Divin Artiste » du code « Se prendre pour Dieu », la partie « Paradoxes du libertin » du code « Liaisons dangereuses », la partie sur les « Faux scientifiques » dans le code « Médecines parallèles », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

INTELLECTUEL culture en boîte

B.D. « Kang » de Copi – Pour une culture en boîte…


 

Bon. Ce n’est pas le moment de faire des fautes d’orthographe ! ;-)… Ni de mettre des « lol », des « mdr » et des smiley à toutes les phrases (lol lol lol).

 

Alors tout d’abord, pour commencer, une précision sur le mode d’emploi de ce Dictionnaire. En apprenant le titre de ce nouveau code, certains de mes amis (des faux intellectuels, à coup sûr, pour se sentir autant visés… mdr) se sont tout de suite insurgés, en le prenant pour une affirmation, une vérité sur « les » homos, un dérapage critique de ma part. Depuis le temps qu’ils pratiquent mon Dictionnaire des Codes homosexuels, ils n’ont toujours pas compris comment il fonctionnait ? Ce que j’y fais est prioritairement une étude des clichés du désir homosexuel : pas des personnes homosexuelles. Par exemple, ce n’est pas parce que je réfléchis sur la figure fictionnelle du pédophile homosexuel, ou même du Nazi homosexuel, que je justifie et crois en l’existence charnelle de ce que je décris. Le Dictionnaire des Codes homosexuels est une étude des mythes, avant d’être une étude de réalités. Je parle de ce que je vois et entends… et ensuite, j’en tire une interprétation sur le réel et les personnes homosexuelles de chair et de sang, mais cette interprétation est non-causale, non-essentialiste, non-généralisable à l’ensemble des personnes homosexuelles, et peut même parfois rentrer en porte-à-faux avec le cliché dépeint.

 

Par conséquent, à ceux qui me suspecteront, du fait du choix du nom de ce code, de rentrer dans le jeu manichéen que je prétends dénoncer, je prends soin de dire d’entrée de jeu que si j’émets un jugement à certains endroits de ce code sur les « faux intellectuels », ce ne sera pas un jugement de personnes, mais de production, de raisonnement et de discours (ce qui est bien différent !). Après, s’il y en a qui se prennent pour leurs mots, leurs idées, leurs pensées, et leurs écrits, et qu’ils s’en vexent, c’est bien leur problème ! : ils voient ça avec leur propre conscience ou orgueil. Je rappelle que ce Dictionnaire est une étude des clichés de l’homosexualité : parler d’eux ne revient pas à les justifier, à les personnifier – pour mieux condamner des personnes ensuite –, mais juste à les expliquer, et précisément à éviter qu’ils s’actualisent et s’essentialisent sous forme de personnes.

 

Ensuite, je crois qu’il nous faut assumer notre rôle de juges, de critiques intellectuels, de dénonciateurs et de « raisonnants »… même si je reconnais que ce n’est pas du tout dans l’air du temps que de défendre le jugement ! (cf. je vous renvoie à ma longue explication sur ce que je baptise « la jugemenphobie » dans mon essai Homosexualité sociale), et même si le jugement/l’évaluation des actes et des mots doit moralement céder le pas à l’accueil doux, humble et encourageant des personnes. Et pour cela, permettez-moi de citer un passage de la Bible (ça non plus, ce n’est pas dans l’air du temps, lol, mais bon, il faut savoir parfois désobéir à son époque ;-)) Dans cet extrait de l’épître à Timothée, Saint Paul s’adresse à son « vrai fils dans la foi » pour l’encourager à faire usage de sa raison et de son jugement au service de la personne humaine et de Dieu, et pour la condamnation des injustices : « Fils bien-aimé, devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui doit juger les vivants et les morts, je te le demande solennellement, au nom de sa manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d’instruire. Un temps viendra où l’on ne supportera plus l’enseignement solide ; mais, au gré de leur caprice, les gens iront chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques. Mais toi, en toute chose garde ton bon sens, supporte la souffrance, travaille à l’annonce de l’Évangile, accomplis jusqu’au bout ton ministère. » (2 Tm 4, 1-8) Avoir du cœur et être offensif, cela ne s’oppose pas. C’est même l’alchimie de la pensée de vie et de liberté.

 

À l’époque où il était encore humainement visible, Jésus (notre modèle à tous, idéalement) condamnaient déjà les scribes et les pharisiens (= les intellectuels qui l’entouraient) avec énergie. Il est fort possible que dans les Évangiles, ce soit même la catégorie de personnes la plus sévèrement invectivée (Jésus passe son temps à les traiter d’hypocrites !), précisément parce qu’ils avaient le savoir à portée de cerveau et de cœur, et qu’ils n’avaient de ce fait aucune excuse pour l’ignorer !

 

Mais il n’y a pas que Jésus qui poussait ses jérémiades de prophète, et qui ne s’excusait pas de juger/penser ! Saint Augustin, en son temps, ne s’était pas gêné non plus pour critiquer les sophistes et l’irréalisme des philosophes verbeux qui figeaient la Vérité en esthétisme rhétorique creux pour se gargariser d’eux-mêmes. Et plus proche de nous, Pierre Jourde, dans son excellent essai La Littérature sans estomac (2002), n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il dénonce l’attitude démissionnaire et narcissique de beaucoup de nos intellectuels français ! Car penser juste, d’une part ce n’est pas donné à tout le monde (navré de vous l’apprendre et de faire ce pied de nez à la « démocratisation » du savoir, qui actuellement sape notre culture générale), et surtout, ce n’est ni confortable, ni simplement « opiner » : ça demande une formation solide, ça engage vraiment, ce n’est pas « confort » (ce n’est pas un hasard si les grands auteurs insistent autant sur la fameuse « inquiétude intellectuelle » !), c’est même périlleux, ça implique une responsabilité d’autant plus énorme que cette action s’affichera publiquement. Non : ce n’est pas sans gravité de parler pour ne rien dire ! Car pendant qu’on disserte pour faire joli, ou « pour soi » et sa petite clique de « connaisseurs », on couvre le cri et les appels au secours des sans-voix, des fragiles (à qui on n’a pas forcément appris à penser par eux-mêmes, ou qui ne peuvent tout simplement pas penser par eux-mêmes), on vole le micro à des intellectuels qui, eux, ont vraiment quelque chose à dire pour changer la face du monde. N’est pas bon philosophe qui veut, ou qui cite les autres philosophes pour se donner l’illusion de penser ! Philosopher, c’est un don. Et non seulement ça : c’est un don entier de sa personne aux autres et à la quête collective de l’Amour-Vérité, autrement dit de Jésus.

 

À mon sens, le seul véritable rôle de l’intellectuel est d’une part d’affronter la misère, la tristesse, la souffrance, le mal, la mort (et j’ose même dire le diable), pour mieux les dénoncer et les combattre, et d’autre part de rechercher la Vérité et l’Amour à travers l’observation du Réel, de tous les Hommes, et de Jésus. Tout le reste n’est que vent et narcissisme. L’essayiste Philippe Murray a tout à fait résumé le travail que se doit d’opérer tout intellectuel digne de ce nom : il consiste à assumer le métier de démonologue. « Ce n’est pas de chercheurs sociologues ou de prétendus philosophes que ce monde a besoin, c’est à proprement parler de démonologues. Il faut, et je ne m’excuse pas d’employer ce langage quasi médiéval, des spécialistes de la tentation ; du moderne en tant que tentation démoniaque. […] Il faut inventer une nouvelle démonologie, cela me paraît être la mission de la littérature d’aujourd’hui. » (p. 36) Rien moins que ça ! Et je crois qu’il a tout à fait raison.

 

Quasiment tous les hommes et les femmes qui se disent homosexuels et intellectuels, et que j’ai rencontrés à ce jour, ne sont pas, à mon sens, dans cette quête passionnée et exigeante de Vérité. Ils ne croient déjà pas en l’existence d’une Vérité unique et universelle. Ils font tellement du doute un absolu, qu’ils restent généralement figés dans une posture narcissique, hédoniste, bobo, inutile, relativiste, et pour le coup démissionnaire et moralisante. Plutôt que de reconnaître la souffrance et la violence qu’illustre leur désir homosexuel, celles qui leur permettraient ensuite d’offrir à tous une réflexion collective sur les souffrances sociales et mondiales, ils s’affairent, pour préserver leurs (douillettes et nombrilistes !) illusions identitaires et sentimentalistes, à prouver l’existence des deux mythes qui cimentent la communauté homosexuelle, à savoir la croyance en l’identité homosexuelle éternelle et la croyance en l’amour homosexuel magnifique. Le nez dans le guidon de la justification identitariste et amoureuse, ils ne prennent même pas le temps d’expliquer le désir homosexuel, d’observer le Réel… donc ils finissent la plupart du temps par écrire de la merde idéologique et sentimentaliste. Les rares intellectuels LGBT qui, jusqu’à présent, ont réussi à me toucher et me convaincre étaient ceux qui en étaient restés à l’explication de l’homosexualité sans franchir l’étape critique de sa justification… donc finalement, ceux qui ne l’idéalisaient pas, ni ne la diabolisaient. Ça fait, il est vrai, très peu de monde parmi les « universitaires » des « Études gaies et lesbiennes » ! Je ne suis pas en train de dire qu’il n’y a pas de gens intelligents parmi les personnes homosexuelles, pas plus que j’homosexualiserais la bêtise (l’ignorance ou l’aveuglement n’est que le fruit d’un désir homosexuel pratiqué ; pas d’un désir homosexuel non-acté). J’invite juste les membres de la communauté interlope qui se revendiquent « chercheurs » à se réveiller et à se secouer un peu la cervelle par l’auto-critique !

 

Le pire, c’est que beaucoup de ces faux intellectuels homosexuels, vexés de réaliser que des chercheurs extérieurs – a priori moins concernés par les questions d’homosexualité – s’y connaissent bien mieux qu’eux, furieux de deviner qu’ils portent depuis des années les œillères de la mièvrerie politisée, estomaqués de voir que la censure sur l’analyse du désir homosexuel vient prioritairement d’eux et que leur statut d’« universitaires » est complètement bidon, se mettent alors, dans un mouvement de panique contrastant complètement avec le flegme et le faux calme qu’on leur connaissait, à décréter qui sont les « ennemis à caillasser » et les « alliés dignes de confiance », à décerner les diplômes des « vrais intellectuels » et des « faux »… en prenant évidemment bien soin de se mettre (eux et leurs ex-futurs-amants) du « bon » côté de la barrière.

 

Depuis quelques décennies, les cibles de la doxa homosexuelle (autrement appelée « commando anti-homophobie ») sont prioritairement les intellectuels. En général, le type à lunettes énerve prodigieusement avec ses « expressions ronflantes qui font sérieux » (cf. l’article « Ordre symbolique » de Catherine Deschamps, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 296). L’immense majorité des personnes homosexuelles et gay friendly a tendance à trouver les penseurs et les philosophes un peu trop bavards et compliqués. Le sort qu’elles réservent à ces hérétiques est sensiblement le même : elles les qualifient d’intolérants, de dogmatiques, de passéistes, de ringards, de réactionnaires, de bourgeois catholiques, de fascistes, de Nazis (mdr !), d’intégristes, de bien-pensants, de « coincés du cul », de meurtriers, et – le meilleur pour la fin… – d’homophobes ! Les arguments qu’elles avancent pour ne pas écouter la pertinence de leurs résistances au désir homosexuel, et pour enfermer à outrance leur discours dans un contexte caricatural, sont sensiblement les mêmes : ces intellectuels seraient inconsciemment prisonniers d’un orgueil démesuré, d’une culture archaïque patriarcale, d’une frustration cachée, d’un pessimisme imbattable, d’une jalousie indémontrable, d’un manque d’expérience – surtout génitale –, d’une religion manichéenne aliénante, d’une pensée collective passéiste. Au fond, leur principal défaut serait presque simplement d’être humains, uniques, et souvent bons dans leurs analyses !

 

Étant donné que certains penseurs décrivent la possible transformation des minorités sociales stigmatisées en minorités stigmatisantes (et la communauté homosexuelle, de ce point de vue là, constitue un parfait exemple !), ils sont mis à l’index, alors même que la plupart d’entre eux ne se montrent pas du tout hostiles aux personnes homosexuelles individuellement. Chaque année depuis l’an 2000, nous avons droit en France à la traditionnelle publication du Rapport annuel de S.O.S. Homophobie qui répertorie tous les actes, discours et sujets jugés « homophobes », et qui sépare le bon grain de l’ivraie.

 

Jean-Paul Sartre constitue un excellent exemple de la terreur psychologique que certaines personnes homosexuelles font peser sur les intellectuels, tous bords politiques confondus. Comme il a vu avec une étonnante justesse la corrélation coïncidentielle entre désir de totalitarisme et désir homosexuel (Je vous renvoie à la description de l’attraction du personnage de Daniel pour les Nazis dans La Mort dans l’âme (1954), ainsi qu’au Saint Genet, comédien et martyr (1952), qui reste, je crois, l’un des meilleurs ouvrages écrits sur l’homosexualité à ce jour), elles se scandalisent en parlant de son « regard meurtrier » (Jean Le Bitoux, Les Oubliés de la mémoire (2002), pp. 155-185). Elles pensent qu’il fait un terrible « amalgame entre homosexualité et fascisme » (idem, p. 171) quand ce sont elles-mêmes qui l’opèrent. Mais le comble de sa perversité, c’est qu’il a déliré de manière juste ! « Sartre fait un diagnostic lucide, mais sans évoquer les terrifiantes conséquences. » (idem, p. 183) Généralement, elles préfèrent ne pas chercher à savoir pourquoi : elles se contentent de le traîner dans la boue en lui imputant le crime d’orgueil (Loren Ringer, Saint Genet Decanonized (2001), pp. 25-54). Ne dis jamais la Vérité, puisque, même si tu as raison, puisqu’Elle peut toujours être instrumentalisée à des fins mauvaises ! Certains universitaires LGBT avancent même que le Saint Genet serait un aveu de l’homosexualité refoulée de son auteur, comme l’avait déjà exprimé Jean Cocteau dans Le Passé défini. C’est magnifique, cette mauvaise foi, vous trouvez pas ?

 

Mais Sartre n’est pas le seul nom figurant sur la liste des dangereux « chiens de garde du patriarcat » (Tony Duvert, cité dans l’essai Saint Genet Decanonized (2001) de Loren Ringer, p. 51). La commission de censure homosexuelle cite aussi Georges Bataille, Alain Minc, Alain Finkielkraut, Xavier Lacroix, Jean-Pierre Winter, Susan Sontag, Christine Boutin… Philippe Ariño ! (mdr ! Quand quelqu’un que je ne connais pas m’appelle par mon nom entier, en général, ça sent l’étiquette d’homophobie à plein nez !). Tous ceux qui proposent une description constative de l’homosexualité seraient de grossiers personnages soucieux de sauvegarder le « patrimoine hétéro » ! Quant aux intellectuelles, telles que Marguerite Duras, elles deviennent des « ennemies de la femme qui s’ignorent », des midinettes jalouses et « frustrées » (cf. l’article « Marguerite Duras » de Louis-Georges Tin, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 137).

 

Les sourcilleux censeurs homosexuels, attribuent à leurs ennemis des degrés d’homophobie, délivrent les bons et les mauvais points, tandis que nous, petits novices, assistons, hallucinés, à la distribution publique des diplômes du « Meilleur Homophobe de l’Année » organisée scrupuleusement par l’Université de l’Arc-en-Ciel : « Hegel ne nous semble pas homophobe parce qu’il était un bourgeois protestant allemand au début du XIXe siècle, ni Lévinas parce qu’il était un bourgeois juif d’avant la révolution sexuelle. Ils furent philosophiquement homophobes d’abord parce qu’ils furent philosophes. Et en ce sens ils nous semblent bien davantage homophobes que Kant, par exemple, qui a pourtant des mots bien plus durs. » (cf. l’article « Philosophie » de Pierre Zaoui, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 321)

 

Qui sont les prochains sur la liste des « homophobes » ? Eux, logiquement ! Le propre de tout régime de censure est bien de convertir la chasse à l’ennemi extérieur en traque de l’ennemi intérieur, non ? Certains intellectuels (François Cusset, Frédéric Martel, Goldberg, Renaud Camus, etc.) font partie des traîtres à la patrie homosexuelle qui ne sont pas conviés aux colloques des cultures gay et lesbiennes. Pas assez formatés. Dans son essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007), Pierre Verdrager les baptisent d’« homo-sceptiques » (p. 84), c’est-à-dire de personnes homosexuelles luttant contre les droits des homosexuels tout en ne se considérant pas elles-mêmes comme « homophobes ». Comme la communauté homosexuelle ne veut pas que s’ébruitent les affaires pas très nettes du « milieu », elle invite ses intellectuels à sourire et à se taire. Elles dressent leur propre liste noire des œuvres de la « Création de la Honte homosexuelle » à éviter. À l’occasion, elle mélange à des ouvrages intellectuellement très honnêtes (cf. Saint Genet (1952) de Jean-Paul Sartre, Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, etc.) d’autres écrits légers voire insultants (cf. Unhappy Gays (1978) de Tim LaHaye, Ne deviens pas gay, tu finiras triste (1998) de « Sébastien », etc.), histoire de discréditer les premiers. La rébellion interne est souvent jugée comme l’acte de trahison suprême. Il est aisé de comprendre pourquoi : elle vient montrer que l’homophobie est homosexuelle. Par exemple, la censure que les écrits homo-érotiques ont pu subir au cours de l’histoire de la communauté homosexuelle a été en général commanditée par bon nombres d’auteurs homosexuels qui ont usé d’elle comme stratégie littéraire pour parler d’homosexualité sans en assumer les actes, et non, comme le dit la version officielle, ordonnée par la commission de censure homophobe non-homosexuelle.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles haïssent les intellectuels parce qu’ils leur renvoient, par leur bon usage de l’intelligence, l’emploi détourné qu’elles font de celle-ci. En effet, elles manient souvent le ratio non pour lui faire honneur et grandir les autres, mais d’abord pour séduire et manipuler. Il y a pourtant parmi elles beaucoup de diplômés, de professeurs, d’universitaires, de personnalités du monde culturel. Mais ceux-ci sont pour la plupart ces « philosophes » de supermarché chantés par Arnold Turboust, ou les « faux intellectuels » décrits par Trénet, qui font semblant d’être intellectuels pour faire ombrage aux vrais, et qui érigent en dogmes le doute, l’hédonisme et le relativisme : « Ils voyagent dans de vieux bouquins… ornés des couleurs d’Arlequin, chose insensée !… Ce sont des intellectuels, y’en a partout en ribambelles, des vrais des faux en parallèles. Quel beau mélange ! Mais dès qu’l’on monte dans leur barque, ce sont les faux que l’on remarque, déguisés parfois en énarques, pour donner le change, et moi souvent je les confonds, mais que m’importent ces profonds. Trop d’intellect ça me morfond… » (cf. la chanson « Les Intellectuels » de Charles Trénet) Les parodies homosexuelles vivantes des vrais intellectuels sont capables de présenter Marcel Proust ou la pensée pataphysique d’Alfred Jarry comme le fin du fin de la littérature, d’encenser une création (Le Banquet de Platon par exemple) tout en rejetant son créateur et sa pensée (cf. l’article « Philosophie » de Pierre Zaoui, op. cit., p. 317), de dérouler des trésors de citations impressionnants – en général, ils aiment à récupérer le discours des philosophes structuralistes tels que Michel Foucault, Jacques Derrida, ou Pierre Bourdieu. Mais la plupart du temps, elles finissent par se noyer dans une esbroufe universitaire complètement creuse qui fait insulte à leur propre intelligence (… en gestation).

 

INTELLECTUEL 1

Michel Foucault


 

Les intellectuels homosexuels qui, par leur sensibilité, leur humour et leur lucidité, se sont approchés le plus de la réalité du désir homosexuel, sans pour autant permettre à leur pensée de se faire acte, portent à mon avis un lourd tribut à la communauté gay et à la société en général, beaucoup plus conséquent encore que les personnes homosexuelles qui n’ont pas les moyens intellectuels de se formuler leur mal-être. Sous couvert de respect de la vie privée et de l’auto-création, ils gardent leurs découvertes pour eux, ou bien les utilisent pour cultiver leurs propres utopies d’amour. On retrouve cette démission minable dans les paroles d’un Michel Foucault : « J’ai, naturellement, des échanges réguliers avec d’autres membres de la communauté gay. […] Mais je veille à ne pas imposer mes propres points de vue, à ne pas arrêter de plan ou de programme. Je ne veux pas décourager l’invention, je ne veux pas que les homosexuels cessent de croire que c’est à eux de régler leurs propres relations, en découvrant ce qui sied à leur situation individuelle. » (Michel Foucault dans l’entretien « Choix sexuel, Acte sexuel » avec J. O’Higgins en 1982) Beaucoup d’auteurs homosexuels, parce qu’ils savent/sauraient parfaitement ce qu’ils font, se délivrent le droit de ne pas faire, ou de ne pas réfléchir sur leurs actions. Par exemple, ils refusent en théorie la victimisation. Mais, parce qu’ils ont décelé ses travers et qu’ils énoncent tout haut, par une précieuse et entortillée rhétorique, le parcours intellectuel qui les a menés jusqu’à la mise en garde du fantasme du complot, ils se permettent de faire l’inverse de ce qu’ils dénoncent, en victimisant vraiment.

 

Finalement, le vernis que leur fournit leur intellect les aveugle bien plus qu’ils ne le voudraient. Après avoir fourni trop d’efforts à comprimer leur haine dans des considérations somme toute trop intellectuelles pour eux, nous les voyons parfois s’emporter brusquement à travers certaines phrases perdues au beau milieu d’articles à la rigueur universitaire apparemment impeccable. « On ne voit de ‘sale pédé’ qu’au lieu où on se prend pour un petit maître, et on ne croit pas pouvoir juger de l’Autre qu’au lieu où notre propre savoir nous juge, et nous juge durement. » (cf. l’article « Philosophie » de Pierre Zaoui, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 348) Et ils s’épongent le front, refont leur nœud de cravate de col blanc, avec la satisfaction du devoir accompli (Ouf… L’incommensurable souffrance de la communauté homosexuelle – que nous taisons – a failli être dévoilée au grand jour, récupérée et dénoncée… On a eu chaud…). Misère, hypocrisie, lâcheté, et honte à eux !

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 
 

FICTION

 

a) « Vas-y, là ! Chuis un grand philosophe ! » :

 

Mimi – « T’es devenue philosophe !

Fifi – Mais je l’ai toujours été ! C’est toi, celle qui a décroché !

Mimi – Je ne tenais plus le pavé ! Et qu’en plus je me droguais ! »

(cf. un dialogue entre les deux travelos Mimi et Fifi, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi)

 

FAUX INTELLECTUELS Libération

 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, beaucoup de héros homosexuels se prennent à la fois pour des grands intellectuels ET des « philosophes humbles et sans prétention ». « Les pédés… Il faut toujours qu’ils se croient plus intelligents que les autres ! » (Mémé Huguette, transgenre, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Dans le salon de Valérie, le pourcentage d’esprit était généralement bien au-dessus de la moyenne. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 456) ; « Je ne suis pas ce que tu crois. Je suis une intellectuelle ! » (Raulito, le prostitué homosexuel, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Nous sommes la Génération Michel Foucauld. » (Guillaume, le héros homosexuel, et sa meilleure amie Mathilde, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset) ; etc. Ça a pu commencer très jeunes (cf. je vous renvoie au code « Différences culturelles » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Très tôt, certains se sont sentis plus mûrs que les autres enfants de leur âge, ou que les membres de leur famille : « J’étais bon élève. Ça n’arrangeait pas mon cas. Heureusement, j’étais assez intelligent pour comprendre que c’était mon seul atout pour me sortir un jour de cette putain de merde. » (Mourad, l’un des héros homosexuels du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 336-337) ; « Regarde : tu es beau, intelligent, bon élève. Tes parents vivent dans le mythe d’un fils parfait. » (Chris à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 112) ; « Je suis née un 24 décembre, dans une famille de blaireaux incultes. » (Karine Dubernet dans son one-woman-show Karine Dubernet vous éclate !, 2011) ; « En classe, je ne fus pas très attentive. Je me sentais supérieure à tous mes camarades. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 37) ; « Un amour passionné des belles-lettres me distinguait de tous les autres potaches. » (le narrateur homo du roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, p. 8) ; « Quand j’étais enfant, j’étais déjà plus lucide, plus intelligent que les autres. Ils ne m’ont pas pardonné. Ils voulaient que je sois comme eux. » (Lacenaire à Garance, dans le film « Les Enfants du Paradis » (1943-1945) de Marcel Carné) ; « Je croyais que j’étais un petit garçon singulier et les autres garçons étaient jaloux de moi, parce qu’ils étaient, eux, on ne peut plus ordinaires. » (Luc dans le roman Frère (2001) de Ted Van Lieshout, p. 128) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les deux « pères » de Gatal, le héros homosexuel, ont tenu à ce que leur fils suive sa scolarité dans les « écoles les plus chères et les plus cotées ». Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Les deux amants Oliver et Elio se séduisent par l’affichage de leur culturalité : « Y a-t-il une chose que tu ignores ? » demande Oliver. Et le jeune Elio prend Oliver pour un puits de science, juste parce qu’Oliver connaît l’étymologie historique exacte du mot « abricot », et passe aux yeux de la famille Perlman pour un génie de science, polyglotte. Chacun est ébloui par la connaissance de l’autre. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, lit des romans de gare : « Marc Lévy : j’adore ! » Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel a la prétention d’écrire un livre encyclopédique… mais au niveau analyse, c’est limité, et son Les Gays pour les nuls est un ramassis de clichés caricaturaux destiné à un lectorat de « débiles » et de « nuls ». Il ne sait d’ailleurs pas comment il va le remplir : « Quand j’ai commencé à écrire ce bouquin, je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir raconter. » Le héros finit par forcer le trait de la godiche qu’il croit être : « 20% de 20€, qu’est-ce que ça fait ? Putain, quelle conne ! ».
 

La comédie de l’intelligence finit par s’effriter. Le héros homosexuel arrête de péter plus haut qu’il a le derrière et finit par tomber le masque. Par exemple, dans le film « Les Tuche » (2011) d’Olivier Baroux, Wilfried, homosexuel refoulé, traite son petit frère Donald d’homosexuel parce qu’il le jalouse d’être plus intello que lui : « Arrête de parler comme un p’tit pédé ! »
 
 

b) En réalité, ça vole très bas :

 

Ce que je vais écrire dans cette sous-partie est très en lien avec quatre autres codes de mon Dictionnaire des Codes homosexuels : « Bobo », « Faux révolutionnaires », « Déni » et « Artiste raté ». La figure de l’intellectuel de seconde zone est très présente dans les œuvres de fiction homo-érotiques : cf. le film « Un Autre homme » (2008) de Lionel Baier (avec François, le journaliste plagiaire), le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan (avec Sibylle, l’écrivaine ratée de romans érotiques), le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef von Sternberg (avec le professeur Emmanuel Rath, humilié jusqu’au bout, en cours comme sur scène), le film « La Flor De Mi Secreto » (« La Fleur de mon secret », 1995) de Pedro Almodóvar (avec Leo, l’écrivaine de roman à l’eau de rose), le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni (avec Pablo, le poète raté n’arrivant pas à se faire publier), la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri (avec le personnage de Vincent, l’écrivain sans talent), la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne (avec France, l’écrivaine ratée), le film « Du mouron pour les petits oiseaux » (1962) de Marcel Carné (avec Jean Parédès, l’auteur de romans de gare), le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay (avec Jean-Marc, l’écrivain frustré), etc.

 

« Parfois, par association d’idées, Gabrielle repensait à son dernier roman Dernier amour que tous les éditeurs avaient refusé à ce jour. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), pp. 198-199) ; « Tous les trois ans un bouquin publié avec une sinistre régularité. […] Beaucoup de jactance. Beaucoup trop. Pour un écrivain. » (Vincent Garbo parlant du romancier François Letailleur, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, pp. 26-27) ; « Je ne serai jamais un grand écrivain à cause de mon corps insupportable et mutilé… » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 285) ; « Je n’ai ni tête ni pensée. Et je pense ? » (le narrateur de la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust) ; « Je suis une encyclopédie à l’agonie. » (Valmont dans la peau de Merteuil, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; « C’est si grave que ça d’être cultivé ? » (Arnaud face à son amant inculte Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Il est cultivé. Je suis débile. » (Benjamin parlant de son amant Arnaud, idem) ; « Ça fait du bien d’être con. D’être cons heureux, tous ensemble. » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; etc.

 

Certains personnages homosexuels sont dépeints/se dépeignent comme de véritables ignares ou de faux intellectuels : cf. le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier (avec le personnage central de Loïc), le film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka, le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, les films « Les Résultats du Bac » (1999) et « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent, etc. « Moi qu’étais une bite en français. Putain, je connais rien à la littérature… » (Willie, « l’écrivain » du roman La Meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 183) ; « Vous avez de l’alcool dans le cerveau. » (Didier à son voisin homosexuel Bernard, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « J’ai pas de goût. Pas d’avis. » (François dans le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier) ; « J’écris des articles pratiquement scientifiques. » (la figure très maniérée d’Anton Tchekhov, dans la pièce Anton, es-tu là ? (2012) de Jérôme Thibault) ; « Ni énarque, ni polytechnicien, ni normalien non plus, Essobal Lenoir n’a jamais été agrégé de philo à dix-neuf ans et quart. » (l’auteur se décrivant lui-même à la troisième personne, dans sa nouvelle « Une Vie de lutte » (2011), p. 168) ; « La cervelle, ça sert à rien. Moi, je n’en ai pas. J’m’en porte bien. » (Charlène Duval dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Je croise sur le trottoir de la rue Bonaparte dix, quinze folles de boutique. […] Mon futur public, me dis-je méchamment. Non, ils ne lisent pas. » (le narrateur homosexuel, écrivain, parlant de ses confrères interlopes, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 15) ; « Pour la plupart, ils n’étaient guère accoutumés à poursuivre longtemps une réflexion, encore moins une analyse. » (le narrateur parlant des homos, dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, p. 47) ; « Sans passer pour des imbéciles, ils n’étaient pas, pour la plupart, des intellectuels. […] Ils fréquentaient plus volontiers les salles de musculation que les salles de lecture.[…] Ils ne différaient pas, en cela, de beaucoup de gays de leur âge. […] C’étaient tous de charmants égoïstes, comme on l’est à cet âge, et un peu plus encore quand on est beau et gay. » (idem, pp. 134-140) ; « Le Marais, c’est un peu comme une grande ferme où y’a de la dinde en batterie. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Maintenant, c’est de la merde, Paris ressemble à un musée pour vieux cons fachos, avec des gays (il prononce ‘géïzes’) qui tètent du petit lait électronique avec des airs ingénus et qui se branlent devant Xtube. Des petits moutons. On a transformé une armée de pédés rebelles qui dérangeaient le modèle hétéro en gays, c’est-à-dire en tarlouzes de droite incapables de réfléchir plus loin que le bout de leur bite. » (Simon, l’un des héros homosexuels du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 23-24) ; « Pensez-vous qu’ils étudient ? […] Les médecins ne peuvent faire penser les ignorants. » (Adolphe Blanc en parlant des « invertis » à Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 508) ; « Je suis écrivain de littérature philosophique internationale… dans le porno. » (Jules l’homo dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « J’étais tellement conne, j’ai fini hôtesse de l’air. » (Jeanfi, le steward homo dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glenn, l’un des deux héros, qualifie ses pairs homos de « crétins comme les autres ». Dans le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville, le fameux essai Le Trouble dans le genre (1990) de Judith Butler est présenté comme un livre illisible et inaccessible au lecteur moyen (d’ailleurs, Betty n’arrive pas à le finir…). Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, Frank s’essaie à l’écriture (il dit qu’il « écrit sur les tulipes et les antiquités. »), et son copain, Jonathan, lui avoue qu’il ne sera pas un journaliste « assez doué » pour travailler dans les métiers de la presse. Dans le film « Jeffrey » (1995) de Christopher Ashley, un ami de Jeffrey lui conseille de ne pas être trop exigeant en amour, et de se trouver un garçon juste mignon, « pas un cerveau ». Dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener, Suzanne, l’héroïne lesbienne, est une universitaire en fac de psycho, et fait une thèse sur « l’identité sexuelle »… mais ses réflexions, quoique bien argumentées, sont avant tout affectives, et la désignent finalement comme une jargonneuse Gender. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel et Nicolas, les deux potes homos, sont montrés comme deux philosophes de comptoir, dissertant sur la nécessité d’« être soi-même »… tout en faisant du trampoline ! Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand se targue d’être « sans préjugés »… alors que juger, ce n’est pas que condamner, c’est aussi plus positivement penser. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le jeune héros homo de 30 ans, est présenté comme un gars inculte, oisif, peu travailleur (il est d’ailleurs au chômage), ne lisant pas (alors qu’il sort pourtant avec un célèbre romancier) : « Les sentiments, ça fait pas bon ménage avec la logique. »

 

Certains protagonistes homosexuels sont connus pour manquer de clarté et de cohérence dans leurs discours pourtant truffés de références soi-disant « érudites » : « De toute façon avec toi, on ne sait jamais quand tu es sincère et quand tu ne l’es pas, non mais c’est vrai, tu mens tout le temps, à la fin on sait même pas quand tu dis la vérité. Même Léo, qu’est-ce que tu crois, j’ai dû lui expliquer que tu étais Foucaldien, que tu te réinventais sans cesse pour qu’il ne soit pas choqué le jour où il te connaîtrait mieux et où, en deux minutes, il te verrait changer de discours en deux secondes. » (Polly, l’héroïne lesbienne à son pote gay Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 119) ; etc.

 

Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Lola trompe sa copine Vera d’un commun accord avec Nina. Lola et Vera voient Nina comme le dindon de leur farce, la godiche-fantaisie : « Cette fille est une conne. » (Vera s’adressant à Lola) ; « C’est évident. » confirme Lola dans la dérision : « La femme avec qui je m’épanouis sexuellement est une conne ; et la femme avec qui je vis est une lumière. » Lola ne cache pas son mépris intellectuel face à Nina : « Je suis beaucoup plus émue par ta peau que par tes connexions neuronales. » ; « Côté cérébral, tu ne peux pas rivaliser avec Vera. » (idem)
 

Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques, écrivain homosexuel, établit une typologie des amants homos, avec des références littéraires (Chester, Auden, Maxims, Vendel, Whitman). Au seuil de sa mort, il avoue ne pas être un véritable auteur : « J’ai pas su être écrivain. » (Jacques) « Bien sûr que tu l’es. Et pleinement. » (Mathieu, un de ses exs). Dans le même film, Arthur se lamente que sa copine Nadine n’ait aucun roman dans sa bibliothèque.
 
 

c) Comment en sont-ils arrivés là ?

Qu’est ce qui peut expliquer que beaucoup de héros homosexuels soient des « intellectuels par défaut » (alors que, pour certains, ils semblaient bien partis pour décrocher des Prix Nobel) ? Cela semble être parce qu’ils ont rejoint le monde des livres et de la philosophie plus par peur des autres que par amour de l’Humanité et du Réel : cf. le film « A Separate Peace » (1972) de Larry Peerce, le film « Un beau jour, un coiffeur… » (2004) de Gilles Bindi, le film « La meilleure façon de marcher » (1976) de Claude Miller, etc. Comme ils ont fait de la recherche idéalement collective de la Vérité un chemin individualiste, élitiste (et très souvent libertin), leur intelligence s’est figée en intellect froid, en prétexte pour niquer, en verbiage soporifique. Certains ont tout de « l’intellichiant » que décrit à merveille Quentin Lamotta dans son roman Vincent Garbo (2010) : « ces écrivains qui toujours se cachent derrière des mots qui ne leur coûtent rien, rien de vrai, des pauvres mecs chochotteux réfugiés calfeutrés dans des phrases parce que la vraie vie leur fait peur et qu’ils ne risquent rien à faire penser leurs personnages à leur place : ces mous sont définitivement irresponsables, ont tout juste le talent qui convient à dire le tout et son contraire, ça ne les engage jamais à rien, rien, rien du tout. » (p. 190)

 
 

d) Les techniques des libertins homosexuels pour cacher leur ignorance et leur canular intellectuel:

Au lieu de regarder leurs limites, leur bêtise ou leur ignorance en face, le plus souvent, les héros homosexuels supposés « intellectuels » jouent la politique de l’autruche… ou, ce qui revient au même, celle du paon !

 
 

1 – L’ignorance perçue comme une honte

 

INTELLECTUEL 2

 

Dans un premier temps, honteux de leur inculture (ou de leur prétention à l’intelligence), certains courent se cacher six pieds sous terre, ou semblent se réveiller d’un mauvais rêve : « Qu’est-ce qu’on va dire de moi au poulailler quand je reviendrai sans un mot ? sans une phrase, sans une idée ? On me traitera d’idiot ! Et on dira, quel paresseux ! Il n’a pas fait son boulot ! // Qu’est-ce qu’on va dire de moi à l’écurie quand je reviendrai sans un mot ? sans un non, sans même un oui ? On me traitera de sot ! Et on dira, quel paresseux ! Il n’a pas fait son boulot ! » (Arnold Turboust et Étienne Daho, dans « La Chanson du coq et de l’âne » de la comédie musicale Émilie Jolie de Philippe Chatel)

 
 

2 – Le paravent de « l’auto-parodie » et de « l’humour »

 

D’autres, plus futés, comprenant qu’ils ne peuvent pas se planquer éternellement (et en plus, ils ont besoin, au bout d’un moment, d’être vus et admirés !), tentent de masquer leur ignorance en forçant les traits de cette dernière… comme ça, ils se disent en eux-mêmes que la caricature finira bien par occulter et faire oublier son modèle original, par l’innocenter. Suprême ruse (et naïveté, finalement) des narcissiques que de jouer à faire croire qu’ils sont plus narcissiques qu’ils ne le sont déjà ! Ils se mettent dans la peau de « l’idiote du Village (People) »… en croisant les doigts pour que ça passe pour du génie : cf. le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, le film « Jeffrey » (1995) de Christopher Ashley, le film « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun, etc.

 

Beaucoup de héros homosexuels garçons adorent mimer sur eux le rôle de la godiche blonde illettrée (secrètement cochonne SM), ayant pour seul bagage intellectuel la culture télé ou la press people… car généralement, ils sont à peine plus avancés que leur caricature adorée ! Pensez à toutes les parodies d’études pseudo anthropologiques (sur « les » homos, les différents types de sexes masculins, les péchés capitaux, etc.) que proposent certains personnages dans les pièces de théâtre et les films : cf. la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, le one-man-show Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, etc.

 
 

3 – La confusion entre intelligence et méchanceté

 

L’autre parade que les héros homosexuels trouvent pour se donner de l’intelligence artificielle : c’est de jouer la vénéneuse libertine, le médisant et machiavélique persifleur, la langue-de-pute professionnelle (n’oublions pas que le diable est surnommé « le malin » !) : cf. la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti, la pièce Dialogue en aux enfers entre Machiavel et Montesquieu (1864) de Maurice Joly, etc. Par exemple, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, le personnage de Lacenaire a le génie du diable : il argumente bien, mais se fait l’avocat du mensonge et du crime.

 

Que ces personnages soient à la base doté d’intelligence, cela ne fait parfois aucun doute ; mais comme souvent ils en usent à des fins cyniques et mauvaises, ils la perdent pour la troquer contre un intellect leur donnant juste de quoi « faire leur mauvaise » tout seuls : « Brockett était intelligent, il était d’une intelligence diabolique. » (Stephen, l’héroïne lesbienne parlant de son meilleur ami homo Jonathan Brockett, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 307) ; « C’est pourquoi Brockett écrivait de si belles pièces, des pièces si cruelles ; il alimentait son génie de chair vive et de sang ! Génie carnivore ! » (idem, p. 308) ; « [C’était] un homme absolument vicieux et cynique, un homme dangereux aussi parce qu’il était brillant. » (idem, p. 351) Je vous renvoie au code « Humour-poignard » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

4 – L’excuse du « style » et de l’« Art »

 

Le simulacre d’intelligence n°1 que se disputent en général les héros homosexuels, ce sont bien sûr le style littéraire et l’« Art » (ce dernier sera très souvent présenté comme un Dieu inattaquable, totalement à l’abri de la morale et du jugement critique) : « Elle attribue le succès du livre, moins à son fond qu’à sa forme. » (Françoise Dorin, Les Julottes (2001), p. 85) ; « C’était devenu un style, le style : tant que je parle, j’ai raison, je peux mentir ou j’ai rien à dire, j’ai raison – j’ai la parole, et ça s’appelle un livre ; William allait bien là-dedans. » (Tristan Garcia, La meilleure part des hommes (2008), p. 135)

 

L’argument du style, donc de la forme, vise à occulter le manque de fond, de sens, de but, donc au final de la forme aussi (car fond et forme sont, normalement, au service l’un de l’autre) : « Y avait rien de politique, rien d’artistique dans ce que Willie disait. Il n’était pas cultivé. C’était de la bouillie. » (idem, p. 55) ; etc.

 

La figure de style préférée de ces intellos beauz’ardeux fictionnels est l’inversion (cf. je vous renvoie au code « Inversion » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), celle qui lui permet, selon eux, de bousculer tous les codes rigides de la bien-pensance, d’inventer des nouvelles théories ingénieuses, de placer la folie sur un pied d’égalité avec l’intelligence : « L’école de la folle sagesse peut sauver le genre humain. » (cf. une réplique de la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg)

 

À les entendre, l’ignorance serait triomphante de la raison ! Elle serait Raison ! L’Homme bête, « L’Artiste », ou le Fou, transformé, selon une mythologie pastorale, en Beatus Ille, en saurait plus que le savant. « Les débats ne servent à rien. La Réponse est artistique » disent les bobos homos fictionnels. On retrouve la thématique du « surdoué inculte » par exemple dans le roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig.

 

Dans l’esprit de ces intellectuels-artistes, l’intelligence est supplantée et remplacée par l’art, la beauté plastique, par l’image : « Je m’imaginais une jeune fille très belle, très intelligente, très perverse. » (l’Auteur homosexuel à propos de Vicky Fantomas, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) Ils réduit la raison à une propriété privée visible, à un instrument de pouvoir et de séduction qui se conserve jalousement dans un coffre, qui ne se partage pas (… sauf avec une petite cour d’élus). En gros, ils n’a rien compris, puisque la réelle intelligence ne se possède pas et ne s’expérimente qu’en partage.

 

Au final, on se rend compte que leur statut d’« intellectuels » est davantage un fantasme narcissique sans relief, un faux-semblant, ou une posture esthétique (de préférence celle du doute), qu’une réalité : « On ne sait jamais rien. » (Denis, le héros homosexuel du film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Quand je serai grand, j’écrirais. Je serais écrivain quand je serais lu, quand quelqu’un décidera que ce qu’il aura lu pourra être vendu. Ce sera la classe… Ce sera le top de la gloire quand je serais applaudi sans que je sois là, et sans même le savoir, quand on citera et récitera mes phrases, avec les chapitres des bouquins ou pour illustrer, imager, référencer, comparer. Ce sera la quintessence de la classe. Je fantasme. […] Je serais snob, je serais écrivain. […] Je ferai des livres et de la littérature. Les inquiétudes disparaîtront et si non je m’en servirai pour écrire quand je serais écrivain. J’aurais de la valeur quand on cotera mon ordinateur (encore en Windows 95) chez Sotheby’s. […] Je sais que je mens quand je dis que j’écris. Écrire c’est une apparence. » (LUI, dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’ai des lunettes noires, un foulard en soie bleu. Je les regarde derrière mes lunettes faisant semblant de lire Le Monde. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 56)

 

Quand leur lyrisme le lui permet, ils atteignent le ridicule inconscient de la préciosité et de la coquetterie en utilisant des mots et des adjectifs (tels que « épistémologique », « jubilatoire », « lumineux », « frais », « baroque », « transgressif », « déroutant », et tout le lexique constructiviste/émotionnel queer) plus parce qu’à leurs oreilles ils font joli et authentique que parce qu’ils sont vraiment utiles à l’avancée de leur pensée : « Certains diront que j’ai écrit une œuvre illisible, inabordable, incompréhensible, inintéressante ou je ne sais quoi encore. Je ne cherche pas à nier qu’il s’agit d’une œuvre incommode […]. » (la figure de Marcel Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 112)

 
 

5 – L’importance du CUL-turel :

 

INTELLECTUEL culture asexuée

B.D. « Kang » de Copi : La culture hyper-sexualisée ET asexuée à la fois


 

Comme les héros homosexuels ont souhaité que la sensation prime sur la théorie, ils finissent par confondre intelligence et sentiments, ou raison et pulsion, ou encore culture et CULture, en privilégiant évidemment les secondes : cf. le film « Grande École » (2003) de Robert Salis, le vidéo-clip de la chanson « Gourmandises » d’Alizée, le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol (se déroulant en khâgne), le film « Maurice » (1987) de James Ivory, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, la pièce Fixing Frank (2005) de Michael Selditch, le film « La Philosophie dans le boudoir » (1969) de Jacques Scandelari, le film « L’École de la chair » (1998) de Benoît Jacquot, etc.

 

« Je décidai de devenir le polytechnicien de l’amour. » (Eugène, le héros homosexuel du one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien) ; « Les rapports sexuels augmentent la production d’adrénaline et de cortisol, deux stimulants de la matière grise : le sexe rend donc plus intelligent ! C’est scientifique. » (le Comédien de la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Des idées plein la tête, même dans le sexe, des idées plein le sexe. […] On sait ce que l’amour donne, je sais maintenant ce qu’il m’enlève : la raison. » (les répliques du dialogue « conceptuel » entre les trois comédiens de la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « Un homme pense en général au sexe 13 fois par jour… oui, je suis anthropologue… » (la femme dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.

 

Ils mélangent souvent leur casquette professionnelle d’intellectuels et leur casquette privée de libertins. Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Zach, le héros homosexuel, a tout du prof universitaire de bazar : il arrive en retard au jury d’examen qu’il est censé présider ; et la veille de l’évaluation, il couche avec un des étudiants qu’il va devoir noter le lendemain ! Dans la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou, un des protagonistes homosexuels fait des pieds et des mains pour se construire un « savoir livresque » afin d’acquérir un puissant sex-appeal : « Je me rapetissais à lire pour séduire. » ; mais il a du mal à colmater les brèches de son inculture : « Et pourtant, s’il savait combien j’étais ignorant ».

 

Ces héros homosexuels réactualisent, le plus sérieusement du monde, la fameuse formule mi-ironique mi-antinomique du tombeur à deux balles qui, pour valoriser l’individu qu’il cherche à séduire, va soutenir qu’il le trouve « physiquement intelligent » : « Sa beauté indiscutable se passait de l’intelligence. » (cf. la description de Maria-José, le transsexuel M to F de la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 32) ; « Tu es intelligent, toi. C’est peut-être ce qui m’a séduit le plus chez toi. Ça et l’odeur de tes cheveux. Et toute ton odeur, ça m’a rendue folle depuis que je te connais, quoi. L’odeur de tes aisselles, de tes pieds. […] Ça m’a absorbée complètement, je suis devenue folle… » (Daphnée parlant à Luc, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Le latin, je l’aime en chemise. » (cf. la chanson « Veni, Vedi, Vici » d’Alizée) ; « Même si j’en ai vu des culs, c’est son Q.I. qui m’a plu. Je vis le choc de cul-ture, la belle aventure ! » (cf. la chanson « Q.I. » de Mylène Farmer) ; « L’intellect détruit l’harmonie d’un visage. […] La beauté est une forme de génie. Plus haute que le génie. » » (Lord Henry dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « On n’est pas raisonnables, ni toi ni moi. […] On s’entend bien toi et moi dans un lit. On s’entend même mieux dans un lit qu’en dehors. » (Vincent ayant recouché avec son « ex » Stéphane pour une nuit, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « On ne fait pas que des soirées olé olé. On fait des soirées Scrabble. Trivial Poursuit… pour les plus cultivés… » (le narrateur homosexuel dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Nous, les gays, on adore les visites cul…turelles. » (idem) ; etc.

 

Par exemple, dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand propose de faire des rébus particulièrement vulgaires avec des pas de chorégraphie mimétique et des « phrases dansées », une discipline de son cru qu’il surnomme la « Dicodanse ». Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Carole est prof d’espagnol, et en profite pour dire à son amante Delphine qui ne comprend rien à cette langue : « Me gustan tus pechos. » (= j’aime tes seins).

 

Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, dans un jardin éclairé par des guirlandes d’ampoules électriques, où est projeté un film des années 1920 en noir et blanc (avec Louise Brooks et sa coupe au carré), le spectateur part à la rencontre d’un cercle de bobos « artistes », amis d’Emma (l’héroïne lesbienne), qui s’écoutent parler de ce qu’ils ressentent et de ce qu’ils aiment esthétiquement. Par exemple, une amie beaux-ardeuse d’Emma fait une thèse sur « la morbidité chez le peintre Egon Schiele ». Joachim, le galeriste bisexuel, tient un discours soi-disant érudit (il fait référence à la bisexualité « artistique » de Tirésias, le personnage mythologique grec) et prône « l’orgasme au féminin » (qui n’aurait rrrrien à voir avec la présence des mâles : « Je suis persuadé que l’orgasme féminin est mystique » ; selon lui et les autres invités bobos-bisexuels-féministes, l’extase sexuelle serait réservé aux femmes). Emma dit qu’elle aime chez Egon Schiele la « noirceur », le côté « artiste écorché ». Tous ces personnages tiennent des discussions indigentes, pseudo « intellectuelles » et pseudo « expertes », sur la différence entre Schiele et Klimt (quel haut niveau !), discussions reposant principalement sur un échange de goûts et de sensations, et finissant par une conclusion complètement plate et relativiste : « Des goûts et des couleurs, ça ne se discute pas : tout est une affaire de points de vue ! ». Merci… c’est hyper profond. Adèle, l’amante d’Emma, se sent inculte devant tant d’esbroufe. Ça veut donc dire que même le réalisateur du film pense nous proposer de la culture de haute volée. On croit rêver… Par ailleurs, Adèle, qui est en filière littéraire au lycée (waou !), qui écrit un peu et qui prétend adorer les grands chefs-d’œuvre de la littérature, se révèle être pourtant une lycéenne très passive et nonchalante en cours, une fille visiblement sans conversation (l’actrice Adèle Exarchopoulos ne semble pas faire mieux que son personnage…), une piètre institutrice. Elle considère Bob Marley et Jean-Paul Sartre comme le summum de l’engagement existentiel, comme des « prophètes » (oh ben au moins ça, oui…). Emma l’initie apparemment à la science et à la culture, et Adèle aurait fait des progrès pharamineux en cours de philo grâce à ses discussions amoureuses avec Emma : en réalité, on voit que la philo dont parlent les deux filles suit l’arithmétique du plaisir sexuel : elles se moquent d’ailleurs d’elles-mêmes, en se donnant des « notes de philo » au lit et en enchaînant les métaphores filées : « Je jouis du savoir ! » s’esclaffent-elles, à poil sur leur couche.

 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Alan, l’un des héros homos, exerce le métier de prof de maths… ce qui provoque une boutade salace d’un de ses amis homos, Emory, l’antiquaire gay très efféminé (« Ça donne envie d’acheter une règle à calcul, hein ? ») qui joue à la fois à la vieille instit très intelligente méprisant ceux qui n’auraient pas sa culture (par exemple, il se moque du jeune Tex parce qu’il « n’y connaît rien à l’art » : « Elle est cruche. » lâche-t-il avec mépris) et comme un crétin (« Le dernier bouquin que j’ai commencé à lire, c’était en 1912. »).

 

Il ne faut pas que nous perdions de vue (et pour cela, je vous renvoie à l’éclairant passage sur « les paradoxes du libertin » du code « Liaisons dangereuses » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) que les personnages philosophes « homosexuels pratiquants » incarnent tour à tour la célébration excessive de la génitalité et sa négation dans l’intellectualisme ou le volontarisme ascétique. Ils niquent avec leurs lunettes dans une main, un livre dans l’autre ! Ouf… Ça va mieux pour la conscience ! « Je n’ai pas de stratégie, je l’ai déjà dit, mais je sais ce que je fais, je le sais très précisément. » (Vincent, l’un des jeunes héros homosexuels du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 23) ; « Je n’ai rien cherché, rien forcé. Cela s’est produit, voilà tout. » (idem, p. 25) ; « Je ne suis pas pervers. La perversité exige des efforts que je ne suis pas disposé à accomplir. Il y a dans la perversité quelque chose d’actif, de volontaire qui n’est pas dans mon caractère. Je ne cherche pas à peser sur les événements. Je les laisse survenir. Simplement, j’en mesure exactement la portée, les conséquences possibles. Je possède l’intelligence du monde et des hommes. On va ne pas m’aimer de tenir de tels propos. Qu’y puis-je ? J’en suis sincèrement désolé. Qu’on me croie lorsque j’affirme cela. » (idem, p. 25) Je suis un imposteur, un libertin, un goujat, mais à qui la faute ? Personne n’est parfait. Et puis je suis beau et spirituel même quand j’agis mal… alors je suis à moitié pardonné, non ? En tout cas, mon intellect, lui, me pardonne et me justifie de baiser à droite à gauche : « Je pourrais être, si l’on m’autorisait cette formule usée, le bel indifférent. » (idem, pp. 26-27)

 
 

6 – Le pouvoir « intellectuel » de l’argent

 

En lien avec l’art, certains héros homosexuels pensent que la taille de leur portefeuille est proportionnelle à celle de leur cerveau. En d’autres termes, ils se persuadent que leur investissement dans le monde du paraître, des bonnes manières, de la mode, de l’argent, palliera à leur manque de culture : pire, que la culture s’achète ! (Je vois renvoie aux codes « Promotion « canapédé » » et « Patrons de l’audiovisuel » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « J’essayais de ne pas exagérer dans mes dépenses, mais mes goûts pour tout ce qui est culturel – le cinéma, les livres, le théâtre, les disques – finissaient par coûter cher à ma mère qui tenait les cordons de la bourse comme une grande ourse veille sur ses petits. » (le narrateur homo du roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 28)

 
 

e) Non seulement parfois bêtes mais aussi parfois méchants :

Le plus effrayant chez ces faux penseurs, c’est qu’ils ne se contentent pas de « penser mou » : ils veulent en plus empêcher les autres de penser ! Ils s’attaquent à la fois aux intellectuels de bas étage (qui leur ressemblent et qui ont le malheur de leur faire miroir !), mais aussi aux vrais intellectuels (à qui ils ressemblent peu), en cherchant à leur imposer l’idéologie du relativisme culturel, interdisant purement et simplement de « juger », de faire office de sa raison, bannissant tout discernement de type moral ou éthique, tout discours qui s’énoncerait en termes de bien ou de mal : « Ma philosophie est de la fermer, de ne jamais avoir d’avis, et d’avoir toujours tort. On me frappe la joue gauche, je tends la droite. Que voulez-vous… rien ne m’affecte. Je suis un philosophe, extrêmement philosophe. […] Au nom de la Confrérie des Philosophes, nous irons prêcher la bonne parole de par le monde. Nous ouvrirons des échoppes où l’on pourra. » (cf. la chanson « Les Philosophes » d’Arnold Turboust)

 

Les intellectuels homosexuels fictionnels se démarquent en général de toute forme d’héritage et de tradition, se présentent comme autodidactes, et font du passé table rase. Ils interprètent le passé à leur sauce (« Réécrire l’histoire, à nos étendards… Le futur sera bien plus que parfait. », cf. la chanson « Réévolution » d’Étienne Daho), et s’en prennent à tous les représentants sociaux du savoir et de l’éducation.

 

Ils leur reprochent de trop parler, d’être trop visibles et trop médiatiques, d’être excessivement brillants et orgueilleux, de trop « se la raconter » : « Assez de philosopher ! » (Sappho dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Elle fait très souvent la nique aux trop bien cultivés. Et toc ! » (cf. la chanson « Je t’aime Mélancolie » de Mylène Farmer) ; « Comme bien des intellectuels, il est d’une extrême stupidité. » (la Marquise de Merteuil dans le film « Les Liaisons dangereuses » (1988) de Stephen Frears) ; « J’abomine les intellectuels. […] Les milieux littéraires me répugnent à un point… » (Roger dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 43) ; « Les discours chimériques, tout ça n’importe quoi ! » (cf. la chanson « Méfie-toi » de Mylène Farmer) ; « J’en ai bouffé, de la culturalité ! » (Pretorius, le vampire homosexuel dans la pièce musicale Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Il est agréable, de temps en temps, de ne plus penser. » (Didier, le héros hétéro au moment de passer à l’acte homo, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Qui se souciera de littérature dans 100 ans ? […] Mais hélas, la raison s’empresse de nous imposer sa clarté. » (Lacenaire dans la pièce éponyme (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; « La morale est une vermine. » (Luca, le narrateur homosexuel dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; « Les écrivains sont des monstres anthropophages. » (Stéphane, le romancier homosexuel de la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, le héros homosexuel (parlant de lui à la troisième personne, comme la caricature d’Alain Delon) n’a que mépris pour ses profs et « leurs crétins larbins » (p. 63) : « Je tiens les enseignants pour gens facilement puérils, rarement déniaisés de l’enfance et jamais sortis de l’école, seulement grimpés sur l’estrade. » (idem, p. 44) Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, on assiste à une attaque virulente contre les intellectuels : sont visés « les femmes cultivées » et les hommes qui « ont absorbés de la culture » : « La culture, c’est l’anesthésiant des incompétents. » Dans la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter, Sarah est insultée de « putain d’intellectuelle ». Dans le film « Serial Mother » (1994) de John Waters, le prof de maths est écrasé volontairement par Madame Sutphin. Dans la chanson « La Zizanie » de Zazie, il est question de « tenir tête au type à lunettes ». Le film « Pourquoi pas moi ? » (1998) de Stéphane Giusti démarre par le geste iconoclaste de Camille, l’héroïne lesbienne, qui met le feu à l’affiche de la pièce Œdipe Roi de Sophocle à l’entrée d’un théâtre. Dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou, le compositeur Érik Satie compare les critiques à des « animaux ». Dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, la figure de Proust s’en prend aux critiques littéraires, « à ceux-là qui s’autorisent à vous dire ce qu’ils en pensent, comme s’il était bienvenu de porter un jugement devant des parents à propos de l’éducation de leur enfant » (p. 111). Dans le roman La Cité des Rats (1979), c’est tout le patrimoine culturel qui est jeté au feu : par exemple, les interprètes féminines des amiraux Smutchenko et Smith sont tuées au pistolet ; Copi le Traducteur veut détruire tous les rayons de sa bibliothèque ; et un immense autodafé des livres de la Bibliothèque de l’archevêque est organisé par les rats : « Le Diable des Rats explosa comme une vessie remplie de lave dont les boules ardentes furent projetées sur les berges avoisinantes, provoquant l’incendie de l’Académie Française et du Louvre. » (p. 92) Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, est décrit comme « une dilettante avec des intérêts encyclopédiques ». Il méprise les « snobs littéraires » et se plaît à ironiser : « La sagesse : qu’est-ce que c’est ? »

 

Jalousie, quand tu nous tiens…

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La Genèse de la prétention :

Dans la réalité, beaucoup d’individus homosexuels se prennent à la fois pour des grands intellectuels ET des « philosophes humbles et sans prétention ». Ça a pu commencer très jeunes. Ils sont nombreux à s’être sentis plus mûrs que les autres enfants de leur âge (je vous renvoie au code « Différences culturelles » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ça a été mon cas, je l’avoue sans problème : j’étais, étant enfant, une vraie petite prétentieuse… adorable, inoffensif, souriant, gentil comme tout, incapable de faire du mal à une mouche… mais une petite prétentieuse quand même !

 

Le sentiment de différence intellectuelle commence d’abord avec la famille. Il arrive que le sujet homosexuel ne s’identifie ni à son papa ni à sa maman, et que ces derniers – ou bien son statut social – lui fassent honte. Par exemple, dans ses essais (La Place (1983), Une Femme (1987), et La Honte (1997)), Annie Ernaux a beaucoup écrit sur la « distance de classe et de niveau intellectuel » qui la séparait de ses propres parents. Pareil pour Didier Éribon qui, dans son autobiographie Retour à Reims (2010), raconte comment il a du mal à se reconnaître de « ce milieu ouvrier dans lequel il a vécu » (pp. 19-20) : « Pourquoi, moi qui ai tant éprouvé la honte sociale, la honte du milieu d’où je venais quand, une fois installé à Paris, des gens qui venaient de milieux sociaux si différents du mien, à qui je mentais plus ou moins sur mes origines de classe, ou devant lesquels je me sentais profondément gêné d’avouer ces origines, pourquoi donc n’ai-je jamais eu l’idée d’aborder ce problème dans un livre ou un article ? » (idem, p. 21)

 

Le fossé intellectuel entre les personnes homosexuelles et le reste de l’Humanité s’est creusé en général au collège, dans une indifférence/isolement savamment et lentement travaillés. « C’est un bon sujet, un enfant respectueux et tendre, plus faible et plus petit que ses camarades mais plus intelligent : il tient sans effort la tête de la classe. Bref, sage comme une image. » (Jean-Paul Sartre en parlant de Jean Genet, dans sa biographie Saint Genet (1952), p. 14) ; « Le lycée fut pour moi une effroyable et sinistre expérience. […] Je voulais toujours être pianiste et mes parents ne m’obligeaient pas à aller à l’école tous les jours. J’y allais juste assez pour rester au niveau de ma classe. Maintenant, des années plus tard, mes professeurs sont extrêmement perplexes à l’idée que quelqu’un d’aussi négligent que moi ait pu devenir un auteur à succès. La vérité est que je ne crois guère à l’école. » (Carson McCullers, la romancier lesbienne nord-américaine, citée dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 43) ; « Je savais que j’étais intelligent, que j’avais du talent. » (un témoin homo de l’essai Mort ou fif (2001) de Michel Dorais, p. 91) ; « J’affichais une distance méprisante vis-à-vis des autres élèves avec qui je ne discutais jamais. » (Jean Le Bitoux se décrivant à la fac, dans son essai Citoyen de seconde zone (2003), p. 56) ; « Il m’est impossible d’oublier tous ces camarades de classe, ces dégénérés qui se complaisent désormais dans une médiocrité vulgaire. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 7) ; « Il me fascine. […] Je me rends compte très rapidement qu’il est aussi doué que moi en classe et aussi médiocre en foot. » (l’auteur, parlant d’un autre de ses camarades de qui il tombe amoureux car il est à part, comme lui, idem, p. 11) ;« Ah ! Si seulement j’avais pu être mauvais élève, juste un peu, pour faire comme les autres. » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 34)

 

Leur sentiment d’élection intellectuelle perdure souvent à l’âge adulte. Par exemple, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), l’essayiste Paula Dumont se définit elle-même comme une « consciencieuse prof de Lettres qui a passé sa vie à compulser des dictionnaires » (p. 136), maniant le verbe avec une dextérité et un raffinement rares (d’ailleurs, quand on la lit, on a l’impression de devenir intelligent, on apprend plein de nouveaux mots : vous savez ce que ça veut dire, vous, « imprécations », « acrimonie », « être bégueule », « argutie », « jocrisse », « impécuniosité » ?? Moi, pas).

 

Par une confusion flagrante entre perception et intelligence, certaines personnes homosexuelles nous/se font même croire en l’existence d’un « sixième sens homosexuel » : « Je pense que l’homosexualité, ça développe l’intelligence. Non pas qu’on soit plus intelligents que les autres. Mais on est plus sensibles. » (Françoise, une femme lesbienne interviewée dans l’émission Dans les yeux d’Olivier, « Les Femmes entre elles » d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011)

 

Parfois, la communauté homosexuelle est considérée socialement comme un milieu huppé et cultivé : « C’est épouvantable ce que j’ai pu entendre. Dans ces milieux-là, en usine, ça n’existe pas l’homosexualité. Un milieu de cols blancs, un milieu universitaire, c’est probablement une fourmilière pour les gais, c’est le paradis. » (un témoin homosexuel ayant grandi dans un milieu ouvrier, cité dans l’essai Mort ou fif (2001) de Michel Dorais, p. 73) ; « La pédérastie est chose fort courante dans l’armée et les universités. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 154) ; « La population gay vit dans des milieux sociaux autrement plus raffinés ou intellectuels. » (Hugo sur le site http://homophobie.free.fr consulté en octobre 2003) ; « Elle était férue de culture et d’art. » (la voix-off parlant de la Reine Christine, pseudo « lesbienne », dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; etc. D’ailleurs, rien qu’en France, tout récemment, parmi nos ministres de la culture au gouvernement, deux étaient homosexuels : Jack Lang et Frédéric Mitterrand.

 

Plus qu’« intellectuels », je dirais que les regroupements LGBT sont plutôt « branchés ». Et il est vrai que beaucoup de personnes homosexuelles créent des salons de penseurs, des petites causeries qui réunissent des dandys et des garçonnes bisexuelles, composant ainsi une Jet Set Rainbow prestigieuse occupant parfois le haut du pavé médiatique/littéraire : pensons par exemple au Bloomsbury Group aux États-Unis (au début du XXe siècle), aux Samedis des Stein autour de la charismatique Gertrude Stein (dans les années 1920-1930), aux réceptions mondaines de Jean Cocteau, aux salons de Suzy Solidor (dans les années 1940), au Cercle des Intellos du dimanche que j’avais fondé à Rennes puis un peu à Paris dans les années 2000, à tous ces « dîners presque parfaits » que les membres de la communauté homosexuelle aiment organiser entre eux. « Avant l’Occupation, l’homosexualité était le fait de quelques intellectuels ou de quelques blasés qui constituaient une confrérie très fermée. » (André Larue, Les Flics, 1969) ; « Le jeune antiquaire n’est pas seul : comme chaque soir, vers les six heures, un cénacle charmant se forme, par affinités, dans l’arrière-boutique de la rue du Chevalier-Français. L’élite intellectuelle de Clermont est là : un sculpteur célèbre, un tailleur, un fils de magistrat, un autre antiquaire. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, témoignant dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 74)

 

Les intellectuels queer et LGBT investissent en grand nombre les universités : la Resi madrilène en Espagne, l’université de Cambridge (avec le cénacle des « apôtres de Cambridge ») en Angleterre, et plus proches de nous, les Grandes Écoles françaises telles que Sciences-Po, la Sorbonne… Je me suis déjà rendu à quelques manifestations parisiennes dans ces lieux, et il ne me semble pas du tout excessif (à moins d’être aveugle et de mauvaise foi) de parler de véritable lobby bisexuel composé par les nouvelles générations montantes d’étudiants et de politiciens en France. Il y a même des fonds de recherches typiquement LGBT, des chaires d’université spécialisées dans les Gender Studies (ça a commencé aux États-Unis, et ça arrive doucement en Europe). Les associations homosexuelles s’auto-proclament spécialistes de « leur » culture : partout dans le monde se tiennent des séminaires et des colloques dont on publie les « assises », se fondent des revues d’études, s’inaugurent des fonds documentaires. En France par exemple, le Centre de Ressources Documentaires Gays et Lesbiennes de la Bibliothèque de Lyon est créé en 2005. On peut penser également aux UEH, les « Universités d’Été », qui ont lieu chaque année partout dans l’Hexagone : elles se revendiquent avec le temps comme des Études gaies et lesbiennes (et bisexuelles, et transsexuelles, et transgenres) sérieuses et solides sur le plan intellectuel. Par exemple, à en croire Juan A. Herrero Brasas dans son essai Primera Plana (2007), les universitaires queer seraient « strictement académiques » (p. 18). Strictement, oui, je crois que c’est le mot… gros « lol ».

 
 

b) En réalité, ça vole très bas :

 

Ce que je vais écrire dans cette sous-partie est très en lien avec quatre autres codes de mon Dictionnaire des Codes homosexuels : « Bobo« , « Faux révolutionnaires« , « Déni » et « Artiste raté« . Pour commencer, et sans vouloir être gratuitement méchant, l’intellectuel de seconde zone, je le croise à tour de bras dans la communauté homosexuelle. Je ne dresserai pas de liste-serpent, ça n’est pas le but de ce code, et puis on peut tous évoluer, on a tous le droit de revenir sur ce qu’on a dit ou écrit, on est tous libre de s’égarer un moment, de se réveiller, de se contredire, de se découvrir, et de rejoindre la Vérité, même sur le tard ! C’est pour cette raison que les quelques noms d’intellectuels existants que je citerai (même Louis-Georges Tin… Qu’il me pardonne si je donne l’air de m’acharner contre lui ;-)) ne colleront pas d’étiquette définitive de « faux intellectuels » sur le front de quiconque, mais dénonceront plutôt des rôles, des propos hypocrites et inadmissibles, qui ne disent rien des personnalités qui les tiennent à un moment donné pour masquer leurs faiblesses, leurs peurs, leur ignorance et leurs lâchetés. Je suis le premier « faux intellectuel » que je connaisse quand je prétends posséder la Vérité à moi tout seul !

 

Ceci étant, je le dis comme je le pense : le niveau actuel de réflexion (sur l’homosexualité, ou proposé par l’ensemble des individus qui se disent « homosexuels » sur n’importe quel sujet de société) me semble être au plus bas. D’ailleurs, il suffit de simplement tendre l’oreille et d’aller à la rencontre des communautaires homosexuels en vrai pour se rendre compte qu’ils ne montrent en général aucune appétence pour l’analyse, la réflexion collective, le travail intellectuel, la discussion désintéressée. Il n’y a qu’à voir comment le simple débat d’idées, ou la recherche d’approfondissement de certains sujets, tournent court, sont accueillis comme la peste, comme une « prise de tête » (judéo-catholico-maçonnique…) insupportable ou fatigante sur les forums de rencontres LGBT. Hoooula ! C’est que dans les discussions, il ne faut surtout pas dépasser la frontière individualiste des goûts ; si on oriente les échanges vers des considérations un peu plus élevées, universelles et ouvertes (comme la recherche commune de Vérité, comme l’amitié, par exemple), c’est tout de suite l’angoisse ! La réflexion, ça ferait mal au cerveau. On ne déconne pas avec cette chose-là…

 

Et sans vouloir jouer mon « vieux con », il est également déplorable de constater l’analphabétisme et l’illettrisme des internautes homos sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter : c’est à pleurer. J’ai envie de leur offrir à quasiment tous un Bescherelle. Et ça n’a rien à voir avec l’âge, une question de générations, ou même d’orientation sexuelle : c’est le désir homosexuel cru comme vrai, et pratiqué, qui rend con, aveugle et de mauvaise foi ; pas le désir homosexuel non-acté (comme je l’expliquais en préambule ; comprenne qui pourra !).

 

La plupart des personnes homosexuelles ne connaissent même pas leur désir homosexuel et leur propre culture. D’ailleurs, ils sont vite dépassés dans les débats de fond sur l’homosexualité dès qu’ils passent à la télé ou lors des débats publics. Beaucoup d’intellectuels non-homosexuels sont plus calés qu’eux pour en parler ! Par exemple, dans l’émission de Patrick Buisson consacrée au « communautarisme gay » sur la chaîne LCI en 2003, avec un plateau presque homosexuel à 100% (avec Pascal Sevran, Renaud Camus et Guillaume Dustan… Alain Soral étant le seul intervenant « extérieur »), Alain Soral, juste lui, arrive avec une facilité déconcertante à dépasser tout le monde intellectuellement et à élever le débat : Renaud Camus a l’air de planer complètement dans son coin ; Guillaume Dustan, fidèle à lui-même et toujours aussi « out », adopte un discours désarticulé et contradictoire ; même Pascal Sevran, le défenseur d’une homosexualité bourgeoise et discrète, qui semblait avoir, de tous, le plus de moyens de fournir une pensée construite, n’en mène pas plus large que ses confrères : « Je suis moins cultivé qu’Alain Soral… »

 

INTELLECTUEL 3

Guillaume Dustan


 

Concernant le vide intellectuel intersidéral dans le « milieu homosexuel », je pense savoir un peu de quoi je parle. Même dans les émissions et les débats à prétention intellectuelle auxquels j’ai assisté, il y a de quoi halluciner devant la censure, le conformisme, l’atrophie des cerveaux, l’apathie et la pensée unique de la plupart des personnalités qui s’accaparent les créations de la culture homosexuelle pour en tuer le sens. Je suis resté deux ans et demi (de janvier 2009 à mai 2011) à l’émission Homo Micro de Radio Paris Plurielle, à Paris, en tant que chroniqueur de la rubrique symbolique. J’ai eu l’occasion de voir défiler un certain nombre d’intellectuels et d’écrivains du monde LGBT ! Je suis quasiment sûr que mes camarades chroniqueurs lisaient très rarement les ouvrages de ces derniers, et qu’ils ne les connaissaient même pas de réputation. Par exemple, le jour où on a reçu l’humoriste Océane Rose-Marie, ou même l’essayiste nord-américain David Halperin, je voyais bien qu’ils n’avaient pas conscience de la qualité de nos visiteurs… et j’avais secrètement honte du mauvais accueil que mon équipe de bras cassés leur réservait ! Mais surtout, j’ai dû endurer pendant des semaines et des semaines les rubriques insipides et pseudo analytiques des chroniqueurs étiquetés « spécialistes littéraires ». À les entendre, on avait l’impression qu’ils n’avaient lu que la quatrième de couverture des bouquins qu’ils chroniquaient. Au lieu de parler du contenu et du sens de l’écrit qu’ils étaient censés évaluer, ils s’appesantissaient sur l’expression poétisée/humorisée de leurs goûts, sur leurs petites sensations de lecteurs néophytes qui ne comprennent pas ce qu’ils lisent, ils blablataient sur la thématique générale du livre chroniqué (le « texte-prétexte » dans toute sa splendeur !) sans émettre aucune critique constructive et sans aborder les ambiguïtés et les violences du message qu’il véhicule, ils sortaient constamment le même discours laudatif scolairement appris (le disque qui tourne à vide : « C’est une œuvre très bien écrite, bien ficelée. J’ai beaucoup aimé. C’est frais, c’est lumineux, c’est hilarant, c’est déroutant, c’est surprenant, c’est original. On voyage dans un labyrinthe de mots sans jamais se perdre (hi hi hi). C’est cru, et pourtant, vous avez le talent pour ne nous le rendre jamais vulgaire. »). Mais ces journalistes « littéraires » ne se contentaient pas d’être incompétents. Ils n’hésitaient pas (et ça continue, hélas) à trancher la tête de leurs rares contradicteurs dès que les débats s’élevaient un peu plus que la courbe plate de l’électro-encéphalogramme de la justification identitariste et amoureuse homosexuelle prescrite par l’homosexuellement correct. Quand j’y étais, je prenais sur moi… mais je les voyais me dévisager avec une suspicion croissante. Ils se mettaient à regarder d’un œil noir mes chroniques (qu’ils faisaient semblant de ne pas comprendre), à me couper la parole sans arrêt à l’antenne par des blagues grivoises ou des injonctions au silence, à surveiller scrupuleusement mes lectures (car j’arrivais souvent au studio avec un livre en main) et à me réduire à celles-ci, à m’interdire de lire tel ou tel écrit dit « anti-gay », à me suspecter d’homophobie. Et ce qui se profilait au fil des semaines est arrivé : en mai 2011, je n’ai pas été officiellement congédié, même si officieusement, c’était tout comme ! J’ai été traîné en procès de « collaboration maçonnique anti-gay » par la « Grande Inquisitrice », c’est-à-dire le chroniqueur prétendument « intellectuel » de l’émission Homo Micro, confortablement installé à la rubrique littéraire hebdomadaire depuis des années. Avec lui, et la brochette d’intellectuels anesthésiés qui l’entoure encore aujourd’hui, j’ai franchement peu d’espoir que les débats s’élèvent, et que le trésor inexploré que représente la culture homosexuelle soit enfin libéré de ses prisons LGBT dans lesquelles il est mis sous verre.

 

Vous savez, même si je suis un petit prof d’espagnol de rien du tout, sortant de nulle part (j’ai passé les 18 premières années de ma vie devant la télé, c’est vous dire !), sans formation journalistique ou universitaire prestigieuse (d’ailleurs, c’est la raison pour laquelle beaucoup de mes détracteurs s’en donnent actuellement à cœur joie pour m’insulter de « faux intellectuel narcissique qui se haït lui-même » sur les forums des sites où sont publiés mes articles), même si je ne connais pas tout de la culture homosexuelle (loin s’en faut !) et que j’ai conscience que mon approche de celle-ci n’est pas purement objective (mon travail est orienté, c’est vrai ; et je le revendique comme interprétatif : je ne suis pas en faveur d’une indétrônable distance/neutralité intellectuelle dans l’exercice d’observation du Réel humain ; je veux de la passion, de l’humour, du combat, de la foi, oui !), je ne pense pas me tromper en disant que j’en connais pourtant déjà un sacré rayon sur le monde « intellectuel » LGBT ! Ma bibliographie de références n’est ni insuffisante ni ridicule. J’ai, pour mon âge, une assez bonne connaissance de terrain de ce qu’on appelle, faute de mieux, le « milieu homosexuel », en côtoyant tout type de public, et notamment des cercles intellectuels homos très select, tels que La Rive opposée ou L’Autre Cercle. Soi-disant le « gratin du gratin ». J’ai assisté (et ça continue) à de nombreuses universités d’été, soirées, débats publics, à des conférences tenues par des gens qui avaient des titres prestigieux, un langage châtié, un jargon bien léché. J’ai vu que derrière cette grande comédie humaine, il y avait surtout beaucoup d’esbroufe et d’attachement inavoué au sexe. Beaucoup de confort, de mauvaise foi et de goujaterie. Beaucoup de faux militantisme et de langue de bois. Peu d’amis solides de la Vérité.

 

Enfin, pour en finir avec mon témoignage personnel, et pour vous convaincre du « no man’s land de la pensée » qu’est la communauté homosexuelle internationale actuelle, je vous suggère une idée toute simple : ouvrez n’importe quel numéro de Têtu (« Tadadum da, Femme actuelle… »), la revue censée nous représenter, nous, personnes homosexuelles. Et vous aurez l’illustration de ce que j’essaie de vous montrer ! Le problème n’est pas que les sujets homosexuels ne lisent pas ou plus : je crois même qu’ils lisent de plus en plus… Le problème est qu’ils ne lisent pas avec les bonnes lunettes !

 

Je ne suis pas le seul à dénoncer le niveau intellectuel ras des pâquerettes de la majorité des chercheurs LGBT, ou l’illusion de génie que certains veulent donner. Nombreux sont les critiques qui les dépeignent aussi comme des ignares, ou de faux intellectuels (bien névrosés comme il faut) : « Ces invertis évoluent dans des milieux très particuliers, dans la société snob des intellectuels drogués ou malades. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 9) ; « Dans les sphères dites ‘intellectuelles’, on découvre grâce à des statistiques récentes dressées par la P.J. près de trente pour cent d’homosexuels, dont quelque vingt pour cent ont eu, une fois au moins dans leur vie, maille à partir avec la police des mœurs. » (idem, p. 20) ; « Oscar Wilde fut un créateur prolifique, public, commercial, de mauvaise qualité, trivial, répétitif. Il fut un plagiaire. » (Neil Bartlett, Who Was That Man ? A Present For Mr Oscar Wilde (1993), pp. 201-202) ; « Il n’a rien écrit, il ne chante pas, il ne peint ni ne joue, il ne fait que parler ! » (Richard Ellmann, Oscar Wilde, cité dans l’article « Le Soleil Wilde » d’Anne-Sylvie Homassel, sur le Magazine littéraire, n°343, mai 1996, p. 30) ; « L’image que l’on retient de cet auteur est celle d’un raté, non seulement peu cultivé, mais aussi peu intelligent : un espèce de bouffon grotesque sans cour qui croit qu’il est difficile de comprendre la vérité et surtout qu’il est obligatoire de le dire. » (Pier Paolo Pasolini concernant Witold Gombrowicz, cité sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) ; etc.

 

Par exemple, dans sa biographie de Carson McCullers (1995), Josyane Savigneau rapporte que la romancière nord-américaine Carson McCullers est considérée comme une « auteure mineure » (p. 11). Dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) Yves Riou et Philippe Pouchain, Jean Cocteau est présenté par ses proches comme un moulin à paroles qui « monologuait », comme « Radio Cocteau ». Dans son essai coup-de-poing Queer Critics (2002), François Cusset habille les théoriciens et les universitaires de la Gender & Queer Theory pour l’hiver ! Il leur reproche d’appauvrir et de lire (ou plutôt de « dé-lire » !, p. 135) les grands classiques de la littérature mondiale à la lumière blafarde de leur volonté d’imposer une identité et un amour bisexuels et asexuels à tout le monde : « La micro-lecture queer : une interprétation aussi pointilleuse en ses analyses que délirante par ses conclusions » (p. 83)

 

Les critiques de la production intellectuelle et artistique sur l’homosexualité fusent et concordent pour dire que les trois-quarts du temps ça vole très bas : « Les résultats ? Presque toujours médiocres, sinon consternants. Une grande partie de la production littéraire et artistique homosexuelle se confond avec les plus vulgaires manifestations de la sous-culture pornographique hétérosexuelle. […] L’homosexualité, à peine libérée, n’a rien eu de plus pressé que de débonder ses fantasmes en oubliant de se donner des contraintes intérieures, contraintes sans lesquelles il n’y a pas de véritable création. » (Dominique Fernandez, L’Amour qui ose dire son nom (2000), pp. 301-302) ; « Mièvrerie et fadeur de l’ensemble : plus le sentiment homosexuel cherche à s’exprimer, sans métaphores ni faux-semblants, plus il perd en force et en saveur. C’est une loi que nous aurons l’occasion de vérifier. » (idem, p. 69) ; « L’homosexualité a atteint un niveau de banalisation inimaginable précédemment. Cette normalisation tous azimuts ne va toutefois pas sans une forme d’affadissement, qu’on retrouve peu ou prou dans la plupart des cinématographies occidentales. » (Didier Roth-Bettoni, L’Homosexualité au cinéma (2007), p. 418) Le bilan artistique et intellectuel homosexuel est parfois tellement pitoyable que certains en arrivent à se demander « s’il est vraiment indispensable d’être hétérosexuel pour avoir du talent, voire du génie ? » (Lionel Povert, Dictionnaire gay (1994), p. 11)

 

De temps à autre, quelques intellectuels homosexuels jouent bas les masques, ont l’humilité cynique de reconnaître les limites intellectuelles de leur discours et leurs écrits, ont le mérite de l’auto-critique. « J’étais venu habiter Paris avec le double espoir de vivre librement ma vie gay et de devenir un ‘intellectuel’. La première partie de ce programme se réalisa sans grande difficulté. Mais la seconde n’avait débouché sur rien : après avoir échoué dans mes tentatives pour entrer dans l’enseignement secondaire tout autant que dans celles pour mener à bien une thèse de doctorat, je me retrouvais sans travail ni perspectives. Je fus sauvé par les ressources qu’offrait la subculture gay. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 233) ; « Manquai-je de persévérance ? Ou du talent romanesque ? Ou, plus simplement, pris-je conscience que je jouais un jeu ? Animé par de vieilles ambitions et incapable d’y renoncer, je mimai un geste. Je me fantasmais en écrivain ; rien ne me prédisposait à le devenir. Peu à peu, je me détachai de ces tentations littéraires, sans jamais les oublier vraiment : il m’arrive encore de regretter de n’avoir pas eu la patience ou la force de continuer dans cette voie. » (idem, p. 237) ; « Cinquante-cinq ans ? Vous êtes fou ! J’en ai 15, 16 ! Intellectuellement, 12 ! » (Jean-Louis Bory, à 57 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; « Elle a une tête d’idiote, et une démarche d’idiote. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, et parlant de lui-même, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc.

 

Par exemple, dans son Journal (1992), le dramaturge homosexuel Jean-Luc Lagarce avoue qu’il « ne se sent pas un écrivain » : d’ailleurs, il déprime de ne pas parvenir à « vendre ses salades » (c’est comme cela qu’il qualifie ses livres). Dans l’émission radiophonique Le Masque et la Plume : Hommage à Jean-Louis Bory (1979) de François-Régis Bastide, le romancier français Jean-Louis Bory s’étonne d’avoir reçu les hommages de la confrérie des historiens qui a applaudi, lors de l’émission Apostrophe, à la publication de son essai (pourtant peu rigoureux) Les Cinq Girouettes, car lui-même avoua qu’il ne méritait pas le titre de « vrai historien ».

 

Dans le film « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, est retracé le procès intenté au poète homosexuel nord-américain Allen Ginsberg à l’occasion de la sortie de son sulfureux recueil de poèmes « Howl », dont certains pensent (à raison, à mon sens), qu’il « n’a aucune valeur littéraire ». Et même si le parti pris de ses défenseurs ne repose que sur la croyance aux bonnes intentions de Ginsberg et non sur l’œuvre en elle-même (ils insistent beaucoup sur « l’honnêteté », « la franchise » et « la liberté d’expression » pour prouver que Ginsberg était un faux imposteur, un vrai génie), ce dernier n’a pourtant pas démenti de son vivant les critiques. Au contraire, il allait (cyniquement ?) dans leurs sens : « J’escroque un peu mon monde… » Il disait que son poème « Howl » était un ramassis de « conneries sensibles ». C’est déjà bien de le reconnaître. Mais faute avouée est-elle pour autant à moitié pardonnée, voire « géniale » ? Il ne fait peut-être pas exagérer…

 
 

c) Comment en sommes-nous arrivés à cette crise intellectuelle là ?

Qu’est ce qui peut expliquer que beaucoup de sujets homosexuels soient des « intellectuels par défaut » (alors que, pour certains, ils semblaient bien partis pour décrocher des Prix Nobel) ? Je crois que c’est en grande partie parce qu’ils ont rejoint le monde des livres et de la philosophie plus par peur des autres que par amour de l’Humanité et du Réel : « Je ne déteste rien de plus au monde que les visages gras des réalistes à lunettes. » (le romancier homosexuel japonais Yukio Mishima dans sa Correspondance 1945-1970) ; « Mon père était bricoleur, et fier de ses capacités en ce domaine, comme il était fier du travail manuel en général. […] Moi, je ne savais rien faire de mes dix doigts. Et dans cette incapacité voulue, j’investissais bien sûr tout mon désir de ne pas lui ressembler. Plus tard, j’allais découvrir que certains intellectuels adorent bricoler et qu’on peut à la fois aimer les livres, et s’adonner avec plaisir aux activités pratiques et manuelles. Cette découverte me plongerait dans des abîmes de perplexité : un peu comme si toute ma personnalité se trouvait mise en cause par la déstabilisation de ce que j’avais longtemps perçu et vécu comme un binarisme fondamental, constitutif (mais en réalité, seulement constitutif de moi-même). Il en ira de même avec le sport. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), pp. 57-58) ; « Je désirai plus que tout être ‘réformé’ pour éviter d’aller à l’armée. » (idem, p. 111)

 

On compte pourtant « officiellement » parmi les personnes homosexuelles beaucoup d’« intellectuels attitrés ». Mais ce qui semble avoir motivé en priorité leur passion pour l’exercice de la raison n’est pas d’abord l’amour des autres et du monde, mais au contraire un désir de fuite, une forme de paresse, de misanthropie, ou bien une agression. « Le bullying (brimades) est sans doute une des explications des homosexuels parmi les bons élèves, les khâgneux, les normaliens, les étudiants d’Oxbridge, de Yale et de Berkeley. » (cf. l’article « École » de Pierre Albertini, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, pp. 140-141)

 

Comme ils ont fait de la recherche idéalement collective de la Vérité un chemin individualiste, douillet, confortable, esthétisant, élitiste (et très souvent libertin), leur intelligence s’est très souvent figée en intellect froid, en prétexte pour niquer, en verbiage soporifique, décorporéisé et androgynique (queerisant, si vous préférez) : « Le corps en sait plus sur l’amour que les poètes, du moins que ces poètes-là – presque tous – qui mentent sur le corps. De quoi ont-ils peur ? De quoi veulent-ils se consoler ? D’eux-mêmes peut-être, de cette grande folie du désir (ou de sa petitesse après coup ?), de bête en eux, de cet abîme si tôt comblé (ce peu profond ruisseau glorifié : le plaisir), et de cette paix, soudain, qui ressemble à une mort… La solitude est notre lot, et ce lot c’est le corps. » (André Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus (1995), p. 305)

 

À l’inverse des réalistes aristotéliciens ou thomistes (très attachés au Réel… et à l’humanisme qui découle de cet attachement), la plupart des intellectuels homosexuels et bisexuels se placent dans le droit fil des philosophes nominalistes du XIVe siècle, ceux qui défendaient l’idée selon laquelle l’universel n’existe que dans l’intelligence de chaque être humain, qu’il n’y a que des points de vue relatifs et des réalités singulières (donc pas de nature humaine commune, universelle), que l’acte humain est toujours individuel. Les nominalistes médiévaux ont considéré les notions de « bien » et de « finalité » comme dangereuses et, pour éviter les conflits, les ont remplacées, par celles de « droit » et de « liberté d’agir sans contrainte, à partir du moment où la conscience individuelle les valide avec sincérité, et où ces droits et cette liberté individuelle ne gênaient pas les autres ». Mine de rien, les lointains nominalistes ont influencé et ont planté depuis sept siècles notre cadre de pensée occidentale actuel, libéraliste et individualiste. Il est temps que nous en prenions conscience !

 

Que leur manque-t-il, à la plupart de ces intellectuels homosexuels, pour devenir des vrais ? Pas grand-chose, au final. Il leur manque juste (et désolé d’être cash et de devenir pour certains inaudible… mdr) la foi en l’Église-Institution catholique ! Le petit grain de moutarde qui a l’air de rien, et qui change tout. Quand je dis qu’un intellectuel, pour vraiment être bon et pour tendre au plus près de la Vérité, a besoin de croire en Dieu, je suis malheureusement très sérieux. Il nous faut non pas contredire mais dépasser le credo gentillet, responsabilisant, mais au bout du compte individualiste, d’un Emmanuel Kant qui nous encourageait à « oser nous servir de notre propre entendement, et à penser par nous-mêmes ». Sans la foi en Dieu, il nous est très difficile d’avoir un savoir humble, non anthropocentré, pleinement tourné vers les profondeurs de tous les Mystères visibles et invisibles. Même si l’intellectuel athée réfléchit au nom du doute, de la sincérité, et de belles valeurs humanistes, il finit toujours, s’il ne remet pas ça à Qui de droit, par avoir la vue courte, par faire du sur-place, par manquer de joie et d’imagination, par se morfondre avec désillusion et révolte sur les nombreuses limites de l’Homme-sans-Dieu. C’est moi qui vous le dis !

 

Enfin, je constate, dans mon cas, que je ne deviens un vrai intellectuel que lorsque je suis au service de l’Esprit Saint, et que je cesse de croire que je peux être spirituel par moi-même, par ma propre intelligence, et tout seul. À partir du moment où je m’éloigne de Jésus et de l’émerveillement des Hommes, c’est tout simple : je redeviens con et rejoins la violence du paraître.

 
 

d) Les techniques des libertins homosexuels pour cacher leur ignorance et leur canular intellectuel:

Au lieu de regarder leurs limites, leur bêtise ou leur ignorance en face, le plus souvent, la plupart des individus homosexuels supposés « intellectuels » jouent la politique de l’autruche… ou, ce qui revient au même, celle du paon !

 

1 – L’ignorance perçue comme une honte

 

Dans un premier temps, honteux de leur inculture (ou de leur prétention à l’intelligence), ils courent se cacher six pieds sous terre : sur Internet, à la campagne, dans l’anonymat d’une boîte bruyante, bien loin des colloques citadins et des festivals culturels organisés en leur honneur.

 
 

2 – Le paravent de « l’auto-parodie » et de « l’humour »

 

D’autres, plus futés, comprenant qu’ils ne peuvent pas se planquer éternellement (et en plus, ils ont besoin, au bout d’un moment, d’être vus et admirés !), tentent de masquer leur ignorance en forçant les traits de cette dernière… comme ça, ils se disent en eux-mêmes que la caricature finira bien par occulter et faire oublier son modèle original, par l’innocenter. Suprême ruse (et naïveté, finalement) des narcissiques que de jouer à faire croire qu’ils sont plus narcissiques qu’ils ne le sont déjà ! Ils se mettent dans la peau de « l’idiote du Village (People) »… en croisant les doigts pour que ça passe accidentellement pour du génie : cf. les spectacles de cabaret transformiste, le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville (avec Betty, l’héroïne lesbienne qui force les traits de son côté pin-up godiche, analphabète et faussement innocence), le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar (avec le personnage du transsexuel M to F Agrado), le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, etc.

 

Beaucoup de mes amis homosexuels garçons adorent mimer sur eux le rôle de la godiche blonde illettrée, ayant pour seul bagage intellectuel la culture télé ou la press people… car généralement, ils sont à peine plus avancés que leur caricature adorée ! Par exemple, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti Charlène Duval lit à son public des livres pour enfants d’Enid Blyton, et Oui-Oui, en nous offrant un sous-texte analytique pornographique tiré par les cheveux (et franchement drôle). Dans sa nouvelle « La Déification de Jean-Rémy de la Salle » (1983), Copi propose une cosmogonie-bidon de la tribu des « Boludos », à grand renfort de fausses études scientifiques, de reportages anthropologiques bidon, de faux témoignages. Dans la B.D. Histoire de l’homosexualité (1999) de Cuneo, l’intégralité de l’Histoire de l’Humanité est revisitée parodiquement à la sauce gay. Dans une auto-dérision qui sent l’aveu indirect, Essobal Lenoir, l’auteur du recueil Le Mariage de Bertrand (2010), arrive à s’étonner que son « éditeur ait accepté de publier son écœurant opuscule » (p. 168)

 

Pour certains « intellectuels » homosexuels, la revendication de la nullité agirait comme un paravent voire comme une conjuration magique de cette même nullité. Tel penseur ose dire qu’il est médiocre = c’est donc qu’il est génial ! Par exemple, André Gide et Pierre Louÿs créent en 1889 la Potache-Revue. Paul Verlaine et Arthur Rimbaud inaugurent le mouvement littéraire « zutiste ». Trop fort ! Quel second degré ! Proposent-ils pour autant de la qualité ?

 

INTELLECTUEL 4

Verlaine et Rimbaud (à gauche) par Fantin Latour


 

Tous ces cas de figure nous enseigne une chose : que l’auto-parodie a bon dos… et a ses limites ! À force de trop tirer sur la corde de la bêtise surjouée, l’indulgence du public/lectorat quant à l’absurde ou l’idiotie qu’on lui propose, finit par s’user. À un moment donné, le doute s’immisce ; l’exigence de Vérité réclame ; et le « délire » de niaiserie qui s’éternise sent quand même finalement l’auto-satisfaction à plein nez ! Que les comédiens homosexuels, qui passent parfois leur temps à jouer les cruches décérébrées, ou les libertines instruites, ne s’étonnent pas qu’à la longue, on les prenne au mot (homos !) ou en flagrant délit de sincérité !

 
 

3 – La confusion entre intelligence et méchanceté

 

L’autre parade que certains individus homosexuels trouvent pour se donner de l’intelligence artificielle consiste à jouer les vénéneuses libertines, le médisant et machiavélique père siffleur, la langue-de-pute professionnelle (n’oublions pas que le diable est surnommé « le malin » !) : cf. le ton général du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, le one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009) de Samuel Ganes, la série-cancan Mauvaiiiiiises (2012) de Brigitte et Josiane, etc.

 

Qu’ils soient à la base doté d’intelligence, cela ne fait parfois aucun doute ; mais comme souvent ils en usent à des fins cyniques et mauvaises, ils la perdent pour la troquer contre un intellect leur donnant juste de quoi « faire leur mauvaise » et tout seuls. Ils imitent en fin de compte une caricature d’intellectualité mi-bourgeoise mi-scandaleuse : « Une femme chic, glamour et supposée cultivée qui descend le Kurfürstendamm, à Berlin, indifférente au monde et qui dévore inconsciemment une saucisse phallique tenue d’une main gantée. Choquant ? Répugnant ? Normal, ou simplement la quintessence de Berlin ? » (cf. le résumé du film « Warum, Madame, Warum ? », « Pourquoi, Madame, pourquoi ? » (2011) de John Heys & Michael Bidner, sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris)

 

Se rajouter de la violence donne l’illusion d’assurance et d’intelligence, la force éphémère de la faiblesse. Pour illustrer mon propos, je ne peux pas m’empêcher de repenser à la scène du concert (catastrophique, il faut le reconnaître…) que la chanteuse Madonna a donné à Olympiaà Paris le 26 juillet 2012, où sa reprise de la chanson de Serge Gainsbourg « Je t’aime… moi non plus », mimant une scène sadomaso, se voulait un clin d’œil « érudit » entre cultureux libertaires…

 
 

4 – L’excuse du style et de l’art

 

Le simulacre d’intelligence n°1 que se choisissent beaucoup d’intellectuels homosexuels pour masquer leur ignorance, c’est bien sûr le « style » littéraire et l’« Art » (ce dernier sera très souvent présenté comme un Dieu inattaquable, totalement à l’abri de la morale et du jugement critique). L’argument du style, donc de la forme, vise à occulter le manque de fond, de sens, de but, donc au final de la forme aussi (car fond et forme sont, normalement, au service l’un de l’autre). Par exemple, dans son essai Le Bruissement de la langue (1984), Roland Barthes souligne dans la pensée baroque (revendiquée par de nombreux auteurs gay) « la prévalence de la forme sur le fond ». Dans leur manifeste L’Anti-Œdipe (1973), les « théoriciens » Gilles Deleuze et Félix Guattari pensent « l’art comme un processus sans but, mais qui s’accomplit comme tel. » (p. 443) ; « C’est cela le style, ou plutôt l’absence de style, l’asyntaxie, l’agrammaticalité : moment où le langage ne se définit plus par ce qu’il dit, encore moins par ce qui le rend signifiant, mais par ce qui le fait couler, fluer et éclater – le désir. Car la littérature est tout à fait comme la schizophrénie : un processus et non un but, une production et non pas une expression. » (idem, pp. 158-159) En général, le geste artistique que ces « intellectuels » cautionnent n’est pas maîtrisé, prémédité. La seule chose calculée, c’est le fait justement que ce ne soit pas calculé ! (Belle hypocrisie !)

 

Afin de cacher le manque de contenu de leurs propos ou de leurs œuvres, ils emploient une technique discursive de diversion bien connue des auteurs contemporains narcissiques et dépressifs : le paradoxe, le métalangage, la mise en abyme (= le fameux « théâtre dans le théâtre » : du jamais vu…), l’intertextualité, l’écriture automatique des surréalistes sur le mode de l’inversion et de l’homophonie, toutes ces ficelles conceptuelles faciles qui plaisent aux idolâtres de « l’art pour l’art » ou du « doute pour le doute ».

 

Leur figure de style préférée est l’inversion (cf. je vous renvoie au code « Inversion » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), celle qui leur permet, selon eux, de bousculer tous les codes rigides de la bien-pensance, d’inventer des nouvelles théories ingénieuses, de placer la folie sur un pied d’égalité avec l’intelligence. L’ignorance serait triomphante : selon eux, l’Homme bête, « L’Artiste » va-nu-pieds, ou le Fou, transformé, selon leur mythologie pastorale, en Beatus Ille, en saurait plus que le savant. « La Solution intellectuelle est artistique ! » soutiennent les philosophes bobos.

 

Puisqu’ils sont bien en peine de justifier leurs écrits par un raisonnement logique qui se tient, ils vont se mettre à broder autour, à bavarder sur l’acte d’écriture et de création en général, sur les intentions de l’auteur (eux ? ah oui ! eux ! ils avaient presque oublié !) et les perceptions du récepteur. D’habitude, ils retournent le micro vers le public pour récolter ses impressions (ça comble les blancs, et en plus, c’est « participatif »)… « Et à présent voici ce que je vous propose pour le premier jour de travail (car vous allez travailler avec moi à la recherche du plaisir quand les crimes auront lieu, je ne vous propose qu’un plaisir tout à fait intellectuel, bien entendu). » (le narrateur homosexuel s’adressant à ses lecteurs, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 21) Toute cette mise en scène de débat soi-disant réflexif est imposée pour qu’on ne juge pas de la valeur et du sens de ce qui est dit. Les questions se figent en posture dramaturgique. Par exemple, dans le début de sa pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011), on est invité à écouter Jérémy Patinier « philosopher » ; les questions de l’intellectuel-artiste sont lancées, et attention, c’est du « jamais entendu » ! : « Qu’est-ce qu’être acteur ? Qu’est-ce qu’être public ? Où est la réalité de la fiction ? Le monde est-il un vaste théâtre, et la comédie plus réelle que le Réel même ? Et si on échangeait les rôles, que le comédien devenait le spectateur, et le spectateur le comédien ? » Le metteur en scène fait dire à ses personnages des questions hyper nouvelles et métaphysiques (bon, ok, masturbatoires) qui ne donnent aucune réponse claire et ne changeront pas la face du monde… mais c’est pas grave : ça fait joli et profond.

 

Beaucoup d’intellectuels homosexuels bobos prennent la posture du penseur artiste qui se réfléchit réfléchissant, dans un narcissisme échevelé. Le pire, c’est qu’ils se croient vraiment profonds, originaux, inventifs, révolutionnaires, intéressants, dans leur spontanéité théâtralisée. En réalité, il emmerde tout le monde, eux y compris. « Mal écrit surtout, et ennuyeux, pour ‘faire littéraire’. À de tels auteurs, la modernité a appris que la littérature n’avait rien à dire. Barthes leur a montré la ‘fatalité du signe littéraire, qui fait qu’un écrivain ne peut tracer un mot sans prendre la pose particulière du langage’. Il a appelé à une ‘écriture blanche’, ‘innocente’ par son ‘absence idéale de style’. » (Pierre Jourde, La Littérature sans estomac (2002), p. 189) ; « Les textes attaqués en deux principales espèces : parataxe voyante, minimalisme syntaxique, lexical et rhétorique (écriture blanche). Inversement, syntaxe complexe, métaphores flamboyantes, énumérations (écriture rouge). Ces deux manières a priori opposées, la blanche et la rouge, reviendraient plus ou moins au même. L’écriture blanche est un mélange de naturalisme et de romantisme dégradé au même titre que l’écriture rouge : du drapé, de la posture, de la déclamation, charriant des morceaux de réalisme. L’une cherche à se singulariser dans une affectation de détachement, l’autre dans le cabotinage. Dans les deux, le désir de la singularité pour elle-même engendre le poncif. À ces deux espèces de faux-semblants, on en a ajouté une troisième, plus récente. On pourrait la baptiser écriture écrue. […] Petits objets du quotidien, gens de peu, prose poétique, effets stylistiques discrets mais repérables. L’écriture écrue, elle aussi, part du principe de l’authenticité. Elle fait croire que son originalité tient à la modestie de ses objets. » (idem, pp. 38-39)

 

Les intellectuels homosexuels s’appesantissent en général sur les sens pour délaisser le Sens. Comme l’explique à juste raison Élisabeth Lévy dans son essai Les Maîtres Censeurs (2002), « cette idéologie dominante qui se pense libérée de toutes les idéologies ne peut triompher qu’au prix d’une abdication fondamentale qui conduit à faire prévaloir l’émotion sur la compréhension, la morale sur l’analyse, la vibration sur la théorie. » (p. 17)

 

Parfois, ils sortent des phrases qui ne veulent objectivement rien dire mais qui font « inspirées par l’au-delà », une dégoulinade verbale ininterrompue et sans goût : « Le rôle de l’art consiste à saisir le sens de l’époque et à puiser dans le spectacle de cette sécheresse pratique un antidote contre la beauté de l’inutile qui encourage le superflu. » (Jean Cocteau cité dans l’article « Le Journal de l’inconnu » de Gérard de Cortanze, sur le Magazine littéraire, n°423, septembre 2003, p. 54) Vous comprenez cette phrase, vous ? Moi, désolé, j’ai démissionné intellectuellement ;-).

 

Au final, on se rend compte que leur statut d’intellectuels est davantage un fantasme narcissique sans relief ou une posture esthétique qu’une réalité. Dans leur esprit, l’intelligence est supplantée et remplacée par la beauté plastique, par l’artifice. Ils réduisent la raison à une propriété privée, à un instrument de pouvoir et de séduction qui se conserve jalousement dans un coffre, qui ne se partage pas (… sauf avec une petite cour d’élus). En gros, ils n’ont rien compris, puisque la réelle intelligence ne se possède pas et ne s’expérimente qu’en partage (un partage chaste, distant, et désintéressé : je précise) !

 

Quand leur lyrisme le leur permet, ils atteignent le ridicule inconscient de la préciosité et de la coquetterie en utilisant des mots et des adjectifs plus parce qu’à leurs oreilles ils font joli (« jubilatoire », « lumineux », « frais », « baroque », « transgressif », « déroutant », et tout le lexique constructiviste queer) que parce qu’ils sont vraiment utiles à l’avancée des débats. C’est exactement le sentiment d’esbroufe qui me vient quand j’écoute ou je lis l’intellectualisme ronflant d’un Louis-Georges Tin. Ce dernier semble adorer les mots sociologiquement corrects (comme « étiologie », « épistémologique », « paradigme », etc.) : peut-être pense-t-il qu’ils lui donnent la légitimité de raconter par ailleurs des âneries et des anachronismes ahurissants.

 

Certains penseurs homosexuels adoptent le jargon snobinard bobo : ils se citent ou s’autocitent entre eux, aiment étaler les mêmes références culturelles (ce sont souvent Deleuze, Bourdieu, Derrida, Foucault, Proust, Fassin, Butler, Sedgwick, Beauvoir, qui reviennent) : « Proust est devenu en quelques années l’épine dorsale du corpus queer, la Bible du dogme gay, la réserve monétaire de la grande banque homo : aux yeux des queer critics, il est à Foucault ce que l’année de stage est à l’année de cours – l’indispensable praxis, l’éclairante mise en œuvre, à l’occasion desquels on apprend (et on jouit) tellement plus que dans les livres. » (François Cusset, Queer Critics (2002), p. 163) S’ils peuvent caser à l’occasion des mots exotiques, et surtout quelques phrases d’anglais, ils ne s’en privent pas (pour eux, l’anglais est la langue du romantismevintage chaviré : ça fait décontract’, moderne et « sans concession », en plus. Top bobo, quoi. Il y en a plein le blog « alternatif » de Minorités !).

 

Beaucoup d’intellectuels homosexuels font leur petite cuisine verbale en mélangeant des concepts scientifiques déjà existants avec d’autres beaucoup plus récents, pour créer des périphrases néologiques au goût incertain et à la scientificité très discutable. Par exemple, lors de sa conférence du 7 décembre 2011 sur « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris, le professeur en droit Darren Rosenblum propose de créer une « philosophie de genres ». Les tentations nominalistes sont légion dans le milieu associatif et culturel homo ! Certains penseurs LGBT voudraient notamment remplacer la réalité de la différence des sexes par l’expression insensée « la différence des genres ».

 

Sans crainte de basculer dans la philosophie de comptoir, une grande majorité de penseurs homosexuels déroulent des trésors de citations pour noyer leur argumentaire dans les exemples censés le servir… et surtout pour illustrer à leur insu qu’ils sont peu capables de penser par eux-mêmes. Par exemple, Mylène Farmer saupoudre ses chansons de quelques références « intellectuelles » (Egon Schiele, Goya, Sade, Edgar Allan Poe, etc.) prouvant qu’en plus d’être chanteuse, elle lit et elle en a là-dedans ; elle fait ainsi le bonheur de ses fans qui pensent qu’en identifiant des citations d’auteurs « peu commerciaux » (ce qui reste à prouver…) glanées çà et là, ils picorent de la Culture haut de gamme. On peut se cultiver tout en chantant et en se divertissant (et en niquant) ! Merci Mylène !

 

Les critiques qui n’ont pas le courage de dénoncer l’absence de message de la pensée en boîte déversée par la communauté homosexuelle ont tendance à focaliser l’attention plus de l’image scandaleuse que va engendrer l’œuvre de tel intellectuel que de l’œuvre en elle-même : « Ce n’est pas son œuvre qui faisait de Wilde un héros : c’était sa légende » dit-on du dandy britannique le plus connu de tous les temps, et célébré comme la crème de la crème des génies homosexuels (cf. le documentaire « Pierre Louÿs : 1870-1925 » (2000) de Pierre Dumayet et de Robert Bober) ; « On a essayé de suivre les méandres de l’œuvre de Copi et on a vite abandonné parce que c’est infaisable ! Tout est emmêlé, c’est métaphorique… » glose Rabeux sur le dramaturge Copi (cf. l’article « Copi conforme » de Jean-Michel Rabeux, dans le journal Les Inrockuptibles daté du 29 janvier 2002). Par exemple, l’essai Corydon (1905) d’André Gide semble avoir eu le succès de l’image, du scandale, mais n’a pas été jugé concrètement pour ce qu’il disait ; à propos de cet ouvrage, Guillermo de Torre affirme en 1956 que « Corydon n’est pas tant une œuvre absurde qu’une œuvre inutile » (cf. l’article « Anverso Y Reverso De André Gide », dans l’essai Metamórfosis De Proteo (1956) de Guillermo de Torre). Dans son émission Apostrophe du 20 mai 1983 sur la chaîne Antenne 2, Bernard Pivot dit combien le travail du peintre Salvador Dalí repose sur la fanfaronnade : « Dalí, c’est le fric, le scandale, l’esbroufe. » Dans un autre registre, l’écrivaine Christine Angot est davantage connue pour le scandale suscité par son roman autobiographique L’Inceste (1999), et l’étonnement qu’un livre pareil puisse se vendre comme des petits pains, que pour la qualité de ce qu’elle a écrit. Dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, l’excentrique Brüno (un mélange de Steevy et d’Afida Turner, mais à la sauce nord-américaine), affublé de la méritée réputation de « crétin sans talent », joue de son bagou – et par la même occasion de ses déhanchés de mannequin, de sa gueule et de son cul – pour faire illusion sur la bêtise de ses propos et la violence de ses happening.

 

La victoire du paraître sur l’être fait beaucoup de bruit et de sensation, mais tout le monde ne mord pas à l’hameçon. Dans ses articles très connus sur le camp, la philosophe nord-américaine Susan Sontag croque à souhait ce qu’on pourrait appeler la « prétention d’innocence » des artistes camp (homosexuels ou non, peu importe ; surnommés aujourd’hui « artistes des genres » ou « queer ») qui s’attribuent le label d’« intellectuels d’avant-garde » (sans que personne, pas même ceux qui sont censés évaluer leurs productions, ne leur résiste), et qui saturent leurs œuvres d’art de style et de forme pour nous faire oublier qu’elles proposent peu de sens : « Il existe, à mon sens, entre ‘style’ et ‘stylisation’ une différence du même ordre que celle qui distingue la volonté de la bonne volonté. » (idem, p. 64) ; « Mettre l’accent sur le style, c’est faire peu de cas du contenu, ou refuser tout engagement par rapport au contenu. Il va sans dire que le mode de sensibilité exprimé par le Camp est entièrement non-engagé et dépolitisé, ou, à tout le moins, apolitique. » (cf. l’article « Le Style Camp » (1968), p. 424) ; « De nombreux exemples de Camp sont, soit des œuvres ratées, soit des fumisteries. » (idem, pp. 426-427)

 
 

5 – L’importance du CUL-turel

 

INTELLECTUEL cul-turel

 

Comme beaucoup d’intellectuels homosexuels ont souhaité que la sensation prime sur la théorie, ils finissent par confondre intelligence et sentiments, ou raison et pulsion, ou encore culture et CULture, en privilégiant évidemment les secondes : cf. la série québécoise Le Cœur a ses raisons (2005-2007) de Marc Brunet (qui remporte un franc succès auprès du public gay), etc. Par exemple, le réalisateur homosexuel canadien Bruce LaBruce s’autoproclame « philosophe pornographique » (Didier Roth-Bettoni, L’Homosexualité au cinéma (2007), p. 430). Autre cas de figure de l’amalgame entre bite et cerveau : dans le film militant « Trannymals Go To Court » (2007) de Dylan Vade, ce sont les organes génitaux masculins (les « Trannymals ») qui pensent à la place des Hommes et des magistrats.

 

Beaucoup d’intellectuels homosexuels (« en herbe » ou « avec de la bouteille ») réactualisent, le plus sérieusement du monde, la fameuse formule mi-ironique mi-antinomique du tombeur à deux balles qui, pour valoriser l’individu qu’il cherche à séduire, va soutenir qu’il le trouve « physiquement intelligent ». Parmi eux, croyez-moi, il y a énormément d’écrivains qui vivent dans des manoirs ou des hôtels particuliers, qui montrent d’abord qu’ils manient parfaitement bien le latin, le grec et les Belles Lettres, pour ensuite s’autoriser à déblatérer/faire des cochonneries et à décider qu’exceptionnellement pour eux et leur clique d’amants, le « mauvais goût », le « trivial », et le sexuel, sera le nouveau « bon goût », la nouvelle « poésie asexuée », de « l’esprit » ! Il ne faut pas que nous perdions de vue (et pour cela, je vous renvoie à l’éclairant passage sur « les paradoxes du libertin » du code « Liaisons dangereuses » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) que les philosophes homosexuellement pratiquants incarnent tour à tour la célébration excessive de la génitalité et sa négation dans l’intellectualisme ou le volontarisme ascétique. Ils baisent avec leurs lunettes dans une main, un livre dans l’autre ! Ouf… Ça va mieux pour leur conscience ! Ils croient que leur savoir intellectuel les pardonne et les innocente d’être des serial baiseurs et de niquer à droite à gauche : « Mon Prix Nobel me couvre… » (cf. les propos d’André Gide se justifiant de s’accoquiner avec des mineurs dans les Jardins de Rome, cités par Marcel Jouhandeau à l’émission Apostrophe du 22 décembre 1978, sur la chaîne Antenne 2) Mais ils sont comme tout libertin : minables et triviaux quand ils passent à l’acte.

 

N’en déplaisent aux libertins homosexuels qui rêveraient de mettre davantage de poésie et de naïveté dans leurs ébats sexuels, l’intellectualisme homosexuel n’est souvent qu’un épate-amants, qu’une technique de drague pour passer à l’étape du pur cul. Par exemple, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), l’essayiste lesbienne Paula Dumont avoue qu’elle « ne recule devant aucune cuistrerie pour l’éblouir par sa culture » (p. 225) ses nouvelles recrues, et écrire des missives d’amour fleuve pour (re)pêcher ses amantes et les (re)mettre dans son lit.

 

Par ailleurs, j’ai passé 3 ans et demi à l’association homosexuelle chrétienne française David et Jonathan. Et à l’époque, il était question de rebaptiser les temps de rassemblement national – initialement appelés Journées Annuelles de Réflexion (les fameuses JAR) – en un terme moins rebutant et moins intello : les Journées Annuelles de Rencontre. Et le nouveau nom a été finalement adopté. Tout un symbole ! Nous sommes passés de la « réflexion » à l’action (action amoureuse et génitale dans les faits ; « militante » et « amicale » en vitrine). Exit l’intelligence ! (sur le papier, et malheureusement beaucoup dans les débats aussi…). Place à la rencontre, à l’amour spirituel, aux p’tits oiseaux, tout ça… (Bon, ok… : Place au cul !)

 
 

6 – Le pouvoir « intellectuel » de l’argent

 

En lien avec le prétexte de l’art, certains individus homosexuels pensent que la taille de leur portefeuille est proportionnelle à celle de leur cerveau. En d’autres termes, ils se persuadent que leur investissement dans le monde du paraître, des bonnes manières, de la mode, de l’argent, palliera à leur manque de savoir : pire, que la culture s’achète ! Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), le romancier homosexuel Berthrand Nguyen Matoko reproche à son entourage amical et amoureux homosexuel – qu’il appelle les « vautrés dans la culture » (p. 122) – d’avoir perverti l’intelligence et la culture, en en faisant un business juteux et un jeu de drague proche de la prostitution (il décrit notamment « ces hommes qui, à travers promenades et conversations érudites sur les pièces de théâtre, l’opéra, les musées ou les voyages, parlant le plus souvent deux à trois langues, vous font faire un marathon culturel en s’affirmant intellectuels et appartenant à une autre catégorie de gens. Entre eux et moi, l’argent s’imposait c’est vrai. Mais leurs convictions également. »). Cette croyance que l’argent fait la raison est très répandue chez les jeunes loups du « milieu intellectuel homo » actuel, dont les dents rayent le parquet des dance floor, des plateaux télé et des universités.

 
 

e) Non seulement parfois bêtes mais aussi parfois méchants :

 

Le plus effrayant chez ces faux penseurs homosexuels, c’est qu’ils ne se contentent pas de « penser mou » : ils veulent en plus empêcher les autres de penser ! Ils s’attaquent à la fois aux intellectuels de bas étage (qui leur ressemblent et qui ont le malheur de leur faire miroir !), mais aussi aux vrais intellectuels (à qui ils ressemblent peu), en cherchant à leur imposer l’idéologie du relativisme culturel, interdisant purement et simplement de « juger », de faire office de sa raison, bannissant tout discernement de type moral ou éthique, tout discours qui s’énoncerait en termes de bien ou de mal : « C’est parce que je suis philosophe que je ne me permets pas de juger. » (Jean-Jacques Rinieri cité dans l’autobiographie Parce que c’était lui (2005) de Roger Stéphane, p. 56) ; « Je déguisais mon inculture, mon ignorance des classiques, le fait que je n’avais quasiment rien lu de tout ce que les autres avaient lu à mon âge, en attitude hautaine et méprisante à leur égard, me moquant de leur conformisme : ils me traitaient de ‘snob’, ce qui, évidemment, me ravissait. Je m’inventai une culture, en même temps qu’une personnalité et un personnage. » (Didier Éribon racontant ses années universitaires, dans son autobiographie Retour à Reims (2010), p. 179)

 

Ils se démarquent en général de toute forme d’héritage et de tradition, se présentent comme autodidactes, et font du passé table rase. « Pour les ‘nouveaux philosophes’ et d’autres, tout se passe comme si l’exposition de leur rupture ou de leur rejet valait blanchissement. Le passé criminel n’est plus le leur. Ils battent leur coulpe, certes, mais sur la poitrine de leurs adversaires, avant de se déchaîner sur celle de leurs parents. » (Élisabeth Lévy, Les Maîtres Censeurs (2002), p. 23) Par exemple, dans son article « Nietzsche, la Généalogie, l’Histoire » (cité dans Dits et Écrits I, 1954-1988 (2001), p. 1021), Michel Foucault encourage à « faire de l’histoire une contre-mémoire ». Ses propos font un écho parfait à l’essayiste Jacques Henric, qui explique fort justement que dans l’esprit de ces penseurs, « la ‘contre-histoire’ est devenue ‘histoire’ ».

 

Bon nombre d’intellectuels homosexuels interprètent le passé à leur sauce, et s’en prennent à tous les représentants sociaux du savoir et de l’éducation. Ils leur reprochent de trop parler, d’être trop visibles et trop médiatiques, d’être excessivement brillants et orgueilleux, de trop « se la raconter » : « L’Intelligence, notre pire ennemi. » (Jean Cocteau dans le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (2003) d’Edgardo Cozarinsky) ; « Je ne leur fais aucune confiance. C’est une race douteuse. Ils font de leur propre malaise des sujets à historiettes. » (le dramaturge argentin Copi, exprimant son avis sur les romanciers en général, dans l’article « Au Festival d’automne : Copi sur le ring » du journal Le Figaro, daté du 8 octobre 1983) ; « Je viens juste de me rappeler à quel point Tennessee [Williams] détestait coucher avec d’autres auteurs, ou avec des intellectuels tout court. ‘Je trouve très dérangeant de penser que la tête posée sur l’oreiller à côté de vous puisse penser, aussi’, dit l’Oiseau[surnom de Tennessee Williams]. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 350) ; « N’exigez pas de la politique qu’elle établisse les ‘droits’ de l’individu tels que la philosophie les as définis. » (Michel Foucault, « Préface » de L’Anti-Œdipe (1972-1973) de Gilles Deleuze et Félix Guattari) ; « Ce n’est pas le sommeil de la raison qui engendre des monstres, mais plutôt la rationnalité vigilante et insomniaque. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, idem, p. 133) ; etc.

 

Par exemple, le romancier homosexuel argentin Manuel Puig n’a jamais caché, de son vivant, sa détestation des universitaires, et surtout des universitaires nord-américains, détestation qui transparaît notamment dans son roman Maldición Eterna A Quien Lea Estas Páginas (1980). Il craignait notamment les analyses pertinentes de Susan Sontag sur le Camp : « C’est comme si j’en avais peur, ou peur de prendre conscience de certaines choses dont j’ai seulement l’intuition, ou peur de ne pas être d’accord et de sentir qu’elle tripote des choses que j’aime » dira-t-il à Emir Rodríguez Monegal, dans l’article « El Folletín Rescatado, Entrevista A Manuel Puig » (1972), sur la Revista De La Universidad De México, vol. XXVII, n°2, octobre 1975, pp. 25-35)

 

Certains s’improvisent théoriciens pour faire barrage aux théories universelles qu’ils présentent comme archaïques et poussiéreuses. Salvador Dalí, par exemple, élabore la théorie de la « paranoïa critique », qui consiste à lutter contre la recherche de sens ou de dialectique, en énonçant que toute interprétation intellectuelle, même si elle peut être cohérente et méthodique, est délirante. Lors de sa conférence en janvier 2012 au CGL de Paris à l’occasion de la sortie de son essai sociologique Délinquance juvénile et discrimination sexuelle, Sébastien Carpentier critique « le dogme de la différence des sexes » et désigne celle-ci, ainsi que le complexe d’Œdipe, comme des moteurs d’homophobie.

 

Les grands penseurs sont méprisés, à commencer par les grands philosophes du passé, tels que Platon, présenté comme un « vieux » sénile et poussiéreux (Daniel Borillo et Dominique Colas, L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), p. 29). Beaucoup d’intellectuels solides et intègres d’aujourd’hui sont aussi mis à l’index, sur liste noire : Jean-Paul Sartre, Marguerite Duras, Jean-Pierre Winter, Alain Minc, Alain Soral, et tant d’autres. Par exemple, dans son essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010), Natacha Chetcuti jette aux lions un philosophe aussi brillant et doux qu’Alain Finkielkraut (p. 116) : pas assez féministe et gay friendly, peut-être… En août 2014, le jeune romancier homosexuel Eddy Bellegueule et les « philosophes » Geoffroy de Lagasnerie et Didier Éribon traînent en procès de sorcellerie « réactionnaire » le pourtant solide et intègre philosophe Marcel Gauchet en boycottant le rendez-vous des « rebelles » de Blois : c’est le LOL de l’été 2014. Et un sommet de connerie érudite.

 

Les intellectuels homos-bobos ont coutume de dédaigner un écrit ou une pensée originale et profonde en disant que c’est « trop intello » (« capillotracté », ils aiment bien !) ou « trop cliché »… quand en réalité ils n’osent pas admettre qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils lisent… Ils partent en croisade iconoclaste contre les jugements ( = exercice de la pensée), contre ce qu’ils considèrent comme des irréalités monstrueuses rien qu’en les nommant « clichés » ou « stéréotypes » : « Les stéréotypes sont très vivaces, même s’ils ne s’expriment pas directement. […] Ils sont encore vivants. » (Florence Tamagne pendant la conférence-débat « L’Homosexualité, un genre à part ? » au Grand Auditorium de la Bibliothèque François Mitterrand, le 20 janvier 2009). Ils aiment se réfugier derrière la préciosité snobinarde de quelques expressions cassantes qu’ils rêvent inconnues du grand public et super efficaces : « logorrhée », « jauger », « poussif », « verbeux », « téléphoné », « putassier », « prétentieux », « mièvre », « bancal », « sans style », « cheap » (un terme anglais, of course !), « kafkaïen », et bien sûr, « éculé »… tant de mots qui reviennent dans leurs papiers journalistiques d’indignés-qui-contiennent-mal-leur-désarroi.

 

Pour la majorité des « intellectuels » homosexuels qui s’affairent à nier la souffrance humaine (à commencer par la leur !), l’intelligentsia des vrais intellectuels est à la fois Dieu sur Terre – puisqu’elle détient des savoirs qu’ils ne comprennent pas, qui les dépassent intellectuellement, mais qu’au moins ils devinent grands – et le diable incarné : comme elle possède de terrible pièces à conviction concernant les viols qu’ils ont/auraient subis, il n’est pas rare que les vrais savants deviennent les bêtes à abattre de la communauté homosexuelle.

 

Certains tentent un véritable putsch intellectuel ! Par exemple, dans son livre La Psychiatrie doit être faite et défaite par tous (1973), Roger Gentis exprime son souhait que les incultes s’emparent de la culture et la transforment aussi brillamment que les philosophes agréés et les intellectuels professionnels !

 

Comme la majorité des penseurs homosexuels n’ont ni l’écoute ni la douceur qui sied aux bons intellectuels, leur prise de la Bastille (ou plutôt de l’Académie des Lettres, en l’occurrence) s’apparente souvent à un terrorisme d’adolescents attardés. Par exemple, dans le documentaire « Act-Up – On ne tue pas que le temps » (1996) de Christian Poveda, Hervé Gaymard, l’ancien ministre français de la santé, dénonce chez la célèbre association activiste homosexuelle Act-Up les méthodes expéditives de ses « actions », et la qualifie de « totalitarisme intellectuel »… ce que confirment quelques-uns de ses membres : « Act-Up, c’est une société de nettoyage en quelque sorte. »

 

Certains cherchent même à museler leurs contradicteurs au nom de la lutte contre « l’homophobie » : « Légèreté, amusement, aristocratie du goût, intégration… Susan Sontag propose une vision parfaitement fantasmagorique de l’homosexualité en ces années 1960 : soit elle n’a jamais rencontré de gais et de lesbiennes, soit elle ne les a pas écouté-e-s, encore moins compris-es, soit elle passe volontairement sous silence l’homophobie profonde de la société américaine, qui organise une discrimination systématique à tous les niveaux. Susan Sontag s’approprie la parole des homosexuel-le-s en réécrivant leur histoire débarrassée de toute dimension politique. […] Il pèse sur Notes on Camp un soupçon d’opportunisme : les catégories de sexe y sont naturalisées dans leur ordonnance hiérarchisée selon la domination masculine. Les hommes créent ou jouent ; les femmes sont la plupart du temps en situation d’objets ; elles se contentent d’être belles. Il est fort ironique (et donc camp selon les canons de Susan Sontag) que ce soit une femme qui se charge de réaffirmer l’hétéronorme et la domination masculine, encore qu’à la réflexion le sexisme n’est jamais bien loin de l’homophobie ; l’auteure est prise à son propre piège. […] Cet article n’est finalement d’aucune utilité à la compréhension du camp. » (Jean-Yves Le Talec, Folles de France (2008), pp. 98-100) ; « Les plus radicaux ne se cachent pas d’avoir une conception très extensive de la pénalisation de l’homophobie, et ne se gênent pas pour écrire qu’elle ‘ne doit pas se limiter aux seules insultes ou violences, mais doit être élargie à l’homophobie discursive de certain(e)s intellectuel(s) supposé(e)s bien-pensant(s).’ Il s’agit donc bien d’une loi des suspects destinée à interdire toute expression jugée non correcte et même à bâillonner tout contradicteur potentiel, si possible avant même qu’il se soit manifesté, fût-ce de manière discursive. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 127)

 

Et puis au moment de deviner que « les méchants homophobes », c’est un peu eux-mêmes, et pas tellement les intellects non-homosexuels qui essaient de leur expliquer les ambiguïtés de la haine de soi, les « philosophes » homosexuels ont juste envie d’hurler leur mère !!! Mais ça leur passera ;-). Rien n’est dramatique… excepté l’ignorance.

 

INTELLECTUEL 6

 
 

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