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Se proclamer « homo mais pas gay » m’insupporte

Message à vous mes frères homosexuels : se proclamer « homosexuel mais pas gay » m’insupporte au plus haut point. J’entends en filigrane dans cette expression une haine très homophobe de la minorité ou du lobby LGBT (même si cette haine se veut ciblée à une minorité de personnes homosexuelles pour sauver la grande majorité d’entre elles), et une justification de la pratique homosexuelle à partir du moment où celle-ci serait discrète, qui m’agressent. Car la plupart des personnes homosexuelles, maraisiennes inclus, tient ce discours. Et pendant ce temps, personne ne dénonce la violence de la pratique homo, qu’elle soit vécue au grand jour ou discrètement à la campagne. Oui, se dire « homo et pas gay », c’est puant et même pas courageux, car ceux qui le font ne remettent pas en cause leurs propres pratiques sexuelles.

 

Peut-on vraiment parler d’une « communauté homosexuelle » ?

Peut-on vraiment parler d’une « communauté homosexuelle » ?

 
 

Suite à mon article sur Mylène Farmer publié sur ce site, une polémique est née sur la notion de « communauté homosexuelle ». La plupart de ceux qui se sont exprimés m’ont avoué qu’ils ne croyaient pas en son existence, en s’imaginant peut-être qu’à cause de mon (malheureux et très rare) emploi substantivé de l’adjectif « gay » dans le titre, et surtout de mon traitement du thème farmerien, j’y croyais « un peu », voire beaucoup plus que je ne voulais bien me l’avouer à moi-même. Qu’ils se détrompent. Justement, je suis très sceptique quant à son existence, même si je me refuse pourtant à dire qu’elle ne doit pas, d’une certaine manière, être reconnue, en tout cas en tant que désir/fantasme. Je me méfie autant de ceux qui basent tous leurs espoirs sur la « communauté homosexuelle » que de ceux qui n’y croient pas du tout, de ceux qui sont entièrement « pour » autant que de ceux qui sont 100 % « contre ». Pour ma part, je ne suis défenseur ni du « droit à la différence » pour les personnes homosexuelles, ni du « droit à l’indifférence », mais uniquement d’une reconnaissance du désir homosexuel. Et j’ai trouvé intéressant de vous expliquer maintenant mon point de vue.

 

 

La définition de la communauté homosexuelle est finalement une question qu’on aborde très peu. On emploie souvent le terme « milieu » à toutes le sauces sans avoir vraiment cherché à l’expliciter parce qu’on sent bien que la tentative de définition est ardue et que si on regarde ce que cache ce terme fourre-tout, on a bien des surprises ! Le « milieu homosexuel » n’est pas aussi pire, insensé, inexistant, ou réel, qu’on le rêverait.

 

Communément, par « communauté homosexuelle » – on dira plus facilement « milieu homosexuel » d’ailleurs… –, on parle des bars, boîtes, discothèques, clubs, saunas, locaux associatifs, bref, de toutes les infra-structures marchandes ou collectives proposées à une clientèle spécifiquement homosexuelle ou gay friendly. Pour la plupart, il s’agit de lieux situés en milieu urbain, des espaces du ponctuel et de la nuit. En aucun cas des endroits de vie quotidienne, où l’on désire demeurer longtemps. En général, le terme « milieu » est connoté très négativement, surtout dans la bouche de ceux qui pourtant ont les deux pieds dedans et qui y font des actes qu’ils ne veulent pas assumer. Le « milieu », lieu de l’ombre et de l’invisible (que tout le monde proclame pourtant réel !), où soi-disant personne ne va (sauf « les autres », les personnes homosexuelles paraît-il les plus débauchées, artificielles et désespérées qui soient), exutoire de toutes nos projections négatives sur l’homosexualité, extensible à l’infini (parcs, piscines, aires d’autoroute, pissotières, bosquets, et maintenant, grâce à Internet, à tous les lieux possibles inimaginables où deux personnes s’avouent de manière plus ou moins assumée leur désir homosexuel.), n’est pas si imaginaire que cela ! Ce n’est pas parce qu’il n’est pas aimé et qu’il est constamment renié qu’il n’existe pas. J’ai essayé de donner une définition de ce que je crois être « le milieu homosexuel » dans le tome 2 de mon livre, Homosexualité sociale : « C’est un terme hypocritement flou, désignant stricto sensu les établissements gay friendly spécialisés, mais qui pourrait tout à fait s’étendre d’une part à n’importe quel endroit public improvisé – et, surtout grâce à Internet, à tout lieu de vie où l’Homme désire se mythifier –, et d’autre part à toute personne croyant en la vérité du désir homosexuel »[1]. J’écris presque tout le temps « le milieu homosexuel » avec des guillemets, comme s’il existait plus dans les mots et en fantasmes que concrètement. Entre le nommer comme une réalité ou dire que c’est une projection fantasmatique, mon cœur balance. Pour moi, l’homosexualité est d’abord un désir ; parfois une réalité fantasmée choisissant pour cadre social et institutionnel la « communauté homosexuelle ».

 
 

I – Doit-on parler d’une « communauté homosexuelle » ? PAS VRAIMENT.

 
 

Je vous propose 7 raisons pour lesquelles on pourrait s’opposer à la « communauté homosexuelle », et même dire qu’elle n’existe pas.

 
 

1 – Le supermarché

 

Certains disent à raison que la « communauté homosexuelle » est un concept essentiellement marketing et publicitaire, qui existe davantage en intention et dans le monde télévisuel que dans le réel, qui repose sur des intérêts économiques plus que sur des personnes réelles (la cible gay étant économiquement intéressante : les personnes homosexuelles sont des prescripteurs de mode, voyageant plus, sans enfants, ayant plus d’argent et de temps libres, etc.), et vont jusqu’à tracer des ponts entre le système prostitutif et la « communauté homosexuelle ». Il est certain que, même si la monnaie d’échange qui circule dans ces lieux d’homosociabilité n’est pas nécessairement l’argent (mais plutôt la beauté, le sexe, la tendresse, l’affection, les drogues, les sentiments, l’image, la sincérité…), la consumérisme est très marqué dans ces temples marchands élevés en l’honneur de « l’amour qui n’ose pas dire son nom ».

 

 
 

2 – Le désert

 

On ne peut pas vraiment parler de « communauté homosexuelle ». Les personnes homosexuelles qui fréquentent les infrastructures du « ghetto gay » sont infiniment moins nombreuses que celles qui composent l’ensemble des personnes homosexuelles vivantes sur cette planète. Ce qu’on appelle la « communauté homosexuelle » n’est qu’un échantillon minuscule de ce qu’est la population homosexuelle mondiale réelle. Elle ne représente pas l’éventail très divers des individus homosexuels (… et pour autant, n’en déplaisent aux défenseurs universalistes de Kinsey et aux amateurs de statistiques, je me suis toujours demandé comment on pouvait savoir avec certitude que 10 % de la population mondiale était homosexuel…).

 

Autre point important : le « milieu homosexuel » actuel souffre d’une réelle désertion – même si elle est moins marquée que ce que dit la légende, puisque si certains sites Internet ou sex-shops existent, si les revues consacrées à l’homosexualité se multiplient, c’est bien qu’ils correspondent à une demande (peut-on alors parler de la « communauté homosexuelle » comme une « minorité réelle mais invisible » ?). Et je peux vous l’assurer pour l’avoir vu de mes propres yeux : très peu de personnes s’impliquent dans l’associatif homosexuel (les jeunes militants homosexuels sont rares… comme si l’engagement associatif n’était réservé qu’aux « plus-de-35-ans », aux hommes « casés », ou aux « pauvres types ») ; très peu s’intéressent à la culture homosexuelle en général et se déplacent dans les théâtres, les librairies, et les cinémas ; très peu sont concrètement prêts à défiler à la Marche des Fiertés (… et si les personnes homosexuelles se rendent par miracle présentes à l’événement, elles font partie des invisibles badauds noyés dans la foule). Très peu de personnes homosexuelles se reconnaissent et se sentent chez elles dans ledit « milieu », y compris les noctambules qui y traînent assez régulièrement. La « communauté homosexuelle » ressemble à une maison inhabitée, boudée par ceux pour qui elle a été construite, où on ne se rend que le temps de trouver chaussure à son pied et qu’on se dépêche de fuir une fois servi. C’est davantage le lieu de la misère affective que de la rencontre de l’amour vrai (Si tout allait bien dans notre vie, est-ce qu’on serait là comme des âmes en peine à errer pendant des heures sur des chat homos et à perdre notre temps en boîte ? Sûrement pas). L’amitié dans le « milieu homo » est rare et menacée : certes, on y retrouve des « copains », de « bons potes » (voire des « potes de sexe » : j’adore cette expression… LOL), une camaraderie communautaire bon enfant le temps de « soirées pétasses » délirantes ou du sympathique carnaval qu’est la Gay Pride… mais peu de vrais amis qu’on peut appeler à tout moment quand ça ne va pas. Les réseaux amicaux homosexuels sont fortement menacés par la drague et le manque de gratuité dans les rapports. C’est la raison pour laquelle la « communauté homosexuelle » est un désert où il fait bien froid…

 
 

3 – L’étiquetage homophobe

 

Comme l’a largement démontré Michel Foucault et bien des penseurs des Queer and Gender Studies, croire en l’existence d’une « communauté homosexuelle », c’est, quand on y réfléchit bien, homophobe (c’est sûrement ce qui fait dire à David Halperin que la défense de l’identité/communauté homosexuelle est à la fois « nécessaire » et « politiquement catastrophique »…). Cela revient à créer une différence fondamentale entre les individus homosexuels et le reste de l’humanité pour les isoler davantage, à instituer artificiellement des « espèces d’êtres humains » (« les homos », « les hétéros », « les bis », « les trans »…). Je dis « artificiellement » car une particularité n’est pas un tout, ne constitue pas une essence (d’identité ou d’amour). Elle ne suffit pas à créer une catégorie d’individus ou une nouvelle civilisation. Cette démarche de parquer les personnes ressentant un désir homosexuel à l’intérieur d’une nomenclature anthropologique restreinte est d’autant plus choquante que le classement s’opère prioritairement selon leurs élans sexuels et leurs pratiques génitales – sans prendre en compte que ces mêmes personnes ne sont pas que « sexuelles » justement, mais aussi aimantes, affectives, tendres, sensuelles, amicales, fraternelles, intellectuelles, artistes, etc. Les personnes homosexuelles se voient réduites à leur seul désir homosexuel et aux actes (d’abord génitaux) que celui-ci est censé provoquer « logiquement ». On les prive de leur liberté pour mieux les étiqueter, les ranger sur un étalage de supermarché, et les stigmatiser, même si au départ cela partait d’une bonne intention de la part des scientifiques pro-gay de la fin du XIXe siècle. Les personnes ressentant un désir homosexuel sont bien autre chose que des homosexuels : elles portent un prénom, sont un Tout complexe, à la sexualité évolutive, ont une vie sociale à côté de leur vie affective, amoureuse, et génitale. Elles se définissent bien au-delà de leurs envies et de leurs désirs sexuels (aussi durablement inscrits soient-ils parfois), et même si l’orientation sexuelle conditionne assurément une part importante de leur identité d’homme ou de femme, de leurs occupations, de leurs goûts, et de leurs réseaux de rencontres. Le monde ne se partage pas en deux, « les homos » d’un côté et « les hétéros » de l’autre, contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire à l’heure actuelle (la seule différence fondatrice de l’humanité est celle qui distingue les hommes et les femmes ; point barre). L’adjectif « homosexuel » résume le désir homophile à un élan instinctif, compulsif, et incontrôlé… alors que l’expérience amoureuse homosensuelle peut revêtir un caractère beaucoup plus noble. Le terme « homosexuel », quand il est adjectivé, ou pire substantivé, gomme l’affectivité, l’amour, la tendresse, l’amitié, permis par l’homophilie. Il réduit les individus à leurs actes et à leurs désirs généralement génitaux, alors qu’il existe mille et une façons de vivre son désir homosexuel de manière plus pacifiée, hors des cadres prévus pour les « accouplements ». Donc on comprend ici ce que la notion de « communauté homosexuelle » a de déshumanisant et de caricatural. En créant des typologies d’individus désirants, on tue le désir homosexuel et les hommes qui en font l’expérience au nom de ce même désir qu’on a personnifié arbitrairement. Quel désagréable quiproquo…

 

 
 

4 – Les limites de l’« identité homo »

 

On peut difficilement parler de « communauté homosexuelle » puisque par définition, une préférence – et la préférence sexuelle en est une – n’a jamais été en soi excluante, même si, de fait, elle hiérarchise nécessairement les choses. Par exemple, ce n’est pas parce que je me sens homo que je ne vais plus parler aux personnes qui ne partagent pas mes attirances sexuelles, et que je ne vais fréquenter que des gens qui soi-disant me ressemblent. Ce n’est pas parce que je me sens homosexuel que je vais forcément me trémousser sur les Village People, m’inscrire à des « croisières pour homosexuels » (« Love Boat, exciting and new… »), acheter Têtu tous les mois, et être tenu de vivre mon homosexualité tel que soi-disant toutes les personnes homosexuelles la vivent (passage obligé du coming out ; ordre de multiplier les aventures sexuelles avant de trouver « le bon » et pour avoir de « l’expérience » ; injonction à cautionner toutes les revendications politiques et juridiques du militantisme homosexuel, etc.) De même, ce n’est pas parce qu’une boîte accueille une clientèle prioritairement gay friendly ou « gay et lesbienne », et qu’elle tient à juste titre à garder son étiquette, qu’elle doit basculer dans un racisme misogyne ou « anti-hétéros ». La souffrance, le rejet, la discrimination sociale à l’encontre des personnes homosexuelles (si elle existe autant qu’on le dit : cela reste dans beaucoup de cas à prouver…), le statut de minorité, bref, tout ce qui sert de bon bois pour la victimisation, ne fournissent aucun passe-droit ni excuse pour s’isoler et exclure à son tour.

 
 

5 – La dureté du « milieu »

 

Il est important de refuser le communautarisme homosexuel, au même titre que tous les autres communautarismes humains, y compris s’il est érigé au nom de beaux principes humanistes (toute dictature humaine s’est historiquement annoncée sous les hospices de l’amour, du progrès, de la culture, de la liberté, et de la lutte contre le despotisme…). Même si au départ il apparaît comme un refuge, le « milieu homosexuel » est susceptible de se transformer en mini-dictature. Aucun groupe humain, même s’il émane d’une minorité, n’est à l’abris du sectarisme, d’autant plus quand il fait de la lutte contre le totalitarisme des « puissants » ou de la « majorité » (hétérosexuelle, bourgeoise, homophobe…) son cheval de bataille pour ne pas se voir reproduire les sectarismes condamnés chez « les autres ». Comme l’affirme à juste raison Frédéric Martel dans Le Rose et le Noir (1996), « la dictature de la majorité n’est pas plus enviable que la dictature des minorités. »[2] Presque la totalité des personnes homosexuelles vous l’assurera : il se vit une forte exclusion dans ce que nous appelons, faute de mieux, le « milieu homosexuel ». En son sein, les moyens mis en place pour créer de vrais espaces d’expression sont apparemment suffisants mais concrètement inefficaces, sûrement par manque de volonté chez ses membres de se rencontrer sans se consommer/détruire. Dans les associations, la prise de parole se destine davantage aux « actions » militantes et à l’idéologie de la conquête ou de l’émotionnel qu’aux individus qui s’y trouvent. À l’intérieur des bars, des boîtes et sur les chat Internet, le dialogue y est également très limité et sclérosé par la drague. Par ailleurs, il existe un décalage vertigineux entre ce que nous pouvons voir sur les chaînes de télévision ou les magazines proposés à la clientèle homosexuelle – dignes de la plus mauvaise presse féminine –, et les aspirations profondes des personnes homosexuelles. Les réalisateurs gay essaient parfois d’atténuer à l’écran la cruauté du cérémonial de la drague homosexuelle en montrant des beaux gosses repentants et gentils avec leur amant moins beau ou moins jeune qu’eux. Mais rien n’y fait. Les individus homosexuels sont souvent extrêmement sectaires entre eux, envers les « folles », les personnes travesties, transsexuelles, lesbiennes, âgées, jeunes, séropositives (communément appelés « les plombés »), et surtout les sujets homosexuels étiquetés « homophobes », autrement dit les personnes bisexuelles, celles qui viennent leur révéler que l’homosexualité est prioritairement une réalité mythique. Quelques rares films osent tout de même montrer l’envers du décor (le court-métrage « D’un trait » (2004) d’Alexis Van Stratum est à ce titre exemplaire). Malheureusement, ils sont en général récupérés dans le but de cultiver chez les personnes homosexuelles qui se disent « hors-milieu » le mythe du prince charmant homosexuel ou de leur supposée différence radicale avec le commun des habitants « du milieu ». Yves Navarre avait raison de dire que les personnes homosexuelles sont « bien plus racistes avec elles qu’on ne l’est avec elles ». Trop occupées à fuir leurs propres problèmes personnels dans un pathétisme mou, des délires forcés, un désir de se démarquer des autres, et un consumérisme égoïste, elles ne s’aident pas souvent entre elles. Elles n’ont qu’une envie : s’éloigner les unes des autres. « J’ai pour amis des folles comme moi, des amis pour passer un moment, pour rigoler un peu. Mais dès que nous devenons dramatiques… nous nous fuyons. Chacune se voit reflétée dans l’autre, et est épouvantée. Nous nous déprimons comme des chiennes, tu peux pas savoir. »[3] Il est difficile de rencontrer dans la « communauté homosexuelle » une seule personne homosexuelle qui se sente vraiment à sa place, même parmi les habitués des bars et des associations. La majorité des individus homosexuels ne sont pas dupes. Ils expérimentent, dès qu’ils arrivent dans la communauté gay, un profond décalage entre leurs idéaux d’amour et les réalités relationnelles décevantes qu’ils y vivent, quand bien même ils savent pertinemment que les modes de vie homosexuels observables dans les bars et sur les réseaux virtuels ne sont pas généralisables à l’ensemble du « milieu ». La plupart du temps, ils tombent de très haut. C’est pourquoi, pour figurer la « communauté homosexuelle », certains artistes mettent en scène un enfer folklorique, bien après avoir cherché désespérément un éden gay dans une contrée fantôme… en Grèce et en Rome Antiques, pendant la Renaissance, sous le Japon des samouraïs, à la Belle Époque, dans les années 1960, dans l’actuelle Thaïlande, en Angleterre, sur l’île de Lesbos, à Castro, à Sitges, à Capri, à Dinah Shore, dans leur jeunesse, dans leur vieillesse, … quoi qu’il en soit, « ailleurs ». En réalité, le « milieu homosexuel » n’est ni aussi terrible qu’ils le disent – il y a bien des boîtes glauques pour personnes hétérosexuelles également – ni aussi banal. Bon nombre de personnes homosexuelles nous mettent en garde contre l’expérience d’Internet et des nuits dans les établissements gay et lesbiens : « Il y a une vraie violence à ouvrir la porte de ces lieux. »[4] Elles vivent douloureusement le formatage qu’elles s’imposent par la culture marchande homosexuelle. Mais l’impression d’enfer est chez elles souvent teintée d’amnésie, comme le montrent les propos d’Hervé Guibert : « Le sauna de la Kleiststrasse hier soir : une expérience du dégoût. Dégoût pour les corps, dégoût pour le lieu, dégoût pour les pratiques (…). (L’aisance, l’indifférence de T. dans tous ces endroits). »[5] Il me semble important de rajouter que si le « ghetto gay » est tel qu’il est actuellement, ce n’est pas uniquement à cause d’un groupuscule réduit de personnes homosexuelles. Le malheur d’une minorité est toujours universalisable, et les sociétés « hétérosexuelles » (et surtout humaines !) ont très certainement à répondre de la construction d’infrastructures déshumanisantes dans lesquelles certains individus ont accepté de s’enfermer et de se détruire en cadenassant leur révolte intérieure.

 

 
 

6 – La faiblesse du désir homosexuel

 

La « communauté homosexuelle » existe-t-elle ? Pas vraiment. Sa construction et sa consolidation ont quelque chose d’un peu artificiel et de forcé, ressemblent plus à un rêve euphorique d’intellectuels qu’à une réalité observable sur le terrain, puisque l’idée même de « communauté homosexuelle » est née d’un courant de contre-culture fondé sur « l’anti- » plus que sur une identité positive et bien établie (tous nos désirs ne sont pas des réalités, y compris nos désirs sexuels). Il n’y a que dans des films comme « Harvey Milk » (2008) de Gus Van Sant où l’on peut voir des foules LGBT nombreuses, priantes, unies, et puissantes. Il faut le reconnaître, la communauté homosexuelle n’est pas solide. D’une part parce qu’elle émane d’une minorité, et d’autre part parce qu’à mon avis, le désir homosexuel est un élan plus artificiel et divisant que profond, unifiant, et créateur de réalités durables et heureuses. Il n’est pas fort par nature ; et surtout, comme il est un élan traduisant une idolâtrie et un désir d’être objet sacré inerte, il est paradoxal et s’oppose souvent à lui-même. Il appelle toutes les personnes qui le ressentent à la fois à s’identifier à ces êtres mythiques – cinématographiques et médicaux – que sont « les homosexuels » et « les hétérosexuels » (créés à la fin du XIXe siècle, et qui au départ, je vous le rappelle, signifiaient la même chose[6]) et à s’en désolidariser tout aussi passionnément. C’est pour moi ce qui explique qu’il a toujours été très difficile de fédérer les personnes homosexuelles autour d’événements tels que Stonewall (présentée comme une nouvelle prise de la Bastille), de la lutte contre l’homophobie, des droits législatifs « des homosexuels », d’associations, des Marches des Fiertés, et de l’idée même d’homosexualité. C’est dommage, mais c’est souvent un fait : les personnes homosexuelles ont en général du mal avec le collectif. Il y a 6 années de cela, j’avais fait le test de demander à mon groupe d’amis homos d’Angers ce que voulais dire le sigle « PaCS ». Nous étions 6 et avions tous entre 22 et 26 ans. Aucun n’avait su me répondre. La grande majorité des personnes homosexuelles ne s’intéressent pas à leur supposée « culture », à la course aux « droits pour les homos » qu’une minorité de militants réclament à corps et à cris parce qu’ils les rêveraient indispensables pour leur majorité minoritaire (« au moins pour avoir le droit de les refuser » disent-ils…). Elles n’aiment pas leur désir homosexuel, car il est en effet plus divisant qu’unifiant. Le problème n’est pas qu’elles ressentent cette gêne à son contact, mais qu’en général elles ne cherchent pas à l’expliquer. Au contraire, elles ont tendance à la camoufler/justifier par un identitaire de pacotille (la croyance en « l’Homosexuel » mythique et en une « espèce homosexuelle » inexistante), par un communautarisme exacerbé (« la communauté homosexuelle »), ou par un pastiche d’amour (le couple d’« amour » homosexuel).

 
 

7 – Les faibles alibis

 

Le dernier point qui fait pencher la balance vers la thèse de l’inexistence de la « communauté homosexuelle », c’est que l’idée de « milieu homo » repose essentiellement sur des peurs et leur extériorisation sur un ennemi appelé « homophobie », ou bien sur des désirs très primaires de drague ou de séduction donjuanesque. Bref, sur des fantasmes ; non sur une réalité systématiquement actualisée. Donc fatalement, un univers qui choisit l’orientation sexuelle comme principal dénominateur commun entre les individus, en mettant les pulsions et les envies sensuelles au centre, en délaissant très souvent l’affectivité, l’amitié, ou l’engagement qui pourrait canaliser ces dernières, se transforme au mieux en agence matrimoniale, au pire en « baisodrome ». Une communauté a sa raison d’être quand elle se fonde sur une identité réelle, stable et évolutive à la fois, vivante et brûlante comme l’humain ; et d’autre part si elle repose sur l’amour. Or, le fait que le désir homosexuel arrive à composer à lui seul une identité est très discutable ; et la notion d’amour homosexuel, dans bien des cas, est assez peu évidente également… Par ailleurs, ceux qui disent que la « communauté homosexuelle » existe l’énoncent comme une réalité par défaut, forcée (comme ils diraient qu’ils ne défileront jamais à la Marche des Fiertés, même s’ils la jugent quand même « nécessaire… quelque part »). Ils la veulent en théorie ; pas en pratique. Ils justifient leur croyance en elle dans une optique de résistance ; pas avec leur cœur, leurs actes, leur présence concrète, et leur foi en quelque chose qui les enthousiasme. Une communauté à prétention culturelle telle que la « communauté homosexuelle » a donc peu de chances de tenir si elle a pour seul renfort de si lâches défenseurs…

 

 
 

II – Doit-on parler d’une « communauté homosexuelle » ? UN PEU QUAND MÊME.

 

Voilà 6 raisons pour dire qu’on ne peut pas nier l’existence d’une « communauté homosexuelle »…

 
 

1 – Un passéisme douteux

 

L’idée selon laquelle la « communauté homosexuelle d’aujourd’hui n’existe pas » me laisse dubitatif. Elle se base sur un pessimisme en partie injustifié, un mépris quasi-systématique de la jeunesse homosexuelle, et vient de personnes homosexuelles nostalgiques qui déclarent un peu vite la mort de la « communauté homosexuelle » actuelle (« Qu’avons-nous fait de l’esprit de Stonewall ?… » ; « Ce qui est sûr, c’est que c’était mieux avant… » ; etc.) pour mieux idéaliser la « communauté homosexuelle d’antan » (qui, concrètement, n’était pas plus heureuse et établie que celle de maintenant…). Faut-il baisser aussi vite les bras face à une mouvance sociale aussi récente, qui est en pleine construction, et qui, parce qu’elle se joue au présent et au futur, est nécessairement fragile ? (… même si on peut quand même craindre que la « communauté homosexuelle » soit perpétuellement « en travaux » tant la lenteur, la fatigue, et le manque d’enthousiasme, qu’elle suscite chez ses habitants se font concrètement sentir…)

 
 

2 – Le rêve illusoire d’uniformité

 

De plus, il ne suffit pas de prétexter l’extrême diversité de la population homosexuelle pour dire qu’elle n’existe pas. On entend souvent dire qu’« il n’y a pas une mais des communautés homosexuelles », comme si on sous-entendait que pour cette raison elle n’existait pas. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas réduire tous les membres d’un groupement humain en une seule personne, ou qu’on se force actuellement à mettre tout au pluriel (« Diviser pour mieux régner », ça vous dit quelque chose ?), que ce groupement n’existe pas et qu’il n’est pas à définir. Cette famille homosexuelle, même si elle n’a pas la force de la famille de sang puisqu’elle est avant tout symbolique, même si elle est particulièrement turbulente, comporte plusieurs membres et garde malgré tout une unité désirante. Pourquoi alors souhaiter la voir fondre dans la masse ?

 
 

3 – Un déni des pratiques personnelles

 

À mon avis, il faut défendre un peu plus la réalité de la « communauté homosexuelle ». Car ceux-là mêmes qui disent que le « milieu homo » existe sont les mêmes qui, quand cela les arrangent, déclarent sa disparition, pour ne pas se rendre responsables des actes qu’ils accomplissent dans certains lieux d’homosociabilité qu’ils diabolisent, et pour se voiler la face sur les relations d’« amour » éphémères qu’ils y vivent et qu’ils rêvent hors du commun. Faire du lieu de la dépravation – où soi-disant on n’attendait vraiment pas l’émergence de l’amour – « la Scène du Miracle de l’Amour » est un fantasme classique des esprits bobos homosexuels qui se nourrissent du mythe du prince charmant sans se l’avouer à eux-mêmes (le mythe « Pretty Woman » : je vais prouver que la prostitution, c’est quand même beau ; qu’on peut aimer n’importe où ; que l’amour n’a pas de règles ni de frontières ; qu’aimer un prostitué et l’éduquer à l’amour, c’est le plus bel acte de charité qui existe ; etc.). Ces romantiques à deux balles cachent leurs vils instincts sexuels, leur naïveté cucul d’esthètes dépressifs, et leur obsession de la beauté, par une fausse surprise travaillée, une recherche de l’âme-sœur où règneraient la tendresse, les affinités intellectuelles, la complicité dépassant le contrat initial client/prostitué (« Ce que je vis, même si ça ressemble à un plan, c’est pas que du cul… »). Moins l’espace se prête à la rencontre de l’amour, plus ils se figurent que c’est là qu’ils vont justement trouver l’amour vrai (« D’habitude, c’est pas mon genre d’aller dans ce genre d’endroits… ; en plus, ce soir-là, j’avais prévu de rester chez moi… » ; « J’l’ai rencontré dans un sauna. Pourtant, tous les deux, on n’est pas du tout ‘milieu’. »). Ils pensent réaliser l’exploit que leurs voisins « débauchés » n’arriveront jamais à accomplir, être les exceptions qui confirment la règle « du milieu ». La rencontre a lieu dans un sauna ? sur un lieu de drague ou de prostitution ? sur Internet ? dans la tristesse et la misère affective ? C’est donc un gage de qualité ! C’est un signe que l’amour est là (puisqu’il ne doit pas être là) ! Paradoxe qui se vit aussi dans les sectes religieuses : plus c’est gros, plus ça passe ! On constate ici que beaucoup de personnes homosexuelles « honteuses » s’arrangent pour faire du « milieu homo » un espace irréel où les corps sont présents mais vidés en partie de conscience, une nation de zombies qui agissent sans se regarder agir, car elles-mêmes désirent vivre sous le prisme réducteur de leurs bonnes intentions de Mère Teresa (Mère Teresa version nihiliste/hédoniste). Pour ma part, je m’oppose à cette vision homophobe et dénégatrice de la « communauté homosexuelle ». Je revendique l’existence du « milieu homo », ne serait-ce que parce qu’il y a des actes peu glorieux qui s’y déroulent, des actualisations du désir homosexuel ou de la croyance diabolisée et magique en la « communauté homosexuelle » qui sont à reconnaître, un contexte violent et des pratiques à dénoncer.

 

 
 

4 – La paranoïa du groupe

 

Par ailleurs, je considère que l’idée de « communauté homosexuelle » peut avoir du sens, dans la mesure où il n’y a pas lieu d’associer automatiquement « communauté » avec « communautarisme » (même si parfois, la frontière entre les deux est mince). Rien ne sert d’être paranoïaque en cultivant cet amalgame. Quand on rentre dans des boîtes homos, des librairies homos, des boulangeries homos, ce sont toujours des personnes humaines et bien uniques que nous rencontrons. Et notre pain, même acheté au Marais, n’en sera pas moins du pain ! Toute communauté humaine, ayant pour fondement une identité réelle, humanisante, porteuse de vie et d’amour, est légitime et à défendre (le problème, c’est bien que l’identité homosexuelle soit une réalité hybride – je les appelle les « réalités fantasmées » –, c’est à dire à la fois réelle et mythique, aimante et violente…). Une société qui laisse ses membres se réunir de temps en temps selon les affinités, les préférences, les sexes, les âges, les croyances, les goûts, et les activités, est une société démocratique où il fait bon vivre. Nous avons besoin des communautés, de cadres institutionnels qui canalisent les énergies humaines et les font se rencontrer. Sans communauté, pas d’entraide, pas d’échanges, pas de découvertes, moins de force. La « communauté homosexuelle », si elle était plus aimante, mériterait qu’on la soutienne et qu’on y croit.

 

 
 

5 – Les bobos bisexuels et leur philosophie de la « Cool Attitude » désexualisante débarquent…

 

À l’heure actuelle, les personnes homosexuelles ont fort à faire pour défendre la réalité de la « communauté homosexuelle », car il existe en son sein de nouveaux courants assez puissants qui s’affairent à l’anéantir au nom d’un éclatement identitaire cristallisé autour de la Queer Theory et présenté comme unique vérité de la sexualité humaine. Souvent, le rejet homophobe des personnes homosexuelles est exercé précisément par les individus homosexuels qui déclarent que la « communauté homosexuelle » n’a pas de raison d’être, qu’elle est trop visible lors des Gay Pride, qu’elle est trop « cliché », que la revendication d’une « fierté homosexuelle » est aussi absurde que la revendication d’une « fierté hétérosexuelle », ou par ceux qui tracent de manière manichéenne une frontière bien nette entre les personnes homosexuelles « hors milieu » et celles « intra milieu » (… en prenant bien soin de se placer du « bon » côté de la barrière, évidemment). Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette forme d’homophobie vient également des « hétéros » acquis à la « cause gay », et qui, dans un universalisme bien pensant, vont dire mollement que ni la « communauté hétérosexuelle » ni la « communauté homosexuelle » n’existent « puisque l’important, c’est d’aimer » et de « transcender ces étiquettes catégoristes de la sexualité » dans un grand élan communionnel. Leur vision de la sexualité est positive et optimiste en apparences, puisqu’ils chantent l’ouverture, la surprise, l’abandon. Mais dans les faits, elle traduit un fatalisme face à l’amour, puisque ces poètes au romantisme chaviré et à l’universalisme « cosmique » désincarné ne conjuguent pas ce qu’ils appellent « l’ouverture » avec la reconnaissance concrètes des différences et des identités (par exemple ils ne font pas la distinction entre un couple homme-homme et un couple femme-homme… alors que sur le terrain, on voit bien que cela ne rend pas pareil), « la surprise » avec l’émerveillement (pour eux, l’amour est despotique, il s’impose comme une foudre, et les individus sont commandés par l’instant, les circonstances, leur ressenti, l’assouvissement de leurs envies immédiates, « parce qu’en matière d’amour, il ne faut jurer de rien… »), « l’abandon » avec la confiance et l’engagement (pour eux, l’amour vrai, à vie, unique et heureux, n’existe pas : c’est « facho », « dangereux », « idéaliste » et « vieux jeu » que d’y croire). Au contraire, ils élèvent le doute et la confusion en dogmes, l’anticonformisme et l’individualisme en mots d’ordre, le refus de l’existence d’une vérité universelle en poncif. Actuellement, un certain courant queerisant et « boboïsant », qui séduit de plus en plus les partisans d’une nouvelle manière de penser la sexualité, voudrait que nous ne soyons ni vraiment homme ni vraiment femme[7], ni hétéro, ni gay, ni lesbienne, ni bi, ni trans, mais uniquement des « amoureux » qui accueillent l’amour comme il vient et s’impose à leur subjectivité, des êtres désincarnés et hédonistes, des anges asexués, des purs esprits « libres », des révolutionnaires vivant hors des cadres pré-établis par la tradition et méprisant le concept de « communauté sexuelle », des aventuriers du plaisir dont le seul but amoureux est la jouissance immédiate, l’extase, la recherche d’affection, de tendresse, de câlins, de ressentis sincères et intenses, des êtres humains aimant qui ils veulent quand ils veulent, ne devant ni s’engager durablement en amour ni rendre compte de leur(s) choix sexuel(s) et amoureux à la société… En réalité, ce courant de pensée libertaire, fortement bisexuel et asexualisant, voudrait la mort de la sexualité et des corps. Les fameux partisans du « L’amour n’a pas de sexe (car l’amour, c’est d’abord une Personne, une Rencontre, etc. etc.) » n’ont pas tort à la base en soutenant cela, mais à force d’absolutiser cette vérité, ils ont la bêtise de croire que l’amour et sexe sont indépendants (alors qu’en réalité, ce n’est pas parce qu’ils sont distancés qu’ils sont en rupture, ou, ce qui revient au même, en fusion). L’insipide message d’espoir que ces esprits bobos à la sexualité floue et adolescente veulent annoncer à la Terre entière (…et surtout à leur élite de « gens de Goût »…) comme une « vérité universelle profonde… mais qui se passe de commentaires » tient en une phrase : « Chacun est libre de faire sa propre expérience de l’amour et de le réinventer » Ce qu’ils se gardent bien de dire, c’est justement ce qu’ils mettent derrière le mot « liberté », car la plupart du temps, ils n’y incluent rien. Il reste pour eux synonyme de « confort », de « je fais ce que je veux » (alors que la vraie liberté implique la reconnaissance des limites de celle-ci, la nécessité de l’engagement et du renoncement, la prévalence de la volonté sur les sentiments, etc.). Et généralement, l’idée de la liberté de ces « poètes autodidactes des temps modernes » qui se prennent pour Dieu est très évasive et vise à détruire les cadres qui permettraient justement de faire l’expérience concrète de la profonde liberté. Alors on pourrait se dire que cette défense d’un « droit à l’indifférence » et de la destruction de la « communauté homosexuelle » est la meilleure garantie contre toutes les dérives sectaires du communautarisme. En matière de choix sexuels, chacun verrait midi à sa porte, dans une sorte de « démocratie de l’indifférence mutuelle », sous prétexte de défendre la vie privée, une sexualité-self-service, et la sacro-sainte « liberté individuelle ». Mais la demande du « droit l’indifférence » n’est-elle pas l’extrême inverse du non moins absurde « droit à la différence » ? Je crois que oui.

 

 
 

6 – L’attaque suspecte des clichés

Même si l’identité homo est en soi une mini-farce, car le désir homo ne s’actualise pas systématiquement et de la même manière selon les individus, elle doit quand même être prise en compte en tant que réalité probable du fait d’être désirée vraie, et des conséquences concrètes et collectives de cette croyance, l’une de ces conséquences étant les concepts de « communauté homosexuelle » et de « culture homosexuelle ». Or actuellement, la « communauté homosexuelle » médiatique fomente de discrets autodafés, en détruisant les œuvres homo-érotiques qu’elle avait jadis créées, pour ne nous montrer que des versions édulcorées et peu réalistes des couples homosexuels – que quelques années après elle reniera très certainement en ordonnant leur disparition –, au nom paradoxalement de la sauvegarde et de la construction du patrimoine culturel homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles s’en prennent aux images médiatiques de l’homosexualité car celles-ci les renvoient à leur désir homosexuel, et parfois aux réalités fantasmées désagréables qu’il a engendrées. Certains films et des pans entiers de la réflexion sur l’homosexualité menée à des époques dites « obscurantistes » sont en ce moment même mis à l’index parce qu’ils feraient partie de la production artistique de la honte homosexuelle (cela est tout à fait paradoxal, surtout à l’heure où des chercheurs inaugurent des centres d’archives homosexuel partout en France, comme cela s’est déjà fait aux États-Unis). Mais leur guerre iconoclaste se destine également aux images de l’homosexualité d’aujourd’hui. Les célébrités homosexuelles, lorsqu’elles osent se rendre visibles, sont presque toutes systématiquement accusées de prosélytisme ou d’exhibitionnisme par les membres de leur propre communauté. Beaucoup de personnes homosexuelles dénoncent souvent les infrastructures et les moyens médiatiques mis en place pour exploiter leurs amours. Leur révolte contre tout ce qui entoure le désir homosexuel et à l’encontre du « ghetto marchand » en particulier peut s’entendre, mais ne résout absolument pas la question du désir homosexuel en lui-même. Elle les empêche même d’y répondre et montre qu’elles n’ont pas encore renoncé à certaines utopies d’amour, qu’elles restent trop dépendantes de leurs images, malgré le fait qu’elles soient persuadées du contraire puisqu’en intentions, elles croient les fuir. Si vous voulez en mettre certaines vraiment en colère, vous n’avez qu’à vous appuyer sur tout ce qui fait la culture homosexuelle dite « classique » en vue de décrire le désir homosexuel (Gay Pride, « Cage aux Folles », fleuristes, coiffeurs, antiquaires, Opéra, mère possessive, Dalida, musique techno, infidélité, Sida, backroom, etc.) : elles le transformeront presque systématiquement en « clichés réducteurs » pour ne pas l’analyser, ou pire, pour se donner un prétexte pour le copier en douce. Par exemple, ceux d’entre elles qui critiquent le plus violemment l’image « grande folle » sont bien souvent les personnalités narcissiques qui s’en approchent le plus. Le rapport idolâtre s’exprime à la fois par le mépris et par l’admiration dédramatisée – … et parfois imitatrice – de ce qui était a priori rejeté. Par exemple, à force de dire que la sportive lesbienne, le steward gay, la personne homosexuelle malade du Sida, etc., sont des « clichés », on finit par encourager justement ce passage du mythe à la réalité fantasmée, puisqu’on ne reconnaît pas des faits parfois larvés à l’état de désirs. Et c’est ainsi que nous pouvons observer que l’homosexualité chez les athlètes féminines est extrêmement courante (par exemple, l’équipe nationale féminine de handball française, jusqu’à une époque très récente, était presque uniquement composée de femmes lesbiennes) ; par ailleurs, faites le test d’interroger les hôtesses de l’air d’Air France : elles vous assureront qu’à peu près 70 % de leurs collègues masculins sont homosexuels ; enfin, au tout début de l’épidémie du Sida, en 1983, il est prouvé que 80 % des individus infectés par le VIH étaient homosexuels[8]. Concernant le dernier exemple, reconnaître le substrat de réalité fantasmée résidant dans l’image de « l’homosexuel malade du Sida » ne fait pas pour autant du Sida un « cancer gay », ni des personnes homosexuelles des sujets sidéens, ou en passe de le devenir : jusqu’à preuve du contraire, un virus ne choisit pas ses victimes selon leur orientation sexuelle. Et pourtant, cette image renvoie à une réalité qu’il faut prendre en compte pour respecter l’histoire de beaucoup de personnes homosexuelles. Tout comme un diplôme ne fait pas la valeur d’une personne – même s’il peut la dire –, l’image peut être signe d’un désir et parfois d’une réalité provoquée par ce désir. Il n’y a pas de cliché sans feu. Un lieu commun n’est pas insensé de ne pas renvoyer systématiquement à une réalité positive et justifiable : j’ai beau par exemple faire mémoire que certains Juifs ont été envoyés aux camps en tant que « sales Juifs », ou prendre conscience qu’objectivement une personne noire aura probablement plus de mal que moi à trouver du travail à cause de sa couleur de peau, cela ne remet en cause et ne justifie ni l’étiquette néfaste qui accompagne les Juifs et les Noirs, ni l’existence des réalités que cette dernière a parfois provoquées (l’antisémitisme, les camps de concentration, le racisme, etc.). Reconnaître l’existence d’un étiquetage négatif et en faire mémoire, ce n’est pas le justifier et stigmatiser davantage une personne. C’est au contraire reconnaître celle-ci telle qu’elle est, dans toute sa dimension, avec ce que l’étiquetage a parfois fait d’elle, et ce qu’il ne modifiera jamais de sa grandeur humaine. Détester son image, y compris une image insultante ou peu conforme à ce que nous sommes, c’est détester toute une part de nous-mêmes. Le désir homosexuel met en place des images particulières qu’il convient de respecter et de comprendre sans les moraliser pour les détruire, même si elles renvoient souvent à des événements peu glorieux – le viol notamment – ou carrément faux. Autrement, nous encourageons leurs actualisations violentes dans l’acte iconoclaste ou iconodule. Entre l’image et la réalité fantasmée, c’est l’histoire volontairement/involontairement confuse de la poule et de l’œuf : nous ne saurons jamais vraiment dire qui a engendré l’autre… et pourtant, un désir humain a pu quand même agir. À force de fuir leurs clichés, certaines personnes homosexuelles les matérialisent en partie. Il n’est pas rare de croiser un certain nombre parmi elles qui s’alignent concrètement et toujours imparfaitement aux images sociales assignées à leur orientation sexuelle, en devenant par exemple des fans de telle icône gay, des artistes, des personnalités du monde de l’image, des fleuristes, des coiffeurs, des couturiers, des antiquaires, etc.. Pourquoi le nier, si en effet c’est vrai ? Cela ne retire rien aux innombrables exceptions à ces images, autrement dit à toutes les personnes qui se disent « homosexuelles ». Nous n’avons aucune raison valable pour déchirer le cliché et refuser son influence, si le lien de coïncidence entre certains goûts et l’homosexualité existe réellement. Les sujets homosexuels resteront à jamais ce qu’ils sont : des Hommes libres et uniques. Mais ils sont aussi ce que leurs images ont fait d’eux.

 

On est même en droit de se demander dans quelle mesure l’effet actualisateur de la simulation de destruction des images de l’homosexualité n’est pas plus ou moins deviné puis recherché par bon nombre de personnes homosexuelles. C’est exactement le syndrome de la star qui, en feignant de refuser les paparazzis, leur fait comprendre qu’ils doivent se ruer sur elle. Attaquer l’image néfaste et les injustices qu’elle a instaurées dans la réalité concrète, sous le prétexte que celles-ci ne devraient pas exister, incite à nier que l’image puisse influer sur les existences, et donc à encourager son influence. Beaucoup d’individus homosexuels se réjouissent/s’offusquent intérieurement de voir l’étrange correspondance travaillée de leurs goûts et de leurs fantasmes avec leurs frères communautaires, même si ce plaisir/dégoût dans la ressemblance a majoritairement la force du non-dit. Une fois dévoilé et retiré de la causalité, il montre toute sa médiocrité… donc il est dit « homophobe », « trop généralisateur » et « stéréotypé ». Elles ne méconnaissent pas les points communs qu’elles partagent ensemble : ils leur indiquent où se trouvent leurs viviers, et leurs probables jumeaux de désirs et d’actes. Et le cliché homo, en même temps qu’elles le conspuent quand il viendrait des « hétéros », ne leur est absolument pas inconnu ni désagréable lorsqu’il dessert leurs propres intérêts. Par exemple, pas une personne homosexuelle n’ignore qu’en allant à une représentation de théâtre lyrique, à une association féministe, à un concert de Mylène Farmer, à une expo d’art moderne, sur certains chat Internet, dans un bar réputé gay friendly, ou à l’Opéra, elle a plus de chances de rencontrer d’autres personnes homosexuelles comme elle que dans un stade de foot, un garage automobile ou dans les « téci » de la banlieue parisienne, même s’il existe des exceptions partout. Certains milieux sociaux et corps de métiers sont plus connotés homosocialement que d’autres : au moins dans les mentalités, et ensuite dans la réalité. L’attaque des images de l’homosexualité par la majorité des personnes homosexuelles est donc à la fois subie et stratégique.

 

 
 

III – Soutenir la « communauté homosexuelle » pour d’autres raisons que la défense identitaire DES homosexuels (sous-tendant l’existence DEShétérosexuels en tant qu’ensemble regroupant tous les couples femme-homme de la Terre : une bêtise anachronique sans nom, à mon sens) et que la défense amoureuse de la force d’amour homosexuel : OUI.

 
 

Après avoir pesé les « pour » et les « contre », j’ai réussi à trouver à ce jour 3 raisons pour défendre la « communauté homosexuelle ». À vous de juger…

 
 

1 – L’amitié

 

Que la « communauté homosexuelle » existe ou n’existe pas, l’absurde croyance en sa présence a le mérite de contribuer à de belles rencontres. Elles sont rares mais elles existent. Pour ma part, l’excuse de l’homosexualité aura mis sur ma route des garçons et des filles humains parfois drôlissimes, très fins, créatifs, intellectuellement solides, avec qui je peux me lâcher et oser être léger et insolent. Rien que pour cette raison, la constitution d’une « communauté homosexuelle » a un peu sa raison d’être… même si le prétexte de son existence n’en sera pas pour autant entièrement justifié/justifiable, et le contexte de sa création un peu facile (Suffit-il de goûts communs et d’une attirance sexuelle pour les mêmes photos de magazine pour trouver des frères de cœur qui nous ressemblent ? On se rend vite compte que non !) Dans le « milieu homosexuel », on trouve des gens qu’on n’aurait certainement jamais croisés autrement que par l’intermédiaire de ce concept de « communauté » : il y a une diversité, un brassage ethnique, social, intellectuel assez hallucinant qui se produit grâce à la croyance en une « communauté homosexuelle » (même si la diversité, en soi, n’est pas une richesse : elle ne le devient que si les différences sont partagées dans le respect de ce que sont profondément les personnes, et si elle s’inscrit dans un projet d’amour durable). Cette improbabilité des rencontres entre personnes homosexuelles, quand elle est fertile relationnellement, peut vraiment être source d’émerveillement et d’humour : on se dit « C’est génial… Mon désir homosexuel m’a accidentellement fait atterrir là, rencontrer telle personne que je trouve géniale, m’a offert des amis et des situations inouïes ». À mon avis, la base pour légitimer une « communauté homosexuelle » est l’amitié. Si déjà les personnes homosexuelles arrivent à constituer un groupe d’amis solide dans lequel il fait bon venir et agir, où elles ne passent pas leur temps à coucher les unes avec les autres, la création et les idées surgiront d’elles-mêmes. C’est un vrai défi.

 
 

2 – L’intérêt de la réflexion sur le désir homosexuel

 

Je suis toujours surpris de voir que beaucoup d’individus qui se disent « homosexuels » se désintéressent autant de la « culture homosexuelle ». Même ses plus fervents défenseurs soutiennent qu’il n’y a pas de raisons d’y croire : « La culture gay, ça n’existe pas. Tout ça, c’est des clichés ! » déclare le directeur du magazine Têtu, Pierre Bergé[9]. Les artistes homosexuels connus passent pour des gens en général très atypiques auxquels la plupart des personnes homosexuelles refusent de s’identifier. Il est vrai qu’ils répondent rarement à leur questionnement existentiel (leur message est sensiblement le même et se distingue par sa platitude : « Il faut accepter la différence. L’important, c’est d’aimer qui on veut et d’être heureux »). Elles sont nombreuses à se sentir en total décalage avec leurs frères communautaires. Comment peut-il en être autrement ? « L’homosexuel » et « l’hétérosexuel » – ces extra-terrestres nés sur nos écrans de cinéma ou sur les tables d’opération de la médecine légale de la fin du XIXe siècle – n’existant pas, les liens humains qui se tissent autour d’eux se basent donc fatalement sur un mensonge identitaire. L’homophobie des personnes homosexuelles envers elles-mêmes et leurs propres images les invitent sans cesse à se croire différentes de leurs jumeaux d’orientation sexuelle et à se désolidariser de la créature homosexuelle, tout en cherchant paradoxalement à s’y identifier en actes. Les références cataloguées « homosexuelles » (mère possessive, infidélité, Sida, opéra, coiffeur, etc.) agacent. C’est fatal… et peut-être tant mieux : cela dit que le désir homosexuel est un élan idolâtre du paraître plus que de l’être, s’exprimant par l’attraction-rejet de ce qu’il cherche à incarner en vain. Ainsi, se risquer à parler sérieusement du désir homosexuel signifie forcément se condamner à rentrer dans la caricature. Plus quelqu’un le définit comme une réalité personnifiable, ce qu’il n’est pas prioritairement, et plus on est tenté de lui rire au nez en lui disant que ce ne sont pas Mylène Farmer, le visionnage de « La Cage aux Folles », ni un entourage amical homosexuel, qui suffisent à favoriser une juste approche de la réalité désirante homosexuelle. L’homosexualité est un mélange inextricable entre un sujet sérieux qui ne se prend pas au sérieux et un sujet léger qu’il faut prendre un minimum au sérieux. Cette indétermination suffirait-elle à ne pas en parler du tout ? Oui, si le désir homosexuel n’illustrait pas sur la durée l’avènement (ou l’existence) de souffrances réelles. Or, il est souvent le signe avant-coureur d’une blessure, d’une division schizophrénique du psychisme humain. Rares sont les ouvrages où ce désir est réellement questionné par ses images sans que celles-ci soient ensuite récupérées en vue de la diabolisation d’un ennemi, ou pour la justification d’une identité éternelle déshumanisée et de l’intensité des amours homosexuelles. Pour ma part, je ne compte pas détruire les images négatives de l’homosexualité. Au contraire, j’ai envie de défendre leur existence. Je ne me positionne pas contre la Gay Pride, les drag-queen, la visibilité médiatique des personnes homosexuelles, le « ghetto marchand » gay, les back room, l’infidélité au sein des couples homosexuels, le PaCS et autres projets de lois en faveur de la « communauté homosexuelle », l’invasion du porno dans le monde gay, etc. Le lynchage systématique du « milieu homo » et des personnes homosexuelles est généralement utilisé en vue de la démobilisation et du procès. Il ne sert à rien : la majorité des personnes homosexuelles le pratiquent allègrement. Non seulement il ne reconnaît pas des pratiques, des modes de vies, des comportements, des souffrances, des réalités mais, en outre, il déplace le débat du désir homosexuel au décorum qui l’entoure. Au lieu de juger si tout ce qui fait la culture homosexuelle est « bon » ou « mauvais », « moral » ou « immoral », « vrai » ou « faux », au lieu de nier des réalités dans la défense ou l’opposition, il me semble plus intéressant de chercher comment un désir se symbolise en images, se manifeste parfois en actes beaux et violents, et pour quelles raisons.

 

Car le désir homosexuel existe vraiment et il est particulier : les personnes homosexuelles qui le ressentent savent qu’il n’est pas de même nature qu’un désir qui les attirerait vers des individus de l’autre sexe, et qu’il ne relève pas d’un simple caprice ou de leur imagination. Si « les » homosexuels n’existent pas, le désir homosexuel, lui, reste une réalité fantasmée, mais une réalité quand même. Parce que les personnes homosexuelles ne fantasment pas sur les individus de même sexe qu’elles par simple décision ou pur caprice, tout nous encourage à penser que le désir homosexuel est réel. Il suit une certaine logique, que nous retrouvons de manière similaire dans les couples hétérosexuels, et beaucoup moins dans les couples femme-homme unis par un vrai désir d’amour. Il possède ses propres représentations et actualisations. En lisant la vie des auteurs homosexuels, en observant les échos inattendus entre leurs œuvres, en échangeant avec des personnes homosexuelles du monde entier et de tous les âges, on a l’occasion de reconnaître un même rapport désirant aux drames et aux joies de l’existence humaine, en dépit des fossés culturels préexistants. On découvre beaucoup de coïncidences troublantes : par exemple, la sur-représentation des jumeaux dans le « milieu homosexuel », une attraction pour les marionnettes, un nombre important de personnes homosexuelles parmi les cinéastes de films d’horreur, etc.. On observe des similitudes thématiques entre deux artistes que pourtant rien ne semblait rapprocher. Et celles-ci, loin d’être inquiétantes, ne font que légitimer l’existence et la réalité incertaine d’un désir homosexuel singulier. Un jour, je suis tombé par hasard sur un extrait du roman Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de l’écrivain argentin Manuel Puig où est décrite « une jeune fille qui monte admirablement à cheval, une fille qui ne parle presque pas, une jeune fille timide ou sournoise, une jeune fille qu’on utilise et qu’on laisse ensuite, une jeune fille qui raconte comment l’ancien administrateur de la propriété l’a violée, une jeune fille qu’on gifle et qu’on insulte parce qu’elle dit de terribles vérités… »[10] Et j’y ai reconnu un portrait similaire de la Libertine de Mylène Farmer dans le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces ». Incroyable. Deux mondes différents se faisaient écho sans s’être préalablement consultés, et j’en ignorais les raisons. Pourtant, tout concordait. J’en suis donc arrivé à penser que les liens qui unissent les personnes homosexuelles entre elles sont en réalité très nombreux, et que l’homosexualité est un désir beaucoup plus universel et définissable que les défenseurs d’une communauté humaine bisexualisée et asexualisée ne le voudraient. C’est la non-reconnaissance de ce que j’appelle les « codes homosexuels » (que j’ai tenté de répertorier dans mon Dictionnaire des codes homosexuels) qui fait que la majorité des personnes homosexuelles ont tant de mal, aujourd’hui comme hier, à se rencontrer, à faire communauté, et à vivre l’amour. Même si l’homosexualité est aussi diverse qu’il y a de personnes homosexuelles, qu’elle est vécue et gérée de manière singulière par chacun des individus qui ressent en lui des attirances homo-érotiques, qu’elle restera une énigme à redécouvrir sans cesse, que les coïncidences homosexuelles ne pourront jamais être érigées en causalités et en grille de lecture « des homos », je soutiens malgré tout cela que le désir homosexuel se laisse partiellement élucider par ses images, et parfois par les actions qu’il impulse. J’ai donc essayé de dresser un petit panorama non-exhaustif des nombreux symboles dessinant les contours d’un même désir homosexuel, et d’expliquer pour quelles raisons certaines personnes homosexuelles partent en croisade iconoclaste/iconodule contre l’existence de leurs signes. Je dis « leurs » signes, non dans une optique minorisante et déshumanisée, mais pour prendre en compte les effets d’un réductionnisme identitaire qui existe malgré moi, et sans lequel je ne pourrais pas universaliser le désir homosexuel. Juger d’une œuvre au seul regard de l’homosexualité de son auteur est tout à fait regrettable : humainement et éthiquement, il n’y a pas à proprement parler d’« œuvres homosexuelles » (au même titre qu’il n’y a pas de « littérature féminine » stricto sensu, de « droits des enfants », ni de « culture nord-américaine » : ces dénominations catégoristes deviennent vite aberrantes et détestables une fois qu’elles servent à isoler et à déshumaniser une minorité d’individus, y compris pour prendre leur défense). Mais sachant que la croyance au désir homosexuel peut parfois se concrétiser de manière singulière par l’action d’individus qui font tout pour le rendre effectif, je suis bien obligé de reconnaître malgré tout ses actualisations (artistiques, relationnelles, légales, sociales, etc.) en tant qu’« homosexuelles ». J’abonde dans le sens d’Emmanuel Cooper quand il écrit dans La Perspective Sexuelle (1986) que « le fait qu’un artiste soit ou ne soit pas homosexuel n’explique ni sa création ni une façon de la regarder(mais qu’en revanche), ce que nous pouvons faire avec profit, c’est de ré-examiner la vie et le travail de l’artiste au-delà du secret, des préjugés et du mythe, et de chercher la présence de l’homosexualité et sa signification »[11]. Cooper n’invite pas à gommer l’homosexualité mais précisément à la redécouvrir telle qu’elle est, dans une perspective qui dépasse la simple condamnation du « milieu » et des personnes homosexuelles, un regard plus large et plus universellement humain qui observe des faits et des images sans en tirer des conclusions déterministes et moralisantes sur « les homos ».

 

C’est la raison pour laquelle je me permets de parler d’« œuvres homosexuelles », en ayant conscience que cette appellation est défectueuse (voire même dangereuse si elle laisse croire en l’existence « des homosexuels », ou que ce qui est exprimé sur le terrain de la fiction littéraire, cinématographique, ou sur le terrain des désirs non-actualisés, est vrai et s’applique concrètement à toutes les personnes homosexuelles), mais éclairante pour comprendre les fonctionnement du désir homosexuel.

 

Qu’est-ce qu’on pourrait appeler, faute de mieux, une « œuvre homosexuelle », avec toutes les précautions d’usage de l’adjectif qui s’imposent ? Elle se définit pour moi selon trois critères : l’auteur, l’œuvre, et le public visé (ou qui se reconnaît dans cette œuvre). Pour qu’une création (film, discours, roman, chanson, peinture, pièce, etc.) puisse être définie en tant qu’« homosexuelle », il faut à mon sens : soit que l’homosexualité du créateur de cette œuvre soit affichée et connue des media, ou relativement latente ; soit que le thème principal ou secondaire de l’œuvre en question se rapporte explicitement au désir homo-érotique ; soit que l’artiste soit vénéré(e) comme une icône de la communauté homosexuelle, ou que le public ciblé par sa création artistique se revendique gay ou gay friendly.

 

 

Une fois qu’on a commencé à reconnaître des codes en tant qu’« homosexuels » – parce que le désir homosexuel existe vraiment et agit parfois – sans les assigner systématiquement « aux homosexuels » – parce que les individus homosexuels ne sont pas que leur désir homosexuel : ce ne sont pas certaines choses qui sont vraies sur le désir homosexuel qui font « les homosexuels » –, il est impossible de ne pas dévorer le rayon gay des librairies, de ne pas lireTêtu comme une bible, de s’ennuyer lors d’un spectacle de Marcial Di Fonzo Bo ou d’Olivie Py, de mépriser la culture homosexuelle et les personnes homosexuelles, de ne pas s’enthousiasmer pour la Marche des Fiertés et les débats télévisés sur l’homosexualité, d’avoir honte de se balader avec ses amis « folles » dans la rue, de se réduire à son orientation sexuelle. Les personnes homosexuelles doivent honorer et aimer ce qu’elles font, se passionner pour la complexité de leur désir homosexuel exprimée en motifs. Femme endormie par-ci, vampire par-là, balcons, chats, fêtes foraines, tauromachie, chocolat, piscine, viol un soir de carnaval en été, Homme invisible, visages coupés en deux… tout est là. Souvent, elles connaissent mal leurs vérités puisqu’elles ne désirent pas analyser leurs codes, alors que pourtant, ce sont elles-mêmes qui les ont créés. Les critiques littéraires nous orientent en général vers une « lecture second degré » de leurs œuvres, invitent à la distance presque totale en nous imposant l’idée d’un « Mystère homosexuel » insoluble. Je vous propose au contraire de prendre les personnes homosexuelles un peu plus au sérieux qu’elles – leurs œuvres et leur vie ne sont pas que de simples bouffonneries – et un peu moins au sérieux – elles ne sont pas aussi divines et monstrueuses qu’elles le voudraient. Dans le passage artistique à la parodie provocatrice ou à la tragédie mimée est exprimé un appel. Et nous avons à y répondre.

 

Il est encore temps pour les personnes homosexuelles de découvrir que leur simple existence et leur homosexualité portent les germes d’une révolution sans précédent visant à dénoncer la manipulation médiatique qui leur impose l’imitation d’un seul modèle d’amour, « le Couple » romantique désuni et fusionnel (le couple hétérosexuel en particulier, mais aussi le couple de semblables homosexuels), et à mettre en lumière ce que ceux que nous désignons habituellement comme « hétéros », qui sont en réalité des individus qui cherchent à imiter l’image scientifique puis médiatique du couple hétérosexuel, veulent les empêcher qu’on leur révèle sur eux-mêmes : le manque d’amour dans leur union, qui s’est parfois traduit chez elles en identité homosexuelle. Les personnes homosexuelles sont les mauvaises consciences de la société, de magnifiques araignées. Par leur désir et ce qu’elles sont, elles ont le pouvoir de dévoiler des conflits enfouis dans les familles, la communauté humaine, et le monde. Elles n’ont pas à avoir peur de jouer leur rôle de dénonciateurs des faux-semblants sociaux, avec justesse, humour et douceur, pour faire connaître le réductionnisme actuel opéré sur la sexualité. Ce n’est pas l’homosexualité qui est scandaleuse : ce qui est inadmissible, c’est uniquement le fait de reconnaître l’hétérosexualité comme la Vérité (identitaire, amoureuse, universelle) d’abord de tous les couples femme/homme, et ensuite des personnes homosexuelles.

 

 
 

3 – La nécessaire dénonciation des injustices et des modèles d’amour fallacieux

 

Bien souvent, on se méfie de ceux qui soutiennent que la « communauté homosexuelle » existe. Un peu à raison (le communautarisme comporte de sérieux risques, y compris quand on cherche à défendre ceux qu’on veut mettre dans le même sac), et un peu à tort : beaucoup préfèrent dire que tout ce qui aiderait à définir les contours d’une communauté (les activités internes, les règles tacites, les images de ce groupe), « c’est cliché », comme s’ils disaient par là que « ça n’existe pas ». Ce déni, via la proclamation de l’inexistence d’un « milieu homosexuel », montre bien que, plus qu’une réalité, la « communauté homosexuelle » est un écran occultant des désirs violents non-systématiquement actualisés.

 

Nous devons être des preux défenseurs de la « communauté homosexuelle ». Mais attention : pour dire aux autres qu’elle n’existe pas comme eux et nous le pensons actuellement. Elle ne doit exister que temporairement, comme un orage qui passe et qui dénonce les incompréhensions actuelles sur l’amour. Comme je l’ai écrit dans mon livre[12], « Je suis d’avis que l’idée de ‘communauté homosexuelle’ pourrait à la rigueur se défendre uniquement dans le cadre de la lutte contre le viol et pour la reconnaissance de la probable influence du viol dans l’émergence du désir homosexuel (et à l’heure d’aujourd’hui, on peut constater qu’on est loin du compte !). Mais comme le viol s’applique également à la communauté hétérosexuelle et qu’il n’est pas spécifique ‘aux homosexuels’, le concept de communauté(s) homosexuelle reste quand même très contestable malgré tout. »

 

Si les personnes homosexuelles ne questionnent pas leur désir homosexuel par rapport à un « nous » social, elles se contenteront de proférer des messages publicitaires queer complètement fades tels que : « La recherche du bonheur et de l’amour au XXIe siècle dépend de nous. C’est à chacun de la gérer comme il l’entend ! », destinés à des individualités isolées appartenant davantage au monde télévisuel United Colors of Benetton qu’au monde réel. Il faut qu’elles deviennent de fervents défenseurs de la cause gay, bien plus audacieux encore que la majorité des personnes homosexuelles actuelles, en allant vers les autres sans se présenter comme « les homosexuels de service », mais plutôt en expliquant la violence de leur désir homosexuel, qui est le reflet particularisé d’une violence humaine universelle à combattre ensemble. Une fois qu’elles auront saisi qu’elles sont elles-mêmes des êtres manipulés par leurs désirs de viol superficiels (nous pourrions parler des « désirs de surface »[13]évoqués par Néstor Ponce) et les images médiatiques déréalisantes, leur réveil risque d’être sans précédent. Leur connaissance inconsciente de la souffrance humaine maquillée dans le rose bonbon ou le noir, de l’hypocrisie télévisuelle dont leur désir sexuel (aux côtés du désir hétérosexuel) est le reflet, peut les rendre plus aptes à soulager les blessures d’autrui, à dénoncer les impostures sociales et à les dépasser.

 

Si je prends la peine de particulariser la révolution humaine en « révolution homosexuelle », c’est parce que j’estime que la révolution humaine se décline de manière singulière en présence des personnes homosexuelles et d’un désir homosexuel réel, donc qu’elle mérite un titre privé, même si dans le fond, la révolution homosexuelle s’inclut prioritairement dans une révolution humaine et universelle, donc humaniste. Y compris au sein de la « communauté homosexuelle », les sujets homosexuels ne doivent pas perdre de vue qu’ils se parlent entre Hommes et non entre personnes homos. Ce n’est que lorsqu’ils mettront de côté leur homosexualité sans la nier qu’ils auront toutes les chances de penser qu’ils auront posé un acte réellement révolutionnaire. Toute idée individuelle qui n’est pas liée à l’universel est appelée à mourir, de même que toute pensée universelle qui gomme l’individualité et l’originalité de chaque Homme est souvent mortifère. L’unité dans la diversité – le « n’être qu’Un tout en restant deux » – est un équilibre sans cesse à trouver pour vivre des bienfaits de la révolution humaniste. Plus les personnes homosexuelles s’ouvriront à l’universel, plus elles se rendront compte qu’elles se dirigent vers la Vérité fondamentale et intérieure de l’Homme. Elles penseront alors la singularité et l’universalité, non plus en termes d’oppositions, mais de relations possibles et belles pour lutter contre toute forme d’exclusion.

 

 

Oui. À mon sens, on peut parler de « communauté homosexuelle » à partir du moment où on ne la renie pas mais qu’on la considère quand même comme non-essentielle. La révolution homosexuelle doit dépasser les frontières de la « communauté homosexuelle » et rejoindre la communauté humaine. Si elle reste orientée uniquement vers le particulier – même si, en théorie, elle se dit en termes universalisants –, elle joue contre elle et finit par se transformer en blague. Je pense qu’il faut élargir et universaliser la réflexion sur le désir homosexuel, non par un prosélytisme qui tente de justifier l’existence d’une identité homosexuelle universelle ou la force de l’amour homosexuel, mais parce que l’homosexualité pointe du doigt des dysfonctionnements sociaux qui font barrage à la rencontre d’amour humanisante et universelle. Il nous faut donc dépasser la simple demande du « droit à la différence » formulée par les séparatistes homosexuels, ainsi que la défense du « droit à l’indifférence » énoncée par les universalistes tièdes craignant la menace communautariste. Même si le second « droit » se justifie un peu mieux que le premier, aucun des deux ne convient puisqu’ils freinent la pensée sur le désir homosexuel, l’un par les excès de la revendication identitaire, l’autre par la lâcheté de la banalisation.

 

Enfin, je dirais que, OUI, on pourra parler de « communauté homosexuelle » à partir du moment où on la rendra aimante, conviviale et exemplaire. Je ne vous cache pas qu’il y a du boulot de ce côté-là (peut-être encore plus qu’ailleurs tant ce qui réunit les personnes homosexuelles est irréel : l’Androgyne est purement et simplement un extra-terrestre). Les personnes homosexuelles doivent partir à la recherche des modèles communautaires homosexuels qui leur font envie. Et ces derniers ne tomberont pas du ciel… puisque ce sont elles et leurs amis qui les composeront ! Il est temps que les individus homosexuels se rendent visibles et qu’ils montrent qu’ils sont autre chose qu’une caricature d’eux-mêmes ! Car la soif de modèles est profonde dans le « milieu homosexuel ». Peu de personnes homosexuelles osent formuler tout haut, comme Laura dans le livre L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, un mécontentement relativement général : « Ce que j’ai perçu du milieu homosexuel et du monde homosexuel, ça ne me plaît pas. Je ne me reconnais pas là-dedans. (…) L’homosexualité, ce n’est pas très net… Je me dis : ‘Ils sont frappés’. Moi, j’ai rarement connu des homos bien dans leur tête, en couple depuis des années. C’est n’importe quoi. (…) Tu vois, moi, j’ai grandi et je n’ai pas eu de modèle homosexuel… Là, aujourd’hui, il n’y a pas un mec ou une nana que j’admire en tant qu’homosexuels. Pourtant, j’en ai croisé des gens ! Moi, j’aimerais qu’il y ait des modèles, des mecs intelligents, des mecs instruits, des mecs simples, artistes qui se fassent connaître. Moi, j’en ai marre des gens destroy. »[14]

 

Il me semble que la révolution des personnes homosexuelles passe par l’apprivoisement et l’amour de la société humaine dans laquelle elles sont nées, même si elle a parfois été cruelle avec elles. C’est le pouvoir qu’elles confèrent au regard des autres posé sur leur désir homosexuel qui contribue en partie à faire ou à désamorcer l’insulte homophobe. Si, dans la réception, elles réduisent à néant par le pardon et leur sourire ce qui au départ était lancé comme une agression, si elles se forcent à arrêter de penser que leur côté « tapette » ou « garçon manqué » va leur attirer des ennuis, si elles apprennent à rire d’elles-mêmes avec les autres, elles s’offriront certainement l’opportunité d’assister à des retournements de situations des plus étonnants, autrement dit véritablement révolutionnaires. Elles pourront, grâce à la distance qu’elles prendront par rapport à elles-mêmes, décourager ceux qui au départ s’étaient engouffrés dans la brèche de leur honte existentielle. Les Hommes ne sont pas que des imitateurs de haine ; ils sont bien plus souvent imitateurs de paix. Ne pas donner à la provocation homophobe ce qu’elle attend ou l’importance qu’elle n’a pas, sans pour autant faire la sourde oreille et se laisser marcher sur les pieds, c’est émousser, voire détruire, la volonté de blesser par la volonté d’aimer par-delà l’agression. Pour l’avoir expérimenté en grand groupe, je peux vous assurer que l’homosexualité bien vécue génère de la convivialité et de la sympathie communicative. Au fond, les gens dits à tort « hétérosexuels » ont en général une affection toute particulière pour les personnes homosexuelles qui aiment leur homosexualité au point de la laisser de côté et d’en jouer avec eux.

 
 


 

[1] Philippe Ariño, Homosexualité sociale, Éd. L’Harmattan, Paris, 2008, p. 90.

[2] Frédéric Martel, Le Rose et le Noir, les Homosexuels en France depuis 1968, Éd. Seuil, Paris, 1996, p. 713.

[3] Molina à Valentín dans Manuel Puig, Le Baiser de la Femme-Araignée, Éd. Seuil, Paris, 1979, p. 205.

[4] Nina Bouraoui dans l’émission « Culture et Dépendances », France 3, le 9 juin 2004.

[5] Hervé Guibert, Le Mausolée des Amants, Journal 1976-1991, Éd. Gallimard, Paris, 2001, p. 91.

[6] Je vous renvoie à l’excellent essai L’Invention de l’hétérosexualité de Jonathan Katz, ainsi qu’au chapitre sur la genèse des termes « homosexuel » et « hétérosexuel » dans le tome 1 Homosexualité intime de mon livre.

[7] Ses promoteurs remplacent d’ailleurs ces deux mots par les notions beaucoup plus subjectives et culturelles de « genre(s) », masculin ou féminin, pour mieux, disent-ils, les « déconstruire »… car ils se figurent, par phobie du monstre surnommé « Destin anatomique », que les corps réels n’ont rien à nous apprendre… Croyance en la toute-puissance de la science oblige…

[8] Frédéric Martel, Le Rose et le Noir, op. cit., p. 346. Le cliché homosexuel = Sida garde encore un fond de vérité aujourd’hui : « Les données épidémiologiques les plus récentes montrent que 40 % des hommes ayant découvert leur séropositivité en 2004 avaient été contaminés lors de rapports homosexuels. » (C. Sémaille, Sexualité, Relations et Prévention chez les Homosexuels masculins : un Nouveau Rapport au Risque (2007), cité dans Enquête sur la Sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, Éd. La Découverte, Paris, 2008, p. 244)

[9] Pierre Bergé, dans la revue TÉLÉRAMA (article « Y a-t-il une Culture gay ? », n° 2893, le 22 juin 2005, p. 14.

[10] Manuel Puig, Le Baiser de la Femme-Araignée, Éd. Seuil, Paris, 1979, pp. 128-129.

[11] Emmanuel Cooper, La Perspective Sexuelle, 1986, cité dans l’article « Queer Impressions of Gustave Caillebot » de Jim Van Buskirk, sur le site www.travelstoremexico.com consulté en juin 2005.

[12] Philippe Ariño, Homosexualité sociale, Éd. L’Harmattan, Paris, 2008, p. 158.

[13] Néstor Ponce, « Oralité perdue », dans Le Néo-baroque cubain, Éd. du Temps, Paris, 1997, p. 117.

[14] Laura citée dans Pierre Verdrager, L’Homosexualité dans tous ses états, Éd. Les Empêcheurs de penser en rond/Le Seuil, Paris, 2007, pp. 281-282.