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Code n°110 – Magicien

Magicien

Magicien

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Le Magicien ose…

 

Jean-Luc Revol et Denis d’Arcangelo dans leur spectacle Les-2-G (2014)

Jean-Luc Revol et Denis d’Arcangelo dans leur spectacle Les-2-G (2014)


 

La figure du magicien exerce souvent chez les personnes homosexuelles une vraie fascination. Alors que cela n’a parfois aucune raison d’être, il n’est pas rare de voir surgir, au détour d’une intrigue filmique homo-érotique, un prestidigitateur ou un héros gay se découvrant des pouvoirs magiques. Cela renvoie en général au fantasme de toute-puissance et au désir de devenir Dieu, inhérents au désir homosexuel (cf. je vous renvoie aux codes « Se prendre pour Dieu » et « Frankenstein » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Il ne faudrait pas limiter ce code à son innocente dimension ludique. Le magicien, pour celui qui y croit, donne l’impression réaliste qu’il disparaît, qu’il plane dans les airs, qu’il anime les objets comme Dieu le ferait, qu’il coupe en deux les corps déjà sexués (et donc leur redonne une sexualité : double ration !), qu’il ressuscite ce qui était mort. En gros, qu’il est en mesure de modifier/ré-inventer les lois de la Nature à travers le paraître, l’astuce audiovisuelle et l’artifice.

 

Vidéo-clip de la chanson "Dégénération" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer


 

C’est exactement la prétention qu’affiche le désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles, dans leurs fantasmes secrets, considèrent le regard humain comme unique créateur de ce qui est vu, et non comme récepteur de ce qui le dépasse ; l’expérience extatique du dédoublement de soi ou de la mythomanie, comme une manière juste d’appréhender la Réalité. Déplacer des objets par un simple coup d’œil, jeter des sorts, lutter contre des démons, déployer ses pouvoirs magiques pour contrôler les éléments naturels, ou figer ses ennemis en statues, sont souvent des fantasmes esthétiques exprimés par les personnes homosexuelles (cf. le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer). Celles-ci ont tendance à se prendre pour des magiciens omnipotents régnant sur la vie et la mythique faucheuse. Elles s’imaginent qu’elles peuvent défier et même faire disparaître la mort par l’image et la contrefaçon. Autrement dit, elles se fient au pouvoir de « mythifier le mythe » dont parle Roland Barthes dans son essai Mythologies (1957), quand bien même elles sachent parfaitement que « le mythe ne cache rien et que sa fonction est de déformer, non de faire disparaître » (idem, p. 207). Le problème est que nous ne pouvons pas battre le mythe par le mythe mais uniquement par l’amour vrai et humain, et par notre attachement à l’être plus qu’au paraître. C’est prétention que de croire en la toute-puissance de ce qui est bien plus souvent mort que vie : les images, ces supports privilégiés du mythe. Ainsi, en accordant tout pouvoir aux images déréalisées et en se plaçant en observateurs d’eux-mêmes pour se regarder à travers les supposés yeux des autres, les illusionnistes homosexuels se convertissent très souvent en prestidigitateurs bluffés par leur propre tour. Le magicien, à force d’avoir intentionnalisé, intellectualisé et esthétisé ses tours de passe-passe, finit par mordre à l’hameçon de sa théâtralité, et par sortir de sa sphère de conscience. Comme l’énonce Hervé Guibert, « l’ennui, c’est que les photographes croient à la réalité des photographies » (cité dans l’essai Dits et écrits II (2001) de Michel Foucault, p. 982). Étant donné qu’il se montre excessivement à lui-même qu’il simule, le comédien homosexuel n’éprouve plus sa mise en scène de magicien comme magique. « Qu’est-ce qui est simulé ? La simulation » (p. 11) écrira Severo Sarduy dans son essai La Simulación (1982). C’est sûrement ce qui fait dire au personnage d’Heurtebise dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau que « rien n’est plus tenace que la déformation professionnelle »…

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Cirque », « Jeu », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Amant diabolique », « Se prendre pour Dieu », « Homme invisible », « Frankenstein », « Super-héros », « Amoureux », « Voleurs », « Médecines parallèles », « « Plus que naturel » », à la partie « Fée » du code « Vierge », à la partie « Carte » du code « Inversion », à la partie « Sorcières » du code « Carmen », à la partie « Cartomancienne » du code « Voyante-extralucide », à la partie « Contrefaçon » du code « Maquillage », et à la partie « Divin Artiste » du code « Pygmalion », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le magicien rose :

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, un magicien ou une magicienne apparaît à l’improviste ; ou bien le personnage homosexuel parle de prestidigitation : cf. la chanson « A Kind Of Magic » du groupe Queen, la pièce La Magicienne (2010) de Christophe Botti, la chanson « The Forgotten Circus » du groupe Coop, le film « David Copperfield » (1935) de George Cukor, le film « La Fin de la nuit » (1998) d’Étienne Faure (avec le discret magicien interprété par Rudy Rosenberg à la soirée mondaine), le film « Grande École » (2003) de Robert Salis (avec Bernard le magicien, au tout début et à la fin du film), le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le film « The Wonderful Wizard Of Oz » (« Le Magicien d’Oz » (1939) de George Cukor), le film « Baisers volés » (1968) de François Truffaut, la pièce The Magician (Le Magicien, 1908) de William Somerset Maugham, le film « The Magic Christian » (1969) de Joseph McGrath, la chanson « La Foire d’empoigne » d’Arnold Turboust, les chansons « Optimistique-moi » et « L’Histoire d’une fée, c’est… » de Mylène Farmer, les chansons « Le Premier Jour » et « Il ne dira pas » d’Étienne Daho, les romans Magia E Invenciones (1984) et Poemas invisibles (1990) de Gastón Baquero, le film « Saved By The Belles » (2003) de Ziad Touma, le film « La Tête de Normande St-Onge » (1975) de Gilles Carle, le film « Pensionat Oskar » (1995) de Susanne Bier, le one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015) de Pierre Fatus (avec des tours de magie), etc.

 

« Il y a cette émission à la télé américaine – ‘La vérité sur les plus grands tours de magie du monde’. Ou quelque chose du genre. Ça pourrait être ‘Comment scier une femme en deux ?’ ou ‘Quand les rois de la magie se déchaînent’. Je ne sais plus trop. […] Ce qui me sidère le plus, à propos de ‘La vérité sur les plus grands tours de magie du monde’, c’est la simplicité des solutions. Vous avez beau y avoir réfléchi, jamais vous n’auriez imaginé que quelqu’un se donne autant de peine. Ou, pour le dire autrement, lorsqu’on vous affirme qu’il est impossible qu’une femme tienne dans un espace aussi petit que celui où les deux boîtes se chevauchent, eh bien vous le croyez au lieu de vous demander si une femme vraiment petite, prête à souffrir pendant un quart d’heure, ne pourrait pas tenir là-dedans. C’est ainsi. Dès qu’on vous dit qu’une chose est impossible, vous le croyez, le plus souvent. » (Ronit, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 282-283)

 

Par exemple, dans le roman, Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar, le héros homosexuel, se montre adorateur d’un marabout qui pratique « la magie originelle » (p. 40). Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Abbey, la « fille à pédés », se voyant aux bras de son meilleur ami homosexuel Danny, se prend pour Dorothy dans le « Magicien d’Oz ». Dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau, la Bête se présente comme un magicien qui obtient tout par magie : il énumère les cinq instruments (« mon miroir, mon gant, mon cheval, ma rose et ma clé d’or ») sur lesquels repose son pouvoir.

 

Il n’est pas rare que dans les œuvres artistiques, la pratique de la magie soit signe d’homosexualité, ou bien que le magicien représenté soit ouvertement gay : cf. la B.D. d’illustrations érotiques lesbiennes La Magicienne (2005) de Camille MM, le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo (l’une des héroïnes lesbiennes est magicienne de rue), le roman Tuer le père (2011) d’Amélie Nothomb (avec la relation ambiguë des deux magiciens Joe et Norman), le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec Fabio, le personnage homosexuel faisant des tours de magie), le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1943) de Luchino Visconti (avec Giuseppe le forain, amant secret de Gino), le film « Lord Of Illusions » (1995) de Clive Baker, le roman Esthètes et Magiciens (1969) de Philippe Jullian, le spectacle La Vie privée d’un magicien ordinaire (1985) de Jérôme Savary, le roman Juegos De Manos (1954) de Juan Goytisolo, la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le roman Magic’s Pawn (La Proie de la magie, 1991) de Mercedes Lackey (avec Vanyel, le mage voulant venger la mort de son amant Tylendel qui lui a fait découvrir à la fois ses propres pouvoirs magiques et son homosexualité), le roman L’Esprit de la magie (2009) de Poppy Dennison, le jeu vidéo Dragon Age : Inquisition (2014) de David Gaider (avec le magicien homosexuel Dorian), le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras (avec Dany, le héros homo, et son lapin blanc Dido), etc. Par exemple, dans le film « Céline et Julie vont en bateau » (1974) de Jacques Rivette, Céline, l’une des héroïnes lesbiennes, incarne une magicienne un peu mytho. Dans l’épisode 365 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 27 décembre 2018, André, le héros homosexuel, décrit l’un de ses amants éphémères : « À l’époque, je sortais avec un magicien du César Palace. Un gars très bien. Un Allemand. Beau comme un dieu grec. Il s’appelait Otto. » Et dans l’épisode 367, il fait des tours de magie dans sa chambre d’hôpital.

 

« Je suis une magicienne ! » (cf. une réplique de l’héroïne d’une nouvelle écrite en 2003 par un ami homosexuel angevin, p. 63) ; « Dire qu’il m’est venu des dons de sorcier juste au moment où ça ne peut me servir de rien. » (le narrateur homosexuel du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 42) ; « Je lui fais parfois des miracles bien que ces derniers temps j’ai perdu pas mal de mes pouvoirs. Mais j’ai encore quelques trucs dans mon sac. Je peux encore faire bouger quelques grains de sable ou faire pousser les tomates. » (idem, p. 53) ; « Deviens prestidigitateur ! Illusionniste ! » (Chloé s’adressant à Malik l’hétéro, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Très tôt dans ma tête, j’ai secrètement décidé de suivre le chemin maternel à ma façon : je deviendra le plus grand magicien du monde. Je voulais posséder une force inconnue, ne pas être un simple illusionniste, mais un véritable magicien aux pouvoirs surnaturels, un sorcier ! » (Audric dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « C’est un magicien, ce type. » (Jérémy Lorca dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.

 

Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, se fout de la gueule des passagers qui déposent leur grosse valise à ses pieds en attendant que ce soit lui qui la mette dans les soutes : « Des fois que tu seras magicien. » (il parodie le dessin animé Les Maîtres de l’Univers : « Par le pouvoir du Crâne Ancestral ! »). Dans le sketch « Le Pays de la Magie » de l’humoriste Bruno Salomone, Disneyland est décrit comme le monde de la bisexualité. On peut penser également à la préciosité de certains joueurs de poker de la B.D. Lucky Luke, qui ressemblent à de vrais dandys.

 

Dumbledore dans Harry Potter

Dumbledore dans Harry Potter dans une revue fake


 

D’ailleurs, si on regarde bien, on n’imagine pas, dans la fantasmagorie populaire, le magicien figuré en homme marié (meilleur exemple : Merlin l’Enchanteur). Il est quasiment toujours célibataire. S’il est accompagné, c’est de son animal de chevet (le hibou Archimède) ou de son assistante la potiche (qu’il fera disparaître dans une boîte, crucifiera comme une pin-up, coupera en mille morceaux…).

 
 

b) Le prestidigitateur de l’« amour » :

MAGICIEN Gaywizard

 

La magie dont il est question est parfois synonyme de fantasme amoureux ; et le fantasme amoureux homosexuel semble se caractériser par une fascination pour l’être objet : cf. la chanson « Nuit magique » de Catherine Lara, le film « Écran magique » (1982) de Gianfranco Mingozzi, le film « Magic Mike » (2005) de Steven Soderbergh, le medley de la « Lampe magique » au concert des Enfoirés à la tournée 2009 (avec la relation lesbienne envisagée), etc. « Jamais les femmes ordinaires ne donnent l’essor de notre imagination. Elles ne sortent pas de leur siècle. Aucune magie ne les transfigure. Rien en elles qui ne puisse pénétrer. Pas une qui soit mystérieuse. Toutes, elles ont le même sourire stéréotypé et les belles manières du jour. Elles sont claires et banales. Mais les actrices ! Oh ! Combien les actrices sont différentes ! » (Dorian Gray dans le roman The Picture Of Dorian Gray, Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, pp. 72-73) ; « Tout au fond de ma mémoire, je le sens se réveiller, l’ancestral désir de toi : c’est le désir de monter sur un beau tapis magique pour survoler toute l’Afrique dans un dessin animé. » (Lou s’adressant à Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « C’est bien Maguy : des yeux d’enfant fluorescents comme la magie. » (cf. le poème « L’Énergie du désespoir » (2008) d’Aude Legrand-Berriot) ; etc.

 

Le magicien est l’amant homosexuel qui, à travers la passion amoureuse flattant et rassurant dans un premier temps celui qui se laisse faire par elle, conte fleurette, donne des ailes, regarde avec des yeux de braise (attitude digne du « vieux beau » bobo), montre le reflet embellissant de la magie pour cacher ses manigances de séduction. « J’ai toujours été fasciné par la magie des mots. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 304)

 
 

c) Le magicien violeur (pratiquant un magie bien noire…) :

Mais le charme s’évanouit vite à la lumière du jour. Le magicien homosexuel démasqué, c’est aussi le violeur, le voleur, le ravisseur, l’oiseau de mauvais augure : celui qui arrive à manipuler son amant comme une marionnette parce qu’il le ravit (au sens propre du terme) et l’éloigne du Réel : cf. le film « Les Voleurs » (1996) d’André Téchiné (avec Jimmy fait un tour de cartes à Justin, en lui montrant le Roi de Cœur), le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman (avec le jeune Matthieu, s’improvisant magicien des ténèbres avec son tee-shirt de squelette, et montrant par un tour de carte à Hugo, le héros homosexuel, que le Roi de Cœur et le Roi de Pique sont une seule et même carte), le film « A Un Dios Desconocido » (1977) de Jaime Chavarri, le film d’animation « La Princesse et la Grenouille » (2009) de Ron Clements et John Musker (avec le Dr Facilier, le cruel « Maître des Ombres » marabout particulièrement efféminé), la chanson « Magie noire » de Philippe Russo, la chanson « Ensorcelée » de Lorie, etc. « J’ai un don. » (Marina, le personnage transsexuel M to F qui pratique des tours de passe-passe qui sont en réalité des petits vols, dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud) ; « Il se demanda par quelle aberration il avait pu agiter dans sa cervelle la question de savoir si cet homme était ou n’était pas un magicien. Pourquoi pas le diable en personne ? » (Fabien au sujet de Brittomart, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 54) ; « Le père Walter leva la main droite et il redevint l’illusionniste qui avait hypnotisé les fidèles pour leur faire croire que leur dieu était parmi eux. » (Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 209) ; « Elle souvenait de la façon dont il était passé de l’assurance à la défiance, du magicien au petit garçon. » (idem, p. 229) ; etc.

 

Le personnage homosexuel joue à l’illusionniste pour défier la mort et devenir immortel, mais il en devient pour le coup diabolique. Il bascule de temps en temps dans la sorcellerie et la magie noire (cf. je vous renvoie à la partie « Sorcières » du code « Carmen » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on assiste au spectacle d’hypnotiseur et de magicien de Karl Lagerfeld qui manipule son amant Jacques à distance et le transforme en tigre soumis, devant un public de dandys décadents. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bernard rentre dans la peau de « Bernardo » (le héros muet de la série Zorro) jouant à la corrida avec Didier, son amant, en le faisant apparaître puis disparaître sous sa muleta rouge, comme un magicien. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Emily, celle qui devait être la femme d’Howard mais qui, à cause du coming out de ce dernier, ne le sera jamais, accuse son presque-mari de « magie », lui attribue un pouvoir et une influence néfastes. Plus tard, il sera également question de « magie noire » dans la bouche de Cameron Drake, celui qui a lancé la rumeur d’homosexualité sur Howard. Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Suki, Juna, Rinn et Kadojo, compose le club des quatre Gothic Lolitas lesbiennes qui s’autodétruisent par la magie, autour de la grande sœur invisible (morte) de Juna : « On pourrait créer un club de magie. » (Juna) Juna possède un livre de secrets diaboliques : « Tu sais ce que c’est la magie ? » dit-elle à Kanojo qui lui répond : « Ça sert à faire faire aux gens tout ce qu’on a envie. » À la fin, les deux amantes font un combat de sorcellerie qui va se révéler fatal pour Juna.
 
 

FRONTIÈRES À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le magicien rose :

Très souvent, les personnes homosexuelles ont des accointances avec le monde de l’illusion et de la magie : c.f. la photo Le Magicien d’eau d’Orion Delain, l’article suivant, l’essai Le Livre de la Magie (2018) de Noël Daniel, etc.

 

Par exemple, le romancier japonais homosexuel Yukio Mishima admire la magicienne Tenkatsu et s’y identifie : « Je suis Tenkatsu ! Je suis Tenkatsu ! » (Yukio Mishima, Confession d’un masque (1971), cité dans sa Correspondance 1945-1970 (1997), p. 15)

 

Film "Le Magicien d'Oz" de Victor Fleming

Film « Le Magicien d’Oz » de Victor Fleming


 

D’ailleurs, ce n’est pas un pur hasard si le film « The Wonderful Wizard Of Oz » (« Le Magicien d’Oz », 1939) de Victor Fleming est devenu un monument de la culture LGBT, qui a consolidé le mythe de la jeune Judy Garland (Dorothy), et qu’il a été réalisé par George Cukor (homosexuel).

 

« Hommes aux mille mains, je vous salue. Hommes aux mille mains, ce que vous faîtes croire est plus réel que le réel qui est un rêve. » (cf. l’inscription que j’ai lue en 2004 sur l’écriteau du Musée des Enchanteurs à l’entrée du Château d’Antrain retranscrivant un message que Jean Cocteau a réellement marqué sur une nappe de restaurant en hommage au magicien le Dr Marteret) ; « Un soir, il s’est produit un fait exceptionnel. Ils ont retransmis [à la radio] un spectacle de magie. C’est-à-dire qu’il n’y avait rien à entendre, sauf une vague musique où se mêlaient des airs de comédies musicales américaines et des mélodies orientales. Le magicien s’appelait Fou Man chou. Pour combler le vide, le présentateur s’était vu contraint de résumer la totalité du spectacle. Il racontait comment lévitait la belle assistante du magicien. Ou comment il la coupait en deux avec une scie électrique. La parole avait la fonction d’une loupe : tout devenait énorme dans mon imagination. Je voyais les éclaboussures de sang au moment où la scie tranchait la chair de la femme. […] Je ne pouvais plus fermer l’œil de la nuit. Je voyais s’élever la victime au milieu des nuages roses. […] J’ai tellement insisté [pour aller voir le spectacle de magie de Fou Man Chou] que ma grand-mère a dû enfiler sa robe à volants, ses mitaines de dentelle, son petit chapeau et ses chaussures à talons. Nous avons pris le train. Pour moi, c’était comme si nous étions partis pour toujours. Légers, sans valise, à la gare centrale. Elle m’a acheté des bonbons. Comme ça, la panoplie nécessaire aux rêves était complète. […] Ce spectacle de Fou Man Chou est resté inscrit dans ma mémoire, m’accompagnant toute ma vie, comme l’expression de l’esprit et de la bonté de ma grand-mère. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 149-151)

 

Certaines personnes homosexuelles, même si elles ne sont pas officiellement magiciennes, jouent au moins à l’être (parfois en se maquillant, en faisant des parodies de tours de magie, ou mentalement, dans le secret de leur cœur). Par exemple, dans sa pièce Le Frigo (1983), le dramaturge homosexuel présente justement son frigidaire comme « la boîte de prestidigitateur la plus élémentaire, quand on n’a pas de moyens » (cf. l’article « Entretien avec Michel Cressole : Un mauvais comédien, mais fidèle à l’auteur » de Michel Cressole, dans le journal Libération du 15 décembre 1987). Thomas Mann, le romancier homosexuel allemand, était surnommé « le Magicien » par son fils Klaus, lui-même homosexuel : il écrira d’ailleurs en 1930 une nouvelle intitulée Mario et le Magicien.

 

Dessin animé Emi Magique

Dessin animé Emi Magique


 

Pour ma part, durant mon enfance, j’étais fan des magical girls des mangas japonais (et notamment d’Emi Magique, Lalabel, Gigi, She-Ra, etc.), de la rousse Sheila à la cape d’invisibilité (dans le dessin animé Le Sourire du Dragon), de Samantha (de la série Ma Sorcière bien-aimée) ainsi que de toutes les femmes bioniques (Super Jaimie en première ligne, mais aussi les Drôles de Dames, avec Chris Monroe en magicienne). J’étais aussi fasciné par l’illusionniste des Sept boules de cristal de Tintin (Hergé).

 

Judy Garland

Judy Garland


 

D’ailleurs, concernant précisément le costume de magicienne (le chapeau haut de forme, la baguette, le lapin… et toutes ses mimiques : le claquement de doigts, le nez qui bouge, le clignement d’œil, etc.) a quelque chose de l’attirail kitsch séduisant de la majorette pin-up (future pétasse), de l’homme-objet androgyne (sur-féminisé).

 

 

Certaines célébrités du monde de la magie sont connues pour être homosexuelles : Jean Cocteau, David Copperfield (le « copain » de Claudia Schiffer, fortement suspecté d’être bisexuel), Richard Simmons, Gérard Majax, Derren Brown, le romancier Arthur Dreyfus, Jérôme Savary et Copi (formant partie du Grand Magic Circus dans les années 1960), Charles Nebster Leadbeater, Jean Weber, Jean Boullet, etc. Peut-on pousser le trait en envisageant que la voix haut perchée et le rire aigu du magicien Garcimore est un indice d’homosexualité… ? Je m’arrêterais là… mais pourquoi pas, après tout ? 😉

 

Richard Simmons

Richard Simmons


 

Enfin, quasiment toutes les pubs pour Wizard (mot anglais signifiant « magicien »), le désodorisant d’intérieur, ont été jouées soit par des icônes gay (Alice Sapritch, Dalida), soit par des acteurs homosexuels (Charles Trénet, Thierry Le Luron).

 
 

b) Le prestidigitateur de l’« amour » :

La magie a à voir indirectement avec l’homosexualité dans la mesure où le désir homosexuel, par essence éloigné du Réel (par son rejet de la différence des sexes), fait prendre des vessies pour des lanternes, laisse croire à l’inversion des sexes, des apparences (appelées « genres »), des rôles, des êtres humains et des éléments naturels qui les entourent.

 

La magie dont parlent certaines personnes homosexuelles est souvent synonyme de fantasme érotique ; et le fantasme érotique homosexuel semble se caractériser par une fascination pour l’être objet : « Ce qui me plaisait plutôt, c’était de lui [Philomène] ressembler dans sa féminité. En effet, sa façon de marcher, de s’habiller ou de se tenir, dégageait un moment de magie qui me séduisait. Je la comparais de surcroît à une fleur sauvage, poussée au milieu d’une plate-forme cultivée. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 48)

 

David Copperfield

David Copperfield


 

Le magicien peut-être tout simplement l’amant homosexuel qui, à travers la passion amoureuse flattant et rassurant dans un premier temps celui qui se laisse faire par elle, conte fleurette, donne des ailes, regarde avec des yeux de braise (attitude digne du « vieux beau » bobo), montre le reflet embellissant de la magie pour cacher ses manigances de séduction : « Portrait de l’un ou de l’autre, nos deux narcissismes s’y noyant, c’est l’impossible réalisé en un miroir magique. » (la photographe lesbienne Claude Cahun parlant d’elle et de sa compagne Suzanne Malherbe, dans son essai Aveux non avenus, 1930)

 

Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, on nous raconte la rencontre entre Nicolaus Sombart et son amant beaucoup plus âgé que lui Carl Schmitt. Nicolaus a l’air comme ensorcelé : « Carl me paraissait sans âge. J’étais tellement captivé par ses grands yeux et leur admirable expressivité. […]Aucun auteur allemand de premier plan – savant, écrivain ou poète – n’a sans doute laissé un souvenir de fascination aussi unanime. Quel que soit le verdict qu’on porte sur lui, qu’on l’admire ou qu’on le condamne, on dira toujours que cet homme était fascinant. Et nul n’a plus succombé à cette fascination que moi. La première à m’avoir parlé de ce pouvoir fut ma mère. Sa magie provenait d’une espèce particulière de spiritualité rayonnante, d’une ambivalence profondément enracinée. » (p. 273)
 
 

c) Le magicien violeur (pratiquant un magie bien noire…) :

Mais le charme s’évanouit vite à la lumière du jour. Le magicien homosexuel démasqué, c’est parfois le violeur, le voleur, le ravisseur, l’oiseau de mauvais augure : celui qui arrive à nous manipuler comme une marionnette parce qu’il nous ravit (au sens propre du terme) et nous éloigne du Réel : « Je ressentais parfois du dépit d’être ainsi désacralisé, parce qu’il [le père Basile, le violeur pédophile] aidait des barrières à s’affranchir de leur idée de la réalité. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 36) ; « Comme un magicien, il nous donnait l’illusion de flotter au-dessus d’une foule de cadavres. » (Romala Nijinski, la femme maltraitée du célèbre danseur bisexuel, dans sa biographie Nijinski, 1934) ; etc.

 

Pour aller dans ce sens, il me semble signifiant que la pratique de l’homosexualité, dans certaines civilisations ou pays, soit condamnée avec la même échelle de gravité que la sorcellerie (en Afrique ou ailleurs) : « Chez les Scandinaves – Il y a un siècle, les Suédois considéraient les rapports hors-nature et les amitiés particulières comme sorcellerie – donc, crime suprême – et les pédérastes étaient lapidés. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 154) Pendant mon voyage en Côte d’Ivoire en juin 2014, j’ai pu constater combien les pratiques homosexuelles et de sorcellerie étaient parfois fortement imbriquées. Et il y a chez les personnes homosexuelles une tendance accrue à se prendre pour Dieu (cf. je vous renvoie aux codes « Se prendre pour Dieu », « Blasphème » et « Attraction pour la foi » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) qui les engage à rejoindre le monde artistico-spirituel de la magie).

 
 

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