« Plus que naturel »
NOTICE EXPLICATIVE :
J’vois pas où est le problème. C’est la nature ! C’est pas un choix !
Le désir homosexuel : naturel ou contre-nature ? inné ou acquis ? normal ou anormal ? bon ou mauvais ? Aucun des huit ! Juste « ni le meilleur ni le plus vrai ». Juste sur-naturel (en intentions) ET anti-naturel (dans les actes).
Vidéo-clip de la chanson « You Make Me Feel (Mighty Real)! » de Sylvester (important pour comprendre ce code)
Le naturel trafiqué et intentionnel
Depuis un certain temps déjà, les opposants au « couple » homosexuel disent que ce type d’amour est mauvais parce qu’il serait « contre-nature » ? Mais de quelle nature parlent-ils ? De la grande (humanisante, incarnée mais aussi divinement humaine) ou de la petite (les ressentis corporels, les sens, certains comportements animaliers) ? S’il s’agit de la petite nature humaine, ou même de la Nature en tant qu’environnement biophysique, on peut dire que le désir homosexuel semble naturel puisqu’en général il s’impose assez tôt et de manière évidente à la personne qui le ressent, qu’il n’est a priori pas un choix, qu’il peut être senti très tôt par un assez grand nombre d’individus humains (les adolescents en priorité), et que l’acte homosexuel est pratiqué par bien des espèces animales (même si, dans le cas des animaux, plus qu’un désir, il s’agit d’un instinct, d’une pulsion non libre). Cependant, c’est d’une part quand on reconnaît la spécificité et la grandeur des Hommes par rapport au reste des autres animaux, et d’autre part qu’on voit d’où est né le désir homosexuel (c’est-à-dire des images déréalisées, du copiage des hommes-objets et des femmes-objets) et vers quels artifices et attaques du corps il conduit, qu’on constate que l’homosexualité est à la fois négativement naturelle – la Nature non domptée par l’Homme est un désordre, le règne de la pulsion – et contre-naturelle dans le sens où elle a tendance à s’inspirer de la grande Nature (l’Amour) pour La détourner à des fins artistico-scientifico-amoureuses réifiantes. C’est pourquoi j’ai pour habitude de dire que, même si au final le désir homosexuel, l’amour homosexuel, et les actes homosexuels sont plus anti-naturels que naturels, ils sont en intentions surnaturels, « plus que naturels ». Ils sont en partie naturalisés par la sincérité. D’ailleurs, en écoutant les personnes homosexuelles elles-mêmes définir leur identité homo ou leur(s) amour(s), on entend qu’elles emploient souvent les périphrases superlatives « très naturel » ou « plus que naturel ». Cette naturalisation incomplète du désir homosexuel par le sentiment, l’art, certaines lois juridiques, la science (je dis incomplète car le désir homosexuel, tout profondément ancré qu’il soit, ne définit pas une personne dans son entier ; et un duo homosexuel reconnu par certaines législations comme une famille n’en devient pas pour autant procréatif ; et une personne qui se fait opérer pour changer de sexe ne gomme pas complètement sa sexuation ; et beaucoup de « couples » homosexuels qui disent s’aimer « pour de vrai », naturellement et librement, ne s’aiment pas complètement. On pourrait multiplier à foison les exemples) fait que je ne trouve les actes homosexuels ni naturels, ni totalement contre-nature, ni normaux, ni anormaux, ni banals. Ils tendent vers la violence parce qu’ils s’éloignent de la Nature et de la Réalité, non de Les fuir sciemment, mais de Les fuir en Les sacralisant. Le désir homosexuel rêve de s’accaparer la Nature pour Lui dérober sa place, pour devenir Elle. Même si, au final, les actes homosexuels attaquent concrètement la Nature, on constate le paradoxe suivant : les personnes homosexuelles sont en général folles de Nature. Et c’est cette folie qui devient anti-naturelle : adorer à l’excès, ce n’est pas aimer.
Dans son article « Les Structures de péché », dans l’ouvrage collectif Les Attaques du démon contre l’Église (2009), le Père Samuel est très clair : même s’il décrit les actes peccamineux comme destructeurs de la Nature dans les faits, il leur reconnaît quand même leurs intentions écolos et pro-Nature : « Au lieu de devenir comme des dieux par la grâce, c’est vouloir être comme des dieux à partir d’une exaltation de la Nature. » (p.70) C’est parce que les personnes homosexuelles idolâtrent la Nature – parce qu’elles en ont peur et en sont jalouse – que bien souvent elles posent des actes contre-Nature.
Quand je parle de violence ou de viol de la Nature par l’homosexualité, je me base sur ce que les personnes homosexuelles disent elles-mêmes. Pour que leur désir homosexuel devienne Réalité et acquiert la force d’amour ou d’identité qu’il n’a pas pleinement, beaucoup d’entre elles pensent qu’il leur faut forcer la Nature pour en « extraire ce toujours-plus de réalité », comme l’écrivent Deleuze et Guattari dans leur Anti-Œdipe (1973), la violenter un peu. Christophe Honoré, dans son Livre pour enfants (2005), parle même de « profaner le réel ».
Film « Aime et fais ce que tu veux » de Malgorzata Szumowska
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Amoureux », « Bobo », « Médecines parallèles », « Planeur », « Maquillage », « Animaux empaillés », « Jardins synthétiques », « « Je suis différent ! » », « Ennemi de la Nature », « Magicien », « Substitut d’identité », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », à la partie « Désir homosexuel considéré comme un dieu » du code « Désir désordonné », à la partie « Accident » du code « Passion pour les catastrophes », à la partie « Futurisme » du code « Fresques historiques », et à la partie « Paradoxe du libertin » du code « Liaisons dangereuses », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) Je suis surnaturel et mon désir homosexuel est tout-puissant, plus que naturel :
Vidéo-clip de la chanson « Si j’avais au moins » de Mylène Farmer
Il est très souvent fait référence au naturel et au « plus que naturel » dans les créations homo-érotiques : cf. le film « Lo Más Natural » (1990) de Josefina Molina, le roman Des gens (extra) ordinaires (1983) de Joanna Russ, le film « A Very Natural Thing » (« Une chose très naturelle », 1974) de Christopher Larkin, la chanson « You Make Me Feel Mighty Real » de Sylvester (reprise par Jimmy Somerville des Bronski Beat), la chanson « S.U.R.N.A.T.U.R.E.L. » de Peter Kitsch, le film « Twee Vrouwen » (« Deux fois femme », 1985) de George Sluizer, le film « Une vie normale » (1996) d’Angela Pope, le film « Normal Love » (1963) de Jack Smith, le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre (avec la reconstitution pseudo « champêtre » de l’Auvergne pour la Fête de la Batteuse), le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus (avec le chapitre intitulé « Seconde nature »), le film « The Natural History Of Parking Lots » (1990) d’Everett Lewis, le film « The Normal Heart » (2013) de Ryan Murphy (avec Brad Pitt), le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant (où on entend la chanson de Sylvester), etc.
On assiste régulièrement à une personnification mélancolico-esthétisante de la Nature. Le héros homo/bobo se met à faire parler les choses, les éléments naturels, les objets, comme les mamies qui s’expriment à la place de leurs plantes vertes ou de leurs chiens : « Autour de vous, le bourg défile à toute vitesse. Tu fixes les tours de brique et de silex du château de Dieppe. On dirait qu’elles te disent au revoir. » (Félix, le héros homo du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 23) ; « Autour de toi, la nature prend des notes. » (idem, p. 100) La Nature est envisagée comme un miroir narcissique embellissant vers lequel il est possible de s’abandonner, comme un amant gémellaire qui comprend tout (extase panthéiste bobo…) : « Je vais comme les gens de rien vers le destin. […] une brindille dans le vent, une goutte d’eau dans l’océan. » (cf. la chanson « Boulevard des Rêves » de Stéphane Corbin) Le héros homosexuel se confond même avec Elle (ou plutôt avec l’image qu’il s’En fait) ; « Moi, mon rêve, ce serait un mec proche de la Nature. » (François, le héros homo du one-man-show Hétéro-kit (2011) de Yann Mercanton). Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf écrit en 1929 une autobiographie, Orlando, où elle dit que les deux choses essentielles bien supérieures à l’Amour sont « les chiens et la Nature ».
Le héros homosexuel a tendance à confondre « sa » nature propre – qui peut très souvent se réduire à un ressenti d’auto-persuasion, être le fruit de ses fantasmes – avec « la » Nature, objective et mystérieuse, en particulier dès qu’il s’agit de son désir homosexuel : « Lutter contre ma nature, c’est ça qui serait contre-nature. » (un des protagonistes homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « À chacun sa nature. » (cf. la chanson « Je suis gay » de Samy Messaoud) ; « On y est pour rien Bryan, on est nés comme ça, on n’a pas choisi. » (Kévin s’adressant à son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 323). Un jugement moral est généralement apposé à la naturalisation et à l’essentialisation arbitraire de l’homosexualité : « Je t’aime. Tu es plus normal que n’importe quel salaud assis autour de cette table. » (la mère de Ben à son fils homo, dans le film « The Family Stone », « Esprit de famille » (2005), de Thomas Bezucha) ; « Je suis aussi réel que vous. » (Danny s’adressant à Zach dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Des mecs qui se font des pipes, qui s’enfilent, qui partouzent. C’est pas choquant, c’est la nature. » (Francis, le héros homosexuel du film « Le Fils préféré » (1993) de Nicole Garcia) Dans le film « Jagdszenen Aus Niederbayern » (« Scènes de chasse en Bavière », 1968) de Peter Fleischmann, quand Rovo, l’un des deux héros homos, demande à sa mère ce que c’est qu’une « pédale », elle lui répond : « C’est les premières tomates. »
Le désir homosexuel est posé par comme une évidence chimique ET surnaturelle. Avec l’idée que l’amour aurait réuni deux âmes jumelles sans que celles-ci n’y puissent rien : cf. le film « Elena » (2010) de Nicole Conn, le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, la chanson « Les Fleurs de l’interdit » d’Étienne Daho, etc. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), en jouant avec l’homophobie avec les homosapiens, Fabien, le héros homosexuel, dit que les homos sont plus originels au genre humain que les hétéros : « Vous avez déjà entendu parler des hétérosapiens ? Non. Nous sommes donc à l’origine de l’Humanité, nous les homosapiens. »
Certains héros homos se prennent pour les héritiers naturels d’une puissance/espèce surnaturelle. « Le paysan du Cantal rencontre même des extra-terrestres : ‘Oh ! un Noir ?!’ ; ‘Oh ! un Arabe ?!’ ; ‘Aaaah !!!, un pédé ?!?’ J’avais l’impression, moi aussi, d’être un extra-terrestre. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) Par exemple, on entend dans leur discours la croyance en un « sixième sens » homosexuel. « Tu viens d’ailleurs, c’est évident ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 212) ; « Est-ce que tout le monde est gay ? Est-ce que je suis dans la Quatrième Dimension ??? » (Emily, la femme bafouée, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; etc.
Ce n’est pas un hasard si la thématique des extra-terrestres est couramment traitée dans les fictions homo-érotiques (parfois même, il arrive qu’ils soient identifiés explicitement comme homosexuels) : cf. la pièce Le Gang des Potiches (dans laquelle Nina, l’héroïne lesbienne, est comparée à E.T. l’extra-terrestre), le film « Œdipe N + 1 » (2001) d’Éric Rognard, le film « Bug » (2002) d’Arnault Labaronne, le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick, le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « I Married A Monster From Outer Space » (1958) de Gene Fowler Jr (avec l’extra-terrestre gay), le film « Choujue Dengchang » (2001) de Cui Zi’en, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec la Reine des Rats qui possède des pouvoirs surnaturels), le film « ¿Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? » (« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », 1984) de Pedro Almodóvar (avec la gamine qui commande aux ascenseurs et qui crée des catastrophes à distance), la chanson « Extraterrestre » de Philippe Katherine et Arielle Dombasle, le film « Les deux martiennes » (2006) d’Yvette Neliaz, la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé (Martial, le héros homophobe, compare les homos à des extra-terrestres), la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (racontant une aventure intergalactique), le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, etc. « À moins d’être enlevée par des extra-terrestres, je me demande ce que je viens faire dans ce trou ! » (Carole, l’héroïne lesbienne perdue en campagne, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) Par exemple, dans le film « Codependent Lesbian Space Alien Seeks Same » (« Extraterrestre lesbienne codépendante cherche de même », 2011) de Madeleine Olnek, nous suivons les aventures, les mésaventures et les expériences de trois femmes extraterrestres venues de la planète Zots, envoyées en mission sur Terre pour se débarrasser des émotions romantiques qui sont considérées comme toxiques sur leur planète). Dans la pièce Soixante Degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi, le héros homosexuel, écoute sa radio portative et un flash-infos parlant furtivement des extra-terrestres. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, Mémé Huguette a tout de l’androgyne immatériel asexué/sursexué : elle se décrit d’ailleurs comme une « sorcière », une « extra-terrestre » (« E.T. »), capable de passer d’un corps à l’autre (« N’oubliez jamais ça : En chacun de nous sommeille une mémé comme moi. ») : « Je suis bisexuelle. Bisexuée. Je porte les deux sexes. J’ai été envoyée par des extra-terrestres. » Dans le film « Le Cinquième Élement » (1997) de Luc Besson, le personnage de Leeloo représente bien l’extra-terrestre mutique, fantasque et efféminé, suggérant l’homosexualité. Dans certains films (comme « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, ou encore le film « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg, le vidéo-clip de la chanson « Thriller » de Michael Jackson, etc.), le héros homosexuel se retrouve dans le lit d’un amant extra-terrestre qui lui veut du mal : « C’est génial. J’ai encore jamais fait l’amour avec un martien ! » (le client du bar, Vincent, s’adressant à Steeve, son futur assassin, dans le film « Cruising », « La Chasse » (1980) de William Friedkin). Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, le jeune héros homo de 10 ans, est maltraité à l’école. Ses camarades (notamment Cédric) lui disent qu’il vient de la « planète gay ». Dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, l’Inquisiteur extraterrestre de la B.D. de Lily fait son coming out : « ‘Je suis gay !’ dit l’Inquisiteur. »
Le héros homosexuel a tendance à proclamer fièrement son originalité, son identité homosexuelle « plus que normale ». Ce « Je suis plus que normal » répond en réalité à un « Je suis anormal » qui l’a précédé : « Je suis différente de toi, de toutes les autres filles. J’suis pas normal. » (Tania l’héroïne lesbienne de la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell) ; « Tout le monde sait que je ne suis pas normal ! » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Adolphe Blanc était l’anormal le plus normal de tous les hommes. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 458) ; « Et si ce qu’il faut, c’est que tu sois originale, je m’arrangerai pour que tu puisses l’être. » (Amy qui veut bien jouer à la lesbienne avec sa meilleure amie Karma pour lui faire plaisir et lui faire gagner de la popularité dans leur lycée, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; etc. Par exemple, dans le film « Freeheld » (« Free Love », 2015) de Peter Sollett, le militant homosexuel Steven Goldstein prononce avec provocation son prénom en soulignant « avec un V majuscule comme Very Gay !« . Le trop-plein d’assurance cache en général chez le protagoniste homosensible un trop-peu de confiance en soi.
Dans les fictions, la surcharge de nature conférée au désir homosexuel le désigne bizarrement comme un élan artificiel. D’ailleurs, excès et homosexualité sont souvent mariés dans les superlatifs : « C’est encore moi. C’est encore plus moi. » (le héros homosexuel en parlant de son coming out, dans le film « Komma Ut », « Coming Out » (2011) de Jerry Carlsson) ; « C’était tellement naturel ! » (Florence en parlant de sa première relation sexuelle lesbienne, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Ça me semblait contre-nature. Mais au fond, ça ne l’était pas du tout. » (Leopold, le héros homosexuel racontant sa première expérience homo, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Michael […] Ce garçon superhomosexuel est tombé dans le piège des femmes. » (la voix narrative du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 142) ; « Avec un mec, c’est chaque fois la première fois… Encore plus. » (Franck, le héros homosexuel de la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « C’était un amour plus pur que ce que j’avais vécu avant. » (Jules, le héros homosexuel parlant de sa relation avec Quentin, qui succède à ses aventures hétérosexuelles, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Le futur sera bien plus que parfait. » (cf. la chanson « Réévolution » d’Étienne Daho) ; « Je ne crois pas à l’union permanente entre un homme et une femme. […] Déboulonnons cet idéal d’amour et de mariage. Voyons plus grand. Je crois en une relation supplémentaire, parfaite, entre un homme et une femme. Supplémentaire au mariage. » (Alan Bates dans le film « Love » (1969) de Ken Russell) ; « Au-delà du sexe et des lois, je t’aime. […] Au-delà de ce qu’on nomme Nature, je t’aime. » (Lord Enrique dans le roman Contradanza (1977) de Francisco Ors, cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 283)
b) Une seconde nature, travaillée par l’art, la science, le sentiment, la spiritualité :
Élie Kakou en attachée de presse
Dans le discours de beaucoup de créateurs homosexuels, plus une chose ou une personne devient artificielle, plus on lui décerne la Palme du Plus que Naturel : « Sa beauté indiscutable se passait de l’intelligence. L’élégance avec laquelle elle portait un corsage entièrement brodé de diamants sous une hermine et une toque en plumes d’oiseau de paradis pour monter les escaliers de l’Opéra, la faisait paraître d’un naturel parfait chez les figurants de la jet society. » (la description de Maria-José, le personnage transsexuel M to F de la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 32) ; « Chez moi, tout est naturel. » (un homme passé par le billot et le bistouri des chirurgiens esthétiques, dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Moi c’est naturel. » (l’attachée de presse en parlant de sa teinture de cheveux, dans le spectacle comique Élie Kakou au Point Virgule (1992) d’Élie Kakou) ; « Le Hairspray, c’est moi ! » (Corny Collins, le présentateur efféminé vantant les mérites de la marque de brumisateurs et de laque pour les cheveux, dans la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters) ; « Merci la régie, je remercie mon metteur en scène et mon chirurgien esthétique… Ah ben non, vous ne pensez pas qu’on est aussi superbe au naturel quand même… » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2010) de Jérémy Patinier) ; « Jessica, je crois qu’elle est un petit peu trop féminine à mon goût. » (Jean-Louis par rapport à son meilleur ami trans M to F Jessica, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; etc. Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, la plage virtuelle qu’est « Paris Plage » est présentée comme LE lieu gay par excellence. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le docteur Blaise Poppyx, homosexuel, va implanter des faux pectoraux et des poils sur le fiancé de Gatal. Plus tard, le Père 1 apprend au fiancé de son fils à concevoir par clonage une souris pour faire ensuite de même avec un humain.
Dans le one-man-show Gérard, comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, le héros homosexuel évoque ses multiples séances d’UV (« Évidemment, ça fait bronzage naturel. »), le bleaching de ses dents, ses visites précoces chez les relookeurs (« À 18 ans, j’allais me faire des soins en institut de beauté. »), son addiction à la salle de muscu, le fait qu’il se fasse blondir, l’artillerie de ses crèmes de nuit, etc. Tout cela vise à prouver son homosexualité latente refoulée.
Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, la Nature est mise en avant, et dès le départ. Et paradoxalement, c’est le voyage de Delphine, l’héroïne campagnarde, à Paris pour vivre son homosexualité au grand jour, qui fait dire à Antoine, un compagnon d’enfance et de terroir de Delphine : « T’as changé. Tu fais plus femme. »
Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Agrado, le personnage transsexuel M to F, au moment de se présenter à un public venu voir une pièce de théâtre annulée, se montre sous toutes ses coutures, passant en revue les multiples parties de son corps qui ont été modifiées à prix d’or par la chirurgie esthétique : « En plus d’être agréable, je suis TRÈS authentique. » Il conclut ironiquement/désespérément son exposé sur les avantages indéniables de la nature intentionnelle, par une phrase très Walt Disney « L’important, c’est de croire fort en ses rêves, et ils se réaliseront » : « Une personne est d’autant plus authentique qu’elle ressemble à ce qu’elle a toujours rêvé d’être intensément. »
Surtout chez les personnages travestis ou transsexuels, on passe, par rapport à l’objet de désir (= la femme-objet ; ou l’homme-objet), de la comparaison, à l’identification, pour finir par un dépassement-substitution (de la différence des sexes par exemple, de la réalité de la sexuation, de l’amour) : « Je suis comme une femme. Je suis une femme. Je suis mieux qu’une femme. » (Frédéric Longbois, le travesti M to F du film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot) ; « Je suis plus fille que tu ne peux l’imaginer ! » (Dadou, l’héroïne lesbienne de la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy) ; « Soyez plus que vous n’étiez. Vous n’en serez que plus homme. » (Lady Macbeth s’adressant à son mari, dans la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare) ; « Ahhh… la femme… elle ne sait pas ce que c’est que d’être La Femme ! » (Michael, un des personnages homosexuels du one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte) ; « Chéri, je suis plus homme que tu ne l’as jamais été et plus femme que celles que tu auras jamais. » (Antonio Fargas dans le film « Car Wash » (1976) de Michael Schultz) Un surpassement – enthousiasmant en théorie mais peu réaliste et humble – du genre humain est imposé : « Il ne sera pas un homme ! Il ne sera fille ni garçon ! Je le sais, il est la somme de toutes les additions ! » (Lou parlant de son bébé arrivant au monde, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; etc.
Film « Huit femmes » de François Ozon
On nous donne à croire que par l’art, le maquillage, le sentiment, ou la science, la Nature va être dépassée, sublimée, « plus Elle-même qu’Elle-même » : « Nous ne subissons pas la Nature. Nous l’avons transcendée. » (Julien, le héros homosexuel de la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « Il n’y a pas à dire, Jioseppe [le sculpteur] a vraiment un don, qui lui permet d’aller au-delà même de la représentation vraie, pour toucher l’idéal. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 10) ; « Il ne se considère pas comme un simple imitateur de nature. » (idem, p. 11) ; « C’est à ce moment de l’histoire de l’humanité [l’époque de Dibutades, la Grèce Antique] que nous sommes passés d’un art purement imitateur de la nature à l’art tel que vous l’avez connu depuis, celui qui transcende cette même nature. » (idem, p. 368) Par exemple, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Catherine, l’héroïne lesbienne, travaille sur des matières déformables.
Selon certains « créateurs du Réel » homosexuels, l’art permettrait l’émergence du « plus que naturel », c’est-à-dire qu’il produirait une solution chimique qui mêlerait d’une manière indiscernable et « puissante » le complètement faux et le totalement vrai (comme l’illustre ce dialogue de l’Acte 1 de la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) :
Personnage 1 – « Tout est faux, mon costume, mes cheveux (montre sa perruque), mon accent, ma voix, tout est travaillé, ce n’est pas vrai…
Personnage 2 – Si.
Personnage 1 – Ah bon ?
Personnage 2 – C’est vrai, tout est vrai, parce que la fiction c’est une forme de vérité. »
Sur le terrain des sentiments, on assiste au même procédé : sont mises en avant les sincérités émotionnelles des amants homosexuels fictionnels, sont scénarisées leurs résistances à la faisabilité de leur « couple » (des exigences d’amour que l’on voit rarement dans la réalité concrète entre personnes homosexuelles réelles), pour prouver une authenticité d’amour, pour montrer que les personnes homosexuelles ne sont pas des « filles faciles », que l’amour homo est plus fort que toutes les adversités, que les sentiments commandent au Réel : « Excuse-moi. J’peux pas te donner c’que tu veux. Pas ici… pas comme ça… » (Benjamin refusant d’embrasser et de coucher avec Vincent le premier soir, dans le téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve) ; « J’veux pas. Pas ici. Pas comme ça. » (Cédric se dérobant à Laurent dans le film « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure)
c) Un dépassement transcendant/violent de la Nature (au nom du naturel pourtant !) est effectué :
Certains personnages homosexuels construisent sous nos yeux la nature humaine, comme si celle-ci était faite en papier mâché : « Le vieil ami Tarzan a tout juste fini de se construire un enfant avec un bon tronc d’arbre, des lianes, un singe et des feuilles en matière plastique collées ensemble une à une. » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 102) Mais le résultat de cette prétention à la création de la Nature est souvent raté, puisqu’évidemment, ils ne sont pas Dieu. Par exemple, dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, l’histoire d’homoparentalité commence comme par hasard par la teinture de César (Christian Clavier justement) qui est « trop rouge » parce qu’il est sorti précipitamment de chez le coiffeur. Dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green, Michael se pique aux hormones pour prendre une apparence naturelle de femme… mais sa vie sentimentale et familiale se révèle un désastre.
Le héros homosexuel n’est pas réellement au service de la Nature qu’il adore. Il prétend la mettre sous verre pour la fuir ET la posséder totalitairement : « Depuis longtemps, Jason n’était plus capable d’apprécier le spectacle de la nature pour lui-même. En bon dandy féru de décadence, et ayant entretenu son raffinement avec le soin maniaque que l’on prend à s’occuper d’un bonzaï, il était saturé de culture. Un flot de références picturales ou littéraires venait faire écran à toute impression spontanée, et spécifier la teneur même de son émotion. C’est ainsi que la mer, à l’horizon, lui parut avoir revêtu son plus beau bleu Klein. […] La transparence de l’air lui rappela quelque ciel italien de Corot. Quant aux hortensias qui exhibaient avec une joyeuse fierté leurs gros pompons roses, bleus et mauves, ils semblaient sortis du costume d’Arlequin d’une fête galante de Nicolas Lancret. » (Jason, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 31) ; « Dans son obsession du contrôle il avait besoin de prévoir l’imprévisible jusque dans ses moindres détails. » (idem, p. 77)
Une prestidigitation de Nature s’opère. Pendant que ses compagnons ont le dos tourné, le héros homosexuel prend le naturel, le trafique à sa façon pour lui enlever toutes les aspérités qui gênent ses propres fantasmes de toute-puissance ; puis la nouvelle Nature est remise sur l’étalage, comme si de rien n’était. Et gare à ceux qui détecteraient la contrefaçon et qui par conséquent identifieraient son orgueil de s’être pris pour Dieu ! En toute logique, le naturel nouvellement proposé s’annonce à coup d’injonctions et d’impératifs… « Liberté des corps, égalité des sexes (c’est moi qui prend la mesure), fraternité et sonorité ! Soyez vous-même, réveillez vos sens ! Ne dites jamais la première chose qui vous vient par la tête, c’est toujours de la fatalité, un réflexe… Soyez naturel, dites la deuxième ! Vous verrez, la deuxième chose qui vous vient à l’esprit, c’est souvent, le corps… » (la « folle » militante dans la pièce La Fesse cachée (2010) de Jérémy Patinier) ; « On n’est jamais trop pédé ! » (Benjamin, homosexuel, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.
Le danger de défendre une nature « plus que naturelle » ou un amour « plus que naturel », c’est bien sûr l’éloignement du Réel. Je prendrai l’exemple de l’amour lesbien entre Stephen et Mary relaté par Marguerite Radclyffe Hall dans son roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) pour essayer de me faire comprendre. On lit chez les protagonistes une obsession pour la Nature : « Elles menaient une vie naturelle, une vie qui leur semblait à elles parfaitement naturelle. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, et sa compagne Mary, p. 393) ; « Elle leur semblait étrange, et pourtant toute naturelle, cette ardente et nouvelle réalisation, qui comportait quelque chose de magnifique et d’insistant, dépassant presque le cycle de leur volonté. Leur amour apparaissait à Mary et à Stephen comme quelque chose d’aussi primitif que la Nature elle-même. » (idem, p. 411) ; « Elles semblaient regarder droit dans les yeux un amour transformé… un amour surnaturel, désincarné. » (p. 422) Plus tard dans le roman, le « couple » lesbien déchante d’avoir défier la vraie Nature : « Dans des relations telles que celles de Mary et de Stephen, la Nature doit payer le prix de ses expériences. » (p. 441) On se rend compte que la recherche de naturel chez Stephen a pour origine un refus d’elle-même et de sa nature sexuée, ainsi que la jalousie : « Stephen détestait Roger Antrim, et cette aversion s’augmentait d’un sentiment d’envie des plus humiliants. Car, en dépit de ses imperfections, elle enviait au jeune Roger ses lourds et forts brodequins, ses cheveux ras et sa veste d’Eton ; elle lui enviait son droit de grimper aux arbres, de jouer au cricket et au football : son droit d’être parfaitement naturel ; elle lui enviait par-dessus tout son admirable conviction qu’être un garçon constituait, dans la vie, un privilège. » (Stephen, idem, p. 63)
La « Nature » récupérée/taillée par le personnage homo n’est pas si naturelle, apaisante, et innocente que cela : « Je me demande si on ne déforme pas la réalité pour lui faire dire ce qu’elle n’est pas. » (Tom s’adressant à son amant Bryan par rapport à leur relation, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; « Il a une beauté naturelle peu naturelle. » (Harold par rapport au jeune et beau Tex, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin) ; « C’était la première fois qu’Ednar faisait l’amour ; enfin un ‘câlin.’ Quoi de plus naturel pour un jeune homme de seize ans, si le prétendant n’était pas un copain de son âge rencontré par hasard un soir sur la plage ! Mais voilà, une fois ce premier ‘rapport sexuel’ consommé, il lui procura plus de dégoût que de plaisir. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, Un Fils différent (2011), p. 19) Le détournement de Nature à travers la création d’une hyper-Nature peut même être la source de grands tourments et frustrations… puisque quoi de pire que de courir après un amour immatériel, qui ne s’incarne pas pleinement, et qui ne se laisse pas toucher ?
On découvre dans certaines fictions homo-érotiques que l’invocation excessive de la Nature – et dans le même mouvement la sacralisation de la « nature » homosexuelle – cache en réalité une violation de Celle-ci et de l’Homme (cf. le film « Geniune Rape » (1987) d’Hisayasu Sato). « De tout temps, j’ai toujours eu envie d’avouer mon homosexualité, mais je ne trouvais pas d’explications pour dire pourquoi j’étais homosexuel. Je suis homosexuel, cela ne se justifie pas, et c’est très bien ainsi. D’ailleurs, on ne s’excuse pas de ce qu’on est naturellement. » (Ednar, le héros homosexuel ayant subi dans son enfance trois viols pédophiles, dans le roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 116) ; « À cet instant, je compris que ma nature ‘romantique’ me porterait naturellement à toutes les cruautés et que, de toutes celles qui existaient, contrairement à ce que l’on pensait, elle était parmi les plus redoutables, puisqu’en exagérant tout de sentiments elle rendait l’être humain capable de passer du plus grand des attachements à la plus grande indifférence. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 50) ; « Il me semblait maintenant que toute transgression des règles habituelles pouvait rendre en plaisir ce qu’elle avait volé au naturel. » (idem, p. 110) ; etc. Par exemple, dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la bourgeoise « maquillée comme une voiture volée », reproche à sa belle-sœur Vanessa de « se laisser aller question féminité » : « À force d’être naturelle, on en oublie sa féminité. »
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) Je suis surnaturel et mon désir homosexuel est tout-puissant, plus que naturel :
Il est souvent fait référence au naturel et au « plus que naturel » dans les discours des militants homosexuels : je vous renvoie au documentaire « Enough Man » (2004) de Luke Woodward. Beaucoup de réseaux sociaux LGBT ou de noms associatifs vont dans le sens de l’essentialisation superlative (donc identitaire et amoureuse) du désir homosexuel : cf. le programme Ipergay , les titres-bidon des associations inventées par Xavier Bongibault (« Plus gay sans mariage », « Gays pour la vie »), etc. Si on refait un bon en arrière dans le temps, on peut penser, sous l’Allemagne nazie, au mouvement Wandervogel et « leur proximité authentique avec la nature » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 134), le « Naturprozess » dont parle Hans Blüher.
Les personnes homosexuelles ont tendance à confondre « leur » nature propre – qui peut très souvent se réduire à un ressenti d’auto-persuasion, être le fruit de leurs fantasmes – avec « la » Nature, objective et mystérieuse, en particulier dès qu’il s’agit de leur désir homosexuel. « Tout individu doit jouir de sa vérité, de sa nature, de sa liberté. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; « J’ai décidé de vivre selon ma nature. » (Édith, femme lesbienne suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; « En 2005, Christine Bakke fait pour la première fois l’amour avec une femme : ‘C’était sa première fois à elle aussi, ce que j’ai trouvé très beau. Il n’y avait aucune attente, c’état naturel, ça coulait de source.’ » (Christine Bakke, ex-ex-lesbienne, interviewée à Denver, dans le Colorado, fin 2018, dans l’essai Dieu est amour (2019) de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Éd. Flammarion, Paris, p. 84) ; etc. Par exemple, dans le documentaire Les Règles du Vatican (2007) d’Alessandro Avellis, Alfredo Ormando, un homme homo qui s’est immolé par le feu en 1998 sur la place Saint Pierre au Vatican, a rédigé juste avant sa mort un récit testamentaire dans lequel il présente son homosexualité comme un fruit de la Nature. Toujours dans ce même reportage, le père Franco Barbero soutient que l’homosexualité est un « amour normalissime ». Dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6, Jackie, homme M to F initialement appelé Jacques, prétend, après son opération chirurgicale, « se sentir plus femme ».
Dans le documentaire « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002), Hervine, une femme lesbienne de 30 ans, s’adresse de manière gentiment provocatrice à Serge Moati, le réalisateur, en ces termes : « Dans mon enveloppe charnelle, je ne suis certes pas homme, mais qui dit qu’à l’intérieur de moi et dans ma tête, je ne suis pas plus homme que toi ? » Non seulement les personnes homosexuelles font passer la réalité fantasmée pour une réalité positive, mais en plus, elles postulent que cette nouvelle réalité est plus réelle que la Réalité-même. Dans une émission Ça se discute consacrée à l’homosexualité féminine (diffusée en 2004 sur la chaîne France 2), Annie-Paule, une femme lesbienne, narre sa première rencontre génitale lesbienne (on y retrouve cette idée de surréalité) : « Au départ, on a peur. Comment ça va se passer… Et puis finalement, ça se fait tout seul. C’est naturel. C’est même peut-être plus naturel. » C’est leur recherche de l’« extraréel » (formule que j’emprunte à un ami romancier) qui dit que beaucoup de personnes homosexuelles souhaitent quitter la Réalité, paradoxalement au nom de sa recherche. C’est la raison pour laquelle elles présentent souvent la Nature comme une terrible ennemie, tout en ne jurant que par Elle. Tout, selon elles, doit devenir culturel, donc inventé, évolutif, relatif ; et paradoxalement elles considèrent qu’une chose est mauvaise parce qu’elle est culturelle et qu’elle manquerait de Nature.
Un certain nombre d’individus homosexuels ont coutume d’annoncer leur désir homosexuel comme un fait établi, qui ne se discute pas, que la Nature leur aurait imposée, au-delà même de leurs propres intentions et des calculs de la pensée. C’est pour cela que ce serait un « plus que désir » : il aurait supplanté tous les autres désirs (la conscience de l’enfant, la mémoire des souvenirs, la perception nette de son homosexualité, l’attraction sexuelle, la connaissance de l’amour adulte, etc.) : « Être gay est ce qu’il y a de plus naturel. » (cf. l’article « Doce Días De Febrero » de José Mantero, dans l’essai collectif Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 190) ; « Bien sûr que c’est naturel. » (Irène, une femme lesbienne de 65 ans jadis mariée avec un homme, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « Comment une vie bascule à travers une main qui s’aventure… Je suis devenue une vraie femme. » (Thérèse par rapport à sa toute première fois lesbienne, où une ancienne camarade de classe dévergondée l’a dépucelée, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « L’homosexualité, c’est tout à fait naturel, c’est normal. » (Robert, le coiffeur homo de Ménie Grégoire dans le film documentaire Ménie Grégoire : Une Voix sur les ondes (2007) de Marie-Christine Gambart et Sophie Garnier) ; « Ça devrait pas être un monde idéal. Ça devrait être un monde naturel ! » (Marie-Paule Belle rêvant d’un monde où l’homosexualité ne pose pas problème, dans l’émission Dans les yeux d’Olivier, « Les Femmes entre elles », d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011) ; « Depuis que je suis avec Sybille, il y a quelque chose qui a changé pour moi. Je ne sais pas comment dire, il y a quelque chose de naturel. » (Élodie, femme lesbienne de 46 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 61) ; « Ici les femmes sont debout, parfois perdues, bousculées par la vie, mais toujours au cœur des films. Ces lesbiennes existent pour et par elles-mêmes. Elles ne servent pas de faire-valoir à un autre personnage, elles ne questionnent pas leur orientation sexuelle, elles sont femmes, elles sont lesbiennes mais ça ne suffit pas à faire un film, et c’est cet au-delà, ce plus, cet autre chose qui m’a plu. » (Marie Labory, dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 10) ; « C’est la nature qui veut les choses. » (Pierrot, le papy fermier comparant son homosexualité à ses animaux d’élevage pour la justifier, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « C’est inscrit dans mes gènes. » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, idem) ; « Qui est-ce qui vous a dit qu’il y avait une différence d’âges ? » (Xavier, 67 ans, en « couple » avec Guillaume, 30 ans, dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne) ; « Je ne me suis jamais senti contre-nature. Je ne me suis jamais senti si naturellement naturel. » (Luca s’adressant à son copain Gustav, dans le documentaire « Homophobie à l’Italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi) ; etc.
Certaines personnes homosexuelles vont jusqu’à dire qu’elles ont un « corps homosexuel », ou bien qu’elles font partie d’une race à part de l’Humanité : « Je n’avais pas choisi, ni le don de la foi, ni mon homosexualité. Mais je pouvais choisir de vivre sereinement, de manière libre et responsable, ma démarche chrétienne dans mon corps d’homosexuel. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 114) Dans leur course à l’essentialisation et à la normalisation de leur désir homosexuel pour se rassurer de ne pas être anormales, il arrive qu’elles se prennent pour les héritières naturelles d’une puissance/espèce surnaturelle. Par exemple, on entend dans leur discours la croyance en un « sixième sens » homosexuel. « Je pense que l’homosexualité, ça développe l’intelligence. Non pas qu’on soit plus intelligents que les autres. Mais on est plus sensibles. » (Françoise, une femme lesbienne, dans l’émission Dans les yeux d’Olivier, « Les Femmes entre elles », d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011) Certaines s’identifient même à des extra-terrestres ou à des anges (cf. le code « Se prendre pour Dieu » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « C’était la comète de Haley du gay. » (Dan Savage, homosexuel, par rapport à Liberace, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) Par exemple, dans les années 1980, le dramaturge Copi arrive sur scène complètement nu et peint en vert comme un martien dans Loretta Strong. En 1969, le chanteur bisexuel David Bowie se met dans la peau d’un cosmonaute, le Major Tom, qui ne veut plus revenir sur Terre, et qui va se transformer en Ziggy Stardust, une rock star psychédélique, un flamboyant alien. Et pour l’identification homosexuelle, ce personnage a fixé des homosexualités : « Adolescent, je suis allé à un concert de David Bowie. Et ça a été une expérience fascinante. J’avais reçu une éducation très stricte. Je ne connaissais pas d’homos. C’était un monde totalement nouveau. Pour moi, David Bowie était un alien qui représentait une forme de liberté. » (Steve Blame, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte)
Pourquoi cette tendance homosexuelle à proclamer fièrement son originalité, son identité plus que normale ? Je crois que ce « Je suis plus que normal » répond en réalité à un « Je suis anormal » qui l’a précédé : « Puisque la normalité exige que le masculin soit attiré par le féminin, et puisque ce n’était pas mon cas, j’en concluais que je souffrais d’une mystérieuse maladie. » (Brahim Naït-Balk,Un Homo dans la cité (2009), p. 15) ; « Comme personne ne me ressemblait autour de moi, comme je n’avais aucun repère, j’ignorais tout de l’homosexualité et j’ignorais que je l’étais. Je me croyais anormal, malade. » (idem, p. 91) ; « La musique d’Amanda Lear m’a aidé à accepter mon aberration. Je me disais que la chanson d’Amanda Lear ‘Follow Me’ est peut-être plus aberrante que ce que j’éprouve. En ce sens, elle m’a beaucoup aidé et ça m’a rendu plus fort. J’avais tous les disques d’Amanda Lear. Je les connaissais par cœur. Et ça a vraiment renforcé ma confiance en moi. » (Hape Kerbeling définissant son désir homosexuel comme une « aberration », interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; etc. Le trop-plein d’assurance cache en général un trop-peu de confiance en soi, une croyance absurde en son anormalité.
Bien des personnes homosexuelles se comparent au monde animal, NON LIBRE par définition, pour justifier d’une identité naturelle et d’un amour humain LIBRE ; voilà bien là une réelle contradiction ! Certains chercheurs pro-gays sentimentalisent la faune en projetant sur elle leurs rêves déshumanisants qu’ils veulent imposer ensuite à l’être humain. On peut penser à la fréquente comparaison des Hommes homosexuels aux singes bonobos, au traitement de l’« homosexualité » dans le monde animal par André Gide dans Corydon (1920), aux travaux de Jean-Pierre Otte, ainsi qu’au documentaire « L’Homosexualité animale » (2001) de Bertrand Loyer. Par exemple, en 2006, au Musée d’Histoire naturelle d’Oslo (Norvège), a été montrée une exposition de plus de 1000 espèces d’animaux ayant des comportements soi-disant « homosexuels ». Dans ses écrits du milieu des années 1870, Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895) insiste sur le « », de l’homosexualité parmi les animaux, particulièrement chez les coléoptères. « La pénétration anale n’est pas une offense à la nature, à la loi morale ou à l’honneur d’un homme, si la nature a besoin d’elle précisément. » : « Selon ce raisonnement, la nature est souveraine. Dieu ou la nature ont implanté dans le cœur de certains hommes l’amour anal d’autres hommes ; il doit être satisfait ! » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 89)
Et l’opinion publique, pour leur faire plaisir, va de leur sens en affirmant que leur désir homosexuel n’est certainement pas un choix (alors qu’au fond, on n’en sait trop rien…) : « L’homosexualité est quelque chose de physique. […] Il me semble que l’homosexualité est avant tout une réalité biologique. » (Christine Boutin interrogée dans l’ouvrage Christine Boutin, Henry Chapier, Franck Chaumont : Les homosexuels font-ils encore peur ? (2010) de Xavier Rinaldi, pp. 21-22) ; « Chez les animaux, l’homosexualité, ça se passe beaucoup. » (un agriculteur interrogé au Salon de l’Agriculture à propos de l’homosexualité, dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger)
La naturalisation du désir homosexuel n’est pas sans risque : même si elle est minorisante et ne se dit pas toujours en termes dangereusement universalisants, elle est non seulement exercée par les membres de la communauté homosexuelle souhaitant faire des individus homosexuels une espèce à protéger, mais aussi par leurs opposants, voulant pour le coup détruire et corriger « l’espèce protégée ». « Hétérosexuels et homosexuels sont des mots barbares, des qualificatifs dont se parent et s’accablent des hommes mutilés qu’on apprend ou qui s’apprennent à réprimer des envies parfaitement naturelles. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Vivant dans ce monde de jeunes garçons, j’ai été initié tout naturellement. » (idem) ; « Combien d’hétérosexuels ont fait des expériences homosexuelles dans leur vie ! Ça prouve que c’est une expression tout à fait naturelle de la sexualité. » (idem) Ce retour de bâton homophobe – effet-miroir pervers de la théorie inversante et gay-friendly du « Troisième Sexe » – est par exemple visible dans l’essai (retiré à la vente) 700 millions de GEIS (2010) de Chekib Tijani. Ce « chercheur » développe de manière prétendument scientifique « la notion de Genre Endogène Inversé » dans le but de l’éradiquer : « Quand il y a non-concordance entre sexe anatomique et sexe psychologique au sein d’un même individu, il y a inversion identitaire. Inversion parce que sexe psychologique et sexe anatomique sont l’inverse l’un de l’autre. » (p. 13)
b) La Minute difficile :
Beaucoup de personnes homosexuelles revendiquent l’existence d’une seconde nature, supposée plus authentique que la Nature « classique ». Cette hyperréalité sincérisée a souvent un lien avec l’excès, l’artifice. Dans le discours de beaucoup de créateurs homosexuels, plus une chose ou une personne devient superficielle, plus on lui décerne la Palme du Naturel : « Les choses sont toujours plus intéressantes quand on exagère. » (Celia la conservatrice de musée s’adressant à Bertrand, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; « La seule différence entre les surréalistes et moi est que je suis surréaliste. » (Jean Cocteau) ; « Elle [l’actrice Lola Sola] était championne de natation. Une fille au physique exceptionnel. Imaginez un peu. Elle a commencé à nager à dix ans. Des jambes incroyables. Et surtout une poitrine naturelle d’une générosité… rarement vue. Quand elle a été championne, on voyait partout des photos d’elle. Le metteur en scène Carlos Sanchez a eu l’idée, en voyant ces clichés, de transformer la nageuse en sex-symbol. Et on peut dire qu’il a gagné son pari. Maintenant, elle est doublement championne : de natation et de sex-appeal. » (Fernando dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 250) ; « C’était un bel homme, James. Pourquoi ça n’aurait pas été une belle femme ? » (la narratrice transgenre F to M se met dans la peau de James, une femme qui s’est fait passée pour un homme toute sa vie, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems) ; etc.
Les membres de la communauté homosexuelle ont trouvé en la bimbo siliconée la plus charismatique représentante de leur passion pour la nature trafiquée. Surtout en ce qui concerne les hommes travestis ou transsexuels, on passe, par rapport à l’objet de désir (= la femme-objet ; l’homme-objet), de la comparaison, à l’identification, pour finir par un dépassement-substitution (de la différence des sexes par exemple, de la réalité de la sexuation, de l’amour) : « Les transformistes sont plus femme que beaucoup de femmes. » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 155) Dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, le « désir de paraître plus femme que femme » est présenté comme une caractéristique des personnes transformistes, transgenres, ou transsexuelles (p. 291) ; le « milieu homosexuel » serait peuplé d’« une faune étrange, plus féminine que n’importe quelle assemblée de femmes » (idem, p. 34). Jean Weber à propos du trapéziste Barbette, n’affirmait pas qu’il était une fausse femme, mais au contraire qu’il avait tout d’une « femme absolue ! » (cf. l’essai Folles de France (2008) de Jean-Yves Le Talec, p. 112).
En général, les personnes homosexuelles travestissent la Nature par trois moyens : l’art (prioritairement surréaliste, déréalisant), la science, et le sentiment (on peut aller jusqu’à la religiosité). Elles créent une Nature en carton pâte, figée dans l’angélisme ou au contraire l’image d’Épinal de films d’épouvante. Je vous renvoie aux natures mortes du peintre Caravage, notamment.
La communauté interlope s’intéresse beaucoup aux simulations de Nature. Par exemple, pendant son concert Petits Secrets (2007) au Palais des Glaces de Paris, le chanteur français Christophe Moulin arrose ses plantes au brumisateur. Certaines personnalités homosexuelles ou proches du « milieu gay » (telles que Thierry Le Luron, Charles Trénet, Dalida, Nana Mouskouri, etc.), se sont amusées à participer à la série de publicités Wizard, vantant les mérites des désodorisants d’intérieur censés créer des ambiances « naturelles ». Un certain nombre d’individus homosexuels se prennent pour des créateurs de Nature. Les animaux empaillés des taxidermistes, les bestiaires, ainsi que les jardins synthétiques, sont légion dans la fantasmagorie de la communauté homosexuelle, et renvoient parfois à des pratiques réelles. Sur pellicule, les personnes homosexuelles fournissent la preuve qu’elles ont le pouvoir divin de fabriquer des fleurs : je pense par exemple à Jean Cocteau qui se filmait en marche arrière pour donner l’illusion qu’il construisait lui-même des fleurs de bougainvillier ; dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la comédienne transgenre F to M sur scène se fait un pénis avec un préservatif qu’elle rembourre de coton (pénis artificiel surnommé « le paquet »).
Elles donnent à croire que par l’art, les médias, le maquillage, le sentiment, ou la science, la Nature va être dépassée, sublimée, libérée de la souffrance et de la mort, va devenir en quelque sorte « plus Elle-même qu’Elle-même ». Ce n’est plus Elle qui inspirera l’art, ni l’art qui sera au service de la Nature. On assiste à une inversion des valeurs. Maintenant, selon la formule consacrée par l’écrivain britannique Oscar Wilde, c’est « la nature qui imite l’art ». Par exemple, le romancier français Mathieu Riboulet, invité le 28 mars 2011 à l’émission Homo Micro de Radio Paris Plurielle, parle de « l’usage choisi de la Nature » qu’il opère dans son écriture.
C’est la raison pour laquelle, dans les films homosexuels, on voit souvent des scènes de teinture de cheveux ou de maquillage, comme si leurs réalisateurs filmaient parodiquement leur prétention à la création de la Nature pour mieux la voiler. Par exemple, dans le film expérimental « Autoportrait aux trois filles » (2009) de Nicolas Pleskof, le chevauchement et le va-et-vient entre l’artifice et la Nature est manifeste (cf. la scène où le soleil, en fondu enchaîné, laisse place à la lumière d’une lampe). La machine et la nature primitive incivilisée commandent au Réel et à l’être humain (c’est le « primitivisme assisté par la cybernétique » dont parle Philippe Muray dans Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 14).
Film « La Vie d’Adèle » d’Abdellatif Kechiche
Actuellement, on retrouve ce goût de la nature forcée, sincérisée, faussement improvisée, dans le charme minimaliste des docu-fictions bobos. Et en effet, qu’est-ce qu’être bobo si ce n’est vouer un culte maladif à la simplicité, au naturel, à l’authentique ? si ce n’est se prendre pour un dieu innocent, qui créerait du génie et de la Nature par accident, sans le désirer, sans liberté ? Beaucoup de réalisateurs homosexuels ou gay friendly actuels cherchent à donner aux amours homosexuelles qu’ils dépeignent sur nos grands écrans de cinéma la puissance de la Nature. Il y a énormément de films à thématique homosexuelle servis à la sauce National Geographic, et il me sera difficile de les lister avec exhaustivité tellement ils sont à présent monnaie courante. En voici quelques exemples : le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, le film « Les filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou, le film « And Then Came Summer » (2001) de Jeff London, le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, le film « Ander » (2009) de Roberto Castón (une ode à la beauté du Pays basque), le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha (en pleine montagne autrichienne), etc. Le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp chante la Nature tout le temps. Et c’est en surprenant des faons en pleine forêt que Marc et Sieger s’embrassent. Dans la série bal d’émotions sensorielles pour servir de cadre à la relation homo et prouver qu’elle est « belle et naturelle » (et que cela se passe de commentaire…), on trouve des productions artistiques telles que le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman, qui commence précisément par des plans fixes de Nature, des arrêts sur image façon jolies cartes postales provençales, le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne (très bucolique), le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, ou encore le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, où les deux amants Lukasz et Adam se cherchent dans un champ de maïs en poussant des cris d’animaux, comme pour prouver que leur accouplement est drôle, original et naturel. Du côté clichés maritimes bucoliques latino-américains, berçant les spectateurs aux sons des vagues de la mer, ce sont les films « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, ou bien « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec ses plans de fleurs filmées de près, la séquence du coït lesbien Helena/Julia sur fond sonore « dépouillé » de bruits de la mer, la promenade Fahrenheit d’Helena sur le ponton face à l’océan, etc.) qui pourraient remporter la palme de l’émotion sentimentaliste homosexuelle travaillée par la photo et le cinéma. Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, on va jusqu’au paradoxe de nous noyer d’images de Nature pour nous convaincre qu’une relation amoureuse pourtant virtuelle à 90% arrive tout de même à être concrète et authentique, comme si la débauche d’estampes de Nature suffisait à innocenter l’artifice et à combler le fossé béant qui sépare les deux internautes. D’ailleurs, concrètement, Denis, le héros homosexuel, passe son temps à donner aux objets « l’humanité » de ses fantasmes narcissiques : par exemple, il voit des visages partout, même dans les tapisseries fleuries de sa chambre ; il fait de l’eau de toilettes Sauvage portée par son amant un trait de caractère de celui-ci ; il fige la Nature en nous montrant en gros plan une collection de papillons ; etc.
Dans les films top-bobos de Christophe Honoré, on retrouve ces jeux de caméras naturalistes (… et si peu naturels tellement ils veulent prouver la maladresse et l’improvisation !) : son film « Homme au bain » (2010) en fournit un parfait exemple, avec le mélange systématisé rétro/post-modernité (certaines séquences sont filmées par téléphone portable : effet « Nouvelle Vague » avant-gardiste des Temps Modernes…), la fusion iconographique Nature/ville (exemple : les petits oiseaux perdus en plein New York) esthétisée comme une dérive existentielle magnifique, etc.
Dans son film « La Vide d’Adèle » (2013), Abdellatif Kechiche joue à fond sur le quotidien, le côté « ressenti », « tranche de vie » prise sur le vif. Le « couple » lesbien est toujours filmé dans des cadres bucoliques (parcs, jardins, mer, etc.). Ce film se veut un bal de sensations « Nature et Découverte » : Je me ressens fumer, manger, respirer. Je me masturbe verbalement, sensiblement. Je touche les peaux, les toiles (« C’est ce qu’il y a de meilleur : la texture. » affirme Emma, la « peintre-philosophe » ; « Tu veux toucher ? » (Liz, la femme lesbienne enceinte avec son ventre rond, et présentant la maternité comme une « sensation »). J’écoute la Nature, le vent dans les arbres. Je raconte mon bien-être. C’est du carpe diem et de l’hédonisme de bas étage : « On est bien, là, hein ? » sussure Emma étendue dans l’herbe. « Un peu trop, même… » lui répond Adèle. Le but caché de ce film est de nous prouver que la différence des sexes n’est pas importante pour vivre et incarner l’amour, et de saturer ce mensonge de sensations. Tous les bruitages (l’eau des canalisations dans les toilettes, le chant des oiseaux, les effleurements de peau, la salive des baisers échangés) sont décuplés… pour emprisonner le spectateur dans le ressenti ou l’émotionnel, et donc finalement pour prouver de manière naturaliste et « sobre » à la fois, que l’amour homo est « naturel ». Il n’y a d’ailleurs pas de musique de fond dans le film (sauf pour les moments officiels de chansons, où là le réalisateur se fait plaisir en transformant son film en grand vidéo-clip).
Certains artistes homosexuels, par auto-parodie ou dans un objectif plus sérieux d’esthétisme, s’amusent à distordre la réalité, en représentant par exemple de faux ralentis ou des images accélérées, comme pour se moquer de la vanité de leurs sentiments (je pense aux ralentis tragi-comiques de la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, tournant en dérision l’effusion des passions amoureuses, au vidéo-clip « Lonely Lisa » de Mylène Farmer, etc.)… ou pire, au final : pour immortaliser, naturaliser, et justifier cette vanité !
On retrouve ce goût de la programmation du hasard et des accidents dans les techniques artistiques employées par certains artistes homosexuels : l’écriture automatique (Virginia Woolf, Marcel Proust, Paul Verlaine, Néstor Perlongher, etc.), le happening des artistes pop (Gilbert and George, Andy Warhol, Marcel Duchamp, etc.), les documentaires-fictions (Jean Cocteau, Thom Fitzgerald, Louise Hogarth, Douglas McGrath, Louis Dupont, etc.), les reconstitutions de coulisses théâtrales (par exemple, dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, le public arrive dans la salle où la troupe de théâtre serait soi-disant en pleine répétition ; C’est le même cas de figure dans certaines pièces de Jérémy Patinier, comme on peut le voir par exemple à travers les premières didascalies de « l’Acte zéro » qui ouvrent la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) : « La comédienne est déjà sur scène, il n’y a pas de limite entre le public et elle. Mais elle ne prête pas attention à elle. On a l’impression d’être dans les coulisses plus que dans le public. » ; Lors de la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, les nombreuses mises en abyme – façon « journal intime spontané » ou « interviews imprévues » – rendent floue la frontière entre fiction et réalité, pour rajouter du pathos et de la crédibilité aux histoires d’amour homosexuelles pourtant foireuses et alambiquées ; Dans les pièces de théâtre contemporain traitant actuellement du sujet homosexuel/bisexuel, il est maintenant extrêmement rare que les intrigues sensuelles – je n’ose même plus dire « amoureuses » – ne soient pas entrecoupées de séquences-vidéo naturalistes, d’images Internet très actuelles ou carrément vintage : les nouvelles technologies multimédias au service du semi-mensonge amoureux).
On constate que certains réalisateurs pro-gays usent des techniques réalistes du documentaire (plans mal cadrés, caméra hésitante, simulation d’interview-vérité façon « micro-trottoir », etc.) pour créer un authenticité travaillée, un « plus que naturel » : cf. le film « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath, le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le docu-fiction « Beefcake » (1998) de Thom Fitzgerald, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « Visage écrit » (1995) de Daniel Schmid, le film « Luc ou la part des choses » (1982) de Michel Audy, le faux documentaire « Mockumentary » (2005) de Jo Sol, le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant (où les images d’archives se mélangent l’air de rien à une intrigue amoureuse « légèrement » romancée), le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider (avec des témoignages intercalés), le film « Hooks To The Left » (2006) de Todd Verow (filmé sur un téléphone cellulaire), le film « Elena » (2010) de Nicole Conn (avec des interviews intercalées à la fiction de couples homos ou présentés comme « hétéros »), la pièce-reportage Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman, etc.
Ce travestissement falsificateur du Naturel (et de l’Amour) avait déjà été annoncé sous le nom de « Minute difficile » par Jean Cocteau (cf. le documentaire « La Villa Santo Sospir » (1949) de Jean Cocteau : « Ce sera alors la minute difficile… »). Le poète français nous mettait en effet en garde contre la dangereuse programmation du hasard orchestrée par les médias et la science techniciste (actuellement, la publicité, les journaux à scandale, les jeux vidéo, les Journaux Télévisés, et même le succès de Facebook, nous fournissent d’excellentes illustrations de cette société de « l’immédiateté d’anticipation » qui veut s’imposer à nos réalités et à nos natures profondes…) : on crée ce que l’on craint/attend en feignant de n’avoir rien contrôlé, en se plaçant en spectateurs impuissants de catastrophes annoncées, ou en amoureux dépassés par des amours totalitaires. L’abus des mutations technologiques ne favorise ni le respect de la Nature écologique ni de la liberté humaine, même si le « plus que naturel » qu’il crée peut avoir les effets euphorisants et apaisants des drogues.
Dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), l’écrivain Abdellah Taïa raconte comment le cinéma a naturalisé ses pulsions les plus dégradantes au point de les lui faire admettre comme normales et belles : « Sur le chemin, un cinéma populaire, Royal El-Guidida, s’est présenté devant moi. Sans réfléchir j’ai acheté un billet et j’y suis entré célébrer ma nouvelle vie, au milieu d’une salle remplie d’hommes de tous âges qui se donnaient les uns aux autres sans complexe, sans se cacher, non loin des agents de police qui surveillaient l’entrée. Retrouver ma première religion. Mon rêve de toujours. Le cinéma par la peau. La transgression naturelle. Les corps dans l’intensité sexuelle. Des va-et-vient entre la salle immense avec orchestre et balcon et les toilettes. Un film. Deux films. Des stars. Adil Imam. Yousra. Nour Cherif. Leïla Eloui. » (pp. 98-99)
Film « Donne-moi la main » de Pascal Alex-Vincent
Concernant la création de surnaturel, les membres de la communauté homosexuelle se choisissent une béquille tout aussi efficace que la science ou l’art : la sincérité (et dans les faits, la sensiblerie). Le procédé de travestissement de la Nature est le même : on enrobe la pulsion de sentiments, de poésie, de naturel, de peinture verte et rose, de feuillages, de silence, et ainsi, elle passerait incognito ! « Je voulais d’abord une balade érotique et champêtre à la gloire du corps humain. » (le réalisateur français Pascal-Alex Vincent à propos de son film « Donne-moi la main » (2009), cité dans l’essai Le Cinéma français et l’homosexualité (2008) d’Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni, p. 170) ; « Je voulais faire un film qui ne pose même pas la question de l’homosexualité. Je voulais montrer une homosexualité épanouie, sans surenchère, naturelle. » (le cinéaste Sébastien Lifshitz à propos de son film « Presque rien » (1999), idem, p. 231)
Par exemple, l’écrivain japonais Yukio Mishima rêve que le romantisme soit plus réel que le réalisme. On entrevoit très bien dans ses lettres le viol de Nature que va impliquer la concrétisation de ses rêves de midinette : « À partir du moment où l’on marie romantisme et mécanisme, il est enfin possible, à n’importe quelle époque, de rivaliser avec le réalisme. […] Le romantisme, lorsque l’expression se tarit, court fatalement le risque de s’orienter vers un classicisme qui se grise lui-même. Pour éviter ce risque, il est nécessaire, grâce à un ‘mécanisme’ impitoyable, de le stimuler de façon brutale. Bref, l’objectif n’est pas de concrétiser avec réalisme et objectivité, dans une œuvre, les impulsions intérieures, mais de les réduire à l’état d’éléments intérieurs, d’éléments inorganiques pour ensuite les disposer, les ordonner de façon mécanique. Il s’agit de cristalliser ces impulsions intérieures en une succession de formes momentanées, pour les recomposer artificiellement, en dehors des contraintes temporelles et spatiales. On peut trouver, dans cette méthodologie de la recomposition, une force incomparable, capable de tenir tête au réalisme. Car il y a quelque chose qui dépasse le domaine de l’expression. Tendre vers l’artifice, n’est-ce pas chez l’homme l’ambition la plus pure, la moins mensongère ? Et celle-ci n’est-elle pas bien plus fermement ancrée dans la nature humaine que la simple volonté de recréer la réalité ? Bref, le ‘romantisme mécaniste’ ne serait-il pas plus réel que le réalisme ? » (Yukio Mishima, Correspondance 1945-1970 (1997), pp. 44-46)
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que, du point de vue strictement intentionnel, même dans la parodie ou la destruction de Nature, la démarche des violeurs de Nature, de mariage, de différence des sexes, de famille, de Culture, ou de Vérité, est très sérieuse, se veut naturelle. « C’est d’ailleurs toute l’habileté du lobby gay : déconstruire le mariage pour le vider de son sens et le réinventer à partir d’un nouveau concept. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 67) Par exemple, quand les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence (vous savez, ces fausses religieuses ultra-maquillées lors des Gay Pride et faisant de la prévention Sida) s’entendent dire qu’elles sont une caricature méprisante du clergé catholique, beaucoup d’entre « elles » s’insurgent très sincèrement : « On n’est pas une parodie de bonnes sœurs ! On est des sœurs ! Point. » ; « Nous sommes profondément sérieux. » (cf. le documentaire « Et ta sœur ! » (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin) Comme la séparation entre comédie et Réalité, entre fiction et Réel, est volontairement/inconsciemment effacée, l’inversion sera élue Nature profonde de l’Humanité.
En amour, le bobo homosexuel essaie de se convaincre que pour lui et son compagnon amoureux, l’artifice sera miraculeusement naturel… même s’il aura parfois l’honnêteté/l’orgueil de reconnaître qu’il restera artificiel pour « les autres ». Tellement obnubilé qu’il est par la création de Nature, il met sur un piédestal le concept de « première fois ». Il fait semblant de se surprendre lui-même, d’être naturel : « C’est la première fois que ça m’arrive… » ; « T’es la première personne avec qui je le fais » ; « Tout ça, je l’ai dit à très peu de personne. » ; etc. Il donne à la vie en général la couleur du fantasme (et inconsciemment de la peur). Paradoxalement, il interprète ses pulsions intérieures comme la manifestation d’un processus physico-psychologique qu’il ne peut maîtriser (l’amour serait une subtile solution chimique, un échange de phéromones ; cf. le code « Médecines parallèles » de mon Dictionnaire de Codes homosexuels), mais aussi comme des signes surnaturels d’une Nature toute-puissante qui soumet et impose (par exemple, il analyse ce qu’il appelle « hasard » comme un destin ; sa superstition lui fait adorer la numérologie, les dates, la correspondance des prénoms, les coups de foudre, etc.).
Sur le terrain des réalités fantasmées que sont les personnes homosexuelles, l’amour homosexuel, et la « famille » homoparentale, la sincérité donne l’illusion du raccord entre rêve et Réalité, de la réconciliation entre sentiments et Amour vrai. « En fait, c’est normal. À part qu’il y a deux femmes. Mais à part ça, y’a rien qui change. » (Francesca à propos d’Olga, sa maman lesbienne qui l’a eu par PMA avec sa compagne, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy de l’émission Tel Quel, sur la chaîne France 4, le 14 mai 2012) Pourtant, la connexion avec la Nature et le Réel se fait par le biais de comparaisons abusives et de simulations sincères de joies inénarrables (c’est logique : « l’inénarrable » en question ne vient pas que d’un débordement émotionnel ; il provient surtout du mensonge de la situation concrète) : « C’est tellement beau que ça en devient irréel. » (Francine à la maternité, parlant de « ses » jumelles qu’elle aurait eues avec sa compagne Karen, dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger) ; « Mon fils, je l’aime comme si je l’avais fait. » (Jeanne en parlant du fils de sa compagne, idem). Mais la Nature et l’Amour ne sont plus tellement là…
c) Un dépassement transcendant/violent de la Nature (au nom du naturel pourtant !) est effectué :
Je dis que l’« amour » homosexuel est plus contre-nature que naturel… non parce que les personnes homosexuelles seraient clairement anti-Nature, mais au contraire parce qu’elles adorent la Nature, qu’elles L’aiment un peu trop pour L’aimer vraiment, avec une juste distance. La pratique homosexuelle, pourrait-on dire, est sur ET anti-naturelle. Dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, Bayle emploie un néologisme tout à fait pertinent pour définir les actes homosexuels : il parle du « péché sur-contre-nature » (p. 134) Avec le désir homosexuel, sans aller jusqu’à parler de « péché mortel » (puisque ledit péché nécessite la liberté), on se situe en effet à la lisière entre l’anti-naturel et le surnaturel.
Dans les faits, il y a un danger à vouloir d’une nature « plus que naturelle » (… donc, au final, hétérosexuelle : la redondance de l’altérité – présente dans le terme « hétérosexualité », qui dit deux fois « autre » – illustre à elle seule que la Nature est forcée à travers l’hétérosexualité, puis l’homosexualité). Par exemple, les arguments libertaires et écologistes, en apparence louables, peuvent parfois cacher dans les faits des actions beaucoup moins belles : on peut penser à la pratique du « naturisme » chez certains membres de la communauté homosexuelle, présentée comme un retour radical à la Nature (… la nature humaine en réalité), et qui développe et couvre des réseaux de prostitution ; etc. Dans un autre registre similaire, la défense d’une « nature masculine ou/et féminine » encourage des futures personnes transsexuelles à la mutilation chirurgicale.
Le danger de défendre une nature plus que naturelle ou un amour plus que naturel, c’est l’éloignement du Réel, à travers le vol ou le viol principalement. Il s’agit, selon les termes de Christophe Honoré dans son autobiographie Le Livre pour enfants (2005) de « profaner le réel. » (p. 139), d’« extraire ce toujours-plus de réalité » comme l’écrivent Deleuze et Guattari dans leur Anti-Œdipe (1973), de forcer le Réel à être plus qu’Il n’est… quitte à virer dans la superficialité, la schizophrénie, la perversion et la violence (pourvu qu’il y ait un « plus » !) « La perversion produit un plus : je suis plus sensible, plus perceptif, plus loquace, mieux distrait, etc. et dans ce plus vient se loger la différence. » (cf. l’article « La Déesse H » de Roland Barthes, dans son autobiographie Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 66) ; « Le schizophrène est le plus proche du cœur battant de la réalité, à un point intense qui se confond avec la production du réel. […] La simulation, il faut l’entendre comme l’identification. Ce point où la copie cesse d’être une copie pour devenir le Réel et son artifice. » (Gilles Deleuze, Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 104) Par exemple, dans sa préface au roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1979) de Manuel Puig, Albert Bensoussan est décrit comme « le romancier de l’authentique par le factice » (p. 6). Beaucoup d’activistes LGBT tentent de déformer le Réel à coup de slogans égalitaristes sans consistance : « Le sens de ce mariage, c’est que c’est une loi qui consacre l’Égalité des Droits. C’est une avancée naturelle. […] J’espère que la loi ira le plus loin possible. » (Nicolas Gougain par rapport au mariage gay, dans l’émission Mots croisés d’Yves Calvi, sur le thème « Homos, mariés et parents ? », diffusée sur la chaîne France 2, le 17 septembre 2012) ; « Allons jusqu’au bout de l’égalité ! » (cf. le slogan de la Gay Pride 2013 à Paris) ; etc.
La jonction entre le souhait d’être à tout prix franc et naturel et le secret désir de fuir le Réel et la beauté de l’Homme se résout presque systématiquement dans la violence, comme l’illustrent les propos de Susan Sontag concernant l’« art vivant et spontané » que seraient les happenings, genre du théâtre contemporain très apprécié des artistes LGBT (d’Alfred Jarry au performer Steven Cohen) : « Ce qui doit nous frapper le plus dans les Happenings c’est la façon dont le spectacle maltraite (car c’est le terme) le spectateur. Le spectacle semble tout entier conçu pour se moquer et abuser du public. Des acteurs aspergent d’eau l’auditoire, lancent dans sa direction de menues piécettes ou de la poudre à éternuer. […] On ne s’efforce nullement de complaire au désir habituel du spectateur de bien voir ce qui peut se passer. » (cf. l’article « Les Happenings : Art des confrontations radicales » (1968) de Susan Sontag, p. 404) ; « Dans les Happenings, le bouc émissaire, c’est le public. » (idem, p. 420) ; « Le ‘Happening’ touche le spectateur en l’entourant d’une trame d’éléments de surprise, asymétriques, sans péripétie et sans dénouement ; il s’agit là de l’irrationalité du rêve, plutôt que de la logique habituelle de l’art. Les ‘Happenings’, comme les rêves, ignorent la notions du temps. N’utilisant ni l’intrigue, ni la chaîne rationnelle du discours, ils ne connaissent pas le passé. Comme l’indique leur dénomination – Happenings (choses qui arrivent) – tout s’y passe dans le présent. » (idem, p. 406) ; « Il n’est pas exact cependant (comme le supposent certains amateurs de ce genre de spectacle) que les Happenings soient un jeu d’improvisation. Ils sont répétés avec soin pendant une période qui peut varier d’une semaine à un mois, bien que les notations écrites soient alors réduites au minimum : l’indication des jeux de scènes et des objets matériels à utiliser tient en général en une page. Les acteurs inventent et mettent eux-mêmes au point, au cours des répétitions, la substance de ce qui sera présenté au public. » (idem, p. 407) ; « Les éléments matériels, objets mous ou résistants, propres ou sales, utilisés selon leur nature, prennent, dans le Happening, une importance primordiale. Ce souci d’utilisation de la matière, qui fait que le Happening tient de l’art de la peinture, au moins autant que de celui du théâtre, apparaît encore dans une certaine façon de traiter les personnages comme des objets plutôt que comme des êtres individualisés. Souvent l’acteur est affublé de masques, de linceuls, d’enveloppes de carton, de toiles d’emballages, qui accentuent cette analogie entre l’acteur et l’objet matériel. » (idem, p. 408) ; « L’art, ainsi compris, est à l’évidence agressif. Agressivité à l’égard du conformisme présumé de son public, et à l’égard du milieu social lui-même. Par sa technique des oppositions flagrantes, le surréalisme cherche, sur la sensibilité, l’effet de choc. » (idem, p. 412) ; « C’est dans l’œuvre d’Antonin Artaud que l’on trouvera les meilleurs exemples de la technique surréaliste de l’épouvante. » (p. 416) ; « Mais le rêve, ce n’est pas seulement, pour Artaud, la poésie et la fantaisie, c’est aussi la violence, la folie, le cauchemar. C’est en fonction de ces apports, en relation avec le rêve, qu’Artaud a cherché à définir son théâtre de la cruauté dans deux manifestes qui portent ce titre. ‘Le théâtre ne pourra redevenir lui-même c’est-à-dire constituer un moyen d’illusion vrai qu’en fournissant au spectateur des précipités véridiques de rêve, où son goût du crime, ses obsessions érotiques, sa sauvagerie, ses chimères, son sens utopique de la vie et des choses, son cannibalisme même, se débondent, sur un plan non pas supposé et illusoire, mais intérieur… Le théâtre, comme les rêves, est sanguinaire et inhumain.’ » (Antonin Artaud, Le Théâtre et son double (1938), op. cit., pp. 416-417) ; « La technique de l’épouvante des surréalistes retrouve la source du meilleur comique : le sentiment d’invulnérabilité du personnage. L’absence de réactions émotionnelles profondes est l’élément essentiel de la comédie. Si nous pouvions rire de bon cœur au spectacle de scènes pénibles et grotesques, c’est que les personnes auxquelles de telles choses arrivent ne semblent pas en être profondément touchées. Peu importe que le public les voie gesticuler, et crier, et invoquer le ciel en se plaignant de leurs malheurs, il sait bien que tout cela demeure superficiel. » (p. 418)
Dans son essai Mythologies (1957) – traitant, comme son nom l’indique, du pouvoir des mythes –, Roland Barthes montre à son insu que le désir homosexuel encourage les êtres humains qui veulent l’actualiser à posséder la Nature pour La travestir, La faire leur, et se faire passer pour Elle. « Une prestidigitation s’est opérée, qui a retourné le réel, l’a vidé d’histoire et l’a rempli de nature. » (p. 230) ; « Du point de vue éthique, ce qu’il y a de gênant dans le mythe, c’est précisément que sa forme est motivée. […] L’écœurant dans le mythe, c’est le recours à cette fausse nature, c’est le luxe des formes significatives, comme dans ces objets qui décorent leur utilité d’une apparence naturelle. La volonté d’alourdir la signification de toute caution de la nature provoque une sorte de nausée : le mythe est trop riche, et ce qu’il a en trop, c’est précisément sa motivation. […] Éthiquement, il y a une sorte de bassesse à jouer sur les deux tableaux. » (idem, p. 212)
Pendant que la société a le dos tourné, les personnes homosexuelles désirant concrétiser leur désir homosexuel sous forme d’identité ou d’amour « essentiels » prennent le naturel, le trafiquent à leur façon pour lui enlever toutes les aspérités qui gênent leurs propres fantasmes de toute-puissance ; puis la « Nature » nouvellement formée est remise sur l’étalage, comme si de rien n’était. « J’accepte complètement ma nature. » (Barbara, un homme transsexuel M to F, dans le documentaire « Woubi Chéri » (1998) de Philip Brooks et Laurent Bocahut) Et gare à ceux qui détecteraient la contrefaçon et qui par conséquent identifieraient leur orgueil de s’être prises pour Dieu !
Lors de sa conférence « La Théorie du Genre dans les manuels scolaires : comprendre et discerner » au Collège des Bernardins (à Paris, le 6 décembre 2011), Michel Boyancé explique bien que le climat fortement anti-naturaliste de nos sociétés occidentales, que les philosophes du Gender soutiennent actuellement en tant que modèle de structuration sociétale et amoureuse, résulte d’une volonté de « se libérer de la Nature par le droit et par la science ». Il entre dans les détails en démontrant que le rapport à la Nature de ces « apprentis sorciers de la sexualité » est paradoxal : avant de se débarrasser d’Elle, ils s’En inspirent pour produire un artificiel qui Lui ressemble.
Le résultat obtenu n’est pas uniquement contre-naturel, comme le pensent les détracteurs de l’homosexualité qui disent que l’homosexualité est « contre-nature ». Les personnes homosexuelles le revendiquent comme sur-naturel, « plus que réel ». C’est pourquoi elles peuvent en même temps défendre que l’homosexualité est très « naturelle » et prendre conscience que « c’est une interprétation fausse de la Nature » (pour citer l’écrivain Marcel Jouhandeau dans l’émission Apostrophe du 22 décembre 1978, sur la chaîne Antenne 2).
« Ma compagne, Sandrine, a 34 ans et elle ne veut plus attendre pour avoir un enfant. Moi, je n’envisageais pas vraiment d’être mère. Je décide alors de prendre ma caméra pour suivre ce parcours, notre parcours vers un enfant désiré mais aussi, pour moi, un chemin vers une maternité particulière qui ne m’a jamais semblé ‘naturelle’. Comment allons-nous faire ? Nos proches s’interrogent et nous aussi. Nous avons choisi l’insémination artificielle à l’étranger. Nous allons donc voyager, espérer et je vais profiter de ce temps pour trouver ma place de mère, car je vais devenir mère… sans porter notre enfant. » (Florence Mary dans son documentaire « Les Carpes remontent les fleuves avec courage et persévérance », 2012)
Dernièrement, j’ai entendu un exemple signifiant de la mise en scène mensongère de Nature qui est en train de se produire à travers le phénomène particulier des « familles homoparentales ». En effet, lors de sa conférence « L’Homoparentalité aux USA » (tenue à Sciences Po Paris, le 7 décembre 2011), Darren Rosemblum, professeur en droit, et « père » (avec son « mari ») d’une petite fille née en Gestation Pour Autrui (GPA) en 2009, s’est exprimé en faveur de l’homoparentalité et au nom de la Science pour détourner la Nature : « Je soutiens une interprétation de la biologie. » a-t-il dit explicitement. Même s’il puisait abondamment dans le jargon statistique et universitaire pour soutenir sa démarche et asseoir sa légitimité, ses arguments étaient finalement très sentimentalistes et peu réalistes ; son discours, truffé de non-dits. Par exemple, il a caché à l’assistance qui était le vrai père biologique de sa fille, entre son partenaire et lui : il n’a pas terminé sa phrase « Un de nous est le père biologique de Mélina… » et a vite esquivé le sujet. Quand j’ai pris soin de demander à Darren Rosemblum, pendant le temps des questions, pourquoi, lors de son exposé, il n’avait pas voulu nous dire explicitement qui était le père biologique de Mélina, il s’est obstiné à nous cacher la vérité et n’a jamais craché le morceau. Et dans l’hypothèse qu’il puisse un jour avoir à dévoiler à sa fille l’identité de son vrai père, je l’ai senti peu emballé à l’idée de révéler ce que la « Nature » avait fait d’elle, comme s’il cherchait à retarder au maximum l’aveu fatidique de la Réalité, pour cultiver jusqu’au bout l’illusion que son couple est bien formé de deux « vrais papas » et non d’un seul père biologique. Le comble dans cette histoire, c’est qu’initialement, les deux amants souhaitaient déjà ignorer lequel des deux avait finalement fécondé l’ovule qui a donné naissance à leur fille. C’est par une bourde d’un médecin qui s’occupait de leur dossier qu’ils ont su accidentellement ce qu’ils se forçaient ignorer (car eux-mêmes voulaient s’auto-persuader de leur mensonge anthropologique !… Jusqu’où peut aller la sincérité dans sa perversion dénégatrice, quand même…). Ce qui est tordu, c’est que dans ce cas précis, on est confronté une nouvelle fois à un déni de la Nature au nom de la préservation de la Nature. Rosemblum, en effet, présente son projet d’homoparentalité comme une tentative de « désexuer la parentalité », pour ensuite montrer la parentalité artificiellement reconstituée comme plus naturelle que naturelle, comme aussi forte et belle qu’une parentalité traditionnelle ! Quel fascinant tour de passe-passe, quelle incroyable malversation…
Enfin, ce projet pro-gay de surnaturaliser l’homosexualité peut aller jusqu’à l’homophobie. Car rendre le désir homosexuel très naturel, c’est aussi lui demander d’être banal, et donc fatalement le nier à travers la promotion d’une hétérosexualité qui ne doit pas non plus être dite. Par exemple, Gustav Jäger (1832-1917) distinguait homosexuels actifs et passifs. Le passif est le féminin, l’actif masculin et même hyper-viril et comme tel, il est même plus masculin que l’homme « normal », c’est-à-dire hétérosexuel. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 169) Le « plus que naturel » se transforme donc très vite en déni d’homosexualité. C’est un danger que voient très peu de promoteurs relativistes indifférents à l’homosexualité, mais qui est pourtant réel : « J’ose espérer à l’avenir qu’on ne parlera plus d’orientation sexuelle, que ça deviendra juste un fait naturel. » (une femme trentenaire lesbienne dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre)
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