ROUGE ARDENT
Mon amour est dangereux et n’aime pas qu’on l’aime
L’amour homosexuel n’est pas un amour simple, étant donné qu’il s’est privé de la différence – la différence des sexes – qui aurait pu le pacifier, l’incarner, le faire durer dans l’humour, la paix et la complémentarité. Beaucoup de personnes homosexuelles ne se méfient pas assez de la nature des sentiments qu’elles portent à leur amant de même sexe, même si, inconsciemment, elles lui demandent de les protéger de leur désir (cf. la chanson « Protect Me From What I Want » du groupe Placebo). Le rapprochement homosexuel des corps se transforme parfois en conflit à leur insu. Nous le remarquons par exemple dans la polysémie de l’adverbe « contre » (cf. je vous renvoie au code « Polysémie de l’adverbe « contre » » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), très utilisée par certains auteurs homosexuels (l’expression « être contre quelqu’un » peut signifier à la fois « collé à lui » et « en opposition »). La menace de ce qui se présente sous les traits de l’amour, mais qui cache un fantasme de drame – ou un drame réel – bien plus violent, transparaît dans les allusions réitérées à l’opéra de Bizet Carmen (ou au roman de Prosper Mérimée) à l’intérieur de nombreuses œuvres homosexuelles. En effet, les personnages homosexuels se prennent souvent pour la dangereuse gitane qui apporte le malheur à tous ceux qui s’éprennent d’elle. Même dans les films censés donner une image positive des couples homosexuels, nous entendons bizarrement le même avertissement : « Si tu me quittes, je te tuerai », ou « Si je t’aime, prends garde à toi… ». Il est parfois dit, répété, ou bien suggéré en attitudes dans beaucoup d’unions homosexuelles réelles. Carmen, la dangereuse bohémienne, sors de ces couples !
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Femme étrangère », « Amant diabolique », « Actrice-traîtresse », « Putain béatifiée », « Prostitution », « Corrida amoureuse », « Destruction des femmes », « Voyante extralucide », « Liaisons dangereuses », « Tante-objet ou maman-objet », « Mort = Épouse », « Sirène », « Don Juan », « Vampirisme », « Homosexualité noire et glorieuse », « Se prendre pour le diable », la partie « Maman-putain » dans le code « Matricide », la partie « Robe tachée de rouge » dans le code « Mariée », la partie « Talons aiguilles rouges » dans le code « Talons aiguilles », la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée », la partie « Cruella » du code « Reine », et la partie « Scène de répudiation » du code « Femme et homme en statues de cire », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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Dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel s’identifie parfois à la dangereuse Carmen, cette femme qui fait tourner la tête des hommes : cf. le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, la pièce Sainte Carmen de la main (1976) de Michel Tremblay, le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards (avec le numéro « The Shady Dame From Seville »), le film « Calé » (1986) de Carlos Serrano, le film « Obsessionne » (« Les Amants diaboliques », 1943) de Luchino Visconti (avec la chanson de Bizet reprise lors d’un gala), le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (la mère du héros homo sort voir l’opéra Carmen de Bizet), le film « La Meilleure façon de marcher » (1976) de Claude Miller (lors du bal masqué final, Philippe, le héros homo, se déguise en gitane qui poignarde son amant), la comédie musicale Carmen (2004) de Jérôme Savary, le film « La Femme et le Pantin » (1931) de Josef von Sternberg (avec Marlene Dietrich en gitane qui rend fou les hommes), le film « Krámpack » (2000) de Cesc Gay, la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen, le vidéo-clip de la chanson « La Isla Bonita » de Madonna (avec la chanteuse déguisée en andalouse), la comédie musicale Fame (2008) de David de Silva, le film « Florence est folle » (1944) de Georges Lacombe, le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec le personnage de Pearl), le film « Zazie dans le métro » (1960) de Louis Malle, le film « Kamikaze Hearts » (1986) de Juliet Bashore, le film « Karmen » (2001) de Joseph Gaï Ramada, le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot (avec Amalia la femme mordante), le vidéo-clip de la chanson « Ti Amo » de Gina G., le film « Corps à corps » (2009) de Julien Ralanto (avec la prof de tango de Raphaëlle, l’héroïne qui se découvre lesbienne à cause d’elle), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec la fleur rouge sur l’oreille d’un Watson très homosexualisé), le film « Gigola » (2010) de Laure Charpentier (avec l’héroïne lesbienne, prostituée vêtue d’un smoking, l’œillet rouge à la boutonnière, brandissant une canne à pommeau d’argent incrusté d’une tête de cobra), la chanson « Carmen » de Lana del Rey (la Carmen des bobos), la chanson « Alertez Managua » d’Indochine, la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham (avec Tangolita), la pièce Carmen à tout prix (2015) de Sophie Sara, le film « Carmen et Lola » (2018) d’Arantxa Echevarría, le film « Miss » (2020) de Ruben Alves, le film « The Summer with Carmen » (2023) de Zacharias Mavroeidis, etc.
« Mon vrai nom, c’est Carmen : celle de Bizet. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 67) ; « Embrassez-la vite ! C’est Carmen ! » (Berta parlant d’un de ses confrères travestis, dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart) ; « La danseuse espagnole, le regard acéré, danse dans mes pensées. » (cf. la chanson « La Danseuse espagnole » de David Jean) ; « Madame Regina Morti […] Vous êtes pour quelques jours à l’Opéra de Paris avec votre Carmen. » (Cyrille, le héros homosexuel, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Ma mère se calmait, retournait dans la salle à manger, et un petit quart d’heure plus tard Carmen se remettait à prétendre que l’amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser… » (le narrateur homosexuel écoutant des opéras qui cassent les oreilles de sa mère, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 38) ; etc.
Par exemple, dans le film « Mon arbre » (2011) de Bérénice André, la jeune Marie, pour son anniversaire, est déguisée en Carmen par ses « parents » homosexuels. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Alba et Yolanda sont les deux femmes lesbiennes indépendantes, qui prennent et jettent les hommes ; elles portent d’ailleurs des œillets rouges dans les cheveux et sont habillées en rouge ou en noir. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Lucie, la maîtresse de cérémonie macabre, joue une fausse serveuse qui distribue des roses (pleines d’épines !) à ses invités. Elle est habillée de rouge et de noir, porte un œillet aux cheveux, va faire vivre un enfer à ses trois convives en leur dévoilant leurs 4 vérités. Elle s’acharne d’ailleurs spécialement contre Jules, le personnage homosexuel. Elle interprète à plusieurs reprises la chanson de Carmen « L’amour est enfant de bohème » qui revient comme un leitmotiv de ce huis clos. Dans le film « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin, un des héros homosexuels, Emory (le plus efféminé), avec ironie, se décrit lui-même au départ comme une femme-prostituée à la Maria Montez, attendant près de son réverbère, « une orchidée à l’oreille et du rouge aux lèvres » ; puis un peu plus tard, il en remet une couche, en mordant une rose rouge dans sa bouche, pour déclamer devant toute sa bande d’amis gays : « Embrasse-moi, je suis Carmen… Il me manque juste les castagnettes. » Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand fait introduire sa chorégraphie en tutu et éventail par une voix-off qui dit « Rodolphe, 40 ans, 1m 65, 90 kg, présente… Carmen ! » ; puis il achève sa danse gracieuse/grassieuse par ce constat fatigué « Danser Carmen à 40 ans, je ne le souhaite à personne ! » Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le personnage bisexuel, raconte le rêve qu’a été pour lui son séjour en Andalousie, où il est tombé esthétiquement sous le charme de Paqui qui lui a appris à danser les sevillanas comme une femme : « Me voilà, au milieu de toutes ces robes andalouses, à danser des sevillanas. » Dans le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch, Michel, le héros homosexuel, a placé dans sa chambre à coucher une immense poupée sévillane, trônant près de son lit. Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Atos Pezzini, homosexuel, fait jouer Carmen à sa protégée Marguerite. Diego, le jeune amant d’Atos, s’étonne cyniquement de la voir s’éclater en Carmen sur la piste de danse : « Il vous a déjà vue danser comme ça, votre mari ? On dirait une gitane ! » Dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes,Teja, le partenaire et amant de Rudolf Noureev, lui montre des images filmées en cinémascope, d’un ballet de l’opéra de Carmen.
Carmen, c’est la puissance sexuelle passionnelle et effrénée, le feu dévorant : « La cataracte secouait l’eau comme une chevelure de toute sa force telle la nuque d’une gitane aux cheveux de cristal qui venait s’écraser sur deux grands rochers ronds. » (Copi, La Cité des rats (1979), p. 133) L’objectif de certains héros homosexuels est de devenir ce « piège à hommes » qu’est Carmen, celle qui conquiert les autres par le biais de la séduction : « Oh la lah, on doit être la plus belle, ma chérie, pour séduire plein de hommes. » (Cody, l’homosexuel américain, s’adressant à son pote gay Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 101)
Par exemple, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Christian Bordeleau, Carmen est la « putain sur la rue Saint Laurent ». C’est une femme indépendante et « libre » (libertaire, en fait, car elle a des mœurs légères), qui se comporte comme un homme, en chantant de la country music dans les bars : « Pour moi, être libre, c’est de chanter des chansons de cow-boy rodéo. » Dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Carmen est l’étudiante tentatrice qui drague sa prof de lettres. Dans le film « La Fiancée du pirate » (1969) de Nelly Kaplan, Marie est une femme qui veut être libre et fait semblant de se soumettre aux hommes pour mieux les avoir sous contrôle. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, pendant le mariage de sa fille, la mère de Clara (l’héroïne lesbienne) chante son amour des picadors et des toréadors. Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, maintient une relation fusionnelle avec Florence, sa sœur hystérique habillée en Carmen.
De temps à autre, au détour d’une scène de films homo-érotiques, il arrive qu’on puisse entendre le fameux avertissement de Carmen « Si je t’aime, prends garde à toi » (cf. je vous renvoie au code « Liaisons dangereuses » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le film « Passion » (1964) de Yasuzo Masumara, le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues, le film « La Ley Del Deseo » (« La Loi du désir », 1986) de Pedro Almodóvar, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve, le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, le film « Philadelphia » (1993) de Jonathan Demme (avec toute la problématique du Sida et de l’amour contagieux), le one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat (avec Catherine, tout en rouge, avec un œillet rouge dans les cheveux), le film « Le Bal des 41 » (« El Baile de los 41 », 2020) de David Pablos (avec le chant « L’amour est enfant de bohème » de Carmen chantée pendant l’orgie du club gay des 41), etc.
« Moi aussi je t’aime, mais mon amour est destructeur, il est toujours négatif. » (Kévin s’adressant à son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 325) ; « Prenez bien garde aux Brésiliennes. » (Charlène Duval, le travesti M to F, dans son one-(wo)man Charlène Duval… entre copines (2011), à propos des travestis qu’il nomme « les Brésiliennes », qu’il compare à des sirènes) ; « Get up stand tall. Put your back up against the wall because my love is dangerous. This is a bust. » (cf. la chanson « White Heat » de Madonna) ; « Ça me fait la même chose quand je rencontre un homme qui me plaît. Mais vois-tu, je finis toujours seule, à m’empiffrer et à prendre des kilos. » (Carmen, la « fille à pédés » s’adressant à son meilleur ami homo Daniel, dans le film « I Love You Baby » (2001) d’Alfonso Albacete et David Menkes) ; « Il [l’ange adolescent] fredonnait : ‘Non, tu ne sauras jamais – ô toi qu’aujourd’hui j’implore – si je t’aime ou si je te hais… » (François Mauriac, Génitrix (1928), p. 25) ; « Je suis l’une de celles que Dieu a marquées au front. Comme Caïn, je suis marquée et flétrie. Si vous venez à moi, Mary, le monde vous aura en horreur, vous persécutera, vous taxera d’impureté. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, s’adressant à son amante Mary, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 394) ; « Le dernier tango-couteau ! Tu es la fleur empoisonnée de mon ultime sérénade, ma séductrice envenimée. » (Cachafaz s’adressant à son amant Raulito, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Pour mes vingt ans, j’ai eu le plus beau cadeau de ma vie : j’ai rencontré l’amour. Et depuis, je ne sais plus ce que j’en ai fait. » (la prostituée nommée « Trente-cinq », dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali) ; « Je vais finir par te faire du mal. » (Noah s’adressant à Benjamin son amant, dans le film « Benjamin » (2018) de Simon Amstell) ; etc.
Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, toutes les prostituées, pour aguicher le client, porte une rose rouge à la main. Et la plus importante et la plus belle d’entre elles, c’est Rosa, celle qui fait tourner les têtes de tous ses clients amoureux d’elle, et en particulier celle du beau Julien. Mais elle se dérobe sans cesse à eux. Elle chante sa trahison d’amour : « Dieu que les hommes sont doux quand il leur prend le mal d’amour. Dieu que j’aime tes yeux doux quand ils me disent c’est pour toujours. Ce serait si facile si on pouvait croire à vos chimères. »
Carmen n’est pas que la femme violente. Elle peut également être la femme violée qui consent à rentrer dans le système qui la viole, exactement comme la prostituée : « Je suis absolument bouleversée, il vient de m’arriver une chose atroce ! Je me suis fait violer par mon chauffeur, c’est le mari de ma gouvernante, ce sont des gens terrifiants, elle s’habille en gitane pour me faire honte lors de mes réceptions. Elle surveille tous mes gestes, je l’ai surprise à me photographier dans ma baignoire ! Et son mari est un colosse qui m’a violée à deux reprises ! » (« L. » s’adressant à Hugh dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « On habillait le pape de l’Argentine en danseuse espagnole et on faisait la queue pour le sodomiser. » (le narrateur homosexuel dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 56) ; « Je vais pas te mentir : je me suis inspirée d’une pute que j’ai embarquée l’autre jour. » (Sylvie, la « fille à pédé » et femme-flic habillée avec une robe rouge, s’adressant à son ami homo Pierre, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; etc.
L’occurrence de Carmen indique qu’un certain nombre de personnages homosexuels (et leur auteur avec) considère la femme réelle – qu’ils confondent avec la femme-objet cinématographique – comme un être diabolique : cf. le film « Si douces… si perverses » (1969) d’Umberto Lenzi, le spectacle Diablesses (2007) d’Ida Gordon et Aurélien Berda, le film « Prête à tout » (1995) de Gus Van Sant (avec Nicole Kidman dans son rôle de peste), le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef von Sternberg (avec le personnage envoûtant et abyssal de Marlene Dietrich), le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, la chanson « Cette fille est une erreur » du groupe Taxi Girl, le roman La Traición De Rita Hayworth (La Trahison de Rita Hayworth, 1968) de Manuel Puig, le roman Le Gourdin d’Élise (1962) de Marcel Jouhandeau, le film « Blue Velvet » (1986) de David Lynch (avec la femme castratrice et son couteau), le tableau Le Spectre du sex-appeal (1932) de Salvador Dalí, le film « Comtesse Dracula » (1972) de Peter Sasdy, le film « La Chair et le diable » (1927) de Clarence Brown, le film « Fille du feu » (1932) de John Francis Dillon, le film « Mandragore » (1952) d’Arthur Maria Rabenalt, les films « Le Cabaret des filles perverses » (1977), « Les Possédées du diable » (1974) et « Les Petites vicieuses font les grandes emmerdeuses » (1976) de Jess Franco, le film « Le Démon des femmes » (1968) de Robert Aldrich, le film « La Femme Scorpion » (1972) de Shunya Ito, la chanson « L’Enfer et moi » (2013) d’Amandine Bourgeois, le film « The Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel (avec Miranda), le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan (avec Chloé, la beauté diabolique), le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky (et Nina avec ses yeux rouges) ; etc.
« Cette femme est une hérésie physiquement ! » (Beverly, l’un des héros homosexuels du film « Dead Ringers », « Faux Semblants » (1988) de David Cronenberg) ; « Elle est perverse !!! » (Philippe parlant de sa fiancée Yvonne, dans la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz) ; « La bête annonce toujours la femme. » (le héros dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Je me réveillai et j’ai cru voir sur les épaules de ma femme Ingrid la tête du Diable des Rats ; je me mis à crier. » (Copi-Traducteur dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, p. 154) ; « Marilyn porte toujours sa saloperie de boa constrictor verdâtre autour des épaules. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles(1977) de Copi, p. 55) ; « cette femme diabolique […]Qu’est-ce que je la déteste ! » (idem, p. 97) ; « les tentacules de Marilyn » (idem, p. 100) ; « Il [le diable] m’a promis de me sacrer Reine des Ténèbres après ma mort en échange de quelques services. » (Vicky dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « La semaine suivante, Varia est arrivée en cours avant le professeur Gritchov, et accompagnée d’une camarade que je n’avais jamais vue. C’était une brune très maquillée, habillée tout en similicuir. Elle avait l’air encore plus diabolique que Varia. […] [Elle et sa copine] Je les aurais tuées. […] La nuit, Varia revenait me hanter. Je la voyais marcher vers moi, depuis l’extrémité d’un couloir interminable, percé de portes plus noires que des trappes, perchée sur ses talons qui perforaient le carrelage. Elle avançait, un fouet à la main, toute de blanc vêtue, la chevelure souple et ondoyante, les lèvres rouges et serrées. À quelques pas de moi, elle ouvrait sa bouche pour me sourire. Je découvrais alors des canines de vampire, maculées de sang. » (Jason, l’un des héros homosexuels décrivant Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 58-59) ; « Ses yeux, ils devenaient de plus en plus grands et brillants, comme ceux des méchantes dans les dessins animés japonais, avec trois gros points blancs qui tremblent au milieu des iris. ‘Je suis un peu sorcière.’ » (Yvon parlant de Groucha, op. cit., p. 265) ; « Il était un inconditionnel d’Amande [le personnage de la garce]. Elle était pour lui le condiment sans lequel l’atmosphère aurait affreusement manqué de saveur. » (Mourad, l’un des héros homosexuels du roman de Christophe Bigot, op. cit., p. 415) ; « On ne va pas faire un enfant avec la bohémienne dans sa caravane, quand même ! » (Benjamin s’adressant à son amant Pierre à propos d’Isabelle, la mère porteuse qu’il méprise, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; etc.
Par exemple, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Élisabeth est définie textuellement comme un « monstre ». Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah, c’est la fille légère, scandaleuse, outrancière, sensuelle, qui danse bien et qui va rendre sa compagne folle au point de glisser vers le crime passionnel. Dans le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat, le personnage homosexuel (Rocco Siffredi) enfonce une fourche dans l’anus d’Amira Casar et la considère comme une furie satanique. Il affirme que la féminité est « l’obscénité la plus effrayante à ses yeux ». Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet, toutes les héroïnes incarnent la féminité dangereuse et maléfique : Mercedes la nymphomane qui « a le diable au corps » (« Mon lit est une arène. » dira-t-elle), Marie-Ange défendant la beauté comme un trophée asservissant, toutes les autres divas… qui finissent par créer une coalition pour tuer l’unique homme de la pièce, le prince charmant incarnant « la beauté même ». Dans le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011), Karine Dubernet est déguisée en Ève damnée. Dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan entraîne sa maman dans le milieu homo, et la fait rentrer dans une backroom où visiblement elle est possédée par le diable : « Non, on ne va pas faire du flamenco. » ; « Elle nous rejoue la scène de l’Exorcisme dans la backroom. »
La femme est surtout jugée diabolique d’être double, mystérieuse : cf. le film « Femme ou démon » (1939) de George Marshall, le film « La Femme Reptile » (1966) de John Gilling, le film « The Devil Is A Woman » (« La Femme et le pantin », 1931) de Josef Von Sternberg, le film « Jules et Jim » (1962) de François Truffaut (avec Catherine, la femme-masculine manipulatrice), la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès (avec Mathilde la femme collabo), le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec Léni la femme collabo, ou bien Irena la femme-panthère), le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui (avec la description de l’allégorie féminine de la mort), etc. Par exemple, dans la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti par exemple, Ève est montrée comme la femme qui est venue séparer l’unité androgynique des jumeaux mâles au jardin d’Éden.
La femme diabolique fictionnelle effraie parfois les animaux dans les boutiques d’oiseaux où elle pénètre : cf. Marnie dans le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock, ou bien Irena dans le film « Cat People » (« La Féline », 1949) de Jacques Tourneur et dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig. « Lorsqu’ils entrent tous les deux dans la boutique aux oiseaux, c’est comme si y était entré on ne sait qui, le diable. Les oiseaux s’affolent. » (p. 14)
L’actrice exerçant une fascination esthétique et érotique sur le héros homosexuel est souvent rousse ou habillée de rouge (cf. je vous renvoie au code « Talons aiguilles » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger (avec la femme rousse), le film « La Diablesse en collant rose » (1959) de George Cukor, le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec Marie, la femme rousse diabolique), la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (dans l’épisode 8 « Une Famille pour Noël », avec le personnage de Christine), le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, la pièce Jeffrey(2007) de Christian Bordeleau, le roman La Dormeuse en rouge (2002) d’Andrea H. Japp, le film « Le Grand Alibi » (2007) de Pascal Bonitzer (avec le personnage de Léa), la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti (avec la diabolique princesse rouge Salomé), la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec le personnage de Lou Salomé), le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné (avec le personnage de Sandra), la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec Ethel Rosenberg), le roman La Princesse aux lys rouges (1894) de Jean Lorrain (avec la princesse Auduvère), le film « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar (avec Nuria), le film « Sonate d’Automne » (1978) d’Ingmar Bergman (avec Charlotte), le film « Un éléphant, ça trompe énormément » (1976) d’Yves Robert, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, le film « Hammam » (1996) de Ferzan Ozpetek (avec le personnage de Marta), le film « L’Impératrice rouge » (1934) de Josef von Sternberg, le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, la pièce Transes… sexuelles (2007) de Rina Novi (avec « Ludo » le héros transsexuel M to F), le film « Case Fatale » (2007) de David Ctiborsky, le one-(wo)man-showZize 100 % Marseillaise (2012) de Thierry Wilson (avec Zize, le héros travesti M to F, qui est devenu « Miss Pointe-Rouge »), la pièce musicale Rosa la Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi, la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec le personnage de Catherine), le vidéo-clip de la chanson « Pour toi j’ai tort » de Jeanne Mas (avec la femme ayant tué son mari), le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier (avec Rosa Rouge, la femme diabolique), le film « Volver » (2005) de Pedro Almodóvar (avec Raimunda, la femme tueuse), le film « Abrazos Rotos », « Étreintes brisées » (2009) de Pedro Almodóvar (avec le personnage de Lena), le film « Le Jupon rouge » (1986) de Geneviève Lefebvre, la pièce La Cage aux folles (1975) de Jean Poiret (avec Zaza Napoli), le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan (avec Catherine, la femme diabolique en rouge), le film « Alice In Wonderland » (« Alice au pays des merveilles », 2010) de Tim Burton (avec la cruelle Reine rouge), l’album Rouge ardent d’Axelle Red, le film « Morrer Como Um Homem » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues (avec Tonia, habillée en rouge et noir), le film « Potiche » (2010) de François Ozon (avec Suzanne Pujol – Catherine Deneuve –, la femme en rouge courant dans une forêt, au tout début), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec le Petit Chaperon Rouge, appelé Scarlett, décrit comme la « charmeuse d’âmes », la danseuse du cabaret Au Cochon stupéfiant), le film « Remember Me In Red » (2010) d’Héctor Ceballos, la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier (avec le personnage gay friendly d’Adèle), le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval, le vidéo-clip de la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer, le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh (avec Anna, la fille de 13 ans du Dr Alban Mann, femme-enfant maquillée en rouge, avec talons aiguilles provoquants), le film « Carol » (2016) de Todd Haynes (avec Carol, la femme fatale lesbienne souvent habillée de rouge), etc.
« Pour leur soirée romantique, Hillary a revêtu une toute nouvelle tenue, une longue robe rouge, la couleur favorite de son mari. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 9) ; « Je pensais à Linde, et à la peau sombre et au sindhoor rouge sang de l’autre femme [Rani, qu’elle a rencontrée dans un bidonville]. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 18 ; à la page 23, ce vêtement rouge sera décrit comme « spectaculaire ») ; « Jolie [prénom de l’héroïne], nue, avec des mules à pompon rouge, se tordait de rire, enveloppée d’un nuage de vapeur. Silvano s’asphyxiait. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 28) ; « Nos grand-mères se fardaient pour tâcher de causer brillamment. Dans ce temps-là le rouge et l’esprit allaient de pair. Mais que cela est loin de nous ! » (Dorian Gray, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, p. 68) ; « Magda Sterner arborait une saharienne rouge munie de quatre poches et ceinturée d’une série d’anneaux métalliques. […] Elle avait quelque chose de froid, d’asexué. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p. 74) ; « Magda, intimidante dans son fourreau rouge sang » (idem, p. 75) ; « Magda dans sa combinaison rouge, le fouet à la main, faisant tinter sa ceinture métallique. Une dominatrice, sans doute. Une dangereuse perverse cérébrale. » (idem, p. 76) ; « la ceinture en python agressive » (idem, p. 142) ; « Magda portait un masque oriental rouge sang aux traits grossiers, épouvantables. Des yeux furieux, révulsés. Des dents tranchantes comme des couteaux. » (idem, p. 243) ; « Les pieds nus j’ai marché dans la forêt. À la main droite un rouge à lèvres. Chanel. Il était neuf. Il venait de Paris. […] Je porte le slip de Khalid. J’ai mis du rouge à lèvres. Je suis Omar. Je ne suis ni garçon ni fille. […] Mes lèvres sont rouges. Dieu les aime-t-il comme ça ? Mes yeux sont rouges. Sont-ils des amis de Satan ? Mon sexe est rouge. Il fait froid. Il n’est plus à moi. » (Omar, le héros homosexuel, après avoir tué son amant Khalid dans la forêt, dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 178-179) ; « Avec sa bouche d’anthropophage rouge carrosserie, ses cheveux façon perruque en nylon du Crazy Horse, elle aurait pu jouer dans une parodie porno de films de vampires. […] La semaine suivante, Varia est arrivée en cours avant le professeur Gritchov, et accompagnée d’une camarade que je n’avais jamais vue. C’était une brune très maquillée, habillée tout en similicuir. Elle avait l’air encore plus diabolique que Varia. […] [Elle et sa copine] Je les aurais tuées. […] La nuit, Varia revenait me hanter. Je la voyais marcher vers moi, depuis l’extrémité d’un couloir interminable, percé de portes plus noires que des trappes, perchée sur ses talons qui perforaient le carrelage. Elle avançait, un fouet à la main, toute de blanc vêtue, la chevelure souple et ondoyante, les lèvres rouges et serrées. À quelques pas de moi, elle ouvrait sa bouche pour me sourire. Je découvrais alors des canines de vampire, maculées de sang. » (Jason, le héros homo décrivant Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 56-58) ; « Jason avait d’abord rêvé de Mourad, debout dans un paysage enneigé. De ses lèvres coulaient avec abondance un sang très rouge, et de ses yeux des larmes se mêlaient au ruisseau rubis. Jason voulait s’approcher de Mourad pour le consoler, mais ce dernier éclatait soudain d’un rire moqueur, puis disparaissait en quelques instants, fondant avec la neige. » (idem, p. 279) ; etc.
Par exemple, dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini, Dalida est la femme en rouge qui entraîne tous les hommes de sa vie vers la mort, jusqu’à se détruire elle-même : « Dans ta robe rouge, tu ne crains plus rien ni personne. […] La robe rouge du passé, tachée de sang, t’enserre, t’étouffe. […] Dalida, l’orchidée noire, la maudite, la veuve noire, le monstre à deux têtes, Luigi, Lucien, Richard, pris dans un lien inextricable. » Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, la Téré, directrice de la volière, est la femme despotique en rouge, diabolique et rousse. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, c’est lorsque Anne élabore un plan de vengeance contre Marie, l’héroïne lesbienne, qu’elle s’habille comme par hasard en rouge. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, tous les personnages transgenres incarnent des prostituées femme-fatale, sont habillés en rouge et s’auto-proclament « sorcières ». Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah est habillée en rouge et manipule son amante Charlène. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, c’est Laura, la femme en rouge, qui a pris la photo du scandale (le baiser entre Nathan et Louis) qui a circulé sur les réseaux sociaux. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, le présentateur des Gays Games, travesti en femme, habillé avec une robe rouge scintillante de diva, est l’annonciateur de la mort par noyade de Jean, qui fait un arrêt cardiaque dans la piscine olympique des Gay Games. Dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, Xenia, la chorégraphe forçant Rudolf Noureev à avoir une relation sexuelle avec elle, alors même qu’elle est mariée, est toujours habillée en rouge, en vraie femme fatale. C’est la figure de la violeuse : « Ça devait arriver. Inexorablement. Tu n’as pas le choix. »
Parfois, on retrouve le motif de la femme rousse sadique dans les œuvres artistiques à thématique homosexuelle : cf. le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues (avec Odete), le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky (avec Mona), le film « ¿ Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? » (« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », 1984) de Pedro Almodóvar (avec la gamine sorcière), le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon (avec Fanny Ardant en Pierrette aux cheveux rouge-feu à la Rita Hayworth), l’attachée de presse jouée par Élie Kakou, le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina, la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton (avec Doris la lesbienne maléfique, tout de rouge vêtue, avec ses cheveux rouges de sorcière), la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti (avec Chloé, rejetée à l’école parce qu’elle est rousse), le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec la chevelure rouge-feu de la dangereuse Jolie), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec le personnage de Madeleine, la vierge rousse violée dans un bois) ; etc.
« Où est mon Petit Robert ? Je le sais bien que vous êtes rousse, si vous croyez que ça m’excite ! » (Loretta Strong s’adressant à Linda, dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi) ; « L’amie de ma tante a le teint pâle et les cheveux d’une rousseur typique. Son accent lui donne un charme indéfinissable. Quoiqu’elle soit assez maigre, fluette presque, je suis rapidement séduite. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 17) ; etc.
La femme-objet que le personnage homosexuel adule est régulièrement une sorcière : cf. la pièce Macbeth (1605) de William Shakespeare (avec le chœur des sorcières), les sorcières dans les pièces de Federico García Lorca, le spectacle chorégraphique Les Sorcières gigantesques (1922) de Loïe Fuller, les vidéo-clips des chansons « L’Âme-Stram-Gram », « Dégénération » et « Tristana » de Mylène Farmer, la chanson « Abracadabra » d’Alizée, le film « Les Sorcières » (1966-1967) de Luchino Visconti et Pier Paolo Pasolini, le one-(wo)man-show Madame H. raconte la saga des transpédégouines (2007) de Madame H., le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée (avec Madame Chose), le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky (avec les séances de spiritisme de Mona), le spectacle musical Créatures (2008) d’Alexandre Bonstein et Lee Maddeford, la chanson « I Put A Spell On You » de Bette Midler, les vidéo-clips des chansons « Frozen » de Madonna, « Ça fait mal et ça fait rien » de Zazie, et « Pour que tu m’aimes encore » de Céline Dion, le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot (avec la fée Carabosse, l’horrible sorcière), le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure, la comédie musicale Into The Woods (1986) de Stephen Sondheim, la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le roman A Sodoma En Tren Cobijo (1933) d’Álvaro Retana, le film « La Belle Ensorceleuse » (1941) de René Clair, le film « La Sorcière vierge » (1972) de Ray Austin, le film « Baba Yaga » (1973) de Corrado Farina, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec la « sorcière cubaine de Miami »), la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec Élisabeth), le roman Le Bal du Comte d’Orgel (1924) de Raymond Radiguet (avec Mrs Wayne), le dessin Les Sorcières de Gilles Rimbaud (figurant deux sorcières lesbiennes), le film italien « La Celestina » (1969) de César Fernández Ardavín, la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi (avec la Reine-sorcière, capable de faire des miracles), le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram (avec la sorcière lesbienne), le roman Le Garçon Sorcière (2020) de Molly Knox Ostertag, etc.
En général, la femme est considérée comme une traîtresse, une vierge perverse, dès qu’elle devient trop réelle : « Vous parlez de ce cygne ? De cet étrange cygne ? Une sorcière en robe de mariée, voilà ce qu’il en est de ce fabuleux cygne. » (cf. extrait d’une nouvelle écrite par un ami angevin en 2003) ; « Anita Bryant nous a unis ! […] Anita, sorcière ! » (les protagonistes homosexuels dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant) ; « Comme elle était un peu sorcière. » (cf. la description de Colette dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 35) ; « Ses yeux, ils devenaient de plus en plus grands et brillants, comme ceux des méchantes dans les dessins animés japonais, avec trois gros points blancs qui tremblent au milieu des iris. ‘Je suis un peu sorcière.’ » (Yvon parlant de Groucha, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 265) ; « Pendant ce temps-là, cette sorcière continuait à pérorer, comme un oiseau sur son perchoir, très haut, tout en haut de sa cage, tandis que j’étais vautré au fond, au milieu des chiures de volatile. » (idem, p. 267) ; « Ce n’est pas une princesse, c’est une véritable sorcière. » (Béatrice à propos d’Aubépine, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 436) ; « Que ferait-on sans les Aubépine qui parsèment le plat pays de nos existences ? » (idem, p. 439) ; « De près, son visage évoquait celui d’une sorcière. » » (Jane, l’héroïne lesbienne à propos de la prostituée Maria, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 157) ; etc.
Par exemple, dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, Jean-Paul, le personnage homosexuel, traite sa future femme de « sorcière ». Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, la Reine des Rats est sorcière et vient de l’Hémisphère Sud. Dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, Madeleine, l’héroïne, est appelée « la vieille sorcière du Gaou » (p. 125). Dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, les femmes sont parfois comparées à des « vieilles sorcières » (p. 204). Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Stan, le sacristain, traite Jézabel, l’héroïne bisexuelle, de « sorcière ». Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo, le héros gay, et Garance, sa sœur lesbienne, se disputent : il l’insulte de « sorcière ». Dans l’épisode 5 « Circé » (saison 2) de la série Astrid et Raphaëlle (2020), l’autiste Alice (avec syndrome Asperger) est sortie avec une sorcière. Quant aux deux féministes sorcières Cécile Maignant et Sonia Vurcort (de l’association Circé), elles sont en couple lesbien.
C’est parfois le héros homosexuel lui-même qui se définit comme une « sorcière » ou comme le fils d’une sorcière : « J’suis un peu sorcière. » (Diane dans la pièce Une Nuit au poste (2007) d’Éric Rouquette) ; « Nous les sorcières, les féroces meurtrières… » (toutes les protagonistes de la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet) ; « Les sorcières pourraient me sauver. » (Jean-Marc, le héros homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, en parlant de ses amies lesbiennes, p. 53) ; « J’ai 600 ans. Ma mère était sorcière. […] Ma mère a été brûlée vive, et moi bannie. Mais avant qu’elle ne périsse, elle m’a fait jurer de rendre cette forêt à jamais maudite. Que ceux et celles qui y rentrent d’en ressortent jamais. » (Sévéria dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « Nos mères avant nous furent sorcières ! » (Mimi et Fifi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « D’une autre voix qui rit, je l’entends dire : ‘Je ne suis pas ta mère. Je suis Hadda. Bientôt voyante. Bientôt sorcière. Je ne suis pas ta mère.’ » (Omar, le héros homosexuel parlant de sa mère, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 146) ; « Je suis Hadda. Un peu sorcière. Un peu voyante. Malgré moi. » (Hadda, op. cit., p. 189) ; etc. Par exemple, dans le film « Morrer Como Um Homem » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia, le transsexuel M to F, blesse avec la fermeture éclair Jenny, le travesti noir, et le traite de « sorcière ».
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
Un certain nombre de personnes homosexuelles s’identifient à la dangereuse Carmen, cette femme qui fait tourner la tête des hommes. Elles ont d’ailleurs un lien assez proche avec l’opéra de Bizet ou avec la fameuse bohémienne. Par exemple, José Luis Amarilla danse dans le ballet Carmen à la Scala de Milan dans les années 1950. À San Francisco, José Sarria, à la fin des années 1940, anime les dimanches après-midi au Black Cat, dans le quartier de North Beach, un bar où de nombreux individus homosexuels se retrouvent depuis 1933 : il s’y produit vêtu d’une robe rouge et chante des airs d’opéra, de Tosca à Carmen. Autre exemple : Julia Migenes, la cantatrice du film « Carmen » (1984) de Francesco Rosi, interprète « La Vie en rose » à la soirée de lancement de la chaîne Pink TV le 26 octobre 2004 au Palais Chaillot. Je pense également à Thomas, le grand gagnant (homosexuel) du jeu de télé-réalité Loft Story 2 (2002), qui a trouvé refuge pendant tout le temps de l’émission auprès de sa meilleure amie espagnole gitane, Karine. Il y a eu aussi Ben Noir, chanteur d’opéra faisant un strip-tease chantant Carmen, dans La France a un incroyable talent diffusé sur M6 le 21 novembre 2023. Enfin, dans l’émission Dancing With The Stars n°22 diffusée en mai 2016 sur la chaîne nord-américaine ABC, comme par hasard, la danse défendant explicitement l’homosexualité masculine s’est choisie la chanson de Carmen comme accompagnement sonore et chorégraphique. Non seulement le « message très important » qui était à relever (à savoir que l’homosexualité illustre souvent un viol réel des hommes par les femmes) est étouffé, mais il est remplacé par un autre « message très important » creux et scolairement intentionnel : montrer qu’on est « pour ».
« J’aime la Périchole comme j’aime Carmen. Ce sont deux femmes libres, fortes et spirituelles. » (Jérôme Savary cité dans le programme de la saison 2006-2007 de l’Opéra-Comique, p. 16) ; « Il m’agaçait vraiment mais je ne pouvais m’empêcher de penser avec amusement à Carmen… » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 80) ; « En 1948, toute la troupe des Ballets des Champs-Élysées se trouve à Vienne. Les habitants réservent aux Français un accueil charmant. Après la deuxième représentation de Carmen, un élégant et mystérieux prince autrichien vient voir le danseur-directeur, Roland Petit : ‘Je suis un ami de vos amis de Paris et un grand amateur de ballet. Je vous invite avec vos partenaires dans mon château ; ce soir, si vous voulez ? » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 201) ; « La robe de gitane, c’est la robe de fête de Goliatha. » (Stoppani dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 61) ; « Pour animer, notre danseur étoile se mit à mimer une danse gitane. » (Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), p. 98) ; « Là, tu donnais ta version de Carmen Miranda, la chanteuse brésilienne, si petite, si nerveuse. Tu l’imitais à la perfection. » (la grand-mère s’adressant à son petit-fils Alfredo Arias, dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-fantômes (1997), p. 159) ; « J’ai pas mal de tendresse pour Amande, le personnage de la garce dans L’Hystéricon. » (Christophe Bigot avouant son amour des personnages « mauvaises » et persifleurs, lors de la conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon, à la Mairie du IIIe arrondissement, le 18 novembre 2010) ; « Je voulais devenir Carmen. Et je ne pouvais pas devenir Carmen. » (le danseur transsexuel M to F « Carmen Xtravaganza », dans l’émission Let’s Dance – Part I diffusée sur la chaîne Arte le 20 octobre 2014) ; etc.
Un soir où je me trouvais dans une boîte gay au Liban – le Bardo – (c’était en avril 2013), sur les écrans géants défilaient en boucle des images d’un cours de sevillanas andalouses pour accompagner nos danses modernes.
Le personnage de Carmen est proche de l’androgyne. Elle est cet homme dans un corps de femme. En d’autres termes, une puissante figure d’inversion, de prostitution, de machisme, de déni des limites, d’homosexualité : « Elle choisit, prend et laisse. Son caractère, sa trempe, son sang-froid sont des qualités traditionnellement prêtées aux hommes, son comportement est calqué sur celui d’un homme et, encore, d’un homme libre et même libertin. » (Élisabeth Ravoux Rallo, Carmen (1997), p. 52) ; « Son goût extrême de la séduction et de la conquête révélerait une ambivalence sexuelle, voire une bisexualité. […] Le rêve de Carmen est non seulement de conquérir mais surtout d’occuper le territoire de la virilité. » (idem, pp. 124-125) ; « Luisito explosa en chantant la Habanera de Carmen. ‘Si tu ne m’aimes pas, je t’aime, et si je t’aime, prends garde à toi !’ ‘Si tu ne m’aimes pas…’ il rota, il péta, il éructa, il imita des hennissements… ‘Si je t’aime…’ Il se leva et se tortilla avec des mouvements saccadés comme s’il faisait une pipe à un personnage imaginaire. » (Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), p. 215) ; etc.
Carmen apparaît parfois comme le déguisement de travelo idéal. Par exemple, à l’émission radiophonique Homo Micro sur Radio Paris Plurielle du 3 mai 2006, Brahim Naït-Balk, l’animateur en chef, dit qu’à l’âge de 7-8 ans, il se mettait du rouge à lèvres ; David Dumortier, auteur du roman Medhi met du rouge à lèvres (2006) va dans son sens et affirme que souvent, à cet âge-là, les enfants se travestissent en Zorro et en gitane.
Curieusement, entre amants homosexuels dans la vie réelle, on entend parfois le fameux avertissement de Carmen « Si je t’aime, prends garde à toi » (cf. je vous renvoie au code « Liaisons dangereuses » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Elle disait avoir peur : ‘Tu ne sais pas te protéger. Je ne veux pas te faire à nouveau souffrir. Il faut que tu saches qu’avec les femmes, je ne sais pas construire d’avenir. Avec un homme, c’est plus simple, je peux raisonner, ordonner, projeter, il n’y a pas à avoir peur de l’amour. Ne crois pas que tu pourras opérer de miracles. Dans ce domaine, je me sens infirme.’ » (Paula Dumont citant son ex-compagne Catherine, bisexuelle, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 53)
Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte une de ses rencontres homosexuelles en boîte qui le fit énormément souffrir, et qui ressemble à une aventure avec la gitane espagnole : « Il m’avait paru beau garçon, sûrement le plus beau de la soirée. Sa démarche faite d’ondulations dures, comme une danse sévère, attirait les yeux des femmes. » (p. 65) ; « Son corps vêtu de feu » (idem) ; « Son torse apparut nu après une salsa endiablée. » (idem) ; « Nos regards se croisèrent à plus de deux reprises et chaque fois, l’effet en fut brûlant et bouleversant. » (idem)
L’identification homosexuelle à Carmen peut aussi traduire le sentiment personnel d’être un danger sexuel, d’être maudit en amour : « Je me suis sentie confusément coupable de la mort du fiancé de Janette Levreau [la maîtresse de CM2] et encore bien davantage du chagrin de cette dernière. Et depuis ces temps troublés, je me suis demandé souvent si je n’avais pas des pouvoirs paranormaux. En tout cas, je veille très attentivement à ne jamais avoir de souhaits homicides. […] Après avoir assassiné mon frère et un jeune militaire, j’ai assez de crimes sur la conscience ! » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 47) ; « C’est ainsi qu’à 18 ans, je me suis repliée sur moi-même, et que j’ai abandonné jusqu’à la simple idée qu’on puisse m’aimer d’amour. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 19) ; etc.
Carmen est cette croqueuse d’hommes exprimant la misandrie homosexuelle (= haine des hommes, vengeance contre les mecs) camouflée par les sentiments amoureux et les rapports charnels : « Nous savons très bien où nous en sommes avec Carmen : nous aimons le même homme et il nous a dévastés, l’un et l’autre. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 132)
En s’identifiant à la dangereuse gitane, beaucoup de personnes homosexuelles disent inconsciemment leur insatisfaction en amour (voilée par une carcasse de suffisance), et surtout leur misogynie, puisqu’elles considèrent la femme comme un outil de conquête et une diablesse fatale dont il vaut mieux se méfier : « La vision de ce sous-vêtement me terrorise… on dirait un canari agressif prêt à me sauter à la gorge avec ses grandes dents. Je suis parfaitement ridicule, je le sais bien. » (Alexandre Delmar en parlant d’une expérience sexuelle avec une fille, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), p. 54)
Elles jugent la femme « diabolique » d’être double : « La grande tactique des femmes est de faire croire qu’elles aiment quand elles n’aiment pas, et lorsqu’elles aiment, de le dissimuler. » (Jean Cocteau) ; « L’image amère de la Chimère, avec son double visage de destruction et d’innocence, représente le destin du poète, le mythe avec lequel Cernuda perdure et survit. » (Armando López Castro,Luis Cernuda En Su Sombra (2003), p. 88) ; « Elle est la muse, la déesse-mère, mais aussi la femme-démon, la mandragore, la mante religieuse. » (Juan José Sebreli parlant de l’Eva Perón de Néstor Perlongher, Eva Perón(1990), p. 107) ; « Il ne restait plus aucun lien entre l’homme athlétique et la femme féline, douce et diabolique qu’il était devenu. » (Alfredo Arias parlant de Jorge Pérez, dans son autobiographie Folies-fantômes (1997), p. 34)
Certaines femmes-objet leur donnent raison. C’est le cas de la chanteuse Dalida, qui n’hésita pas, de son vivant, à avouer sa duplicité entre Yolanda (son vrai prénom) et Dalida. Sarah Bernhardt, grande icône gay, était surnommée « la Scandaleuse » (elle est sortie avec le jeune Lucien Guitry). Quant à l’actrice Marilyn Monroe, elle déclara qu’enfant, elle sentait qu’« il y avait deux personnes en elle : l’une, la fille de personne ; l’autre était quelqu’un qui appartenait au ciel, à l’océan, au monde entier. » (Marilyn Monroe citée dans « Marilyn Monroe dans ‘Les Hommes préfèrent les blondes’ », Les Légendes d’Hollywood, M6 Interactions, 2004, p. 14). Je pense également au nom de scène choisi par la comédienne lesbienne Louise de Ville ( = Devil qui veut dire « diable » en anglais).
L’actrice exerçant une fascination esthétique et érotique sur les personnes homosexuelles est souvent rousse ou habillée de rouge (cf. je vous renvoie au code « talons aiguilles » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Tu peux choisir une plume. Tu veux quelle couleur ? Une plume rouge ?… hum… tu fais peur aux hommes, toi ? » (le comédien Jarry à une spectatrice qui fête son anniversaire le jour de la représentation, à la fin de son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « La robe rouge à la Fortuny avec perruque jaune [que Copi faisait porter sur scène à Stoppani], c’était comme toujours chez Copi un clin d’œil à toutes les actrices très connues du monde parisien. » (Stoppani dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 61) ; etc.
L’omniprésence des femmes fatales habillées de rouge dans les films d’Alfred Hitchcock, de Pedro Almodóvar, de Yasuzo Masumara, de François Ozon, ne viennent que le confirmer ! C’est souvent par elles que le scandale ou le drame arrive. Selon Lionel Povert, dans son Dictionnaire gay (1994), la couleur rouge symboliserait en plus l’inversion sexuelle (p. 421).
Les icônes féminines choisies par la communauté homo sont souvent rousses : cf. l’iconographie des actrices ou chanteuses devenues icônes gay (Geri Halliwell, Mónica Naranjo, Mylène Farmer, Madonna, Muriel Robin, Alaska, Benedict, Axelle Red, etc.), les séries et les dessins animés (Endora dans la série Ma Sorcière bien-aimée, la fille des 4 As, Madame Agecanonix dans Astérix, Rébecca dans « Les Mondes engloutis », les femmes sexy de Tex Avery, la femme invisible du « Sourire du Dragon », la volleyeuse Jeanne dans le manga japonais « Jeanne et Serge », la belle Daphné dans « Scoubidou », Bree Van de Kamp dans la série Desperate Housewives, etc.).
La rousse est l’incarnation vivante de la femme-objet, celle qui est superficielle au point de se teindre les cheveux : « Ma mère était très différente des mères de mes copines. C’est-à-dire que je les voyais être plus souvent des mères au foyer et assez traditionnelles. Alors que ma mère était une femme, pour moi, relativement émancipées, acteur politique, investie dans un parti politique, militante, qui n’aimait pas du tout ce qui était tourné vers l’intérieur, je ne sais pas comment dire, qui ne faisait pas le ménage. Si elle avait pu, je pense qu’elle n’aurait pas eu d’enfant non plus, donc j’avais quand même un modèle féminin, enfin de mère, qui était un peu atypique ; tout en étant, alors sur le plan esthétique, visuel et autres une femme des plus féminines par ailleurs : très attachée à son apparence, changeant de coupe de cheveux et de teinture et de je ne sais quoi d’autre, quasiment tous les mois, un jour blonde, un jour brune, un jour rousse. Je n’ai jamais compris quelle était sa vraie couleur de cheveux (rires), toujours en tailleur, ou avec de belles chaussures à talons, intéressée par sa silhouette, avec un tas de produits et de choses et très maquillées, etc. Tout l’inverse de moi, on va dire. » (Lidwine, femme lesbienne de 50 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 65)
La femme-objet que les personnes homosexuelles adulent (comme une mère nourricière) et cherchent à imiter est régulièrement une sorcière… qu’elles fuient dans la réalité dès qu’elles se retrouvent face à une femme qu’elles diabolisent et qu’elles confondent précisément avec une femme-objet : cf. le documentaire « Sorcières, mes sœurs » (2010) de Camille Ducellier (à propos de femmes lesbiennes, « féministes, souterraines »). « Protégé par mon père tendre et ma mère un peu sorcière. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 31) ; « Les sorcières ont joué un rôle très important dans ma vie. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), p. 315) ; « Bayle a créé un mot : le péché sur-contre-nature, définissant ainsi l’emploi alternatif ou simultané que faisait au Sabbat le Diable hermaphrodite de l’un ou l’autre sexe, sur la personne des sorciers et des sorcières. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 134) ; « J’avais suivi une prostituée – naturellement vieille et décatie – et ne sus que m’enfuir devant les audaces cupides de l’horrible femme : tout ce qu’avaient pu inventer mes cauchemars au sujet des filles se trouvait réuni là, ignoble, sordide. C’était donc cela, l’amour des femmes : cette sorcière avare, pressée, aux gestes obscènes ? » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, op. cit., p. 81) ; « Tu n’étais pas contente de me voir pleurer, mais j’éprouvais une tendresse particulière pour la Princesse indienne de Patagonie. Le jour où on l’a fait prisonnière et où la sorcière de la tribu ennemie lui a arraché ses boucles d’oreilles, j’ai trouvé le monde injuste. J’aurais voulu pouvoir voler jusqu’à la Terre de Feu et la reprendre aux mains d’êtres aussi sauvages. Je sais : c’était un feuilleton radiophonique. Mais il me donnait un avant-goût des atrocités à venir. » (Alfredo Arias parlant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-fantômes (1997), pp. 157-158) ; etc.
Dans l’émission de télé-crochet The Voice 4 diffusée sur la chaîne TF1 le 24 janvier 2015, le chanteur homosexuel Mika se met en boutade dans la peau de Cendrillon agressée par ses deux sœurs (et rivales-coachs Jennifer et Zazie) : « Elles sont comme deux sorcières toutes en noir. Vous êtes comme les deux sœurs dans Cendrillon ! ». Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla , avec son comparse Jup, Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, joue la sorcière jetant des sorts à distance (par télékinésie), imite le diable en émettant des grognements. Ils se retrouvent dans une jungle et simulent un combat de sorcières tribales.
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La « quenelle » dieudonnéenne, mais version homosexuelle
Les talons aiguilles, en ce moment, c’est un peu le révolver queer des idéologues du Gender refusant les castrations symboliques pourtant salutaires.
Toutes les femmes réelles ne chaussent pas des talons hauts. En général, quand les talons aiguilles deviennent une habitude, c’est mauvais signe pour celle (ou celui) qui les porte. Cela veut dire qu’elle s’élève pour s’exposer en vitrine (comme un objet), qu’elle force sa féminité pour la rendre agressive et conquérante, qu’elle désire changer de sexes (c’est une féminité d’accessoire), qu’elle se prend pour un dieu surélevé, qu’elle va agresser d’une manière ou d’une autre (les talons aiguilles font partie de l’attirail sadomasochiste, du déguisement de la femme phallique – l’icône du danger sexuel machiste dont les prostitué(e)s sont les dignes représentant(e)s), qu’elle désire violer (le talon aiguille est un pénis artificiel) et être violé (le talon aiguille artificiel appelle à son remplacement par le pénis réel). Les talons aiguilles ne respectent pas la femme, ne sont pas connectés au Réel (les randonnées sur pavés ou en montagnes, je déconseille). Je veux bien croire qu’ils excitent érotiquement certains esprits souffrants en mal de domination/soumission/identité… mais très vite, ils font vivre trop haut et trop penché (ou en diagonale), font mal au dos, font perdre l’équilibre, donnent une identité de pacotille qui appelle à la violence.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Femme fellinienne géante et Pantin », « Carmen », « Reine », « Bergère », « Destruction des femmes », « Putain béatifiée », « Prostitution », « Bourgeoise », « Actrice-Traîtresse », « Amant diabolique », « Tante-objet ou Maman-objet », « Symboles phalliques », « Un Petit Poisson Un Petit Oiseau », « Icare », « Femme allongée », « Se prendre pour le diable », « Adeptes des pratiques SM », « S’homosexualiser par le matriarcat », à la partie « Travestissement » du code « Substitut d’identité », à la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée », et à la partie « Pied cassé » du code « Se prendre pour Dieu », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
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Dans les fictions homo-érotiques, les talons aiguilles de la femme-objet surélevée fascinent le personnage homosexuel : cf. le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen, la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer, le spectacle-cabaret Dietrich Hotel (2008) de Michel Hermon (avec les talons aiguilles noirs posés sur le piano), la pièce « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec la chaussure de Cendrillon, fétiche du désir), la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau (avec le téléphone en forme de talons aiguilles), la pièce L’Émule du Pape (2014) de Michel Heim, le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems (avec la femme et ses « hautes bottes »), etc.
Les talons aiguilles, c’est l’accessoire par excellence de la femme-objet cinématographique déifiée, qui descend sur scène du haut de son grand escalier en forme de chaussure : cf. l’album « Music » de Madonna, la pochette de l’album « Mes courants électriques » d’Alizée (ainsi que la chanson « J’ai pas 20 ans »), le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliott (avec le toboggan en forme de talons aiguilles), etc. Par exemple, dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, fait sembler de rouler les mécaniques pour marcher comme un hétéro, puis trahit son identité d’homosexuel en se foulant le « talon ».
Les talons aiguilles aident le héros homosexuel à se sentir plus en confiance avec lui-même, à se vieillir, à décupler son pouvoir narcissique et phallique, à se consoler d’avoir (ou de manquer d’)un pénis puisqu’ils servent de pénis artificiels : cf. le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, etc. « Et puis au début il était juste fétichiste des talons aiguilles, soit, mais il a commencé à les porter. » (la femme parlant de son ex-compagnon Jean-Luc, converti à l’homosexualité, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ma marraine Janine, c’est ce que j’appelle ‘mes chaussures du pouvoir’. » (Vincent Nadal dans sa pièce Des Lear, 2009) ; « Mes talons hauts me donnent confiance. » (cf. la chanson « Sur un fil » de Jenifer) ; « Et mes talons aiguilles, un talent de fille, mélodie du vent. » (cf. la chanson « J’ai pas 20 ans » d’Alizée) ; « J’ai toujours été folle des chaussures. Avec des paillettes. » (Zize, le travesti M to F, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Ce ne sont pas des chaussures pour un garçon de ton âge. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère lui parlant, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Je les aime bien ces chères chaussures… » (Laurent Spielvogel se retirant les talons aiguilles, idem) ; « J’aime surtout les talons hauts. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère, idem) ; « Excuse-moi mais je suis une vilaine fille à talons. Une vilaine fille ! Il faut que le monde entier soit au courant ! » (Éric le héros homo, dans l’épisode 5 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.
Par exemple, dans le film « La Niña De Tus Ojos » (« La Fille de tes rêves », 1998) de Fernando Trueba, Castillo, le personnage homosexuel, se propose de retirer à Blas ses bottes ; celui-ci ne le supporte pas et l’éjecte, comme si le fait de se faire déchausser revenait à faire un coming out.
En règle générale, les talons aiguilles sont l’attribut de la femme fatale, de la tigresse phallique qui viole les hommes avec son faux pénis (= le talon) pour ne pas être violée en retour, de la mère incestueuse qui homosexualise son fils et le pousse à la prostitution, de l’amant homosexuel qui sodomise sauvagement : cf. la pièce Les Amazones 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret, le film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de Pedro Almodóvar (avec le talon-flingue), la nouvelle « L’Encre » (2003) d’un ami homosexuel angevin, le film « Blue Velvet » (1986) de David Lynch, la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas (avec Garance, la lesbienne prostituée aux talons aiguilles), le vidéo-clip de la chanson « Je suis gay » de Samy Messaoud, la nouvelle « Les vieux travelos » (1978) de Copi (avec les deux paires de bottes à talons aiguilles), etc.
Par exemple, dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, les talons aiguilles symbolise le fantasme d’être une prostituée, d’être violé : « Anna s’habille comme une pute. […] Je crois qu’elle aimerait bien. Son maquillage, ses talons hauts qu’elle adore ; ce sont des choses que porterait une prostituée. » (Maria, la prostituée, décrivant la jeune Anna, p. 165) ; « Ils arrivaient dans leur propre rue. Jane [l’héroïne lesbienne] remarqua deux prostituées à l’angle, portant des bottes à talons hauts, des shorts moulants et des corsages encore plus ajustés. » (p. 37) Anna, l’adolescente de 13 ans, essaie de suivre le chemin de sa mère prostituée professionnelle en portant des talons aiguilles, en se déguisant en l’adulte pour couvrir les abus sexuels de son père sur elle. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Solange, la machiavélique belle-mère en pantalon panthère, porte des talons aiguilles rouges.
L. – « Si papa savait ce que tu es devenue, il en mourrait une deuxième fois !
Mère – Et s’il savait que c’est toi qui l’a tué, il en mourrait une troisième fois !
L. – Tu sais très bien que je n’ai pas tué papa ! Pourquoi est-ce que j’aurais tué papa ?
Mère – Parce qu’il te sodomisait ! Je t’ai vu l’assommer à coups de talon aiguille avant de l’étrangler avec des bas de soie ! »
(Copi, Le Frigo, 1983)
« La semaine suivante, Varia est arrivée en cours avant le professeur Gritchov, et accompagnée d’une camarade que je n’avais jamais vue. C’était une brune très maquillée, habillée tout en similicuir. Elle avait l’air encore plus diabolique que Varia. […] [Elle et sa copine] Je les aurais tuées. […] La nuit, Varia revenait me hanter. Je la voyais marcher vers moi, depuis l’extrémité d’un couloir interminable, percé de portes plus noires que des trappes, perchée sur ses talons qui perforaient le carrelage. Elle avançait, un fouet à la main, toute de blanc vêtue, la chevelure souple et ondoyante, les lèvres rouges et serrées. À quelques pas de moi, elle ouvrait sa bouche pour me sourire. Je découvrais alors des canines de vampire, maculées de sang. » (Jason, le héros homosexuel parlant de la vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 58-59) ; « Je me suis mis à chercher Groucha dans tous les bâtiments. J’ai fini par la trouver assise dans un couloir, avec sa minijupe blanche remontée jusqu’en haut des cuisses, et ses talons aiguilles plantés dans le carrelage. » (Yvon en parlant de Groucha, idem, pp. 261-262) ; « Votre pied a-t-il résisté à mon talon ? » (Mathilde, l’amante lesbienne ayant marché sur le pied de la narratrice, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 13) ; « Ma mère a essayé de me finir à coups de talons aiguilles dans la face. » (David Forgit, le travesti M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; etc.
Par exemple, dans le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, Leonora (Liz Taylor), la femme machiste, pénètre symboliquement sa bonne car cette dernière n’arrive pas à lui retirer ses bottes. Dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, la chaussure, et spécialement la botte, est souvent utilisée comme un instrument de torture : « Tu préfères recevoir un de ces fatals coups de bottes ? […] Sinon, je sors ma botte. » (Fred menaçant son amant Max) Dans la comédie musical Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphane Druet, le père de Yolanda la prostituée transgenre M to F a été « assassiné à coups de talons aiguilles ». Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, la psychanalyste est parodiée en femme SM, avec talons aiguilles rouges, perruque verte et fouet. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne machiavélique, descend un escalier en forme de talons aiguilles rouges, et décide de nuire à tout son entourage, par sadisme et mégalomanie : « J’ai planté bien profond mes talons aiguilles ! » Dans la pièce Les Paravents (1961) de Jean Genet, Saïd force sa mère à porter des talons aiguilles (« Vous ne voulez pas mettre vos souliers ? Je ne vous ai jamais vue avec des souliers à talons hauts. […] Mettez vos souliers à talons hauts. […] EN-FI-LEZ vos souliers ! […] Vous êtes belle, là-dessus. Gardez-les. Et dansez ! Dansez ! ») ; elle riposte faiblement puis exécute l’ordre filial (« Mais, mon petit, j’ai encore trois kilomètres. J’aurai mal et je risque de casser les talons. »). Le spectateur découvre que c’est finalement elle qui prend le dessus et qui achève son fils : « Ma Mère qui danse, ma Mère qui vous piétine sue à grosses rigoles… Les rigoles de sueur qui dégoulinent de vos temps sur vos joues, de vos joues à vos nichons, nichons à votre ventre… Et toi, poussière, regarde donc ma Mère, comme elle est belle et fière sous la sueur et sur ses hauts talons !… […] Dans ma vie, je les ai mis deux fois. La première, c’est le jour de l’enterrement de ton père. […] La deuxième fois que je les ai mis, c’est quand j’ai dû recevoir l’huissier qui voulait saisir la cabane. » (Saïd) Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Alba chausse ses talons aiguilles rouges et raye avec une clé une belle jaguar noire. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Rambo, l’un des personnages gays, cherche à déguiser son pote Adrien en vraie traînée, et lui tend une paire de talons aiguilles rouges.
Les talons aiguilles sont le symbole de la prétention diabolique du héros homosexuel à vouloir être quelqu’un d’autre, à être hautain. C’est la raison pour laquelle ils sont souvent rouges : cf. le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat (avec Amira Casar), la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec les escarpins rouges de Joséphine), le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan (avec Diane, la mère-traîtresse aux chaussures compensées rouges), la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez (avec Kanojo, une des héroïnes lesbiennes), la pièce L’Amant (2007) de Boris Van Overtveldt (avec Sarah), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec Vera), la chanson « Les Démons de minuit » du groupe Image, le téléfilm « Sa Raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne (avec les talons aiguilles rouges de Sharon la lesbienne), la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, le conte Les Chaussons rouges d’Hans Christian Andersen, le film « Les Chaussons rouges » (1948) de Powell et Pressburger, le film « Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy (avec Stéphanie), le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (avec Marie), le one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009) de Samuel Ganes, le film « Birth 3 » (2010) d’Antony Hickling, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec Scarlett, la danseuse du cabaret Au Cochon stupéfiant), la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat (avec Joséphine), la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial di Fonzo Bo et Claire Diterzi, le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec Arlette en sur scène), la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali (avec Heïdi, une des héroïnes lesbiennes), le film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton (avec Otho, le héros homo), la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd, le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le spectacle musical Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink, le one-woman-show lesbien Betty Speaks (2009) de Louise de Ville, la pièce Golgota Picnic (2012) de Rodrigo Garcia, le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza (avec Abbey, la « fille à pédés »), la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine (avec Damien, l’homme travesti M to F), la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen (avec les talons aiguilles rouges de Graziella, la présentatrice-télé psychopathe), etc. « J’ai peint en rouge un de mes souliers. » (le narrateur homosexuel du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 40)
Le motif de la botte revient relativement fréquemment dans la fantasmagorie homosexuelle. Il renvoie au satanisme et à la monstruosité. « Le chauffeur maquisard a un visage terrible, d’assassin. […] C’est un boiteux ; un de ses souliers a une semelle très haute, avec un talon bizarre, en argent. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 52)
Le pire, c’est que les talons aiguilles, qui constituent l’arme du crime (symbolique) de la femme-objet (ultra-féminisée et virilisée dans le même mouvement) vont être reniés et même détruits quand celle-ci finit par se rendre compte de leur caricature, de leur faux pouvoir, de sa propre prétention. « Ne jamais porter de talons ! » (Emory, le héros homosexuel très efféminé, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Laisse mes talons aiguilles faire de moi une fille sans me regarder comme un objet. » (cf. la chanson « Être une femme » d’Anggun) ; « Je pourchasse impitoyablement le maquillage, les talons hauts, les fioritures en tout genre, et cela avec de moins en moins de tolérance. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 223) ; etc. Il n’est pas rare de voir (surtout chez les héroïnes lesbiennes) la scène de destruction des bottes ou des talons aiguilles par le héros homosexuel : cf. le film « Benzina » (« Gazoline », 2001) de Monica Stambrini (les bottes cramées au briquet), le film « Shortbus » (2005) de James Cameron Mitchell, le film « Lesby Nenosi Vysoké Podpatky » (« Les Lesbiennes ne portent pas de talons hauts », 2009) de Viktoria Dzurenkova, le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues (avec les talons aiguilles plongés dans l’aquarium), etc. Les talons aiguilles sont les masques et au fond les révélateurs du viol. Par exemple, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, Octavia la Blanca, le transsexuel M to F, pour cacher qu’il vient de se faire violer, simule un problème de chaussures : « Non non, rien… Je me suis cassée un talon. »
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
Il y a un lien entre pied et désir. Pas seulement parce qu’il serait une zone érogène. Mais parce que le pied nous connecte avec la Terre, avec le Réel, avec la plupart de nos actions. Par exemple, bien des théologiens nous expliquent que la foi vient d’abord par les pieds ; et je suis une des personnes convaincues que beaucoup de nos bonnes idées viennent en marchant. L’arrivée des talons aiguilles dans la vie des filles, puis dans la vie de certains hommes, symboliquement, nous indique une baisse du désir, de l’action, de la marche (ils ne sont pas faits pour la marche, d’ailleurs). Mais dans un premier temps, ce catapultage dans l’irréalité de l’artifice fascine, envoûte, ravit, fait paillettes et Jet Set.
« En 1913, Havelok Ellis, dans son étude Inversion sexo-esthétique : Ellis pense qu’il s’agit là d’une forme de symbolisme érotique, d’ailleurs souvent accompagnée de fétichisme du soulier, du corset, etc. et ayant des rapports de similitude avec le fétichisme érotique et avec le narcissisme. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 302) ; « Je portais une longue robe mauve […], des bottes noires qui me rendaient fortes. » (Joan Nestle, citée dans l’essai Attirances : Lesbiennes fems, Lesbiennes butchs (2001) de Christine Lemoine et Ingrid Renard, p. 25) ; « Depuis longtemps, Lita avait délaissé les chaussons de danse pour les talons aiguilles. Elle avait toujours détesté les chaussons qui la tassaient, qui la rendaient un peu naine. C’est la raison pour laquelle tous les rôles de son répertoire post-professionnel furent dansés sur les talons aiguilles et non les pointes. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 295-296) ; « Il portait des chaussures différentes, des espadrilles vertes simples et très jolies. Je les ai tout de suite adorées. Je voulais les mêmes. […] Je voulais de toute façon avoir exactement les mêmes espadrilles que lui. » (Abdellah Taïa parlant de son domestique Karabiino, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 76) ; « La Chola [homme travesti M to F] avait caché ses courbes dans une serviette et avait formé avec une autre un énorme turban. Celle qui enveloppait son corps était trop petite et l’autre, immense, lui donnait une apparence de géante. Elle portait, matin et soir, des talons aiguilles, toujours pailletés. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 187-188) ; « Son casse-tête, ce sont les chaussures. » (la voix-off par rapport à Laura, homme M to F, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc.
Les chaussures à semelle compensée ou les talons hauts de la femme-objet surélevée fascinent bien des personnes homosexuelles : je pense à Pedro Almodóvar, Yves Saint-Laurent, Andy Warhol (il a d’ailleurs fait des publicités pour les chaussures : Shoes en 1955), Néstor Perlongher (qui a écrit un texte sur « el deseo de pie »), Claude Cahun (cf. son dessin Elles s’aiment en 1929), Mika (lors de son concert à Paris-Bercy en avril 2010, sur la chanson « Big Girl »), Steven Cohen (toujours perché sur ses échasses, avec des talons aiguilles en crânes), etc. Je vous renvoie au logo de l’association MiddleGender. Je pense aussi au chorégraphe homosexuel Yanis Marshall de la saison 2022 de l’émission Star Academy, qui est spécialisé dans les danses en talons hauts et qui fait même danser ses élèves garçons sur ces derniers : le danseur a expliqué que son rêve d’enfant serait de « monter un spectacle permanent, comme un petit Crazy Horse, où les hommes danseraient en talons ». Moi-même, très tôt dans mon enfance, j’avoue avoir été attiré par ce drôle de fétichisme des pieds (même si je n’ai jamais tenté l’expérience de chausser des talons aiguilles) : quand j’étais en grande section de maternelle, je dessinais déjà des femmes avec des talons aiguilles ; et quand j’ai, à l’adolescence, vue les chaussures écrase-merde improbables des chanteuses comme les Spice Girls, je reconnais les avoir enviées.
Quand on se surélève, gare à la chute et à l’atterrissage ! Bien des artistes transgenres ou homosexuels, dans leur mise en scène, parodient la Miss France qui tombe de ses talons hauts parce qu’elle est enserrée par les carcans de sa féminité d’accessoire : Thierry Le Luron, Bruno Bisaro, David Forgit, Zize, etc. « Est-ce moi qui tangue comme une ombre sur les talons d’une reine en cavale ? » (cf. la chanson « Les Enfants de l’aube » de Bruno Bisaro)
« La Chola [homme travesti M to F] avançait d’un pas décidé, malgré le déséquilibre que provoquaient ses talons aiguilles qui s’enfonçaient dans le chemin de terre battue. Sur son passage, flottait un délicieux parfum douceâtre. Ses formes étaient exaltées par un tailleur blanc moulant et une petite ceinture rouge. La Chola s’arrêta devant une maison basse, peinte à la chaux et surmontée d’un énorme écriteau où l’on pouvait lire ‘Église scientifique’. De part et d’autre de la porte étaient peints deux angelots assis chacun sur son nuage. Elle frappa. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 233)
Les talons aiguilles sont le symbole de la prétention diabolique de l’individu homosexuel à vouloir être quelqu’un d’autre, à être hautain, à ne pas reconnaître ses limites, à vouloir se transformer en objet ou en prostitué : cf. les clichés du « Christ homosexuel » en talons aiguilles (1999) de la photographe lesbienne Élisabeth Olsson. « Entre la fin de l’été et l’âge du grand pas (16 ans), je suis obsédé par une seule chose. Les talons aiguilles. Dès que je croise une femme dans la rue qui en porte, je la poursuis dans l’espoir qu’elle me remarque, et que nous fassions l’amour. […] J’enfilais les talons aiguilles de ma mère, nous avions la même taille, et je m’observais dans la grande glace de la chambre à coucher de mes parents. Je fus émerveillée de voir mes jambes mises en valeur. Le plaisir des bas sur la peau donnait le frisson, et la hauteur des talons, me rendait narcissique en regardant mes jambes. Ce n’était plus moi, garçon dans la glace, mais les jambes d’une superbe garce. » (Cf. un texte d’un homme travesti du Québec, Vanessa, consulté en juin 2005) C’est la raison pour laquelle ils sont souvent rouges : cf. le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger (avec les talons aiguilles rouges dans le magasin de sextoys). Par exemple, dans le documentaire « Et ta sœur » (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, les talons aiguilles rouges sont filmés par terre, renversés sur un plancher.
Le port du talon-aiguille est un clin d’œil voilé à la sodomie.
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