Inceste entre frères
NOTICE EXPLICATIVE
Plusieurs enfants homos dans la même famille ?
Film « Two Brothers » de Richard Bell
Bien qu’il soit évident que l’homosexualité n’est pas le résultat immédiat et causal d’une « mauvaise éducation » comme dirait Pedro Almodóvar, il n’empêche qu’il peut exister des ponts entre l’environnement familial et le désir homosexuel. Quand nous regardons autour de nous, nous constatons que les situations familiales des personnes homosexuelles, sans être plus extraordinaires ni catastrophiques que d’autres, sont souvent complexes, et parfois perturbées. Même s’il est impossible, fort heureusement, de dresser un portrait-robot de la famille d’où émergera une ou plusieurs personnes homosexuelles, nous pouvons tout de même définir des terrains porteurs, car oui, ils existent. Ce sont certaines coïncidences (une possible possessivité maternelle, un supposé absentéisme paternel, une certaine expérience de la gémellité, une influence écrasante des frères et sœurs, une jalousie entre frangins, une éducation ressentie comme trop rigide ou trop laxiste, etc.) qui nous le font dire.
Par ailleurs, on rencontre un certain nombre de cas où plusieurs frères d’une même famille se disent « homosexuels » (pensez à la fratrie Jáuregui, Mann, Tchaïkovski, Strachey, etc.), ou bien un des parents avec son fils (la famille Ackerley, la famille Mann, la famille Schwarzenbach, la famille Cocteau, etc.). Ce n’est pas rare, bien qu’en effet, personne dans le « milieu » ne le crie sur les toits par peur d’alimenter l’argument de la dégénérescence, c’est-à-dire d’une « hérédité homosexuelle », ou bien l’idée d’une « homosexualité éducationnelle » qui pourrait, si elle existait, être désapprise.
Beaucoup de personnes homosexuelles rejettent avec véhémence le concept de dégénérescence, parce qu’elles défendent inconsciemment dans le rejet le lien causal entre parents et enfant homosexuels, entre frères possiblement jumeaux en homosexualité. Il arrive que certains individus reconnaissent en leur frère, leur oncle, leur beau-frère, leur demi-frère ou leur cousin, un amant homosexuel, ou, sans aller jusque-là, leur propre désir homosexuel. Cette correspondance leur déplaît énormément, parce qu’elle renvoie à un autre interdit que celui de la transgression de la différence des sexes par le couple homosexuel ou par le viol génital : celui du viol de la différence des générations, donc de l’inceste. S’il finit par se savoir que, dans une même fratrie, il est fréquent qu’il y ait plusieurs personnes homos (et je peux vous assurer, de par mon expérience de terrain, que c’est plus fréquent qu’on ne le croit !), cela engage à soutenir des thèses essentialistes ou constructionnistes particulièrement homophobes (le soi-disant « gène homosexuel », la soi-disant « éducation homosexualisante » – qui pourrait, pour le cas – être désapprise, et qui indique l’homosexualité comme une passade ou un trauma familial, etc.). Cela oblige plus fondamentalement à s’interroger sur la nature des sentiments qu’on se porte entre frères… et j’en conviens, il n’a jamais été glorieux, pour une personne homosexuelle pas plus que pour une personne non-homosexuelle, de reconnaître un sentiment voire une appétence sexuelle pour un pair de sang, surtout quand on s’est parfois valu de l’alibi de « l’amour fraternel » pour masquer un viol (symbolique?) venu de la part d’un proche dont on ne doute pas de la sincérité, ou qu’on a soi-même exercé avec une « innocence » presque complaisante.
Enfin, petite précision avant de me lancer : ce code ne doit pas convaincre certains lecteurs naïfs que (je penserais que) toute personne homosexuelle est tombée amoureuse de son frère/de sa sœur, ou qu’elle a subi les assauts sexuels d’un frangin ou d’un cousin. Le fantasme de l’inceste fraternel, même s’il est très marqué dans le désir homosexuel, n’est pas exclusif à l’homosexualité et aux personnes homosexuelles. Il est humain. Le désir homosexuel n’est que le reflet d’incestes fraternels/fratricides sociaux qui dépassent largement les frontières de la communauté homosexuelle.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Inceste », « Jumeaux », « Ombre », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Trio », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Moitié », « Doubles schizophréniques », et à la partie « Frère homophobe » du code « Homosexuel homophobe », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) Les deux frères amants (la fraternité incestuelle voire incestueuse) :
Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville
Le personnage homosexuel a une relation très proche avec l’un de ses frères (d’ailleurs, on ne sait pas toujours si c’est un frère réel, biologique, ou s’il s’agit juste de son reflet narcissique, de son double schizophrénique) : cf. le roman Hawa (La Différence, 2010) de Mohamed Leftah (avec les frères jumeaux Zapata et Hawa), la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi (avec le probable inceste entre Rogelio et sa sœur China), le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec Romain, le héros homo, et son frère Jérémy), le film « Les Abysses » (1962) de Nico Papatakis (avec les sœurs incestueuses), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec Jean-Luc, le héros homo, et Rachid, son demi-frère arabe), le film « Two Brothers » (2001) de Richard Bell (avec Riley et son frère Chad, l’un homo et l’autre hétéro), le roman Les Enfants terribles (1929) de Jean Cocteau (je pense surtout à la scène du bain commun entre Paul et Élisabeth), le film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca (avec Saïd et Karim), le roman Frère (2001) de Ted Van Liedshout, le film « Brothers » (2003) de Deniz Buga, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody (avec Julie et Brad), la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau (avec Antigone et son frère), la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès (avec Mathilde et Adrien), la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick (avec le couple fusionnel Cindy et son frère homosexuel Paul), le film « Harry et Max » (2005) de Brian Epstein, le film « Mascara » (1987) de Patrick Conrad, le film « Aprimi Il Cuore » (2002) de Giada Colagrande, le film « Sister My Sister » (1994) de Nancy Meckler, le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand (avec la relation androgynique entre Suzanne, l’héroïne lesbienne, et son frère Pierre), le roman Sang réservé (1929) de Thomas Mann (racontant l’amour incestueux des deux jumeaux Siegmund et Sieglind), le film « Brother To Brother » (2004) de Rodney Evans, le téléfilm « Prayers for Bobby » (« Bobby : Seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy, le sketch du Testament de Muriel Robin (avec Jean-Denis, le frère coupé en deux), le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec la relation passionnelle entre Donato, le héros homo, et son petit frère Ayrton), etc.
« Vous êtes habituée à vivre avec votre sœur qui vous facilitait tout. Toute seule, vous êtes comme un enfant. » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Je deviens sa demi-sœur. » (Jean-Charles/Jessica à son meilleur ami non-homo Jean-Louis, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « En perdant ma sœur, c’est comme si on avait arraché une partie de moi-même. » (Nicolas dans le téléfilm « Sa raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand) ; « Pour l’héritage de ma mère, ça aurait tout facilité si j’avais été mariée avec ma sœur. » (Frédérique Kelven dans son one-woman-show Nana vend la mèche, 2009) ; « Tout ce que je sens, tu sens. Et ce que je suis, tu suis. Nous voici sœurs de sang. Déjà nos cheveux s’emmêlent, comme des cheveux de jumelles. Ils s’envolent, cheveux de folles… » (cf. la chanson « Toi c’est moi » de Priscilla) ; « On n’a pas de colocataire à 30 ans passés. On vit avec son amant ou avec sa sœur ! » (Michael, l’un des héros homos évoquant l’évidence de l’homosexualité à travers certains modes de vie, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc.
Par exemple, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Lennon, le héros homosexuel, et sa sœur Chloé ont une relation fusionnelle, au point qu’ils sont présentés comme les deux moitiés d’une seule personne. D’ailleurs, ils se qualifient comme des « demi-frères » (Malik, en parlant d’eux, les confond totalement : « L’honneur d’une sœur, c’est l’honneur d’un frère. »). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Vanessa et son frère homosexuel Nicolas sont un spectre de réactions étonnantes face à la mort de leur père. Dans la pièce Ma Double Vie (2009) de Stéphane Mitchell, la sœur de Tania (l’héroïne lesbienne) dit à celle-ci qu’elle est sa « petite sœur, un bout de son âme ». Dans le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan, les deux sœurs Stella et Blanche forment un couple androgynique, peu dissocié en deux personnes uniques. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie a une relation d’admiration quasi amoureuse avec son grand-frère Buddy, qui mourra tragiquement dans un accident de train. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M a un frère – à la fois de sang et symbolique –, qui se nomme Emad, qu’elle invoque et qui va l’aider à s’exiler en Allemagne pour son opération de changement de sexe : « C’est mon frère. Il n’est pas d’ici. » Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, maintient une relation très fusionnelle avec sa sœur Florence. « Je n’apprécie pas que vous mettiez vos sales pattes sur ma sœur ! » dit-il à Helmer, le fiancé de Florence, en lui faisant comprendre que la chasse est gardée. Helmer résiste, en vain : « C’est un être dangereux, particulièrement déséquilibré. Il ne supportera de donner sa sœur à qui que ce soit. ». « Il est de notoriété publique que vous êtes d’une possessivité maladive à l’égard de votre sœur. » lui lance-t-il à la face.
Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa), Phil, le héros homosexuel, est né jumeau avec sa sœur Dianne. Celle-ci est un peu spéciale car elle a le don d’attirer à elle la Bête et les animaux. Elle ne respecte pas l’intimité de son frère : par exemple, elle rentre dans la salle de bain alors que Phil est tout nu dans son bain. Elle devine qu’il a un copain : « Ce genre de truc m’échappe pas. Je suis ta sœur, hein ? » Et leur gémellité est à double tranchant : « Dianne et moi, on était comme McGyver et son couteau, les asperges et la sauce hollandaise ou les jumelles Olsen. Elle était mon ange gardien, mon amie et alliée. Et moi, son deuxième cœur. »
Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Irène la sœur de Bryan, le héros homo croyant, qui est une femme libérée et adultère, défend son frère de manière amoureuse : « J’aime mon frère plus que tout au monde » ; « On est tellement proches… » ; « J’adore ma sœur. » (Bryan enroulant tendrement sa sœur par derrière) ; etc. Le degré de fusion incestueuse est telle qu’Irène, enceinte, décide d’offrir son bébé au couple formé par Bryan et Tom… comme ça, Bryan et elle seront les « parents » de « leur » fils : « Bryan vaut cent fois mieux que le père de mon bébé ! ». Et par ailleurs, Irène s’applique l’after-shave (l’après-rasage) de son frère pour se sentir mieux.
Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homo, et Adèle sa sœur, ont une relation particulièrement fusionnelle et incestuelle : elle l’appelle « mon p’tit chat », est particulièrement collante. Et William lui a décerné un statut exceptionnel : « C’est la sentinelle de ma vie, ma sœur. Mon pilier. » Georges, l’amant de William, ignore d’abord qu’elle est la sœur de son compagnon. « Vous êtes sa mère, sa nounou, sa petite amie ? » Et Adèle accepte d’être un peu tout, joue à être l’« ex » de son frère. Quand Georges découvre qu’Adèle a pris sa place dans le cœur de William, il s’insurge contre cette « copine » envahissante : « Qu’est-ce que c’est que cette sangsue ?? »
La séparation entre le frère et la sœur est parfois comparée à la coupure amoureuse de la sexualité (vécue par Adam et Ève), à l’acte de naissance de la différence des sexes : « Le ventre collé contre le grand lit de fer. Je cherche mon frère. J’avance vers le sommier. Le dos fermé couché, j’ai mal à reconnaître. La voix de mon frère, un sanglot étouffé. Pour le rencontrer, j’ai fait un millier de mètres à pied car ils nous ont séparés. » (cf. le poème « Le Dos d’un cœur » (2008) d’Aude Legrand-Berriot)
Les frères des fictions homo-érotiques s’admirent en général l’un l’autre à travers le miroir de leur narcissisme :
Darren – « Pourvu que je sois comme toi… »
Connor – Tu es comme moi. »
(les deux frères incestueux du film « Starcrossed » (2005) de James Burkhammer)
Ils s’aiment tellement que certains tombent amoureux entre eux, et vivent une relation sexuelle (parfois semi-forcée) : cf. la B.D. Dads And Boys (2007) de Josman (avec des frères jumeaux qui couchent ensemble), le film « Do Começo Ao Fim » (2009) d’Aluizio Abranches (avec Tomaz et Francisco), le film « Starcrossed » (2005) de James Burkhammer (avec Darren et son frère Connor), le film « Shimai Renzoku Rape : Eguru ! » (« Rape Between Sisters Penetration », 1989) d’Hisayasu Sato, le film « Lonely Boat » de Christopher Tram et Simon Fauquet (avec l’inceste entre demi-frères), le film « L’Heure du désir » (1954) d’Egil Holmsen (avec l’inceste entre sœurs), le film « 800 Tsu Rappu Rannazû, Fuyu No Kappa » (1994) de Kazama Shiori, le tableau Frères (1997) de Liu Xiaodong, le roman Mon Frère, mon amour (2003) d’Eyet-Chékib Djazari, le roman Mon frère et son frère (1993) d’Hakan Lindquist, le film « Paulo et son frère » (1997) de Jean-Philippe Labadie, le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, le film « The Mafu Cage » (1978) de Karen Arthur (avec l’inceste entre sœurs), la photo Comme des frères (1982) de Jean-Claude Lagrèze, etc.
Tomaz et Francisco, les deux frères du film « Le Commencement de la fin » (2009) d’Alizio Abranches
Par exemple, dans la pièce Psy cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Madame Gras a connu l’inceste avec son frère. Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Floriane et Laurent (qu’on suppose fortement homosexuel) sortent ensemble… mais seraient en fin de compte frère et sœur. Dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry n’arrête pas de se comparer à ses frères, et va même jusqu’à regretter qu’ils n’aient pas franchi le pas de l’inceste ! : « De mes trois frangins, y’en a même pas un qui m’a violé gamin ! » Dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre, Eloy, le beau prostitué homosexuel, dit qu’il vient d’une famille de 8 enfants, et qu’il a toujours aimé les douches serrés comme des sardines avec ses frangins en caleçon… et que ça aurait inconsciemment stimulé son homosexualité. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, la relation entre les deux frères Ody (soi-disant hétéro) et Dany (ouvertement homo) donne à réfléchir : Dany louche sur son grand frère musclé et poilu avec envie ; et lorsqu’ils dansent quasi nus ensemble, complètement bourrés, Ody se rapproche de son petit frère en lui disant qu’il le trouve « sexy »… Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin (mis en scène par Élise Vigier en 2018), la relation entre Hall (hétéro) et son frère Arthur (homo) est si forte, qu’on se demande si elle n’était pas de nature incestueuse : « Ami, sais-tu comme un frère aime son frère ? Est-ce que vous savez combien mon frère m’aimait ? » (Hall parlant d’Arthur). Même la serveuse du bar Le Sylvia’s émet un doute : « Vous êtes vraiment son frère ? Les gens racontent tellement d’histoires… »
Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas est en couple avec Vincent depuis 10 ans déjà… et à la suite du décès de son père, il apprend que, légalement et par héritage, Vincent devient aussi son demi-frère puisqu’il est le fils de la maîtresse de son père. L’homosexualité se double donc d’inceste. Le flyer de la pièce l’affirme explicitement : « Nicolas n’aurait jamais pu imaginer voir son homosexualité transformée en inceste. » Pendant l’enterrement, le jeune homme a des pensées incestueuses quand il regarde son amant/demi-frère : « Mais c’est mon frère, quand même… Qu’est-ce qu’il est beau ! » Il se déresponsabilise et jette la faute à son père dans le cercueil : « Tu vas voir tes deux fils s’aimer. Mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. » Nicolas, finalement, a du mal à se faire à cette nouvelle situation et rejette Vincent qui essaie de l’embrasser sur la bouche : « Enfin, Vincent, on n’encule pas son frère ! » Vanessa, la sœur de sang de Nicolas, tente de se rapprocher de manière également ambiguë avec son nouveau demi-frère Vincent : « Nous aussi, on est proches… Très proches… » Et comme elle voit que ses efforts sont vains, sa jalousie s’offusque de découvrir la liaison cachée entre Vincent et Nicolas : « Pédés, c’est déjà pas mal. Mais frères, c’est de l’inceste. »
Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Petra, la compagne de Jane, a un frère jumeau, Tielo, avec qui elle a une relation très ambiguë : « Les années 1970-80, c’était une bonne époque pour être homo. Le style androgyne était à la mode ; même les garçons hétéros portaient du maquillage et des bijoux, et se teignaient les cheveux. Je crois qu’une partie de Tielo aurait bien voulu être gay. Jusque-là, on avait tout fait ensemble, mais il avait toujours été le plus dévergondé de nous deux. […] Il s’est laissé draguer par des mecs une ou deux fois. […] On dormait dans la même chambre quand on était petits. On était jumeaux. C’est l’autre partie de moi. » (pp. 81-85) Jane a l’outrecuidance de lui demander si Tielo a « essayé de la sauter » : « Bien sûr que non. » coupe court Petra. Mais un peu plus tard, on apprend que l’enfant que porte Jane est en réalité le fruit du don de sperme de Tielo…
« J’ai le cœur serré à cause de toi, mon frère Jonathan. Tu m’étais délicieusement cher… » (Yossi Hoffman, le héros homosexuel du film « Yossi » (2012) d’Eytan Fox) ; « Tu pries pour que ton frère, comme toi, au même moment, soit blotti dans les bras d’un beau jeune homme plein de vigueur, et qui prendrait soin de toi comme d’une poupée. » (Félix à propos d’un soldat allié, Bob, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 132) ; « J’ai eu mon premier orgasme. […] tout cela dominé par le visage-dieu de mon frère. – Tu sais que tu es mon dieu ? – Je sais que tu es mon dieu. » (Carlos, le narrateur homosexuel parlant d’Antonio, son frère de 6 ans son aîné, dans le roman L’Agneau carnivore (1975) d’Agustín Gómez-Arcos) ; « Évidemment, elle, maman n’était pas dupe de tout ce qui se passait entre Antonio et moi, et se foutait pas mal de nos relations sexuelles, mais elle ne pouvait pas supporter l’univers d’amour dans lequel mon frère m’abritait. » (idem) ; « Toi, je t’aime. » (Marie, la sœur de Benoît, le héros homo, dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Mon frère et moi étions très proches. Peut-être trop, même. » (Ariana, l’héroïne lesbienne à propos de son frère Hector, homosexuel et assassiné dans une forêt, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « Frapper à cette porte pour ressusciter la voix de la mère. Imaginer qu’elle allait enfin se réveiller. Enfin répondre. Parler au petit frère […] qui, chaque soir, voulait qu’on recommençât le jeu : ‘Adi, tu me serres très fort dans tes bras ?’ » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 41) ; etc.
Parfois, le couple homosexuel fictionnel se prend pour des frères, ou bien est confondu avec des frères, ou bien se fait passer pour des frères (afin de garder secrète leur homosexualité) : « On pourrait devenir des sœurs de sang. […] Si on mélange notre sang, on sera sœurs pour toujours. » (Ronit et Esti, les deux amantes lesbiennes du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 214-215) ; « Ça s’appelle de l’inceste…[…] Soudain cette pensée m’envahit. Si tu avais été mon frère, aurais-je eu la même affection pour toi ? Si oui, aurais-je eu le droit de t’aimer en toute liberté, sans que personne ne me méprise ? C’était déjà assez compliqué, je refusais de m’égarer dans de telles suppositions. » (Bryan à son amant Kévin. dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 183) ; « Il y a toujours dans cet amour [homo que nous vivons] de l’inceste fraternel. » (le comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.
Par exemple, dans le roman Le froid modifie la trajectoire des poissons (2010) de Pierre Szalowski, Michel et Simon, les amants homos de l’histoire, sont pris pour des frères. La pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois s’achève par un langoureux de baiser sur la bouche entre Samuel et Damien qui se sont faits passer pendant toute l’intrigue pour deux « frères ». Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges, la première fois qu’il a rencontré son copain Édouard et qu’il a cherché à le draguer, a prétexté qu’il l’a confondu avec le « petit frère d’un ami » pour engager la conversation. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Jean fait passer son amant Henri pour « son frère ». Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo qui n’assume pas son homosexualité au moment où il se découvre amoureux d’une femme, Ana, fait passer son futur « mari » Antoine pour son frère. Du coup, il s’empêtre dans un imbroglio de mensonges : « C’était mon frère. Du coup, on est demi-frère. » Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, George fait passer auprès de Nina son ex-amant Joley pour son « frère ».
b) « Et de deux dans la famille ! » (fantasme homosexuel du frère, de l’oncle, du cousin, du beau-frère)
Dans les films et les romans traitant d’homosexualité, il est assez fréquent de retrouver dans une même famille deux membres homosexuels. Ils ne couchent pas nécessairement ensemble, ne sont pas ouvertement attirés physiquement l’un par l’autre (surtout quand l’un est gay et l’autre lesbienne)… mais ce qui est sûr, c’est que leur coming out se font écho, se croisent en simultané ou en différé : cf. la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis (avec Jean et Hugo), le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot (avec Patrick et Lucie, tous deux homos et frère et sœur), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (Jean-Luc et sa sœur Hélène), le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Özpetek (avec les coming out croisés de Tommaso et de son frère Antonio), le film « Lola et Bilidikid » (1998) de Kutlug Ataman, le film « Le Frère, la sœur… et l’autre » (1970) de Douglas Hickox, le film « Le Confessionnal » (1995) de Robert Lepage, le film « The Perfect Son » (2000) de Leonard Farlinger, le film « Rice Rhapsody » (2004) de Kenneth Bi, le roman Frère et sœur (1930) de Klaus Mann, la chanson « Georges » de Thomas Fersen, etc. « Elle me dit : Qu’est-ce que t’as ? T’as l’air coincé. T’es défoncé ou t’es gay. Tu finiras comme ton frère. » (cf. la chanson « Elle me dit » de Mika) ; « Ah ! si j’avais su que tu en étais toi aussi ! » (le petit frère du protagoniste homosexuel principal, dans la nouvelle « Le Potager » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 39) ; « T’as pas un frère homo ? un tonton ? une tata ? » (Yoann, le héros homosexuel, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « C’est impossible que ce soit toi sur cette photo ! C’est ton frère ? C’est ton cousin ? C’est ton père ? C’est ta mère ? » (le narrateur homosexuel remettant en cause la véritable identité de son « plan cul » qu’il rencontre au seuil de son appartement et qui ne ressemble pas à sa photo de profil internet, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Michael et Rob sont frères et homosexuels, … tout comme leur sœur Jaclyn ! Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius, le vampire homosexuel, évoque l’existence de « ses deux sœurs aînées qui vivent comme deux lesbiennes aigries au-dessus du cap ». Dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander, Hector et sa sœur Ariane sont chacun homos, et sont pourtant sortis avec le même homme, Arsène. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, lors de la cérémonie des prix censée récompenser le « Meilleur Professeur de l’Université de l’Année », et où, à cause de son coming out, le professeur Howard Breckett a été écarté de la sélection, Walter, le frère d’Howard, opère un coup devant tout le monde et, par solidarité, se dit ouvertement « gay » lui aussi. Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo, le héros, et Garance, sa sœur, sont respectivement gay et lesbienne. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, dit que sur la fratrie de quatre enfants dont il fait partie, ils sont deux, sa sœur et lui, à avoir fait un coming out : « Ça fait un beau ratio ! ». Il fait la remarque qu’avec sa frangine, qui a choisi d’être chauffeur routier, de se comporter en mec, de changer les plaquettes de freins de leur père, et lui qui a décidé d’assumer sa féminité, d’être hôtesse de l’air, il a dû y avoir « inversion. Leurs parents ont cherché une explication à cette émergence massive d’homosexualité dans la famille nucléaire, et en concluent que c’est parce que c’était sans doute dû au fait que leur gars et leur fille travaillent « tous les deux dans les transports ». Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Tommaso et son frère Antonio sont tous les deux homosexuels : l’un coupe l’herbe sous le pied de l’autre en annonçant en premier son homosexualité alors qu’il venait d’apprendre la décision de son frère de se déclarer gay. Le copain de Tommaso fait la remarque à son amant : « Il y a plein de frères gays. »
Il arrive que certains héros homosexuels expriment le fantasme sexuel de l’oncle ou du neveu, ou bien qu’ils découvrent que leur tonton/leur neveu est aussi homosexuel comme eux : cf. le film « Uncle David » (2010) de Gary Reich, Mike Nicholls et David Hoyle (avec la relation sexuelle entre Ashley et son oncle), la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi (avec Irina et son oncle Pierre), le film « Día De Boda » (2002) de Juan Pinzás (avec l’oncle et le neveu homos, ayant eu une liaison), le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan (avec « Tonton Thierry », le barman homo de la boîte gay), etc. « 1960 : l’Oncle Sam montre ses seins. » (cf. un dessin de Copi à la Une du journal Libération, 8 août 1979). Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, pousse sa nièce à se prostituer au Bois de Boulogne. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Bibiche, un des clients sadomasos de la boîte gay Chez Eva, appelle Adrien, le héros homo, « mon neveu ».
« Dans certaines tribus de Nouvelle-Guinée, dans le cadre de rite d’initiation, on impose à de jeunes garçons de pratiquer des fellations sur leurs oncles ou leurs pères… Ah ben y’a beaucoup de papous alors, en France, non ? » (le comédien de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je pense à mon oncle souvent. Lui, il vivait chez sa maman. » (un des protagonistes homosexuels, par rapport à son oncle homosexuel qui est mort du Sida, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Marcel passa de plus en plus de temps devant son écran, se créant tout un univers de rêve. Il avait ainsi un père qui ne l’eut pas abandonné et une mère qui ne chercha pas tant à le contrôler en voulant trop le protéger. Son oncle n’hésiterait pas à lui offrir son corps et sa beauté, car Marcel adulait son oncle, homme séduisant toujours entouré de beaux mecs aussi attirants que lui. Il lui arriva souvent de se branler en rêvant à ce type au charme irrésistible qui dormait dans la chambre d’à côté, ou en train de lui faire l’amour. » (Marcel dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 19) ; « On est cousin alors ? » (Karim, un « plan cul » prometteur de Guillaume, qui le branche en boîte dès que Guillaume lui dit qu’il est de Casablanca, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; « Mais vous le connaissez pas, vous. La dernière fois qu’il a cru que je sortais avec un garçon, il est allé dans sa famille, il a fait un scandale. Il criait tellement fort que personne n’a osé lui dire que c’était pas avec ce garçon que je sortais mais avec sa sœur. » (Romane, l’héroïne lesbienne, à propos de son père, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « C’était un mec dingue et génial. Je l’aimais. » (Tony en parlant de son oncle homosexuel Arthur, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc.
Par exemple, dans le film « Le Secret d’Antonio » (2008) de Joselito Altarejos, Antonio, à 15 ans, tombe amoureux de son oncle Jonbert. Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Strella, le héros transsexuel M to F, a eu une liaison avec son oncle quand il était petit ; Mary, un autre ami trans à lui, a été également amant d’Atonis, son oncle. Dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, Robbie, le héros homo, a subi l’inceste par son oncle. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben (50 ans) et George (71 ans), les deux « mariés », ont une grande différence d’âges. Et ils se mettent même à projeter une homosexualité sur Joey, le neveu de Ben, alors que ce dernier n’a que 15 ans ! Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, le grand-oncle Victor est défini comme « une grande tante ». Dans le film « See How They Run » (« Coup de théâtre », 2022) de Tom George, le très homosexuel Mervyn fait passer son amant italien Gio pour son « neveu » pour cacher leur homosexualité.
Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Benjamin raconte à son psy sa première rencontre homosexuelle avec son amant Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, alors que le tableau est idyllique. De son côté, Arnaud donne une autre version des faits au psychanalyste, en partant sur le quiproquo incestueux que le thérapeute lui parlait de sa première cuite : « Ma première fois, c’était avec mon oncle dans sa cave. » « Je comprends le traumatisme… » interrompt le psy. « J’avais 12 ans. J’étais consentant. […] C’était un Cabernet d’Anjou. Ma première cuite. »
Plus connu et répandu est le fantasme homosexuel du cousin, car avec ce dernier, la transgression de la différence des générations est moins flagrante. Elle passe mieux. Quelques héros homosexuels reconnaissent en leur cousin un jumeau de désir, et échangent avec lui du sexe : cf. le film « Rue du Bac » (1990) de Gabriel Aghion (avec l’inceste entre cousins), le film « Charmants cousins » (1983) de Jean-Daniel Cadinot, le film « Les Cousines » (1970) de Louis Soulanes, le film « Nunzio’s Second Cousin » (1994) de Tom DeCerchio, le film « Cousins » (1983) de William Higgins, le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha (avec Jean-Luc, le cousin homo tatoué), le film « Carmen et Lola » (2018) d’Arantxa Echevarría, le film « Cousins » (2019) de Mauro Carvalho, etc.
Par exemple, Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Barthélémy, le héros homosexuel, cherche au départ à draguer son cousin Julien. Dans le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger, un geek, lors d’un chaud après-midi d’été, voit son désir homosexuel déclenché par le Speedo (= maillot de bain) de son cousin. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, l’un des deux héros homosexuels, avoue être attiré sexuellement par « ses deux cousins, ces deux beaux mecs de son âge qu’il a repérés au cimetière » (p. 409) ; et son amant Kévin lui avoue qu’il s’est déjà fait embrasser sur la bouche par son propre cousin (idem, p. 100). Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, la momie de Carlos, le cousin de Miguel, plongé dans le fond des mers, est le symbole de l’amour homosexuel entre Miguel et Santiago. Dans le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, Cédric, le jeune héros homosexuel, est obsédé par le souvenir de son cousin, décédé et abandonné par ses parents (donc l’oncle et la tante de Cédric) parce qu’il leur avait annoncé qu’il était homo. Dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, Romain maintient une relation incestueuse avec son cousin Marie-Jean.
« Dany, quand tu dis que tu m’aimes, tu m’aimes un peu comme un pote, c’est ça ? Alors comme un frangin ? Comme un cousin, donc ? Comme deux mecs en prison ? » (Billy Stevens, le personnage du faux film « Servir et protéger » interprété par Cameron Drake, s’adressant à son futur amant Dany en pleine guerre du Vietnam, en faisant mine de ne pas comprendre les sentiments que son camarade de tranchée qu’il porte sur le dos lui exprime, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Le cousin du grand-père a couché avec le garde-barrière. » (l’un des protagonistes homos parlant d’un cousin très éloigné, homo comme lui, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Tu sais, ce soir, on n’est pas cousins. » (Malik, en boutade, au moment où il découvre qu’il embrasse sur la bouche son cousin Wassim lors d’un « plan sexe », dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « J’ai dit que t’étais ma cousine. » (Floriane voulant camoufler sa liaison avec Marie, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma) ; etc.
Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra tombe amoureuse de sa cousine et elles ont une aventure sexuelle ensemble : « Sans calcul, nous nous laissâmes aller, et bientôt, dans une complétude presque parfaite, chacune répondit à la douceur de l’autre, comme si nous ne faisions qu’une. » (p. 63) La situation incongrue, même si elle est banalisée par l’héroïne lesbienne, n’en est pas moins difficile à assumer : « En prenant le plaisir que je voulais avec ma cousine, je fus envahie d’une extase aussi soudaine qu’étrange. » (idem, p. 65) « Je dus lui dire au revoir, sans pouvoir la serrer dans mes bras ni lui confier les sentiments, assez ridicules d’ailleurs, que j’avais pour elle. » (idem, p. 69) ; « Après ma nuit avec ma cousine, rien de tout cela, sinon un sentiment d’inachevé et de solitude. » (idem, p. 72) La violence et la vanité de l’inceste se diluent en dépression laconique, en narcissisme mutuel (la cousine offre en cadeau à Alexandra un miroir !) dans lequel le Réel et la durée n’ont pas leur place : « Le corps de chacun a sa façon d’aimer, et il me semble que je suis condamnée à trouver dans chacune des autres femmes, au hasard des rencontres, seulement un morceau du plaisir complet que je reçus d’elle, puisque sans doute jamais elle ne voudrait que nous vivions ensemble. » (idem, p. 132) Le plus intriguant, c’est qu’avant d’avoir couché avec l’héroïne, la cousine lesbienne était à la base amoureuse de son oncle et s’était fait sodomiser par lui : « Elle était donc bel et bien amoureuse de son oncle et elle avait des désirs de lui qui ne se pouvaient imaginer. Chaque soir, elle aurait voulu être ‘prise’ par lui comme si elle avait été sa femme… » (idem, p. 84)
Il arrive que certains protagonistes homosexuels se servent de la relation de proximité (incestuelle ?) entre deux frères, un cousin et une cousine, ou entre un frère et une sœur, pour vivre leur homosexualité discrètement. Le binôme bisexuel des frères et sœurs fait alors office de rempart et de glissement progressif vers l’acte homo. L’inceste sera la passerelle de l’homosexualité. Par exemple, dans le film « Cibrâil » (2010) de Tor Iben : le héros homo Cibrâil sort avec le cousin de sa petite amie. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, lors de la deuxième rencontre entre Emma et Adèle dans le bar lesbien, Emma fait passer Adèle pour sa « cousine » auprès de ses camarades lesbiennes, pour mieux lui mettre le grappin dessus et se la réserver. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Patrik pense que Sven et Göran, les amants homos qui l’ont adopté, sont des « demi-frères ».
Ça peut être aussi le beau-frère qui et l’objet de convoitise du héros homosexuel : cf. le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao (avec l’amour entre Rhennan et Nilo, les deux beaux-frères en cavale…), la nouvelle « Mélanie couche avec sa belle-sœur » sur le site www.sex-erotique.com, etc. Par exemple, dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, la mère de Bruno, le héros homosexuel, rêve qu’elle se fiance avec Tante Claudette. Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, Sybille a surpris sa mère Helen au lit avec sa tante Judith.
La fraternité dans les fictions homo-érotique sera parfois le symbole incestueux de la bisexualité du personnage homosexuel. Par exemple, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Lennon, le héros homo, aime Martin par l’intermédiaire de sa demi-sœur Chloé qui sort avec ce dernier : « Il a l’air si fragile ! Je vais mieux le protéger que toi ! »
c) La jalousie fraternelle comme moteur d’homosexualité et comme possible germe du viol:
Bien avant d’être une réalité, l’inceste fraternel est un fantasme créé par le héros homosexuel, l’expression chez lui d’une diabolisation de la sexualité ou d’une sacralisation de l’unicité. C’est l’amour, l’engendrement et la différence des sexes qui sont vus à tort comme l’inceste qu’ils ne sont pas en substance : « Soyons le frère et la sœur incestueux dont le pardon est dans les mains du Seigneur ! » (Solitaire et Pédé, les parents de Lou, le héros homo, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi)
Par exemple, dans le film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa, le fait que l’un des deux ait trouvé copine est ressenti par l’autre comme une trahison. Dans la pièce Lacenaire d’Yvon Bregeon et Franck Desmedt, Lacenaire se sent trahi par le désamour de sa mère qu’il adorait parce que, selon ses dires, « elle n’avait d’affection que pour son frère » à lui. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, avoue qu’il est devenu homo pour se démarquer de ses frères.
Ensuite, on voit que ce fantasme incestuel s’origine le plus souvent dans une idéalisation excessive du frère et un amour jaloux : cf. le roman J’ai tué mon frère dans le ventre de ma mère (2011) de Sophie Cool, etc. Par exemple, dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, Juliette, l’héroïne lesbienne, est sans cesse jalouse de son grand frère Adrien. Dans le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, Quentin, le héros homo, épie son frère jumeau Antoine en train de faire l’amour à Clémentine.
Comme le frère est mis sur un piédestal, mais que fatalement il n’est pas aussi parfait que prévu (et bien oui ! : il a pour défaut d’être libre et unique !), il finit par être haï comme un traître, un concurrent qu’il n’est pas : « Wanda [une des héroïnes lesbiennes] déclara avec une bizarre fierté que ses frères étaient des hommes de pierre et d’acier. Selon Wanda, c’étaient des saints, inflexibles, féroces, inexorables, ne voyant que l’étroite et droite route de chaque côté de laquelle béait l’abîme de feu. ‘Je n’étais pas comme eux, ah, non ! déclara-t-elle, je n’étais pas non plus comme mon père et ma mère ; j’étais…’ Elle cessa brusquement de parler, regardant Stephen de ses yeux brûlants qui disaient clairement : ‘Vous savez ce que j’étais, vous comprenez.’ » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 489) ; « Je n’ai jamais haï personne excepté toi ! » (Nietzsche à sa sœur Élisabeth, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Jalouse. Elle a toujours été jalouse, ma sœur. » (Zize, le travesti M to F décrivant la jalousie de sa sœur Lili à son égard, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Et maintenant que j’y pense, je n’ai jamais entendu un homme parler de son frère. La plupart des hommes semblent trouver ce sujet déplaisant. » (Gwendolen dans la pièce The Importance To Being Earnest, L’Importance d’être Constant (1895) d’Oscar Wilde) ; etc.
La jalousie entre frères est généralement l’aveu inconscient d’un amour incestuel entre un fils et un père/une mère qui ne veut pas être partagé(e) : « Tu as raison, je suis mauvais. Je le sais depuis assez longtemps. Aaron, lui, est bon. J’ai dû prendre la mauvaise part. […] Aaron a raison. Il a toujours raison. Et c’est comme ça depuis toujours. […] Apprends que je suis jaloux depuis toujours. Je suis jaloux à en crever. » (Cal – interprété par James Dean – s’adressant à son père dans le film « East Of Eden », « À l’est d’Éden » (1955) d’Elia Kazan) ; « La préférence, elle, en revanche, je l’ai vue. Très vite. J’ai vu qu’on me préférait Thomas, que c’est à lui que les gens accordaient leur attention lorsque nous étions enfants puis adolescents, que c’est vers lui qu’on allait. Et je ne comprenais pas cette préférence, dès lors que je faisais l’effort d’admettre notre ressemblance. Pourquoi lui, plutôt que moi ? Pourquoi toujours lui ? […] Ce sont des différences infimes, à peine perceptibles, et pourtant, à la fin, elles font de l’un un enfant choyé, un adolescent séducteur, de l’autre un garçonnet solitaire, un jeune homme mélancolique. » (Lucas en parlant de son frère Thomas, dans le roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, p. 43) ; « Nous étions deux filles. Vous étiez la plus belle à l’orphelinat. Quand on nous passait en revue vous étiez toujours la préférée des parents d’adoption. » (Vicky s’adressant à sa sœur la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Tu sais que les mamans n’ont pas de ‘préféré’. […] Néanmoins, le chimiste que tu es discerne une composition différente dans les larmes versées pour Victor. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 171) ; etc.
Par exemple, dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, l’influence des frères est perçue comme écrasante par Zac, le héros homosexuel, qui voudrait être le premier dans le cœur de son papounet d’amour. Dans le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, il existe une jalousie désirante entre les deux demi-frères, Théron et Rafe : l’un est un fils admis, l’autre est un fils bâtard ; ils finiront par interchanger leur vie… tout ça pour trouver grâce aux yeux de leur père.
Comme je viens de l’expliquer, il y a de la jalousie entre les frères des fictions homosexuelles parce qu’en toile de fond, il y a de l’inceste, soit entre le héros homosexuel et son frère (ils vivent alors une relation idolâtre trop fusionnelle), soit entre le héros homosexuel et ses parents, soit entre son frère et leurs parents. L’inceste fraternel peut rejoindre l’inceste paternel : le père ou la mère sont alors considérés comme des frères ou des sœurs. « Anibal se sentait plus le frère aîné de son fils que son père. […] Il avait une réputation de don Juan. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 86) ; « Belle jeunesse, vraiment ! Ma mère, ma digne mère qui préférait mon imbécile de frère » (Lacenaire à Garance, dans le film « Les Enfants du Paradis » (1943-1945) de Marcel Carné) ; « Vous êtes bien de la même veine tous les deux. C’est pour ça qu’elle te préférait. » (Sandre parlant de leur mère à son frère Audric, dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; etc. Par exemple, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti, François souffre de ne pas être le préféré de sa mère et de sa sœur Jasmine par rapport à son frère Djalil ; sa jalousie va même le pousser à imaginer l’inceste entre Jasmine et Djalil.
Souvent, il existe un conflit entre le héros homosexuel et son frère/sa sœur parce qu’ils aiment le même Homme (le père/la mère/le petit ami de l’autre/la petite amie de l’autre), ou parce qu’ils se reflètent une même homosexualité : je vous renvoie avec insistance à la partie sur le « Frère homophobe » du code « Homosexuel homophobe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
Par exemple, dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph L. Mankiewicz, l’inceste entre Sébastien et sa cousine Catherine est exactement mis sur le même plan que l’homosexualité de Sébastien, et que le crime homophobe que Sébastien a subi de la part de ses « ex » :
Dr Cukrowicz – « Cette ombre sur le mur… qu’est-ce qu’elle représente pour vous ?
Catherine (cyniquement) – Une ombre sur un mur.
Dr Cukrowicz – Je croyais que nous devions jouer ?
Catherine – Ok. Je vois des forêts… des arbres… une jeune fille… et ces arbres sont des chênes…et cette forme tourmentée, c’est la jeune fille, Catherine, perdant son… honneur. J’essaie de vous apitoyer sur elle. J’espère que j’y réussis.
Dr Cukrowicz – Je suis désolé.
Catherine – Vous en avez réellement l’air.
(pause)
Dr Cukrowicz – Parlez-moi de votre cousin Sébastien.
Catherine – Il m’aimait bien, aussi je l’adorais.
Dr Cukrowicz – Comment ? J’entends, sur quel plan l’aimiez-vous ?
Catherine – Sur le seul qu’il acceptât.
[…]
Dr Cukrowicz – Essayez de vous rappeler. Vous et Sébastien, l’été dernier… »
C’est pour cette raison que le lien fictionnel de fraternité ou de parenté, en même temps qu’il servira de couverture à l’homosexualité du couple qui ne veut pas s’afficher homo, est pour le coup symbole d’homophobie. Par exemple, dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, le couple homosexuel formé par le couturier Saint Loup et son assistant Casta se fait passer pour des frères.
L’inceste vient non seulement alimenter l’amour homosexuel mais aussi le détruire. « Pourquoi les yeux de mon tonton nous dévisagent fixement ? » (Raulito à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) Par exemple, dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, le couple lesbien Shirin/Atefeh est menacé par le fait que Mehtan, le frère de Atefeh, force Shirin à se marier avec lui. Dans le film « Starcrossed » (2005) de James Burkhammer, Darren et son frère Connor, amants secrets, finissent par se suicider ensemble dans une piscine (avec des menottes). Dans le roman La Douceur (1999) de Christophe Honoré, Baptiste cherche à cacher le crime homophobe de son frère homosexuel Steven.
Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville
Le couple homosexuel incestueux, dans son élan de fusion, figure le viol et (s’)entraîne (lui-même) vers la mort : cf. le film « Les Blessures assassines » (2000) de Jean-Pierre Denis (avec Christine et Léa Papin, les sœurs criminelles), le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec la relation incestueuse meurtrière entre Paul et Élisabeth), le film « My Brother The Devil » (2013) de Sally El Hosaini, etc. Par exemple, dans le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, Lucie et Lionel, le frère et la sœur vivent une relation très fusionnelle et finalement misérable : « Tout comme moi. On est pareils. On est des animaux morts. »
La fusion entre les frères (biologiques ou simplement schizophréniques/narcissiques) cache en général un viol, aussi bien intérieur qu’extérieur. Par exemple, dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, l’héroïne lesbienne, dont le petit frère n’est finalement pas le vrai frère puisqu’il a été enlevé à la naissance lors de la dictature argentine de 1976-1983, illustre que la relation quasi gémellaire qu’elle entretient avec son demi-frère est à l’image de l’horreur de la guerre civile. Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, Linda et Christian, la sœur et le frère (homosexuel), ont été abusés par leur père : leur entente fusionnelle ne fait que reproduire la violence de l’inceste inter-générationnel.
Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna, l’héroïne lesbienne, vit sous le même toit que sa grande sœur, un personnage invisible qu’on n’entend qu’en voix-off mais qui semble occuper une place omniprésente, excessive : « Elle est très… affectueuse. » Juna finit par s’en débarrasser et par la carboniser dans la cave familiale : « Un jour je la tuerai. Quand je serai une vraie sorcière, je la tuerai. » Kanojo, une amie de Juna, flaire quelque chose : « Je pense qu’elle t’aime beaucoup.[…] Est-ce qu’elle te prend dans ses bras, ta sœur ? […] Juna, qu’est-ce qui se passe avec ta sœur ? » Juna crache le morceau : « C’est ma faute. J’ai pas su mettre les limites. Elle ne m’a jamais fait de mal. J’ai juste besoin que tout soit clair. » Curieusement, Kanojo semble avoir établi un rapport malsain similaire avec sa propre sœur : « Ma sœur me reproche d’être trop gâtée. Mais elle n’arrête pas de m’offrir des cadeaux. »
Parfois l’inceste androgynique entre les frères fictionnels est aussi le fruit/la représentation du divorce de leurs parents : « Et des frères à demi on aimera. » (cf. la chanson « Je, tu, ils » de Zazie)
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) Les deux frères amants (la fraternité incestuelle voire incestueuse) :
Le thème du lien entre homosexualité et inceste constitue un grand tabou parmi les personnes homosexuelles et ceux qui les justifient sans les connaître vraiment. Par exemple, Jean Cocteau, en évoquant l’inceste entre Catherine et Paul (le frère et la sœur) dans son roman Les Enfants terribles (1929), parle du « jeu » pour ne pas parler du viol : « Pour moi, c’était si loin du sexe, ce que j’appelle le ‘jeu’ des Enfants terribles… D’ailleurs, j’évite d’expliquer ce jeu. On ne touche pas à ces choses-là avec des mains d’homme. » (cf. le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky)
Pourtant, j’entends autour de moi beaucoup d’amis homosexuels qui ont vécu l’inceste avec un frère (petit ou grand), une sœur, un cousin, un oncle. Ce ne sont absolument pas des cas isolés, y compris sur les continents latino-américain, africain et dans le Maghreb, réfractaire à la pratique homosexuelle visible. « Mon cousin a profité de moi. Mon cousin avec qui il s’est passé des choses… très dures. C’était avec lui que j’ai perdu une partie de moi. Une fois mariée avec lui, il m’a fait payer le fait que j’aie été avec une fille avant. Il m’a séquestré. Il y a eu des coups. J’étais juste un corps. » (Amina, jeune femme de 20 ans, lesbienne, de culture musulmane, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « J’ai été élevée par mon frère homosexuel. » (Virginie Lemoine) ; « Aux repas de famille, on parle de son cousin de dix ans son aîné qui a quitté la Savoie pour Strasbourg, comme d’un homme qui a ‘des mœurs à part’. » (Jean-Michel Dunand, homosexuel, cité dans l’essai Dieu est amour (2019) de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Éd. Flammarion, Paris, p. 270) ; etc.
On rencontre dans la communauté homosexuelle un certain nombre de personnes qui ont (eu) une relation très proche avec l’un de leurs frères (d’ailleurs, on ne sait pas toujours si c’est un frère réel, biologique, ou s’il s’agit juste d’un reflet narcissique intérieur, d’un double schizophrénique). Par exemple, l’écrivain français Edmont de Goncourt (1822-1896) a été amoureux de son frère Jules. L’écrivain français Pierre Louÿs (1870-1925) admirait énormément son grand-frère Georges. Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, on apprend que José Pascual s’est amouraché de son grand frère pour qui il ressent une attraction érotique depuis le jour où il lui a vu les organes génitaux (p. 144). Dans le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre, la relation entre Bruno Ulmer, homosexuel, et sa sœur Catherine est clairement montrée comme incestuelle et maritale. Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015), il est dit que Klaus Mann, homosexuel, « adorait sa sœur Erika [lesbienne] d’un amour jaloux » (p. 117).
« Aux vacances, Oscar Wilde est heureux de retrouver sa petite sœur et sa mère. En 1867, alors qu’il atteint sa treizième année et Isola ses neuf ans, subitement, pendant un séjour à la campagne, la petite fille meurt. Oscar, quatorze ans plus tard, se souviendra de ce terrible événement, de ses longues visites au cimetière. Tout au long de ses poèmes – si artificiels, si peu sincères – il n’en consacre qu’un seul, simple et profondément émouvant, au souvenir de son Isola. C’est un peu la clef de l’existence fiévreuse du grand malade que fut Wilde que contient la conclusion du poème : ‘Toute ma vie est enterrée là. Jetez de la terre dessus…’ » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 170) ; etc.
La dimension incestuelle de l’homosexualité (j’entends par « incestuel » l’inceste « de désir », le fantasme d’inceste) est notammment suggéré dans le jargon LGBT anglo-saxon : « sister » (sœur) et ses diminutifs « sissy » et « sis » signifient « pédé ». L’homosexualité est l’expression d’une fraternité forcée, caricaturée et aussi excessive. Elle est, identitairement et en pratique, le signe d’un inceste. Dans le docu-fiction « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, l’« incestuosité » de l’homosexualité, thèse développée par des psychanalystes, est tournée au ridicule… mais cette opposition n’est pas argumentée.
Il arrive que certaines personnes homosexuelles se servent de la relation de proximité (incestuelle ?) entre deux frères, un cousin et une cousine, ou entre un frère et une sœur, pour vivre leur homosexualité en cachette (cela me semble très clair dans le choix du titre du roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, par exemple). Le binôme bisexuel des frères et sœurs fait alors office de support, de rempart et de glissement progressif vers l’acte homo. L’inceste sera la passerelle de l’homosexualité. « Ce que j’aimais chez la sœur éclatait chez le frère. Au premier coup d’œil, je compris le drame et qu’une douce existence me demeurerait interdite. Je ne fus pas long à apprendre que de son côté, ce frère, instruit par l’école anglaise, avait eu à mon contact un véritable coup de foudre. Ce jeune homme m’adorait. En m’aimant il se trompait lui-même. Nous nous vîmes en cachette et en vînmes à ce qui était fatal. L’atmosphère de la maison se chargea d’électricité méchante. Nous dissimulions notre crime avec adresse, mais cette atmosphère inquiétait d’autant plus ma fiancée qu’elle n’en soupçonnait pas l’origine. À la longue, l’amour que son frère me témoignait se mua en passion. Peut-être cette passion cachait-elle un secret besoin de détruire ? Il haïssait sa sœur. Il me suppliait de reprendre ma parole, de rompre le mariage. Je freinai de mon mieux. J’essayai d’obtenir un calme relatif qui ne faisait que retarder la catastrophe. Un soir où je venais rendre visite à sa sœur, j’entendis des plaintes à travers la porte. La pauvre fille gisait à plat ventre par terre, un mouchoir dans la bouche et les cheveux épars. Debout devant elle, son frère lui criait : ‘Il est à moi ! à moi ! à moi puisqu’il est trop lâche pour te l’avouer, c’est moi qui te l’annonce !’ » (Jean Cocteau dans le Livre blanc, 1930)
L’amour fraternel, mené à l’excès, peut parfois laisser place à l’émergence d’un désir homosexuel : « Le frère aîné […] favorise par sa position intermédiaire l’identification narcissique et le choix homo-érotique de l’objet. » (cf. l’article « L’Identité sexuelle : pour quoi faire ? » de Jean-Marc Alby, dans Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 521)
Les frères, quand ils franchissent le pas de la sensualité, s’admirent en général l’un l’autre à travers le miroir narcissique de l’auto-érotisme : « Abdellah, parfois, pour plus de plaisir, sans rien me dire, prenait ma tête par sa main, doucement la rapprochait de la sienne et, au moment du miracle, plaquait contre ma joue gauche ses lèvres chaudes, baveuses, entrouvertes, affamées, heureuses. Le baiser fraternel. » (Abdallah Taïa observant à 13 ans un autre Abdallah se masturber devant lui, épisode raconté dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 12)
Ils s’aiment tellement que certains tombent amoureux entre eux, et vivent une relation charnelle/sexuelle (parfois semi-forcée) : « À 13 ou 14 ans, une relation sexuelle s’est établie avec mon frère aîné. Tout a commencé par du tiraillage. On s’est collés l’un sur l’autre. Je ne sais pas comment ça s’est passé, mais à un moment donné nos pantalons se sont baissés… Je n’ai pas été forcé. Je ne voyais pas ça comme un abus. C’est par la suite que je me suis aperçu qu’il m’avait trompé émotivement, qu’il avait exploité ma soif d’affection. J’ai des séquelles encore aujourd’hui de cette trahison-là. […] Bizarrement, il était passif et c’est moi qui était actif, qui le faisais jouir, autrement dit. Lui, il était très peu participant, sauf pour faire les premiers pas. Il sait que je suis stimulé par son corps, par ce que je vois, il sait comment me prendre. Mon frère devient mon idole. On baisait depuis au moins 3 ans, régulièrement. […] Je me dis que je l’aimais, mais en dehors de nos activités sexuelles, on ne se parlait pas tellement. À vrai dire, il n’était pas vraiment présent dans ma vie. C’était seulement dans l’acte sexuel comme tel qu’il me donnait de l’amour. Mais à ce moment-là, j’en étais plus ou moins conscient. […] L’homosexualité reste associée à la trahison de mon frère. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, pp. 246-248) Par exemple, dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, Pierre, d’orientation homosexuelle, a vécu l’inceste avec son frère Joseph ; c’est le cas aussi de Jean-Sylvain avec l’un de ses frères.
b) « Et de deux dans la famille ! » (fantasme homosexuel du frère, de l’oncle, du cousin, du beau-frère)
B.D. « Kang » de Copi
« Chapitre 4 : Chaque famille a ses secrets » (cf. sous-titre du film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander)… Dans le « milieu homo », il est assez fréquent de retrouver dans une même famille deux membres homosexuels (voire beaucoup plus !). Ils ne couchent pas nécessairement ensemble, ne sont pas ouvertement attirés physiquement l’un par l’autre (surtout quand l’un est gay et l’autre lesbienne)… mais ce qui est sûr, c’est que leur coming out se font écho, se croisent en simultané ou en différé. Dans les personnes homos et frères célèbres, on connaît Carlos Jáuregui et son frère, les frères Klaus et Erika Mann, Tchaïkovski et son frère Modeste, Ferdinand et Gian-Gastone de Médicis, Lytton et James Strachey, les frères Sirkis du groupe Indochine, Stéphane Desbordes et son frère jumeau, Marlee Matlin (l’actrice de la série The L World) et son frère Marc, Léo et Gertrude Stein, etc. Par exemple, l’écrivain nord-américain Henry James, gay, a une sœur lesbienne. Dans la famille de la chanteuse lesbienne K.D. Lang, ils sont trois enfants sur quatre à se dire homosexuels (cf. l’article « K. D. Lang : Elle World », dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 22) ! Lors de l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle diffusée le 3 avril 2006, une des chanteuses du groupe Anatomie Bousculaire déclare que sa sœur est également lesbienne. Dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont parle d’une de ses amies lesbiennes, Marie-France, qui a aussi un frère homo. Je vous renvoie également à l’article de la revue Femme actuelle… pardon… Têtu, intitulé « Je ne suis pas le seul homo dans ma famille », datant du 19 novembre 2011 ; ainsi qu’à l’émission Jour après jour, intitulée : « Coming out : Le Jour où j’ai révélé mon homosexualité à mes proches »), diffusée sur la chaîne France 2, en novembre 2000 (émission dans laquelle une mère est venue témoigner que ses deux enfants – fille et garçon – étaient homosexuels.
La présence de plusieurs individus homos dans une seule famille ressemble au départ à un parfait vaudeville… mais en réalité, la découverte de plusieurs homosexualités dans une famille est généralement accueillie dans l’angoisse et le déni, bien sûr par les parents (« Le mauvais sort s’était abattu sur la pauvre Alice car sur les trois enfants qu’elle avait eus, les deux garçons étaient homosexuels. » écrit Jean-Claude Janvier-Modeste à propos de la mère d’Ednar, dans son roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011), p. 144), mais surtout par les enfants concernés ! Le fait est d’autant plus difficile à exposer que, au-delà de la honte de l’inceste, l’individu homosexuel qui voit son frère ou sa sœur le devancer ou le copier par un coming out qu’il souhaitait « unique et original » peut, pour une affaire d’orgueil mal placé ou de peur, garder son secret homosexuel pour lui. L’homosexualité du frangin ou de la frangine le renvoie directement à son manque de liberté, de personnalité… et ça, ça peut être très violent à accepter. Loin de rapprocher les frères, je connais personnellement des cas où la gémellité fraternelle d’homosexualité a été considérée comme un terrible acte de trahison, un aveu insupportable, un prétexte supplémentaire pour prendre ses distances.
Le désir érotique entre frères de sang est parfois exprimé clairement par certaines personnalités homosexuelles. Par exemple, dans l’émission Homo Micro diffusée sur Radio Paris Plurielle le 25 septembre 2006, l’écrivain Abdellah Taïa avoue son attraction et sa fascination pour son grand frère. C’est ce qui fait craindre, dans l’inconscient collectif, et de manière plus ou moins excessive, le risque d’inceste derrière tout signe social apparent d’homosexualité : « Ah ça non, tu touches pas à ton petit frère, tu ne lui fais pas de mal, il manquerait plus que ça, que tu te tapes ton petit frère ! » (Vincent, le grand frère s’adressant à Eddy par rapport à leur petit frère Rudy, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 53)
De ma propre expérience, je ne sais pas à quel point ni dans quelle mesure je ne suis pas la seule personne homosexuelle dans ma famille. J’ai bien mon petit soupçon pour tel cousin ou telle tante… soupçon avéré parfois. Concernant ma propre fratrie réduite, née d’un seul mariage (je précise), c’est plus délicat de me prononcer. Je suis issu d’une famille de cinq enfants : deux frères et deux sœurs. Pour mes frangines, mariées ou en concubinage, je n’ai pas trop de doute sur leurs préférences sexuelles (quoi qu’on pourrait quand même envisager qu’on peut très bien s’homosexualiser en s’hétérosexualisant trop précipitamment). Le doute d’homosexualité m’a effleuré seulement au sujet de mes deux frères : l’un parce qu’il est mon frère jumeau et que notre proximité corporelle a été très forte à une époque (il est marié et a trois enfants maintenant ; mais j’ai déjà vécu avec lui des gestes d’adolescence qui, de mon côté, je l’avoue, était clairement incestuels… même si je n’ai jamais été attiré physiquement par lui, et qu’encore aujourd’hui, imaginer partager avec lui des attouchements me dégoûterait), l’autre parce qu’il possédait à l’adolescence l’intégralité des goûts musicaux qu’un parfait mec homo peut avoir ! (mais mon frère aîné, qui a 10 ans de plus que moi, est à présent religieux dans un ordre, et je trouve qu’avec le temps, son sacerdoce et son célibat consacré l’ont paradoxalement masculinisé et déshomosexualisé à vitesse grand V !… même si j’ai longtemps cru que les filles, ce n’était pas sa tasse de thé. Comme quoi, la prêtrise, ça forge un homme et un père, parfois !).
Il arrive que certains individus homosexuels expriment le fantasme sexuel de l’oncle ou du neveu (ce n’est pas un hasard si l’un des plus fameux cabaret travesti de Paris dans les années 1960 s’appelait Chez Tonton !), ou bien qu’ils découvrent que leur tonton/leur neveu est aussi homosexuel comme eux : « Le jour où tu le voudras, je serai à toi. » (Ernestito à son oncle, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 231) ; « Mon cousin Fabien courait d’un bout à l’autre du terrain de football, nu, en exhibant son sexe dont la taille imposante m’intimidait. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 148) ; etc. Je vous renvoie bien sûr au code « Tante-objet ou maman-objet » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels pour approfondir la question.
Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » (diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), Sébastien (43 ans), à l’âge de 31 ans, a voulu faire croire à sa fille de 5 ans que l’homme avec qui il vivait était son « tonton » à elle… et il n’a pas pu mentir longtemps. Comme par hasard, un peu plus tard dans l’émission, il raconte devant les caméras qu’il s’était senti très tôt homosexuel mais qu’il n’avait pas osé le dire car déjà il avait un oncle homosexuel : « Au niveau historique familial, déjà, j’avais un oncle qui était homosexuel. Et les échos ne m’étaient pas très positifs. Donc je n’avais pas très envie de souffrir par rapport à ça aussi. » Raymond Lecomte est homosexuel comme son neveu Jean Cocteau.
Plus connu et répandu est le fantasme homosexuel du cousin, car avec ce dernier, la transgression de la différence des générations est moins flagrante. Elle passe mieux. Quelques sujets homosexuels reconnaissent en leur cousin un jumeau de désir, et échangent avec lui du sexe : « Je m’étais bornée à demander à ma mère quand je serais pourvue à mon tour du même appendice que mon cousin. » (l’essayiste lesbienne Paula Dumont, regrettant très jeune de ne pas avoir de pénis, dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), pp. 103-104) ; « Le seul cousin dont nous parlions à mots couverts, en murmurant qu’il avait des ‘mœurs à part’, s’était expatrié dans une autre région. J’avais l’intuition que lui et moi partagions la même inclination. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « Chouaïb. Mon cousin, dont j’avais été un temps amoureux, portait ce prénom. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 18) ; « Je haïssais Chouaïb. Il ne m’attirait plus. Mais je voulais rester ainsi pour toujours, nu, collé à lui tout aussi nu, peau contre peau, vivant dans le chaos de cette guerre intime, sexuelle. » (idem, p. 23) ; « Tout en lui rendant ses coups, tout en étant aussi malin et cruel que lui, je sentais bien dans mon cœur le faible que j’avais pour lui et je savais que je pouvais plus tard tomber sérieusement amoureux de lui. Le demander en mariage. Et être à lui. » (idem, p. 24) ; « Je me souviens que, petit, le danseur espagnol jouait avec son cousin blond. Un petit malin, très musclé pour son âge. La mère du danseur espagnol les a trouvés enfermés dans la chambre à coucher. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 162) ; « Claude retrouve son sourire d’enfant quand il se souvient du plaisir qu’il prenait à se faire sucer par son cousin. […] Philippe et moi, qui n’avons pas eu de cousin aussi bienveillant, sommes un peu jaloux de lui. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 16)
c) La jalousie fraternelle comme moteur d’homosexualité et comme possible germe du viol:
Tableau « Autoportrait double » d’Egon Schiele
Bien avant d’être une réalité, l’inceste fraternel est un fantasme créé par l’individu homosexuel, l’expression chez lui d’une diabolisation de la sexualité. C’est l’amour, l’engendrement et la différence des sexes qui sont vus à tort comme l’inceste qu’ils ne sont pas en substance : « À l’époque, je ne connaissais pas les trucs sur l’intersexe, mais j’ai pensé que j’étais un homme. Et je m’étais dit très scientifiquement, pour évaluer si j’étais vraiment un homme, je vais me féminiser et donc là je me suis mise à avoir des cheveux longs, à me maquiller, à avoir des robes, etc., et dans la même période, je suis partie aux États-Unis avec un pote. Et un jour dans une boîte, j’ai failli me faire violer et là je me suis dit : ‘Non, je ne suis pas un homme, mais habillée comme cela ça ne me correspond pas, il y a quelque chose qui ne va pas.’ Et la séduction que j’exerçais à l’égard des hommes ne me plaisait pas, leur regard ne me plaisait pas. Pas parce qu’ils étaient libidineux, mais parce que je ne voulais pas cela avec les hommes. Pour moi, les hommes c’était mes frères. Alors, la seule fois où j’ai embrassé un homme (j’ai eu quelques flirts comme ça), j’avais l’impression d’une relation incestueuse, tu vois un truc tu touches avec la langue et tu as l’impression de ramasser des fraises, tu vois ? (rires). » (Gaëlle, une femme lesbienne de 37 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 80-81)
La violence de l’inceste fraternel a pu déclencher un dégoût de la sexualité, voire une homosexualité : « Un jour, chez des amis, alors que les parents étaient fort occupés à deviser dans le fond du parc, je fus le témoin d’une véritable orgie enfantine, à laquelle, d’ailleurs, je ne pris aucune part, me sentant trop décontenancé à la vue des petites filles. Des frères, des sœurs, d’autres garçons se livraient à des expériences sexuelles très poussées et je garderai toujours en mémoire le spectacle de la sœur d’un de mes camarades ‘utilisée’ par quatre garçons à la suite… Cette scène (qui se renouvelait, d’ailleurs, paraît-il, à chacune des réunions familiales, à l’insu des parents, naturellement) fut interrompue, ce jour-là, par l’entrée intempestive de la mère de l’une des fillettes… Ce fut un beau scandale. Il y eut des scènes pénibles. Un procès faillit en résulter mais, au cours des interrogatoires, chacun se tira d’affaire par des mensonges. Cet épisode aux couleurs crues s’imprima profondément dans mon esprit et me fit, plus que jamais prendre en horreur les filles et les femmes. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, racontant un souvenir d’enfance, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 79)
L’inceste est tout autant un effacement brutal de la différence des générations qu’un effacement de la différence des sexes : « Des transsexuelles me prirent sous leur coupe, persuadées qu’elles avaient la solution à mon chagrin. Amour divin, amour profane, nous entretenions les sentiers d’une relation juste et sensible. Mais, ces ébats qui ne me procuraient aucun plaisir, ne faisaient qu’aggraver le trouble existant de la scène de violence vécue avec mon frère. Cette scène qui me hantait et réveillait ces horribles douleurs au ventre. Et puis pour moi, c’était des filles ; Et les filles, franchement, ne m’attiraient pas. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 119)
Ensuite, on voit que ce fantasme incestuel s’origine le plus souvent dans une idéalisation excessive du frère et un amour jaloux : « Dans ce texte sur l’homosexualité féminine, Freud mentionne comme un élément clé la jalousie qu’éprouva la jeune fille lors de la naissance d’un frère. » (Daniel Borillo et Dominique Colas, L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), p. 312) ; « L’homosexualité peut être aussi le résultat d’une rivalité jalouse dans la fratrie qui se transforme en recherche de relation tendre avec des personnes de même sexe. » (Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse (2005), p. 56) ; etc. Par exemple, le film « Enfances » (2007) de Yann Le Gal traite précisément de la jalousie infantile du futur réalisateur Ingmar Bergman, au moment de l’arrivée de sa petite sœur : il tenta de l’étouffer avec un oreiller. Dans l’autobiographie La Mauvaise Vie (2005), on perçoit une comparaison obsessionnelle de Frédéric Mitterrand avec ses frères aînés (notamment à la page 78).
Comme le frère est mis sur un piédestal, mais que fatalement il n’est pas aussi parfait que prévu (et bien oui ! : il a pour défaut d’être libre et unique !), il finit parfois par être haï par l’individu homosexuel comme un traître, un concurrent qu’il n’est pas : « J’ai aimé ce frère, ensuite je l’ai détesté. » (Ednar parlant de son « tortionnaire » de frère, Ti-Éloi, qui le frappait physiquement, dans le roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 16) ; « Mon frère me servait implicitement de point de repère. Ce que je voulais se résumait à ceci : ne pas être comme lui. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 114) ; « Tous ces hommes se sentent marqués par leurs expériences sexuelles avec leurs frères. Non sans désarroi, certains constatent qu’ils sont attirés par des hommes qui ressemblent étrangement à ce frère qu’ils détestent ! » (Michel Dorais, Ça arrive aussi aux garçons (2008), p. 55) ; etc.
La jalousie entre frères est généralement l’aveu inconscient d’un amour incestuel entre un fils et un père/une mère qui ne veut pas être partagé(e) : « J’accuse aujourd’hui ma mère d’avoir fait de moi le monstre que je suis et de n’avoir pas su me retenir au bord de mon premier péché. Tout enfant, elle me considère comme une petite fille et me préfère à ma sœur, morte aujourd’hui. […] Une véritable peur de la vie résulta de sa façon de nous élever, mon frère et moi. […] De cette période, je sais également que j’enviais ma sœur. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 75)
Comme je viens de l’expliquer, il y a de la jalousie entre les frères parce qu’en toile de fond, il y a de l’inceste, soit entre l’individu homosexuel et son frère (ils vivent alors une relation idolâtre trop fusionnelle), soit entre l’individu homosexuel et ses parents, soit entre son frère et leurs parents. L’inceste fraternel peut rejoindre l’inceste paternel : le père ou la mère sont alors considérés comme des frères ou des sœurs : « La veille du départ de Karim et du cameraman, alors que moi je restais seul au Caire, j’ai fait un rêve dans lequel je me souvenais de mon frère et de sa rencontre avec Dieu. Je devais avoir 15 ans et lui 11-12 ans. Je n’étais plus le préféré de ma mère. C’était Mustapha qui dormait avec elle à présent pendant la sieste. Il avait fini par prendre ma place. Malgré moi, j’en étais très jaloux. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 80) ; « Ce n’est pas le dégoût de la castration féminine qui est au fondement de leur homosexualité, mais la composante narcissique du choix d’objet sexuel. Au cours de l’enfance, le futur homosexuel éprouve des sentiments de rivalité et de jalousie particulièrement intenses envers ses frères aînés avec lesquels il doit partager l’amour de sa mère. Sous l’effet de l’éducation, ces pulsions sont refoulées. L’énergie pulsionnelle ne pouvant être annulée, elle se renverse dans son contraire : la haine viscérale pour les frères se transforme en amour homosexuel. » (Virginie Mouseler, Les Femmes et les homosexuels (1996), p. 73) ; « Dans la prime enfance des motions de jalousie particulièrement fortes, issues du complexe maternel, s’étaient affirmées contre des rivaux, la plupart du temps des frères plus âgés. […] Les rivaux haïs se transforment en objets d’amour. […] Le choix d’objet homosexuel provient plus d’une fois d’un dépassement précoce de la rivalité vis-à-vis de l’homme. » (cf. l’article « Sur quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité » de Sigmund Freud, dans Névrose, psychose et perversion, 1894-1924) ; etc.
Souvent, il existe un conflit entre la personne homosexuelle et son frère/sa sœur parce qu’ils aiment le même Homme (le père/la mère/le petit ami de l’autre/la petite amie de l’autre/l’Androgyne), ou parce qu’ils se reflètent une même homosexualité : « Bien plus tard, de la part de mes frères et sœurs, je fus l’objet de terribles critiques. […]. Il y avait néanmoins, quelque chose d’intime et de douillet dans celles-ci, je dirais même de profond et de vivant mais, il y avait aussi plus de sincérité et plus profond et de plus de courage de ma part, à assumer cette continuité de moi-même. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de son homosexualité, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 11) Je vous renvoie avec insistance à la partie sur le « Frère homophobe » du code « Homosexuel homophobe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
C’est pour cette raison que le lien de fraternité ou de parenté, en même temps qu’il servira de couverture à l’homosexualité du couple qui ne veut pas s’afficher homo, est pour le coup symbole d’homophobie : « Lors de nos visites chez d’autres amis africains, Yoro [l’amant de Berthrand Nguyen Matoko] me recommandait de ne jamais d’afficher. Bien au contraire, ce qu’il trouvait à dire, c’est que nous étions deux cousins. » (idem, p. 138)
L’inceste vient non seulement alimenter l’amour homosexuel mais aussi le détruire. Je connais bon nombre de couples homosexuels qui ont été brisés « à priori » directement par la relation fusionnelle que tel ou tel de leurs membres maintenait avec une sœur ou un frère (considéré(e) comme) trop proche.
Par ailleurs, je tiens à rajouter pour conclure que la tentation de l’inceste ne concerne pas uniquement les grandes fratries, ou les « sujets homosexuels avec frère(s) ». Aucune personne homosexuelle, même fille ou fils unique, n’échappe, je crois, au fantasme d’inceste fraternel. En général, tout sujet homosexuel a l’impression de remplacer (et donc se donne l’impression de vivre en secrète communion avec) un frère ou une sœur défunte/cinématographique. « Là, dans cette obscurité, dans cette exécution, cette mort volontaire, je me suis souvenu de ma sœur hantée. » (Abdellah Taïa s’adressant à son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 123) Par exemple, dans son autobiographie Mauvais genre (2009), l’essayiste lesbienne Paula Dumont décrit « son statut enviable de fille unique et de fille qui remplace le fils défunt » (p. 28) que sa mère a perdu en couche. Je vous renvoie aussi à la partie sur le « Syndrome du jumeau solitaire » du code « Jumeaux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
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