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Le téléfilm dit « humoristique » de France 2 « Le mari de mon mari »

 

Ce soir, un téléfilm (dit « humoristique ») que je ne veux pas rater : « Le mari de mon mari », sur France 2. Ben oui, c’est si « drôle, cool et sympa », le mariage flingué par l’homosexualité… Les « Filles-à-pédés » larguées et dépressives, pour noyer leur souffrance et leur chagrin, jouent les meilleures amies gays friendly. Si ça, ce n’est pas pathétique…
 

 
#LGBT #Mariage #GayFriendly #France2 #Bobos #Homosexualité @France2tv

Podcast audio sur l’anti-catholicisme dans les dessins animés des années 1980 en France

Voici un podcast de décryptage des dessins animés des années 1980 diffusés sur les chaînes de télé françaises (Youpi l’école est finie ! sur La Cinq, Récré à deux sur Antenne 2, Amuse trois sur FR3, Le Club Dorothée sur TF1, etc.), avec l’angle insolite du catholicisme : « L’anti-catholicisme dans les dessins animés des années 80 ».
 

 

Philippe Ariño vous démontre que cela fait au moins 40 ans que les dessins animés jeunesse nous poussent à mépriser Jésus et la religion catholique, au profit de la religion énergétique.

 

Ce podcast se découpe en 3 parties :

1 – Les dessins animés clairement anti-catholiques

2 – Les dessins animés de la Nouvelle Religion mondiale, fondés sur l’Énergie et l’Or

3 – Les rares dessins animés « cathos-friendly » voire carrément cathos.

 

Vous pouvez retrouver d’autres podcasts de décryptages de Philippe, sur Youtube, comme par exemple celui sur les goûts musicaux homosexuels, celui sur la série Manifest, celui sur la série Sex Education ou encore celui du discours alchimique du Cardinal Sarah.
 

Série « Émissions télé » (entre autres, entre l’automne et l’hiver 2012-2013)

ÉMISSIONS TÉLÉ

 

TÉLÉ 2

« Y’a une solution à tout! » d’Évelyne Thomas, Direct 8

Dieu Merci

« Dieu Merci ! » en mai 2011, Direct 8

Les Enfants d'Abraham

« Les Enfants d’Abraham » en juin 2011, Direct 8

Canção Nova

« Café-Débat » en août 2012, Canção Nova

France 3 Toulouse

JT Midi-Pyrénées en septembre 2012, France 3

KTO Binet

Édition spéciale « Mariage homo » en novembre 2012, KTO

LOURDES 1

« Radio Présence Lourdes » en novembre 2012

Compléments d'enquête

« Complément d’enquête » en novembre 2012, France 2

Berry

Télé Berry en décembre 2012

TV Tours

JT Tours en décembre 2012, TV Tours

MCE

« Libre Antenne » en janvier 2013, MCE

ATV - Martinique 1ère

JT en mai 2013, ATV (Martinique)

Yonn A Lot

« Yonn A Lot » en mai 2013, KMT (Martinique)

KMT TV Dani

« Conversation » en mai 2013, KMT (Martinique)

Toledo España

« Otras Miradas » en mai 2013, Tele Diocesana Toledo

Code n°63 – Fan de feuilletons (sous-code : Kitsch)

fan de feuil

Fan de feuilletons

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Kitsch, Camp & Gay

 

Comme j’en avais ras-le-bol de voir toujours la même conclusion à la fin des très nombreux articles qui se proposent de décrire le phénomène de la visibilité homosexuelle dans les sitcoms (« Les séries sont des reflets significatifs de cette nouvelle évolution des mentalités et de nos sociétés ; l’apparition de héros gays montre une ouverture d’esprit et un changement de moeurs… » : reflets de quoi ? on n’a jamais la réponse, mis à part la guimauve ; on n’a droit à aucune interprétation après la citation des exemples), je me suis décidé à écrire cet article à propos des liens étroits entre homosexualité-séries télé-kitsch-totalitarisme.

 

 

Pour dire une sexualité insatisfaisante et un rapport au monde décorporalisé, beaucoup de personnes homosexuelles se réfugient dans le monde télévisuel des séries (telenovelas, séries B, sitcoms nord-américaines, soap opéras tels que les Feux de l’Amour, etc.) et élaborent une esthétique du mauvais goût appelée « kitsch ». Le kitsch procède de ce que j’appellerai un « baroque narcissique ». Bon nombre d’artistes homosexuels actuels ont tendance à se revendiquer du baroque pour conspuer le classicisme qu’ils jugent « mauvais » et d’arrière-garde. Ils s’éloignent à mon avis du vrai baroque, le « baroque humaniste », celui du métissage universel, prôné par un le romancier cubain Alejo Carpentier. Le baroque humaniste, contrairement au baroque narcissique, n’est pas un courant artistique créé pour s’opposer au classicisme et instaurer une élite néo-baroque, mais bien une maison universelle censée abriter aussi les soi-disant auteurs « classiques » : « Le baroque doit se voir comme une constante humaine. » (Alejo Carpentier, Razón De Ser (1980), pp. 38-65)

 

Conchita Wurst (transgenre M to F), le bon exemple du Camp, c’est-à-dire du kitsch rose qui se venge de sa propre naïveté en s’auto-détruisant, en se salissant, et en restaurant sa naïveté

Conchita Wurst (transgenre barbu M to F), le bon exemple du Camp, c’est-à-dire du kitsch rose qui se venge de sa propre naïveté en s’auto-détruisant, en se salissant, et en restaurant sa naïveté/médiocrité


 

Le kitsch fait partie du baroque narcissique étant donné qu’il mêle l’amour du beau et de la merde, de la démocratie et du totalitarisme. Tous les régimes politiques, religieux, artistiques, qui jadis se sont caractérisés par leur volonté de détruire l’Homme et sa liberté, en sont les plus gros producteurs. Comme le souligne José Amícola, « le kitsch relie tous les éléments les plus réactionnaires sous une forme artistique » (José Amícola, Manuel Puig Y La Tela De Araña Que Atrapa Al Lector (1992), p. 127)

 

Nos sociétés post-modernes attribuent à cet art « tape-à-l’œil » ou « pacotille » une légèreté qu’il n’a pourtant pas, puisque le kitsch est l’attrait pour le maquillage des systèmes despotiques. S’appuyant généralement sur le folklore et le divertissement bon marché pour amortir sa réelle violence, il est le vernis esthétique appliqué par les dictatures quand celles-ci cherchent à occulter l’absence totale de culture. Milan Kundera lui a probablement donné la meilleure définition qui soit : « Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde. […] Il est un paravent qui dissimule la mort. » (Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être (1984), pp. 357-367. Voir également la partie « paravent » du code « Maquillage » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Les défenseurs du kitsch se proposent de sauver ce qui est destiné à la poubelle, à la fois pour dire que tout est artistique et que rien ne l’est si l’élite bourgeoise qui définit le bon du mauvais goût ne décide pas d’y investir son argent et son idéal de vie.

 

La différence entre le kitsch et l’art de qualité a l’air très mince. Sur la photo instantanée, ils semblent quasiment identiques. C’est sur la durée que le kitsch jaunit, car il privilégie l’image (autrement dit l’intention) à la Réalité. Le kitsch surgit de ce qui est humain et du regard amer que portent les Hommes sur leurs propres actes (pensez aux réactions que nous pouvons parfois avoir face aux photos de mariés exposées dans les magasins des photographes, condamnées au kitsch ou sauvées de lui selon notre clémence et notre paix intérieure). Tout est kitsch. On pourrait même dire qu’il y a du « kitsch presque objectif », celui qui touche à la naïveté, à l’innocence touchante, à la bonté : il suscitera parfois le même rejet que les « bons sentiments ». Mais une chose devient « plus kitsch que les autres » quand l’Homme rentre à l’excès dans le paraître, le narcissisme, ou la jalousie.

 

Le kitsch est étroitement lié à la haine de la contrefaçon matérialiste, exprimée paradoxalement par un surinvestissement dans le paraître. En ce sens, « les filles et les garçons sans contrefaçon », autrement dit les personnes homosexuelles, méritent tout à fait leur titre d’« enfants du kitsch ». Ce n’est pas sans raison que Severo Sarduy allie homosexualité et kitsch quand il qualifie le mouvement artistique néo-baroque de « kitsch, camp et gay ». On retrouve le kitsch dans la naïveté paradisiaque des photos-peintures de Pierre et Gilles, dans l’accoutrement outrancier de Marianne James en cantatrice allemande, chez les artistes du Pop Art, dans les décors psychédéliques de Pedro Almodóvar, dans le dépouillement grunge et misanthrope du bobo underground, dans les « mises en scène-masturbation-intellectuelle » de Marcial Di Fonzo Bo, ou bien encore dans l’esthétique de Jean-Paul Gaultier. Les personnes homosexuelles sont souvent des grands amateurs de cet épate-bourgeois facile qu’est le kitsch. Arthur Rimbaud, par exemple, avoue sa passion pour les « peintures idiotes » et les « refrains niais » ; Paul Verlaine revendique les « images d’un sou » et les bibelots d’une culture de masse en désuétude (cf. l’article « Sentes buissonnières » de Daniel Grojnowski, dans le Magazine littéraire, n°321, mai 1994, p. 45). Beaucoup de sujets homosexuels se désignent eux-mêmes comme des consommateurs incultes, des « enfants gâtés du capitalisme » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (1996), p. 114), des « dandys déliquescents » (Jérôme Dahan dans la revue Platine, n°11, avril/mai 1994, p. 13) assumant avec fierté des goûts minables qui n’iraient pas avec leur rang. Leurs personnages (et parfois eux-mêmes) regardent les mauvais feuilletons de début d’après-midi pour mamies-gâteau, adulent les chanteurs-paillettes, et se montrent assez peu cultivés derrière leurs faux airs de premiers de la classe. Leurs goûts oscillent entre les extrêmes : elles peuvent aimer à la fois la mauvaise variet’ musicale et l’opéra classique, se forcer à consommer ce qui leur est présenté comme « de qualité » ou de se laisser aller à apprécier de la merde commerciale. Dans les deux cas, c’est souvent le paraître qui l’emporte sur le goût. Le kitsch attire l’œil et lui seulement, alors que l’art se prétend plus cérébral et veut aussi parler davantage au cœur.

 

Incroyable mais pourtant vrai : ce qui plaît à beaucoup de personnes homosexuelles dans la culture camelote, c’est (excusez l’expression) qu’on les prend pour des connes. Elles se rendent compte de l’hypocrisie sadique et souriante des media ou du monde bourgeois, mais elles aiment ce culot-là. Il les fascine et les attire : on ose « se foutre de la gueule » de personnes aussi intelligentes et importantes qu’elles, apparemment en toute innocence, dans l’indifférence générale… et elles trouvent cela scotchant ! Elles développent une réelle passion pour la nullité, pour la bêtise télévisuelle, mais pas n’importe laquelle : la bêtise très sincère, qui se prend au sérieux, qui n’a pas conscience d’elle-même, qui est énoncée par la bimbo blonde ou la bourgeoise ultra-sophistiquée qui souhaitent réellement le bonheur de l’Humanité tout entière (et des bébés phoques !). Qui, je vous le demande, a bien pu favoriser le surprenant come-back de Chantal Goya dans les années 1990 ? Qui attaque et défend encore les stars oubliées, si ce n’est la communauté homosexuelle ? Il s’agit de renverser certaines valeurs en remettant à la mode ce qui a été effacé. Ce n’est pas compliqué : à partir du moment où en apparence et à l’image on leur veut du bien, les personnes homosexuelles adorent qu’on les berce d’hypocrisie, qu’on leur fasse avaler des couleuvres qu’elles engloutissent volontairement pour montrer à l’infantilisation qui elle est, qu’on les traite comme des débiles ou des gamins qu’elles ne sont plus. Car elles prennent un malin plaisir à contenter ceux qu’elles détestent, en pensant se venger d’eux en leur obéissant exagérément.

 

Certes, elles adorent qu’on les prenne pour des connes, mais attention : elles seules se donnent le droit de l’avouer. En règle générale, elles gardent le secret sur leur passion. La dévoiler reviendrait à montrer au grand jour leur goût secret pour la soumission et l’infantilisation, et donc leur retirerait tout le prestige d’avoir été les seules à avoir su déceler le « second degré » du totalitarisme, ou le « bon goût du mauvais goût ».

 

Ne nous trompons pas. Le kitsch homosexuel n’est pas uniquement réductible au folklore Gay Pride, ni même à la surcharge que nous observons dans l’appartement d’un Renato de « Cage aux folles » : il peut être au contraire assez minimaliste et dépouillé. C’est alors l’excès de dépouillement qui évoque le charme ronflant du kitsch. Le rapport de distance des personnes homosexuelles avec le kitsch oscille entre proximité et rupture absolues. En général, elles aiment que leurs goûts de daube ne soient pas pris totalement au sérieux, que leur fausse distance par rapport à leur attrait pour la merde et le totalitarisme culturel soit tenue secrète. Elles vont alors se construire un écran ironique à leur passion du kitsch, appelé « camp ».

 

Ce courant « artistique » découle naturellement du rose du kitsch : il n’est que sa face cachée, noire et agressive. On compte beaucoup de représentants du camp parmi les personnes homosexuelles. Ceux-ci rêveraient que la frontière entre le kitsch et le camp soit infinie. En réalité, elle est dérisoire : ce sont encore une fois les deux marionnettes d’une même conscience qui simulent le duel, car finalement, le kitsch et le camp se rejoignent totalement dans les extrêmes, dans l’inversion.

 

Le soap opéra est particulièrement propice au détournement camp


 

La distinction entre eux serait d’abord chronologique : le camp est historiquement un néo-kitsch apparu dans les années 1960. Par ailleurs, le kitsch et le camp divergeraient quant à l’intention : le camp constituerait une forme de kitsch consciemment produit (contrairement au kitsch qui serait « naïf », « populaire », « bête », « commercial »), un « kitsch second degré », ou plus radicalement un « anti-kitsch ». La différence se ferait aussi dans la thématique : le camp se vengerait du kitsch par un goût de la laideur davantage marqué (pornographie, scatologie, films d’épouvante, drogues, apolitisme ou militantisme anti-« système », nihilisme seventies, etc.), un irrespect systématique pour tout ce qui est commun, un rejet de la naïveté, un humour beaucoup plus trash et décalé, ou une totale « neutralité ». En ce sens, un homme tel que Frédéric Sanchez, qui s’habille « classique », en noir, pour ne pas rentrer dans les « clichés homos », qui affirme haut et fort que « ni Sheila ni Dalida ne donneront de la voix dans son mange-disque », qu’« il déteste le kitsch » et qu’il est un « anti-DJay » (cf. l’article « Frédéric Sanchez, Illustrateur sonore », sur le site Ellico, consulté en juin 2005), est le prototype de l’Homme camp, donc kitsch, car l’anti-kitsch est aussi une attitude kitsch. « L’essence du Camp, c’est ça, non ? Ridiculiser, essayer de détruire quelque chose qu’on aime, pour démontrer que c’est indestructible » fait remarquer à juste raison Emir Rodríguez Monegal (cf. l’article « El Folletín Rescatado, Entrevista A Manuel Puig » (1972) de Emir Rodríguez Monegal, dans Revista De La Universidad De México, vol. XXVII, n°2, octobre 1975, pp. 25-35). Rien n’est totalement kitsch en soi, et tout est fatalement kitsch puisque tout ce qui est humain est kitsch. Se révolter contre l’humain, c’est être à nouveau humain. Le camp est contre lui-même et contre le kitsch, c’est-à-dire qu’il se nie et s’adore. Il gomme ses origines, fait un « kitsch du kitsch » en croyant s’en éloigner, croit qu’il ne copie pas parce que précisément il copie dans l’inversion. Voilà son paradoxe. La meilleure façon d’échapper au kitsch totalitaire, c’est finalement de ne pas le fuir à tout prix, de tolérer d’être un peu kitsch par la force des choses, non parce que nous l’aurions désiré mais à cause de notre (amour de la) condition humaine. Sinon, nous nous condamnons à y retomber sous une forme plus masquée en créant un kitsch ironiquement intentionné, totalitaire en somme.

 

Ce n’est pas par hasard que le monde intellectuel voit en général le kitsch et le camp comme des sous-genres artistiques gémellaires puisque ces derniers sont une atteinte à l’intelligence humaine alors qu’ils se prétendent justement « géniaux de subtilité (ou de nullité) », l’un par le rêve sucré, l’autre par l’horreur gore ou la pudibonderie intellectualisante. La dictature du camp est celle qui se place en grande ordonnatrice du bon et du mauvais goût. Ses promoteurs homosexuels pensent qu’ils peuvent se permettre, parce qu’ils possèdent à eux seuls la définition du bon goût, de franchir de temps en temps la frontière d’un mauvais goût qui auraient aussi la saveur d’un inédit et transcendant « bon goût » réservé à leur élite bobo. Pour eux, il y a un « mauvais ‘mauvais goût’ » et un bon « mauvais goût » (le « mauvais goût sain » comme dirait le Prétextat Tach d’Amélie Nothomb, dans Hygiène de l’Assassin) dont eux seuls connaîtraient la recette.

 

Série Once Upon A Time

Série Once Upon A Time


 

Du coup, ils ne voient pas qu’ils font de la merde à force de dire qu’ils la font. Ils se présentent comme des artistes d’avant-garde, ceux qui « sentent » le beau dans la laideur, qui trouvent, à l’image des décadents de la fin du XIXe siècle, la rédemption dans la médiocrité.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Télévore et Cinévore », « Tante-objet ou Maman-objet », « Bovarysme », « Patrons de l’audiovisuel », « Artiste raté », « Scatologie », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », « Obèses anorexiques », « Fresques historiques », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Humour-poignard », « Défense du tyran », « Planeur », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Faux intellectuels », à la partie « Matérialiste et consommateur gay » du code « Collectionneur homo », à la partie « Play-back » du code « Substitut d’identité », à la partie « Mélodrame » du code « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », à la partie « Camp » du code « Haine de la beauté », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 
 

a) Absorbé par le kitsch des séries TV :

Dans les fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel est souvent fan de sitcom débiles de la télé : cf. la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, le film « Sitcom » (1998) de François Ozon, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen, la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick, le film « A Strange Love Affair » (1985) d’Éric De Kuyper et Paul Verstraten, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, le film « 50 façons de dire Fabuleux » (2005) de Stewart Main, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd (avec Arnold Wilcox, le fan homo d’une série-fleuve Paradis des chutes), la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy (avec Sébastien), la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays (avec Ryan), la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot (avec Benji, fan de séries débiles comme Les Filles d’à côté), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo (avec Ailín, fan de telenovelas), etc.

 

« On regardait Les Feux de l’Amour. » (Zize, le travesti M to F parlant de lui et de sa mère, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « C’est l’heure de son émission préférée du moment […]. Chloé adore regarder ce genre de programme, je pensais que ça ne serait pas du tout son genre, les trucs de starlette, mais c’est une drogue qui lui donne le sourire. » (Cécile en parlant de sa compagne Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 64) ; « Qui n’aime pas Glee et Sex & the City » (Jonathan, le héros homo de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « On était branchées, alors on regardait toutes les séries. » (Océane Rose-Marie et son amante Nathalie, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Je regardais Le Prince de Bel-Air, le Cosby Show. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc.

 

Film "The Bubble" d'Eytan Fox

Film « The Bubble » d’Eytan Fox


 

Par exemple, dans le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, Sébastien change de nom et se fait appeler Zack en référence à un héros de série télé qu’il a adulé dans son adolescence (Zack de Sauvez par le gong). Dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, Dean est amoureux de Luc Alphin, un comédien de la série Flipper le Dauphin. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, l’un des héros homos, est fan de comédies musicales, telles que Bananasplit. Dans son one-woman-show La Lesbienne invisible (2009), Océane Rose Marie dit en plaisantant qu’elle a eu le coup de cœur pour Hélène Rolles, l’héroïne de la série Hélène et les garçons. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Sébastien appelle son petit copain « J.R. » (= Jean-René), comme le personnage de Dallas. Dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, Lord Sanguinetto a une « pratique du visionnage à haute dose de Mission impossible et autres Charly et ses Drôles de Dames » (p. 39). Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Jean-René et Sébastien sont fans de Chantal Goya et de feuilletons indigents (cf. la parodie Les Flammes de l’Amour des Feux de l’Amour). Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo et Benji regardent la série Alf, et possèdent chez eux une impressionnante DVDthèque. Dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, le héros regarde la télé avec sa grand-mère (p. 12). Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca critique sa mère en lui reprochant de « l’avoir forcé à regarder la série Santa Barbara ». Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Michèle est l’actrice bimbo de série B La Vie est plus moche (parodie de Plus belle la vie) : Quentin, le personnage bisexuel, est d’ailleurs sorti avec elle. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, suit assidument Les Feux de l’Amour, Plus belle la vie, Desperate Housewifes, Derrick, Confessions intimes, etc. Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa fait plein de références aux séries et émissions télévisées : Top Chef, Six Feet Under, Une Femme d’honneur, Navarro, Le Commissaire Moulin, L’Amour est dans le pré et Kojak. Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, la grand-mère Mamita – jouée par le comédien lui-même – regarde Derrick, Dallas, Plus belle la vie. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, les parents d’Adèle passent leur temps devant la télé à scotcher sur des jeux télé (Questions pour un Champion par exemple)… et leur fille avec eux ! Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Pablo et Bruno nourrissent une passion commune pour la série télévisée Blind. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Benoît, le héros homo, a l’intégrale de Melrose Place. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Ody écoute des chansons mélancoliques de chanteuses italiennes plaintives des années 1960 avec son casque, et rêve de passer dans les émissions de télé-crochet style The Voice en Grèce. Dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, le narrateur homosexuel « se tape » le programme télé que sa mère regarde : une émission quotidienne pour les ménagères de plus de quarante ans, animée par Nicole Germain. Toute la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen est bourrée de références publicitaires ou télévisuelles (La Petite Maison dans la prairie, Dynastie, La Ferme Célébrités, Les Mystérieuses Cités d’or, Secret Story, etc.) : à un moment, l’intégralité des personnages participent à un grand jeu de télé-réalité (Stars chez eux) où le principe, pour gagner de l’argent, c’est de sortir un maximum de noms de marques. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, est scotché à sa télé devant Games Of Thrones, et se dit fan de Daenerys Targaryen, « la princesse exilée » : « Je l’adore. » Il se déguise même avec des costumes péplum chez lui. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), Fabien, le héros homosexuel, fait référence au dessin-animé Ken le Survivant, suit des séries telles que Mission Impossible ou encore Loft Story », chante des génériques publicitaires (L’ami Ricoré), et se prend pour WonderwomanTransformation ! Wonderwoman !! ») ou encore à Laura Ingals dans La Petite Maison dans la prairie : « Et là, je me voyais courir dans les champs, cheveux au vent, comme dans la Petite Maison dans la prairie, avec la petite fille qui se cassait la gueule. » Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, l’un des héros homosexuels, se découvre avec son psy secrètement gay également une passion commune pour la sitcom française Les Filles d’à côté : « C’est dingue. Vous êtes fan des ‘Filles d’à côté’, vous aussi ? » Arnaud connaît tous les épisodes par cœur. Il s’est abonné aussi au câble pour suivre Fashion TV.

 

Film "Beautiful Thing" d'Hettie McDonald

Film « Beautiful Thing » d’Hettie Macdonald


 

Le héros homosexuel des fictions est souvent une pétasse fashion victim au cerveau ramolli par les séries télé : cf. le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan (avec Steve), le film « Far West » (2002) de Pascal-Alex Vincent, le film « L’Homme d’à côté » (2001) d’Alexandros Loukos (avec Alkis, le héros homo lobotomisé par la série Elvira qu’il regarde, forcé au départ par sa grand-mère, puis y prenant goût), la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec Kevin), le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin (avec Tex, le prostitué déguisé en cowboy, et décrit comme « une cruche » qui « n’y connaît rien à l’art »), etc. Par exemple, dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, en tant qu’assistant à domicile de personnes âgées (ergothérapeute), va faire des ménages chez Olga, une grand-mère qui passe son temps devant la télé et l’initie aux jeux télévisés. Celle-ci veut absolument le caser avec une femme, et tente même de le séduire, en maintenant avec lui une relation fusionnelle (elle l’appelle « mon chéri »).

 

FEUILLETONS Garçon stupide

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

« J’ai la solution ! Toi et moi on va devenir la fille dans Sex And The City, et on vais rentrer avec des gros sacs de mode, ça sera la vraie Parisienne, quoi. Ohlalah, on doit être la plus belle, ma chérie, pour séduire plein de hommes. » (Cody, le héros homosexuel efféminé nord-américain s’adressant à son pote gay Mike qui vit une relation battant de l’aile avec Léo, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 101) ; « J’assume tous mes goûts variétoches. » (Damien, le héros bisexuel de la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; etc.

 

Parfois, le héros homosexuel est lui-même acteur dans une sitcom. Par exemple, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Luc joue dans une série B. Dans le film « I Love You Baby » (2001) de David Menkes et Alfonso Albacete, Marcos joue comme figurant dans des téléfilms où finalement ses scènes sont coupées au montage.

 

L’addiction du héros homosexuel pour ses séries n’est pas très bon signe dans la vie de ce dernier : elle dévoile un gros manque affectif, voire une dépression ou une schizophrénie. « Vous regardez trop la télé, Monsieur Canard. » (Olivier, le flic, s’adressant à Romain Canard, le coiffeur gay, fan de Plus belle la vie et de Julie Lescaut, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Aaaah !!! C’est Plus Belle la Vie !!! » (Raphaël Beaumont dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles, 2011) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Miguel, le héros bisexuel regarde des telenovelas avec sa femme… avant de la tromper plus tard avec un homme. Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert vit sous la coupe d’une mère possessive très superficielle, qui fait ses séances d’UV, qui s’achète des fringues tout le temps, qui regarde des feuilletons débiles à la télé… et qui l’entraîne dans sa vie ennuyeuse, superficielle, idolâtre et incestuelle.

 
 

b) Kitsch : le paravent qui dissimule (et indique la présence de) la merde :

Dans la fantasmagorie LGBT, les héros homosexuels sont souvent adeptes du kitsch, cet art-poubelle plein de « bons sentiments » et d’artifice forcé, doré, éphémère : Hervé fan de Claude François dans la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, Daniel le fan du concours-télé Eurovision dans la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez, le héros gay fan de l’Eurovision dans le film « Gotta Have Heart » (1998) d’Eytan Fox, Didier le téléphage attiré par le kitsch dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Yali le fan de la Star Academy israëlienne dans le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, etc.

 

« Cloclo, mon idole. » (Jean-Luc, l’un des héros homos de la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; « Jeanne aimait Céline Dion comme une matante. […] Elle achetait tous ses disques, malgré le contenu, s’empressait-elle d’ajouter parfois, et guettait toutes ses apparitions à la télévision. » (Jeanne, une des héroïnes lesbiennes du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 56) ; « Je n’ai aucune personnalité. J’ai un p’tit faible pour les chansons mineures qui vont droit au cœur des teenagers. » (cf. la chanson « Manque de personnalité » de Doriand) ; « David aime de la musique de tarlouze comme Johnny Mitchell ! » (Wayne dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper) ; « [Si nous les gays sommes doués pour l’art, ] c’est surtout pour danser sur de la musique de connasses, sur les musiques de pétasses comme on aime ! » (le narrateur homosexuel racontant son voyage vers New York, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David, l’un des héros homos, adore l’Eurovision et toutes les chanteuses icônes gays de seconde catégorie: Julie Piétri, Karen Cheryl, Chantal Goya, Nana Mouskouri, Mylène Farmer, etc. Dans le film « Le Père Noël est une ordure » (1982) de Jean-Marie Poiré, Katia, le gay inculte, est amateur de kitsch et fan de variété française. Par exemple, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, la mère d’Evita écoute la radio, lit des magazines people, des revues de cinéma.

 

Les personnages homosexuels semblent à la merci des modes : « Dans l’eau je baigne, c’est l’important, bien à mon aise, dans l’air du temps. » (cf. la chanson « J’en ai marre » d’Alizée) ; « Je déteste être à la traîne. » (l’ami homo de Charlie dans film « Urbania » (2004) de Jon Shear) ; etc. Par exemple, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, Max, la grande folle, ne veut porter que des vêtements moulants : « Et puis c’est la mode, merde ! »

 

Le kitsch auquel ils se soumettent annonce en toile de fond un manque de personnalité, une absence de liberté, un désir de mort (= le désir d’être objet est au fond un désir de mort), une souffrance non-identifiée.

 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 

En suivant l’excellente définition du kitsch donnée par Milan Kundera dans son roman L’Insoutenable légèreté de l’être (1984) (« Le kitsch est un paravent qui dissimule la mort », pp. 357-367), on se rend compte très souvent que, dans l’inconscient homo-érotique, noyé de kitsch, il est souvent fait référence à un mur ou à un paravent qui occulte le mal ou la mort ou les dictatures humaines. Par exemple, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, la scène finale représente Élisabeth qui s’est tirée dessus après avoir empoisonné son frère : elle s’écroule, faisant tomber ainsi le paravent qui dissimule la mort de Paul. Idem dans la pièce La Sonate des Spectres (1907) d’August Strindberg où il est question du « paravent de la mort », et dans bien d’autres œuvres crypto-gays : « Ce sont des gens à l’esprit pratique qui n’ont simplement pas envie de voir la mort en face ou plutôt à côté car une cloison nous en séparait. » (François, l’un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 125) ; « […] la lampe brillant derrière un paravent qui dissimulait à moitié le lit du jeune homme » (Fabien presque mort, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 303) ; « Je dissimulais les taches de moisissure [sur le mur de ma chambre] avec des posters de chanteuses de variétés ou d’héroïnes de séries télévisées découpés dans les magazines. » (Eddy Bellegueule dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 79) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Absorbées par le kitsch des séries TV :


 

Dans les séries, partout dans le monde depuis les années 1990, les personnages homosexuels (soit principaux, soit secondaires) ne manquent pas : Les Filles d’à côté, Les Mystères de l’Ouest, Starsky et Hutch, Queer As Folk, Six Feet Under, The L World, Buffy contre les vampires, Plus belle la vie, Grey’s Anatomy, Glee, Desperate Housewives, Once Upon A Time, Modern Family, Ugly Betty, Verbotene Liebe, Rizzoli And Isles, As The World Turns, Hotel Caesar, Des jours et des vies, Goede Tijden Slechte Tijden, Pretty Little Liars, etc.

 

 


 

Par exemple, en 2009, 18 personnages sur 106 (à savoir 3%) dans les séries américaines sont homos.

 

Même les anciennes séries « hétéros » virent maintenant leur cuti !

 

Le kitsch des Telenovelas latino-américaines et des soap opéras nord-américaines est un nid douillet idéal pour l’accueil des intrigues homosexuelles. Là où la sincérité (sans Réalité) abonde, l’homosexualité surabonde !

 

 

Et je ne peux pas le nier. Dans mon histoire personnelle, j’ai été bercé par les séries télés : Super Jaimie, Sherif fais-moi peur, Arnold et Willie, Derrick, Drôles de Dames, Ma Sorcière bien-aimée, K2000, L’Homme qui tombe à pic, L’Amour du risque, Les Deux font la paire, L’Agence tous risques, Amicalement vôtre, Mission Impossible, Sliders, Mac Gyver, Les Filles d’à côté, Wonder Woman, Loterie, Chips, Starsky et Hutch, La Petite Maison dans la Prairie, La Croisière s’amuse, Sauvés par le gong, Manimal, La Quatrième Dimension, Les Envahisseurs, La Grande Vallée, L’Homme qui valait 3 milliards, Chapeau melon et Botte de cuir, Matt Houston, Happy Days, Huit ça suffit, Columbo, Zorro, Flipper le Dauphin, etc. Elles ont façonné tout mon imaginaire.

 

 

Je suis loin d’être le seul dans ce cas. Par exemple, le réalisateur Alain Guiraudie se nourrit, adolescent, de culture populaire : B.D., séries télévisées, films de genre, etc. Beaucoup de créateurs homosexuels essaient de caser leurs goûts rétro-kitsch dans leurs oeuvres : Pedro Almodóvar, François Ozon, George Cukor, Gaël Morel, Pierre et Gilles, Panos K. Soutras, Xavier Dolan, Jean-Marc Vallée, Michel Tremblay, etc.

 

« Mes premières héroïnes étaient Catwoman – môme, je la dessinais brandissant son fouet –, Fantômette, Super Jaimie et Wonder Woman. Les ancêtres de Xena, quoi. » (le réalisateur français Julien Magnat dans la revueTêtu, n°69, juillet-août 2002, p. 20) ; « Tu n’étais pas contente de me voir pleurer, mais j’éprouvais une tendresse particulière pour la Princesse indienne de Patagonie. Le jour où on l’a fait prisonnière et où la sorcière de la tribu ennemie lui a arraché ses boucles d’oreilles, j’ai trouvé le monde injuste. J’aurais voulu pouvoir voler jusqu’à la Terre de Feu et la reprendre aux mains d’êtres aussi sauvages. Je sais : c’était un feuilleton radiophonique. Mais il me donnait un avant-goût des atrocités à venir. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), pp. 157-158) ; « Ce jour-là, je courais vers une image, une femme. L’actrice égyptienne. Une grande star. Une grande dame. Souad Hosni. Elle passait à la télévision dans un feuilleton que j’adorais. Houa et Hiya : Elle et Lui. Je courais vers elle pour l’embrasser. Être pendant une heure avec elle, amoureux en pleurs, danseur libre, comédien de ma propre vie. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 32) ; « Je n’ai jamais oublié Souad Hosni. Je n’avais pas oublié son feuilleton Houa et Hiya qui me faisait courir dans mon adolescence, à la sortie du collège. » (idem, p. 91) ; « Quand on a vu arriver L World, on était comme des dingues ! » (Fanny Corral, lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « Mamie Jeannine a divorcé lorsque mon père avait 3 ans. Elle a quitté son mari pour Jacques Larue, cet homme dont elle est tombée passionnément amoureuse. Mamie était d’une incroyable modernité ! À l’époque, ça ne se faisait pas de divorcer, ni de porter de pantalon, ou d’avoir les cheveux coupés court à la garçonne ! Mais mamie s’est toujours moquée du qu’en-dira-t-on. Elle était libre ! […] Avec mamie, on discute des heures, ‘on blague’, comme elle dit, et on rit. Des bavards invétérés ! Je l’ai convertie à la sitcom britannique hilarante ‘Absolutely Fabulous’. Une mamie branchée, croyez-moi ! D’une incroyable modernité. Parfois, on va au cinéma tous les deux. Je me souviens comme si c’était hier du jour où nous sommes allés ensemble au multiplex voir le film ‘Pourquoi pas moi’. Une comédie kitsch sur le coming out. […] Un nanar totalement oublié mais qui tient une place à part dans mon coeur tant il est lié à un moment crucial de ma vie. Mamie a adoré ! Évidemment, elle a tout compris, pas besoin de mettre des mots. Juste son regard, doux, malicieux et bienveillant, suffit à exprimer tout l’amour qu’elle me porte. Je sais qu’elle m’aime comme je suis. » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, Éd. Broché, Paris, pp.36-39) ; etc.

 

La plupart des personnes homosexuelles ont cru avoir vécu avec certains personnages de séries une véritable histoire d’amour. Par exemple, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), le romancier Alexandre Delmar avoue être tombé amoureux du personnage d’Esteban dans le dessin animé franco-japonais Les Mystérieuses Cités d’Or : « Oui, on peut trouver un personnage de dessin animé infiniment beau ! Absolument ! Je ne trouve pas ce concept du tout surprenant. » Puis il le compare à l’acteur principal d’une série nord-américaine de son adolescence : « Bon, d’accord, je dois quand même reconnaître qu’il n’est pas aussi beau qu’un garçon de mon âge qui joue dans une autre série, Sauvés par le gong, et qui répond au doux prénom de Zach. Tout me plaît chez lui. De la tête aux pieds, sans la moindre exception. Sa coupe de cheveux, sa blondeur, son visage fin, son teint hâlé, son look décontracté, sa popularité, son succès auprès des filles… Je voudrais tellement lui ressembler, même un tout petit peu. Mais il approche de la perfection faite ‘garçon’, ou du moins de l’image que je peux m’en faire, que je ne vois pas comment je pourrais lui arriver à la cheville. » (pp. 13-14)

 
 

b) Kitsch : le paravent qui dissimule (et indique la présence de) la merde :

Le kitsch applaudi par beaucoup de personnes homosexuelles s’est surtout choisi comme support la série télévisée musicale… donc les émissions de télé-réalité comme The Voice ou Glee, les comédies musicales, les concours comme l’Eurovision, les créations qui font du play-back nostalgique un zapping géant. Je pense par exemple au play-back de la chanson « Finally » de Cece Peniston dans le film « Priscilla, folle du désert » de Stephen Elliott, au play-back de la chanson « L’Amour à la plage » de Niagara dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, au play-back de la chanson « Rumore » de Patty Pravo dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, à la chanteuse de mariachi des années 1930 Lucha Reyes dans le film « La Reine de la nuit » (1994) d’Arturo Ripstein, aux reprises d’ABBA dans le film « Liv Og Dod » (« Vie ou mort », 1980) de Svend Wam et Peter Vennerod, au play-back final des « Magnolias » de Cloclo dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, à la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy,  etc.

 

 

Les séries musicales sont les lieux de tous les mélanges (fiction + clip), de toutes les hybridités (plaisir + risque du concours), de toutes les expérimentations inédites (jeu + bisexualité), de toutes les ironies sérieuses (kitsch + camp) : « Mes potes gays adorent l’Eurovision» (la chanteuse Amandine Bourgeois dans le journal Métro du 15 mai 2013, p. 12) ; « J’adore Claude François, car j’ai toujours aimé la variété. […] J’ai aussi aimé ‘pire’ : C. Jérôme, Dave, Gérard Lenorman… et alors ?!? J’assume tous mes goûts en bloc. » (Jérôme Dahan dans la revue Platine, n°11, avril/mai 1994, p. 13) ; « Moi, j’aime le music-hall. » (Charles Trénet) ; « Aristophane était un très bon metteur en scène de music-hall. » (Jacques Lacan, Séminaire, cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 524) ; etc. Je vous renvoie au documentaire « Porträt Marianne Rosenberg » (1976) de Rosa von Praunheim sur les stars du disco, ainsi qu’au docu-fiction très camp « Brüno » (2009) de Larry Charles.

 

 

Dans l’essai Para Enterdernos (1999), on retrouve dans les remarques d’Alberto Mira au sujet du kitsch et du camp l’idée que les désirs homosexuel et hétérosexuel émanent de la misère affective et culturelle d’Occident, reflet inversé de la misère du Tiers-Monde : « Le Festival de l’Eurovision est le ‘camp’ des pauvres. » (p. 287)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles sont fans – et parfois créatrices – de kitsch, cet art-poubelle plein de « bons sentiments » et d’artifice forcé : je pense aux nombreuses émissions de télé-réalité comme The Voice, Secret Story, La Nouvelle Star, l’Eurovision, et aux nombreuses sitcoms qui sont suivies par un public homosexuel. Par exemple, dans le documentaire Ouganda : au nom de Dieu (2010) de Dominique Mesmin, Joseph, le sorcier gay, a dans sa chambre un énorme poster des Spice Girls. Autre exemple : Jack Smith est amateur de séries B glamour. Bruce Benderson traduit une autobiographie de Céline Dion. Le couturier Jean-Paul Gaultier dit que pendant son adolescence, il a été nourri par les images et les séries qu’il voyait chez sa grand-mère chérie. Dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi, Luca pleure à chaudes larmes devant Nos plus belles années. On peut aisément qualifier de kitsch les tableaux bucoliques de Pierre et Gilles, les poésies pastorales de Luis Cernuda, etc.

 

Dans les pièces et les romans de Copi, il est fréquent de lire l’imprégnation de la sentimentalité exacerbée kitsch, des séries à l’eau de rose de la télé : « Je dis que je ne supporte plus qu’elle prennent toutes les décisions, je veux divorcer. Elle rit de son rire américain, tu n’oseras jamais, dit-elle, et elle continue de lire avec ses lunettes de contact. Je me sens sans force, je vais pleurer dans la cuisine […]. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977), p. 97) ; « Je me plonge dans la lecture des sous-titres des photos de Paris-Match. » (idem, p. 26) ; « Je veux parler d’abord avec mon avocat ! » (Daphnée dans la pièce La Tour de la Défense, 1974) ; « Hello, John ? Where is Katia ? She is there ? I want her back ! » (Daphnée au téléphone, idem) ; etc.

 

Il y a dans cet attachement homosexuel au kitsch à la fois de la distance (un second degré plus intellectuel qu’effectif) et aucune distance réelle (car les personnes homosexuelles ont tendance à confondre l’art avec l’amour, ou l’esthétique avec l’éthique) : « Aujourd’hui encore, je n’aime pas que l’on se moque de ce genre de films. » (Frédéric Mitterrand à propos de son attachement aux films de série B, La Mauvaise Vie (2005), p. 115)

 

Plus c’est (apparemment, médiatiquement) rejeté et destiné à la poubelle, plus la communauté homosexuelle défend (plus ou moins avec autodérision) telle ou telle vedette : c’était le cas de Chantal Goya, mise plus bas que terre après son passage catastrophique au Jeu de la vérité ; de Lady Di rejetée par la monarchie britannique ; c’est aussi le cas de Cindy Sander (qui fait l’objet d’une ovation générale plus qu’ambiguë et iconoclaste de la part du public gay lors de son apparition à la soirée dansante Follivores au Bataclan à l’occasion de la Marche des Fiertés de Paris le 28 juin 2008) ou encore de Vanessa Paradis. « Parce que quand tout le monde s’est mis à lui cracher dessus après le succès de ‘Joe le taxi’, les gays l’ont tout de suite adoptée. » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 101)

 

FEUILLETONS Mireille Matthieu

Le « charme » du désuet ou du rétro-laid clinquant…


 

Le kitsch, en même temps qu’il s’affiche, cherche à détruire sa propre naïveté avec le camp, ce kitsch soi-disant « second degré », un kitsch de destruction qui vise à prouver par l’acte iconoclaste que le kitsch naïf serait finalement vainqueur, tout-puissant et immortel. Par exemple, le romancier espagnol Terenci Moix revendique son goût pour le toc artistique face à la haute littérature, ce qui ne l’empêche pas de choisir pour cible privilégiée les revues people. Il est kitsch dans tous les sens du terme : à la fois kitsch et camp. « Parler du kitsch pour le dénoncer, c’est encore être dans le kitsch. » (Lionel Souquet, Le Kitsch de Manuel Puig (1996), p. 201)

 

Dans les spectacles travestis (passant mettre dans l’art du détournement parodique), ou encore dans les spectacles tels que la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (parodiant les soaps opéras, à la sauce gay) ou les comédies musicales avec Denis d’Archangelo (Le Cabaret des hommes perdus, puisant dans la culture music-hall), le kitsch est forcé, glorifié en même temps que détruit ; les séries télé sentimentales (soap opéras, telenovelas, sitcoms de maison de retraite de début d’après-midi) sont reprises abondamment et détournées ; les divas distinguées se mettent à roter, arrivent en béquilles sur scène, chantent l’amour déçu.

 

Comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus de Christian Siméon

Comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus de Christian Siméon


 

Dans leur cœur, une grande part des personnes homosexuelles n’ont pas renoncé à se prouver à elles-mêmes et à prouver au monde la profondeur de l’artifice, la beauté de leurs bons sentiments : « Tendre vers l’artifice, n’est-ce pas chez l’homme l’ambition la plus pure, la moins mensongère ? » (Yukio Mishima, Correspondance 1945-1970 (1997), p. 18) ; « Magnifiques, ces bijoux. Le toc, j’adore. » (Yves Saint-Laurent s’adressant à Loulou, une femme algérienne, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; « De la bêtise, je n’aurais le droit de dire, en somme, que ceci : qu’elle me fascine» (Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 56) ; « Rengaines, complaintes populaires, vieilles estampes, images d’un sou, spectacles de foires : autant de matériaux, réputés mineurs, qui fascinent Verlaine et nourrissent son inspiration. » (cf. l’article « Sentes buissonnières » de Daniel Grojnowski, dans le Magazine littéraire, n°321, mai 1994, p. 45)

 

Nous trouvons fréquemment une défense du « bon goût du mauvais goût » chez des critiques homos pourtant lettrés mais qui se laissent parfois aller à leurs élans « bobos » sentimentalo-esthétiques. Par exemple, Didier Roth-Bettoni, dans son essai L’Homosexualité au cinéma (2007), qualifie le film « Super 8 ½ » (1998) de Bruce LaBruce de « grand mauvais film ».

 

Kitsch et Camp jouent au ping-pong pour mieux, par leur concert, occulter l’absence de liberté et de Réalité que vit le créateur homosexuel qui les met en scène dans ses séries télé (et dans les détournements parodiques de celles-ci). La philosophe Susan Sontag a parfaitement bien analysé les pièges de la sincérité homosexuelle au niveau artistique avec ses essais sur le Camp (je crois qu’elle appelle « camp naïf » le kitsch) : « Il faut distinguer le Camp naïf et le Camp concerté. Le pur Camp est toujours naïf. Le Camp conscient (faire du Camp) paraît, en général, beaucoup moins bon. Le Camp à l’état pur est involontaire, d’un sérieux total. […] Il n’a pas la moindre intention d’être drôle. […] Le Camp intentionnel n’est sans doute jamais réussi. […] Le Camp spécule sur l’innocence : ce qui signifie qu’il la révèle, mais aussi, quand il le peut, qu’il la corrompt. […] L’élément essentiel du Camp, naïf ou pur, c’est le sérieux, un sérieux qui n’atteint pas son but. […] Le Camp, c’est un art qui se prend au sérieux, mais qui ne peut être pris tout à fait au sérieux, car il ‘en fait trop’. […] Une œuvre qui aurait pu être camp ne l’est pas du fait qu’elle atteint son but. […] N’est pas camp ce qui est extravagant d’une façon inconsistante et plate ; et jamais ne sera camp tout ce qui ne porte pas la marque d’une sensibilité aiguë, et en quelque façon déchaînée. Sans la passion, on ne saurait avoir que du ‘pseudocamp’, quelque chose de purement décoratif, inoffensif – du ‘chic’ en un mot. […] Une fois de plus, répétons-le, le Camp, c’est un effort pour faire de l’extraordinaire. Mais de l’extraordinaire dans un certain sens : le fascinant, le hors série. […] Le Camp vise à détrôner le sérieux. […] On peut se moquer du sérieux et prendre la frivolité au sérieux. […] Le Camp, c’est de la sensiblerie. » (Susan Sontag, « Le Style Camp », L’Œuvre parle (1968), pp. 432-449)

 

Même dans l’anti-conformisme, les personnes homosexuelles avouent elles-mêmes qu’elles sont à la merci des modes : « J’ai le Sida. J’attrape toutes les modes. » (Copi s’adressant à Facundo Bo, et cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 479) ; « J’ai souvent des idées qui sont assez ‘dans l’air du temps’. » (Klaus Mann, Journal (1937-1949), p. 326) ; « Piera suivait la mode avec ferveur : elle dévorait les pages des magazines, choisissant toujours les modèles les plus bourgeois. » (Alfredo Arias parlant d’un travesti M to F, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 14) ; « J’adorais suivre la mode. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 21) ; etc.

 

Pour ma part, comme je peux difficilement changer ce que j’aime, j’essaie d’assumer au mieux le côté kitsch (ou, mieux dit, « le côté misère » !) de mes goûts musicaux/cinématographiques/télévisuels/sexuels, et j’avoue qu’ainsi, ça apporte à ma personnalité un vrai capital sympathie, très décomplexant et convivial en groupe (à condition que je ne m’y installe pas trop…) !

 

 
 

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Code n°89 – Homosexualité, vérité télévisuelle ? (sous-codes : Miroir d’homosexualité / Porno)

Homosexualité télévisuelle

Homosexualité, vérité télévisuelle ?

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Un désir homosexuel sérieux mais quand même essentiellement superficiel

 

TÉLÉVISUELLE Morandini

Sébastien et Milan dans l’émission de télé-réalité Qui veut épouser mon fils? de Jean-Marc Morandini (j’adore la réaction amusée des spectateurs du public derrière…)


 

L’homosexualité est-elle aussi indiscutable et « naturelle » que nos médias et les personnes gays friendly veulent bien le faire croire ? Aux vues des vecteurs de découverte ou d’expression ou de pratique du désir homosexuel – des vecteurs liés intimement au monde des objets et des images médiatiques -, non. Ce sont surtout les écrans de télé qui apprennent aux personnes homosexuelles leur homosexualité et qui à présent les forcent à l’outing, tout ça avec les meilleures intentions du monde. Ces écrans ne sont pas que supports ou outils d’un désir qui aurait déjà existé avant eux. Ce sont les hommes-objets, bien avant d’être des êtres de chair et de sang, qui ont été les messagers de l’homosexualité… ce qui suffit à discréditer en partie la croyance en la « vérité » ou la « nature » homosexuelle. Non pas que le désir homosexuel n’utilise pas les corps ou la Nature pour se former, se faire sentir et s’exprimer. Mais c’est dans un second temps. Avant l’action ou le désir, il y a eu la croyance aux images, à une rumeur, à des sentiments brodés par le cinéma. Il y a eu une idolâtrie et une sentimentalisation érotisante des images et des objets.

 

Le désir homosexuel, parfois profond, n’en est pas pour autant fondamental, car il surgit surtout de nos écrans télévisuels, Internet, cinématographiques, bien avant d’émaner d’une Incarnation réelle, positive, et bien avant de se lire/s’évaluer à travers le contact des corps.

 

Dès que le paraître prédomine sur l’être, nous pouvons être sûrs que le désir homosexuel n’est pas loin ! Les premières personnes homosexuelles connues ont souvent été médiatiques avant d’exister dans notre quotidien, et les premières personnes sur qui les sujets homosexuels ont flashé sont d’abord des acteurs ou des hommes-objets publics, comme si tout concourait à nous illustrer que l’homosexuel est un être majoritairement mythique, et que les personnes réelles qui cherchent à s’y identifier ont déjà commencé à quitter le Réel, sont en processus de réification.

 

Sacha, "le gay" tout désigné de l'émission Secret Story 8 (2014) sur TF1

Sacha, « le gay » tout désigné de l’émission Secret Story 8 (2014) sur TF1


 

Est-il pourtant si juste de dire que l’orientation homosexuelle est une mode due à la télé, sachant que des personnes homosexuelles ont existé avant la naissance du petit écran et du cinéma ? Bien sûr que non. Si la télé a assurément accéléré les choses et donné au désir homosexuel davantage de matière et de puissance, les interférences entre le monde fictionnel et la sexualité des individus réels restent à ranger du côté de la coïncidence et non de la causalité. On n’a peu de réponses sur l’origine précise de l’homosexualité. Mais la coïncidence de la modernité ultra-médiatisée est forte et à reconnaître ! Plus un peuple se réfugie dans le virtuel, la consommation et le matérialisme (et d’aucun savent que les objets sont asexués et utilisables quand même dans la luxure), plus il se dirige vers l’homosexualité.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles ont cru apprendre leur désir homosexuel à travers la télé, une image de magazine, un témoignage médiatique qui a agi comme un déclencheur (de ce qui existait déjà ? Pas sûr…). Nous allons mener l’enquête et écouter les individus directement concernés.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Miroir », « Don Juan », « Télévore et Cinévore », « Amant modèle photographique », « Amant narcissique », « Tomber amoureux du leader de la classe ou d’un personnage de fiction », « Patrons de l’audiovisuel », « Moitié », « Pygmalion », « Poids des mots et des regards », « Poupées », « Bovarysme », Peinture », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Chevauche de la fiction sur la Réalité », « Substitut d’identité », « Musique comme instrument de torture », « Fan de feuilletons », et « Promotion ‘canapédé’ », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Chère télé, tu m’as fait homo ! :

Tableau Outside The Box de Chuck Gumpert

Tableau Outside The Box de Chuck Gumpert


 

Dans les fictions homo-érotiques, les stimuli du désir homosexuel que ressent le héros homosexuel sont presque toujours les images violentes ou déréalisées de la télévision, du cinéma, de la radio et des magazines qu’il a regardées ou entendues : « La Vérité dorénavant sort de la bouche de nos écrans. » (cf. la chanson « Déconnecter » du groupe L5) ; « On a fait une expo, vu deux films, et on a fini par coucher ensemble. » (Matthieu en parlant de son amant Jody, avec qui il trompe son copain actuel Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « J’ai été au cinéma, et d’un seul coup, je me suis dit que j’étais gay. » (Damien, le héros homo de la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois) ; « C’était toujours avec autant de vivacité que les images torrides de notre rencontre initiale me poursuivaient, aussi bien dans mes rêves, que pendant la journée, lorsque mon corps croisait […] le corps presque nu d’un mannequin plaqué sur une affiche de sous-vêtements, ou d’une eau de toilette. » (Éric, le héros homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 145) ; « Ben affirme avoir été attiré par les hommes plus âgés depuis qu’il a commencé à se branler devant des magazines – il avait douze ans et vivait à Colorado Springs. Il se rappelle qu’il rentrait de l’école à fond de train pour chercher dans le dernier Sports Ilustrated de son père une photo de Jim Palmer en caleçon, vision qui le mettait en transe. » (Michael, le héros homosexuel du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, pp. 22-23) ; « Il est loin le temps des câlins contre sa joue comme dans les pages de la Redoute ! » (le gode vibreur parlant, dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont) ; « Au moment où elle [Sheela] grimpait dans son car, elle se retourna pour me lancer un grand sourire. On aurait cru un mannequin dans une pub de shampoing. Les femmes s’éloignaient dans le lointain puis virevoltaient pour montrer leur visage au public. J’avais l’impression qu’il y avait du glamour dans ma vie. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, pp. 166-167) ; « C’est comme ça que j’ai fini avec un tatouage de Jean-Pierre Pernaud sur la jambe. » (Arnaud, le héros homo, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Moi, c’est par un coup de fil que tout à commencer. » (Rémi racontant sa rencontre amoureuse avec Damien, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; etc.

 

« Faire télévisuel », cela revient à « faire homosexuel ». Par exemple, dans le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe, le duo de policiers qui doit suivre les héros en filature avec une couverture discrète – choisit d’imiter les deux héros de la série Deux flics à Miami, mais dans leur version gay : « C’est fini, les couvertures ringardes : vous êtes un couple gay à Miami. » leur ordonne le chef de mission. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon rit de détenir en sa personne tous les critères qui font d’elle le prototype parfait de l’OVNI télévisuel qui va susciter l’intérêt médiatique : « Femme, homosexuelle et noire : ces trois personnes, c’est moi ! » Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Tom, le héros homosexuel, fait son « coming out » devant les caméras de télé venues le fimer chez lui à la campagne. Cindy, le prototype de la potiche hétérosexuelle servant de couverture médiatique à Tom, a joué pour les bienfaits de l’émission de télé-réalité voyeuriste Secret Story le rôle d’une lesbienne portant le secret suivant : « Je suis sortie avec une ancienne lesbienne bodybuildée et j’ai quatre orteils. » D’ailleurs, toute la pièce est bourrée de références publicitaires ou télévisuelles : à un moment, les personnages participent à un grand jeu de télé-réalité (Stars chez eux) où le principe, pour gagner de l’argent, c’est de sortir un maximum de noms de marques. À la fin, Louis, l’un des héros homo, dit à son futur amant Tom que s’il avait osé être un modèle télévisuel gay assumé, lui aurait eu plus de facilité à s’assumer homo quand il était ado. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homosexuel, dit à la vieille Olga que les couples gays sont les stars taillées pour faire partie des jeux télévisés débiles. Le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, les militants filment leur vie. Et même leur mort, ils l’exploitent pour écrire des communiqués de presse « engagés ».

 

La télévision est souvent choisie par le héros homosexuel comme support d’identification homosexuelle. Par exemple, dans le film « Charlotte dite ‘Charlie’ » (2003) de Caroline Huppert, Charlie part feuilleter le roman Carol de Patricia Highsmith à la librairie, écoute Macha Béranger à la radio, mate une scène érotique entre deux femmes à la télévision. Dans le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent, Vincent se dit troublé et fasciné dans sa propre sexualité à cause du film « Le Secret de Brokeback Mountain » qu’il a vu la veille à la télé. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bertrand, le héros homosexuel, déclare sa flamme à Didier – à l’insu de de dernier, bien évidemment – dans l’émission Y’a que la Vérité qui est vraie (parodie du talk-show de TF1 Y’a que la vérité qui compte) pour nourrir son fantasme non-réciproque d’amour homo. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homo, se masturbe avec des photos d’hommes dans les magazines. Dans le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, c’est en regardant une revue pornographique chez les louveteaux que Steven découvre qu’il est homo. Dans le film « Une Grâce stupéfiante » (1992) d’Amos Gutman, Jonathan, 18 ans, se masturbe devant des revues. Dans le film « Quels adultes savent » (2003) de Jonathan Wald, Maurice demande à son jeune amant Roy où il a appris son homosexualité : Roy lui répond : « En regardant la télé. » Dans le one-man-show Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, le déclencheur de l’homosexualité d’Hervé est le catalogue de la Redoute. Dans la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon, Martial adolescent se branlait devant Albator, le pirate balafré. Dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, James dit que son homosexualité a été révélée par le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant. Dans le film « Le Placard » (2000) de Francis Veber, l’homosexualité de François Pignon n’est réelle qu’à la télévision, au JT montrant les chars de Gay Pride. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), Fabien, le héros homosexuel, revient sur la genèse de son homosexualité : « Ça remonte à l’époque où je feuilletais les 3 Suisses de ma mère. » Plus tard, il déclare que la télé assigne l’homosexualité aux gens : « À la télé, tout le monde savait que Steevy Boulay était gay… sauf lui ! » Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, Rachel, l’héroïne lesbienne, a loué un DVD pornographique lesbien intitulé « Georgie Bush » ; mais sa mère débarque, et sa fille est tétanisée à l’idée de voir son secret démasqué.

 

Le couple de futurs mariés Emily et Howard, dans le film "In & Out" de Frank Oz

Le couple de futurs mariés Emily et Howard, dans le film « In & Out » de Frank Oz


 

Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Howard Brackett apprend son insoupçonnée homosexualité de la bouche d’un de ses anciens élèves, Cameron Drake, qui l’a remercié en tant que « gay » (« Je dédie cet Oscar à ce super prof qui est gay. ») devant des millions de téléspectateurs en recevant l’Oscar du meilleur acteur pour un film où il a joué le rôle d’un homo. Les journalistes et les médias se saisissent de cet outing pour traquer Howard. Pour ce dernier, il y a bien eu un avant et un après Cérémonie des Oscars : « Avant les Oscars, c’était différent parce que vous n’étiez pas… » (Mike, un des élèves de Howard, craignant pour ses fesses, dans les vestiaires de la fac) Ensuite, Howard s’entend confirmer son homosexualité par la télé, dans les émissions et les Journaux Télévisés, et devient hystérique auprès d’Emily, sa prétendue future épouse, dès qu’il voit un présentateur-télé efféminé qui fait de l’aérobic dans le petit écran : « Éteins-moi ce mec !!! » La télévision – et surtout la rumeur qu’elle a colportée – semble avoir créé de toute pièce son homosexualité. Et d’ailleurs, notre prof de lettres finira en couple avec un journaliste de la télé, Peter Malloy, à qui il reprochera au départ d’« être le plus pur produit de la télévision. »

 

Les films pornos semblent avoir eu un impact important dans la découverte du désir homosexuel, comme le montrent des films tels que « Afrika » (1973) d’Alberto Cavallone, « Faut pas penser » (2014) de Raphaël Gressier et Sully Ledermann (avec la référence au film « Le Secret de Brokeback Mountain »), etc. « Nous commencerons par cet acteur pornographique. Ça commence toujours par là. » (Samuel Ganes dans son one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle, 2009) ; « Je me surpris à dérouler dans ma tête un film porno dont je ne faisais plus partie. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 26) ; etc. Par exemple, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella matte des films pornos lesbiens pour s’exciter, pendant que sa compagne Dotty est au lit avec elle. Dans le film « Le Faux-cul » (1975) de Roger Hanin, Hélène Duc est amatrice de revues pornos lesbiennes. Pendant le concert Météor Tour (2010) d’Indochine à Paris Bercy, la voix-off d’un enfant dit qu’il regarde des films pornos avec sa mère. Dans la pièce En panne d’excuses (2014) de Jonathan Dos Santos, au moment où Guillaume doit faire du bouche à bouche à son meilleur ami Louis qui s’asphyxie, il pense immédiatement à la pornographie homosexuelle : « Ça devient du porno gay, ton truc… On n’est pas des bêtes ! ». Dans la nouvelle La Nuit est tombée sur mon pays (2015) de Vincent Cheikh, le narrateur homosexuel évoque avec nonchalance « qu’il y a du sexe dans son ordinateur ».

 

Film "Garçon stupide" de Lionel Baier

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

Beaucoup de héros homosexuels viennent d’ailleurs de la télé et y travaillent. « Y’a plein de bis [= bisexuels] dans les séries TV. Sauf que j’en suis pas. » (Lennon, le héros finalement bien homosexuel, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Romain, t’es un vrai cliché sur pattes. » (Romain Canard, le coiffeur homosexuel se parlant à lui-même, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « J’ai le même truc que ce pédé de Rock Hudson. » (Ron, le héros hétérosexuel parlant du VIH, dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée) ; « Oh la la… Y’a vraiment beaucoup de pédés là-bas ! » (Laurent Violet se référant au monde de la télé, dans son one-man-show Faites-vous Violet, 2012) ; « Chez les pédés, c’est fréquent de tomber sur des mecs qui veulent être chanteur, acteur, mannequin. » (Matthieu, l’un des héros homos de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Avec toutes ces conneries, on a perdu beaucoup d’argent. On est passé à l’émission ‘Money Drop’ de Florence Boccolini, spéciale couples gays. » (Benjamin parlant de lui et de son amant Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Ruzy, l’un des héros homosexuel, est une star du football très médiatisée. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Jonathan fait figurant dans les films. Dans le film « I Love You Baby » (2001) d’Alfonso Albacete et David Menkes, Marcos, l’un des héros homo, joue des petits rôles dans des téléfilms série B. Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, Max, le héros homosexuel, déclare qu’il est un « acteur amateur en fin de droit », et en désespoir de cause et de contrat, il se retrouve à accepter un casting avec Mumu, une amie lesbienne, qui se trouve être un casting d’un film porno où ils ont évidemment du mal à jouer les rôles que la voix-off du régisseur leur commande : « Qu’est-ce qu’il vous prend, Palmade et Moresmo ? On n’est pas sur un char ! » Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca fait de la figuration pour la publicité. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, les amants François et Thomas se sont rencontrés en regardant ensemble un match de foot Paris-Guingamp à la télé.

 
 

b) L’homosexualité, une réalité venue du miroir ou de l’écran :

Le soupçon d’homosexualité a parfois besoin du monde du miroir pour acquérir une consistance. Je vous renvoie au film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano. Par exemple, dans le film « Les Roseaux sauvages » (1994) d’André Téchiné, François, le héros homosexuel se répète plusieurs fois de suite devant sa glace qu’il est homo. Dans le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta, Sita, l’héroïne lesbienne, fait de même. Dans le film « J’embrasse pas » (1991) d’André Téchiné, Pierre devant la glace des sanitaires se dit à lui-même : « Jamais tu feras partie de la société, t’as pas de couilles, t’es qu’un déchet. » Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, les premières images montrent le héros bisexuel devant sa glace, en train de se maquiller et de révéler son homosexualité. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, la photo de Nathan et de Louis s’embrassant secrètement à une soirée de jeunes circule sur les réseaux sociaux : Nathan fait croire que c’était un jeu, pour faire mentir son acte.

 

Je vous renvoie bien évidemment au code « Miroir » dans mon Dictionnaire des Codes homos, pour compléter ce sous-chapitre.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

a) Chère télé, tu m’aurais fait homo !

À bien y regarder, les toutes premières personnes homosexuelles que nous avons connues sont toutes sorties de nos écrans. « De l’amour entre garçons, on n’en parlait jamais ou presque peu, par inadvertance en tout cas, et uniquement dans certains milieux, pour commenter tel ou tel événement lié à une star de cinéma ou de la chanson. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 60)

 

Et cela se confirme aujourd’hui avec les présentateurs-télé, les pubs, les images de Gay Pride, les personnages de séries ou les candidats de télé-réalité. « Dans la réalité, une mouvance gay s’exprime dans les médias d’une manière provocatrice qui me dérange et le tapage médiatique qui en résulte offre une vision unilatérale de l’homosexualité. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 132) ; « La télévision invente son personnage favori : le bon gay, que tout le monde adore. » (la voix-off du documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « Il y a plein de personnages gays à la télé. » (Rich Juzwiak, idem) ; etc.

 

 

Par exemple, en 2009, 18 personnages sur 106 (à savoir 3%) dans les séries américaines sont homos. Et même les héros jadis hétérosexuels se mettent à faire leur coming out ou à s’offrir une petite fantaisie homo-bisexuelle coquine (cf. la sitcom Hélène et les garçons). Par exemple, dans la série Demain nous appartient diffusé en 2017 sur la chaîne TF1, l’homosexualité est vraiment mise à l’honneur, sans être non plus vraiment problématisée ni traitée. Beaucoup de personnages sont soit en couple (Sarah et Yasmine, Sandrine et Laurence), soit homos déclarés (Étienne, l’interne à l’hôpital de Sète), soit homos suspectés (Rachel).

 

 

L’homosexualité, concrètement, s’annonce comme un outil et un champ de propagande télévisuelle. En France, ceci est très clairement visible avec les deux mass médias Canal + et ARTE. Canal + (qui s’appelait initialement La Sept et que certains surnomment ironiquement « Anal + » tellement l’idéologie et la pratique bobo-bisexuelle y sont implantées) fut la seule chaîne de télé en France à proposer les premières Nuits Gay. La chaîne de télévision franco-allemande ARTE a une programmation particulièrement gay friendly et propose carrément en 2014 une plate-forme interactive « Easy Coming Out », pour aider le téléspectateur à faire son coming out ! Sa programmation est de plus en plus homosexuelle, à tel point qu’à côté de Pink TV, je vois à peine la différence… sauf par rapport à l’affichage explicite de l’homosexualité et à la censure du porno homo, mais à part ça, c’est presque pareil !

 

Dans les discours et témoignages de beaucoup de personnes homosexuelles, les stimuli du désir homosexuel qu’elles ressentent sont presque toujours les images violentes ou déréalisées de la télévision, du cinéma, de la radio et des magazines qu’elles ont regardées ou entendues. Par exemple, dans le documentaire « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati, Olivier dit que ce sont les catalogues de vente par correspondance de sa mère qui ont servi de révélateurs de son homosexualité. De son côté, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), Alexandre Delmar nous parle également de « ces gars qui posent dans les pages ‘sous-vêtements masculins’ des catalogues de vente par correspondance » (p. 72) et qu’il avoue avoir regardé quand il était seul pendant son adolescence. Dans l’émission Bas les Masques (1992) de Mireille Dumas, Éric, homosexuel, affirme avoir maté étant jeune les revues du bureau de tabac de ses parents. Dans son autobiographie Suspiros De España (1993), Terenci Moix achète des revues de culturisme américaines dans un kiosque de las Ramblas de Barcelone ; il dit aussi sa fascination pour les péplums au cinéma, et les aventures orientales de John Hall dans « Les Mille et une nuits » (1942) de John Rawlins. Dans le documentaire « Le Bal des chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder, une des intervenantes lesbiennes, affirme que son homosexualité a trouvé corps grâce à son dictionnaire : il a suffi qu’elle voit le mot « homosexualité » nommé et acquérir un statut de nomenclature scientifique pour y croire pour elle. Dans son autobiographie  Mauvais Genre (2009), Paula Dumont dit que c’est en lisant le mot « homosexualité » dans Les Discours du Docteur O’Grady (1922) d’André Maurois, qu’à 14 ans, elle a reçu un électrochoc : « L’homosexualité existait, j’étais homosexuelle. » (p. 76) Le célèbre blogueur Julien Dachaud alias Newtiteuf révèle carrément qu’il a découvert son homosexualité au moment où il est « rentré sur Youtube » et à cause de ses vidéos (1’50).

 

« La première fois que j’ai entendu le mot homosexuel, c’était à la radio, j’avais quatorze ans, et j’écoutais la radio le soir tard, dans mon lit. » (Lidwine, femme lesbienne de 50 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 64) ; « Ma découverte de la sexualité, c’est d’abord au travers de photos que je l’ai faite. Des photos pornographiques que mon père cachait dans un placard et sur lesquelles j’étais tombé par hasard. Ces photos montraient des couples en train de mimer l’acte sexuel à deux ou à plusieurs : c’est à cause de ces photos que j’ai découvert la masturbation, et pour moi la sexualité s’arrêtait à cela, car je n’ai pas reçu d’éducation sexuelle de mes parents. » (Philippe, homosexuel séropositif, dans son autobiographie L’enfer est à vos portes, 1991) ; « Mes frissons se cantonnent à la lecture de catalogues de vente par correspondance. Je contemple rêveusement les pages où les mannequins posent en sous-vêtements, admirant leurs torses et fixant leurs slips d’un regard interrogateur. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 20) ; « C’est sur Internet qu’Isaac a pu mettre un nom sur ce qu’il traversait. » (la voix-off parlant d’Isaac, femme F to M qui s’appelle initialement Taïla, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; « Je me suis cherchée toute seule sur Internet… un psychologue. » (Jackie, homme M to F, idem) ; « Ouais : c’est Internet. » (Lucas Carreno, femme F to M, parlant de sa transidentité, pendant le débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017) ; etc.

 

Le joli couple homosexuel médiatique/livresque a souvent été pris par les personnes homosexuelles pour le couple homo réel, pour une identité personnelle réelle, pour un amour réel : « Jack et Ennis sont comme tous les amants. » (Thomas Sotinel cité dans l’article « Le Secret de Brokeback Mountain : à l’ouest, un amour impossible » du journal Le Monde daté du 17 janvier 2006) ; « J’ai récemment tenu une conférence à Harvard sur la manière dont les films nous façonnent tout au long de notre enfance. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 33) ; « C’est par les livres que c’est venu. » (Luc, homme homosexuel cité dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 87) ; etc.

 

La scène d’un baiser cinématographique lesbien ou gay, ou la vue d’un coming out ou d’un « couple » homo à la télé, a pu agir comme un électrochoc dans l’esprit de beaucoup de gens. Par exemple, Susie Bright parle du baiser de Marlene Dietrich travestie en homme dans le film « Morroco » (1930) de Josef Von Sternberg comme un événement-clé dans la découverte de son homosexualité (cf. le documentaire « The Celluloïd Closet » (1995) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman). Dans son documentaire « Yang + Yin : Gender In Chinese Cinema » (1997), Stanley Kwan dit qu’il a éprouvé ses premiers émois sexuels devant les corps nus des films de Kung Fu (cf. l’essai L’Homosexualité au cinéma (2007) de Didier Roth-Bettoni, p. 663). Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, Empar Pineda raconte qu’au cinéma « elle préférait se concentrer sur les protagonistes masculins des films, et qu’elle s’identifiait peu au rôle assigné à la femme, même si elle commençait à sentir de l’attirance pour elle. » (p. 164)

 

Il semble même que l’image télévisuelle ou cinématographique ait précédé (et créé) le sentiment homosexuel : « Avant même de savoir si j’étais gay, je me branlais devant les pubs de slips Calvin Klein. » (le chanteur homosexuel Jake Shears dans le documentaire « Sex’n’Pop, Part IV » (2004) de Christian Bettges) ; « Le rôle de Frank-N-Furter dans ‘The Rocky Horror’… J’étais obsédé par ce personnage. Sans le ‘Rocky Horror Picture Show’, je ne sais pas si j’aurais fait mon coming out aussi tôt. Je l’ai fait à 15 ans, un peu grâce à ce film. » (idem) ; « Au début, je me le cachais. Non, je ne suis pas comme ça, non, je ne suis pas comme ça. Et puis je me suis dis : quand j’étais petite, y’avait quand même ça, ça et ça… Je regardais les filles à la télé. » (Sophie, jeune femme lesbienne, dans l’émission Ça se discute, diffusée sur la chaîne France 2 le 18 février 2004) ; etc.

 

Moi-même, même si j’ai été attiré sexuellement à l’adolescence par les hommes avant de savoir ce que les mots « hétérosexualité » et « homosexualité » signifiaient, j’ai quand même été excité homosexuellement d’abord et avant tout avec des images télévisuelles (pas nécessairement érotiques ou pornos, d’ailleurs) et des photos de magazine.

 

Avec la télé et le cinéma, on oscille constamment deux questions : « Sont-ils moyen/vecteur d’homosexualité ? ou moteur/créateur d’homosexualité ? ». Et on n’aura jamais la réponse. C’est un peu l’histoire de la poule et de l’œuf : on ne sait pas trop qui de l’écran et qui de la personne a commencé. Mais tout semble dire que c’est d’abord l’écran, ou plutôt une relation à l’écran que l’image qu’il diffuse a suscité par sa violence et son irréalité. Par exemple, à l’émission radiophonique Ce n’est que de l’Amour de RCN Nancy du 18 octobre 2011, Thibaut Fougères, gérant de Outplay, affirme que c’est à 15 ans, devant un film, qu’il a découvert son homosexualité : « Toutes personnes homosexuelles s’est identifiées dans un film gay ou lesbien. Moi, je me souviens, quand j’avais 14-15 ans, c’est en regardant un film gay que je me suis identifié, et que je me suis découvert, et que je me suis assumé. Le cinéma permet de faire son coming out. »

 

Le réalisateur brésilien Daniel Ribeiro raconte que c’est en regardant le film « Beautiful Thing » (1996) d’hettie McDonald que l’homosexualité a pris forme dans sa tête et dans son corps : « Il y a une quinzaine d’années, quand j’avais 16 ans, ce que je voulais voir c’était des personnages gays décrits de façon positive parce que ce qui m’intéressait au cinéma c’était de voir des personnages dans lesquels je pouvais me reconnaitre. L’exception étant ‘Beautiful Thing’, qui parvenait à montrer qu’être gay, c’était possible. » (Daniel Ribeiro, entretien réalisé le 23 juin 2014)

 

Dans son roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, Eddy Bellegueule raconte comment le fait qu’il regardait la télé et ne jouait pas au foot comme les jeunes de son âge (10 ans) a été vite identifié comme une preuve d’homosexualité par ses parents : « Et pis tu sais bien, il est un peu spécial Eddy, enfin pas spécial, un peu bizarre, lui ce qu’il aime c’est regarder tranquillement la télé. » (le père d’Eddy qui n’ose pas nommer explicitement sa suspicion d’homosexualité sur son fils, p. 32) Et à la même période, l’homosexualité télévisuelle lui a sauté dessus, l’a pris au dépourvu et, par l’intermédiaire de la rumeur et des regards des autres puis par son propre consentement personnel, est venue achever en lui son atavisme symbolique. « Sur l’autre chaîne il y avait un homosexuel qui participait à une émission de téléréalité. C’était un homme extraverti aux vêtements colorés, aux manières féminines, aux coiffures improbables pour des gens comme mes parents. L’idée même qu’un homme aille chez le coiffeur était mal perçue. […] Il les faisait beaucoup rire – toujours les rires – à chacune de ses prises de parole. ‘Ah ! Celui-là il fait du vélo sans selle. J’aimerais pas ramasser la savonnette à côté de lui. Lui, pédé ? Plutôt se faire enculer.’ L’humour qui à certains moments cédait la place au dégoût ‘Faut les pendre ces sales pédés, ou leur enfoncer une barre de fer dans le cul.’ C’est à ce moment, au moment où ils faisaient des commentaires sur l’homosexuel de la télévision, que je suis rentré au collège. Il s’appelait Steevy. Mon père s’est tourné vers moi, il m’a interpellé ‘Alors Steevy, ça va, c’était bien l’école ?’ Titi et Dédé se sont esclaffés, un véritable fou rire […] : ‘Steevy, oui c’est vrai que maintenant que tu le dis, ton fils a un peu les mêmes manières quand il parle.’ L’impossibilité, encore, de pleurer. J’ai souri et je me suis précipité dans ma chambre. » (idem, pp. 116-117) Plus tard, Eddy entretient avec les modèles pornographiques hypersexués qu’il a vus un rapport idolâtre de peur/fascination qui le conduit à reproduire concrètement avec ses cousins certaines scènes dans un hangar : « En rentrant chez moi je pleurais, déchiré entre le désir qu’avaient fait naître en moi les garçons et le dégoût de moi-même, de mon corps désirant. […] Mon cousin a demandé ‘On pourrait faire comme dans le film, les mêmes trucs.’ […] C’était le début d’une longue série d’après-midi où nous nous réunissions pour reproduire les scènes du film et bientôt les scènes de nouveaux films vus entre-temps. » (pp. 150-154)

 

Est-ce un hasard si l’année du procès d’Oscar Wilde (= 1895) correspond à l’année de l’invention du cinéma ? Je ne crois pas. Je vous renvoie également au code « Télévore et Cinévore » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Par exemple, dans le documentaire « Looking For Gay Bollywood » (2012) de Nasha Gagnebin se penche sur la représentation de l’homosexualité dans le cinéma indien.

 

TÉLÉVISUELLE Croquis

 

Je ne compte plus, dans mon entourage homosexuel, le nombre de personnes ayant découvert leur homosexualité (ou craint d’être homosexuelles) rien qu’à cause du porno ou d’une émission de télé avec une personne qui se présentait/était présentée (comme 100% homosexuelle). « J’ai été baigné très tôt dans la pornographie et continue encore à me masturber tous les jours. Dans les scènes pornos, la réalité est différente de ce qu’on nous voit dans la réalité car il n’y a pas de douceur. C’est sauvage. J’ai essayé d’arrêter le porno et la masturbation, pensant que ça m’aiderait à obtenir de la masculinité mais je n’ai pas pu tenir plus de 2 mois. » (cf. le mail de Pierre-Adrien, 30 ans, reçu le juin 2014) Un jour, un jeune homme de 20 ans est venu me voir à la fin d’une messe, à Paris, pour me présenter sa fiancée, pour me féliciter pour mes livres, et pour me dire ensuite en privé qu’il s’était posé sérieusement la question de l’homosexualité suite au visionnage de scènes pornographiques sur Internet, avant de comprendre que c’était une fièvre d’adolescence due à la découverte de la puissance de la jouissance génitale (il ne m’a pas fourni la conclusion exactement en ces termes, bien sûr, mais c’est comme ça que je l’interprète). Et il m’a également révélé que lorsqu’il avait osé parler de ses troubles à ses meilleurs potes, ces derniers, à sa grande surprise, lui avaient répondu : « Ben nous aussi, on s’est posé la question ! » Il ne faut donc pas que nous sous-estimions le fort pouvoir identificatoire homo-érotique que le porno exerce, y compris quand il s’annonce comme hétérosexuel. L’homosexualité, sans pour autant être réductible à une mode, est en grande partie un symptôme d’époque, et d’époque matérialiste, consumériste, médiatique. Beaucoup de garçons et de jeunes hommes regardent du porno depuis les années 1990 (et surtout depuis qu’il est en libre service). C’est quand même la deuxième industrie mondiale la plus juteuse (c’est le cas de le dire…). Le traitement dégradant des femmes, les images flatteuses de l’hypermasculinité, la vue de personnes de notre propre sexe en pleine action et en plein orgasme, encourage forcément à la masturbation et aux questionnements identitaires homo-bisexuels. Même si le désir homosexuel n’a pas attendu l’existence du porno pour être ressenti, on peut quand même dire qu’il est décuplé par la démocratisation de cet instrument de débauche qu’est le porno.

 

« J’ai demandé au ciel de me dire pourquoi je suis là ? Qui j’étais ? Et quelques jours plus tard, on dit que le hasard n’existe pas, je regardais la télé le soir en zappant les chaînes, je vois un film érotique chouette et je vois un homme de dos, et l’autre personne je la voyais pas et après je me rends compte que ce sont deux homosexuels. Je n’avais jamais vu d’homosexuel en chair et en os et de les voir en plus en plein acte de violence. J’ai eu comme un coup de poignard, une monté de colère, un viol de mon être, une déchirure, je savais ce que c’était des pédés mais le voir physiquement a été comme un choc, comme une balle en pleine tête et à partir de ce moment-là ma vie est devenue un enfer, car je suis quelqu’un de craintif, et le moindre problème qui surgit faut que je tente de le résoudre sinon je peux paniquer très vite et là je me remémore ces images sans cesse. À m’en faire gerber et presser ma tête et ma poitrine continuellement comme dans un étau. Je me suis dit : ‘T’es un homme et eux aussi donc tu peux faire cet acte aussi’ et que je ne pouvais imaginer qu’un homme puisse descendre aussi bas dans l’instinct animal malsain. » (cf. le mail d’un ami, Pierre-Adrien, 30 ans, juin 2014)

 

Thomas et son amant dans la série Poubelle la vie... pardon, Plus belle la vie

Thomas et son amant dans la série Poubelle la vie… pardon, Plus belle la vie (France 3)


 

TÉLÉVISUELLE plus belle itv

 

Parfois, plutôt que de défendre franchement le mythe de l’identité homosexuelle ou de l’amour homo, c’est la mythification du mot « homophobie » que la télévision construit, (ou encore la politisation de l’identité homosexuelle, et toutes ses branches de fausses réalités : « l’homoparentalité » en première ligne). « Dans les médias, où l’on est tellement friand de spectacle, c’est-à-dire de peur et fascination mêlées d’une pointe de transgression, les animateurs raffolent de l’‘homoparentalité’. Leur fascination est comparable à celle que chacun peut éprouver face aux grands escrocs ou aux grands fauves. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 201) Par exemple, dans le docu-fiction Le Projet Laramie (2002) de Moisés Kaufman, la ville de Laramie (Wyoming, USA) est assaillie par les journalistes en quête de sensationnalisme médiatico-morbide autour de la mort du jeune homosexuel Matthew Shepard : « Les médias ont poussé les gens à s’intéresser à cette histoire. » souligne un riverain.

 
 

b) L’homosexualité, une réalité venue du miroir ou de l’écran :

Il n’y a qu’à regarder le nombre de miroirs de notre existence (les tables de lycée, les plexiglas des métros, les graffitis aux toilettes publiques, etc.) où sont gravés les mots « PD » ou « enculé » pour découvrir que l’homosexualité est une vérité avant tout spéculaire.

 

Par exemple, dans l’émission Jour après Jour (2000) présentée par Jean-Luc Delarue sur France 2, Jérôme affirme qu’il a été obligé de répéter plusieurs fois à son propre reflet dans le miroir qu’il était homo pour assumer une homosexualité qu’il ressentait comme monstrueuse.

 

« Je me regarde dans la glace et je contemple mon visage. […] Je me dis à voix haute que je suis homosexuel ! Je me le répète deux, trois, quatre fois. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 119)

 

L’affirmation future de l’homosexualité, martelée comme un slogan, a parfois suivi le chemin inverse du déni quelques années auparavant : « Je me disais ‘Je suis peut-être homosexuel mais je ne ressemble pas à ça, je ne suis pas homosexuel comme ça’. […] J’inaugure ainsi un journal intime qui perdurera des décennies. Il faut d’abord que je me protège. J’écris donc une espèce de préambule dans lequel j’inscris plus de cent fois : ‘Je ne suis pas homosexuel. » (Jean Le Bitoux à 18 ans, Citoyen de seconde zone (2003), pp. 48-56)

 

L’Homme qui se prend pour « l’homosexuel », et que nous appelons dans le langage usuel « l’homosexuel », est une vue de l’esprit concrétisée, un mirage indéniable né d’une volonté de fusion impossible entre l’Homme et ses projections désirantes (télévisuelles). Les personnes homosexuelles sont constamment en travaux d’être « homosexuelles ». C’est sûrement ce qui fait dire à Ron dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear : « Je ne connais pas un mec qui soit entièrement gay ». Seul un certain désir peut être qualifié d’homosexuel. Pas une personne.

 

TÉLÉVISUELLE Génération Steevy

 

Au fond, beaucoup de personnes homosexuelles regrettent d’être simplement considérées par les autres comme l’incarnation vivante du mythique « homosexuel », de ne pas être reconnues dans leur globalité humaine. La première phrase du film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver l’illustre bien : « La plupart du temps, ce qu’on voit en moi, c’est l’homosexuel. » La seule chose qui réunit les personnes homosexuelles entre elles n’est pas réelle. Elles la nomment « discrimination », « homophobie », « destin », « sentiments », « pulsions », « identité homosexuelle », « sensibilité pour l’art », « différence », etc. Elle ne peut être qu’une essence artificielle quand elle obéit prioritairement à l’impalpable et aux modes. Il était « chic » d’être homo à Oxford dans les années 1920 ; il est « branché » d’être homosexuel en 2007. « L’homosexualité est par essence une construction de la fin du XIXe et du début du XXe siècle ; en tant que telle, elle est autant un signe de modernité que l’atonalisme en musique, que le cubisme en peinture, ou que le monologue intérieur dans le roman. » (Humphrey Carpenter, The Brideshead Generation : Evelyn Waugh And His Generation (1989), p. 81). Elle ne se réduit évidemment pas qu’à une mode ou d’influence télévisuelle, sinon, les personnes qui ont ressenti un désir homosexuel à des époques qui ont pré-existé à l’invention de la télévision et d’Internet n’existeraient pas ; mais elle est aussi cela. Aujourd’hui, l’espèce homosexuelle s’étale dans les publicités, investit les sitcoms et les films, existe beaucoup plus grâce aux médias qu’en elle-même.

 

La raison principale qui donne à penser que les personnes homosexuelles sont des réalités fantasmées, c’est le vecteur qui leur a appris qu’elles pouvaient être l’incarnation vivante de « l’homosexuel » : quand on leur demande comment elles ont pris connaissance de leur homosexualité, elles répondent presque unanimement que les déclencheurs ont été les photographies, les sculptures, les livres, les magazines, les catalogues de vente par correspondance de maman, les films X, les programmes TV, les sites Internet, etc. Certaines disent explicitement que c’est en regardant la télé et une certaine catégorie d’images, c’est-à-dire des images violentes, pornographiques, ou bien déconnectée de la Réalité, que leur désir homosexuel s’est révélé. Après, bien sûr, elles ont été touchées par un proche en particulier, un camarade de classe, un professeur, une personnalité charismatique. Mais le fait que l’homosexualité ne soit pas prioritairement le fruit d’une rencontre réelle avec une personne de chair et de sang, est très significatif de la nature même du désir homosexuel : l’image déréalisante a presque toujours précédé la conscience de l’homosexualité. Plus des individus cherchent à devenir « l’homosexuel » (ou « l’hétérosexuel »), plus ils rentrent dans le monde de l’image déréalisante. À ce propos, il n’est pas étonnant que beaucoup de personnes homosexuelles investissent davantage l’univers de l’audiovisuel que de la réalité. Celles qui ne font pas partie des milieux artistiques à proprement parler s’arrangent pour se laisser happer par les images d’une autre manière, à travers leurs loisirs et leurs passions (la bande dessinée, les jeux vidéo, la photo, la musique, la poésie, la peinture, la mode, etc.).

 
 

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Code n°139 – Patrons de l’audiovisuel

patrons

Patrons de l’audiovisuel

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Pédé-G

 

Laurent Ruquier

Laurent Ruquier


 

Le désir homosexuel a toujours été fortement intriqué avec les sphères du pouvoir audiovisuel : radio, télévision, journaux, photographie, cinéma, publicité. Étant un désir déréalisant, davantage fondé sur le fantasme d’être objet et le paraître que sur le Réel, cela peut se comprendre. Rien d’étonnant non plus que la majorité des personnages gays et lesbiens des fictions travaille dans le monde des arts, exerce des métiers de l’audiovisuel (publiciste, maquilleur, réalisateur, acteur, présentateur télé, etc.), et soit aux manettes des médias. Sans pour autant dire que le cliché est complètement applicable au monde réel, ni que « les gens du show-biz en sont tous ! » (car la soi-disant « mafia LGBT infiltrée dans le monde des images » n’est autre que la mafia hétéro-bisexuelle : les personnes homosexuelles sont instrumentalisées et minoritaires dans l’histoire), force est de constater que la communauté homosexuelle semble avoir pris d’assaut quelques hauts postes de l’audiovisuel, et que cette occupation est partiellement vérifiable à travers la propagande pro-amour-asexué qu’on nous sert en ce moment dans beaucoup d’émissions et dans la presse populaire.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Promotion ‘canapédé’ », « Bobo », « Milieu homosexuel infernal », « Artiste raté », « Homosexuels psychorigides », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Actrice-Traîtresse », « Reine », « Passion pour les catastrophes », « Photographe », « Bergère », « Maquillage », « Fan de feuilletons », « Télévore et Cinévore », « Musique comme instrument de torture », à la partie « Divin artiste » du code « Pygmalion », et à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Aux manettes du pouvoir médiatique :

PATRONS Doris Darling

Pièce Doris Darling de Ben Alton


 

Dans les fictions homo-érotiques, il n’est pas rare que certains personnages homosexuels travaillent dans les médias et occupent un poste important de direction/de création : cf. le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation  », 2003) de Pedro Almodóvar, le film « J’en suis » (1997) de Claude Fournier, le film « Sugar Sweet » (2001) de Desiree Lim, le film « Grande École » (2003) de Robert Salis, le film « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland (avec le producteur de disques), le film « People Jet Set 2 » (2003) de Fabien Ontoniente, le film « Oh ! My Three Guys » (1994) de Derek Chiu (avec les publicitaires), le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, le film « Le Goût des autres » (1999) d’Agnès Jaoui, le film « The Producers » (« Les Producteurs », 1968) de Mel Brooks (présentant le milieu artistico-médiatique comme rempli de folles tordues), le film « Play It As It Lays » (1972) de Frank Perry, le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow (avec Paul, l’animateur radio), le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (avec Nate), le film « The Box » (1975) de Paul Eddey, le film « Mamá Es Boba » (1997) de Santiago Lorenzo, le film « Behind The Red Door » (2002) de Matia Karrell (avec le publicitaire joué par Kiefer Sutherland), le film « Working Girls » (1986) de Lizzie Borden, le film « Woman On Top » (2000) de Fina Torres, le film « L’Anniversaire » (2005) de Diane Kurys, le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte (avec Claude le publiciste), le film « Gay » (2004) de Tom Six, le film « El Grito En El Cielo » (1998) de Félix Sabroso et Dunia Ayaso, le film « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ! » (1982) de Coline Serreau, le film « Clean » (2003) d’Olivier Assayas, le film « My Loving Trouble 7 » (1999) de James Yuen, le film « Amos Gutman, Filmaker » (1997) de Ran Kotzer, le film « L’Immeuble Yacoubian » (2005) de Marwan Hamed, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec la réalisatrice Leni Riefenstahl), le film « Hammam » (1996) de Ferzan Ozpetek (avec Mehmet), la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau (avec Luc travaillant dans le monde cinéma), le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre (avec Nicolas le directeur d’un journal), le film « Taxi Zum Klo » (1980) de Frank Ripploh (avec Bernd le directeur de cinéma), le film « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola (avec Gabriele le présentateur radio), le one-woman-show Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges (avec François-Pierre, le publiciste homo), le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral (avec Jean-Hugues, le journaliste homo), le film « Potiche » (2010) de François Ozon (avec Jérémy), le film « Devil Wears Prada » (« Le diable s’habille en Prada », 2006) de David Frankel, le film « Hunger Game, La Révolte : Partie 2 » (2015) de Francis Lawrence (avec le présentateur télé efféminé Caesar Flickmann), etc.

 

« Les People, ils sont tous devenus folles. » (cf. la chanson « Les People » de Marianne James) ; « J’avais des paillettes, du chauve-business. J’avais envie de ça. » (Zize, le travesti M to F du one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « C’est quoi, la Rumeur n°1 dans le show-biz ? C’est l’homosexualité. » (Anthony Kavanagh dans le one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out, 2010) ; « Oh ! Mais laisse allumé, bébé. Y’a personne au contrôle. Et les dieux du radar sont tous ‘out’, et toussent et se touchent et se poussent, et se foutent et se broutent. » (cf. la chanson « Mathématiques souterraines » d’Hubert-Félix Thiéfaine) ; « Si on est gays, on attire les médias, et donc les producteurs. » (Dzav et Bonnard dans leur pièce Quand je serai grand, je serai intermittent, 2010) ; « À peine entrées dans le hall du théâtre, nous comprîmes que nous n’étions pas les seules à avoir reçu le message. Les ‘folles’ les plus élégantes de la ville avaient répondu à l’appel. […] Je sentais une certaine tension dans la salle. Je désignai à Sylvia les célébrités du monde artistique, généralement agglutinées en petits groupes et les mécènes de la grande industrie avec leur camarilla de chorégraphes, de décorateurs et de stylistes de mode, frangés d’une guirlande de mannequins au regard d’aveugle. » (Laura, la narratrice lesbienne du roman Deux femmes (1975), p. 91) ; « Cette connasse n’a pas capté que j’étais pédé comme Ruquier. » (Max, en aparté, la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « J’appelle Polly, elle me dit qu’elle est trop trop heureuse, qu’elles ont créé une boîte de production audiovisuelle, avec Claude, qu’elles l’ont appelé PoClauLesbo Production, ça la fait rire. » (Mike, le narrateur homosexuel parlant de son amie lesbienne Polly et de Claude la copine de celle-ci, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 59) ; « Oh la la… Y’a vraiment beaucoup de pédés là-bas ! » (Laurent Violet se référant au monde des médias, dans son one-man-show Faites-vous Violet, 2012) ; « J’pensais que c’était la fête à mon cul, dans le [monde du] spectacle ! » (Rodolphe Sand imitant une femme hétéro mère porteuse, dans le one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « [Jean-Pierre] Foucault, il est pédé ! » (Arnaud Ducret dans son one-man-show Pareil… mais en mieux, 2010) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik, le héros homosexuel, réalise des reportages destinés à la télé. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, est directrice des programmes et animatrice d’un talk-show télé ; son grand jeu, c’est d’outer tous ses collègues présentateurs. Dans le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2001) de Donald Petrie, Vic, homosexuel, est le relookeur officiel – et le producteur officieux – du concours de Miss États-Unis ; et pendant la diffusion télé de ce programme national, deux membres de la prod, qui sont lesbiennes et travaillent derrière les caméras, en profitent pour faire leur coming out et s’insurger contre l’invisibilité lesbienne dans les mass médias. Dans la pièce Foot-ball (2008) de Christian Rullier, les journalistes sont associés spontanément aux personnes homosexuelles : « Y’en a qui font les pissotières… d’autres qui font les vestiaires… » dit le suspicieux entraîneur de foot. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Bernard, le héros homosexuel, est l’archétype du bobo parisien snob, travaillant à la télé (il est concepteur de jeux télévisés) et dans la mode ; lassé de sa carrière médiatique, il se recycle dans la direction artistique du camping de Saint Pierre-la-Bourg. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Georges de la Ferrinière, le présentateur-télé, est homo… et il se trouve que son fils Éric l’est également ! Dans le film « L’Immeuble Yacoubian » (2006) de Marwan Hamed, Zaki, le personnage homo, est éditeur en chef d’un grand journal. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Silberman est le chef du journal La Crítica. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, travaille comme assistant-télé de Stéphane Plaza, présentateur d’une émission sur M6 qu’il présente comme un « hétéro très homo ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien, le héros bisexuel, est un célèbre présentateur télé : « Ça a commencé à marcher pour moi à la télé. » Dans le film « Entre amis » (2015) d’Olivier Baroux, Astrid, en pleine croisière, reçoit des coups de fil de son meilleur gay, qui travaille dans la publicité. Dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn, le producteur Jack Warner menace James Dean de se tenir à carreau : « Si tu n’es pas un bon garçon, je te baiserai. » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne lesbienne, travaille comme reporter au Times. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, homosexuel, est producteur de films d’action à Londres. Dans le film « La Folle Histoire de Max et Léon » (2016) de Jonathan Barré, Eugène, le publiciste de propagande pétainiste, est particulièrement efféminé.

 

En général, ces chefs de programme tentent d’influencer leur téléspectateurs et de leur imposer  leurs conceptions pulsionnelles et asexualisées de la sexualité : « Nous [Télé-Lune] allons séparer nos chers spectateurs en mâles, femâles et transexuâles. » (la speakerine du JT de Télé-Lune, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 
 

b) Des hommes qui commandent le monde de l’image mais pas leur propre vie :

Film "In & Out" de Frank Oz

Film « In & Out » de Frank Oz


 

Le problème de ces oligarques homosexuels des médias, c’est qu’ils vivent leur vie par procuration avec leur propre image, ou à travers leur empire télévisuel. Cela les précipite au mieux dans la schizophrénie et la dépression, au pire dans la mort : « Je ne suis pas un gentil mais un malade. C’est le show-biz ma maladie. » (Peter Malloy, présentateur télé et homosexuel, dans le film « In & Out » (1995) de Frank Oz) ; « Je ne savais pas que, en trois jours, je ferais le tour complet de tous ceux qui tirent les ficelles du monde gay. J’ai eu un véritable dégoût pour toute cette clique. » (Ashe, l’un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 234) ; « Le problème, c’est qu’on n’a rien pour alimenter le compte Twitter… » (Jean-Jacques, le chef de la bande des Virilius, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; etc.

 

Par exemple, la pièce En circuit fermé (1994) de Michel Tremblay dresse le portrait du monde impitoyable des médias, et de la lutte de pouvoir qui s’y joue ; certains personnages-requins, tels que Sonia, essaient de freiner l’ascension inéluctable du futur président de la télé, Nelligan Bougandrapeau, qui se révèle être homo : « Ce qu’il nous faut pour mener une chaîne de télé, c’est une bonne poigne. Pas un poignet cassé. »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

a) Aux manettes du pouvoir médiatique ? :

Difficile de le nier : la visibilité homosexuelle, et les figures de proue de celle-ci, sont présentes et réelles dans l’espace médiatique mondial actuel. « Notre société est devenue tolérante à l’égard de l’homosexualité, au point que celle-ci est devenue un atout dans certains milieux, comme celui des médias, de la mode ou de la culture. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 81) ; « Sous l’apparence constitutionnelle de la liberté d’expression, les clones ont conquis le pouvoir des médias et se sont attribué le pouvoir de contrôler les sources d’information. » (Philippe Guillaume, La République des clones, 1994) ; « Rupaul est une sorte de gourou, de Dalaï Lama pour la communauté homo. Mais il y a beaucoup d’hétéros qui regardent aussi. » (Rich Juzwiak, homosexuel, parlant de l’émission de télé-réalité transsexuelle aux USA Rupaul’s Drag Race, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.

 

14 juillet 2013 à Paris (soi-disant clin d'oeil à Desmond Tutu et à sa "Nation Arc-en-ciel")

14 juillet 2013 à Paris (soi-disant clin d’oeil à Desmond Tutu et à sa « Nation Arc-en-ciel« )


 

Par exemple, pendant le Jeu de la Vérité, on demande à la comédienne Alice Sapritch « pourquoi elle ne fréquente que des homos ». Elle répond : « Dans nos métiers, il y a beaucoup d’homosexuels. »

 


 

La forte intrication entre homosexualité et leadership audiovisuel ne date pas d’hier. « L’un des plus célèbres de ces bars, le Mikado, était fréquenté par des membres du gouvernement et des patrons à la recherche de mousses en goguette. » (Philippe Simonnot parlant d’un établissement allemand dans les années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30) Je vous renvoie à l’émission Zone interdite de Pascal Lebovici et d’Édouard Duchâtenet consacrée au marketing gay, et diffusée sur la chaîne M6 en 1998. Par exemple, dans les années 1970 en France, Lucien Jeunesse, était homosexuel et animateur du Jeu des 1000 francs sur France Inter. Dans son autobiographie Down There On A Visit (L’Ami de passage, 1962), Christopher Isherwood raconte comment il a travaillé dans le cinéma, à Hollywood (Californie) dans les années 1940. Dans ses mémoires (Palimpseste – Mémoires, 1995), Gore Vidal parle d’« Alla Nazimova, une actrice sombre et au pouvoir presque intolérable qui régnait sur le monde lesbien d’Hollywood, qui englobait, d’après mes sources fiables, la quasi-totalité des stars féminines ou des épouses des stars » (p. 436).

 

Yves Mourousi

Yves Mourousi


 

En France, un certain nombre de présentateurs de Journal Télévisé de grande audience ont été ou sont homosexuels : Bruno Masure, Yves Mourousi, Hervé Claude, etc. Côté animateurs populaires, on a aussi ce qu’il faut (et à présent, ils s’en cachent de moins en moins) : Marc-Olivier Fogiel, Laurent Petitguillaume, Éric Galliano, Laurent Ruquier, Stéphane Bern, Frédéric Mitterrand, Magloire, Pascal Sevran, Philippe Verdier, Dave, Christophe Beaugrand, Jean-Marc Morandini, Jean-Pierre Koffe, Xavier Bettel (actuel Premier ministre luxembourgeois, et ancien présentateur télé), peut-être Yann Barthès, etc. « Je suis hétéro et homo… hétéromo ! Les animateurs c’est comme les anges, ça n’a pas de sexe ! » (l’animateur homosexuel Olivier Minne, au micro de RMC en août 2014)

 

En arrière-boutique, dans les hauts postes de responsabilité médiatique, les patrons homosexuels se sont bien installés aussi. On retrouve des personnes homosexuelles en particulier dans les métiers du management de l’image : Pierre Bergé (ex-PDG de Yves Saint Laurent et de la revue Têtu), Bertrand Mosca (directeur des programmes de France 3 et directeur général de Netgem Medias Services), Jean-Paul Potard (PDG Société Jean-Paul Gaultier), Marc Tessier (PDG de France Télévision), Michel Guy (vice-président de la chaîne de télévision La Sept et vice-président du Festival d’Avignon), Jeffrey Schmalz (sous-directeur du New York Times en 1990), Guy Black (président de la Press Complaints Commission), Michael Bishop (PDG de British Midland), David Geffen (propriétaire de label de musique et co-fondateur de Dreamworks), Pascal Houzelot (président de Pink TV), Jean-Paul Cluzel (président de Radio France), Jean-Jacques Aillagon (PDG de TV5, conseiller du groupe Artemis), Donald Potard (PDG des maisons Ungaro Europe et Castelbajac), etc.

 

Certains sont même devenus ministres de la culture : Jean-Jacques Aillagon, Jack Lang, Frédéric Mitterrand…

 

Ce n’est pas une tendance spécifiquement française. Rien que dans le monde hispanophone (Espagne et Amérique Latine prioritairement), plein de présentateurs et de directeurs de chaîne de la télé/revue sont homos : Jesús Vázquez (sur Telecinco), Jorge Javier Vázquez (créateur du « néo-réalisme télévisuel »), Boris Izaguirre (présentateur), Alfonso Llopart (réalisateur de Shangay Express), Miguel Ángel López (directeur de la revue homo Zero), Jordi González (présentateur). Idem en Angleterre et aux États-Unis : Kristian Digby (sur BBC Choice), Graham Norton (sur Channel 4), Paul O’Grady (sur Channel 4), Brendan Courtney, Antony Cotton (sur ITV1), Ellen DeGeneres (possédant une émission à son nom), Stephen Fry, Claire Balding (présentatrice des sports), Gok Wan (le flamboyant animateur), Jane Hill (sur la BBC), Sue Perkins (sur la télé britannique), Anderson Cooper (présentateur-vedette de CCN), Mary Portas, Craig Revel Horwood (l’un des jurés du Danse avec les stars de la BBC), Eileen Gallagher (productrice), Sir Cameron Mackintosh (producteur), Alice Arnold (présentatrice sur BBC), Pratibha Parmar (réalisatrice), Jane Czyzselska (éditrice du magazine lesbien DIVA), Steve Blame (sur MTV), Tim Cook (PDG d’Apple), etc.










 

Les animateurs batifolent même parfois ensemble. Et si ça ne s’est pas encore fait, ils prétextent que c’est « parce que ce n’était pas le bon moment » ou « par incompatibilité d’agenda » : « J’ai toujours trouvé Steevy plutôt mignon. Je crois qu’au moment où lui aurait été plutôt enclin à le faire, je n’étais pas disponible, parce que je vivais en couple et que j’étais fidèle. Puis quand j’ai été libre, ça faisait plusieurs années qu’on travaillait ensemble, et lui ne se voyait pas coucher avec son patron. […] On nous a tellement fait chier avec ça, l’un et l’autre, que c’est devenu risible. […] On a le projet de monter un jour ensemble sur scène et de faire un spectacle qui s’appellerait ‘Ils vont enfin coucher ensemble ! Comprenez que le seul obstacle a été… cette incompatibilité d’agenda. » (Laurent Ruquier parlant de Steevy, son petit protégé, dans l’interview suivante)

 

Le fait d’être aux commandes des médias permet à certaines personnes homosexuelles de ressentir l’orgueil du sophiste, du tribun de la Plèbe, du Pygmalion : « Plus qu’ailleurs, chez les homos, […] l’homosexualité peut devenir une fierté, une sorte de coterie d’élus à qui appartiennent les arcanes de la belle vie. Les relations sont faciles, et on fait des rencontres, parfois de personnes importantes qu’on n’aurait jamais connues ailleurs. Et on voyage, on court le monde et les fêtes, on ressent un certain orgueil à savoir vivre mieux que les autres, à être à l’avant-garde de tout, d’un milieu qui a tant de créateurs, à être en quelque sorte le fer de lance de la civilisation. » (Sébastien, Ne deviens pas gay, tu finiras triste (1998), p. 35) ; « La nature féminine se transforme sous le crayon des créateurs de mode. […]  Ils entraînent l’humanité consentante vers des corps de femmes sans seins ni fesses, sans rondeur ni douceur, des corps de mec, longs et secs. Ce sont leurs fantasmes que les créateurs de mode imposent à l’humanité, leurs fantasmes d’homosexuels (puisque l’énorme majorité d’entre eux le sont), qui rêvent davantage sur le corps d’un garçon que sur celui d’une femme. […]  Aujourd’hui, les jeunes filles, toujours au bord de l’anorexie, se fabriquent un corps de garçonnet pour plaire à des créateurs homosexuels qui n’aiment pas les femmes, qui les considèrent comme de simples ‘portemanteaux’, et les terrorisent pour quelques grammes de trop. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), pp. 19-20) ; etc.

 

Cela dit, il ne faut pas croire que les personnes homosexuelles dirigent le Monde, ni même le monde médiatique. Ça, c’est une illusion d’optique dans laquelle beaucoup d’intellectuels (par ailleurs très sérieux), d’hommes politiques un peu paranos, tombent en ce moment, parce qu’ils essaient de comprendre la popularité et la démocratisation fulgurante de la thématique homosexuelle sur nos petits écrans : « Forts de l’efficacité et de l’audience que leur assurent la complaisance des médias, la complicité de personnalités influentes, le soutien de leaders et de partis politiques, notamment de gauche, une minorité de marginaux homosexuels et toxicomanes, remarquablement organisés, ont lancé une puissante campagne pour faire passer dans le droit non écrit, sous la pression, la légalisation objective de leurs perversions et de leurs déviances. » (Ernest Chénière, le député RPR, dans le journal Le Monde du 14 décembre 1993) ; « L’émission du Sidaction a été une mystification de première grandeur, une escroquerie nationale dont l’objectif réel était de conférer officiellement aux comportements contre nature un statut de normalité. Puissance des ‘copinages’ médiatiques au service d’une certaine pornographie, puissance du lobby homosexuel, volonté de celui-ci de se dédouaner de toute responsabilité dans l’extension de la pandémie. » (Thomas Montfort, Sida le vaccin de la vérité (1995), p. 51-52) ; « Le lobby gay et lesbien, est très actif dans les médias et dans les lieux de pouvoir, comme les partis politiques. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 30) ; etc. Ce n’est pas parce qu’une minorité des personnes homosexuelles – minorité elle-même instrumentalisée par un lobby hétéro-bisexuel beaucoup plus invisible et puissant qu’elle, qui s’en sert de chair à canon démagogique et de rideau à fleurs rose pour occulter son propre despotisme – se retrouve à des postes décisionnels de large visibilité et d’influence indéniable, que la plupart des personnes homosexuelles conspirerait pour être les maîtres de la télé, et qu’elles y parviendraient concrètement. Les véritables magnats de l’appareil médiatique mondial sont des êtres humains hétéro-bisexuels, gay friendly en intentions et homophobes dans les faits car ils veulent neutraliser l’homosexualité au profit de la suprématie de leur idéologie bisexuelle-asexuée-angéliste. « Le publicitaire n’est pas un prophète ; c’est le bras armé de l’idéologie dominante. Sous des airs ludiques, il est un officier supérieur du capitalisme. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 26)

 
 

b) Des hommes qui commandent le monde de l’image mais pas leur propre vie :

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Il n’est pas étonnant que beaucoup de personnes homosexuelles investissent davantage l’univers de l’audiovisuel que celui de la Réalité. À travers les objets et les images, elles fuient un mal-être existentiel et parfois amoureux, et pensent résoudre l’effondrement narcissique de leur personnalité. Celles qui ne font pas partie des milieux médiatiques de l’empowerment néo-libéral à proprement parler s’arrangent pour se laisser happer par les images d’une autre manière, à travers leurs loisirs et leurs passions (la bande dessinée, les jeux vidéo, la photo, la musique, la poésie, la peinture, la mode, Internet, le cinéma, etc.).

 

Tim Cook, PDG d'Apple, fait son coming out en octobre 2014 : "Je suis fier d'être gay." (Eh ben ça se voit...)

Tim Cook, PDG d’Apple, fait son coming out en octobre 2014 : « Je suis fier d’être gay. » (Eh ben ça se voit…)


 

Et pour ce qui est de la réalité du patronat LGBT dans les médias, elle n’est pas toute rose. « Les producteurs me disaient : ‘C’est vachement bien, mais il faut ajouter vingt-cinq rires’ ou bien : ‘T’es pédé, il faut faire des blagues sur les pédés, c’est rigolo !’ Ils voulaient me faire jouer au Point-Virgule. On ne me parlait pas du tout de mise en scène ou de théâtre, on me parlait d’efficacité. » (Vincent Dedienne, profession comédien gay pute-du-système, dans Les Inrockuptibles… très corruptibles, justement, jeudi 12 novembre 2015) Les quelques présentateurs télé qui ont fait le coming out se sentent piégés par leur image de « gays » et leur propre entourage professionnel (et pour cause : « l’homosexuel » n’existe pas, c’est une caricature : personne ne se définit par sa tendance sexuelle, et c’est inhumain et irrespectueux de croire le contraire), même s’ils ne se donnent pas le droit de s’en plaindre car ils sont complètement complices de la construction de cette réputation. Ils se retrouvent parfois dans des situations honteuses irréversibles (je pense par exemple au présentateur Marc-Olivier Fogiel qui en est déjà à deux enfants mexicains achetées et obtenues par GPA ; ou encore au présentateur québécois Joël Legendre, dans la même panade avec son compagnon et « leur » fils), et ils ont tout intérêt à assumer le mensonge pour qu’il ne leur retombe pas dessus.

 


 

Au fond, les patrons homos de l’audiovisuel vivent le drame narcissique de la perte de leur liberté, et du déni de cette perte, pour sauver la face : « Je suis journaliste et animateur d’une émission de télévision en activité sur une chaîne. […] Mon métier n’est qu’image, je l’ai choisi ou il m’a choisi, je ne sais plus trop. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 11)

 
 

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Code n°169 – Télévore et Cinévore

Télévore

Télévore et Cinévore

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Quoi qu’en disent les intellectuels « historiens » homosexuels, et les promoteurs d’une identité homosexuelle transhistorique indiscutable, tout porte à croire que, même s’il est indéniable qu’il a de tout temps existé comme une constante humaine, que le désir homosexuel est surtout un enfant de la modernité. Quand on observe les vecteurs de la révélation du désir homosexuel, ceux qui l’ont révélé ou stimulé, on constate que c’est surtout l’homme-objet, sacralisé dans l’ère moderne par la sculpture, la peinture, la photographie, le cinéma, la médecine légale, la psychanalyse, le théâtre, la mode, les films pornos, le sport…, qui est le messager principal du fantasme homosexuel : rarement les êtres réels de chair et de sang. Ce n’est qu’après avoir flashé sur un être télévisuel sur papier glacé que l’individu homo cherchera dans sa réalité un garçon qui se rapprochera à peu près de sa projection mentale de magazine. Il semblerait bien que si les personnes homosexuelles avaient pu sortir avec leur télé ou leur magnétoscope, elles l’auraient fait ! Il n’y a qu’à voir toutes celles qui considèrent leur vie comme un vrai film ou un vidéo-clip.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Drogues », « Obèses anorexiques », « Actrice-Traîtresse », « Substitut d’identité », « Planeur », « Bergère », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Photographe », « Fan de feuilletons », « Jeu », « Patrons de l’audiovisuel », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », « Don Juan », « Bergère », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Amant modèle photographique », « Musique comme instrument de torture », « Milieu homosexuel paradisiaque », et à la partie « Actrice iconoclaste » du code « Déni » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) Télé et ciné, l’adoration homosexuelle :

Film "L'Objet de mon affection" de Nicholas Hytner

Film « L’Objet de mon affection » de Nicholas Hytner


 

Souvent dans les fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel adore le cinéma et/ou la télévision : cf. le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick (avec le couple lesbien Rachel et Christine), le film « J’adore le cinéma » (1998) de Vincent Lannoo, le film « Chuck & Buck » (2001) de Miguel Artera (avec Buck), le film « La meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller (avec Philippe, le héros homosexuel passionné des films en noir et blanc), le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec Paul dont la chambre est décorée de photos d’acteurs et d’actrices), le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault (avec le personnage d’Angelo), l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec le personnage de Ziggy), le film « Beautiful Thing » (1995) d’Hettie Macdonald (avec Jamie), le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar (avec Esteban, le jeune cinéphile), le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec Molina, le héros homosexuel connaissant les films des années 1930 par cœur), le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues (avec Rui), la chanson « Ton cinoche » d’Étienne Daho, la chanson « J’aime la pub » de Charles Trénet, la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec Harper), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec le couple homo David et Philibert), le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra Von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec Petra), le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman (avec Jarry), le roman The Rubyfruit Jungle (1973) de Rita Mae Brown, le roman La Hermana Secreta De Angélica María (1989) de Luis Zapata, le film « Armaguedon » (1976) d’Alain Jessua, le film « La jeune fille assassinée » (1974) de Roger Vadim, le film « À tout prendre » (1963) de Claude Jutra, le film « The Fan » (1981) d’Edward Bianchi, le film « Frisk » (1995) de Todd Verow, le film « Anonymous » (2004) de Todd Verow, le film « Dreamers Of The Day » (1990) de Patricia Spencer et Philip Wood, le film « A Strange Love Affair » (1985) d’Éric De Kuyper et Paul Verstraten, le film « Écran magique » (1982) de Gianfranco Mingozzi, le film « Goodbye, Dragon Inn » (2003) de Tsai Ming-liang, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le one-woman-show La folle parenthèse (2008) de Liane Foly (avec Pedro le fan de « La Guerre des étoiles »), le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude (avec le couple Claudio et François), le film « Des choses que je ne t’ai jamais dites » (1996) d’Isabel Coixet (avec la lesbienne réparatrice de télés), la pièce Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet (avec Nina, l’héroïne lesbienne et grande consommatrice de télé), la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson, la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi (avec Yoann, le héros homosexuel), etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

« Si la télévision portative sort de la chambre, je sors de la chambre aussi ! » (Léopold, le père, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « T’as pas de télé ??? Sana, mets France Info ! » (Angelo, le héros homosexuel de la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Petite, je passais ma vie devant les télés. » (Nana, comédienne lesbienne dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3ème Festigay de Paris au Théâtre Côté Cour en avril 2009) ; « J’deviens publivore. » (Jérôme Loïc dans son one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal, 2009) ; « J’aime de plus en plus la télévision. » (Hubert dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « J’aimerais aller au cinéma. » (Jacques, l’un des personnages transgenres M to F de la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; « Tu adores les films… et les étudiants sont sûrement mignons… » (Toph s’adressant à son futur amant Zach qui est prof de cinéma en Université de Cinéma, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Tu ne penses qu’au cinéma. » (la grand-mère de Robbie s’adressant à son petit-fils homo, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Je m’écrasais devant la télé, je regardais des vieux films en noir et blanc. » (Jean-Marc, le narrateur homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 155) ; « J’aurais voulu que la femme du bidonville [Rani] soit à mon entière disposition. Des images de films hindis dans lesquels le brahmin de la caste supérieure s’éprend de la domestique de la caste inférieure et lui fait passionnément l’amour ne cessaient de tournoyer dans ma tête. Ma vie, je voulais qu’elle progresse en avance rapide. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 20) ; « J’ai toujours voulu faire des études de cinéma. » (Smith, le héros homosexuel du film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Je le connais, mon p’tit Thomas. Il doit être à la maison en train de se faire les replays de ‘Plus belle la vie’. » (François, parlant nostalgiquement de son amant Thomas, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; « Je le connais, mon p’tit Thomas. Il doit être à la maison en train de se faire les replays de ‘Desperate Housewives’. » (idem) ; etc.

 

TÉLÉVORE Ceci-n-est-pas-un-film-de-cowboys-parent-homosexualite-court-metrage

Film « Ce n’est pas un film de cow-boys » de Benjamin Parent (sur l’impact du « Secret de Brokeback Mountain » sur des jeunes des cités)


 

Dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Hugo, le héros homosexuel, adore les comédies romantiques au cinéma. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Didier, tout de suite après avoir viré sa cuti, a décidé de s’abonner au câble. Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire a « la passion pour les comédies romantiques débiles ». Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, l’un des héros homos, est fan de comédies musicales, telles que Bananasplit. Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Brahim , l’un des héros homos, passe son temps à regarder des conneries à la télé. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, rêve de quitter l’Albanie et de faire de son grand frère Ody la future star de l’émission de télé-crochet Greek Star (en Grèce, donc). C’est exactement le même scénario entre les deux héroïnes lesbiennes Shirin et Atafeh du film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, qui cherchent à quitter Téhéran pour Tel-Aviv afin que l’une d’elle gagne la Star Ac israélienne et que l’autre soit son agent. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., les amants Jonathan et Matthieu regardent pour la énième fois le film « Moulin rouge » à la télévision. Dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, John, le jeune héros homosexuel, est fan des films d’Emma Thompson. Dans le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, la chambre de Yali, héros homosexuel, est remplie de photos d’acteurs et de chanteurs placardées sur les murs. Dans le film « Pourquoi pas moi ? » (1998) de Stéphane Giusti, Camille, l’héroïne lesbienne, est fan de « Star Wars ». Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, le couple homo chante son « amour comme dans ‘Les Parapluies de Cherbourg’. » Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pour son anniversaire, Bryan reçoit de son amant Kévin dix places de cinéma (p. 169). Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert, le héros homo, va louer des films au Vidéo Club. Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, Roger, le héros gay, est fan de Hairspray, la série musicale. Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antionetta se rend compte que Gabriele, son ami homosexuel, a l’esprit et le cœur contaminés « d’actrices, de chanteuses, de présentatrices ». Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, est fan des vieux films en noir et blanc. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, l’oncle Samuel de Elio, le héros homosexuel, voue un véritable culte au cinéma, notamment surréaliste : il chante les louanges de Buñuel. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, jeune héros homo de 10 ans, est hystérique face à la série Hellsome High où joue son acteur vedette John F. Donovan : « Je veux rien rater d’autre ! ». Dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien, Dallas, l’assistant-couturier, s’appelle en réalité Claude-François. Mais il a choisi ce pseudonyme télévisuel en hommage à la série télévisée américaine qu’il adore aussi : « Je connais J.R…. Et Bobby aussi. » (Dallas).

 

La télé ou le cinéma constitue pour le personnage homo un cocon protecteur qui semble le préserver de la « dureté » du Réel et de la société : « Il paraît que le cinéma, c’est pour s’extraire de la Réalité. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Il aimait le cinéma : il s’y sentait bien au chaud et entouré. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 213) ; « La télé est éteinte au lieu d’être allumée. Moi qui rêvais de drames, ceux des autres, pas les miens » (dans la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « Quand je rêve, y’a toujours des pubs qui passent dans mes rêves. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « J’espère qu’il y a la télé Là-haut ? » (idem) ; « Ce serait bien que mon nouveau voisin me fasse voler comme dans ‘Titanic’… » (Bernard, le héros homosexuel fantasmant sur Didier son voisin de pallier, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « La vie est plus étonnante que les films. La vie est plus conne que les films. » (Jacques s’adressant à son amant Arthur, au cinéma, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc.

 
 

b) L’idolâtrie vire à la (simulation de) destruction :

La présence de la télévision ou du cinéma dans le quotidien des héros homosexuels semble pourant être démesurée et envahissante. « Le film commande. » (Lena dans le film « Los Abrazos Rotos », « Étreintes brisées » (2009) de Pedro Almodóvar) Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, voit le monde à travers le Journal Télévisé de Jean-Pierre Pernaut. Pendant la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, la télé est constamment allumée sur scène. C’est la même chose avec l’ordinateur branché non-stop sur Internet dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche.

 

Film "Das Flüstern Des Mondes" de Michael Satzinger

Film « Das Flüstern Des Mondes » de Michael Satzinger


 

Certains personnages homosexuels adorent tellement la télévision et le cinéma qu’ils cherchent à la détruire, ou plutôt à simuler sa destruction (par la parodie ou le camp) : cf. le film « Blue Velvet » (1986) de David Lynch, le film « Le Fabuleux Destin de Perrine Martin » (2002) d’Olivier Ciappa, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg (avec David Bowie se révoltant contre ses écrans de télé), le film « Hollywood malgré lui » (2004) de Pascal-Alex Vincent, etc.

 

TÉLÉVORE Kang 2

B.D. « Kang » de Copi


 

Par exemple, sans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc, le héros homosexuel, est lassé des « inévitables reprises de Dynasty ou Dallas qu’on a vues cent fois et dont on voudrait étrangler les personnages tellement ils nous énervent… » (p. 67)

 

« La persistante et douloureuse soif des yeux ! » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 230) ; « J’en ai marre de la télé ! » (Damien dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois) ; « Une bande magnétique. Un soupir lui échappe. Sur un écran géant, ses yeux se ferment. Cherchez le garçon, trouvez son nom, cherchez le garçon. Réveil tragique succède. Un sommeil sans rêve. La forme de son corps ne veut rien dire pour moi. Cherchez le garçon, trouvez son nom, cherchez le garçon. Une bande magnétique. Un soupir lui échappe. Sur un écran géant, une goutte de sang. » (cf. la chanson « Cherchez le garçon » du groupe Taxi Girl) ; « I never look the publicity. » (Jules, l’homo dandy bobo adorant le cinéma et jouant pourtant le figurant dans certains films, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Lumière artificielle qui brûle tes rêves. » (la figure de Judy Garland dans la chanson « Une Étoile est née » du spectacle musical Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink) ; « Il cinema porta disgrazia. » (Pietro, l’amant du narrateur homo, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 12) ; « Jean-Rémy inculqua aux Boludos l’art du cinéma, tout en sachant qu’il en serait la première victime. » (cf. la nouvelle « La Déification de Jean-Rémy de la Salle » (1983) de Copi, p. 60) ; « Je ne me souviens jamais des titres, même des films. » (Vincent, le jeune héros homosexuel de la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; etc.

 

Ils finissent, à leur contact, par être blessés. Comme quelqu’un qui s’est frotté à une plaque coupante. Par exemple, dans le film « L’Homme d’à côté » (2001) d’Alexandros Loukos, Alkis, le héros homosexuel, affirme subir tous les après-midi un feuilleton grec débile, Elvira, que sa grand-mère suit assidûment. Mais ce qu’il ne dit qu’à demi-mot après, c’est que cela lui plaît : « À force d’être scotché devant la télé, je devenais une Elvira ! » Dans la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick, Éric, en zombie télévisuel, dort les yeux ouverts devant la télé. Dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le professeur d’université d’Angela meurt devant un film d’horreur projeté dans une salle de cinéma déserte. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Matthew, le couturier homo, se fait assassiner dans la salle de projection où il regarde un film porno gay. Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, se retrouve coincé dans une « touze » avec trois mecs qui rêvent de « se taper du rebeu », et qui entre-temps comatent devant leur télévision. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, le 15 juillet 2015, Jonas écoute les infos annonçant la fusillade de Lafayette en Louisiane dans un cinéma.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

a) Télé et ciné, l’adoration homosexuelle :

C’est peu de dire que les personnes homosexuelles aiment les images déréalisantes télévisuelles ou cinématographiques : littéralement, elles les adorent. Elles sont, à leurs yeux, une véritable religion : « Aller au cinéma, c’est entrer dans une église et assister à une cérémonie. » (le réalisateur Jean-Daniel Cadinot dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 64) ; « Je courais pour rencontrer le cinéma, entrer la bouche ouverte dans sa religion et ses images. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 31) ; « J’avais lu trop de livres, vu trop de films. Ma vie et mes sentiments me dépassaient. » (idem, p. 41) ; « Il y avait quand même la télé, il y avait le cinéma ! » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 30) ; etc. À titre d’illustration, dix pages sont consacrées au cinéma dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon : il s’agit du chapitre le plus long de tous ! Par exemple, dans le documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti, Andrea, l’une des témoins homosexuels, a sa chambre tapissée d’affiches de films de ciné. Tout le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand est construit sur la base de souvenir de films du héros homosexuel, héros qui s’auto-proclame cinévore : « Je suis cinéphile. Quand j’ai besoin de me défendre, je me fais une palme. » Les personnes homosexuelles sont souvent des (ex)drogués de télévision, de dessins animés, de jeux vidéo, de cinéma. La grande majorité d’entre elles croient que la Vérité sort de la bouche de leurs écrans : pour elles, il va insciemment de soi que « le monde du film est bien plus vrai que la vraie vie » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 67). Dans leur discours, réalité concrète et réalité cinématographique se mélangent très fréquemment, même si bien entendu elles sont intellectuellement capables de distinguer les deux et qu’elles s’affairent à se prouver à elles-mêmes et aux autres qu’elles sont capables de détruire les images qu’elles continueront d’aduler. Il semble que ce sont prioritairement les icônes cinématographiques qui ont fait l’effet d’électrochoc du désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles ont voulu coucher avec l’archétype de la beauté défini par leur époque et les médias. Leurs personnages de fiction disent eux-mêmes maintenir « des relations très intimes avec leur magnétoscope » (l’ami gay de Charlie dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear) et tomber amoureux des personnages de leurs livres, de leur télévision, de leurs magazines et des publicités. Elles-mêmes semblent préférer le cinéma à leurs amants : « Décidé. Le cinéma serait ma vie. En moi, malgré moi. Il n’y avait plus que cette vérité qui comptait. Qui continuait de parler. De suivre et d’écrire mon histoire. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 32) ; « Juste avant de partir Slimane a dit : ‘Qu’est-ce que tu préfères, l’amour ou le cinéma ?’ Il ne m’a pas laissé le temps de répondre. Il devait savoir mieux que moi ma réponse. » (Abdellah Taïa parlant de sa rupture avec son ex, op. cit., p. 109) ; etc.

 

Si un certain nombre de personnes homosexuelles croient que les estampes offertes par les médias sont fidèles à la Réalité, c’est notamment à cause d’une révolution technique audiovisuelle qui s’est produite à la fin du XIXe siècle et qui a joué et joue encore actuellement un rôle capital dans nos représentations mentales du monde et dans notre sexualité : je veux parler de la transition des images fixes aux images-mouvement, observable notamment dans le cinéma d’animation. La succession de vingt-quatre images par seconde et les images en 3D peuvent nous laisser croire qu’une photo, par essence morte, a le pouvoir de s’animer et d’aimer sans l’intervention humaine, que notre imagination est la Réalité, que ce que nous rêvons arrive à être tel que nous le conceptualisons mentalement, que le désir de celui qui a accès au maniement des nouvelles technologies iconographiques est tout-puissant.

 

L’impression saisissante de vraisemblance, permise par l’image-mouvement, n’est pas sans risque. L’image déréalisée, en déguisant le mythe en Réalité, peut encourager le passage des fantasmes à la pulsion actualisée, autrement dit la création de réalités fantasmées. Les nombreuses limites invisibles que nous impose l’objet cinématographique qui nous promet tout sans rien changer durablement à notre quotidien va réveiller chez certaines personnalités un fort sentiment de trahison et de frustration. Nous pouvons le constater par exemple avec les films pornos. Au bout d’un moment, l’image, même très réaliste et sexuellement excitante, ne suffit plus : elle en appelle d’autres, exige un passage à l’acte, encourage au désenchantement du monde, et à l’autodestruction. Les médias ne provoquent pas ce qu’ils filment : ils l’encouragent, et peuvent agir symboliquement par les effets désirants qu’ils provoquent en l’Homme. Si l’influence des images déréalisantes sur nos modes de vie n’est pas reconnue (car certaines personnes se servent du fait qu’elle est toujours imparfaite et qu’elle mobilise quoi qu’il arrive notre liberté de spectateurs pour ne pas la reconnaître), elle peut conduire à des comportements agressifs. La transition des images fixes aux images-mouvement nous fait souvent préférer le monde virtuel au quotidien, et donc impulse nos désirs de mort et de réification. Le désir homosexuel me semble être un produit de cette révolution picturale puisqu’il tend naturellement vers le matérialisme, l’« être objet » ou « icône vivante ».

 

Série Queer As Folk (version nord-américaine)

Série Queer As Folk (version nord-américaine)


 

Beaucoup de personnes homosexuelles (surtout celles qui, à certains moments, feignent de les rejeter) adorent le cinéma et/ou la télévision : Francis Bacon, Pedro Almodóvar, Jacques Nolot, Andy Warhol, Jean-Louis Bory, Abdellah Taïa, etc. « Dans les ouvrages de Burroughs, l’influence de la technique du cinéma est partout manifeste. » (Susan Sontag, « William Burroughs et le roman », L’Œuvre parle (1968), p. 147) Frédéric Mitterand, par exemple, crée son propre cinéma, l’Olympic. Dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6), on mesure tout l’impact des vidéos Youtube et Instagram dans l’imaginaire des personnes transgenres.

 

« Je suis toujours aussi émerveillé par la magie du cinéma. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 72) ; « J’allais au cinéma, évidemment, à peu près tous les soirs. » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 106) ; « J’ai toujours eu une passion qui est le cinéma. » (Mylène Farmer citée dans la biographie Mylène Farmer, le Mystère (2003) de Mathias Goudeau, p. 60) ; « Je me revois quand j’étais un garçonnet à la peau pâle et aux cheveux blonds cendrés, pas amateur des jeux et de la vie dans la rue pour un sou. […] C’est ainsi que les samedis après-midi je les passais là, dans ma chambre, en regardant sur cette télévision très grande les programmes jeunesse qu’une délicieuse speakerine, María Luisa Seco, annonçait. » (cf. l’article « Entre El Papel Y La Pluma » de Xosé Manuel Buxán, cité dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 173) ; « Je fis une station devant chaque cinéma que je croisai : le Princess, le Palace, le Cinéma de Paris, le Loew’s, le York, pour réchauffer mes pieds autant que pour regarder les affiches. Au York, Sophia Loren et Charlton Heston s’embrassaient passionnément devant un panorama de désert sec et torride, les chanceux ! » (Michel Tremblay dans son roman autobiographique La Nuit des princes charmants (1995), p. 31) ; « La télévision avait de tout temps fait partie de son paysage. Nous en avions quatre dans une maison de petite taille, une par chambre et une dans l’unique pièce commune, et l’apprécier ou ne pas l’apprécier n’était pas une question qui se posait. » (Eddy Bellegueule, parlant de sa mère, dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 63) ; « Vers l’âge de dix ans, je regardais la télévision, comme je le faisais régulièrement toute la nuit quand mes frères et sœurs s’absentaient, partaient dormir chez des amis. » (idem, p. 83) ; « J’appartenais au monde de ces enfants qui regardent la télévision le matin au réveil, […] qui regardent la télévision, encore, l’après-midi, le soir pendant des heures, la regardent entre six et huit heures par jour. » (idem, p. 102) ; « Nous avons bu un verre en regardant des niaiseries à la télévision, occupation pour laquelle Marie-France avait énormément de dispositions. […] Cette Marie-France qui ne s’intéressait qu’aux clés à molette et aux programmes télévisés les plus stupides. » (Paula Dumont décrivant une de ses amies lesbiennes, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), pp. 204-206) ; etc.

 

Dans mon essai Homosexualité intime (2008), j’avais déjà étudié l’attrait des personnes homosexuelles pour la télévision et le cinéma (même si cette idolâtrie se traduit chroniquement par une simulation bobo du rejet de ces derniers). Je n’échappe pas à cette tendance. Dès mon plus jeune âge, je fuyais le Réel à travers la télévision, le cinéma. Non pas que mes parents m’avaient abandonné ou planté devant le poste : au contraire, ils m’avaient inscrit à tout un tas d’activités – foot, scoutisme, dessin, sport… – qui m’écartaient des grands écrans. Mais malgré cela, j’ai quand même réussi à passer mon enfance et mon adolescence devant la télé, si bien que ma mère m’avait surnommé une fois « Monsieur Magnétoscope ». Il suffisait de me demander ce qui passait à la télévision tel jour : j’étais capable de répondre, vu que je connaissais le magazine Télé 7 Jours par cœur !

 
 

 

b) L’idolâtrie vire parfois à la (simulation de) destruction :

Derrière cette idolâtrie homosexuelle, il y a une peur et un manque de confiance en soi qui, poussés à l’excès, se mutent parfois en schizophrénie : « Le cinéma me montrait un monde tellement différent du mien, mystérieux et intrigant ! […] Fasciné par les stars du cinéma, je les imitais. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 48) ; « Vers l’âge de neuf, dix ans, je me suis mis à organiser des émissions fictives de radio et de télévision. Je me prenais pour un animateur […]. Je me prêtais différentes personnalités pour composer mon personnage. Avec une constante : je portais un nom féminin et je parlais, grammaticalement, comme si j’étais une femme. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 28) ; « Ma vie n’était pas si triste mais elle avait ses côtés morbides que je trompais en regardant compulsivement des films. » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 255) ; etc.

 

Film "Todo Sobre Mi Madre" de Pedro Almodovar

Film « Todo Sobre Mi Madre » de Pedro Almodovar


 

Beaucoup de personnes homosexuelles, devinant leur fragilité idolâtre sans pour autant l’affronter et la régler, feignent de détester la télé et le cinéma, pour continuer d’aller les voir (en cachette ou sur Internet ou dans leur salle de projection privée bobo) : « La 17e édition a la couleur de l’audace, de la créativité, et défend une cinéphilie LGBT rigoureuse et plus que jamais au-delà des clichés. » (cf. Pascale Ourbih, homme transsexuel M to F, parrain du 17e Festival Chéries-Chéris du Forum des Images de Paris le 7-16 octobre 2011, s’exprimant sur l’éditorial de la plaquette de l’événement) ; « Télé, plus télé, plus été, plus été. Marre de la télé ! Pourtant elle continue à répandre ses images en couleurs, une bouillie de débats de société, d’enquêtes policières, de reportages bidon. Elle s’impose comme, à la campagne, un feu de bûches dans une cheminée. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 118) ; « Je n’ai pas de télévision. Parce que je l’aime trop. Elle est ensorcelante. » (Julien Green dans l’émission Apostrophe, sur la chaîne Antenne 2 le 20 mai 1983) ; « Le cinéma est le lieu de l’absolue cruauté. […] Le cinéma nous inachève. Il nous apprend que nous ne sommes pas entiers, que notre construction est fragile. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 97) ; « Manuel Puig écrit sur la trahison du cinéma qui, en nous faisant rêver de l’impossible, nous empêche parfois de vivre nos possibles. Il brosse le portrait réaliste et impitoyable d’une société qui pratique toutes les hypocrisies, y compris sexuelle, et dont le cinéma des années 1930 et 40 est l’un des principaux modèles de conduite. […] Il entretient un rapport douloureux avec le cinéma qu’il aime. Expression parfaite de son idéal esthétique fait de kitsch et de glamour, le cinéma américain tout comme son contemporain allemand est, avant tout, cinéma de propagande. » (Lionel Souquet, Le Kitsch de Manuel Puig (1996), p. 174) ; « Le Sida est une maladie de la communication. » (cf. un étonnant slogan d’Act-Up désignant le Sida comme cache-misère médiatique et comme une instrumentalisation des personnes homos et de leurs malheurs) ; « Je ne voulais pas qu’on voie que je venais à peine d’être une nouvelle fois rejeté. Que je m’étais trompé. Je ne voulais pas me donner en spectacle. J’avais envie d’errer, de respirer la nuit seul, de traverser cette ville où, depuis que j’avais quitté le Maroc poursuivant des rêves cinématographiques, je me redécouvrais heureux et triste, debout et à terre. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 45) ; etc. Par exemple, le réalisateur homosexuel Pier Paolo Pasolini, pourtant féru d’images, prétendait haïr la télévision et ne jamais la regarder.

 

Il n’y a pas de causalité directe entre homosexualité et cinéma/télé (la télévision ne crée rien : elle n’est qu’une loupe des fantasmes et des volontés humaines, d’un rapport entre l’Humain et ce qu’il voit) : « Les enfants qui regardent la télévision plus de 4 heures par jour avant l’âge de 6 ans ont 5 fois plus de chances d’adopter des comportements violents pour résoudre les difficultés de leur vie quotidienne une fois devenus adultes. (5% de ceux qui regardent la télévision moins d’une heure par jour adopteront des comportements violents, contre 25% de ceux qui la regardent plus de 4 heures) Cinq fois plus, c’est considérable. Mais si on s’intéresse de plus près aux chiffres, on s’aperçoit que 75% des enfants qui regardent la télévision plus de 4 heures par jour dans leurs premières années… n’adopteront pas plus la violence que ceux qui la regardent moins d’une heure ! Comment se fait-il que la consommation massive d’images n’ait eu chez eux aucun des effets redoutés ? C’est tout simplement parce qu’il n’y a jamais les ‘images’ d’un côté et ‘l’enfant’ de l’autre, mais aussi l’histoire de celui-ci, sa famille, ses copains, son école, et l’ensemble de son environnement. Dans tous les cas, c’est l’intrication des images violentes avec de nombreux facteurs qui est décisive. » (cf. l’article « Les jeunes et les images » de Serge Tisseron, dans l’essai Zoom sur l’image (2004), p. 8)

 
 

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Code n°171 – Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe

Tomber amoureux

Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

L’idolâtrie jalouse et sentimentale pour l’acteur convoité ou le Don Juan des cours de récré

 

Quand on voit toutes les fois (quasi toutes) où l’homosexualité est apparue rien qu’à cause de la vue d’un acteur excitant, ou par complexe/admiration jalouse par rapport au beau gosse du lycée, plutôt qu’elle serait venue par le Réel ou par un être de chair et de sang aimant (même si, après, bien évidemment, l’icône du bellâtre cinématographique a pu être projetée sur des personnes réelles proches), on se dit : « Si l’homosexualité ne repose principalement que sur ce stimulus de merde là, elle est ballote, quand même ! »

 

C’est peu de dire que les personnes homosexuelles aiment les images : littéralement, elles les adorent ! Ce n’est pas de l’amour, mais bien de l’adoration. Quelque chose de possessif, d’inconscient, d’hypnotique, de « ravissant » (dans tous les sens du terme !). La caractéristique de ces images qui ôtent aux sujets homosexuels leur désir sexuel et leur liberté, c’est que même si elles peuvent être portées ou incarnées par des êtres humains de chair et de sang, elles sont quand même éloignées/éloignantes du Réel, retouchées, sublimées/déformées par les spots, les montages, le souvenir.

 

Sur les écrans et dans les fictions littéraires, rares sont les protagonistes homosexuels qui ne sont pas tombés amoureux d’un personnage de fiction, un bel acteur, une grande chanteuse, ou un être humain connu dans l’enfance et qui attire à lui un grand nombre de regards, genre le meilleur élève de la classe, le Don Juan sur qui toute l’attention se concentre. Ils disent eux-mêmes maintenir « des relations très intimes avec leur magnétoscope » (l’ami gay de Charlie dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear) et tomber amoureux des figurines de leurs livres, de leur télévision et de leurs magazines.

 

Ça n’arrive pas qu’au cinéma. Parfois, ça arrive par le cinéma au réel, et aux individus homosexuels bien existants ! Il semblerait que ce sont prioritairement les icônes cinématographiques qui ont fait l’effet d’électrochoc du désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles ont voulu coucher avec l’archétype de la beauté défini par leur époque et les médias… même les moins midinettes d’entre elles. L’homosexualité masculine, par exemple, a souvent émergé d’un sentiment de non-conformité par rapport à l’image masculine imposée par les médias, d’une peur fondée avant tout sur certaines images faussées de l’homme réel : « J’avais l’impression que d’être homosexuel faisait de moi un sous-homme. C’est pour ça que j’ai longtemps été mal parce que je courais après une espèce d’image masculine, qui est un archétype social, mais qui n’est pas une réalité en définitive. Je courais après ça… et moi, je suis pas comme ça. » (Olivier, témoin homosexuel interviewé dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) La même chose semble s’être produite pour l’homosexualité féminine : la comparaison excessive à la femme-objet a certainement été décisive. « Je n’étais pas bien belle. Je n’étais pas une pin-up. J’étais toujours un peu rondouillarde… » (Micheline, femme lesbienne citée dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 50) L’homosexualité est le nom donné à une crainte d’incarner une anormalité sexuelle personnifiée. Elle procède très certainement d’une peur d’être un adulte, un homme, une femme, un individu unique, différent et libre, de côtoyer le mystère de l’autre et son propre mystère, d’aimer et d’être aimé, d’être vivant ou objet. Le désir homosexuel paraît être motivé à la fois par un éloignement du Réel (donc le devenir-objet, la mort), et surtout la peur d’être unique (donc la jalousie et la non-acceptation de soi).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Télévore et Cinévore », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Super-héros », « Défense du tyran », « Fan de feuilletons », « Élève/Prof », « Don Juan », « Musique comme instrument de torture », « Bergère », « Éternelle jeunesse », « Actrice-Traîtresse », « Pygmalion », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Substitut d’identité », « Peinture », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Amant modèle photographique », « Amant narcissique », « Solitude », à la partie « Fixette sur un amant perdu et déifié » du code « Clonage », à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », et à la partie « Nécrophagie » du code « Cannibalisme », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Acteur, mon amour :

Opéra-Rock La Légende de Jimmy de Michel Berger

Opéra-Rock La Légende de Jimmy de Michel Berger


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel tombe souvent amoureux d’un être de papier, d’un chanteur, ou d’un acteur (même si intellectuellement, il se rend compte de sa chimère) : cf. le film « Dottie Gets Spanked » (1993) de Todd Haynes, le film « Emporte-moi » (1998) de Léa Pool, le film « Irma Vep » (1996) d’Olivier Assayas, la chanson « Corto » de David Jean, la B.D. Journal (1) (1996) de Fabrice Neaud, la chanson « La Fan de sa vie » de Zazie, le vidéo-clip de la chanson « Outta Love », le film « Toto Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (dans le rapport de Fefe à Pietrino), le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (avec Francis, le héros homo portant une photo de James Dean dans sa main), etc.

 

« Bobby la science, c’était mon premier vrai p’tit copain. » (Hugo parlant d’un personnage de revue scientifique d’adolescence à son futur amant Patrick, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills) ; « Je n’ai pas encore aimé – j’ai failli mourir d’amour quand Marlon Brando s’est déchiré le t-shirt sale en hurlant : ‘Stella ! Stella !’ et j’ai eu une flambée pour Burst Lancaster dans ‘Trapeze’, mais je n’ai pas encore vraiment aimé – et je me demande souvent, sourcils froncés et le trac au cœur, quand ça va se déclencher, où est-ce que je serai, avec qui ce sera et comment ça va se passer… » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18) ; « C’est beau de sublimer, mais je commence à être pas mal vieux pour rêver que Jean Besré se meurt d’amour pour moi ou que Guy Provost m’enterre sous des tonnes de fleurs coupées parmi les plus rares et les plus odorantes. Ce petit théâtre ne suffit pas à remplir ma vie ni à combler mon besoin d’amour. » (idem, p. 19) ; « Comment j’ai su que j’étais gay ? Par exemple, je faisais sans arrêt le même rêve avec Daniel Radcliffe. » (Simon s’adressant à son amant Bram, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Moi, j’ai compris que j’aimais les mecs en regardant ‘Games of Thrones’. Je kiffais grave John Snow. » (Bram à Simon, idem) ; « Je suis déçu : t’es pas Ryan Gosling… » (Victor, le héros gay, ironique, s’adressant à son amant Raul qu’il désir beaucoup, dans le film « Plus on est de fous », « Donde caben dos » (2021) de Paco Caballero) ; etc.

 

C’est en général cet acteur qui lui apprend qu’il est homo : « Nous commencerons par cet acteur pornographique. Ça commence toujours par là… » (Samuel Ganes dans son one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle, 2009) ; « Je l’ai aimé. C’était une grande vedette de cinéma. […] Tant qu’il y a de la pellicule, y’a de l’espoir. J’la manipule tous les soirs. » (Charlène Duval, le comédien travesti M to F parlant d’un de ses amants, dans son one-(wo)men-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Je suis sorti avec un chanteur… et il travaille à Disney maintenant. » (Matthieu dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « C’est pas facile, le plaisir. Apprivoiser ton corps glacé. » (cf. la chanson « Que mon cœur lâche » de Mylène Farmer) ; « Merci La Redoute et Les 3 Suisses ! » (Nathalie, lesbienne, en train de se branler avec son gode, dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa) ; « Vous me faites penser aux gens qui regardent des photos d’art de modèles nus en ayant la gaule. Tous ces gens qui n’ont pas encore compris que l’art ne servait pas à bander lamentablement. » (Polly, l’héroïne lesbienne s’adressant à ses deux potes homos Mike et Simon, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 36) ; « Le grand secret de ta vie… Le seul homme que t’as aimé en photo : Rudolph Valentino. » (Charlène Duval, le travesti M to F, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « J’adore Mimi Mathy. Elle a tout d’une grande. […] J’adore Jean-Paul Belmondo. » (le coiffeur homosexuel du one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Bois-Rouge respire le fin d’un monde et ce n’est pas fait pour me déplaire. On y oscille entre un aujourd’hui naufragé et un hier mythique ou pour le moins littéraire dont vous êtes à mes yeux le personnage central. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 143) ; « C’est ce jour-là que j’ai rencontré le premier amour de ma vie, il s’appelait David Bowie. Sa musique a changé ma vie. Moi j’ai changé mon nom pour lui. » (cf. « La Chanson de Ziggy » de Marie-Jeanne et Ziggy, dans l’opéra-rock Starmania de Michel) ; « Quand Brad Pitt est rentré, j’me suis transformé en gonzesse. » (un des comédiens parlant de l’acteur Brad Pitt débarquant dans un bar où il se trouvait, dans le spectacle « stand-up » Desperate Housemen (2010) de Stéphane Murat) ; « Depuis que je t’ai vu sur scène, j’en avais le souffle coupé. » (Un spectateur faisant sa déclaration en chanson à Paul, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Faudrait pas me pousser pour me marier avec KD Lang. » (Stella, une des héroïnes lesbiennes du film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « J’ai passé une nuit de folie, les garçons ! Faut que je vous raconte ! Anna l’actrice, elle s’appelle Anna et pas Vanessa, elle est folle ! » (Polly, l’héroïne lesbienne du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 34) ; « On se parle par écrans interposés. » (Daniel s’adressant à son amant-internaute adoré, Luther, qui vit à l’autre bout du planisphère, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Fluffer » (2001), Sean, étudiant en cinéma, tombe amoureux d’une star du porno gay. Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, tous les personnages, homos ou hétéros, fantasment sur le film « Ben-Hur » : « Charlton Heston est trop craquant… » s’extasie Mirko, l’amant de Radmilo. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane, romancier célèbre, et Stéphane, celui qui fut son jeune amant, racontent leur première rencontre : Vincent accompagnait un ami qui venait faire signer son livre auprès de Stéphane à une séance de dédicaces. Dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, Bruno tombe amoureux du fameux joueur de tennis Guy Haines qu’il rencontre dans un train. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam, le prêtre homo, danse la valse, complètement bourré, avec le portrait de Benoît XVI, son pape chéri qu’il est sur le point de tromper. Dans le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, King succombe au charme de Victor quand il le/la voit interpréter la chanson « The Jazz Hot » sur scène. Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la voix narrative tombe amoureuse de Mathilde, une star de la chanson. Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, « M. », un des héros homos, dit « qu’il est amoureux d’Audrey Hepburn, l’actrice de ‘Breakfast At Tiffany’s » et « fan de Lio » (p. 39). Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, Claude regarde avec envie à la TV le patineur artistique. Dans le film « Amour et mort à Long Island » (1996) de Richard Kwietniowski, un romancier s’amourache d’un jeune acteur qu’il va poursuivre. Dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, l’un des deux amants avoue à son copain que durant son enfance, il est tombé amoureux du personnage fantastique « le Mounime » dans le livre de contes qu’ils sont en train de feuilleter amoureusement. Dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, Loïc tombe amoureux d’un joueur de football, Rui, dont il a seulement vu la photo dans le journal. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Patou, un des « ex » de Bernard, adorait le chanteur Étienne Daho. Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Bea, Alex s’amourache de la star Mitchell Green. Dans le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, Sébastien change de nom et se fait appeler Zack en référence à un héros de série télé qu’il a adulé dans son adolescence (Zack de Sauvez par le Gong). Dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, Dean est amoureux de Luc Alphin, un comédien de la série Flipper le Dauphin. Dans le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler, Beni, un adolescent, vit une histoire d’amour avec Fugi, un chanteur de rock. Dans son one-woman-show La Lesbienne invisible (2009), Océane Rose Marie dit en plaisantant qu’elle a eu le coup de cœur pour Hélène Rolles, l’héroïne de la série Hélène et les garçons. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Sébastien est attiré par Filip du groupe des 2BE3, et par ailleurs, appelle son petit copain « J.R. » (= Jean-René), comme le personnage de Dallas ; quant à Marcy, sa meilleure amie lesbienne, elle tombe amoureuse d’Anne-Lise, l’ex-Miss-Tee-Shirt-Mouillé de son camping de vacances. Dans le film « Backstage » (2005) d’Emmanuelle Bercot, on observe une réelle fascination de la part de Lucie pour la chanteuse de variétés Lauren Waks. Même processus dans le film « Le Rôle de sa vie » (2004) de François Favrat, dans lequel Claire Rocher, pigiste dans la mode, rencontre Élisabeth Becker, une actrice connue dont elle devient l’assistante personnelle. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, dit avoir eu son premier émoi homosexuel à 4 ans, quand sa mère l’a amené voir le ballet Casse-Noisette (1892) de Tchaïkovski, et qu’il a été fasciné par le danseur. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Kévin, le héros homosexuel, a des posters de 2BE3 au mur de sa chambre d’adolescent. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glenn avoue qu’adolescent, il « se branlait » devant son poste de télévisuel face à l’acteur Rupert Graves. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel post-pubère, est attiré par les hommes poilus et matures : il commence à se masturber avec des photos d’hommes dans les magazines. Dans le film « Fotostar » (2004) de Michèle Andina, Konrad travaille dans un magasin de développement de photos, et « flashe » sur un inconnu posant sur l’une d’elles, qu’il va chercher à draguer (… déjà, au tout début de l’histoire, on l’avait vu, « se rincer l’œil » devant des photos de magazines de lutteurs olympiques qu’il matait dans les cabinets, en cachette…). Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, la jeune Sibylle Ashby passe son temps à consulter ou à lire des ouvrages érotiques qu’elle vole dans la librairie genevoise d’Axel Thorpe. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’un des deux héroïnes lesbiennes, regarde régulièrement des films pornos lesbiens pour s’exciter toute seule. Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria découvre sa partenaire de scène Jo-Ann (avec qui elle doit jouer une liaison lesbienne) à travers internet et le cinéma, et ça vire à l’obsession par écrans interposés. Jo-Ann produit la même fascination chez Valentine, l’assistante de Maria, qui est fan de la jeune actrice depuis bien plus longtemps encore que sa patronne. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris, le blond, tombe amoureux d’une star du football, Ruzy Dagneau, joueur noir. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona, l’héroïne lesbienne, s’entraîne à danser la danse orientale devant une danseuse du ventre, Samia Kamaal (la plus grande danseuse d’Égypte), diffusée à la télé. Dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil, Arnaud, le fan de Johnny Hallyday, regrette que son chanteur-fétiche ne s’offre à lui comme il le voudrait : « Avec Johnny, je suis pas sûr que je pourrais avoir des relations sexuelles. » Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, héros homo de 10 ans, anglais, maintient avec John F. Donovan, un acteur de série B nord-américain, trentenaire homosexuel, une relation épistolaire passionnelle à distance pendant 5 années. Rupert idolâtre sa star fétiche, et regarde tous les épisodes de la série (Hellsome High) où joue John, vit sa vie par procuration à travers lui : « C’était mon seul lien avec la vie dont je rêvais. ». Ils échangent une centaine de lettres… et John finit par trahir le garçonnet pour que son homosexualité ne soit pas dévoilée au grand jour. Suite à ce « drame », Rupert déchire tous les posters de son acteur vedette qu’il avait accrochés dans sa chambre.

 

Film "House Of Boys" de Jean-Claude Schlim

Film « House Of Boys » de Jean-Claude Schlim


 

Le référent fantasmatique, le prisme à travers lequel le héros homosexuel envisage les personnes réelles qui l’entourent, et notamment son partenaire amoureux, est en général une créature mythique, littéraire, télévisuelle : « J’avais lu La Citadelle de A.J. Cronin, qui décrivait l’héroïne sous les traits d’une femme particulièrement belle. J’imaginai un moment que c’était elle. » (Anamika face à Linde, sa future amante, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 10) ; « Mourad [l’un des deux héros homosexuels] finit par s’emparer d’un mensuel culturiste acheté à la gare, cacha la tête d’un modèle herculéen et s’efforça de la remplacer imaginairement par celle de Jason. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 244) ; « J’ai adoré les photos de vacances que tu m’as envoyées. Les poissons que tu as capturés sont énormes ! On distingue ton torse à travers le vêtement mouillé : tu deviens un une homme charmant. Si tu as d’autres photos après une baignade nudiste… je suis preneur ! » (Randall s’adressant à Ernest, le copain de son fils, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « Tu ressemblais à un acteur de bollywood. » (un des protagonistes homos à son amant, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Ronit était là. Telle qu’Esti en avait gardé le souvenir, et plus encore. Dès le premier coup d’œil, on voyait qu’elle ne vivait plus ici ; elle ressemblait à une fleur exotique qui aurait poussé de façon inopinée entre les pavés. Rose et somptueuse, elle était habillée comme les femmes des magazines ou sur les affiches. » (Ronit, l’héroïne lesbienne observant goulûment son amante Esti, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 85) ; « Il y a entre eux [Denis et son amant Luther] une intimité sensuelle comparable, à la relation entre un spectateur et son chanteur. » (la voix-off du film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; etc. Par exemple, dans la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, le narrateur homosexuel rencontre un joli garçon pendant qu’il visite Le Louvre, et s’imagine qu’il « baise » avec lui comme s’il copulait avec un des personnages du tableau qu’ils observent : « J’entrepris de comparer ostensiblement la paire de fesses de marbre noir du Cupidon qui patinait Psyché à celle de jean noir du garçon figé par l’admiration. » (p. 108)

 

La passion violente pour l’homme-objet ou la femme-objet hétérosexuel(-le) a tout l’air d’une idolâtrie, une traversée de miroir qui rend amnésique : « Alors je l’ai vu. J’en avais entendu parler à la télévision comme tout le monde et j’avais suivi ses exploits. Il est apparu. […] Écran noir. Plus rien ne passe. C’est comme si le stade s’était habillé d’un voile noir mais un peu transparent. » (le narrateur homosexuel du roman Comment j’ai couché avec Roger Federer (2012) de Philippe Roi, p. 4) Elle est proche du fanatisme, de la folie, de la fusion-rupture, car bien évidemment, elle instaure un rapport relationnel inégalitaire dominé/dominant. Par exemple, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo, l’un des héros homos refoulés, après sa tentative de kidnapping de Carla Bruni dont il dit être amoureux, manque de peu d’être interné dans un hôpital psychiatrique, et est activement recherché par la police. Dans l’incipit de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges regarde à la télévision son « mec » Édouard faire sa campagne électorale, en le critiquant sévèrement comme s’il était un spectateur lambda, parce qu’il n’épouse pas du tout les mêmes opinions politiques que lui (… mais le public n’apprend qu’après-coup la nature amoureuse, ou plutôt passionnelle, de leur relation… une relation vouée à l’échec).

 

Parfois, l’homme télévisuel occupe une place plus importante dans le cœur du héros homosexuel que l’amant réel : « Je te préviens : le home-cinéma, c’est moi qui me le garde. » (Claude à son copain François, au moment de leur rupture, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « C’était comme au cinéma. C’était au bord de la plage. C’est alors qu’il m’est apparu. Un petit air de Ryan Goslin… avec le corps d’Élie Sémoun. » (Benjamin racontant sa première rencontre avec Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 
 

b) Le beau gosse du lycée :

Je vous renvoie également à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Vidéo-clip de la chanson "Popular" de Nada Surf

Vidéo-clip de la chanson « Popular » de Nada Surf


 

Dans le même registre, mais à une échelle un peu plus accessible, le héros homosexuel se choisit un autre écran humain sur lequel projeter ses fantasmes sexuels naissants. En général, l’heureux élu est le garçon le plus populaire du lycée, celui qui a toutes les filles à ses pieds, qui est super bon en sport, qui a tous les copains qu’il veut, bref, l’homme qui représente la « coolitude » hétérosexuelle la plus naturelle : cf. le film « To Play Or To Die » (1990) de Frank Krom, le film « Little Black Boot » (2004) de Colette Burson, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le vidéo-clip de la chanson « Popular » du groupe Nada Surf, le film « Le Grand Alibi » (2007) de Pascal Bonitzer, le film « Winter Kept Us Warm » (1965) de David Secter, le film « Oi ! Warning ! » (1999) de Dominik et Benjamin Reding, le film « Venner For Altid » (« Amis pour toujours », 1986) de Stefan Christian Henszelman, la pièce Missing (2008) de Nick Hamm, etc.

 

C’est quand même assez flagrant comme dans beaucoup de cas fictionnels, les réalisateurs ou les romanciers projettent leurs fantasmes inassouvis et adolescents de midinette se faisant courtiser par l’inaccessible Don Juan de leur lycée d’adolescence. Par exemple, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay adulte, retrouve Patrick un ancien camarade de lycée (de 2 ans son aîné) dont il tombe amoureux : « Il est toujours aussi mignon. Voire encore plus qu’avant. Tout le monde adorait Patrick. En plus d’être super intelligent, il était ultra populaire et sûr de lui. Les profs disaient qu’ils seraient président. » (Hugo). ans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, Suzanne tombe amoureuse de la fille la plus convoitée du lycée, Jacqueline : « Elle était populaire et n’avait évidemment pas besoin de moi. » (p. 37) Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, scotche sur Sonia, une jeune chanteuse bisexuelle qui prépare un disque et qui a un franc succès avec les garçons : « Attends, Sonia, elle peut pas être lesbienne. Elle est trop belle. Tous les garçons, ils craquent sur elle. […] T’as une de ces cotes avec les mecs, toi. » Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo tombe sous le charme du beau Gabriel, le beau gosse du lycée : « Le nouveau est super mignon. » (Giovanna, la « fille à pédés » s’adressant à son meilleur ami homo Léo) Au début de la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes, Hitler tombe amoureux du premier de la classe, Ludwig. Dans le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair, Ernest a le béguin pour Raoul, le Don Juan de son école. Dans le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, Texor, à 7 ans, est fasciné par Franck, le garçon le plus beau de sa classe. Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Ernst tombe amoureux de la photo de son correspondant allemand Rolf avant de le rencontrer en vrai. Dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, la jeune Juliette, secrètement amoureuse de sa prof de français, est jalouse du Don Juan de son collège, le bel Antoine : elle a peur qu’il lui fasse concurrence. Dans le film « Basket et Maths » (2007) de Rodolphe Marconi, Jérôme tombe amoureux de Cédric, le leader de la classe. Dans le roman Avec Bastien (2010) de Mathieu Riboulet, Bastien tombe amoureux à 8 ans de Nicolas, un de ses camarades de classe, qui disparaît peu après dans un accident de voiture. Dans le film « Cappuccino » (2010) de Tamer Ruggli, Jérémie s’éprend de Damien, le leader de sa classe, et s’imagine, parce que celui-ci accepte de se faire sucer par lui, que c’est le « grand amour ». Dans le film « Contra-corriente » (2011 de Javier Fuentes-León, Santiago craque totalement pour son amant Miguel qu’il voit diriger une célébration funéraire, et qu’il photographie de loin : « Tu avais tout d’un leader ! » Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau se dit, dans son adolescence, captivé par « Pierre et Stanislas, les premiers de la classe ». Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, essuie son premier râteau avec Jeremy, le beau gosse de sa High School en Angleterre, qu’il a cru aimer et qu’il a attendu comme une femme attend un homme. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie est fascinée par Floriane, le capitaine de l’équipe de natation synchronisée… et sa future amante. Dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, Amy et Karma essaient absolument d’être populaires dans leur lycée en faisant courir la rumeur qu’elles sont lesbiennes. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène tombe amoureuse de Sarah, la Don Juane du lycée. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), la langue de Laurent Spielvogel, le héros homosexuel, est fasciné par un camarade de lycée, le beau Stanislas : « Il est super chic. » Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, lors d’une intervention en milieu scolaire de l’association Act-Up, un élève de terminale, sans doute homo en herbe, flashe sur le beau Nathan, militant venu faire de la prévention. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, voit débarquer (au ralenti) le beau Nicholas dans sa salle de classe, et c’est tout de suite le coup de foudre. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies), Ritchie tombe amoureux de Ash, le beau gosse musclé de la fac.

 
Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, tous les héros de la bande de potes gays évoquent en fin de soirée leur premier grand coup de cœur homosexuel. Emory, par exemple, a vécu sa plus forte (et plus décevante) histoire d’amour au collège, quand il est tombé en amour pour un élève plus âgé que lui, Peter : « Il est absolument beau. » dit-il, les yeux fixés dans le vide ; « Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. […] Peter était fiancé à cette conne de Loraine, dont la mère était une vraie salope. »

 

Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il s’est lié d’amitié à l’école avec un certain Julien, un gars avec qui il a vécu ses premières expériences sexuelles dans les cabinets de toilettes (ils se sont comparés les zizis), et qui ressemblait au chanteur Steeven du groupe de Boys Band Alliage. Jefferey dit être attiré toujours par le même type d’hommes : des grands blonds aux yeux bleus. Et Julien correspond à cet archétype, même s’il est africain : « Un Africain blond aux yeux bleus, c’est bizarre, je vous l’accorde. »
 

« Je lui montrais comment faire une explication pour le bac en français. On avait un groupement de textes tiré des Fleurs du mal. Quand je relisais avec lui Parfum exotique, j’avais des frissons des pieds à la tête. J’avais l’impression que ça parlait de lui, de nous. » (Mourad, l’un des personnages homosexuels, parlant d’Esteban, un camarade de classe, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 339) ; « Je suis sûr qu’adolescent, tu étais élu élève le plus populaire. » (Denis en extase devant son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « À 17 ans, j’me rendais pas compte. J’le trouvais beau, brillant, talentueux, intelligent. J’crois qu’on était toutes amoureuses de lui. » (Sandrine, pourtant lesbienne, parlant de Raphaël, dans l’épisode 261 de la série Demain Nous Appartient, diffusé sur TF1 le 3 août 2018) ; « C’était le plus beau mec de la ville. » (Sandrine Lazzari, pourtant lesbienne, se justifiant d’être tombée amoureuse de son amour de jeunesse Guillaume, dans l’épisode 509 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 17 juillet 2019 sur TF1) ; etc.

 

En remontant le fil d’Ariane, on découvre que c’est souvent la comparaison auto-dévalorisante aux autres et surrévaluante par rapport à une exception d’entre eux, qui construit la fascination idolâtre du héros homosexuel. Par exemple, dans le roman Papa a tort (1999) de Frédéric Huet, Julien tombe amoureux de son voisin de pupitre, le bel et sculptural Antoine : « J’ai remarqué qu’Antoine, il est beaucoup plus musclé que moi. […] Il est drôlement bien foutu. » Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis, le personnage homosexuel, avoue, tout admiratif, à Tom, un ancien ami d’enfance du club de foot qu’ils fréquentaient ensemble, qu’il était à l’époque déjà amoureux de lui : « Avec ton âme de leader… »

 

À la base, c’est la jalousie qui explique l’adulation pour le chef de la classe. Par exemple, dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, Lukas, l’héroïne trans F to M, tombe amoureuse de Fabio, le beau gosse le plus populaire du lycée ; mais cet amour n’est en réalité qu’un désir de fusion égoïste : « Je suis jaloux de sa dégaine ! » Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Laurent scotche complètement sur Patrick, l’homme le mieux « gaulé » de sa salle de sport, parce qu’il rêve de fusionner avec lui : « Envie de lui… envie de lui ressembler, tout simplement. » Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar tombe amoureux de Khalid, le meilleur élève de la classe, qui aura le privilège de rencontrer le Roi Hassan II du Maroc à sa place (c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il assassinera son amant plus tard).

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Acteur, mon amour :

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel tombe souvent amoureux d’un être de papier, d’un chanteur, ou d’un acteur. Je vous renvoie aux documentaires « Amoureuse de Greta Garbo » (2000) de Lena Einhorn, « Jodie : An Icon » (1996) de Pratibha Parmar, aux nombreux calendriers des Dieux du Stade achetés par un public LGBT, aux couvertures de la presse gay, à « l’excitation de groupies attardées » des journalistes de Têtu pour les beaux gosses de la planète (David Beyckam, Enrique Iglesias, Brad Pitt, George Clooney, etc.) et pour les coming out surprise des célébrités (Zakary Quinto, Jim Parsons, Ricky Martin, Jodie Foster, M. Pokora, etc.). Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar, le personnage homosexuel, est amoureusement fasciné par le Roi Hassan II du Maroc qu’il voit à la télé… ce qui se trouve être une réalité autobiographique de l’auteur lui-même. Dans l’émission Ça se discute consacrée le 18 février 2004 à l’homosexualité féminine, Sophie dit être amoureuse de Céline Dion. Le film « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath retrace l’histoire vraie de Truman Capote qui, en lisant les journaux, tomba amoureux d’un serial killer. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte comment son ami Ernestino aime admirer la musculature des sportifs.

 

Je connais dans mon entourage énormément d’amis homosexuels qui ont vécu leurs premiers émois homosexuels par le biais d’un mannequin, d’un acteur, d’un beau chanteur, ou d’un sportif. Par exemple, une de mes amies me dit qu’elle a su qu’elle était lesbienne en regardant la patineuse Katarina Witt.

 

« Je fantasme souvent sur des gars… souvent inaccessibles. […] Je tombe amoureux des hétéros et des stars (ex : M. Pokora depuis son nouvel album et depuis que je suis ses interviews). » (Galopeur, internaute s’exprimant sur le site Doctissimo, le 11 mai 2008) ; « L’impact de la fiction sur un jeune homosexuel, il est colossal. C’est rompre la solitude. Et celui qui n’a que le film homo pour s’identifier, il partage ce secret. Et ce secret, c’est un personnage de fiction. » (Céline Sciamma, réalisatrice lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « Ce garçon est Cinéma. » (Christophe Honoré, parlant d’un acteur dont il est amoureux, dans son autobiographie Le Livre pour enfants (2005), p. 97) ; « J’aime vous lire à peu près comme on aime un amant. […] J’ai voulu vous écrire quand je suis tombé amoureux de Stéphane, le vôtre, en lisant La Vie sans lui. » (cf. un extrait d’une lettre de Florian, un fan lecteur de Pascal Sevran, dans l’autobiographie de ce dernier, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 85) ; « Quand on regarde une série, on se dit : ‘Celle-là, elle est mignonne…’, ‘Celle-là, elle est mignonne…’, etc. » (Fanny, une femme lesbienne s’exprimant dans l’émission Dans les yeux d’Olivier, « Les Femmes entre elles » d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011) ; « Un beau jour, mon regard croisa celui d’un garçon qui ne cessait de cocher, je ne sais quoi, dans son journal. […] Tantôt souriant, tantôt faisant la moue, ses mimiques très drôles lui donnaient cette familiarité, si sympathique, des personnages de bandes dessinées. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 99) ; etc.

 

Dans l’équipe de chroniqueurs de l’émission Homo Micro, sur Radio Paris Plurielle, Fabien, le spécialiste de la « Chronique Santé », avoue qu’il a flashé très jeune sur l’acteur de la série L’Homme de l’Atlantique, Patrick Duffy.

 

Patrick Duffy

Patrick Duffy


 

Les sentiments pour un acteur ou une actrice de cinéma pointe souvent en toile de fond une jalousie et une schizophrénie mal gérées : « J’étais en adoration devant un animateur d’Europe 1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. Europe 1 réalisait certaines de ses émissions en direct dans différentes villes de France, le fameux ‘Podium’. En prévision de son passage dans notre région, je me préparais donc à cet événement en endossant le rôle de sa femme imaginaire dans mes jeux. J’avais choisi un prénom de fée : je m’appelais Viviane Lafont. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « À l’adolescence, j’ai commencé à regarder les films autrement. Je craquais pour les acteurs, mais au lieu de m’imaginer vivre une histoire très romantique avec eux, je m’imaginais dans leur peau, je m’imaginais eux. C’est un peu bizarre, mais je pense quand même que c’était bien du craquage adolescent. » (Isabelle dans son article « Tom Boy à l’affiche »); etc.

 

Dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), le bel Alexandre Delmar avoue être tombé amoureux du personnage d’Esteban dans le dessin animé franco-japonais Les Mystérieuses Cités d’Or : « Oui, on peut trouver un personnage de dessin animé infiniment beau ! Absolument ! Je ne trouve pas ce concept du tout surprenant. » Puis il le compare à l’acteur principal d’une série nord-américaine de son adolescence : « Bon, d’accord, je dois quand même reconnaître qu’il n’est pas aussi beau qu’un garçon de mon âge qui joue dans une autre série, Sauvés par le Gong, et qui répond au doux prénom de Zach. Tout me plaît chez lui. De la tête aux pieds, sans la moindre exception. Sa coupe de cheveux, sa blondeur, son visage fin, son teint hâlé, son look décontracté, sa popularité, son succès auprès des filles… Je voudrais tellement lui ressembler, même un tout petit peu. Mais il approche de la perfection faite ‘garçon’, ou du moins de l’image que je peux m’en faire, que je ne vois pas comment je pourrais lui arriver à la cheville. » (pp. 13-14) À l’âge adulte, Alexandre Delmar continue à se faire des films avec des acteurs de ses fictions : « Je tombe littéralement amoureux d’un acteur de film prénommé Johan et son image hante chacune de mes nuits. » (idem, p. 110)

 

En règle générale, cela vexe un peu les membres de la communauté homosexuelle de découvrir que leur premier émoi sexuel est d’abord télévisuel et non réel… car quoi de plus naïf, adolescent, et immature, que de prêter des sentiments à une idole de papier, à un écran de télé, ou à un chanteur inaccessible ? Quoi de plus obsessionnel, schizophrénique, et pathétique que de projeter sincèrement sur de beaux acteurs retouchés de partout ses propres fantasmes d’homosexualité (… pour, la plupart du temps, ne pas assumer la sienne…) ?

 

Dans mon parcours personnel, je peux attester que mon désir homosexuel n’est pas venu d’abord pour une personne de mon entourage réel (mon frère, mon grand-frère, mon père, mon cousin, un prof, un camarade de classe, un ami de la famille, que sais-je encore), mais m’a été annoncé par des êtres plus lisses : les illustrations de la Grèce Antique par le dessinateur homosexuel Roger Payne sur des livres pédagogiques, les catalogues par correspondance La Redoute ou Les 3 Suisses, les manuels de biologie du collège ou les livres d’éducation sexuelle de la maison, des acteurs – pas forcément dénudés d’ailleurs – des séries télévisées et des films que je regardais : Sean Connery, Alex Corretja, Pete Sempras, Alec Baldwin, les hommes des films de la Movida espagnole. Ce n’était même pas des images érotiques à proprement parler. Il suffit d’un bout de bras, d’une chemise échancrée, d’un beau visage, d’une publicité suggestive, un bidou qui dépasse, etc., pour que le charme agisse. Par conséquent, nul besoin de partir en croisade contre le porno, de traquer la moindre nudité, ou de s’offusquer des hommes-objets s’affichant en slip sur les affiches publicitaires urbaines ; pas de quoi jeter un voile pudique sur les photos de Gay Pride, les couvertures de Têtu, et d’enfermer ses enfants chez soi. Certes, plus les corps perdent de leur intimité, plus ils appellent à la pulsion homosexuelle, poétiquement appelée « sentiment » ou « amour ». Mais je crois qu’elle arrive aussi par des voies très innocentes, anodines, et belles.

 

Sean Connery

Sean Connery


 
 

b) Le beau gosse du lycée :

Pour pallier à un effondrement identitaire, à un manque d’assurance et de confiance en soi, ou plus fondamentalement à un complexe de vivre, certaines personnalités – qui se révèleront parfois homosexuelles à l’âge adulte –, choisissent de s’identifier à des supers-héros télévisuels, ou bien à des personnes de leur entourage (scolaire) présentées extérieurement comme fortes (fortes par la beauté, l’intellect, le charisme, la séduction, la direction, les attributs sexuels et physiques, etc.) : ce fut le cas de Yukio Mishima, d’Arturo Arnalte, et de tant d’autres. « Je crois bien me souvenir d’avoir envié, en mon for intérieur, ceux de mes camarades qui connaissaient des jeunes filles. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 78) ; « On a tous été traumatisés, à des degrés divers, par les cours de foot au collège. Ce moment cruel où les plus populaires de la classe, de gros beaufs hétéros que vous aimiez en secret, choisissaient un à un les membres de leur équipe, et durant lequel, évidemment, ils vous choisissaient en dernier… » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 107) ; « Il me fascinait et j’aspirais à lui ressembler. Et je me suis mis à parler, moi aussi, de Godard, dont je n’avais rien vu, et de Beckett, dont je n’avais rien lu. Il était évidemment bon élève et ne manquait jamais une occasion d’afficher une distance dilettante avec le monde scolaire. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 175) ; « En sixième, j’ai oublié mademoiselle Levreau pour tomber amoureuse de la première de la classe, moi qui n’étais que deuxième, une certaine Marie-Joëlle. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 47) ; « Déjà j’adorais Gabrielle, quand j’étais jeune, parce qu’elle était super brillante, brillante à l’école, brillante partout j’adorais Gabrielle. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, s’exprimant dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 58) ; « J’ai été traité de fille très jeune (6/8 ans) par un beau-frère assez tyrannique, avec le recul je m’aperçois que je ne m’en suis jamais vraiment remis… tout du moins ma construction en tant qu’homme a été très compliqué, j’ai toujours eu du mal à me sentir viril (pour résumer)… et avec du recul, je me rend compte que j’ai passé mon enfance à essayé de copier les mimique des gars que j’admirais (le profil hétéro, chef de bande, bagarreur, sportif, drôle, avec du succès avec les filles). Même si je ne suis pas devenu comme eux, j’essayai du moins de me faire accepter par eux, je voulais, en fait, être eux (en lisant les 1ères page de Confession d’un Masque de Mishima, j’ai vu que c’était le cas de certains homos)… Malgré tout cela, je ne me sentais jamais légitime dans ma virilité, toujours mal dans ma peau, et un peu escroc sur les bords… » (cf. le mail d’un de amis homosexuels, de 23 ans, qui m’a écrit en novembre 2011) ; « Je sens pourtant que Charles-Henri tend à m’échapper. Il s’amuse bien mieux avec les autres garçons, ceux qui font du sport eux aussi, depuis toujours, qui font de la musique, comme lui, qui parlent sûrement mieux des filles. C’est un combat pour garder son amitié. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 219) ; « C’est pour un ami de collège que j’ai éprouvé le premier sentiment. » (un témoin homo suisse dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; « Quelqu’un me plaît dans ma classe. Il est l’un des seuls à avoir pris ma défense face aux hyènes moqueuse qui déversent leur fiel sous le préau et dans la cour. Il s’appelle Fabien, je l’admire… Un peu mon héros. Il est fort en foot. Il a un joli sourire qui s’ouvre sur les dents du bonheur et le visage criblé de taches de rousseur. Il rigole tout le temps. C’est la première fois qu’un garçon est gentil avec moi. Grâce à lui, de la catégorie ‘innocente victime’, je passe à celle de petit favori du garçon le plus populaire de la classe. Lui, il me défend, il me protège. Il leur dit d’arrêter. Alors forcément, mon coeur lui est acquis ! » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, Éd. Broché, Paris, p. 20) ; etc.

 

J’ai connu dans mon entourage amical homosexuel des hommes qui, à l’école primaire ou dans leur enfance, m’ont avoué qu’ils avaient fortement admiré les chefs de bande de la cour. En filigrane derrière les sentiments, on peut lire une rivalité et une jalousie mal gérées : « Ayant cherché à comprendre vers la quarantaine ce qui pourrait être à l’origine de mon désir homosexuel – et éclairé alors, ou peut-être dirigé, par les pistes que donnait René Girard dans Des choses cachées depuis la fondation du monde – j’ai pensé repérer, en relisant mon histoire, un premier symptôme vers 8/10 ans dans une relation de rivalité dont l’objet était le ‘prestige intellectuel’ d’être le premier de la classe (bien que je sois loin d’être un intellectuel – je suis agriculteur – j’ai eu une scolarité facile, notamment à l’école primaire), et que le rival est devenu malignement objet du désir, pas encore réellement sexuel à cet âge, mais cela en avait l’avant-goût. Cette année-là donc, un autre Philippe me grillait la première place, et ma jalousie fut telle que j’en faisais ma tête de turc et ma victime allant jusqu’à des gestes obscènes sur sa personne. Tout de suite après – ou bien l’année suivante ? – je découvrais qu’il était mon meilleur et seul ami, bien que je doute aujourd’hui que la réciproque ait été vraie. Nous nous sommes perdus de vue, âgés de 12 ans, dans la dislocation de notre société (nous sommes des Français d’Algérie). Je l’ai revu 10 ans plus tard à l’occasion d’un mariage, et compris alors qu’il avait été mon premier amour. Tous mes désirs de garçons par la suite dans la pré-adolescence, l’adolescence et le début de l’âge adulte ont suivi le même schéma. Innommés d’abord, j’ai compris assez tard, vers 18 ans, qu’ils étaient un désir homosexuel exclusif. Mon hypothèse est-elle loufoque, ou avez-vous également rencontré ce type de construction ? » (cf. un mail d’un ami que j’ai reçu en décembre 2012)

 

Pour ma part, je dois avouer très franchement que je ne suis jamais tombé d’un camarade de classe ni même été attiré par les garçons populaires de mon lycée… mis à part peut-être une fascination pour un certain Bertrand, en terminale, mais je ne rêvais pas de lui la nuit pour autant, et n’avais pas de photo de lui cachée dans mon cahier de textes ^^.

 
 

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