Archives par mot-clé : tyran

Code n°10 – Androgynie bouffon/tyran

androgynie bouffon

Androgynie bouffon/tyran

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Vous vous souvenez des dessins animés de votre enfance, ou encore des B.D. dans lesquelles on voit un héros entouré de deux marionnettes – généralement un angelot et un diablotin – qui sont ses clones, et qui se disputent sans arrêt entre elles parce qu’ils ne sont jamais d’accord ? Vous visualisez les petites voix de la Conscience et de la Culpabilité qui se livrent bataille en lui pile au moment du choix cornélien, ou quand il est sur le point de faire une grosse bêtise ? Et bien je trouve que ces mises en scène de conflit intérieur entre deux personnages bouffon/tyran qui se mènent une vie impossible, mais qui pour autant restent inséparables (d’ailleurs, ils passent leur temps à s’échanger les rôles) sont typiques dans les œuvres artistiques traitant d’homosexualité. Sûrement parce que le désir homosexuel écartèle la conscience qu’il habite et la coupe en deux. Cette schizophrénie de l’âme, elle arrive généralement quand nos actes ne sont pas conformes à notre conscience et à nos bonnes intentions ; quand nous ne voulons pas assumer ce que nous faisons. Plus on se rêve éternelle victime – pour mieux mal agir en secret et en toute impunité –, plus on devient bourreau sans même s’en rendre compte. L’existence faite de dérision et de légèreté cache bien souvent des drames et des larmes invisibles. Derrière le Jean-qui-rie pleurniche Jean-qui-pleure (… et vice et versa). Comme le désir homosexuel est plus bien-intentionnel que fondé sur le Réel, il est logique qu’il nous encourage à vouloir porter les deux masques, en apparence antithétiques, de la clownesque bataille entre le valet lourdingue et son maître psychorigide. Dans les œuvres homosexuelles, ce duo fusionnel amusant est pourtant le signe d’un désir de viol chez celui qui les met en scène, la marque de l’écartèlement d’une conscience humaine en proie à ses désirs de rupture/fusion avec les autres. Il n’est pas rare que l’inconstance du désir homosexuel prenne, dans les créations artistiques, la forme de la farce sado-masochiste.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Doubles schizophréniques », « Désir désordonné », « Violeur homosexuel », « Jumeaux », « Adeptes des pratiques SM », « Moitié », « Homosexuels psychorigides », « Liaisons dangereuses », « Promotion ‘canapédé’ », « Défense du tyran », « Clown blanc et Masques », « Douceur-poignard », « Homosexuel homophobe », « Femme et homme en statues de cire », « Femme fellinienne géante et pantin », à la partie « Amant-marionnette ou marionnettiste » du code « Amant diabolique », et à la partie « Je suis fier d’être un monstre » du code « Homosexualité noire et glorieuse », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 

a) Le couple homosexuel explosif est composé de deux marionnettes grand-guignolesques figurant un tyran et un serviteur qui lui est soumis :

Vidéo-clip de la chanson "Optimistique-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer


 

On peut retrouver ces personnages chamailleurs dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut (avec le couple homo formé par Dieu et Satan, et entourant Bill), le spectacle-performance Golgotha (2009) de Steven Cohen (avec les ombres chinoises du tyran et du bouffon), le Muppet Show (avec les grands-pères Statler et Waldorf), dans le film « La Femme et le Pantin » (1931) de Josef Von Sternberg (avec le maire et son bras-droit, Alphonso et Pacco), la chanson « Egotrip » du spectacle musical Starmania de Michel Berger (avec Stella Spotlight et Zéro Janvier), le « Medley Cette Année-là » au concert des Enfoirés en 1998 (avec Pierre Palmade et Patrick Juvet), la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi (avec Cyrille, le héros homo, et Hubert, son journaliste-bras-droit), le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears (avec Omar et Johnny), le film « Vatel » (1999) de Roland Joffé, le tableau La Cour du roi doré (2007) de Thierry Brunello, le film « Sens unique » (1987) de Roger Donaldson, le film « Mont-Dragon » (1970) de Jean Valère (avec Madame la colonelle et sa servante), la pièce Le Cri de l’ôtruche (2007) de Claude Gisbert, le poème « República » de Néstor Perlongher, le roman La Terrasse du roi lépreux (1969) de Yukio Mishima, le film « Une étrange affaire » (1981) de Pierre Granier-Deferre (avec Louis et son rapport exclusif avec son supérieur, le film « Mauvaise Passe » (1998) de Michel Blanc (avec Pierre, le prof de lettres dépendant de Tom, l’escort boy), le film « Beau Travail » (2000) de Claire Denis (entre l’adjuvant et le jeune légionnaire), le film « La Fille de Monaco » (2008) d’Anne Fontaine (entre l’avocat et son garde du corps), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, le roman Prince et Léonardours (1987) de Mathieu Lindon, le film « Furyo » (1983) de Nagisa Oshima (Jack Celliers et le Capitaine Yonoi, jouant au chat et à la souris), le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp (avec sa Majesté Frédéric et son goûteur Nicolas), la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, la bande dessinée homo-érotique Batman (avec Batman et Robin en lutte contre le Joker efféminé), la chanson « L’Aventurier » d’Indochine (avec Bob Morane et Bill Ballantine), le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan (avec Élisabeth, la veuve Merteuil et calculatrice, et Brahim son bras-droit homo), le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (avec Louise et sa servante Gaby), les films du duo homo-érotique Laurel et Hardy (cf. le documentaire « The Celluloïd Closet » (1995) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman), la chanson « Ramon et Pedro » d’Éric Morena, le roman L’Agneau carnivore (1975) d’Agustín Gómez Arcos, la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas (avec le jeu ambigu entre le geôlier et le prisonnier), le film « Jan-Ken-Senso » (1971) de Shuji Terayama, le film « It’s Love Im After » (1937) d’Archie Mayo, le film « Holy Matrimony » (1943) de John M. Stahl, le film « Mon capitaine, un homme d’honneur » (1995) de Massimo Spano, les tableaux de Moktar, la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare (avec le couple criminel Macbeth-Lady Macbeth), la pièce Arlequin, valet de deux maîtres (2008) de Goldoni, le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon (avec le duo sadomaso formé par la grande Allemande robuste et sa compagne petite, toutes deux en couple lesbien, et qui violent les vierges), le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec le duo SM composé de la gouvernante stricte et de la femme-enfant ingénue), la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks (avec Igor et Freddie le Dr Frankenstein Junior), etc.

 

Par exemple, dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, les deux lesbiennes Lucie et Léonore doivent, lors d’un casting, interpréter une scène entre une Reine autoritaire et une servante. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François s’extasie devant Thomas, son amant qui l’a quitté, et se remémore « son air sournois et machiavélique qui lui va si bien ». Dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Fred (le héros homosexuel) et Alice (la « fille à pédé(s) ») se chamaillent comme les deux moitiés schizophréniques d’une même personnalité déchirée : « Tu joues la meilleure amie, et puis après, tu joues la parfaite hystéro qui m’arrache la moitié du visage ! […] Arrête de me toucher ! J’vais finir en morceaux avec toi ! » (Fred) Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, les deux amants Jean et Luc se comportent comme de vraies girouettes qui s’insultent, s’adorent, se déchirent, disent qu’ils se taisent pour en réalité parler encore plus : « Je parlais pour parler. » (Jean) Dans le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) du travesti M to F Charlène Duval, Madame Raymonde et Charlène Duval disent s’adorer « comme des copines », mais en même temps s’envoient sans arrêt des vacheries dans la gueule. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah humilie son amante Charlène devant les autres camarades, la traite comme sa bouffonne et arrive à s’en victimiser : « Tu m’auras bien fait du mal en tous cas. En même temps, je ne mets pas tout sur le dos. Moi aussi, je me suis laissée faire. […] Putain, t’es forte. Tu fais encore ta petite victime. Tu prends ton air de chien battu. […] Avec toi, je me sens mal. Je mens. Je me sens dure. Tu me donnes le mauvais rôle. ». Dans la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, des couples étranges se forment : d’abord entre le poète Boulgakov et sa femme – qui se met dans la peau de Staline – (« Tu es la femme que j’aime. Comment puis-je imaginer que tu es Staline ? »), et ensuite entre Boulgakov et un Staline homosexuel (« C’est toi le poète et moi le lutteur. » affirme impérieusement le dictateur). On peut également penser au passage célèbre de Sodome et Gomorrhe où la rencontre amoureuse entre le très aristocrate Palamède de Guermantes, baron de Charlus et le valet Lupien est racontée avec beaucoup d’humour. Ce n’est que lorsque ces duos apparaissent dans le scénario de cette pièce que les enjeux de pouvoir se modifient entre les personnages. Les combinaisons par binôme indiquent deux choses : l’émergence d’un désir sexuel ambigu (= homosexuel) d’une part, et de la violence destructrice d’autre part. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, pendant le cours d’histoire, Nathan simule un malaise alors que le prof parle de l’accord (pacte de non-agression) entre Hitler et Staline pendant la Seconde Guerre mondiale, pour être amené à l’infirmerie par son futur amant Jonas, qu’il va draguer en même temps qu’humilier et manipuler.

 

Le dramaturge argentin Copi est le spécialiste des pièces où le personnage central est en proie à des voix intérieures délirantes, comme s’il ne s’éprouvait plus du tout jouer (d’ailleurs, quand Copi montait sur scène pour interpréter ses propres personnages, il arrivait qu’il soit complètement camé lui-même !). Il s’agit généralement d’un héros homosexuel hystérique et schizophrène, parfois transsexuel, semblant souffrir du syndrome Gilles de la Tourette : « Arrêtez ! Ma bonne m’assassine à coups de massue et mon chien afghan me mord les chevilles ! » (« L. », le héros travesti M to F en parlant de Goliatha, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Où est-elle, cette salope, que je la tue ! » (Jolie parlant de sa fille Graciela, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 75) ; « Ne tirez pas, Madame, je suis aveugle ! » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; etc. Le bouffon et le tyran de Copi sont généralement un adulte-petite fille envoyé(e) faire le tapin par une mère-transsexuel despotique ; mais ils peuvent être également un rat et son maître-courtisan, ou bien une matrone bourgeoise et son domestique. Ces partenariats violents renvoient presque systématiquement à l’inceste, à l’homosexualité, au viol, à la prostitution.

 

L’androgynie entre le bouffon et le tyran peut s’observer entre frères, et indiquer une transgression de la différence des générations : cf. le roman J’ai tué mon frère dans le ventre de ma mère (2011) de Sophie Cool, la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec Élisabeth et Paul, les frangins incestueux), etc. « Les jeux ne sont pas tout à fait faits, chère petite sœur. C’est toi ou c’est moi ! Puisque nous sommes jumelles ! On a commencé à se battre à l’intérieur du ventre de notre mère. » (la Comédienne s’adressant à Vicky, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Une dame ici ? Ce ne peut être que ma belle-sœur. Dites-lui que j’ai détesté sa robe de chambre et que je n’ai pas l’intention de les recevoir. » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; etc.

 

La dualité bouffon/tyran dans les œuvres homosexuelles fait également référence à la différence des espaces (on le voit plus largement dans le code « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre » du Dictionnaire des Codes homosexuels), c’est-à-dire à la double appartenance du personnage homosexuel à des classes sociales dites « opposées ». « Quand c’est pas la Boche, c’est la Juive. » (Laurent Spielvogel imitant Marlène Dietrich puis Barbara, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Mon frère homo va épouser un des sujets de sa majesté. » (l’avocat dans le film « Non-stop » (2014) de Jaume Collet-Serra) ; etc. À la fin du film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, par exemple, la juxtaposition des deux enterrements (d’un côté les funérailles carnavalesques du père des parias homosexuels, Bob ; de l’autre la mise en bière totalement guindée et triste du Maire de la ville) montre la division intérieure vécue par le personnage homosexuel de Scott (Keanu Reeves), fils du maire côté jour et délinquant queer côté nuit. Dans le dessin animé South Park, Herbert Garrison discute à la façon d’un ventriloque avec une marionnette actionnée par sa main droite, qu’il appelle « M. Toque ». Pendant quelques épisodes, Garrison remplace « M. Toque » par « M. T-shirt », une simple brindille vêtue d’un T-shirt, qui porte sur elle le triangle rose, référence directe au symbole cousu sur la chemise des personnes homosexuelles sous l’Allemagne nazie. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le couple homosexuel est composé d’un tyran et d’un bras droit qui lui est soumis… et bien sûr, les rôles s’interchangent : « J’attire sans souci les hommes des plus exigeants. » (Gatal, le héros homo, parlant à ses deux « pères ») ; « Tu seras mon soldat si tu veux bien. » (Gatal s’adressant à son fiancé, qui est aussi son directeur à qui il obéissait comme un subalterne). Le fiancé de Gatal, en lui tendant sa main, lui fait le salut nazi.

 

Film "Peter Pan" de Walt Disney

Film « Peter Pan » de Walt Disney


 

Un jeu d’honneurs à sauver s’instaure parfois entre les partenaires homosexuels. La paranoïa amoureuse aussi. L’amant gay n’accepte pas la Règle d’or de l’Amour qui consiste à consentir à appartenir, à se donner entièrement soi-même sans peur de mal se livrer : « Je l’aime beaucoup et c’est quelqu’un de très important pour moi. Mais ça ne lui donne pas le droit de régenter ma vie. » (Bryan à propos de son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 192) ; « Je suis voleur. Vous êtes Roi. Autrement dit, nous sommes deux frères. » (cf. le poème de Lacenaire adressé au Roi, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; etc. Par exemple, dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, met sur le même plan sa relation de subordination au commandant de bord de l’avion qu’il occupe avec la fellation : « Ben c’est le commandant… » dit-il avec un geste obscène.

 

Un bras de fer commence, en dépit du plaisir que les amants semblent partager ensemble. La comparaison (« je suis meilleur que toi/je suis un gros nul par rapport à toi ») est la condition de leur fusion, le centre névralgique de leur querelle. Ils ne peuvent rester ensemble que parce qu’ils se jaugent l’un l’autre et se reprochent sans cesse de trop se ressembler/de ne pas assez se ressembler. Leur conflit est par conséquent éminemment gémellaire, narcissique. Il suffit d’une pique de comparaison, d’une remarque-serpent où les points de suspension et les jugements implicites appuient là où ça fait mal (genre : « MOI, je suis aimable et attentionné. Contrairement à toi… ») pour réveiller l’autre de son sommeil et subir ses foudres. La comédie de pestes que se jouent le bouffon et le tyran, dans laquelle il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, nous montre que l’amour homosexuel n’est pas un lien valorisant, mais un amour de la comparaison dépréciative : « Je me sens toujours nul à tes côtés. » (Bryan s’adressant à son amant Kevin, idem, p. 218) ; « J’ai tout pouvoir sur toi ! » (idem, p. 163) ; « En général, elle se plie à ma volonté. » (Vera l’héroïne lesbienne parlant de son amante Lola, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Si je comprends bien, ma relation avec Lola est sous ton contrôle ? » (Nina s’adressant à Vera, idem) ; « Je me demande si tu ne manœuvres pas dans l’ombre pour manipuler Lola. » (Nina s’adressant à Vera, idem) ; « Ta dépendance et ta soumission avec cette fille me gêne profondément. » (Nina s’adressant à son amante Lola, idem) ; etc. Trop se comparer aux autres témoigne d’un gros complexe d’infériorité/de supériorité ; ne pas assez se comparer aux autres rend tout aussi orgueilleux et indifférent.

 

Un rapport de force s’établit très vite entre le maître et l’esclave : selon le schéma dialectique hégélien, l’esclave dépasse son bourreau et cherche à le soumettre. Montent chez le picaresque valet des désirs de symbiose avec son chef : « Voglio far il gentiluomo/Et non voglio più servir. » (« Je veux moi-même être le maître et ne veux plus servir. », c’est la première phrase de Leporello dans l’Acte I, scène I, de l’Opéra Don Juan de Mozart, 1787) Le tyran et sa laquais sont unis dans un mariage fictionnel grotesquement forcé, comme on peut le constater dans le roman Le Corps du soldat (1993) d’Hugo Marsan, le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, la bande dessinée Rocky & Hudson, les cowboys gays (2013) d’Adao Iturrusgarai, etc. On retrouve l’amour entre le prisonnier et le policier dans le film « East Palace West Palace » (1996) de Yuan Zhang, le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui, le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, le film « Hellbent » (2005) de Paul Etheredge-Ouzts, le film « À couteau tiré » (1983) de Roberto Faenza, le film « Le dernier saut » (1969) d’Édouard Luntz, le film « Lang Tao Sha » (1936) de Wu Yonggang, etc. Le dominant et le dominé sont unis à l’amour à la mort ! : « Maître et esclave côte à côte : elle le maître et moi l’esclave. » (Laura par rapport à son couple avec Sylvia, dans le roman Deux Femmes (1975) de Harry Muslisch, p. 38) ; « Who is the master ? Who is the slave ? » (cf. la chanson « Voices » de Madonna) ; « Les garçons préfèrent toujours ceux qui les malmènent. » (Laurent Spielvogel imitant André, un homme gay d’un certain âge, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « On n’arrive jamais à s’aimer sans se marcher sur les pieds. Moi, je suis avec toi parce que tu m’fais du bien. Toi, tu te sers de moi pour arriver à tes fins. On fait tout ce qu’on peut pour pouvoir se rendre heureux mais on n’est jamais contents tous les deux en même temps. Ego trip, toi tu fais ton Ego trip. Ego trip, moi je fais mon ego trip. Comment veux-tu qu’on s’aime ? » (Stella Spotlight et Zéro Janvier, dans la chanson « Egotrip » de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Parfois je me demande si je suis un des acteurs du scénario ou si je suis en train de rêver. Suis-je une victime, pauvre victime innocente de l’intrigue ? Ou bien suis-je, à mon corps défendant mais à mon esprit consentant, en train de manipuler les autres ? » (François, un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 109) ; « Toi et moi on est pareils. On se ménage parce qu’on joue chacun très bien au jeu de l’autre. Je connais très bien ton jeu. J’y joue très bien. Toi aussi d’ailleurs. Mais tu sais, je suis meilleur que toi. Je te bats quand je veux. Alors, ne me provoque pas. Je te préviens. » (Harold, le héros homo s’adressant à son colocataire gay Michael, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc.

 

Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, la relation bouffon/tyran entre Omar et Hassan II est transposée sur le terrain amoureux, entre Khalid/Omar : « Je suis au pied du trône. Aux pieds de mon commandeur. Mon bonheur n’est plus. Mon amour n’est plus. Je suis un condamné. Un fou du Roi. » (Omar face à Hassan II, p. 13) ; « Dans la nuit du mardi au mercredi, le palais est venu à moi. Cela a duré toute la nuit. C’était comme dans une pièce de théâtre. Un casting était organisé afin de choisir un bouffon pour le Roi. Un fou du roi. On est venu me chercher. » (Omar, p. 24) ; « Non, je ne serais jamais un bouffon du roi. Pourtant, au fond de moi, j’aurais bien aimé le devenir. » (idem, p. 25) À la fin du roman, les rapports s’inversent : Karim, l’amant riche qui couchait avec Omar, le gars du peuple, finit par devenir le bouffon : « Je n’étais pas la victime de Khalid. J’étais son bourreau. » (idem, p. 171) Dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi, Jeanne n’arrête pas de demander au facteur de « cesser de la contredire ». Dans le film « The Servant » (1963) de Joseph Losey, on observe le même revirement brutal entre bouffon et tyran : un jeune et riche aristocrate engage un valet de chambre qui, peu à peu, exerce une totale domination sur lui. Les bourreaux et les victimes du film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 Jours de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini se mélangent également, et collaborent en vue d’illustrer la dualité violente de la dictature de Salò. Dans le roman Radcliffe (1963) de David Storey, Léonard Radcliffe, soumis au joug de son amant Vic, avoue son propre despotisme sous-jacent : « Le pire dans tout ça, c’est qu’une partie de moi l’aime et l’autre partie de moi ne lui sera jamais soumise. » (Gregory Woods, Historia De La Literatura Gay (1998), pp. 132-133) D’ailleurs, à la fin de l’histoire, Léonard, jadis homosexuel soumis et passif, finit par tuer Vic et par devenir l’homosexuel actif et prédateur une fois incarcéré. Ici, le violé devient violeur. Presque systématiquement, l’androgynie bouffon/tyran n’est que la figuration fantasmatique d’un conflit paranoïaque et hystérique qui se joue à l’intérieur d’un même personnage, comme c’est le cas par exemple avec le protagoniste de la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet, qui rêve d’être « à la fois gibier et chasseur ». Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, c’est la guerre entre les deux rivales Doris (l’héroïne lesbienne) et Peggy/Truddy (qui se dit elle-même « schizophrène ») : Truddy se fait passer pour la secrétaire de Doris, avant de dévoiler sa véritable identité et son plan machiavélique pour humilier sa maîtresse : « Alors comme ça, je ne sais pas jouer ? […] Moi, je ne sais pas jouer. Mais j’ai su te réduire en poussière rien qu’en jouant. » (Truddy) ; « Il est clair, Truddy Hobson, que tu es folle comme un âne. » (Doris) ; etc. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Jenko (le grand beau gosse) et son collègue Schmidt (le gros petit) se disputent beaucoup : « Tu me tires vers le bas. » (Jenko) ; « Tu étais une petite fleur et je t’étouffais. » (Schmidt) Dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, Antoine vit en couple depuis longtemps avec Adar, un gars gentil mais fade, qu’il maltraite par son impatience, son exaspération croissante. Il le juge ennuyeux, empoté en voiture, un peu trop plat, et finit par le tromper. Louis, le frère d’Antoine, s’étonne que leur couple prétende encore en être un : « Je ne comprendrai jamais comment un type aussi gentil peut te supporter… »

 

ANDROGYNIE Guignol

 

Dans les fictions homo-érotiques, la présence du bouffon et du tyran démontre plus fondamentalement que le héros homosexuel vit un conflit spirituel, voire une possession diabolique. « Il faut au moins un mentor et un disciple pour réussir une quête. » (la voix-off d’Audrey, l’agresseur homophobe, parlant d’Anton ou de Vlad, dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; « Chacun de nous porte en lui le Ciel et l’enfer. » (Dorian dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Comme le diable et son valet, on marche ensemble. Nous sommes unis comme un vieux couple. Pour le meilleur… après le pire. » (Lacenaire s’adressant à son complice Avril, dans la pièce Lacenaire (2014) d’Yvon Bregeon et Franck Desmedt) ; etc. Par exemple, dans la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd, Sophie est en lutte entre ses deux consciences, Louise la diablesse et Angélique l’ange. Dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, Maxence, le héros homosexuel, est entouré du diable et de l’ange. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, le psy (Dr Apsey) comme l’amant (Jonathan) sont tous deux les petites « voix » diaboliques de la conscience torturée du héros homosexuel Frank. Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, à la fois le Rat est une simple marionnette en mousse inoffensive qui n’a que le pouvoir que Vicky, sa maîtresse, lui confère (« Ce Rat n’est qu’une marionnette, il est animé par une main, vous le savez mieux que personne, puisque vous l’avez fabriqué. Il serait incapable de tuer tout seul. » dira l’Auteur), mais il dépasse et domine Vicky qui soutient qu’il « a un esprit. C’est le Diable ! ».

 
 

b) Le bouffon :

La figure du bouffon, qui – soit dit en passant – est davantage une allégorie de la folie (dans le sens homosexuel du terme) qu’une allégorie de la joie, apparaît dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec l’acrobate-paysan Uloomji), le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron (avec Paulo faisant le clown devant son amant), le film « Reflections In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or » (1967) de John Huston (avec Anacleton, le farfelu serviteur du Major), le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec les deux bouffons viscontiens face à la grande bourgeoisie), le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec le facteur fou), le roman Le Fou du Père (1988) de Robert Lalonde, le spectacle musical Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro, le film « Le Fou du Roi » (1983) d’Yvan Chiffre, le film « Le Roi danse » (2000) de Gérard Corbiau (avec l’attachement de Lully à Louis XIV), le film « Casanova » (1976) de Federico Fellini, la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays, le film « Gosford Park » (2001) de Robert Altman (avec Arthur, le valet homo), la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard (avec Dzav déguisé en joker Jean Sans Peur), la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier (avec Bernard, le héros homo déguisé en bouffon), la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, etc.

 
 

Michèle – « Et vous Malcolm, que faites-vous ?

Malcolm – À vrai dire, en ce moment pas grand-chose, je distrais, comme dirait Adrien. »

(cf. le dialogue entre Malcolm, l’amant d’Adrien, et Michèle, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 55)

 
 

Par exemple, dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, Mrs Venable, en parlant du fauteuil de son fils homosexuel Sébastien dans lequel le Dr Cukrowiz s’assoit, signale que « c’est un siège de bouffon, très rare, qui date du XVe siècle ». Dans le film « Monsieur Max » (2007) de Gabriel Aghion, Max Jacob se définit comme un « clown triste », un « pitre ». Oscar est surnommé « bouffon » par Charles Newman, son patron, dans le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, le protagoniste homo Jason se présente comme un « bouffon » face à une Varia despotique. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, est traité par Brad, le méchant du film, de « Cendrillon » et de « bouffon ». Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, le duo Bill/Étienne est qualifié de « lutins farfelus et fantoches ».

 

La figure du bouffon peut indiquer un désir de soumission ou l’impression de ne pas exister pour soi-même : « J’ai grandi en coulisses. Mon grand-père était un clown. » (le Machiniste de la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai besoin d’un mentor et j’ai besoin que tu m’épaules. » (Jean-Jacques s’adressant à son amant-bras-droit Jean-Marc, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; etc. Par exemple, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann est l’assistant soumis de Julien, son maître qui le méprise : « Mais qu’il est con… » ; « Tu vas répondre, feignasse ?! » ; « Toi, t’es nul. » ; etc. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, le cri final d’amour que pousse Rachel à Luce pour l’appeler en plein embouteillages est en réalité une insulte que son amante lui avait appris sur un stade de foot américain : « T’es qu’un branleur n°9 !!! » Le tout est filmé comme une magnifique déclaration d’amour…

 
 

c) Le maître cruel, le gendarme Flageolet :

N.B. : Je vous renvoie également au code « Homosexuels psychorigides » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

On retrouve le motif du méchant maître dans la pièce Les Bonnes (1947) de Jean Genet (avec la coalition explosive entre les deux servantes Solange et Claire, tramant une machination pour se débarrasser de « Madame », leur maîtresse despotique et invisible), le roman Mon valet et moi (1991) d’Hervé Guibert, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec le glacial Major Weldon interprété par Marlon Brando), le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « Burlesk King » (1999) de Mel Chionglo, etc.

 
 

Cyrille – « Comment me trouvez-vous, Hubert ?

Hubert – Effrayant, maître !

Cyrille – Vous serez toujours mon meilleur public. »

(Copi, Une Visite inopportune, 1988)

 
 

La tyrannie s’applique au moins à l’un des deux membres du couple homosexuel, sinon aux deux : « Nous sommes deux personnes. Nous sommes deux bourreaux aussi. » (Louis et son frère siamois, dans la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Vous savez ce que ça fait de vivre avec la Gestapo ? » (Larry, en parlant de Hank, son amant qui l’aime et qui ne supporte pas de le voir infidèle, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « J’avais l’impression d’avoir donné mon âme à un être qui met une fleur à sa boutonnière. » (Basile le peintre par rapport à Dorian Gray, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; etc. Le bouffon menteur est bien souvent le « tyran du tyran », comme c’est le cas du personnage homosexuel Frank de la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes : le Dr Apsey, qu’il mène en bourrique, avoue leur gémellité : « À vos yeux, je suis un tyran […]. Mais la restriction vient de vous. Pas de moi. » Les jambes de Flageolet flageolent face à son nouvel arroseur…

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

N.B. : Je vous renvoie également au code « Défense du tyran » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles se sont d’abord senties méprisées, considérées comme des pauvres types ou des bouffons. « J’étais le clown de service… […] On m’incluait dans l’équipe non parce que j’étais bon, mais parce que j’étais drôle. Ce rôle me plaisait, je l’entretenais. […] Être le Guignol de service, brouiller sans cesse mon identité, c’était insupportable. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 22-30) Dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans rappelle que « joker » a été, aux États-Unis, un des synonymes d’« homosexuel » (p. 271).

 

Une fois arrivées à l’âge adulte, pour se venger de ce ressenti ou de ce vécu honteux, certaines inversent la vapeur et se comportent en bouffons vengeurs. « Après dîner, nous faisons un enregistrement de L’École des femmes avec Jouvet. Cette pièce souvent si comique est proprement déchirante. Le vrai sujet est l’incompréhension humaine, Agnès victime et bourreau, ou précisément bourrelle de son bourreau. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, mars 1981, p. 19)

 

Pièce Les Bonnes de Jean Genet

Pièce Les Bonnes de Jean Genet


 

La scission androgynique bouffon/tyran du psychisme homosexuel/humain est décrite par bien plus de célébrités homosexuelles qu’on ne pourrait le croire : « J’ai déjà un titre provisoire : Confession d’un masque, et je voudrais, en écrivant là mon premier roman autobiographique, me disséquer moi-même, avec la double résolution dont parle Baudelaire : être ‘et la victime et le bourreau’. » (Yukio Mishima, Correspondance 1945-1970 (1997), p. 73) ; « Je trouvais les personnages de valets de chambre fascinants. Ils vivaient dans l’intimité de leurs maîtres, connaissaient d’eux leurs caractéristiques les moins avouables. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des Singes (2000), p. 277) ; « C’est lui-même qui sera en même temps le tribunal et l’accusé, le gendarme et le voleur. » (Jean-Paul Sartre en parlant de Jean Genet, dans la biographie Saint Genet (1952), p. 31) ; « Farceur et espiègle, mais avant tout irrévérencieux, il a quelque chose d’un fou du roi dont les grelots seraient fêlés. » (Thibaut d’Anthonay à propos de Jean Lorrain, cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, pp. 313-314) ; « Cette expérience m’était à tel point incroyable que, je préférais me taire, craignant sans doute de passer pour un être anormal et déséquilibré. Mais rien ne pouvait jamais m’ôter l’absolue certitude, que je n’avais pas rêvé ni été victime d’une hallucination. J’étais la victime et le témoin, c’est sûr, la cible d’un amour impossible. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 70) ; « Bien entendu, je ne suis pas dupe. Je sais très bien que je sers d’alibi au Système. À la limite je sais très bien que je sers d’alibi – je peux être méchant ? – à une société que je déteste. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; etc. Par exemple, Copi a joué à de nombreuses reprises Les Bonnes de Genet (et pas seulement en français ; il est allé les interpréter en italien à Turin). Dans le biopic « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, le danseur et chorégraphe homo Rudolf Noureev, très despotique (« Je préfère mourir qu’obéir. ») passe son temps à se faire passer pour la victime, en particulier de son mentor et amant Constantin Sergueïev (« Il m’opprime/m’oppresse. »).

 

Le présentateur homosexuel français Laurent Ruquier a quelque chose du bouffon toujours hilare… mais hilare de balancer les autres et d’organiser des arènes où sont dévorés ses invités.

 
 

Des rôles de bouffon/tyran, de dominé/dominant, de passif/actif, clairement identifiables dans le couple homo ?

Cette fusion entre le bouffon et le tyran n’est pas qu’identitaire. Elle a pu être relationnelle. Il est déjà arrivé dans l’histoire humaine que le serviteur et son maître « fricotent » ensemble. C’est le cas très connu des « mignons » efféminés qui entouraient rois et autres chefs. Par exemple, Lorenzo de Médicis (qui devint le personnage de la pièce d’Alfred de Musset Lorenzaccio en 1834) a été l’amant de son cousin Alexandre de Médicis, avant de l’assassiner par un complot. « La passion homosexuelle amène les accouplements les plus monstrueux. Le maître et son domestique, le voleur et l’homme sans casier judiciaire, le goujat en guenilles et l’élégant, s’acceptent comme s’ils appartenaient à la même classe de la société. Le millionnaire et le va-nu-pieds fraternisent ; le fonctionnaire et le repris de justice échangent leurs ignorantes caresses. » (cf. l’article « Criminel » de Michael Sibalis, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 111) ; « J’aime l’aventure, l’ambition. J’aime commander. Et les femmes soumises. » (Maïté, femme lesbienne, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc.

 

Hegel serait ravi de voir l’apparent équilibre qu’ont trouvé Hitler et Röhm à s’utiliser l’un l’autre comme tyran et bouffon. « Il y aurait une raison pour laquelle Hitler choisit et prend le risque d’utiliser Röhm à un si haut niveau. Comme le dira Franz Pfeffer von Salomon, un ancien chef des SA, Hitler préfère choisir des hommes avec des points faibles, de sorte qu’il puisse actionner le ‘frein d’urgence’ en cas de nécessité. Grâce au point faible de Röhm, mais aussi toute la clique homosexuelle de la SA seraient sous contrôle. Röhm est lui-même conscient de sa dépendance à l’égard d’Hitler, à cause de sa propre homosexualité. En 1932, dans un accès de profonde résignation, il avoue franchement à Kurt Lüdecke, un compagnon d’Hitler à Munich dans les années 1920 : ‘Je le reconnais, pour ma honte que la vulnérabilité que tu m’as mentionnée m’a livré entre ses mains. C’est une chose terrible… J’ai perdu mon indépendance pour toujours… Tu sais comme moi comment Hitler peut jeter quelqu’un par terre… Et c’est nous, nous-mêmes, qui avons fait de lui ce qu’il est… Ma position est si précaire… Je fais mon job, le suivant aveuglément, loyal jusqu’au bout – il n’y a rien d’autre que je puisse faire.’. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), pp. 229-230) ; « Jamais dans l’histoire de l’Allemagne un homosexuel avoué n’avait accédé à ce niveau du pouvoir suprême, tout fragilisé qu’il fût, nous l’avons dit, par d’éventuelles menaces de chantage suspendues par Hitler lui-même au-dessus de sa tête comme autant d’épées de Damoclès. Dès lors un combat mortel est engagé ente Hitler et son ‘second’. » (idem, pp. 243-244)
 

Beaucoup de personnes homosexuelles soupirent d’agacement dès qu’on aborde la question de la domination et de la soumission au sein de leurs couples. En général, pour imposer une censure sur leurs actes, elles préfèrent caricaturer la gêne de leur société par rapport à la pourtant très marquée inégalité des rôles sexuels pendant le coït génital homosexuel (« plus marquée » ? Assurément ! Il suffit de faire un petit tour sur les sites de rencontres Internet gays, où la mention de la « passivité » et de l’« activité » revient bien plus souvent que le « 50/50 » ou l’« auto-reverse », pour s’en convaincre : l’inégalité génitale dans les couples homos, quoi qu’on en dise, est plus marquée entre deux hommes ou entre deux femmes qu’entre une femme et un homme) sous forme de questions stupides – « Qui fait l’homme ? Qui fait la femme ? » – pour ne pas avoir à y répondre, ou pour aboyer que le couple homo est totalement démocratique, que la question n’est pas de savoir qui fait quoi au lit, qui pénètre qui, mais uniquement de « tout faire » sans se poser de question, d’« inventer », de ne pas s’attribuer de rôles précis, de « sortir des carcans hétérosexistes », d’« improviser ». Pendant le coït homosexuel, tout serait question d’« amour », d’« échanges ». Ce n’est pas aussi simple. On voit bien au niveau des pratiques déjà simplement génitales qu’à l’intérieur des couples homos, les face-à-face se font plus rares, les « emboîtements » corporels sont moins évidents, la « syntaxe naturelle des corps » s’opère avec moins de poésie, la réciprocité est encore moins marquée, le réel occupe à priori moins de place, que dans un couple qui intègre la différence des sexes. Le fantasme, le jeu puéril, la mise en scène violente et humiliante, la sexualité régressive, la bestialité (dans les positions – à quatre pattes, contre le dos de l’autre, en fœtus – tout comme dans les pratiques – suçons, morsures, masturbation, fellation, sodomie, parfois même fist-fucking, scatologie et coprophagie), prédominent. La ressemblance physique entre les partenaires rassure dans un premier temps, mais sans la bouffée d’oxygène et l’espace qu’offrent les différences – et notamment la différence des sexes –, l’air vient vite à manquer dans le couple homosexuel, y compris pendant les coïts génitaux ; et cette carence ressurgit en violence, en pratiques de bouffon/tyran concrètes. « Il y a toujours des bars fétichistes, des clubs SM, avec des donjons et des esclaves. » (Bryan Safi, homosexuel, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) Dans les films pornos gays, on ne voit quasiment pas de rapport égalitaire entre les partenaires : ils sont toujours de type soumission/domination (exactement comme dans le porno hétéro). Nous ne pouvons pas faire l’économie de parler également des rôles génitaux pris par chacun des membres du couple homosexuel lors des coïts (j’évoquais un peu plus haut les adjectifs substantivés « Actif », « Passif », « Auto-reverse »), que ces coïts soient gays ou lesbiens importent peu d’ailleurs… même si une certaine idéologie sexiste et misandre cherche de plus en plus à nous faire croire aujourd’hui que cette répartition n’est due qu’à une affaire de pénétration et de possession d’un pénis, et que donc la tentation des rapports de domination/soumission ne menacerait que les hommes homosexuels, et pas du tout les femmes lesbiennes. Rien de plus faux ! Un autre régime de pouvoirs s’installe entre les femmes lesbiennes, tout aussi malsain et déséquilibré que pour leurs homologues mâles. J’en tiens pour preuve la place prédominante que peut occuper le sadomasochisme dans les sphères relationnelles et conjugales lesbiennes. Les femmes ne sont pas naturellement plus douces et plus sentimentales d’être dépourvues d’un pénis ! Bien au contraire ! Mes amies lesbiennes vous confirmeront en masse que les femmes lesbiennes, en général, se comportent entre elles en vraies harpies et despotes ! Dans le secret de l’alcôve comme en société !

 

Pour revenir plus largement aux rapports de domination amoureux, il me semble que l’absence de la différence des sexes dans tout couple homosexuel incite les partenaires à « marquer la différence » autrement… et de manière justement pas très heureuse, pas très maîtrisée, au final. On voit que des mécanismes comportementaux étranges, agressifs, se mettent en place, sans que les acteurs les décident vraiment. « Pour le psychanalyste Alfred Adler, la tendance à la dépréciation du partenaire, généralement normal, ne manque jamais. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 197) Des fossés inédits, qui ne seront pas forcément sexuels ou physiques d’ailleurs, apparaissent entre les amants : chacun se place en victime et reconnaît de plus en plus en l’autre son tyran. Et se profile le début de la fin de la relation. Par exemple, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008) d’Abdellah Taïa, les relations amoureuses se suivent et se ressemblent inlassablement. On dirait que l’écrivain se cherche toujours des couples qui obéissent au même fonctionnement bancal, où l’un des amants endosse le rôle de la victime passive et complaisante, et l’autre partenaire plutôt le rôle du dominateur (parfois dominé par sa ventouse d’amant puéril et trop maternant !) : « J’étais dans la dictature amoureuse. Je précipitais les choses. Je ne voulais pas attendre. Il fallait le forcer à se révéler. » (Abdellah à propos de Javier, p. 41) Le plus bizarre dans cet arrangement déséquilibré, c’est que chacun semble apparemment y trouver son compte : « J’étais heureux et j’avais peur. Tu étais l’homme, le roi. J’acceptais ton pouvoir. » (Abdellah s’adressant virtuellement à son « ex » Slimane, p. 114) On entend Abdellah Taïa s’exprimer comme une amoureuse éconduite casse-pied, possessive, « attachiante », saoulante… aussi tyrannique que ladite « tyrannie » qu’il dénonce chez Slimane : « Je dois toutefois avouer que, même en plein enfer, une partie de moi était heureuse, aimait ça, ce machisme, cette dictature… Je me disais alors : ‘C’est ça l’amour, c’est ça l’amour… j’ai de la chance… Il faut tenir le coup… C’est ça l’amour…» (idem, p. 117)

 

Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent consent à ce que, dans son couple chaotique avec Pierre Bergé, ce dernier prenne la place du dictateur : « Un tyran, ça me va. » Et lorsqu’il trompe Pierre avec Jacques (l’amant de Karl Lagerfeld), Jacques le rassure : « Avec Karl, je fais le clown. Toi, en revanche, tu m’inquiètes. Tu me troubles. » Ce à quoi Yves lui répond : « Quand on aime, on est en danger. Moi, c’est ça qui me plaît. » Pierre Bergé n’hésite pas à brider et à humilier Yves quand ce dernier ne répond pas comme il faudrait aux journalistes : « Si c’est pour dire des conneries pareilles… » Le duo Bergé/Saint-Laurent a vraiment fonctionné concrètement sur le modèle inversant du dominant/dominé.

 

Autre exemple, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy diffusé dans l’émission Tel Quel sur la chaîne France 4 le 14 mai 2012, Charlotte et Marion, en « couple », s’engueulent souvent parce que Charlotte ne se sent pas libre et que Marion veut l’aider ; même si elles veulent donner une image positive de leur couple, on les voit se prendre la tête devant les caméras : « Mais laisse-moi ! T’es chiante !! » (Charlotte)

 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 

L’échange des masques bouffon/tyran est parfois vécu dans le cadre de la relation simplement filiale, comme on le constate entre Didier Éribon et son père en fin de vie : « L’homme que j’avais connu, vociférant à tout propos, stupide et violent, […] dans les mois, les années peut-être, qui avaient précédé sa mort, avait cessé d’être la personne que j’avais détestée pour devenir cet être pathétique : un ancien tyran domestique déchu, inoffensif et sans forces, vaincu par l’âge et la maladie. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 31)

 

Quel que soit le type de relation (de parenté, amoureux, professionnel, politique…), on constate finalement que ces mises en scène bouffon/tyran, relatées très souvent par des personnes homosexuelles, visent à démontrer/occulter des réalités sexuelles et psychiques violentes telles que le viol, l’inceste, la prostitution, le sadomasochisme, l’infidélité, la schizophrénie, etc. Nous aurions tort de n’y voir qu’un vaudeville divertissant. Je pense aux violences conjugales vécues au sein de nombreux couples homos (par exemple, Sacha Buyse – de Secret Story 8 – qui s’est fait battre par son compagnon).

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

Code n°42 – Défense du tyran (sous-codes : Grands Hommes / Fantasme pour les uniformes et les militaires)

Défense du

Défense du tyran

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Comment une victime peut-elle en arriver à défendre son bourreau ?

 

Défense du tyran (ou de celui qui est présenté et cru comme tel)

Défense du tyran (… ou de celui qui est présenté et cru comme tel)

 

L’amour de son bourreau qu’on appelle « Syndrome de Stockholm » ? ou bien le désir de viol qu’on surnomme poétiquement le désir homosexuel, cela vous dit quelque chose ? Si vous me regardez avec scepticisme et horreur, je vous engage déjà, avant de vous lancer dans la lecture de ce chapitre, dans la lecture des codes « Viol » et « Déni » parlant de cet incroyable désir de viol, dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Le traitement de la fusion (souvent complète dans les fictions, incomplète dans la réalité) entre la « victime » et le « bourreau » est plus approfondi dans le code « Androgynie Bouffon/Tyran », et surtout dans les codes « Homosexuels psychorigides » et « Hitler gay » (dans lesquels je traite des dictateurs homosexuels).

 

Quand les êtres humains n’arrivent pas à se retrouver sur un relatif pied d’égalité, ce qui arrive toujours un jour ou l’autre, chacun tient à l’égard des autres à la fois le rôle de bourreau et celui de victime. S’ils ne prennent pas conscience de ces deux masques qu’ils peuvent endosser du fait de leur liberté, et qu’ils choisissent de se vouloir éternellement victimes, ils ne se confesseront ni bourreaux ni finalement victimes, étant donné que leurs tendances de bourreaux leur interdiront d’élire pour destin une communion à celui de leurs victimes. C’est ce qui arrive à beaucoup de personnes homosexuelles, qui présentent les tyrans comme de gentils agneaux à prendre en pitié, et les victimes (qu’elles défendaient à l’origine) comme une impitoyable foule de monstres ricanants à ignorer/mépriser. Leur anti-conformisme de principe les amène à sacraliser ce qui est horrible, non parce qu’elles l’aiment vraiment, mais parce qu’elles s’imaginent que c’est diabolisé par les autres, donc désirable. La compassion homosexuelle pour le méchant, poussée à l’extrême, peut les conduire à la fascination des figures d’autorité qu’elles prétendent par ailleurs haïr. Dans leur adolescence, elles ont été très souvent éblouies par les leader de leur classe, ou bien par des grands hommes historiques (Louis XIV, Napoléon Bonaparte, Néron, Charles de Gaulle, etc.). Elles sont les premières à être profondément touchées par la blessure d’amour du mythique dictateur que tout le monde devrait éthiquement mépriser mais aussi saluer pour sa sincérité maladroite et blessée.

 

Comme les Hommes ne sont pas de la perfection dont elles avaient rêvée, elles préfèrent se rabattre sur celui qui est entier (quitte à ce que ce soit dans le mal !). Le mensonge sur la pureté est pour elles encore pire que la méchanceté affichée du tyran, qui, lui, a le mérite de jouer courageusement son rôle jusqu’au bout sans retourner sa veste. Elles vont donc très souvent vénérer/mépriser la trahison, en se montrant à elles-mêmes qu’elles peuvent héroïquement choisir pour modèle une personne qu’elles n’auraient (comme la « majorité ») a priori pas élu non plus, parce qu’elles se persuadent qu’elles se doivent d’être ouvertes, infidèles et anti-conformistes, y compris avec elles-mêmes ! Ainsi, à propos des nazis trahis en 1944 pendant la Libération par le peuple français qui avait auparavant collaboré avec eux, Jean Genet écrit en 1947 dans Pompes funèbres : « Ils ne furent pas seulement haïs mais vomis. Je les aime. » Certaines personnes homosexuelles assurent leur inconditionnel soutien aux célébrités réputées pourtant homophobes (Élisabeth Schwarzkopf, Brigitte Bardot, etc.), au souverain solitaire, ou bien, comme Jean Cocteau, au « gendarme incompris ».

 

Si les personnes homosexuelles sont tentées de soutenir le tyran et de s’y identifier, c’est bien parce qu’inconsciemment et en fantasmes, elles se reconnaissent dans les drames personnels qu’il a/aurait vécus (despotisme parental, solitude de cour d’école, non-reconnaissance des talents, profonde déception du monde, etc.). Elles savent très bien qu’avant de devenir ce qu’il est, il a été victime (à commencer de lui-même !). Malheureusement, elles gardent souvent une vision figée et révolue du dictateur quand il était encore beaucoup plus victime que bourreau, sans la connecter à ce qu’il est devenu par la suite : une version plus dommageable du bouc émissaire.

 

Généralement, le tyran incarne le mal qu’elles désirent mais qu’elles détestent assez pour ne pas l’imiter : le louvoiement avec le totalitarisme ou le terrorisme ne restera qu’un jeu ironique « second degré ». Par exemple, dans le roman À la recherche du temps perdu (1913-1927) de Marcel Proust, le baron Charlus se fait passer pour un espion allemand souhaitant passionnément la victoire de l’Allemagne, plus pour provoquer le chauvinisme ambiant que par conviction personnelle. Mais le problème, c’est que beaucoup de personnes homosexuelles ne maîtrisent pas autant leur jeu auto-parodique qu’elles le souhaiteraient, car elles ont pris le tyran en sincérité et en esthétique. C’est la raison pour laquelle elles vont parfois défendre concrètement les tyrans modernes. « Redevenir gendarme, chasser le voleur, consoler la victime. Subitement, je voudrais pratiquer l’abus de pouvoir par personne ayant autorité. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 44)

 

Le soutien mutuel entre homosexualité et dictature n’est pas toujours qu’une mise en scène sortie des cerveaux soucieux de cultiver l’amalgame entre homosexualité et monstruosité. Parfois, elle a été réalité. Comme le signale très justement Reinaldo Arenas, écrivain cubain incarcéré en tant qu’« homosexuel » dans les prisons de Fidel Castro, s’il y a bien une chose qui a développé la répression sexuelle à Cuba, ce fut précisément la libération homosexuelle : « Je crois franchement que les camps de concentration homosexuels et les policiers déguisés en jeunes hommes obséquieux pour débusquer et arrêter les homosexuels ne contribuèrent qu’à un développement de l’activité homosexuelle. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), pp. 132-133)

 

L’amour entre le monarque et son mignon efféminé est historiquement connu (Edward II et Piers Gaveston, Louis XIII et son favori Charles Albert de Luynes, Hitler et Ernst Röhm ou bien Arno Breker, Napoléon Bonaparte et sa « Tante Urlurette » Cambacérès grâce à qui l’homosexualité ne fut jamais condamnée par le Code Civil, Pétain et sa « Guestapette » Abel Bonnar, Nelson Mandela et son chauffeur Cecil Williams, Louis II de Bavière et son mignon Ludwig, Staline et le frêle Arménien Mikoyan, etc.). Les tyrans qui ont le plus persécuté la communauté gay étaient particulièrement entourés de personnes homosexuelles. Dans le cercle politique proche de Fidel Castro, par exemple, Reinaldo Arenas atteste qu’il y a eu de nombreux hommes homosexuels (Armando Valladares, Alfredo Guevara, etc.). Rien que si nous regardons le gouvernement de Tony Blair en 1998, nous pouvions compter sur seize ministres quatre hommes homosexuels (Chris Smith, Ron Davies, Nick Brown, et Peter Mendelson), ce qui n’est pas une petite moyenne ! Beaucoup de personnes homosexuelles font partie de l’entourage proche des puissants. Fréquemment, homosexualité et Jet Set ne font qu’un. « Nous sommes un peu comme le Dom Juan de Molière : nous avons développé une morale progressiste, mais nous, nous sommes toujours du côté des maîtres. » (le metteur en scène Patrice Chéreau, cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 109)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles connaissent mieux que quiconque les mécanismes des systèmes dictatoriaux. Le seul problème, c’est qu’au lieu de les dénoncer, elles les adorent. Elles sont ces enfants des « démocraties » actuelles, qui, par manque de combats, cautionnent des systèmes répressifs qu’elles vomissent et pourtant attendent. « L’homo [dans le sens grec d’homme] democraticus entretient vis-à-vis du despotisme un rapport ambigu : il l’exècre mais regrette aussi sa disparition. À la limite, il semblerait presque inconsolable de ne pas être opprimé : alors, faute d’ennemis réels, il s’en forge des imaginaires ; il se délecte à l’idée qu’il vit peut-être vraiment sous une dictature, que le fascisme va lui tomber du ciel, perspective qui le remplit de crainte autant que d’espoir. » (Pascal Bruckner, La Tentation de l’innocence (1995), p. 135) Tout ce qui fait le décorum à paillettes dissimulant l’horreur du totalitarisme les époustoufle, les captive et les désarme. Par exemple, elles soutiennent artistiquement le kitsch, l’art totalitaire par excellence. Certaines se sont concrètement agenouillées devant les beaux soldats allemands, ce paquet cadeau doré de la dictature nazie – nombreux sont les intellectuels et les artistes homosexuels à avoir rempli les rangs des collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale –, et expriment parfois leur amour-répulsion pour le régime nazi, à la fois dans l’humour camp, mais aussi très sérieusement : « Je ne peux pas m’empêcher d’avoir pour Hitler une admiration pleine d’angoisse, de peur et de stupeur » déclarera André Gide dans son Journal, le 20 août 1940. Par exemple, au générique de son film « Passion » (1964), Yasuzo Masumara écrit le mot passion à côté d’une énorme croix gammée rouge : difficile d’être plus clair…

 

Dès que la corrélation entre homosexualité et totalitarisme est faite, cela provoque généralement un tollé dans la communauté homosexuelle. « Problème sociologique : pourquoi tant de pédérastes chez les collaborateurs ? » s’interroge Jean Guéhenno (cité dans l’article « Écrivains et collaboration » de Emmanuel Pierrat, sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2002) de Didier Éribon, p. 123). Certains intellectuels évacuent presque systématiquement le lien de coïncidence par le rejet pourtant justifié du lien de causalité. « Il est évident qu’il y avait des homosexuels parmi les nazis ou, inversement, des nazis parmi les homosexuels, mais cela ne signifie rien en soi. L’idée d’un lien intrinsèque entre adhésion au nazisme et orientation homosexuelle est si paradoxale… » (cf. l’article « Nazisme » de Michel Celse, op. cit., pp. 334-338) Ils s’imaginent qu’ils fuient l’extrémisme d’où ils viennent, en choisissant celui qui lui est opposé. En réalité, ils passent souvent d’un fondamentalisme à un autre, de l’extrême droite à l’extrême gauche. Nous ne serons pas étonnés de lire André Gide écrire dans Morceaux choisis (1921) que « les extrêmes le touchent ».

 

Il y a quelque chose d’incompréhensible dans le soutien homosexuel au totalitarisme, une attitude de défense/déni comparable à celle du personnage de Molina dans le roman Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) face au film nazi « Destino », ou au refus de Manuel Puig de prendre connaissance du contenu du livre de Susan Sontag sur le campC’est comme si j’en avais peur, ou peur de prendre conscience de certaines choses dont j’ai seulement l’intuition, ou peur de ne pas être d’accord et de sentir qu’elle tripote des choses que j’aime », cf. l’interview « El Folletín Rescatado, Entrevista A Manuel Puig » (1972) d’Emir Rodríguez Monegal, dans Revista De La Universidad De México, vol. XXVII, n°2, octobre 1975, pp. 25-35) : une curieuse fascination qui refuse de se rendre intelligible. Cette attraction homosexuelle vers la dictature suit majoritairement une logique esthétique (Le fantasme de l’uniforme et des attributs physiques de l’hyper-virilité nazie dans la communauté homosexuelle est assez marqué) et une logique intentionnelle plus qu’une dialectique d’amour et de Réalité. Vous connaissez sûrement la fameuse citation de Pascal : « Qui veut faire l’ange fait la bête ». Quand les personnes homosexuelles ne prennent pas conscience de la nature totalitaire et idolâtre de leur désir homosexuel, parce qu’elles confondent l’humilité avec l’humiliation, la Vérité avec la sincérité, ou bien l’autorité avec l’autoritarisme, il arrive qu’elles cherchent à imiter en actes l’image du tyran qu’en intentions elles prétendent sincèrement combattre. Ainsi, une minorité d’entre elles peut passer insensiblement de la douceur à la violence, autrement dit de « pédale douce » à « pédale dure », comme l’a filmé Gabriel Aghion.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Don Juan », « Promotion ‘canapédé’ », « Viol », « Témoin silencieux d’un crime », « Déni », « Tomber amoureux des personnages de fiction ou du leader de la classe », « Super-héros », « Fresques historiques », « Reine », « Adeptes des pratiques SM », « Tout », « Patrons de l’audiovisuel », « Homosexuel homophobe », « Méchant Pauvre », « Androgynie Bouffon/Tyran », « Homosexuels psychorigides », « Douceur-poignard », « Hitler gay », à la partie « L’homo combatif face à l’homo lâche » du code « Faux révolutionnaires » et à la partie « Traître » du code « Homosexualité noire et glorieuse », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 

a) Tyran, je t’aime ! :

Le Capitaine Crochet de Disney

Le Capitaine Crochet de Disney


 

Bien souvent, dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel défend à la surprise générale le tyran qu’il prétend haïr, et fait même parfois partie de l’entourage de ce dernier : cf. la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, le roman Un Assassin est mon maître (1971) d’Henri de Montherlant, le film « La Reine Margot » (1994) de Patrice Chéreau, la chanson « Mon Légionnaire » de Serge Gainsbourg, le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, le roman El Ángel Descuidado (2002) d’Eduardo Mendicutti, le film « L’Assassinat de Trotsky » (1970) de Joseph Losey (avec la sacralisation du traître), le film « La Tendresse des loups » (1973) d’Ulli Lommel, le film « Sérénade au bourreau » (1951) de Jean Stelli, le film « Le Conformiste » (1970) de Bernardo Bertolucci, le film « Tendre voyou » (1966) de Jean Becker, le film « Bons baisers à lundi » (1974) de Michel Audiard, le film « Furyo » (1983) de Nagisa Oshima (où David Bowie et le Capitaine Yonoi mélangent des sentiments très ambivalents), le film « Mon capitaine, un homme d’honneur » (1995) de Massimo Spano, le film « Un Thé avec Mussolini » (1998) de Franco Zeffirelli, le tableau Le Bleu (1998) de Xavier Gicquel, le film « Broderskab » (« Brotherhood », 2009) de Nicolo Donato, la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener, le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie (Franck défend Michel, l’assassin, jusqu’au bout), le film « Free Fall » (2014) de Stephan Lacant, etc.

 

C’est surtout la beauté physique, la recherche d’une force masculine orgasmique, ou l’esthétisme de la contradiction, qui consolident le soutien ambigu du héros homosexuel à son despote. Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, pénètre dans la villa d’un richissime homme politique d’extrême droite, Lefteris Christopoulos, pour lui soutirer de l’argent, et aussi parce qu’il le trouve physiquement attirant. Il le force d’ailleurs, sous la menace d’un révolver, à se mettre torse nu pour vérifier s’il a le torse aussi poilu que son père fantasmé… : « Je m’endormais sur son torse. Il était hyper poilu. » Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, le romancier Prosper Mérimée célèbre en la figure transgressive de Lacenaire « un salaud littéraire », « la force de l’impétueux ». Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le Père 2 (homosexuel) de Gatal (son fils homo aussi) écoute de la musique militaire (fanfares) bien fort dans l’appartement. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, le prochain roman de Jacques, écrivain homo, traite de l’Incendiaire de Belfort.

 

Film "Festen" de Thomas Vinterberg

Film « Festen » de Thomas Vinterberg


 

Il n’est pas rare que les tyrans fictionnels et leurs « victimes » louvoient ensemble : « Y’a des baisers volés dans des trains de tsarines. » (cf. la chanson « Gourmandises » d’Alizée) ; « La façon dont elles l’avaient traité ne le choqua point ; il trouvait les deux vieux travelos adorables, il se mit à bander. » (le Prince Koulotô se mettant à désirer ses violeurs, dans la nouvelle « Les vieux travelos » (1978) de Copi, p. 90) ; « On dit ‘la guerre ! la guerre !’… mais c’est surtout à la Libération qu’on en a bavé ! » (la femme collabo travesti M to F dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau) ; « Je préfère coucher avec les pédés. Les Français, quoi ! » (Hanna s’adressant à son frère Donnadieu, dans le film « Je suis à vous tout de suite » (2015) de Baya Kasmi) ; « J’ai pris ce que tu m’as donné, de mon plein gré. Ce n’est pas de ta faute, Thérèse. » (Carol, l’héroïne lesbienne consolant son amante Thérèse en pleurs, culpabilisant d’avoir couché avec elle, dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes) ; « En mode ‘tyrannie’ : j’adore ! » (Dallas, l’assistant de la couturière Cecilia qui vient de lui hurler dessus, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien) ; etc. Par exemple, dans le roman Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, Ednar, le héros homo, couche trois fois à l’armée avec Octave, son violeur d’adolescence, comme pour se venger/justifier de sa propre culpabilité : « Je ressentais ce désir comme une sorte de revanche pour satisfaire égoïstement ma propre libido. » (p. 92) Dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011), le comédien raconte qu’il s’est rendu sur un site de rencontres fictif Syndromedestockholm.com pour retrouver son violeur, et le draguer ouvertement. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, lorsque le groupe LGBT de Mark propose à ses militants homosexuels de s’associer au mouvement des mineurs gallois, l’un d’eux refusent car il voit en ces ouvriers les homophobes de son adolescence : « Ces types-là me tabassaient sur le chemin du retour de l’école… » Dans le film « Aishite Imasu 1941 » (2004) de Joel Lamangan, le personnage homo séduit un commandant japonais. Dans le film « Après lui » (2007) de Gaël Morel, une mère tombe amoureuse de l’assassin de son fils. Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, Christian finit par excuser son père qui a jadis abusé de lui. Dans le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le protagoniste sort avec un de ses agresseurs. Dans le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, Tanguy tombe amoureux de Firmin, l’adolescent parricide. Dans la pièce Les Bonnes (1947) de Jean Genet, Solange et Claire ont beau préméditer le meurtre de leur maîtresse, elles échoueront, et quelque part, elles la célèbrent dans l’iconoclastie. Dans le film « Hôtel du Nord » (1938) de Marcel Carné, Adrien le confiseur entretient une liaison avec un lieutenant. Le film « Haltéroflic » (1983) de Philippe Vallois retrace la passion sadomasochiste et amoureuse entre un flic et un athlète. Dans le roman Hawa (2010) de Mohamed Leftah, Zapata, le héros homosexuel, est séduit par un flic. Dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud, le gardien policier tombe sous le charme de Marina, le travesti, qui le drague avec insistance. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum a écrit plusieurs livres sur le « Syndrome de Stockholm », le « transfert émotionnel ».

 

Le fantasme de l’uniforme militaire, voire carrément des soldats non-agréés (les militaires parallèles, les bad boys, les skins et ladite « racaille »), est très marqué chez certains personnages homosexuels : ils s’abaissent devant l’ennemi comme devant une idole : « Je crois en un dieu semblable à un cadet militaire soumis à ma folie de pédale. » (le narrateur de la nouvelle « El Marqués De Sebregondi Llega Y Retrocede » (1988) d’Osvaldo Lamborghini) ; « J’aime les voyous. Tu ne le savais pas ? » (Doumé, un des héros homosexuels du roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 79) ; « Les sales types, les voyoux comme Herbert, j’adore ça. » (Fabien, le jeune héros homosexuel, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « Je veux devenir un playboy professionnel […], j’entrerai dans l’armée. […] Ce sera que pour fréquenter l’école militaire. Pour m’entraîner et avoir un corps magnifique. Je veux dire un corps rude et robuste comme le vôtre. » (Anamika, l’héroïne lesbienne s’adressant à Adit, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 206) ; « La police se ramollit. Pas de croix gammée au défilé. » (Mark, le chef LGBT regrettant ironiquement que la Gay Pride n’ait pas été attaquée par les forces de l’ordre britanniques, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « J’ai toujours trouvé les agents de police très attirants ! » (Christopher Wren, le héros homosexuel de la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; « Oh tu sais, les gaillards musclés en uniforme, ça ne m’effraie pas exactement. » (André, homosexuel, dans l’épisode 367 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 31 décembre 2018 sur TF1) ; etc.

 

Par exemple, dans son poème Le Condamné à mort (1952), Jean Genet fantasme sur les « beaux soldats ». Dans le roman Philippe Sauveur (1924) de Ramon Fernandez, Philippe, le héros homosexuel, poursuit des jeunes militaires dans les bas-fonds de Londres. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Nounours, le peintre homo d’art contemporain, se marie avec le flic noir, à la toute fin. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, lors de ses fiançailles, Gatal jure fidélité à « son promis, qui sera son soldat pour la vie ». Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, quand un vieux voisin de résidence menace Mark, le jeune activiste gay, de faire venir un policier pour stopper les nuisances sonores de leurs « orgies », ce dernier s’exclame de manière lascive et provocatrice au passage : « J’espère bien ! » Juste après, à la Gay Pride à laquelle Mark assiste, est écrit en gros sur une banderole : « Il est vraiment hétéro ce flic ! ». Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, Jean-Marc est attiré par le groupe de scouts paramilitaires des Virilius, et tombe amoureux de leur chef. Dans le film « Un Héros très discret » (1995) de Jacques Audiard, le Capitaine plaque tout pour suivre un bel Américain : « Il s’appelle Marlon, il a 20 ans, il vient de Virginie, il est beau comme un char d’assaut. Il me fait découvrir le jazz et le charme violent des armées victorieuses. Ah, Albert, l’amour, l’amour ! » Dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, Sébastien dit être attiré par les militaires en entraînement. Dans son one-woman-show Betty speaks (2009), Louise de Ville rêve de se rendre à une « soirée pompières, policières, maîtresses nageuses ». Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael fait cyniquement remarquer à son pote efféminé et homo Emory que son terrain de prédilection est la musique militaire. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, certains personnages homos expriment leur attirance pour « les hommes en tenue militaire ». Dans le film « Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ » (1982) de Jean Yann, César (Michel Serrault) est moins sensible à la reine Cléopâtre qu’à ses gardes… Dans le film « Un Éléphant ça trompe énormément » (1976) d’Yves Robert, Daniel, le héros bisexuel, veut continuer de « siffler les militaires » même au moment de sortir avec une femme. Dans le film « Le Rebelle » (1980) de Gérard Blain, Beaufils exprime son goût de la marginalité et de la violence de la dénommée « racaille » : « Il n’y a que cela qui me fait bander. » Dans le film « Pas si grave » (2002) de Bernard Rapp, Leo est troublé par le beau policier espagnol qui, le soir venant, se travestit dans un cabaret. Dans la pièce Les Z’Héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys, Bertrand de la Morne s’acoquine sexuellement avec des militaires. Dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Timofei, le héros hétérosexuel, au moment où il découvre son homosexualité, se met à avoir des hallucinations, et notamment au volant de sa voiture : il s’imagine le temps d’un instant qu’un agent de la circulation lui fait de l’œil. Dans le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, quand Marc, le protagoniste principal, menace la bande de fantômes gays qui hante la maison où il a emménagé avec sa femme, d’appeler la police s’ils ne débarrassent pas le plancher immédiatement, le chef de la troupe, loin d’être apeuré par les menaces, s’en va avertir ses copains de la bonne nouvelle d’une manière provocativement sautillante et communicatrice : « Les gendarmes ?!? […] Les gendarmes !!! Les gendarmes !!! Les gendarmes !!! » Dans la pièce Cachafaz (1978) de Copi, les deux amant Raulito et Cachafaz montent une boucherie humaine rien qu’avec la chair des flics qu’ils tuent : « Un’ fois vidé et bien grillé, c’est délicieux un policier ! » (le chœur des voisins) Dans le film « Les filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, pour se séduire, les deux héroïnes se déguisent en militaires lors de leurs jeux amoureux. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur gay, dit son fantasme pour les flics en uniforme. Dans la comédie musicale Frankenstein Junior (2012) de Mel Brooks, Ziggy, le page homosexuel, drague le Gendarme à qui il colle aux basques. Dans le film « Pauline » (2009) de Daphné Charbonneau, la jeune Pauline, héroïne lesbienne, a choisi, pour son premier rôle théâtral, de rentrer dans la peau d’un homme en uniforme avec une cape. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, une femme travesti en homme, « Virgo Fortis », est pourchassée par « des soldats qui veulent la violer ». Ces mêmes militaires, la narratrice F to M s’identifiant à Virgo Fortis cherche ensuite à les imiter vestimentairement et comportementalement, donc à devenir physiquement ses « violeurs ». D’ailleurs, elle s’imagine en pleine guerre de Vendée, dans la peau d’un soldat royaliste. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, le héros homo allemand, est attiré par un beau soldat israélien en treillis dans un parc de Jérusalem.

 

Emprisonné par ses pulsions amoureuses et ses fantasmes esthétiques, focalisé sur les intentions plus que sur l’Amour en actes, le héros homosexuel en arrive parfois à acquitter le méchant de sa méchanceté, à l’innocenter en se disant que le « bien par le mal » ferait plus de bien que le Bien même, que la sincérité ou la beauté excusent tout ! « Je n’ai jamais laissé personne d’autre que toi me dévaster. » (Peyton, l’héroïne lesbienne, à sa compagne Elena, dans le film « Elena » (2011) de Nicole Conn) Il est touché par la blessure d’amour secrète et la maladresse destructrice de l’homme blessé, du dictateur, de la rose pleine d’épines du Petit Prince : « Je veux me délivrer de mon arrogance. » (Marie-Christine, la méchante reine, dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet) ; « Que ferait-on sans les Aubépine qui parsèment le plat pays de nos existences ? » (le narrateur homosexuel parlant d’Aubépine, la princesse méchante, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 439) ; etc. Par exemple, dans le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure, on retrouve un portrait – ambigu et presque ami – de Marie Besnard, la fameuse tueuse en série (1896-1980), présentée comme une valeureuse victime de la rumeur, et une digne servante de sa folie. Dans le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, Éric défend un cambrioleur. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges, de gauche, est en couple avec Édouard, homme politique de droite de plus en plus médiatisé, et qui va refouler son homosexualité pour rentrer dans le rang. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Dick est responsable du suicide d’une femme, Silvana, qu’il a mis enceinte et qui s’est suicidée par noyade. Tom, le héros homosexuel amoureux de Dick, se dévoue pour servir d’écran : « Je suis prêt à dire que je suis le coupable. »

 

L’anti-conformisme de principe que le héros homosexuel adopte pour cacher son manque de désir, de liberté, et de personnalité, le fait parfois chérir la contradiction du dictateur, opter pour la trahison à ses propres idéaux de pureté (par purisme ! voilà le paradoxe) et pour la collaboration : « À tous les méchants. » (Lucie, la maîtresse de cérémonie macabre, rendant hommage en chanson, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « J’ai des fidèles ennemis. Parce que les gens ne me connaissent pas. » (Érik Satie dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Les lettres que vous lisez sont la preuve de son innocence. » (le rat Gouri prenant la défense du criminel Emilio Draconi, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 70) ; « Elle les aime autoritaires. » (Liam par rapport à Karma qu’il croit lesbienne mais qu’il drague quand même, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « La peinture qu’elle avait achetée se trouvait encore devant sa porte, mais Jane avait rechigné à se mettre au travail. Les mots seraient encore là même si elle appliquait une nouvelle couche de laque ; elle voulait que leur laideur reste gravée au fer rouge dans les souvenirs des Mann comme ils l’étaient dans les siens. La colère qu’elle avait pu ressentir vis-à-vis de la fille en rapport avec le graffiti avait disparu. Si c’était Anna qui avait dégradé sa porte, elle l’avait fait par désespoir et par peur de ce que les soupçons de Jane pourraient entrainer pour son père. Si c’était Mann, alors lui aussi était désespéré et effrayé. Cette idée la travaillait. » (Jane, l’héroïne lesbienne qui ne se décide pas à effacer le graffiti homophobe « Lesben Raus ! » qui figure à la peinture rouge sur le mur d’entrée de l’appartement qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 155) ; etc. Par exemple, dans le film « L’Arbre et la Forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Frédérick, le héros homosexuel, finit par aimer la musique de Wagner qui lui a été imposée dans les camps de concentration nazis : « Ils jouaient beaucoup Wagner aux camps. […] Quand j’écoute Wagner, je prends ma revanche sur les Nazis. » Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc se force à aller voir un navet cinématographique, non par plaisir, puisqu’il exècre « la misogynie, la veulerie, la vulgarité » de l’acteur Eddie Murphy, mais par anti-conformisme de principe : « Encore une fois pour changer le mal de place. » (p. 45) Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, George, le héros homosexuel exerçant le métier de prof à la fac, défend l’antisémitisme des Nazis devant ses étudiants.

 
 

b) L’attirance pour les Grands Hommes et les monarques :

Très souvent, le héros homosexuel choisit pour modèle d’identification les grands personnages de l’Histoire, ayant un destin grandiose, wagnérien, mais aussi tragique : cf. la sculpture Napoléone d’Ange et Damnation, le roman Venus Bonaparte (1994) de Terenci Moix, le film « Uncut » (1997) de John Greyson (avec l’étudiant obsédé par l’ancien Premier ministre canadien Pierre Trudeau), le film « Les Rebelles du Dieu Néon » (1992) de Tsai Ming-liang (avec l’amour pour le chef de bande), le film « Adieu Bonaparte » (1984) de Youssef Chahine, le one-man-show Alex Lutz (2008) d’Alex Lutz (avec l’identification à Louis XIII), les romans Alexis ou le Traité du vain combat (1929) et Mémoires d’Adrien (1951) de Marguerite Yourcenar, la pièce Jules César (1599) de William Shakespeare, le roman Le Crépuscule des Bourbons (2012) de Philippe Gimet (avec les ébats du Duc de Richelieu et du jeune et beau Louis-Marie de Montédour-Trémainville), etc. « Tu as l’étoffe d’un homme politique. » (Jean-Marc parlant à son amant Jean-Jacques, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « J’aimerais savoir ce qui te rend aussi fort. […] J’ai besoin d’être un leader. » (Jean-Jacques à Jean-Marc, idem) ; « À un moment donné, elle [Stephen, l’héroïne lesbienne] avait beaucoup aimé qu’on lui fit la lecture ; elle aimait surtout les livres qui parlaient des héros ; mais à présent, de telles histoires stimulaient tellement son ambition qu’elle désirait intensément les vivre. Elle, Stephen, désirait maintenant être Guillaume Tell, ou Nelson, ou la charge de Balaklava tout entière. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 28) ; « La nuit, je restais éveillée dans mon lit, oubliant un moment la dure réalité de mes seize ans et de ma condition de faible femme dénuée de fortune, pour imaginer que j’étais l’homme des films. Je voulais la richesse, le pouvoir, la célébrité […]. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 24) ; « Après le repas, Ethan reste seul à la table du Samothrace. Il laisse son regard se perdre dans les fresques. Tout doucement, il s’imagine à la grande époque grecque, lorsque le sanctuaire des Grands Dieux était en activité sur l’île de Samothrace. Il se demande quelle place il aurait occupé dans cette société. Comme beaucoup de gens, il ne s’imagine pas en simple paysan travaillant la terre. Il aurait plutôt été de ceux qui gravitaient dans les hautes sphères du pouvoir. Sans doute aurait-il tenu le rôle de grand prêtre. […] Il s’imagine habillé comme dans les péplums, d’un minimum de tissu, tous muscles dehors et il serait entouré par des femmes aussi belles que les représentations d’Athéna. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 64) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Khalid est attiré par la figure fantasmée d’Hassan II : « Je suis devant lui. Je rêve. […] Il a du charme. Détermination. Cruauté. Tendresse. Tout est là. Je le reconnais. […] Il m’attire, il me domine. Je suis à lui. Il est le Roi. Le roi Hassan II. Il est beau. Je l’aime. Sans douter, je l’aime. On m’a appris à l’aimer. À dire son nom. À le crier. Il est beau. Il est important. Tellement beau, tellement important. » (p. 9) Dans le roman Deux Garçons (2014) de Philippe Mezescaze, Philippe, le héros homo, s’identifie à Caligula, et joue le rôle au théâtre. Dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, Jeanjean joue beaucoup avec ses excréments : il en fait des petits personnages, parmi lesquels un Louis XIV qu’il a façonné de ses mains. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, se croit à la Cour de Sisi Impératrice et prend son père pour l’Empereur d’Autriche. Dans le film postiche « Servir et protéger » intégré dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Billy Stevens, le héros homosexuel, s’adresse à la statue du président Lincoln comme si elle était vivante. Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Bram, le héros homo noir, se « déguise » en Barack O’Bama. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, au Musée Beaubourg, Arthur, le héros homo, scotche devant un tableau représentant un Napoléon stylisé. Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay adulte, retrouve Patrick un ancien camarade de lycée (de 2 ans son aîné) dont il tombe amoureux : « Il est toujours aussi mignon. Voire encore plus qu’avant. Tout le monde adorait Patrick. En plus d’être super intelligent, il était ultra populaire et sûr de lui. Les profs disaient qu’ils seraient président. » (Hugo)

 

Le soutien aveugle du héros homosexuel au tyran résulte souvent d’un désir déçu d’héroïsme, d’un don de sa personne au mauvais maître. Il soutient un dieu bassement et uniquement mondain, télévisuel, historiquement médiatique, alors qu’il rêverait inconsciemment de suivre Jésus, le dieu divin et humain… mais son orgueil personnel l’empêche d’assumer sa soif de vraie grandeur.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Il était mince, il était beau, il sentait bon le sable chaud… :

DÉFENSE DU TYRAN Romero avec Trierveiler 3 sept 2014
 

Même si c’est désagréable de le reconnaître, bien souvent, on observe dans les rangs homosexuels une défense anti-conformiste (inconsciente ?) de celui que tous attaquent/attaqueraient : le tyran, le violeur, le dictateur. « Les femmes préfèrent les salauds, nous aussi parfois. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 75) ; « J’ai vu ses beaux yeux bleus, en effet, et j’ai fait comme tout le monde : j’ai oublié la démocratie. » (Philippe, le compagnon de Pascal Sevran, se mettant à défendre le beau dictateur de Syrie, op. cit., p. 90) ; « Philippe me tue. […] Ouf ! Sur ce ton-là nous nous retrouvons, Philippe et moi. Les dictateurs ont cela de bien qu’ils nous laissent des monuments grandioses et qu’ils sont très conservateurs. Oui, que Castro protège la ‘splendeur coloniale’ de La Havane et nous lui pardonnerons beaucoup. Philippe me tue. » (Pascal Sevran, op. cit., p. 199) ; « Je ne dormais pas. J’attendais. Couché sur le ventre, j’essayais de retrouver dans ma tête des images du chef barbu de la bande qui, je devais me rendre à l’évidence, m’avait séquestré. » (Abdellah Taïa racontant la scène de viol que lui a fait subir son cousin Chouaïb alors qu’il n’était qu’un adolescent, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 18) ; « Tout en lui rendant ses coups, tout en étant aussi malin et cruel que lui, je sentais bien dans mon cœur le faible que j’avais pour lui et je savais que je pouvais plus tard tomber sérieusement amoureux de lui. Le demander en mariage. Et être à lui. » (idem, p. 24) ; « J’aimais Chouaïb. À présent, je l’admirais. » (idem, p. 26) ; « Je dois toutefois avouer que, même en plein enfer, une partie de moi était heureuse, aimait ça, ce machisme, cette dictature… Je me disais alors : ‘C’est ça l’amour, c’est ça l’amour… j’ai de la chance… Il faut tenir le coup… C’est ça l’amour…’ » (Abdellah Taïa s’adressant à son ex-amant Slimane, avec qui il a vécu une longue liaison à l’âge adulte, op. cit., p. 117) ; « Dans cette fascination du chef et de la force, il y avait beaucoup de féminité latente, une certaine forme d’homosexualité. Au fond, chez la plupart de ces intellectuels fascistes, je pense à Brasillach, à Abel Bonnard, à Laubreaux, à Bucard, il y avait le désir inconscient de se faire enculer par les S.S. » (Emmanuel Berl s’adressant à Patrick Modiano, cité dans la biographie Ramon (2008) de Dominique Fernandez, p. 140) ; « Toute la vie de cet homme double a dû se jouer là, à Tiffauges. La grandeur guerrière et les déchirements entre les élans sexuels et mystiques. Qui lui jetterait la première pierre ? » (Julien Green à propos de Barbe Bleue, Gilles de Rais, dans son autobiographie L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, p. 33) ; etc.

 

Certaines personnes homosexuelles soutiennent à la surprise générale le tyran qu’elles prétendent haïr, et font même parfois partie de l’entourage de ce dernier. « Des questions qui n’ont peut-être pas de réponse. Comment expliquer que Proust, dont la mère est juive, ne semble pas gêner par l’antisémitisme de Léon Daudet ? Voilà quelque chose que j’ai du mal à comprendre. […] Comment comprendre l’indulgence de Proust pour Léon Daudet ? » (Pierre Dumayet cité dans l’article « Pierre Dumayet : Énigmes proustiennes » de Pierre-Marc de Biasi, sur la revue Magazine littéraire, n°350, janvier 1997, p. 37) ; « On s’étonne aujourd’hui de l’amitié de Barney pour D’Annunzio ou de son mépris pour la démocratie. » (cf. l’article « Natalie Barney » de Catherine Gonnard, sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 59) ; « Comme l’Italie était belle sous le fascisme. » (Pasolini, antifasciste pourtant, dans la première ligne d’un de ses Essais, cité dans le documentaire « L’Affaire Pasolini » (2014) d’Andreas Pichler) ; « Même l’écrivain français Brazillach, en dépit de ses penchants homosexuels, et de sa sensibilité à l’homo-érotisme nazi, admirera Hitler pour les sacrifices de ses plus chers camarades sur l’autel de la raison d’État. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 217) ; etc. Par exemple, on ne comprend pas pourquoi Elton John chante « Stan » en duo avec le rappeur « homophobe » Eminem au Grammy Awards en 2001. Charles Trénet imite le Maréchal Pétain. Magnus Hirschfeld milite contre la guerre avant 1914 mais une fois celle-ci déclenchée, il vient aider des milliers d’homosexuels à être des « soldats normaux ». Muriel Robin, l’humoriste lesbienne, se met, au nom de la légitime défense, de la victimisation et d’un féminisme d’arrière-garde, à prendre le parti de Jacqueline Sauvage, la femme battue qui avait tué son mari violent en 2012 et à qui François Hollande avait accordé éhonteusement la grâce présidentielle totale : Robin a d’ailleurs repris le rôle dans le téléfilm « Jacqueline Sauvage : c’était lui ou moi » d’Yves Resnier diffusé en 2018 sur TF1.
 

Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, on nous raconte la rencontre entre Nicolaus Sombart et son amant beaucoup plus âgé que lui Carl Schmitt, un bourreau nazi. En 1984, Nicolaus Sombart sait bien qu’on va lui reprocher de glorifier un complice des crimes nazis. Il se défend : « » (p. 273)

 

C’est surtout la beauté physique, la recherche d’une force masculine orgasmique, ou l’esthétisme de la contradiction, qui consolident le soutien ambigu des personnes homosexuelles à un despote. « Je regarde les hommes mais je n’ai pas l’impression que c’est leur corps qui m’attirent mais leur énergie. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) Nous semblons partir à la conquête d’une force caricaturale parce que nous avons douté ou méprisé notre force naturelle. Étonnant. Les écrits et fantasmes d’Eddy Bellegueule – l’écrivain gauchiste au look « facho de droite », passant dans les bras d’un tyran à l’autre – en sont une belle illustration. Je vous renvoie à cet article sur l’État islamique parodié pour des soirées gays.

 

Il n’est pas rare que les tyrans et leurs « victimes » homosexuelles louvoient ensemble : « Ils se promènent, à la recherche d’aventures, sur les quais de la Seine, tout en ayant leurs grandes et petites entrées chez les puissants de ce monde. » (Jean-Louis Chardans évoquant les individus homosexuels, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 20) ; « J’étais un efféminé qui méritait les coups. Je ne voulais pas que la surveillante me retrouve dans le même couloir, recroquevillé, le regard implorant – même si, je l’ai dit, la plupart du temps j’essayais, sans toujours y parvenir, de garder le sourire quand ils me frappaient. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 88) ; « C’était une victime qui s’offrait à ses bourreaux. Comme s’il avait quelque chose à expier. » (cf. la voix-off parlant des œuvres provocatrices de Pier Paolo Pasolini, qui toute sa vie a cherché à se faire des ennemis partout, dans le documentaire « L’Affaire Pasolini » (2014) d’Andreas Pichler) ; « Après dîner, nous faisons un enregistrement de L’École des femmes avec Jouvet. Cette pièce souvent si comique est proprement déchirante. Le vrai sujet est l’incompréhension humaine, Agnès victime et bourreau, ou précisément bourrelle de son bourreau. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, mars 1981, p. 19) ; « L’homosexuel fera tout ce qui est en son pouvoir pour renforcer la puissance du chef de horde dont il tentera de prolonger le plus longtemps possible la durée du gouvernement qui seule lui assure la survie. » (Michaël Kühnen, 2004, p. 6) ; etc. Par exemple, Élisabeth Schwarzkopf, réputée homophobe, est paradoxalement une icône gay. Pascal Sevran défend Brigitte Bardot dans l’émission 93, Faubourg Saint-Honoré (2004) de Thierry Ardisson. Alberto Cardín est l’auteur de l’article (au titre provocateur) « Apología De Anita Bryant » dans la revue Diwan (n°8, 1978) : rappelons qu’Anita Bryant est connue médiatiquement pour avoir tenu des propos ouvertement homophobes. Truman Capote tomba amoureux de Perry, un dangereux criminel dont il s’est amouraché après avoir lu un article de journal sur lui (cf. le film « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath retrace leur curieuse relation). Jean-Luc Lagarce, dans son Journal (2008), prend la défense d’un terroriste incendiaire. Dans son autobiographie Parloir (2002), Christian Giudicelli prend le criminel Kamel sous son aile, et ne comprend pas sa propre attitude inconsciente de soumission : « Je me maudis d’avoir minimisé la faute de Kamel. Comment ai-je pu supposer qu’on allait l’oublier, qu’il n’aurait pas à payer ? […] J’ai agi en irresponsable. » (p. 47)

 

DÉFENSE army

Film « The Raspberry Reich » de Bruce LaBruce


 

On nous parle du fantasme esthétique homosexuel pour les fascismes de Mussolini ou de Franco dans l’essai The Image Of Man (1996) de Gregory L. Mosse. Il est observable dans des œuvres telles que les poèmes de Stefan George, le film « ¡ Harka ! » (1941) de Carlos Arévalo, le film « A Mí La Legión » (1942) de Juan de Orduña, le film « Raza » (1942) de J. L. Saenz de Heredia, etc. Terenci Moix, Rafael de León, et bien d’autres, aiment beaucoup de divas du franquisme (Lola Flores, Juanita Reina, Concha Piquer, etc.). La B.D. La Verdadera Historia del Superguerrero del Antifaz, La Superpura Condesita Y El Super Ali Kan (1971) de Nazario reprend le mythe d’un super-héros qui symbolisait la Phalange pendant le franquisme. Concernant les autres collaborations esthétiques entre les personnes homosexuelles et les régimes totalitaires, je vous renvoie par exemple à la sérigraphie Mao (1973) d’Andy Warhol. Marguerite Radclyffe Hall, une des femmes lesbiennes les plus connues au monde, se rapproche clairement du fascisme.

 

Le fantasme de l’uniforme militaire, voire carrément des soldats non-agréés (les militaires parallèles, les bad boys, les skins et ladite « racaille »), est très marqué chez les personnes homosexuelles (cf. les représentations de la force virile exacerbée, dans les dessins de Tom of Finland, de Roger Payne, les films de Bruce LaBruce, de Jacques Scandelari, etc.) : « Cette virilité fasciste ou communiste est un fantasme d’homosexuels, Gide à Moscou, Brasillach à Berlin. Ce dernier ne s’est jamais inquiété des déportations d’homosexuels allemands par les nazis. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 78) Elles s’abaissent devant l’ennemi comme devant l’idole de la violence conquérante : « Ces hooligans des beaux quartiers avaient une force, une originalité et une curiosité peu communes. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 194) ; « Sa prédilection le porte vers l’uniforme et les mauvais garçons, loufiats ou cambrioleurs. » (Roger Stéphane, Parce que c’était lui (2005), p. 33) ; « Il est mignon Kamel, il correspond au look qui m’attire : le look racaille. Les garçons de mon milieu m’ennuient. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), pp. 95-96) ; « Ah ! Les culs virils, ce fut ma perte ! Que de fantasmes faits chair : tous ces ‘képis blancs’ moulés dans leurs pantalons au pli impeccable, ces martiaux ‘paras’ sculptés par leurs treillis de combat… » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 79) ; « Je l’aimais, pour sa moustache, son blouson en cuir et pour ce vélomoteur, Peugeot 103, sur lequel il m’invitait chaque fois à monter. » (Abdellah Taïa à propos de son cousin Chouaïb dont il est amoureux, dans son autobiographique Une Mélancolie arabe (2008), p. 18) ; « Cette année, les cadets de cinquième année étaient d’une particulière beauté. Au moment d’aller à la douche, quand nous étions tous forcés de nous déshabiller, la beauté de leur corps athlétique imposait un silence presque religieux. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 194) ; « Lors du procès de Kuno von Moltke en 1907, un soldat nommé Bollhardt déclare à la barre que dans les régiments de Postdam, les relations sexuelles entre officiers et hommes du rang sont monnaie courante. Le tribunal est fasciné par le puissant sex-appeal que semble exercer l’uniforme des cuirassiers. Harden, quant à lui, déclare que ‘des régiments entiers de cavalerie étaient infestés d’homosexualité’. Des soldats allaient jusqu’à se prostituer eux-mêmes dans certains quartiers de Berlin, et même sur l’Avenue de la Victoire. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), pp. 52-53) ; « À l’âge de 15 ans, se souvient Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895), il eut sa première éjaculation nocturne. À cet âge, il aurait été séduit par un homme de trente ans. Il était très attiré par des soldats de 20 à 22 ans, dont il faisait le portrait en secret, ce qui suffisait à l’enflammer. Selon lui, l’homosexualité était prédominante dans l’armée allemande. » (idem, p. 79) ; « Nul doute que Ramon Fernandez n’ait fréquenté les bars britanniques explorés par les personnages de son livre Philippe Sauveur et croisé, au moins dans la brume, les figures sculpturales de soldats et de marins évoqués avec tant de complaisance. » (Dominique Fernandez à propos de son père homosexuel Ramon, dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 54) ; etc. J. R. Ackerley est attiré par les hommes des classes sociales défavorisées, et en particulier ceux revêtant l’uniforme (cf. le roman The Prisoners Of War, 1923). L’écrivain allemande Christa Winsloe, profondément anti-militariste et anti-prussienne, écrit pourtant la pièce de théâtre Jeunes filles en uniforme (1931). Dans le film « Chantons sous l’Occupation » (1976), Jean-Louis Bory condamne chez les hommes homosexuels « le goût de la botte, du cuir, du métal, et les fameuses messes de Nuremberg ».

 

Il y a dans ce fantasme de militarisme une résurgence du viol ou d’un inceste inconscient, comme le montrent les propos des tantes d’Alfredo Arias concernant leur neveu homosexuel, dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-Fantômes (1997) : « Quand notre neveu [Alfredo] a fait le lycée militaire, il croyait voir parfois, entre ces hommes en uniforme, les fantômes d’une femme qui apparaissait et disparaissait. Laquelle d’entre nous était-ce ? Qui de nous trois pouvait-ce être ? » (p. 148)

 

Dans la biographie Ramon (2008), Dominique Fernandez fait la prouesse de retracer la vie de son père qui « a été un collabo, des plus notoires ». Mais bizarrement, au jour des funérailles, il finit par soutenir ce dernier et par dire qu’il en est amoureux : « Une sorte de miracle transforme les funérailles du traître en acte de rédemption. » (p. 18) ; « Amoureux de mon père, je l’ai toujours été, je le reste. Ma mère, je l’ai admirée, je l’ai crainte, je ne l’ai pas aimée. Lui, c’était l’absent et c’était le failli, l’homme perdu, sans honneur. C’était le paria. » (idem, p. 45)
 

Emprisonnées par leurs pulsions amoureuses et leurs fantasmes esthétiques, focalisées sur les intentions plus que sur l’Amour en actes, un certain nombre de personnes homosexuelles en arrivent à acquitter le méchant de sa méchanceté, à l’innocenter en se disant que le « bien par le mal » ferait plus de bien que le Bien même, que la sincérité ou la beauté excusent tout ! « Manuel Puig écrit sur la trahison du cinéma qui, en nous faisant rêver de l’impossible, nous empêche parfois de vivre nos possibles. Il brosse le portrait réaliste et impitoyable d’une société qui pratique toutes les hypocrisies, y compris sexuelle, et dont le cinéma des années 1930 et 40 est l’un des principaux modèles de conduite. Il entretient un rapport douloureux avec le cinéma qu’il aime. Expression parfaite de son idéal esthétique fait de kitsch et de glamour, le cinéma américain tout comme son contemporain allemand est, avant tout, cinéma de propagande. » (Lionel Souquet, Le Kitsch de Manuel Puig (1996), p. 174)

 

Film "Lili Marlen" de Rainer Werner Fassbinder

Film « Lili Marlen » de Rainer Werner Fassbinder


 

Certaines personnes homosexuelles disent être touchées par la blessure d’amour secrète et la maladresse destructrice de l’homme blessé, du dictateur, de la rose pleine d’épines du Petit Prince. C’est exactement le cas de Charles Trénet, qui a défendu Marie Besnard, l’empoisonneuse, au moment de son procès retentissant. Autre exemple, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, le réalisateur semble justifier le crime passionnel : Petra, dans sa folie d’amour possessif et destructeur, est prise en pitié. Dans le roman L’Autre (1971), Julien Green prend la défense de Karin, celle que tout le monde rejette parce qu’elle a pactisé avec l’ennemi allemand. Dans son film « Huit Femmes » (2002), le réalisateur François Ozon magnifie littéralement son personnage d’Augustine (Isabelle Huppert) qu’il rend touchante à force de la dépeindre détestable et capricieuse : « Vous pensez toutes que je vous déteste. C’est pas vrai. J’aime tout le monde. Mais personne ne comprend ma façon d’aimer. On croit que c’est de la haine ! »

 

Film "Huit femmes" de François Ozon

Film « Huit femmes » de François Ozon


 

L’anti-conformisme de principe que certaines personnes homosexuelles adoptent pour cacher leur manque de désir, de liberté, et de personnalité, les fait parfois chérir la contradiction du dictateur, opter pour la trahison à leurs propres idéaux de pureté (par purisme ! voilà le paradoxe) et pour la collaboration : Bola de Nieves n’a pas caché sa sympathie pour Mao Zedong et Fidel Castro ; en 1948, après son voyage aux États-Unis, Salvador Dalí revient en Espagne et se déclare en faveur de la politique de Franco ; Rafael de León se met également du côté de « Generalísimo ». Alfredo Nosteirín était à la fois homo et phalangiste ; Natalie Barney exprime une admiration sans bornes pour le « grand » Mussolini. « De temps en temps, par gentillesse, par ce côté qui est un peu lâche en moi parce que j’aime pas faire de la peine, il m’arrive d’être lâche. Et cette lâcheté peut m’amener à me conduire comme un petit salaud. C’est là que la question de ma dignité personnelle intervient. Mais c’est une affaire personnelle entre moi et moi. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976)

 

La défense des tyrans par la communauté homosexuelle s’explique par la fragilité qu’est le désir homosexuel, et encore plus par la violence que constitue la pratique homosexuelle. Il est en effet facile de manipuler des gens fragiles. Ils sont plus influençables, plus agressifs, plus impressionnants. Il n’y a qu’à voir comment, en 2012-2013, les personnes homosexuelles pratiquantes ont massivement soutenu François Hollande (le tyran mou) et le « mariage pour tous » (loi qui, concrètement, va à l’encontre de leur réalité, de leur spécificité, et du respect de leur personne, loi qui les instrumentalise et les conduit à poser des actes graves et irréversibles : PMA, GPA, adoption, réduction de sa personne à ses pulsions sexuelles, encouragement à la pratique homo et enfermement dans celle-ci, etc.). Elles se laissent instrumentaliser et soutiennent un système libéral socialiste qui les broient, sans chercher à se révolter.

 
 

b) L’attirance pour les Grands Hommes et les monarques :

Charles de Gaulle (statue près des Champs-Élysée, à Paris)

Charles de Gaulle (statue près du Grand Palais, à Paris)


 

Très souvent, les personnes homosexuelles choisissent pour modèle d’identification les grands personnages de l’Histoire humaine, ayant un destin grandiose, wagnérien, mais aussi tragique : « Depuis longtemps, j’avais en tête l’idée de réaliser un film sur la fuite de Louis XVI et son arrestation à Varennes. […] J’étais fasciné par le destin des personnages. Par Marie-Antoinette, en premier lieu, choisie à 14 ans, sur catalogue, pour devenir la femme du roi de France. Puis par sa vie à Paris, son amour de l’art et de la culture, sa frivolité, ses aventures, le monde totalement irréel et déconnecté du peuple dans lequel elle vécut… Jusqu’à ce que la réalité la rattrape avec ce périple qui l’obligea, pour la première fois, à agir en femme responsable, à peine sortie du rêve et obligée d’affronter la réalité. On imagine ce que furent les deux jours que dura le voyage. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), pp. 374-375) ; « Je n’ai d’yeux que pour le pharaon. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 48) ; « Je trouvais le leader des étudiants d’une grande beauté. » (Jean Le Bitoux concernant mai 1968, dans son essai Citoyen de seconde zone (2003), p. 64) ; « Finalement, à travers toutes ces figures de mon passé, je vois le désir d’être avant tout une femme solide et indépendante, comme Elisabeth première, mais en moins vierge, ou Margaret Thatcher, mais en moins idiote, et en moins laide aussi j’espère. » (cf. l’article « De la virilité des lesbiennes » posté par « Septembre », une femme lesbienne, sur le site Yagg, le 16 janvier 2010) ; « J’aimais les histoires de chevalier, je m’imaginais Robin des Bois. […] J’ai souffert des autres pendant cette période. […] J’ai compris à quel point le monde est injuste. […] Au début du collège, avec mes cousins, nous avons fondé une armée dont j’étais bien sûr un des généraux (il n’y avait que des officiers ou presque dans notre armée). » (Bab El, dans son article « Tom Boy à l’affiche ») ; « Pour la fête des Rois chez le couturier Paul Poiret, en 1923, il fallait se costumer. Maurice Sachs, dans son livre ‘Au temps du Bœuf sur le toit’, sorte de journal des Années folles, a fait la liste des invités ! » (Dominique Fernandez dans la biographie Ramon (2008), pp. 88-89) ; etc.

 

Certains auteurs homosexuels aiment les Grands Hommes et la Jet Set : c’est le cas de Stephen Frears, Bola de Nieves, Truman Capote, Jean Cocteau, Andy Warhol, Alain Pacadis, Elton John, etc. Par exemple, le héros préféré d’Horatio Alger est Abraham Lincoln. Andy Warhol a fait une sérigraphie de Mao Zedong en 1973. Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, Rosario Miranda raconte que lors du carnaval de son village natal, il se déguisa en pharaon, car il rêvait d’être un puissant monarque (p. 228). Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko est fasciné autant que rebuté par l’aura de son père, « proche du curé de son école, proche du directeur du centre de Louhoua ». Parmi les personnes homosexuelles, on compte un certain nombre de « biographes des stars » (Frédéric Mitterrand, Stéphane Bern, Michel Larivière, Jean-Claude Pascal, Cecil Beaton, Andy Warhol, etc.).

 

Stéphane Bern

Stéphane Bern


 

Dans le premier numéro du premier journal homosexuel en Allemagne Der Eigene, Adolf Brandt dédie le journal aux « individus forts » qui organisent leur vie selon leurs propres codes et refusent de se conformer à la morale des masses. Pendant la conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon (à la Mairie du IIIème arrondissement, le 18 novembre 2010), le romancier français Christophe Bigot avoue devant toute l’assistance son attraction pour les « grands personnages » historiques. Déjà, quand il se trouvait à l’école primaire, il endossait le rôle du juge impitoyable : « Je faisais le bourreau du Tribunal révolutionnaire sur la cour d’école. » Adolescent, il s’est identifié très tôt – avant de le dés-idéaliser à l’âge adulte – au procureur Camille Desmoulins, figure du romantisme avant l’heure pendant la Révolution Française : « Il est jeune, courageux, fougueux, c’est un amoureux. J’ai voué un culte à Camille Desmoulins pendant toute mon adolescence. […] C’est un homme violent qui désigne, à la vindicte populaire, les contre-révolutionnaires. » Desmoulins, c’est la figure du traître par excellence.

 

Ce choix de modèles d’identification « forts » est illustré par les témoignages d’hommes homosexuels récoltés par Xavier Thévenot dans l’essai Repères éthiques pour un monde nouveau (1982) : ces derniers disent apprécier entre autres le Général de Gaulle, Napoléon Bonaparte, Néron, etc. Dans mon entourage homosexuel, je connais un certain nombre d’amis, parfois historiens de formation, possédant dans leur bibliothèque une ribambelle de biographies d’hommes politiques charismatiques, ou bien votant pour l’extrême gauche/l’extrême droite (étant même, pour certains, favorables à la restauration de la monarchie ! Je parle par exemple des cathos tradis royalistes, soit légitimistes, soit orléannistes), et qui se sont parfois déguisés en Néron ou en Jules César quand ils étaient enfants. Dans le cas des individus homosexuels moins sophistiqués et moins dandys, le goût des Grands Hommes se reportera sur les stars de cinéma, les chanteurs, et les héros de dessins-animés… mais c’est la même idolâtrie pour l’héroïsme narcissique ! et la même preuve de la carence du référent paternel, du transfert de sa propre force virile.

 

Lors d’une visite guidée du cimetière du Père-Lachaise de Paris, que j’ai faite début février 2012, j’ai appris directement par le guide (lui-même homosexuel, et qui m’a avoué qu’il vit depuis 20 ans avec un homme qu’il a justement rencontré il y a 20 ans dans ces mêmes lieux !) que ce cimetière était un véritable lieu de drague homosexuelle, et que le « coin » le plus fréquenté des visiteurs homosexuels était (comme par hasard !) celui des Maréchaux d’Empire (les Généraux Masséna, Lefebvre, Foy, Caron de Beaumarchais, etc.) ! Cherchez la coïncidence…

 

Le soutien aveugle de l’individu homosexuel au tyran résulte souvent d’un désir déçu d’héroïsme, d’un don de sa personne au mauvais maître. Il soutient un dieu bassement et uniquement mondain, télévisuel, historiquement médiatique, alors qu’il rêverait inconsciemment de suivre Jésus, le dieu divin et humain… mais son orgueil personnel l’empêche d’assumer sa soif de vraie grandeur.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.