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Parqués comme des bêtes à Vendôme

Parqués comme des bêtes à Vendôme

 

Que s’est-il réellement passé ce mercredi 9 avril 2014 à la Veillée des Sentinelles de la place Vendôme ? A priori pas grand-chose. Pas de veilleurs embarqués ni frappés ni assassinés. On serait tenté de dire, blasés : « La routine habituelle, quoi… On oublie. Gouvernement à la con… »

 

Parqués

 

Mais pourtant, une nouvelle étape a été franchie. Et elle est symboliquement très violente : notre gouvernement commence à parquer comme des animaux des gens pacifiques sur le simple fait qu’ils expriment leur opposition à une loi – la Loi Taubira – qui a violé toutes les règles de la démocratie, du débat en commun, du respect des personnes et notamment des enfants. Et ce musèlement s’est fait hier soir sans aucune explication ni justification. Sans aucune sommation des chefs de gendarmerie et de police. Dans un silence assourdissant. Sur décision arbitraire. Avec une froideur inouïe. Oui. Nous avons bel et bien été parqués dans un enclos dont nous ne pouvions au départ pas sortir. Et ce dispositif suscitait auprès des badauds une indignation bien naturelle. Je me mets à la place de celui qui arrivait place Vendôme et qui découvrait la scène ahurissante : une trentaine de personnes enfermées sans motif apparent autour de barrières, avec un déploiement de CRS disproportionné (je dirais plus de cinquante gendarmes mobiles visibles, sans compter la dizaine de camions de police et de gendarmerie). La situation n’était pas seulement cocasse ou absurde. Elle était violente. Il y a un cran qui a été passé. Parce que symboliquement, comme pour la dispersion demandée l’autre jour à Alix (des Veilleurs), le respect de la dignité humaine a été violé : nous avons été réduits au silence, déplacés de force par les gendarmes, puis cloîtrés comme des bêtes, dans un enclos, sans aucun motif et sans aucune effraction de notre part. Hallucinant.

 
 

Nous sommes responsables de notre propre enfermement

 

Autre cruel constat de terrain que j’ai pu faire, mais qui cette fois s’adresse à mon propre camp : l’incident d’hier soir, mais aussi en général l’incompréhension montante entre l’État et nous – qui débouche et se résout malheureusement en violences depuis près de 2 ans – s’explique. Il faut le reconnaître : nous avons encore peur de la loi Taubira. Nous ne voulons pas le reconnaître mais nous n’assumons pas encore qui nous sommes (c’est d’ailleurs pour cela que notre mouvement n’a pas de chefs clairement identifiables et forts auxquels se raccrocher). Nous avons la trouille d’exposer ouvertement ce que nous pensons, ce contre quoi nous nous battons. Nous sommes tétanisés à l’idée de prononcer la phrase « JE SUIS OPPOSÉ À LA LOI TAUBIRA ». Je le remarque rien qu’au niveau politique : quels sont les maires – pourtant veilleurs ou sentinelles – qui viennent d’être élus aux municipales et qui ont assumé de soutenir nos valeurs et la Manif Pour Tous ? Très peu. La plupart ont retourné leur veste et ont fermé leur gueule pour asseoir leur sécurité. Et pour revenir à hier soir, lorsque des badauds, interpellés visuellement par notre « Carré VIP Valls », s’approchaient de nous pour comprendre ce qui se passait, quelles sont les Sentinelles (pourtant pas les dernières des lâches !) qui ont été franches et qui ont osé dire ouvertement que nous étions là « contre la loi Taubira » ? Très peu. Beaucoup d’entre elles se sont défaussées, ont joué la carte du hasard (« J’ai vu de la lumière, je passais par là… »), de l’indignation victimisante : « Nan mais vous vous rendez compte ?? Nous lisions tranquillement et pacifiquement un livre face au Ministère de la Justice… et là, nous nous retrouvons injustement déplacés et parqués comme des moutons… C’est scandaleux !! »

 

Même si nous nous y opposons, nous avons toujours peur de la Loi Taubira. Alors pour masquer cette peur, nous jouons encore soit aux philosophes béats (genre Veilleurs assis, qui dissertent sur de jolis concepts humanistes avec leur bougie et leur gentil cercle de philosophes, « le front penché sur la terre » : kitsch à souhait), soit aux anarchistes révoltés anti-système (qui déplacent le traitement de la loi du « mariage pour tous » sur des terrains qui dénaturent et parasitent le bien fondé de notre contestation, y compris par des diversions « musclées » bien inutiles voire carrément contradictoires : « Hollande dégage ! » ou « Valls casse-toi ! » ou « quenelle » ou FN). Pourtant, rien qu’avec la Loi Taubira, nous aurions largement de quoi faire. À elle seule, elle est suffisamment choquante pour justifier entièrement notre soulèvement. Qu’est-ce qu’on attend, alors ?? Car pendant ce temps-là, nos gouvernants arrivent avec des projets de loi de plus en plus dingos (sur la filiation, l’euthanasie, la PMA et Gestation Pour Autrui, le divorce, le statut du « beau parent »). Et nous, nous nous éparpillons façon déprime angoissée ou radicalisme politisé.

 

Je ne jette la pierre à personne. Je sais bien que cette loi Taubira est objectivement très difficile à contrecarrer (car elle arrive après un long cortège d’autres lois un peu moins choquantes qu’elle – sur l’avortement, le divorce, l’adoption par des mères célibataires, la contraception, etc. – et qui n’ont pas été dénoncées depuis des décennies : la loi du « mariage pour tous » c’est un mammouth énormissime à dégraisser… alors la tentation est grande de se décourager et de fuir). Je sais bien aussi que l’opposition à la loi Taubira n’est pas publicitaire ni même politiquement stratégique (on a l’impression de se griller d’office au niveau de la crédibilité, de se charger immédiatement de la réputation de « catho de droite réac et homophobe »). Mais mince ! De quoi avons-nous peur si nous défendons la Vérité ? si nous défendons l’Humanité, l’Amour incarné dans la différence des sexes, et les plus faibles ? Quand allons-nous dire en quoi/en qui nous croyons, contre quoi nous nous battons, qui nous sommes ? Quand allons-nous sortir de la honte ? Nous avons toutes les clés en main. Il ne nous reste plus qu’à démarrer !

 

Parqués 2

 

Attention danger

Un mouvement qui ne sait plus pourquoi il se forme, qui change sans arrêt d’objectifs, qui n’a pas revendication, qui n’a pas de message unifié, qui n’appelle pas à poser des actes concrets, qui décident de ne pas avoir des chefs identifiés pour lancer ces mêmes appels, qui refuse la visibilité médiatique, est un mouvement en danger. Et je ne parle même pas ici de couleur politique ou religieuse.

Comment envisager la suite de notre mouvement ?

COMMENT ENVISAGER LA SUITE DE NOTRE MOUVEMENT ?

État des lieux

 


Notre mouvement est beau, prometteur, historique, entend-on. C’est totalement vrai. J’y souscris complètement. Et dans la joie. Mais a-t-on vraiment mesuré en quoi ? Je ne le pense pas. Du coup, le constat optimiste se fige en auto-contentement, en esthétisme révolutionnaire… et en angoisse pour l’avenir. Il ne suffit pas de vanter l’ « Unité dans la pluralité » pour donner corps à cette assertion.

 

Alors d’emblée, je vous dis : N’ayons pas peur. Notre mouvement est déjà génial, et ne doit pas en rester à l’intuition de ce qu’il est.

 

D’où vient le flottement actuel de notre mouvement, que ce soit aux Veilleurs ou à la Manif Pour Tous et autres groupes d’opposition aux politiques du gouvernement de François Hollande ? Du fait que nous n’ayons pas encore nommé ni identifié notre ennemi : la BIPOLARITÉ HÉTÉROSEXUALITÉ-HOMOSEXUALITÉ, qui définit arbitrairement l’Humanité (depuis les Lumières et surtout depuis 1869, date de création des termes « homosexualité » et « hétérosexualité »), bipolarité qui a anesthésié les esprits de nos contemporains et qui a fait la pluie et le beau temps sur nos pratiques sexuelles depuis un siècle et demi. La majorité d’entre nous s’est habituée à celle-ci, l’a cautionnée, et s’en sent même responsable et fière ! Et pour ce qui est de notre contexte national depuis un an, la majorité d’entre nous s’est déjà résignée à enterrer le « mariage pour tous » (loi Taubira) et pense que l’urgence et le « réalisme » de notre situation nous conduit à parer au plus pressé, au plus actuel, à lutter contre l’ennemi le plus évident et le plus proche : l’idéologie du Gender (c’est l’orientation qu’ont choisi des groupes comme Civitas ou comme la Manif Pour Tous). Nous nous tournons logiquement vers les conséquences directes de la loi Taubira : la famille, la PMA, la GPA, le Gender, l’adoption, le statut de l’embryon, etc. Et bizarrement, ceux qui disaient « On ne lâche rien ! » ont déjà lâché joyeusement leur demande d’abrogation du « mariage pour tous ». Paradoxe qui m’hallucine…

 

Quand certains voient l’ennemi super proche, d’autres au contraire (et ce n’est pas mieux) voient l’ennemi super loin : Frigide Barjot dit se battre contre le fascisme, les « ultras », « pour les homos » et « contre l’homophobie » (sans chercher à définir ni à comprendre aucun de ces concepts) via l’Union Civile et la constitutionnalisation du mariage femme-homme ; l’Écologie humaine se bat contre le transhumanisme en proposant une réflexion utile sur toutes les lois de bio-éthique qui concernent la vie (vaste programme ; peut-être trop vaste et trop abstrait pour les gens de notre époque) ; les groupes plus radicaux et politisés (Printemps Français, Hommen, Prisonniers politiques, etc.) voient l’ennemi dans l’État français ou la République, et pensent que le bien-fondé de leurs actions reposera sur le fait que leurs buts deviennent leurs moyens, sur leur force de frappe et leur visibilité ponctuelle. Certains (Civitas par exemple), enfin, spiritualisent le combat en termes d’affrontement des « forces du bien » contre les « forces du mal ».

 

Si nous savions comme la pierre d’achoppement qui tient tout l’édifice idéologique de nos gouvernants c’est la bipolarité hétérosexualité/homosexualité (appelée « Amour »), si nous comprenions que notre point commun avec nos opposants c’est notre croyance aveugle en l’hétérosexualité, nous n’hésiterions pas à la dénoncer et à dire que si nous nous sommes levés contre le mariage gay, ce n’était pas seulement contre la pratique homo mais contre toutes les lois hétérosexuelles (abortives, contraceptives, infanticides, parricides, identicides et familicides) qui l’avaient précédé ! que nous nous sommes levés en réalité contre l’hétérosexualité ! Tant que nous ne nommons pas notre ennemi, jamais nous n’avancerons. Cette bipolarité hétérosexualité-homosexualité touche aux deux réalités que nos mouvements essaient de caresser timidement : l’identité humaine (à travers la lutte contre le Gender, contre le transhumanisme, contre l’euthanasie) et la parenté humaine (à travers la lutte contre l’exclusion de l’altérité des sexes dans le cas des adoptions, PMA, GPA).

 

Contrairement à ce que nous essayons de nous faire croire, ce ne sont pas « la défense de la Vie » ni « l’Espérance » (notions très belles mais qui peuvent vite devenir de grandes abstractions) qui vont nous tirer d’affaire. C’est la lutte contre l’hétérosexualité. Si nous défendons l’amour, les enfants, la vie, la filiation, la famille, figurons-nous bien que les promoteurs de l’adoption, du mariage homo, de la PMA, de la GPA pour tous, font de même ! Beaucoup, d’ailleurs, ne comprennent pas pourquoi nous nous opposons à leurs revendications car ils nous entendent soutenir les mêmes choses qu’eux : la beauté des familles, les droits de l’enfant, l’importance de l’adoption, le respect de l’amour et des identités, la grandeur des différences, etc. En revanche, eux défendent le binôme homosexualité-hétérosexualité pour ensuite rapidement l’asexualiser sous le vocable d’« Amour ». Toutes les lois inhumaines que notre gouvernement socialiste propose avec sincérité sont passées au nom de « l’amour » homosexuel, qui a d’abord été opposé à l’amour « hétérosexuel » puis universalisé et rendu neutre par le terme « Amour », et au nom du fait qu’il fallait respecter l’égalité de traitement entre « homos et hétéros ». Par exemple, il y a pile un an, le 10 septembre 2012 dans le journal la Croix, Mme Taubira justifiait qu’il fallait donner le « droit à l’adoption » aux couples de même sexe sous prétexte qu’il aurait soi-disant déjà été donné aux couples « hétérosexuels » (alors que, dans le meilleur des cas, ce droit ne doit être donné qu’aux couples femme-homme aimants, et non à tous les couples femme-homme ni encore moins aux « couples hétéros ») !

 

Nous devons donc clairement nous opposer à l’hétérosexualité, qui consolide par défaut les mythes homosexuels, et qui évacue les corps et les cœurs. Car quand on remplace la réalité des couples femme-homme aimants ou des célibataires consacrés par le mot « hétérosexualité », on gomme ET la différence des sexes, ET l’amour dans cette différence. On glisse des « Droits de l’Homme » aux « Droits des hétéros puis des homos… puis ni des homos ni des hétéros mais des Amoureux asexués », en zappant l’Humanité et la différence des sexes. On remplace un monde partagé entre hommes et femme, et entre Créateur et créature, par un monde individualiste défini selon les fantasmes identitaires, les pulsions et les tendances érotiques, les pratiques sexuelles, et non plus sur l’alliance entre sexuation et Amour. C’est très grave.

 

Alors j’ai conscience que nous partons de loin en remettant en cause cette bipolarité hétérosexualité-homosexualité sur laquelle le monde s’est assoupi maintenant à échelle mondiale et dans la sphère politico-médiatique. Je mesure que les CUCH (Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité) et moi vous lançons dans une lutte digne d’un match entre David et Goliath. Je sais que la piste de l’hétérosexualité a tout l’air de LA fausse piste ou du sophisme. Je sais que le combat contre l’hétérosexualité paraît fou, risible, fragile, inaudible, difficile à expliquer, moins concret et sécurisant que la lutte contre le Gender ou le statut de l’embryon. Mais c’est notre seule issue. Toutes les lois gouvernementales anti-Vie et anti-Amour reposent socialement sur le consensus mou globalisé de l’hétérosexualité. La bipolarité hétérosexualité-homosexualité est la mère du Gender, du PaCS, du mariage pour tous, et sera la mère de la PMA, de la GPA, des suicides assistés, des manipulations sur embryon, etc. Tant que nous nous laissons étiqueter « hétéros », nous nous auto-désignerons tacitement comme « non-homosexuels » donc « homophobes », « fascistes », « masculinistes » ; nous défendrons sans le vouloir toutes actions se valant de l’accueil des personnes homosexuelles pour s’acheter une bonne conscience ; nous validerons tous les couples femme-homme qui ne sont pas des modèles d’amour, et nous serons toujours accusés de cautionner une structure d’identité et d’amour – l’hétérosexualité – qui n’en est effectivement pas une !

 
 

Concrètement, ça donne quoi ?

 

Maintenant que j’ai parlé du but et de notre ennemi (après, qu’on les assume ou pas, c’est un autre problème : moi, je suis juste chargé de vous les dire, et de vous montrer que sans leur dénonciation, nous n’avancerons pas et nous accrocherons aux branches fragiles du Gender ou de l’écologie), quelles méthodes concrètes pour avancer ?

 

Vous savez, je commence à côtoyer suffisamment d’Université d’été et de groupes d’opposition à la loi Taubira pour humer les ambiances, comparer les différentes conceptions d’actions et de stratégies. Tous pensent efficacité (parce qu’ils paniquent) avant durée et vérité.

 

Tous ? Non ! Les seuls qui échappent à cette règle, je trouve que ce sont les Veilleurs. Les Veilleurs sont le seul lieu humain où fond et forme, Charité et Vérité, cherchent à s’épouser. À mon sens, ce sont les Veilleurs qui peuvent le mieux nous apporter la solution à notre mouvement, tant sur le plan des idées que des méthodes.

 

Quand je dis les Veilleurs, pas n’importe lesquels. Des Veilleurs qui ne font pas que philosopher sur des abstractions (la nécessité de l’engagement, l’importance de la liberté de penser, le pouvoir de la résistance, etc.), qui ne font pas qu’organiser des kermesses entourées de CRS. Mais des Veilleurs qui pensent au sens et aux applications concrètes de notre engagement pour le contexte réel et mouvant qui est le nôtre. Des Veilleurs qui dépotent et qui commencent/continuent, sur les places publiques, en politique (syndicats, partis) et dans les médias, à dénoncer, PAR LA CULTURE ET PAR LA PAIX, les incohérences du système hétérosexuel (un système inconsciemment bisexuel et asexuel). Des Veilleurs dont les responsables doivent être mieux identifiés et mieux formés pour parler et discerner des actions à venir (le mouvement des Veilleurs n’a pas encore assumer de se choisir des « chefs » : c’est une grave erreur et son talon d’Achille, car il en a besoin. Et le pire, c’est que des chefs au service, intelligents, posés, qui ont des choses à dire, qui ne font pas potiche, les Veilleurs en ont : Axel Rokvam, Madeleine Bazin, Marianne de Lyon, Gaultier Bes, moi s’il y a besoin, etc.).

 

Vous vouliez d’une rentrée corsée ? Et bien nous y sommes ! Voilà comment je vois concrètement les choses : impliquons-nous intellectuellement, artistiquement, politiquement contre l’hétérosexualité et à travers les Veilleurs. Et ma remontrance sur la Veillée de la Concorde n’était qu’un encouragement à tout miser sur les Veilleurs.

 

J’ai dit ce que j’avais à dire.

 

Philippe Ariño, 2 septembre 2013

Diverses contributions

 

Philippe Ariño a signé la post-face du livre du père Daniel Ange Mai 2013 : Rébellion!, et a donné sa contribution à l’ouvrage collectif Tous unis pour le mariage (2013) avec Christian Flavigny, Cédric Burgun, Jean-Frédéric Poisson et bien d’autres.

 

Version Veilleurs de « C’est bien gentil »

(Version de « C’est bien gentil » remise par Hélène Krespall au goût du jour des Veilleurs, à la Veillée du Grand Ouest à la Baule le 13 juillet 2013)

« C’est bien gentil d’aimer toute la terre

De partir en voyage humanitaire

C’est bien gentil d’avoir des valeurs

D’aimer ses frères et ses soeurs.

C’est bien gentil d’défendre la Nature

De s’élever contre les dictatures

C’est bien gentil d’se dire résistant

Si c’est pour rester devant ton écran.

Tout ça ne sert à rien

Si tu vas pas

Tout ça ne sert à rien

Si tu vas pas…

Aux Veilleurs, aux Veilleurs !

(Tu verras, ça chauffe le coeur)

Aux Veilleurs, aux Veilleurs !

(Allez, viens, ramène ta soeur)

Aux Veilleurs, oui, aux Veilleurs !

(L’Espérance notre éclaireur)

Aux Veilleurs, aux Veilleurs !

(Les Veilleurs, c’est les Meilleurs)

C’est bien gentil d’descendre dans la rue,

De rester des jours tout en haut d’une grue

C’est bien gentil d’élever le poing

Et de se faire passer pour un mutin

C’est bien gentil d’avoir des livres chez soi

Pour les ouvrir une fois tous les 6 mois

C’est bien gentil d’écouter sans fin

Le chant de l’Espérance seul dans son coin.

« Les Veilleurs vont trop loin »

Reprocher aux Veilleurs d’aller « chercher la merde » et de mériter les violences policières dont ils font l’objet actuellement en se rendant sur des lieux où ils savent que leur présence n’est pas souhaitée (l’Élysée, etc.), fustiger les Hommens parce qu’ils auraient « perturbé » la finale de Roland Garros (juste Ciel…), ou bien accuser les familles d’amener leurs jeunes enfants défiler aux « Manif Pour Tous » pour les « endoctriner », c’est aussi bête que de dire à un médecin qu’il serait inconscient, fou et odieux de s’approcher des malades qu’il doit soigner, c’est aussi con que de souhaiter qu’un pompier se brûle parce qu’il est allé aux devants des flammes pour sauver des vies, voire de penser qu’il est lui-même l’auteur de l’incendie qu’il cherche à éteindre ! Revenons au Réel, ne rentrons pas dans ces chantages culpabilisants qui nous feraient prendre notre audace pour de la honte, remettons les responsabilités à leur place et ne prenons pas les choses à l’envers. Ce qui est choquant et criminel, c’est bien l’attitude de notre gouvernement et les incendies qu’il allume çà et là en France, c’est le fait qu’il gaze ou emprisonne sans motif des gens innocents. Pas les Veilleurs avec leurs petites bougies pacifiques, pas leur opiniâtreté à dénoncer les incohérences de notre système « démocratique », ni leurs tentatives d’approche du feu totalitaire provoqué par la Loi Taubira. Pas les Hommens avec leurs fumigènes. Pas les familles avec leurs bambins. Non, les Veilleurs, tant qu’ils restent dans une résistance pacifique, ne vont pas trop loin ! Certes, ils vont là où ça fait mal, mais ils ne font pas mal. Ils ne font que du bien.

 

Amis Veilleurs debout, il va falloir arrêter de nous planquer derrière Nicolas

Une petite mise au point s’impose ! À un moment donné, il va falloir arrêter de se servir de Nicolas pour apitoyer le passant et pour ne pas assumer la véritable raison de notre veille : notre opposition au « mariage homo ». Quelle est cette manie que nous avons eue, depuis le début de notre lutte contre la Loi Taubira, de nous planquer derrière les enfants, puis ensuite les prisonniers politiques, pour éviter d’avoir à comprendre ce que nous combattions avec tout notre coeur. Vraiment, encore aujourd’hui, nous n’avons pas plus compris cette loi que ceux qui la signent les yeux fermés.

Cette nuit (du 6 au 7 juillet 2013), j’ai assuré avec une douzaine de Veilleurs debout la Veillée devant le Palais de Justice de Paris. Tout s’est objectivement bien passé. Et l’un des avantages de la formule Veilleurs debout, c’est que les gens s’arrêtent beaucoup plus facilement pour discuter, et on se rend compte qu’une majorité d’entre eux sont sensibles à notre cause.

Mais de quelle « cause » parle-t-on, au juste ? Depuis la dizaine de jours qu’ont débuté les Veillées debout, il est peut-être temps d’accorder un peu nos violons à ce sujet. Car certes, les Veilleurs debout, contrairement aux Veilleurs assis, sont silencieux, ne sont pas prioritairement là pour argumenter leur présence, mais plutôt pour marquer les esprits pacifiquement par une posture physique statique, pour faire « acte de présence dans l’Espérance ». Cependant, quand on nous interroge – et nombreux sont les badauds qui viennent nous demander quelle mouche nous a piqués de rester plantés là comme des cons devant un bâtiment administratif –, il est important de savoir répondre. Car il en va de la survie des Veilleurs debout ; et en plus, notre mouvement a un sens global profond. Donc si celui-ci nous échappe et si nous ne l’assumons pas, nos veillées vont vite devenir des sketchs vivants, des bouffonneries, des feux de paille.

Ce soir, pour vous donner un petit exemple de la division qui guette nos troupes, un groupe de cinq personnes (2 Italiens et 3 Belges) est venu me parler longuement. Ils avaient préalablement interrogé une de mes voisines veilleuses, qui leur avait rétorqué qu’elle protestait pour la libération de Nicolas et les incarcérations abusives dictées par un Gouvernement français qui ne nous écoutait pas. L’échange avec elle a donc été bref. Ensuite, ils sont venus entendre mon son de cloche. J’ai commencé par dire que nous incarnions un mouvement de protestation contre la Loi Taubira qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe. Une de mes auditrices s’est spontanément exclamée : « Ah d’accord ! Donc chacun d’entre vous manifeste pour un combat différent alors ? ». Il a fallu que j’explique que mes camarades et moi étions bien là pour la même cause – la demande de retrait du « mariage pour tous » –, mais que certains, par facilité et par peur d’avoir à dire explicitement qu’ils sont contre le « mariage homo », préfèrent se réfugier derrière la description des violences policières ou d’une censure politique plutôt que d’aller droit au but. Mon groupe de touristes trouvait ça dommage que nous cachions ainsi nos réelles motivations, comme si nous en avions honte, car du coup, les échanges ne se déploient pas comme ils pourraient se déployer, et notre auditoire n’est plus tellement convaincu par nos arguments. Certains passants admirent juste poliment le courage de notre performance physique ; mais pas le contenu de la performance. Et ceux qui finissent par découvrir le pot aux roses se sentent piégés par le fait que nous nous soyons posés en victimes et que nous leur ayons dissimulé notre véritable combat.

Amis Veilleurs debout, écoutez-moi bien. Si nous ne savons pas exactement pourquoi nous sommes là, si nous ne comprenons pas pourquoi la Loi Taubira est déjà suffisamment choquante en soi pour que nous continuions à ne parler que d’elle, si nous lui cherchons des causes ou des conséquences extérieures trop lointaines, nous pouvons déjà rentrer chez nous. Nous perdons notre temps à veiller !

Je me permets donc d’insister sur ce point. Nous ne devons pas veiller pour la libération de Nicolas (ni jusqu’à ce qu’il soit toujours enfermé), mais bien pour le retrait de la Loi Taubira. Je crois qu’il y a une dérive à remplacer une demande par une autre. C’est se planter de priorité, et même désavouer ce pour quoi Nicolas est incarcéré. Ne confondons pas l’exemple et la thèse. Ne mettons pas sur le même plan le signe de l’injustice et la cause de l’injustice ou de ce signe d’injustice. L’incarcération de Nicolas ne doit pas devenir l’alibi facile, le paravent de notre trouille de dire notre opposition au « mariage homo ». Ou alors nous nous servons de Nicolas. Et le jour où il sortira de Fleury, nous serons à nouveau nus comme des vers ! Pas génial pour les températures d’automne qui seront moins clémentes que maintenant. Bref, il nous faut préparer l’hiver, ou plutôt les hivers, que nous allons traverser. Il nous faut voir à plus long terme, et un peu plus loin que le bout de notre nez. Continuons à nous indigner pour l’emprisonnement de Nicolas, car il le mérite. Mais gardons en tête qu’il n’est pas notre horizon de bataille. Il n’en est que l’une des raisons.