Parqués comme des bêtes à Vendôme
Que s’est-il réellement passé ce mercredi 9 avril 2014 à la Veillée des Sentinelles de la place Vendôme ? A priori pas grand-chose. Pas de veilleurs embarqués ni frappés ni assassinés. On serait tenté de dire, blasés : « La routine habituelle, quoi… On oublie. Gouvernement à la con… »
Mais pourtant, une nouvelle étape a été franchie. Et elle est symboliquement très violente : notre gouvernement commence à parquer comme des animaux des gens pacifiques sur le simple fait qu’ils expriment leur opposition à une loi – la Loi Taubira – qui a violé toutes les règles de la démocratie, du débat en commun, du respect des personnes et notamment des enfants. Et ce musèlement s’est fait hier soir sans aucune explication ni justification. Sans aucune sommation des chefs de gendarmerie et de police. Dans un silence assourdissant. Sur décision arbitraire. Avec une froideur inouïe. Oui. Nous avons bel et bien été parqués dans un enclos dont nous ne pouvions au départ pas sortir. Et ce dispositif suscitait auprès des badauds une indignation bien naturelle. Je me mets à la place de celui qui arrivait place Vendôme et qui découvrait la scène ahurissante : une trentaine de personnes enfermées sans motif apparent autour de barrières, avec un déploiement de CRS disproportionné (je dirais plus de cinquante gendarmes mobiles visibles, sans compter la dizaine de camions de police et de gendarmerie). La situation n’était pas seulement cocasse ou absurde. Elle était violente. Il y a un cran qui a été passé. Parce que symboliquement, comme pour la dispersion demandée l’autre jour à Alix (des Veilleurs), le respect de la dignité humaine a été violé : nous avons été réduits au silence, déplacés de force par les gendarmes, puis cloîtrés comme des bêtes, dans un enclos, sans aucun motif et sans aucune effraction de notre part. Hallucinant.
Nous sommes responsables de notre propre enfermement
Autre cruel constat de terrain que j’ai pu faire, mais qui cette fois s’adresse à mon propre camp : l’incident d’hier soir, mais aussi en général l’incompréhension montante entre l’État et nous – qui débouche et se résout malheureusement en violences depuis près de 2 ans – s’explique. Il faut le reconnaître : nous avons encore peur de la loi Taubira. Nous ne voulons pas le reconnaître mais nous n’assumons pas encore qui nous sommes (c’est d’ailleurs pour cela que notre mouvement n’a pas de chefs clairement identifiables et forts auxquels se raccrocher). Nous avons la trouille d’exposer ouvertement ce que nous pensons, ce contre quoi nous nous battons. Nous sommes tétanisés à l’idée de prononcer la phrase « JE SUIS OPPOSÉ À LA LOI TAUBIRA ». Je le remarque rien qu’au niveau politique : quels sont les maires – pourtant veilleurs ou sentinelles – qui viennent d’être élus aux municipales et qui ont assumé de soutenir nos valeurs et la Manif Pour Tous ? Très peu. La plupart ont retourné leur veste et ont fermé leur gueule pour asseoir leur sécurité. Et pour revenir à hier soir, lorsque des badauds, interpellés visuellement par notre « Carré VIP Valls », s’approchaient de nous pour comprendre ce qui se passait, quelles sont les Sentinelles (pourtant pas les dernières des lâches !) qui ont été franches et qui ont osé dire ouvertement que nous étions là « contre la loi Taubira » ? Très peu. Beaucoup d’entre elles se sont défaussées, ont joué la carte du hasard (« J’ai vu de la lumière, je passais par là… »), de l’indignation victimisante : « Nan mais vous vous rendez compte ?? Nous lisions tranquillement et pacifiquement un livre face au Ministère de la Justice… et là, nous nous retrouvons injustement déplacés et parqués comme des moutons… C’est scandaleux !! »
Même si nous nous y opposons, nous avons toujours peur de la Loi Taubira. Alors pour masquer cette peur, nous jouons encore soit aux philosophes béats (genre Veilleurs assis, qui dissertent sur de jolis concepts humanistes avec leur bougie et leur gentil cercle de philosophes, « le front penché sur la terre » : kitsch à souhait), soit aux anarchistes révoltés anti-système (qui déplacent le traitement de la loi du « mariage pour tous » sur des terrains qui dénaturent et parasitent le bien fondé de notre contestation, y compris par des diversions « musclées » bien inutiles voire carrément contradictoires : « Hollande dégage ! » ou « Valls casse-toi ! » ou « quenelle » ou FN). Pourtant, rien qu’avec la Loi Taubira, nous aurions largement de quoi faire. À elle seule, elle est suffisamment choquante pour justifier entièrement notre soulèvement. Qu’est-ce qu’on attend, alors ?? Car pendant ce temps-là, nos gouvernants arrivent avec des projets de loi de plus en plus dingos (sur la filiation, l’euthanasie, la PMA et Gestation Pour Autrui, le divorce, le statut du « beau parent »). Et nous, nous nous éparpillons façon déprime angoissée ou radicalisme politisé.
Je ne jette la pierre à personne. Je sais bien que cette loi Taubira est objectivement très difficile à contrecarrer (car elle arrive après un long cortège d’autres lois un peu moins choquantes qu’elle – sur l’avortement, le divorce, l’adoption par des mères célibataires, la contraception, etc. – et qui n’ont pas été dénoncées depuis des décennies : la loi du « mariage pour tous » c’est un mammouth énormissime à dégraisser… alors la tentation est grande de se décourager et de fuir). Je sais bien aussi que l’opposition à la loi Taubira n’est pas publicitaire ni même politiquement stratégique (on a l’impression de se griller d’office au niveau de la crédibilité, de se charger immédiatement de la réputation de « catho de droite réac et homophobe »). Mais mince ! De quoi avons-nous peur si nous défendons la Vérité ? si nous défendons l’Humanité, l’Amour incarné dans la différence des sexes, et les plus faibles ? Quand allons-nous dire en quoi/en qui nous croyons, contre quoi nous nous battons, qui nous sommes ? Quand allons-nous sortir de la honte ? Nous avons toutes les clés en main. Il ne nous reste plus qu’à démarrer !