Cheval
NOTICE EXPLICATIVE :
Comme vous le savez, je m’appelle Philippe, prénom grec qui signifie « Qui aime les chevaux ». J’étais donc pré-destiné à écrire ce code, il faut croire… 😉
Un jour, je suis tombé par hasard sur un extrait du roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de l’écrivain argentin Manuel Puig où est décrite « une jeune fille qui monte admirablement à cheval, une fille qui ne parle presque pas, une jeune fille timide ou sournoise, une jeune fille qu’on utilise et qu’on laisse ensuite, une jeune fille qui raconte comment l’ancien administrateur de la propriété l’a violée, une jeune fille qu’on gifle et qu’on insulte parce qu’elle dit de terribles vérités… » (pp. 128-129) Et j’y ai reconnu un portrait similaire de la Libertine de Mylène Farmer dans le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces ». Et ça a fait « tilt » pour moi que le cheval était la symbolisation du désir homosexuel, à savoir un désir de viol fortement esthétisé, une peur-attraction de/pour la sexualité, une force passionnelle souvent incontrôlée.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Corrida amoureuse », « Adeptes des pratiques SM », « Cirque », « Manège », « Homme invisible », « « Je suis un Blanc-Noir » », « Doubles schizophréniques », « Animaux empaillés », « Désir désordonné », « Quatuor », et à la partie sur les hippocampes du code « Eau », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) L’Hipp-homo :
Le cheval est très présent dans l’iconographie homosexuelle : cf. le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte, le roman Club équestre (1951) de Yukio Mishima, l’album Horses (1975) de Patty Smith, le film « Horse » (1965) d’Andy Warhol, la chanson « Only The Horses » des Scissor Sisters, le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Frédérique Quelven, la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim, le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, le vidéo-clip de la chanson « Je te dis tout » de Mylène Farmer, le film « Caballeros Insomnes » (« Les Chevaliers insomniaques », 2012) de Stefan Butzmühlen et Cristina Diz, le film « Les Chevaux du Vercors » (1943) de Jacqueline Audry, le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin (Skip, un des héros homos, travaille dans un resto qui s’appelle le Cheval de fer), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon deux fois (2015) de Philippe Cassand, etc. Par exemple, dans le film « Glückskinder » (« Laissez faire les femmes ! », 1936) de Paul Martin, Frank, le héros homosexuel, joue aux courses de chevaux et parie son argent sur une jument nommée Vierge Wendy. Dans le film « La Folle Histoire de Max et Léon » (2016) de Jonathan Barré, Eugène, le publiciste de propagande pétainiste efféminé, se choisit comme nom de code « Poney ».
Et on comprend pourquoi ! Il symbolise souvent la négation de la différence des sexes, ou bien le passage d’un sexe à un autre : cf. le dessin animé « Mulan » de Tony Bancroft (des studios Disney), le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier (avec Frédérique, la cavalière qui se travestit), le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini (avec Delphine la cavalière lesbienne), le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram, etc. Le mythe des amazones – souvent lesbianisé – en fournit un parfait exemple. Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928), Stephen, l’héroïne lesbienne fait de l’escrime et de l’équitation parce que ce sont des sports soi-disant plus virils que les autres activités féminines qu’on lui propose : « Je déteste toutes ces sortes de sports pour les filles. » (p. 78) Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo, le héros homosexuel compare son amie (et sœur) lesbienne Garance à une jument ou à Rocinante.
Quelquefois, c’est le héros homosexuel lui-même qui s’identifie au cheval qu’il monte, qui ne fait plus qu’Un avec lui : cf. le roman El Hombre Que Parecía Un Caballo (1920) de Rafael Arévalo Martínez. « Il fait corps avec l’animal. » (Tchang dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 141) ; « Déjà à l’époque t’aimais beaucoup les chevaux. » (Mamie Suzanne s’adressant à son petit-fils homosexuel, dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan) ; etc.
Le cheval des fictions homo-érotiques est parfois un cheval mythologique, comme le Centaure, la Licorne, le cheval de Troie. « Le garçon mugissait, écartelait sa croupe sur mon lutrin et contactait par intervalles cet étau de chair qui broya ma tête, au point que ce fut un centaure qui se releva et trotta vers le palier supérieur. » (cf. la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 110) ; « Mon miroir, mon gant, mon cheval, ma rose et ma clé d’or. » (la Bête énumérant les 5 instruments sur lesquels repose son pouvoir, dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; « Tu sais, les trans, c’est comme les licornes. Ça intrigue. » (Fred, le trans M to F, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc. Il représente chez le héros homosexuel un désir de se prendre pour Dieu : cf. la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi (avec le Vrai Facteur, un homme cheval qui hennit et qui se définit comme un « facteur cheval volant »), le film d’animation « Inside Out » (« Vice-versa », 2015) de Peter Docter (avec la Licorne Arc-en-ciel de San Francisco). Par exemple, dans le film « 30° Couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, Patrick, le héros hétéro/bisexuel, raconte que dans sa jeunesse, il s’est déjà réveillé en pleine nuit car il avait vu un Centaure.
Le cheval symbolise également la dualité du désir homosexuel. Il est d’ailleurs à la fois blanc (il apparaît alors comme l’allégorie de la pureté) et noir (c’est alors l’animalisation d’un désir destructeur) : cf. le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier (avec le cheval blanc), le film « L. A. Zombie » (2010) de Bruce LaBruce (avec la licorne blanche en peluche), le film « Le Cavalier noir » (1961) de Roy Ward Baker, la chanson « La Légende de Rose la Tulipe » dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon (où le jeune cavalier noir est satan), le vidéo-clip de la chanson « I Don’t Care » d’Aube Lalvée (avec le cheval blanc), le vidéo-clip de la chanson « Whenever » de Shakira (avec le cheval blanc en tant que puissance de séduction), le film « El Topo » (1971) d’Alejandro Jodorowsky, le poème « Le Condamné à mort » de Jean Genet, l’affiche du spectacle Calamity Jane : Lettres à sa fille (2009) de Dominique Birien (avec l’emboitement d’un cheval blanc et d’un cheval noir), etc. Par exemple, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel, l’un des héros homosexuels, raconte qu’il a fait un cauchemar avec Franz, son « ex » : il lui donnait rendez-vous sur un quai de gare, mais ce dernier ne venait pas, et en revanche était remplacé par une drôle de cavalière : « Et là, Romy Schneider traverse le quai sur un cheval noir. »
b) L’invisibilité du zèbre :
Comme le désir homosexuel est hybride, le cheval qui correspond le mieux aux personnages homosexuels est le zèbre. « J’ai un côté zèbre. Le zèbre, c’est un cheval en pyjama. Justement, ce pyjama le différencie des autres chevaux. C’est un animal à quatre pattes qui est tout en foucades, en rouades. Il n’y a rien de plus insolite, pour un brave cheval, qu’un zèbre. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) On le retrouve souvent : cf. la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, le film « Drôles de zèbres » (1976) de Guy Lux, le téléfilm « Sa Raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand, le livre Papa, c’est quoi un homosexuel ? (2007) d’Anna Boulanger, le film « Le Zèbre » (1991) de Jean Poiret, le one-woman-show La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly (avec l’imitation de l’attachée de presse d’Élie Kakou), le film « L’Orpheline » (2011) de Jacques Richard (avec l’habit « zèbre » du portier efféminé du club SM tenu par « le Fétichiste », Jean-Claude Dreyfus), la peinture Zebra (1938) de Victor Vasarely (avec l’enlacement amoureux de deux zèbres), la nouvelle « Les vieux travelos » (1978) de Copi (avec la mention des deux caleçons en peau de zèbre, p. 91), le film d’animation « Yulia » (2009) d’Antoine Arditi, le vidéo-clip « Only Gay In The World » de Ryan James Yezak, le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco (avec le tapis zébré), etc. « Ni homme ni femme. Tu es un zèbre ! » (Malik à son fils homo Dany, dans le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun) ; « Il ne faut pas que je pleure. Sinon, je vais renverser mon rimmel… et je vais ressembler à un zèbre. » (le transsexuel M to F Roberto-Octavia dans la pièce Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « Oh le beau zèbre ! » (le professeur, en tirant avec son fusil sur saint Hubert, le chasseur efféminé, dans le film « Adèle Blanc Sec » (2010) de Luc Besson) ; « Y’a 20 ans, le zèbre du zoo a eu la chaude-pisse. » (Citron dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) ; etc. Par exemple, dans son roman La Peau des zèbres (1969), Jean-Louis Bory baptise les hommes homosexuels « les zèbres » ou les « chevaux en pyjama ».
En général, les vêtements imitation « zèbre » fonctionnent comme des allusions comiques et faussement discrètes au sadomasochisme. « De thavais que tu étais un violent, me dit-elle […] Elle enlève sa chemise imitation panthère, la peau de son dos zébrée de coups de fouet. » (le Rouquin s’adressant, avec un cheveu sur la langue, au narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 110, qui le féminise) ; « C’était Jolie. En robe en soie très décolletée à l’imprimé façon zèbre, un manteau de léopard sur les épaules, le visage en partie dissimulé derrière d’immenses lunettes noires. » (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 73-74)
Plus symboliquement, le vêtement zébré ressemble à l’habit rayé du prisonnier, à la parure narcissique de l’Homme invisible camouflé désirant devenir caméléon ou bien vivre une sexualité désincarnée (cf. je vous renvoie au code « Homme invisible » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans la pièce Curriculum vite fait (2010) de Vincent Delboy, François, qui se définit lui-même comme « le gros porc qui bande mou » (donc impuissant et possiblement homosexuel), dit à un moment donné à Mélissa qu’« il mettra son slip zèbre ». pour essayer de la séduire.
Le zèbre est figure d’inversion par excellence. « Tu t’es toujours demandé si les zèbres étaient blancs à rayures noires, ou noirs à rayures blanches. » (Félix, l’un des héros homosexuels du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 124) On peut interpréter le zèbre comme l’allégorie animale de la bisexualité ou de la négation de la différence des sexes : rayures noires sur fond blanc, ou bien rayures blanches sur fond noir ? C’est une question de points de vue, une question de « gender » ! diraient les théoriciens queer… « Avant de partir chez Linde, le lendemain matin, je me rongeai les sangs pour savoir comment j’allais m’habiller. Pour la plupart, mes vêtements faisaient encore très petite fille. Je choisis ma chemise de garçon rayée et un jean. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 15)
c) L’amant-cheval au paddock ! :
Zèbre homosexuel, cheval homosexuel… La présence de ces deux masques animaliers dans le paysage fictionnel homo-érotique désigne le cheval comme un double schizophrénique, une moitié de conscience humaine éjectée (et donc souvent comme une furie infligeant la tourmente !), une passion amoureuse dévorante et incontrôlable, parfois même un désir homosexuel refoulé : cf. la pièce Equus (1973) de Peter Schaffer, le film « Farinelli » (1994) de Gérard Corbiau (le cheval au galop représentant dans ce cas le viol inconscient et la castration réelle qu’a subis le héros émasculé), le film « Reflections In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec la course folle en cheval du major Weldon, homosexuel très refoulé), la planche de Copi (1963) dans la revue Bizarre de Jacques Sternberg et Jean-Pierre Castelnau (ce dessin représente un cheval qui finit par marcher sur une petite fille qui l’en avait instamment prié, la réduisant à l’état d’une galette informe qui murmure « Merci »), le film « Les Rencontres d’après-minuit » (2013) de Yann Gonzalez (avec le personnage de l’Étalon), etc. « Bouge-toi, Gueule de Rat ! » (Venceslao parlant à son cheval, dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Allez grouille, avant que la foudre nous coupe en deux ! » (idem) ; « Au galop ! Plus vite ! » (Dick montant sur le dos de Tom, le héros homosexuel, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; etc. Par exemple, dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (1985) de Bernard-Marie Koltès, l’un des personnages homos parle de son cheval intérieur, par conséquent de sa conscience : « Qui connaît cependant l’humeur des chevaux ? »
Le cheval peut renvoyer à la stimulation génitale (masturbation), au coït homo (notamment avec sodomie, ou en tous cas un rapport de domination), à l’amour homosexuel (souvent compulsif et indomptable) ou bien à l’amant homo : cf. le roman Sur un cheval (1960) de Pierre Guyotat, le film « Ben Hur » (1959) de William Wyler (avec la scène de la course de chars), le vidéo-clip de la chanson « Don’t Tell Me » de Madonna, la chanson « La Monture » de Fleur-de-Lys dans la comédie musicale Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon, le film « Lucky Luke » (2009) de James Huth (avec la scène pseudo homosexuelle entre Lucky Luke et son cheval Jolly Jumper), etc.
« Au fond des écuries, des paquets d’hommes s’affairaient dans le noir ; des écrans vidéo diffusaient des films pornos. Serrés au fond des boxes à chevaux, des mâles se branlaient, suçaient, sodomisaient. » (Benoît Duteurtre décrivant les backroom, dans son roman Gaieté parisienne (1996), p. 180) ; « J’ai l’impression de toujours miser sur le mauvais cheval. » (Wave, la copine d’enfance lesbienne de Peyton, l’héroïne du film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; « J’aime entendre ton souffle court, comme celui d’un cheval de labour ! » (Raphaël Beaumont dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles, 2011) ; « J’étais pas amoureuse du prince de Candy mais de son cheval. » (Océane Rose-Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Je n’étais pas de marbre. Ma bouche goba goulûment l’un, puis l’autre testicule. Leur propriétaire se retourna, appuya ses genoux sur une marche, cambra son échine, prit la pose et apposa sa croupe fendue à cheval sur l’arrête de mon nez. Mes paumes pétrirent les deux globes. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Au Musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 110) ; « J’avais les rênes de Sugar [le cheval] en main et la sensation de maîtriser la situation. Si on peut faire trente kilomètres par heure sur un cheval et maîtriser la situation, tu peux faire quelques centimètres par minute avec une dame et maîtriser la situation, pensai-je. » (Anamika, l’héroïne lesbienne parlant de Sheela, une de ses camarades de classe dont elle est amoureuse et avec qui elle fait un tour en cheval pour la draguer, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 62) ; « La bête est plutôt du genre étalon. » (Bernard parlant à son nouvel amant, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Un monsieur aimait un jeune homme. Cela n’a rien que de banal. Les habitués des hippodromes font des folies pour un cheval. Ai-je dit qu’ils vivaient ensemble, ensemble une même maison ? C’était plus commode, il me semble. Si c’est vrai, ils avaient raison. » (cf. la chanson « Un Monsieur aimait un jeune homme » de Guy Béart) ; « J’irai avec Jérôme à cheval jusqu’au village. » (Jacques répétant une phrase apparemment récurrente pour lui, dans le film « Friendly Persuasion », « La Loi du Seigneur » (1956) de William Wyler) ; « T’es monté comme un cheval ? J’ai jamais fait d’équitation, mais bon… on ne sait jamais. » (Fabien Tucci, homosexuel, s’adressant à Momo, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Il est venu le temps de monter à chevaaaaleu ! » (idem, parodiant la chanson « Le Temps des cathédrales » de la comédie musicale Notre-Dame de Paris) ; « À la télé, tout le monde savait que Steevy Boulay était gay… sauf lui ! Je le soupçonne d’avoir couché avec sa peluche, Bourriquet ! » (idem) ; « T’as pas une allure d’étalon, ça c’est sûr. » (Rettore, le prostitué homo s’adressant à un « camarade » travesti, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; « Elle avait un vagin de jument. Je ne m’y serais pas risquée » (la prostituée Grisélidis Réal parlant de sa collègue Big Mama, dans la pièce Toi, l’imbécile, sors! (2017) de Julie Allainmat) ; etc.
Par exemple, le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier commence directement par une scène de coït animalier entre un cheval et sa jument, allusion volontairement grossière à la sodomie pratiquée dans certains ébats homosexuels. Dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, Jack est comparé à un « palomino », à une monture. Dans la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen, la femme fait allusion aux « montures » de son mari bisexuel. Dans la pièce Ma Première Fois (2012) de Ken Davenport, l’une des héroïnes lesbiennes, face à sa copine qui la supplie de stopper ses assauts sexuels (« Arrête ! Lâche-moi ! »), sent son désir monter encore plus… un désir hippique : « Ça, ça me faisait bander comme un cheval. » Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, compare son amant mexicain Palomino à un cheval : « Palomino… comme un cheval. […] Êtes-vous un étalon, Monsieur Palomino ? » Plus tard, il se met à hennir avant de se faire culbuter par Palomino : « J’ai l’amour d’un Centaure, mi-homme mi-cheval. » Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, lorsque François propose à son amant Thomas de choisir son camp entre homo ou hétéro, il lui pose la question suivante concernant des boissons : « T’es plus Poulain ou Éléphant ? » Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Michel parle de « tuer un cheval comme Keller ».
Certains enchaînements d’idées prêtent fortement à deviner la blague potache peu accidentelle… « En m’endormant, je rêvai que Linde et moi étions des particules tournant l’une autour de l’autre, se transformant brusquement en ondes, marées et courants. Mr Garg avait fait un commentaire à propos du dualisme que je n’avais pas noté. Si l’on croise un âne avec une jument, avait-il expliqué, on obtient une mule. La mule est-elle une ânesse ou une jument ? » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 31) Par exemple, dans la nouvelle « Une Langouste pour deux » (1978) de Copi, la phrase qui suit sans transition celle-ci « Françoise serra plus fort la main de Marina. », c’est « Le cheval stoppa et se mit à brouter les œillets de la rambla. » (p. 83). Dans la pièce Le Problème (2011) de François Bégaudeau, par un jeu de mots explicite, Adam, en parlant du Gai Savoir (1882) de Nietzsche, fait croire à sa petite sœur Julie qui prépare le bac de philo que Nietzsche a embrassé son cheval pour savoir ce qu’était la « conscience gaie/gay ». Analogies graveleuses ou pas, le lien entre cheval et homosexualité est pourtant bien là !
d) La folle course passionnelle du cheval homosexuel :
Le cheval n’est pas un amant/cavalier comme un autre. Il est cette idole narcissique avec laquelle le héros homosexuel va fusionner pour le meilleur et surtout pour le pire… « Collins [la domestique dont Stephen, l’héroïne lesbienne, est amoureuse] avait maintenant un rival des plus sérieux, qui avait fait depuis peu son apparition aux écuries. Il ne possédait point de véritable genou de servante, mais, en revanche, quatre émouvantes jambes brunes… Il avait, de plus que Collins, deux jambes et une queue, ce qui n’était guère en faveur de cette dernière ! Ce Noël-là, quand Stephen avait eu huit ans, Sir Philip [le père de Stephen] lui avait acheté un robuste poney bai. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 53) ; « Stephen essayait de monter en amazone. » (idem) ; « Quant au poney, il était sûrement plus digne de vénération que Collins qui vous avait si méchamment traitée à cause du valet de pied ! Et pourtant… pourtant… vous deviez quelque chose à Collins, précisément parce que vous l’aviez aimée, bien que cela eût pris fin. Toutes ces pénibles pensées sont terriblement ennuyeuses quand on désire jouir d’un nouveau poney ! » (Stephen se parlant à elle-même, idem, p. 54) ; « Venez ici, cheval ! […] Écoutez-moi, vous n’êtes plus vous, vous êtes Collins ! » (Stephen s’adressant à son poney, idem) ; « À sa place régna Mlle Duphot, une jeune gouvernante française, dont la longue et agréable figure rappelait à Stephen un cheval. » (idem, p. 74) ; « Stephen aima Raftery [c’est le nom du cheval] et Raftery aima Stephen. Ce fut tout de suite de l’amour. » (idem, p. 79). Entre le héros homosexuel et son amant-cheval, il se conclut une sorte de mariage diabolique : « Stephen et Raftery se jurèrent ainsi un dévouement mutuel, seuls dans cette écurie qui embaumait le foin. Et Raftery avait cinq ans et Stephen douze ans lorsqu’ils échangèrent ce pacte solennel. » (idem, p. 80) On apprend finalement les clauses du contrat : c’est l’exclusion de l’autre sexe qui est tacitement signée : « Comme Raftery prenait son élan, les singulières imaginations de Stephen se renforcèrent et commencèrent à l’obséder. Elle se figura qu’elle était poursuivie, que la meute était derrière elle au lieu d’être en avant, que les gens excités, les yeux étincelants, la poursuivaient, des gens cruels, implacables, infatigables… ils étaient nombreux et elle n’était qu’une créature solitaire, avec les hommes dressés contre elle. » (idem, p. 165)
Le cheval dans les œuvres de fiction homo-érotiques représente souvent la mort, la fuite face à un crime, un élan passionnel sans frein, une peur du viol, ou bien carrément le viol : cf. le tableau El Caballero De La Muerte (1935) de Salvador Dalí, le film « Les Cavaliers de l’orage » (1983) de Gérard Vergez, le recueil de poème Romancero Gitano (1942) de Federico García Lorca (et notamment le « Romance à l’épouse infidèle » ; voir aussi l’escapade à cheval suite au crime, dans la pièce Noces de Sang en 1932), le tableau Baignade du cheval rouge (1912) du peintre symboliste russe Kouzma Petrov-Vodkine, la pièce La Fuite à cheval très loin de la ville (1976) de Bernard-Marie Koltès, etc. « J’aime les poneys avec des têtes de mort. Des poneys qui perdent un œil. » (Juna, l’une des héroïnes lesbiennes, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Lâche parmi les lâches, le coupable remonta sur son cheval, pressé qu’il était sans doute d’aller déshonorer d’autres femmes et de les laisser, après avoir abusé d’elles, seules et au désespoir. » (Dominique Simon, Les Carnets d’Alexandra (2010), p. 115) ; « On joue à quelque chose ? Aux petits chevaux peut-être ? » (Leopold s’adressant à son amant Franz avant de coucher avec lui et de le « chevaucher » concrètement, en composant 3 fois aux dés le chiffre 6, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Il faudrait mieux de faire un break parce qu’avec le cheval, ça fait mal. » (Vincent parlant à Moussa du film « Le Secret de Brokeback Mountain », dans le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent) ; « Le silence de l’appartement fut brisé par des sons creux qui évoquaient un cheval traversant une cour d’écurie pavée. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 86) ; etc.
Par exemple, dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Gabriele, le héros homosexuel communiste, s’extasie ironiquement devant une photo d’un des chevaux de Mussolini, Med, en feuilletant l’album d’Antonietta : « Quel beau cheval ! » Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Adam, le héros homosexuel, se targue de regarder des films zoophiles sur Porn Hub où par exemple « un démon en images de synthèse baise un cheval. ».
La figure imposante du cavalier ou bien l’esthétisme de la force fragile féminine de la cavalière (avec sa cravache de guerrière !) sont des archétypes de la féminité fatale et du machisme : cf. le roman El Jinete Azul (1983) de José Rafael Calva, le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer (avec Libertine en fuite suite à l’adultère), le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock (avec Marnie, la gamine fuyant son passé de gamine violée et violente), le film « Reflections In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec la fougueuse Leonora), la pièce El Público (1930-1936) de Federico García Lorca (avec le personnage de Julia), la chanson « Fier et fou de vous » de William Sheller (avec l’écuyère), etc.
Plus fondamentalement, l’animal équestre dans les fictions homo-érotiques renvoie à la peur de la génitalité. Par exemple, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Michèle, la cruche bimbo, essaie de draguer et de convertir Jules, le héros homo ; tous deux commandent comme boisson un « puceau à cheval ». Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa dit qu’elle préfère vivre seule car quand elle est en couple, elle a l’impression d’être contre le cul d’un cheval et qu’elle ne sait même pas où mettre ses jambes. Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, le cheval est vraiment l’allégorie de la sexualité. Quand le héros bisexuel raconte un de ses premiers « plans cul » avec un homme à l’appareil génital imposant, il prend peur : « Il était tout nu. Et là, j’ai vu… un cheval. » Lorsqu’il exprime sa terreur, sa mère le méprise immédiatement : « Évidemment, t’as toujours eu peur des chevaux ! » Guillaume dit que le cheval est l’animal qui lui a toujours fait le plus peur. Il va apprendre à surmonter sa peur dans un centre équestre. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Gatal, le héros homosexuel, s’auto-désigne lui-même comme le poulain dressé par ses deux « pères » homos pour leur assurer une descendance (il est leur fils unique) : « Je suis votre seul cheval sur l’hippodrome. » Et le choix du fiancé de Gatal est assuré par le Père 2, qui prend les mesures de ce dernier comme un vétérinaire : « Combien mesures-tu ? » Les pères de Gatal veulent un « pedigree » parfait pour leur fils.
Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, le cheval est associé à la fois à l’acte sexuel dans la différence des sexes (« T’avais qu’à faire du cheval. » reproche Marie à sa future amante Floriane qui a envie de se faire sauter pour la première fois par un mec) et à l’avortement (« Du cheval, c’est pour avorter. » rétorque immédiatement Floriane). Bref, il est l’allégorie du viol.
Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, est en « couple » avec Brice, et explique à Stan l’hétéro qu’ils ne veulent pas se marier. Stan embraye sur la PMA qu’il confond avec le PMU. Guen le reprend : « PMA ! Pas PMU ! PMU, c’est pour les chevaux. Tu m’as pris pour une jument ou quoi ? »
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) Communauté homosexuelle et monde équestre:
Le cheval occupe une grande place dans le psychisme et parfois dans la vie de certaines personnes homosexuelles. « Je veux être aimée par tous les capricornes. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla). Par exemple, dans son documentaire « Pêche, mon petit poney » (2012), Thomas Riera raconte qu’étant petit, il s’est identifié à une figurine de cheval en plastique en même temps qu’il a découvert son homosexualité : « Mon envie dans ce film est de faire apparaître la relation que j’ai eue avec Pêche. Parce qu’elle a été sans doute une soupape à mes questions. Parce que j’avais trouvé en lui quelqu’un à qui m’accrocher. À travers cette histoire intime avec Pêche, mais aussi à travers les failles et les choses du monde normées et non normées assimilées, ressortira le cheminement d’un enfant, de sa construction, de ses peurs anciennes face à son homosexualité, mais aussi de ses désirs et secrets les plus beaux qu’il n’ait imaginés. »
Dans son documentaire « La Villa Santo Sospir » (1949), Jean Cocteau parle de son amour pour son cheval de bois : « Du reste, mon cheval et mon lion s’entendent à merveille. » Dans son essai L’Amour qui ose dire son nom (2000), Dominique Fernandez a fait toute une étude sur la présence des chevaux dans l’art homosexuel (p. 270 et pp. 282-284). Quand le peintre homosexuel Gustave Moreau a peint Hamlet, il s’est inspiré du cheval. Je pense également au groupe Écurie du chanteur Nicolas Bacchus. Et dans le monde hippique, on ne peut pas dire que la tenue et la silhouette filiforme de certains jockeys sentent particulièrement la testostérone !
Dans l’émission de télé-crochet The Voice 4 diffusée sur la chaîne TF1 le 24 janvier 2015, le chanteur homosexuel Mika se met en boutade dans la peau de Cendrillon agressée par ses deux sœurs (et rivales-coachs Jennifer et Zazie) : « Moi, je suis le cheval blanc ! »
Des amis à moi fréquentant les clubs équestres (en France), m’ont fait la remarque que d’une part ces derniers étaient fréquentés davantage par des filles que par des garçons, mais également que les rares jeunes hommes y étaient proportionnellement aussi frêles et peu masculins que les jeunes filles étaient en général en surpoids.
Beaucoup de personnalités homosexuelles ou bisexuelles montent à cheval ou aiment le monde équestre. Par exemple, Mylène Farmer a pratiqué les sports équestres au Cadre noir de Saumur. La mère d’Annemarie Schwarzenbach (lesbienne comme sa fille) fut une cavalière émérite. « Mon arrière grand-mère maternelle était une comédienne espagnole venue en Argentine jouer des pièces classiques à cheval. Ma grand-mère écrivait des comédies légères de lesbiennes qui trompaient leurs maris. » (le dramaturge argentin Copi, interviewé dans l’article « Copi en forme » de Jean-Pierre Thibaudat, sur le journal Libération du 10 octobre 1983) Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la Reine Christine, pseudo « lesbienne », est représentée comme la cavalière sauvage, la métaphore de la liberté.
Il arrive même que les personnes homosexuelles soient associées identitairement aux chevaux. Les synonymes du terme « cheval » servent à qualifier les individus homosexuels dans certains pays d’Amérique centrale, Cuba notamment (la « yegua » signifie à la fois « jument » et « homosexuel »). Cette corrélation indique parfois une asexuation et une désincarnation : « La première personne intersexuée que j’ai rencontrée s’appelait Audrey. J’avais l’impression de rencontrer une licorne. Tu sais, les animaux imaginaires. » (Déborah, jeune femme intersexe, dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018)
Quelques bons connaisseurs d’équitation dans mon entourage, m’ont dit qu’il y avait beaucoup de cavaliers homosexuels dans ce sport (Robert Denvert, l’ex-champion du monde d’équitation hollandais Edward Gal – dont le copain est aussi un cavalier connu –, etc. ; par exemple, aux J.O. d’été de Sydney en 2000, 100% du podium était lesbien), particulièrement parmi les cavaliers de dressage. Ils m’expliquent qu’il y a autour de la maîtrise du cheval un fantasme inconscient de domination (cravache, force au galop, pouvoir de direction, etc.) : le cheval peut être considéré par le cavalier comme un instrument de son narcissisme de Pygmalion, comme (je reprends leurs termes) une « prolongation de soi ». Il est à noter d’ailleurs que l’équitation est le seul sport au monde 100% mixte : il n’y a qu’un seule classement homme-femme (ils ne sont pas dissociés sur les podiums).
b) L’invisibilité du zèbre :
Comme le désir homosexuel est hybride, le cheval qui correspond le mieux aux personnes homosexuelles est le zèbre. Par exemple, l’accordéoniste (Sébastien Mesnil) de « Madame Raymonde » (Denis D’Arcangelo) est surnommé « le Zèbre ». Le zèbre représente l’animal-fétiche de certains communautaires homosexuels. Il leur arrive de s’y identifier : par exemple la Cebra est le nom qu’a donné le mexicain José Rivera à sa troupe de danse gay. La mode kitsch des imitations « zèbre » dans le design contemporain est abondamment reprise par les artistes homosexuels (cf. le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, la pochette zébrée de l’album Les Mots de Mylène Farmer, le pantalon en zèbre d’Hedwig dans le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell, le film « 200 American » (2003) de Richard Lemay, le vidéo-clip de la chanson « Only Gay In The World » de Ryan James Yezak, la chanson « Big Girl » de Mika pendant son concert à Paris-Bercy en 2010, la pièce La Cage aux folles (1973) de Jean Poiret – avec le tapis en peau de zèbre dans la mise en scène 2009 avec Christian Clavier et Didier Bourdon au Théâtre de la Porte Saint Martin à Paris –, le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias – avec les costumes rayés blanc et noir des oiseaux –, le documentaire « Ma Vie (séro)positive » (2012) de Florence Reynel, le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan – avec le personnage d’Anne, interprété par Muriel Robin, et portant une tenue zébrée –, etc.). Par exemple, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » (diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte, Steven Cohen le performer homo est filmé dans son atelier à côté d’une immense peau de zèbre. Dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6), Laura, homme M to F, a un porte-monnaie zébré. Dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein » (« Tu ne seras pas gay », 2015) de Marco Giacopuzzi, Sofiane, musulman homosexuel de vingt ans, possède une collection de chaussures avec semelle compensée zébrées. La reprise artistique des rayures du zèbre se veut humoristique et transgressive, puisqu’elle renvoie implicitement au sadomasochisme et au narcissisme. Mais en réalité, la mention du zèbre indique plus profondément un désir d’invisibilité, de disparition, de mensonge, bref, un désir de mort. « Le Zèbre était le propriétaire de la ‘boîte’ La Cravache. […] Au plafond, il avait tendu un plastique transparent. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 256)
c) L’amant-cheval au paddock ! :
Zèbre homosexuel, cheval homosexuel… La présence de ces deux animaux dans le mode de vie homo-érotique désigne renvoie plus trivialement/sentimentalement à la stimulation génitale (masturbation), au coït homo (notamment avec sodomie), à l’amour homosexuel (souvent compulsif et indomptable) ou bien à l’amant homo : cf. l’essai Deux hommes sur un cheval (2004) de Didier Godard. « De Brazzaville à Goussainville, l’homosexualité était devenue l’ombre de moi-même : Un véritable cheval de bataille, impliqué autoritairement dans ma vie de tous les jours. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 103) ; « Vous avez un diamant brut dans les mains et ça ne sert à rien de brusquer les choses, you know the drill, il suffit de tenir sur le cheval et lui montrer que vous lui faites confiance en serrant bien les jambes pour lui montrer que vous êtes bien en équilibre sur la selle et de là-haut vous voyez bien, au loin, vous regardez l’horizon et le cheval vous suit mais en fait c’est lui qui fait tout le travail. Ça vous revient naturellement, après toutes les chutes du passé quand le cheval s’emballe parce qu’il a peur ou qu’il veut vous tester mais là c’est pas la peine car il est sympa et il voulait une promenade lui aussi… » (cf. l’article « Moi vs le Roi des rois » de Didier Lestrade, publié en mai 2012, dans lequel Lestrade raconte sa rupture amoureuse avec son dernier « ex ».) Par exemple, dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne, Xavier, le témoin homosexuel dont il est fait le portrait, et qui est présenté comme un vrai « coureur », s’est fait un tatouage de cheval. Symbole inconscient d’un désir intérieur dispersé…
L’équitation peut tout à fait répondre à des sensations corporelles d’ordre homosexuel. Certains connaisseurs du monde équestre m’ont rapporté que des filles cavalières pouvaient être stimulées sexuellement par la sensation de chaleur que procure le cheval entre les jambes. Et de même pour les garçons : « En ce temps-là, Hippocrate [-420 ; – 370 av. J.-C.] défendait à ses malades l’équitation qui, selon lui, prédisposait à l’inversion, en raison des vibrations provoquées sur les organes sexuels. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 120)
d) La folle course passionnelle du cheval homosexuel :
Le cheval n’est pas un amant comme un autre. Il est cette idole narcissique avec laquelle certaines personnes homosexuelles vont fusionner pour le meilleur et parfois pour le pire… « La lutte contre les discriminations, c’est notre cheval de bataille. Mais vous me direz ‘Mais pourquoi une licorne ?’. Alors je n’en sais rien. Une idée du graphiste, c’est tout. » (le réalisateur Peter Gehardt commentant en voix-off le film d’animation final de son documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt) La figure imposante du cavalier ou bien l’esthétisme de la force fragile féminine de la cavalière (avec sa cravache de guerrière !) sont des archétypes de la fantasmagorie homosexuelle, une fantasmagorie en lien avec le désir esthétisé du viol. Moi-même, dans mon enfance et adolescence, je trouvais la figure de la cavalière fugitive particulièrement « sexy ». Il m’arrivait de l’imiter… même si je n’ai jamais pratiqué l’équitation. En revanche, je suis monté une fois à cheval, grâce à un lointain cousin de ma famille, qui tenait un centre équestre, et qui a fait son coming out quelques années après.
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