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Code n°163 – Sommeil (sous-code : Dormeur du Val)

Sommeil

Sommeil

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Il y a des sommeils qui sont beaux, parce qu’ils sont connectés au Réel, à la Vérité et à l’Amour. Et puis des sommeils cauchemardesques, parce qu’ils sont l’expression de nos désirs de fuir notre Humanité et le Réel.

 

Le sommeil fictionnel ou réel que vivent les personnes homosexuelles pratiquantes – qui, par leurs actes sexuels, excluent le socle du Réel qu’est la différence des sexes – est donc souvent tourmenté. Au départ, il prend l’apparence de la tendresse du câlin matinal. Puis peu à peu, il montre son véritable visage : l’ennui, l’infantilisation oppressante dans le « couple » homo, parfois même la mort ou le viol. La somnolence métaphorique qui les gagne témoigne de leur révolte inconsciente et impuissante face à un désir de viol (ou un viol réel) qui aurait dû les choquer mais qui les maintient encore dans la peur, la léthargie et l’inaction. Cet assoupissement dont certains auteurs parlent s’apparente à la mort poétique du Dormeur du Val d’Arthur Rimbaud : le corps respire et dort, mais le désir, la conscience et le vrai repos n’y sont plus.

 

Il arrive à beaucoup de personnes homosexuelles de dormir symboliquement les yeux ouverts, de se quitter elles-mêmes, de se trouver là sans être là, de s’absenter sur place. C’est ce sentiment qu’on éprouve dans les lieux de sociabilité homosexuelle tels que les locaux d’associations LGBTI, les bars, les discothèques, ou les soirées entre amis 100% gays. Les corps vivent mais les consciences sont comme anesthésiées, éteintes. Même si la fatigue prend des allures de fête, le feu ne se trouve plus dans les regards. Parce qu’on désire trop quitter le Réel et nos corps sexués.

 
 

 N.B. : Je vous renvoie aux codes « Femme allongée », « Regard féminin », « Planeur », « Mort », « Morts-vivants », « Aube », « Mère possessive », « Oubli et Amnésie », « Frankenstein », « Funambulisme et Somnambulisme », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Parodies de Mômes », « Drogues », « Voyage », « Vampirisme », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », à la partie « Fatigue » du code « Manège », à la partie « Momie » du code « Homme invisible », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le sommeil anesthésiant et idéalisé :

Film "L'Homme de sa vie" de Zabou Breitman

Film « L’Homme de sa vie » de Zabou Breitman


 

Il est beaucoup question du sommeil dans les œuvres homo-érotiques : cf. la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi, la pièce Le Songe d’une nuit d’été (1596) de William Shakespeare, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec le serpent pris d’insomnie), les sculptures Dessins d’insomnie (1994-1995) de Louise Bourgeois, le film « Bedfellows » (2010) de Pierre Stefanos, le roman L’autre sommeil (1931) de Julien Green, le film « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, le film « Daniel endormi » (1988) de Michel Baena, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, les chansons « Le Grand Sommeil » et « La Notte la Notte » (1984) d’Étienne Daho, l’opéra La Somnambule (1972) de Vincenzo Bellini, le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala (avec le sommeil de Maxime), la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec Pierre, le personnage narcoleptique et bisexuel), le film « Les belles manières » (1978) de Jean-Claude Guiguet (avec le héros neurasthénique), le film « Caballeros Insomnes » (« Les Chevaliers insomniaques », 2012) de Stefan Butzmühlen et Cristina Diz, le roman Lettres à un homme noir qui dort (2007) de David Dumortier, la nouvelle La Nuit est tombée sur mon pays (2015) de Vincent Cheikh, etc.

 

Ce n’est pas un hasard si, dans la fantasmagorie de l’homosexualité ou de l’asexualité, la figure de l’hermaphrodite (ou transgenre) est souvent représentée endormie. Par exemple, dans le film « Le Sang du Poète » (1930) de Jean Cocteau, l’hermaphrodite allongé sur un sofa est joué par le fameux travesti M to F Barbette. En sculpture, l’hermaphrodite est figuré par un personnage endormi : cf. je vous renvoie à l’Hermaphrodite endormi et à l’Hermaphrodite Borghèse, deux marbres romains exposés au Musée du Louvre à Paris.

 

Film "Orphée" de Jean Cocteau

Film « Orphée » de Jean Cocteau


 

Ce sommeil vécu par le héros homosexuel n’est pas tellement un sommeil réparateur ou un sommeil de repos. Il ressemble plutôt à une léthargie narcissique, à une rêverie éthérée, à un orgueil mégalomaniaque, à une indifférence : « Toi, tu dors toujours. » (Claude s’adressant à Philippe, dans le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron) ; « Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas dormi… » (Petra, l’héroïne lesbienne du film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Quinze jours après le Lutetia, huit jours après l’arrivée de ta mère, tu émerges d’une longue insomnie. » (Félix, l’un des héros homosexuels du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 169) ; « Loin de me perdre dans la vie des autres, je m’y nourris, je m’en nourris. J’y secoue mon sommeil de larve. » (Jean-Louis Bory, La Peau des Zèbres (1969), p. 35) ; « Je ne dors plus, professeur. Je reste éveillé nuit et jour. » (Freddie s’adressant au professeur Goldberg dans le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] s’endormit pour rêver que, par quelque étrange transposition, elle était Jésus. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 31) ; « C’est décidé, demain, j’arrête… de me réveiller. » (Benoît, le héros homosexuel de la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « À l’aube, il s’arrache au sommeil sans avoir l’impression d’avoir dormi. » (Jim Grimsley, Dream Boy (1995), p. 85) ; « Ça alors… qu’est-ce que je peux dormir ! » (Valentín, le héros qui est endormi et empoisonné par son compagnon de cellule homosexuel Molina, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig, p. 184) ; « Quand est-ce que les poissons dorment ? » (Hache, la petite sœur de Rachel l’héroïne lesbienne, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Mary, l’amante lesbienne de Stephen, est neurasthénique. Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, Micke, le héros homosexuel, fait des crises de narcolepsie. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, la chanson qui passe dans la boîte scande ces paroles : « Le dormeur doit se réveiller. » Dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose-Marie, Nathalie, l’une des personnages lesbiens, est insomniaque. Dans le film « Cibrâil » (2010) de Tor Iben, Cibrâil, le héros homosexuel, fait de drôles d’insomnies. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, on découvre qu’avant de mourir, Matthieu, le héros, avait des difficultés à s’endormir. Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Jean-Pierre, face à Catherine (l’héroïne lesbienne) endormie, dit qu’il fait de la narcolepsie. Dans son one-woman-show Chaton violents (2015), Océane Rose-Marie fait référence à « la copine insomniaque qui panique » de sa compagne.

 

Dans les créations artistiques homo-érotiques, le sommeil est souvent aussi le signe fictionnel de la schizophrénie : quand le héros dit que quelqu’un sommeille en lui (un être réel ou fictif), c’est qu’en général il annonce un dédoublement de personnalité peu bienveillant : « Pourtant sommeille en moi une princesse toute en délicatesse. » (Didier Bénureau dans le one-man-show Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « N’oubliez jamais ça : En chacun de nous sommeille une mémé comme moi. » (David Forgit, le travesti M to F dans la peau de l’acariâtre Mémé Huguette, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; « Dans toute femme, il y a une Ève malveillante qui sommeille. » (Rodin, le héros homo de la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8, « Une Famille pour Noël ») ; etc. Par exemple, dans la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust, le narrateur tombe amoureux de son jouet en bois, « Kiki », que lui avait offert son parrain décédé quand il était petit : « Vous savez, la nuit, je rêve encore de lui. »

 
 

b) Le sommeil comme un coming out ou comme un acte homosexuel :

Film "Billy's Hollywood Screen Kiss" de Tommy O'Haver

Film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » de Tommy O’Haver


 

Le sommeil peut être un indice d’homosexualité (= le désir mortifié). Par exemple, dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau se met dans la peau d’une mère qui homosexualise son jeune enfant et le gave de somnifères par l’empêcher d’avoir des contacts avec les femmes : « Jeanjean, il est gros, gros, qu’est-ce qu’il bouffe ! Et puis il dort ! […] Il lui faut ses 16h de sommeil ! ».

 

SOMMEIL Dessin

 

Le fait de dormir avec un homme du même sexe ou d’imaginer dormir avec est parfois vécu comme un coming out par le héros homosexuel. Par exemple, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Michel, le psychopathe homosexuel, ne veut surtout jamais dormir ni passer une nuit avec ses amants. Sinon, il les tue. À ses yeux, le sommeil équivaut à l’engagement social et identitaire homosexuel ; donc il ne veut pas l’assumer. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Céglia, c’est au réveil que Didier se rend compte qu’il est au lit avec un homme et qu’il vient de passer à l’acte homo : « J’suis hétéro. J’ai dérapé. J’allais pas bien. Il était là… » Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, c’est dans leur sommeil que Juna et Kanojo s’unissent corporellement.
 

Film "Tick Tock Lullaby" de Lisa Gornick

Film « Tick Tock Lullaby » de Lisa Gornick


 

Dans beaucoup de films traitant d’homosexualité, les amants homosexuels sont souvent filmés endormis : cf. le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford (avec Kenny, l’amant endormi), la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset (avec Jean-Louis, l’amant endormi), le film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider (avec André qui regarde amoureusement son amant Laurent dormir), le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, le film « Le Sable » (2005) de Mario Feroce, le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, le film « Paulo et son frère » (1997) de Jean-Philippe Labadie, la chanson « Mais… il dort » d’Ingrid, la chanson « Tu dors encore » d’Étienne Daho, la pièce A Vision Of Love Revealed In Sleep (1989) de Neil Bartlett, la photo Sense Of Space (2000) des frères Gao, le tableau Sieste (2005) de Jacques Sultana, la photo Sleeping Cupid (1989) de Robert Mapplethorpe, le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou, etc.

 

Film "El Cielo Dividido" de Julián Hernández

Film « El Cielo Dividido » de Julián Hernández


 

Le héros homosexuel voit son amant comme un rêve et il le regarde ensommeillé, comme son petit « bébé d’amour ». C’est pour lui une forme de « chasteté », d’humilité : il fait l’amour à distance, « par sommeil interposé » pourrait-on dire. L’amour est envisagé par le personnage homosexuel comme un assoupissement : « Malcolm s’était endormi […]. Adrien avait allumé une cigarette et il regardait son ami. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 50) ; « Tant de fois je l’ai regardée dormir… » (Cécile à propos de son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 143) ; « J’aimerais être là à vous regarder dormir. » (Marianne s’adressant à son amante Isabelle dans le concert d’Oshen – la Lesbienne invisible Océane Rose-Marie – à L’Européen à Paris le 6 juin 2011) ; « J’aurai eu le plaisir de t’avoir vu dormir. » (Nicolas Bacchus parlant de son « gisant vénitien » dans sa chanson « J’veux pas être jeune », lors de son concert Chansons bleues ou à poing, 2009) ; « Dors, dors, mon mort… dors, dors, oh, mi amor… » (le chant de Louise au Vrai Facteur dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Ton esclave endormi, tu peux pas l’oublier. » (c.f. la chanson « Antinoüs » d’Hervé Cristiani) ; « Dors, Doyler. Dors, mon amour. » (Jim dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Quand je te vois, j’ai l’impression que tu n’es pas réel. Que je suis dans un rêve. Comme si tu venais d’ailleurs ou que tu étais immortel ! […] Tu es comme j’aurais voulu être, mais comme je ne suis pas. T’es mon rêve ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pp. 141-142) ; « J’ai découvert une autre photo de toi, prise dans ton sommeil. […] Tu dormais, dans un grand lit défait. […] J’étais heureux de voir que tu dormais seul. » (Idem, p. 372) ; « Je m’assierai près du lit et je te regarderai dormir. » (Tommaso s’adressant par téléphone à son amant Marco, dans le film « Mine Vaganti », « Le Premier qui l’a dit » (2010) de Ferzan Ozpetek) ; « Es-tu un frère ? Es-tu un rêve ? À des milliers d’âmes anonymes. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; « Sans frapper je suis entré dans la chambre de Khalid. Il dormait profondément. Sur le ventre. […] J’ai fermé les yeux. J’ai rêvé. J’étais chez Khalid. Je dormais avec mes vêtements de jour dans son lit. Seul dans son lit. Puis avec lui. Mais, du plus loin de mon sommeil, c’est moi qui parlais cette fois-ci. ‘Non, non, ce n’est pas moi… Oui, oui, c’est moi… Moi… Sûr… Sûr…’. » (Omar, le héros homosexuel regardant son amant endormi, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 44) ; « Vous pouvez coucher dans le lit. Moi, je peux dormir assise. » (Mme Simpson dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Cette société m’était importune, elle ne devinait pas l’amour qui souffrait là dans l’ombre : je voulus dormir ! » (Arthur Rimbaud, Un Cœur sous la soutane (1870), p. 207) ; « Dors comme une enfant innocente. » (Ebba, au lit avec son amante la reine Christine, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; etc. Par exemple, dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, le bonheur « conjugal » homosexuel se réduit à un assoupissement cucul la praline : les amants se regardent tendrement faire la « grâce mat’ ». Dans le toute première scène du film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, on nous montre le « vieux couple » Ben/George en train de dormir dans sa chambre à coucher. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Marie, l’héroïne lesbienne, croit dans son sommeil qu’Aysla la baise et la dépucèle homosexuellement. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, les amantes lesbiennes Carol et Thérèse se regardent dormir l’une l’autre. C’est au moment où Thérèse voit sa compagne dormir qu’elle tombe amoureuse d’elle et la prend en photo. Dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont, les deux jeunes amants Léo et Rémi s’aiment surtout pendant qu’ils sont allongés et endormis.

 

Film "Westler" de Wieland Speck

Film « Westler » de Wieland Speck


 

La recherche d’amant(s) chez le héros homosexuel pratiquant équivaut non pas directement à la recherche d’un « plan cul » mais plutôt à celle d’un doudou. Ça passe mieux, à ses yeux ! (même si, dans les faits, le résultat est le même !) : « Je me demande s’il faut baiser avec quelqu’un pour dormir avec. » (Henri s’adressant à Franck, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie) ; « Nous passâmes le reste de la nuit blotties dans les bras l’une de l’autre, dormant à poings fermés. Des phrases entières du Kama Sutra défilaient sur l’écran de mes rêves. L’édition que j’avais lue était imprimée en petits caractères, il y avait en couverture une illustration d’un manuscrit ancien. Dans mes rêves, les phrases servaient de légendes à des photographies, les personnages étaient Linde, Rani, et un brahmin d’une caste supérieure sorti de je ne sais quel film. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 36) ; « J’étais toujours impressionnée par ce rêve que j’avais fait et qui se passait en Grèce, où des femmes ensemble s’adonnaient sans retenue à tous les excès. […] Je voulais ma nuit avec une femme, comme l’on veut sa naissance. Une nuit de noces, comme celle où je perdis ma virginité et décidai, pour cette occasion, de me choisir un nouveau prénom… Alexandra. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 56-57) ; « Je suis comme l’on est au désert. Rien de ce qui m’intéresse n’est là, et je n’ai plus le cœur de provoquer ces instants qui pourtant m’étaient tout. Hier, il faisait ce grand froid qui gèle tous les échanges. Aucune visite. Mes rêves seuls me tiennent encore compagnie. Ils sont peuplés de ces Grecques qui avaient à l’époque toutes les facilités pour vivre des relations maintenant interdites, et la nuit je participe à tout ce que mon imagination peut inventer. » (Idem, pp. 73-74) ; « Une nuit, alors que tout le monde dormait, je m’étais levée et, après avoir entrouvert le rideau qui isolait le lit de la surveillante du dortoir, je m’étais glissée sous ses draps. Dans un demi-sommeil, elle me laissa faire. Je me blottis contre elle et commençai des caresses qu’elle ne refusa pas. De son côté, ses mains faisaient de même. J’étais dans un état d’émotion qui ne se pouvait imaginer. Ses doigts se portaient déjà sur mon intime, mais, dès que sa main se posa sur mes seins, à peine plus gros que ceux d’un garçon, elle me dit d’une voix qui, bien qu’étouffée, n’appelait aucune réplique : ‘Non, va-t-en, je ne veux pas, tu es trop petite. » (Alexandra racontant comment, au pensionnat, elle est allée se glisser sous les draps d’une grande, op. cit., p. 225)

 

Par exemple, dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Xav, l’un des héros homosexuels, est obsédé par un « homme défiguré, avec une cicatrice » mais il ne semble pas se rendre compte que c’est un cauchemar : « Il a la gueule coupée en deux, comme dans mon rêve. Mais il est quand même beau. »

 
 

c) Le sommeil qui ressemble à un cauchemar, à un viol :

Film "Grande École" de Robert Salis

Film « Grande École » de Robert Salis


 

À la base de beaucoup d’œuvres homo-érotiques se retrouve le sentiment de l’équivalence de la vie et du rêve. Ressort de cette confusion une vision de la vie humaine souvent défaitiste, déterministe, désabusée. « Tout n’est qu’apparences. La vie est un grand rêve factice où je ne construis rien, où tout ce que je vois est fugitif. »

 

Comme le désir homosexuel s’éloigne de la différence des sexes, le rêve qu’il engendre est plutôt un cauchemar angoissant, un viol ou un fantasme de viol : cf. le film « Kemény Csajok Nem Álmodnak » (« Les Dures ne rêvent pas », 2011) de Zsofia Zsemberi, le film « J’ai pas sommeil » (1993) de Claire Denis (avec l’homosexuel psychopathe qui tue les vieilles dames), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, le roman Les Insomnies (1923) de Maurice Rostand, le film « Hubo Un Tiempo En Que Los Sueños Dieron Paso A Largas Noches De Insomnio » (1998) de Julián Hernández, le film « Pas de repos pour les braves » (2003) d’Alain Guiraudie, la chanson « Effets secondaires » de Mylène Farmer, le roman J’ai pas sommeil (2003) de Cédric Érard, le roman Memorias De Un Neurasténico (1911) d’Antonio de Hoyos, le tableau Les Griffes du dormeur (1995) de Michel Giliberti, le roman Le Sommeil du juste (2000) d’Emmanuel Ménard, le film « El Despertar » (1976) de Manuel Esteba, le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues, etc. Par exemple, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, Fabien se trouve plongé dans un « lourd sommeil » qui n’est « ni la mort ni la vie » (p. 302) : un état intermédiaire, celui des zombies. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel, l’un des héros homosexuels, raconte qu’il a rêvé de son « ex » (« J’ai fait un cauchemar avec Franz. ») : il lui donnait rendez-vous sur un quai de gare, mais ce dernier ne venait pas. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le héros homosexuel, depuis qu’il se remet à avoir des attirances homosexuelles, ne trouve plus le sommeil : « Je dors pas. Je fais des cauchemars. »

 

« Tout ce que je veux c’est dormir. » (William, le héros homo dépressif, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « C’est mon cauchemar qui continue ! » (Orphée dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) ; « Je lui ai fait avaler de l’éther mais je ne l’ai pas tuée. Mais non, je vous jure que je ne l’ai pas violée. Elle était déjà violée quand je suis arrivé. » (le détective parlant de « L. » au commissaire, Le Frigo (1983) de Copi) ; « Tu semblais paralysé par un puissant sommeil ; j’en profitai. Il s’était peut-être aussi réfugié là, cet amour que nous avions pourchassé en vain. » (le narrateur homosexuel dans la nouvelle « Un Jeune homme timide » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 45) ; « La nuit, je m’imaginais hypnotisé, épinglé dans ses collections, entre un papillon et une mygale. » (le narrateur homosexuel dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 14) ; « Nanou dit que je fais des cauchemars. Une fois, j’ai réveillé tout le monde tellement j’ai crié fort. Je me rappelle que c’était à cause d’une pluie d’oiseaux morts qui tombaient sur moi. » (le narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 14) ; « J’ai rêvé des mouettes de Hendon, cette nuit-là, de la pointe acérée de leur bec et de la souplesse de leurs griffes. De cette façon qu’elles ont de tourner la tête sur le côté et de vous regarder d’un œil unique, perçant et impénétrable. Un rêve digne de Tippi Hedren, lorsqu’elle s’enfuit, poursuivie par des hordes de mouettes, sauf que ces oiseaux-là ne faisaient rien, n’attaquaient pas, n’entraient pas par la cheminée ni ne cassaient les vitres. Ils regardaient seulement. » (Ronit, l’une des héroïnes lesbiennes du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 162) ; « La nuit de mardi, j’ai fait un rêve ; un de ces rêves aussi familiers que ma propre peau, mais que je n’avais pas fait depuis longtemps. J’ai rêvé que je me préparais pour le shabbat, mais que j’étais en retard, très en retard. » (idem, p. 221) ; « Dans d’autres rêves, elle se moquait de moi avec sa copine, pendant les cours de Gritchov. Je ne comprenais pas ce qu’il y avait de si comique dans ma tenue. » (Jason, le héros homosexuel décrivant Varia Andreïevskaïa dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 59) ; « J’avais rêvé que j’observais le viol de lady Philippa par les vitraux brisés de la chapelle. En même temps, j’étais lady Philippa moi-même, contemplant terrorisée mon propre visage dans l’ouverture en forme d’ogive, depuis la pierre tombale où je subissais ce terrible attentat. En revanche, mon agresseur lui-même n’était dans mon rêve qu’une masse sombre et sans visage. » (Bathilde, op. cit., p. 303) ; « Je n’aime pas ce mélange de rêve et de réalité, j’ai peur d’être encore amené à tuer comme dans mes précédents rêves. […] Je sais que même si je ne suis pas un criminel, mon emploi du temps de ces quatre derniers jours m’est complètement sorti de la tête, n’aurais-je pas pendant cette période tué pour de bon ? Est-ce que Marielle ne courra pas un danger restant seule avec moi ? Non, voyons, je suis la personne la plus pacifique du monde. Les gens violents dans leurs rêves sont dans la réalité incapables de tuer une mouche. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 134) ; « Je n’ai jamais aimé terriblement le réveil. » (George, le héros homosexuel du film « A Single Man » (2009) de Tom Ford) ; « À son réveil, – minuit, – la fenêtre était blanche. Devant le sommeil bleu des rideaux illunés, la vision la prit des candeurs du dimanche. Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez. » (Arthur Rimbaud, « Les Premières Communions », dans Poésies 1869-1872, p. 84) ; « Réveil tragique succède. Un sommeil sans rêve. La forme de son corps ne veut rien dire pour moi. Cherchez le garçon, trouvez son nom, cherchez le garçon. » (cf. la chanson « Cherchez le garçon » du groupe Taxi Girl) ; « Mathilde, lâche-moi, je sature. Laisse-moi dormir, je t’en prie. Laisse-moi dormir. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 71) ; « Maintenant, je vais dormir. Dormir. » (John, le héros homo, s’adressant une dernière fois par écrit à Rupert juste avant de mourir d’une overdose, dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; « À vrai dire, je crois que je ne dors jamais. […] En fait, depuis le moment où j’ai été déchiqueté avec mes camarades, je ne me suis jamais vraiment senti réveillé. » (Garnet Montrose, le héros homosexuel du roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 132) ; « On était au bord d’un lac. On regardait un coucher de soleil. Soudain, tout s’est écroulé. On s’est endormis. Et ils nous ont trouvés. » (Graham en parlant de son amour impossible d’adolescence avec Manadj, dans le film « Indian Palace » (2011) de John Madden) ; « Tom fait des cauchemars. » (Peter s’adressant à son amant Tom à la troisième personne, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, c’est au moment où Henri se voit offrir par le Dr Bosman sa première coucherie avec Jean (« Regarde-le comme il dort. Tache de ne pas le réveiller. Vas-y, prends-le. Je te le donne. Et surtout, ne le réveille pas. Il a tant besoin de sommeil. ») et où il le voit endormi (Bosman a administré des somnifères à Jean, qui reste inanimé) qu’il l’étrangle puis pleure sur son cadavre. Dans la pièce La Muerte De Mikel (1984) d’Imanol Uribe, Mikel, le héros homosexuel, mord le clitoris de Begoña pendant son sommeil. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, est rentrée en homosexualité comme en sommeil : « Il faut être naturellement somnolent. » lui conseille son amant mexicain Palomino avant de le sodomiser. Eisenstein dit que c’est de la faute de Palomino s’il a pris goût à la pratique de l’homosexualité : « Cañedo m’a initié à la sieste. [mexicaine] » Mary Sinclair, la bourgeoise, s’étonne de son endormissement : « Il est 10h du matin… et vous êtes encore en pyjama ? » En off, à sa secrétaire russe Pera, Eisenstein lance un appel au secours : « Délivre-moi des hommes qui s’endorment dans mon lit. » Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Elio est frustré parce qu’Oliver, son amant, est souvent endormi, donc inaccessible. D’ailleurs, la première image qu’il a de lui, c’est celle d’un homme écrasé de fatigue, et s’affale sur son lit sans lui parler.

 

Dans les fictions homosexuelles, les viols ont parfois lieu pendant le sommeil des personnages : cf. les chansons « Pourvu qu’elles soient douces » et « L’Annonciation » de Mylène Farmer, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le film « Viridiana » (1961) de Luis Buñuel, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, etc.).

 

Le sommeil est lié aussi au vol. Par exemple, dans le film « La Manière forte » (2003) de Ronan Burke, un couple de femmes lesbiennes – en quête de sperme pour avoir un bébé – ausculte le corps d’Adam plongé dans un semi sommeil tourmenté, en enfilant les gants pour le pomper comme une vache. L’une d’elle, au moment où Adam commence à se réveiller, parle de lui comme d’un objet : « Nom d’un chien. C’est normal que ça soit aussi éveillé ? »

 

Chez le héros homosexuel, l’obsession réitérée de « ne pas dormir seul » a tout l’air d’une réminiscence de sexualité régressive (souvent puérile et incestuelle) : « Le huitième jour, une odeur de vanille fait surgir l’image de ta mère. Lorsque l’effluve s’agrémente d’un soupçon de bois de rose, l’image prend du relief. Statufié dans ton sommeil, tu jurerais qu’elle te fait face, que ses boucles noires titillent tes joues comme des plumes. » (Félix, le narrateur homosexuel du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 167) ; etc. Par exemple, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, Max cauchemarde que la mère de Fred, son copain, l’agresse en cuir. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz, l’un des héros homosexuels, rêve à deux reprises qu’il se fait violer par son beau-père qui pénètre dans son lit : « Puis il est venu dans mon lit. J’avais l’impression de devenir de plus en plus petit. Comme une fille. Puis il est rentré en moi. ». Son amant Leopold tente de renouveler l’exploit, cette fois en y rajoutant la séduction d’une pratique amoureuse « équitable » : « Déshabille-toi et j’arriverai. Comme l’homme du rêve. » Mais cela ne retire en rien l’incestuosité et le déséquilibre de leur rapport. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, s’imagine en amant miniature dormant sur le gazon végétal puis le torse velu de son père fantasmé : il semble se rappeler d’un souvenir d’enfance quand il avait 2 ans (« Je m’endormais sur son torse. Il était hyper poilu. »).

 
 

d) Le sommeil comme une mort : le Dormeur du Val homosexuel

Tableau Le Dormeur du Val d'Olivier Bonnelarge

Tableau Le Dormeur du Val d’Olivier Bonnelarge


 

Menée à son terme, la violence du sommeil fictionnel homosexuel aboutit souvent à une issue plus tragique. Plus tranquille en apparences aussi. En effet, dans énormément de créations homo-érotiques, le sommeil s’apparente à la mort : cf. le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, le film « Puta De Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria, les films « Swimming Pool » (2002) et « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec la femme suicidée dans la baignoire), le film « Wild Side » (2004) de Sébastien Lifshitz, la pièce Récits morts. Un rêve égaré (1973) de Bernard-Marie Koltès, le film « Œdipe (N + 1) » (2003) d’Éric Rognard (où le sommeil est un coma créant le clonage), etc.

 

« Je peux rentrer en contact avec les personnes mortes, ou les personnes en sommeil paradoxal. » (Noémie dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Elle était petite de taille, sans âge et portait des habits noirs. Elle était sans doute une mendiante et elle avait hérité d’un certain pouvoir. Elle savait faire. Elle savait toucher. […] Elle était entrée en moi, dans mon esprit, mon âme lui appartenait, elle la regardait avec douceur, avec brutalité. […] Et enfin, de sa main droite, elle a bouché mes narines. Plus d’air. Le grand sommeil. Le noir paisible. […] La dame en noir a lâché mon nez et de sa bouche a soufflé sur moi. » (Omar, le héros homosexuel racontant comment il est visité par la Mort, dans le roman Une Mélancolie arabe (2008) d’Abdellah Taïa, pp. 93-94) ; « J’me rappelle. Il dormait tellement longtemps. » (une ancienne amie portugaise de Matthieu, dont elle ignore la mort, dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel) ; « Pierre, toujours immobile sombrait dans un sommeil immédiat, épais, dont je me demandais, avec une âpreté qui certaines nuit ressemblait à la haine s’il était feint, j’épiais passionnément la régularité du souffle. […] J’examine tous les gestes qui ont précédés ce sommeil froid, je recherche à provoquer l’attention du dormeur. […] Je – il dort. » (Jean-Louis Bory, La Peau des Zèbres (1969), p. 278) ; « Le masque étroit aux joues hâves avait cet air indéfinissable qui apparente les dormeurs aux morts. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 306) ; « Le cadavre de Karim [un des héros homos] ressemblait davantage à un corps endormi et sans l’expression hébétée du visage, il aurait paru dormir pour de bon. » (Jean-Paul Tapie, Dix Petits Phoques (2003), pp. 73-74) ; « Je vois ses yeux fermés et la quiétude qui transparaît sur son visage. Il ne bouge plus. Est-il mort ? » (Thibaut de Saint Pol, Pavillon noir (2007), p. 99) ; « L’homme était mort ou dormait profondément. […] J’avais peur de le réveiller, c’est donc que j’y croyais encore, à sa vie. À la réflexion, c’est à partir de là que les choses ont commencé à se compliquer pour moi. » (Ashe, l’un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 16) ; « J’ai comme une envie de voir ma vie au lit. » (cf. la chanson « Je t’aime Mélancolie » de Mylène Farmer) ; « Chaque jour, même parcours, ne rien faire, attendre et voir. Errer dans les limbes de mon âme qui boîte. Rester dans ma chambre, me bercer dans le ouate. Dormir, me blottir contre mes idées noires. » (cf. la chanson « Je baille » du Beau Claude) ; « Quand on meurt, j’aimerais savoir ce qu’on ressent. On croit qu’on s’endort ? » (Jacques s’adressant à Enoch, dans le film « Friendly Persuasion », « La Loi du Seigneur » (1956) de William Wyler) ; etc.

 

Par exemple, dans le téléfilm « Prayers For Bobby » (« Bobby, seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy, Bobby, le héros homosexuel, juste avant de se suicider, déclare : « Je voudrai ramper sous une pierre et dormir pour toujours. » Dans l’univers de Mylène Farmer, le sommeil ressemble à la mort (cf. les vidéo-clips des chansons « Dégénération » et « Tristana », le sarcophage du concert Avant que l’ombre de 2006 à Bercy, etc..). Dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, Elton John semble dormir dans son sommeil… alors qu’il est mort. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel, après une chute en tire-fesses dans la montagne autrichienne, est retrouvé inanimé dans la boue par le groupe d’enfants de colonie de vacances d’Andreas, qui le croient mort ou endormi ; il est soigné par le bel Andreas.

 

Dans les fictions homosexuelles, la résurgence d’un homme dont on ignore s’il est endormi ou assassiné/mort n’est pas sans rappeler la fameuse figure poétique du Dormeur du Val (1870) d’Arthur Rimbaud. On retrouve le Dormeur du Val par exemple dans les vidéo-clips des chansons « C’est une belle journée » et « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer, dans la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo, dans le vidéo-clip de la chanson « Le Lac » d’Indochine, dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, dans le film « Amnesia – The James Brighton Enigma » (« Amnésie, l’énigme James Brighton », 2005) de Denis Langlois, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau (avec le suicide du guerrier anglais), dans le roman Le Corps du soldat (1993) d’Hugo Marsan, dans le spectacle musical Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro, dans le film « Pour un soldat perdu » (1992) de Roeland Kerbosch, dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec le personnage de Michel), dans le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume, etc. Par exemple, dans le film « Notre Paradis » (2010) de Gaël Morel, Vassili rencontre Angelo inanimé dans le Bois de Boulogne. Dans le film « Le Naufragé » (2012) de Pierre Folliot, la mère d’Adrien, le héros homosexuel, par une hallucination, croit voir en vrai son fils mort dans sa baignoire. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, on voit un homme proustien endormi sur un banc public. Et plus tard, Louis, le fils de Jacques (le héros homo), récite à Arthur, l’amant de Jacques, le « Dormeur du Val » qu’il a appris à l’école.

 

Film "Pour un soldat perdu" de Roeland Kerbosch

Film « Pour un soldat perdu » de Roeland Kerbosch


 

« Je suis resté longtemps à le regarder avant de réaliser. Il n’était pas endormi. Il était mort. […] Une fois de plus je m’étais enfui de chez moi. Je descendais la rivière pour y remplir ma gourde et il y avait un soldat prussien, pas beaucoup plus âgé que moi, qui dormait dans la clairière. Je suis resté longtemps à le regarder avant de réaliser. Il n’était pas endormi. Il était mort. Et c’est là que tout à coup les choses sont devenues claires pour moi. J’ai compris que si je voulais être le plus grand poète de ce siècle, je devais faire l’expérience de toute chose avec mon corps. Je ne pouvais plus me contenter d’être une seule personne. Je décidai d’être toutes les autres. J’ai décidé d’être un génie. J’ai décidé d’inventer le futur. » (Rimbaud dans le film « Rimbaud Verlaine » (1995) d’Agnieszka Holland) ; « C’est comme dans l’enfance : j’ai déniché une nouvelle cachette. […] La terre me pèse un peu, bien sûr, mais j’aime l’idée de ne plus faire qu’un avec elle, de me fondre en elle, d’être envahi par elle, de m’en retourner en elle. […] Rimbaud avait raison, mais de cela je n’ai jamais douté. » (Luca, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 61) ; « La guerre est là. Elle a ton visage, Arthur. » (Vincent s’adressant à son amant dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 35) ; « Au matin, tu es recroquevillé dans les draps. Je songe que c’est dans cette position-là que les soldats s’endorment et se réveillent dans les tranchées. […] Je n’ose pas t’arracher au sommeil, au repos. » (Idem, p. 42) ; « Alexis Guérande est mort. Alexis Guérande est mort, ce matin, à côté de moi. Il est mort, frappé à la tête par une balle de hasard, dans un moment de répit, dans un moment où les combats avaient cessé et où notre attention s’était relâchée. Juste une balle qui s’est logée dans sa tempe gauche, rien d’autre, quelque chose de très net, comme un éclat de diamant pur qui forme tout à coup un trou rouge au bout de ses sourcils. La mort a été instantanée. » (Arthur parlant d’un compagnon de tranchée, un poète breton de 20 ans, op. cit., p. 175) ; « Il m’entraîne dans le métro, sans mot, c’est long, puis dans les labyrinthes du Louvre, sur une petite prairie isolée par une barrière de buissons aux branchages nus, l’herbe gelée crisse sous nos pas. Il enlève ses deux gros gants, son écharpe, son bonnet, son manteau, son pull, son tshirt, il ordonne ‘Fais pareil’. Quand il a fini, dans son petit slip made in India, il s’allonge dans l’herbe, sur le dos. Je le rejoins, transis de froid. Il se tourne et murmure doucement en grelottant ‘Maintenant respire, fort, à fond, le plus possible, sens les odeurs, ferme les yeux, le froid ça va passer quand tu auras oublié où tu es. On est bien là, non ?’ Je chuchote un ‘oui’ à peine audible, mais j’ai envie qu’il me prenne dans ses bras. Il ne le fait pas. Petit à petit, il tremble moins. Je le regarde. Il est apaisé et étrangement calme. Je l’aurais cru mort si son ventre ne se levait pas à intervalle régulier. Je le trouve beau, jeune, fort. Après un moment, il se rhabille, je l’imite. Je lui demande son prénom, il répond ‘H.’ et j’ajoute ‘Tu vois, ce qui est important, c’est de vivre chaque instant. Peu importe quoi, peu importe avec qui.’ Puis il dit ‘Adieu’ et il s’en va sans se retourner. Je hurle le plus fort possible ‘Connard, gros connard, sale pédé de merde, va crever.’ » (Mike, le narrateur homosexuel en parlant de « H. », un amant qu’il rencontre à la gare du Nord, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 61) ; « Dans le combat, il y avait un compagnon que j’aimais. » (Didier Bénureau en parlant de Morales, un camarade soldat de 20 ans, dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Allongé le corps est mort. Pour des milliers c’est un homme qui dort… » (cf. la chanson « C’est une belle journée » de Mylène Farmer) ; etc.

 

Vidéo-clip de la chanson "Pourvu qu'elles soient douces" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le sommeil anesthésiant et idéalisé :

Publicité des matelas Matelsom

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Évidemment, une fois ramené au monde réel, le sommeil, en lien avec l’homosexualité, n’est pas à prendre dans son sens littéral (les personnes homosexuelles dorment comme tout le monde, et pas plus ou moins que tout être humain), mais bien dans son sens symbolique (un sens qui n’en reste pas moins connecté au Réel… c’est-à-dire de « manque de désir et de joie »).

 

Au départ, cette sacralisation homosexuelle pour le sommeil passerait presque inaperçue ou pour un caractère rigolo et positif. En effet, certaines personnes homosexuelles vivent dans un état de sommeil durable, ou bien sacralise l’endormissement et les rêves : par exemple, René Crevel est décrit par Michel Leiris comme un « dormeur enfoui dans une chrysalide protectrice » (Michel Larivière, Dictionnaire des Homosexuels et Bisexuels célèbres, 1997). Jean Genet vit dans un état de « rêve éveillé » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet (1952), p. 73).

 

« Soyons à l’image de nos rêves ! » (Pascale Ourbih, homme transsexuel M to F, dans l’éditorial de la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, le 7-16 octobre 2011) ; « Ce n’est pas le sommeil de la raison qui engendre des monstres, mais plutôt la rationalité vigilante et insomniaque. » (Michel Foucault dans sa « Préface » pour l’essai L’Anti-Œdipe (1973) de Gilles Deleuze et Félix Guattari, p. 133) ; « Nulle conscience plus lucide que celle des Endormis. » (Michel Foucault, Dits et Écrits I (1954-1988), p. 290) ; « Il y a un état de somnolence qui n’est pas le sommeil. Une sorte de vérité qui sort de nous et qui n’est pas le rêve ni la rêverie. » (Jean Cocteau cité dans le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky) ; « Ma première émotion artistique, je la dois à la radio. Je me souviens très précisément des soirs où, de mon lit, j’entendais le poste dans la salle à manger : Rina Ketty, Maurice Chevalier, Tino Rossi, Mistinguett chantaient et j’étais fasciné par ces voix lointaines qui berçaient mon imagination et m’endormaient dans un sommeil de fête. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des Singes (2000), p. 23) ; etc.

 

Je vous renvoie à la Salle des Dormeurs de la Villa Sospir décorée par Jean Cocteau. Lors de son concert à Rueil en 2008, Étienne Daho choisit pour décor un disque vinyle en spirale sur sa chanson « Le Grand Sommeil », comme pour figurer l’hypnose ou le lavage de cerveau par la musique.

 
 

b) Le sommeil comme un coming out ou comme un acte homosexuel :

Film "Sommerstur" de Marco Kreuzpaintner

Film « Sommerstur » de Marco Kreuzpaintner


 

Le sommeil apparaît bizarrement l’indicateur d’une identité homosexuelle. Par exemple, le fait de dormir avec un homme du même sexe ou d’imaginer dormir avec est vécu comme un coming out par certaines personnes homosexuelles. « Je viens juste de me rappeler à quel point Tennessee Williams [surnommé « L’Oiseau »] détestait coucher avec d’autres auteurs, ou avec des intellectuels tout court. ‘Je trouve très dérangeant de penser que la tête posée sur l’oreiller à côté de vous puisse penser, aussi’, dit l’Oiseau. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 350)

 

Ce sommeil, beaucoup d’individus homosexuels se convainquent qu’il est aussi grisant et léger que l’Amour vrai. Dans leurs discours, le bonheur conjugal est envisagé uniquement comme un endormissement, une défaillance, une démission de la volonté (cf. je vous renvoie au dessin Jeannot endormi (1939) de Jean Cocteau, à propos de Jean Marais). Selon eux, le « must » du moment d’amour serait le réveil-matin où les amants sont cloués au lit et se regardent tendrement l’un l’autre émerger du sommeil en se faisant des mamours. Par exemple, quand j’ai rencontré l’écrivain Alexandre Delmar à la Librairie Bluebook le 15 juin 2007, je lui ai demandé quel était selon lui le plus beau moment de l’amour : il m’a répondu d’emblée que c’était le matin, quand son compagnon du moment et lui comatent au lit (c’est hyper profond comme discours…). Le bonheur comme une anesthésie éphémère et silencieuse, un bien-être ponctuel, sous une couette bobo…

 

Film "Week-End" d'Andrew Haigh

Film « Week-End » d’Andrew Haigh


 

La recherche d’amant(s) chez l’individu homosexuel pratiquant équivaut non pas directement à la recherche d’un « plan cul » mais plutôt à celle d’un doudou avec lequel il fait un beau rêve (même si, dans les faits, le résultat est le même !). « Il s’immobilisa, interloqué devant cette nudité inattendue. ‘C’est un rêve. C’est un ange descendu sur terre’, soupira le vieux couturier. » (Jacques face à son modèle et amant de 16 ans, Pedro, le jeune cadet de 16 ans, dans l’essai Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 261) ; « Vous avez un homme qui dort profondément à vos côtés, vous êtes collé à lui, non en fait c’est lui qui s’est collé contre votre ventre et vous le protégez pendant son sommeil autant que lui vous protège – c’est juste qu’il ne le sait pas. Ah, je parle ENCORE du fait de dormir avec son amoureux. » (cf. l’article « Moi vs le Roi des rois » de Didier Lestrade, publié en mai 2012) ; « Dors comme une enfant innocente. » (Ebba, au lit avec son amante la reine Christine, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; etc.

 
 

c) Le sommeil qui ressemble à un cauchemar, à un viol :

Le désir homosexuel, de par son éloignement du « roc » de la Réalité qu’est la différence des sexes, fonctionne exactement comme le rêve. Les rêves ignorent la notion du temps, et un peu beaucoup la notion du Réel. Ils sont irrationnels, même s’ils se basent sur un substrat de réalité et qu’ils ont leur logique. Tout s’y passe au présent. Ils sont la scène de notre puissance émotionnelle, une puissance souvent incontrôlable car nous sommes en faiblesse et peu libres quand nous sommes à l’état d’ensommeillement. Ce n’est pas un hasard si les surréalistes – pour beaucoup homosexuels – ont raconté et dépeint des rêves qui virent aux cauchemars dans leurs créations artistiques : l’onirisme surréaliste flirte avec la violence. L’homosexualité aussi.

 

« Le temps nous enveloppa dans un tourbillon difficile à définir, celui de la léthargie du bonheur. J’avais fini par me dévoiler comme une fleur qui étale ses pétales en plein soleil. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du père Basile, son violeur pédophile, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 34) ; « J’attendais. Mieux que ça, je rêvais. Un rêve comme celui du Bon Dieu qui couche avec Satan. » (Idem, p. 72) ; « Je vis dans ce monde-ci comme un être hypnotisé que tente de revenir à l’état de vigile et à la pleine conscience ; j’ai cédé au prestige d’une pure illusion et, à l’heure actuelle, mon réveil est difficile et douloureux. » (Julien Green cité sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) ; « J’avais encore du mal à croire que tout cela était bien réel. J’avais plus l’impression de l’avoir vécu lors d’un de ces rêves éveillés. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 145) ; etc.

 

Les nuits sans sommeil sont connues par beaucoup de personnes homosexuelles qui fréquentent – sans l’assumer – les lieux de sociabilité gays et lesbiens (bars, boîtes, chat internet, etc.). Elles dorment sans dormir… et mettent ainsi un pied dans l’irréalité et la violence des fantasmes, des paradis artificiels. « Devant le petit miroir de sa loge, après avoir rasé, une fois de plus, son visage déjà ravagé par les nuits sans sommeil et les fards trop lourds, Claude se coiffe. » (Jean-Louis Chardans décrivant un homme travesti M to F, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 36)

 

Chez les personnes homosexuelles pratiquantes, l’obsession réitérée de « ne pas dormir seules » a tout l’air d’une réminiscence de sexualité régressive (souvent puérile et incestuelle) : « Ma mère et moi étions très proches quand j’étais très jeune : ce qu’on dit des petits garçons, la proximité qu’ils peuvent avoir avec leur mère – cela avant que la honte creuse la distance entre elle et moi. Quand la nuit tombait, une peur inexplicable s’emparait de moi. Je ne voulais pas dormir seul. Je n’étais pourtant pas seul dans ma chambre, je la partageais avec mon frère et ma sœur. » (Eddy Bellegueule, En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 78-79) ; « En me rendant devant la chambre de mes parents ces nuits où, tétanisé par la peur, je ne trouvais pas le sommeil, j’entendais leur respiration de plus en plus précipitée à travers la porte, les cris étouffés, leur souffle audible à cause des cloisons trop peu épaisses. » (idem, pp. 81-82) ; etc.

 
 

d) Le sommeil comme une mort : les Dormeurs du Val homosexuels

SOMMEIL Regard braise

 

On retrouve parfois la figure de l’homme endormi qu’on croit mort ou qui joue au mort dans la vie concrète de la communauté homosexuelle (les nuits courtes, enfumées ; les attitudes de mollesse de personnes qui semblent shootées ; etc.).

 

Je vous renvoie aux fameux Die-in mis en scène par certains militants homosexuels (comme par exemple celui du Boulevard Henri IV de la Gay Pride parisienne de 1999), qui se couchent par terre en simulant que leur sommeil est mortel. Ces Die-in figurent en général le Sida et l’homophobie.

 

Rien d’étonnant non plus que les promoteurs du « mariage pour tous » soient les mêmes qui défendent maintenant le droit à l’euthanasie, en considérant le sommeil comme une mort.

 

Pierre et Gilles

Album Resérection d’Étienne Daho


 

Certaines célébrités homosexuelles ont également célébré la figure poétique du Dormeur du Val homosexuel : Philippe Besson, Pierre et Gilles, Mylène Farmer, Jean Cocteau, Étienne Daho, etc. Je vous renvoie à la photo par Claude Cahun de Natalia Kovenko dans La Dame masquée en 1924. Inutile de rappeler que le créateur du Dormeur du Val (octobre 1870), Arthur Rimbaud, était un homme bisexuel. Ce soldat prussien, tout fictionnel qu’il soit, peut renvoyer à un épisode réel : par exemple, pendant la Seconde Guerre mondiale, Claude-Michel Cluny a eu une aventure avec un soldat allemand quand il n’avait que 14 ans.

 

Parfois, certains sujets homosexuels jouent les Dormeurs du Val pour tromper leur monde, par réel ennui de ce qu’ils vivent en amour (ils cultivent savamment leur nonchalance en esthétisme), ou pour draguer (exactement comme les voix-off bobos endormies et caressantes de François Zabaleta) : « L’été, c’est dans les parcs que je me promène. Je connais les bons endroits. Je m’étends dans l’herbe, à l’écart. […] Quand un gars s’approche et me plaît, je le laisse faire. » (Bruno, un garçon bisexuel de 25 ans, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 205)

 
 

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