Jusque-là, nous avons très peu communiqué, le père Cédric Burgun (prêtre du diocèse de Metz), Maria Hildingsson (secrétaire général de la FAFCE à Bruxelles) et moi-même, sur notre Mission – sur la famille et le mariage – en Côte d’Ivoire (du 16 au 22 juin 2014). Parce que c’était trop grand d’un coup à raconter : il fallait digérer. Parce que rien ne sert de faire goûter ce qui est juste semé. Mais à présent, je veux bien vous en toucher deux mots. Car ce qui n’est pas donné est perdu. Ce n’est pas possible de garder pour soi tant de cadeaux et de ne pas les partager !
Le sujet de l’homosexualité a été une clé, et je pense, l’un des détonateurs, pour faire comprendre la singularité, l’enjeu et l’urgence de notre visite. La Côte d’Ivoire est mine de rien un pays très concerné par l’homosexualité (et tout ce qu’elle illustre : infidélité, libertinage, divorces, éclatement des familles, société matérialiste, libéralisation des moeurs, sorcellerie, sécularisation, perte de la foi, etc.), et déjà particulièrement pressionné pour accepter les conditions idéologiques pro-gays et pro-Gender des « aides au développement » que leur imposent les pays occidentaux (et quand ce n’est pas l’agenda politique international qui accule la Côte d’Ivoire à justifier l’homosexualité, ce sont Internet ou la télé qui s’en chargent : personnellement, j’ai halluciné de voir que dans un pays où 50% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté, on voit des pubs sur la « 4G » partout ; et la chaîne Canal + est omnipotente là-bas).
Le terme « homosexualité », tellement entouré de mystère, d’incompréhension, de peur et de violence, devient un mot magique une fois qu’il est vécu et expliqué en Jésus, sans être justifié idéologiquement (= identitairement et sentimentalement) : il suscite curiosité, intérêt pour les réalités de notre temps, et même un torrent de Charité et de Miséricorde. Il a permis aux oreilles des Ivoiriens de s’ouvrir sur la beauté de la différence des sexes, du message de l’Église sur les couples, sur l’enjeu de l’implication politique de la Côte d’Ivoire dans l’échiquier international. Bref, il a été source d’une grande libération. Le père Cédric peut en attester avec les fardeaux très lourds qu’il a reçus en confession là-bas ! Maria peut également confirmer la force des échanges privés qu’elle a eus avec les intellectuels ivoiriens. Et la réaction d’enthousiasme des nombreux curés de paroisses à Abidjan qui se sont disputés nos interventions sur la fin parle d’elle-même !
De mon côté, une de mes plus belles victoires de ce voyage, c’est qu’au moins 4 personnes sont venues me dirent en privé qu’avant de m’avoir entendu, elles « détestaient vraiment les homosexuels » et que j’avais réussi l’exploit de casser en deux leur hache de guerre intérieure (certaines m’ont même serré dans leurs bras, en dévoilant leur joie de comprendre enfin la Bonne Nouvelle du message de l’Église sur l’homosexualité : une sorte d’Eurêka génial ! Et dire que sur Twitter, certaines mauvaises langues homosexuelles prédisaient que j’allais étendre ma propre homophobie au continent africain… Elles n’ont rien compris.)
Un Français habitant en Côte d’Ivoire m’a fait cet étonnant remerciement à l’issue de la semaine : « Maria, Cédric et moi, vous avez réussi à faire en une semaine en Côte d’Ivoire ce que la Manif Pour Tous n’a pas réussi à faire en deux ans en France. » Et aux vues du succès et de l’impact de cette Mission, aux vues des dossiers que nous portions (la politique et le droit international avec Maria ; l’Église avec le père Cédric ; l’homosexualité avec moi), je ne peux que lui donner raison. Effectivement, en France, personne n’a osé s’avancer sur le terrain du politique (ce n’est venu timidement – et de manière éclatée en plus – qu’après mai 2013). En France, l’Église catholique ne s’est quasiment pas prononcée sur la question du « mariage pour tous ». Et enfin, en France, personne n’a osé parlé d’homosexualité et n’a remis en cause la pratique homosexuelle ni, par conséquent le PaCS, et encore moins le « mariage pour tous ». On va voir ce que notre Mission va donner en Côte d’Ivoire. Mais ce qui est sûr, c’est qu’Elle a « gâté le coing » (comme on dit en ivoirien = synonyme de « cartonner »), a fait jaser, a préparé un barrage solide, qui au pire ne permettra pas à des lois comme le « mariage pour tous » de passer en douce et sous le manteau dans ce pays.
Au final, la Côte d’Ivoire nous a donné une force nouvelle. La force de la foi et de la ferveur simple pour Jésus et son Église (d’ailleurs, passer des 6 messes dominicales de 500 personnes chacune, avec des chants sublimes, à nos messes françaises en peau de chagrin, c’est un peu hard…). Certes, le contraste entre l’engouement africain pour Dieu et la violence de certaines pratiques – intimes, sexuelles, familiales, sociales, politiques – « frôle la schizophrénie », comme me l’a commenté avec raison un ami français qui a contracté le virus de l’Afrique. Mais ce qui reste de la Côte d’Ivoire, c’est surtout la beauté de cet abandon irréfléchi du Peuple ivoirien dans les bras de Jésus et de Marie. Les Africains mettent moins de barrières entre eux et l’Église. Ils nous aident à avoir la simplicité des Enfants de Dieu.
Le père Cédric, Maria et moi sommes revenus de ce voyage avec l’impression que nous n’avons pas seulement été compris, mais que nous avons été aussi enseignés. Par exemple, un jour, une femme ivoirienne m’a dit que mon appel pressant à ne pas parler de l’homosexualité avec des arguments religieux, et donc à respecter l’effacement de Jésus quand Il guérit les Hommes, lui avait fait penser au « Va, ta foi t’a sauvé » de la Bible. En effet, Jésus ne dit pas « Je t’ai guéri et je suis Jésus, le Super Guérisseur. ». Il va jusqu’à attribuer à la foi de ceux qu’il guérit le mérite de Sa propre action. « C’est ta foi en moi qui t’a sauvé. » J’ai trouvé cette remarque tellement juste ! J’en aurais pleuré car elle était l’écho parfait à ma modeste remarque, encore plus profond que ce que j’avais dit, même. Cette femme m’a décrit son désir d’aller à la rencontre des personnes homosexuelles, dans des lieux de débauche, et d’être cette présence silencieuse et aimante auprès d’elles. Il y a de grands prophètes et évangélisateurs en Côte d’Ivoire.
Non seulement le Peuple ivoirien et le Peuple français sont sur la même longueur d’ondes (miracle permis dans/par la foi), mais parfois même le Peuple ivoirien a une longueur d’avance. Quand nous avons vu, nous pauvres visiteurs français, comment nos hôtes ivoiriens (une équipe d’une douzaine de personnes au départ) se sont donnés sans compter, ont parfois séché leurs heures de bureau pour rester auprès de nous, ont cassé leur rythme de travail, ont sacrifié pendant une semaine leur santé et leur salaire, ont gardé le sourire et leur inconditionnel humour pour tout donner à cette Mission malgré leur grande fatigue (je me rappellerai longtemps des interminables parties de rigolade et d’échanges lors des « débrief » nocturnes dans les maquis et autres troquets ivoiriens à l’air libre), nous avons compris avec force et enthousiasme que Jésus nous donnait de véritables frères partout sur Terre !
Dernière image forte que je garde de ce premier (et trop court !) voyage en Terre d’Afrique : ce tableau surréaliste que j’ai vu le dernier jour de notre séjour en descendant de voiture pour rejoindre le père Cédric et Maria dans une paroisse d’Abidjan qui avait programmé pendant la messe dominicale de la Fête-Dieu une immense procession du Saint Sacrement dans les rues d’un quartier populaire de la capitale. La scène était très émouvante (ça faisait un peu remake inattendu du film « Mission » avec Jeremy Irons, mais en plus vrai) : j’ai aperçu le père Cédric – qui ne m’a pas vu –, seul Blanc fondu dans une marée noire christique. Il défilait tout près de l’ostensoir où reposait le Corpus Cristi, entouré d’un groupe de prêtres en habit, de fumées d’encens, et porté par une multitude innombrable de Noirs chantant dans la joie et les percussions de fanfare le nom de Jésus. Sans le faire exprès (car je crois qu’il ne s’attendait absolument pas à être embarqué dans une solennité aussi imposante), le père Cédric était l’incarnation vivante du « Missionnaire » humble et serviteur. Et sa présence incongrue et pourtant totalement naturelle dans ce paysage humain étranger, le signe de la réussite de notre Mission, du métissage de nos deux pays.
Je me suis engouffré dans cette foule presque 100% ivoirienne, en retrouvant sans difficulté Maria (une blonde suédoise au milieu de Noirs, c’est le « Où est Charlie ? » le plus facile qu’il m’a été donné de résoudre dans ma vie !). Cette procession d’une simplicité et d’une beauté absolues était non seulement l’anti-circuit touristique par excellence, mais a été ce grand cadeau inespéré du Seigneur qui nous a fait réaliser que notre voyage était en réalité un pèlerinage.